Vous êtes sur la page 1sur 8

30/11/2023 11:57 Y a-t-il une place pour la philosophie dans une société qui accorde toute sa confiance à la raison

a raison scientifique et à la réussite t…

Y a-t-il une place pour la philosophie dans une société qui


accorde toute sa confiance à la raison scientifique et à la
réussite technique ?
6 mai 2020

Y a-t-il une place pour la philosophie dans une société qui accorde toute sa confiance à la raison
scientifique et à la réussite technique ?

Analyse du sujet
Les mots du sujet
Raison scientifique : pensée scientifique. Il est spécifié dans l’intitulé du sujet qu’il s’agit d’une raison
c’est à dire d’une pensée rationnelle. La science n’est, en effet, pas l’opinion. La raison scientifique,
c’est donc la science en tant que pensée rationnelle.
La science est un » ensemble de connaissances et de recherches ayant un degré suffisant d’unité, de
généralité et susceptibles d’amener les hommes qui s’y consacrent à des conclusions concordantes
qui ne résultent ni des conventions arbitraires, ni des goûts ou des intérêts individuels qui leur sont
communs mais des relations objectives qu’on découvre graduellement et que l’on confirme par des
méthodes de vérifications définies. « (Lalande)
Les sciences sont considérées ordinairement (par l’opinion commune) comme un ensemble de
connaissances certaines, vérifiées. Elles permettent de connaître et de prévoir. La science institue les
conditions de prévision des phénomènes.
Réussite technique : la technique est un ensemble de procédés opératoires, intentionnels et
conscients, reproductibles et transmissibles qui permettent de produire ce qui n’existe pas ou
n’existerait pas tel dans la nature.
Une technique qui réussit est une technique efficace (elle atteint son but) et fiable (elle ne tombe pas
en panne). La technique a existé bien avant les sciences et ce n’est que récemment qu’on la
considère comme application de la science, comme retombée pratique de la science (en oubliant que
la technique est aussi condition de la science).
Société qui accorde toute sa confiance à la raison scientifique et à la réussite technique : ceci
définit la société positiviste. Une telle société est une société qui croit que la science peut tout
connaître et que la technique peut tout faire. La science apparaît alors comme l’unique source de
savoir et la technique comme la condition du bonheur. Notre société n’est pas celle-là. C’est plus
proche (et encore, avec quelques nuances) de la société du XIX° siècle qui croyait que la science et la
technique étaient le moteur du progrès humain et que celles-ci allaient donc nous donner le bonheur.
Le sens du problème
Le problème est de savoir s’il y a une place pour la philosophie dans une société qui pense que la
science et la technique peuvent tout nous apporter. La pensée philosophique est une pensée
rationnelle mais non scientifique. Elle se présente comme une intégration critique de la science et de
la pratique. Son objet est, soit le tout (conception antique), soit l’homme (conception plus actuelle).
https://samabac.com/y-a-t-il-une-place-pour-la-philosophie-dans-une-societe-qui-accorde-toute-sa-confiance-a-la-raison-scientifique-et-a-la-reus… 1/8
30/11/2023 11:57 Y a-t-il une place pour la philosophie dans une société qui accorde toute sa confiance à la raison scientifique et à la réussite t…

Remarque : il faut bien voir que le problème n’est pas de savoir si la philosophie a sa place dans une
société où l’on critique la science et la technique (parler de la philosophie comme critique des
sciences et techniques est hors sujet) mais de savoir si la philosophie a sa place là où la science et la
technique sont considérés comme synonymes de savoir et d’efficacité.

Présupposé de la question
On présuppose l’existence d’une société qui accorde toute sa confiance à la science et la technique.
Ce n’est pas la nôtre.

Réponse spontanée
Elle est négative. On a tendance à penser spontanément que si la science peut connaître à coup sûr
et la technique réussir efficacement, la philosophie n’a plus sa place. Tout le problème est de savoir
s’il ne s’agit pas là d’une idée reçue.

Plan rédigé
Introduction
Autrefois la philosophie avait pour ambition de tout connaître et de nous apporter le bonheur comme
en témoigne le projet des philosophes antiques. L’avènement des sciences et en particulier des
sciences expérimentales s’est accompagné d’un recul de la philosophie au sens où des domaines
entiers de connaissance lui ont échappé. Est venue alors, au XIX° siècle l’idée que, progressivement
la philosophie disparaîtrait et serait remplacée par la connaissance scientifique plus certaine et ses
retombées techniques propices, semble-t-il, à donner un bien être matériel. Faut-il en conclure que
dans une société où la science serait achevée et les techniques accomplies la philosophie
disparaîtrait ? C’est l’opportunité même de l’entreprise philosophique qui est en cause car si elle n’a
de sens que là où la science ne connaît pas encore et là où la technique n’est pas encore
performante, il est clair qu’elle n’a guère de valeur tant au plan théorique qu’au plan pratique. De
prime abord il semble bien que la philosophie n’a plus sa place dans une société scientifique et
technicienne. Pourtant la science peut-elle rendre compte de tout et la technique nous apporter le
bonheur ? Si tel n’était pas le cas la philosophie a sa place à côté des sciences et des techniques.
Enfin derrière toute science et toute philosophie n’y a-t-il pas une philosophie, auquel cas ce n’est pas
à côté mais dans le processus scientifique et technique lui-même que la philosophie aurait sa place ?

I La perspective positiviste.
Avoir confiance en la raison scientifique et en la réussite technique, c’est considérer que la science
peut tout connaître et que la science peut tout nous apporter, en particulier le bonheur. Cette
conception a existé. L’idée que science et technique vont être les artisans du bonheur humain
culmine au XIX° siècle dans ce qu’on appelle le positivisme.

1) L’idéal positiviste.
En 1890 dans L’avenir de la science, Ernest Renan écrivait : « Organiser scientifiquement l’humanité,
tel est donc le dernier mot de la science moderne, telle est son audacieuse mais légitime prétention

https://samabac.com/y-a-t-il-une-place-pour-la-philosophie-dans-une-societe-qui-accorde-toute-sa-confiance-a-la-raison-scientifique-et-a-la-reus… 2/8
30/11/2023 11:57 Y a-t-il une place pour la philosophie dans une société qui accorde toute sa confiance à la raison scientifique et à la réussite t…

(…) La science seule peut fournir à l’homme les vérités vitales sans lesquelles la vie ne serait pas
supportable, ni la société possible ! Il viendra un jour où l’humanité ne croira plus, mais où elle saura,
un jour où elle saura le monde métaphysique et moral comme elle sait déjà le monde physique. » On
voit qu’au XIX° siècle Renan pense que la science pourra tout connaître, non seulement le monde
physique (les choses qui nous entourent, les vivants) mais aussi ce qu’il faut faire (la morale) et les
réalités situées hors de l’expérience (la métaphysique). Il est clair qu’en ce cas il n’est plus de place
pour la philosophie. Un ami de Renan, le chimiste Marcellin Berthelot, confirmait : « La science
domine tout, elle rend seule des services définitifs. Nul homme, nulle institution désormais n’aura
une autorité durable s’il ne se conforme à ses enseignements » (Science et Morale)
En écrivant ces lignes, Renan et Berthelot appelaient de leurs vœux une société qui accorderait toute
sa confiance à la raison scientifique et la réussite technique. Ils espéraient, ils croyaient qu’une telle
société viendrait. Elle n’est pas venue encore. Notre société actuelle est loin d’accorder toute sa
confiance à la science, tant s’en faut. Pensons à l’existence des sectes, des mouvements religieux,
des croyances irrationnelles (voyance, astrologie etc.) et au procès intenté contre la science en raison
de ses retombées techniques désastreuses (Hiroshima, menaces d’eugénisme, manipulation
génétique etc.). Mais on peut rétorquer que la science n’est pas achevée, qu’il lui reste beaucoup à
connaître et à faire. Projetons-nous dans un futur hypothétique et imaginons ce que serait une société
où la science et la technique seraient l’objet de la confiance des hommes. C’est la conception
positiviste, celle dont s’inspiraient Renan et Berthelot.
Selon Auguste Comte, le père du positivisme, la science est fondamentalement une œuvre collective
de l’humanité. Elle porte sur un objet commun à tous : la réalité. Elle emploie une méthode commune
à tous : la méthode positiviste. Toutes les intelligences spéculent de la même façon sur un même
fond. C’est ce que Comte appelle « la profonde identité mentale des savants avec la masse active ».
Le progrès de l’esprit scientifique est une extension méthodique du bon sens à tous les sujets
accessibles à la raison humaine. Tout le monde peut comprendre la science pourvu qu’il pense avec
méthode.

2) Y a-t-il une place pour la philosophie dans l’idéal positiviste ?


a) Science et philosophie.
En première analyse la réponse à notre question semble bien être négative. On peut constater au
plan historique que l’accroissement des sciences s’accompagne d’un recul de la philosophie. La
science remplace progressivement la philosophie. Par exemple, la philosophie antique contenait une
physique (connaissance de la nature). Avec l’avènement de la physique scientifique, la connaissance
de la nature échappe au domaine philosophique. Dès qu’un domaine devient objet de science il
échappe à la philosophie. Si la science pouvait tout connaître, il ne semble pas qu’il resterait quelque
chose à la philosophie. Elle disparaîtrait faute d’objet.
La science semble, du reste, avoir bien des avantages sur la philosophie :

Elle a l’avantage de sa méthode. La méthode expérimentale semble plus fiable que la méthode
philosophique. Qu’on songe au passage de la médecine philosophique (limitée à l’exégèse des textes
canoniques anciens) à la médecine scientifique !

https://samabac.com/y-a-t-il-une-place-pour-la-philosophie-dans-une-societe-qui-accorde-toute-sa-confiance-a-la-raison-scientifique-et-a-la-reus… 3/8
30/11/2023 11:57 Y a-t-il une place pour la philosophie dans une société qui accorde toute sa confiance à la raison scientifique et à la réussite t…

Elle a un caractère nécessaire c’est à dire qu’elle évolue indépendamment de la personne qui
l’énonce et n’est donc pas liée à la subjectivité d’un sujet. La preuve en est que souvent plusieurs
savants, travaillant indépendamment, font la même découverte au même moment.
Elle a un caractère universel. Tout le monde s’accorde sur la vérité scientifique alors que les
philosophies, elles, sont diverses, contradictoires.
Bref, il semble bien que la philosophie doive laisser place à la science.
b) Philosophie et technique.
De même la technique nous apporte des réussites palpables et décisives. Elle nous donne le confort,
le bien être. Elle est utile. La philosophie, elle, ne semble pas nous apporter quelque chose d’utile.
Discipline spéculative, elle ne change pas le monde quand la technique le transforme profondément.
« La technique nous rend maîtres et possesseurs de la nature » disait Descartes et elle bouleverse
notre mode de vie. Le Français moyen vit beaucoup mieux aujourd’hui que le seigneur du Moyen Age
dans son château mal chauffé et sans commodité. La technique, de ce point de vue, semble bien
nous apporter des progrès quand la philosophie ne nous donne que des conseils de vie qui peuvent
sembler dérisoires.

3) Critique du positivisme.
a) La question des sciences.
Le positivisme repose sur l’idée que la science évolue selon une méthode assurée qui va à coup sûr
vers la vérité. Est-ce si sûr ? N’y a-t-il pas de l’irrationalité en science ? C’est souvent sur fond d’erreur
que se découvrent des vérités. Il existe des erreurs fécondes. Ainsi quand Galilée voit dans les
marées une preuve que la terre tourne il s’égare et s’égare encore quand il refuse l’argument de
Kepler selon lequel les marées s’expliquent par l’attraction lunaire (Galilée considère l’idée de force
s’exerçant à distance comme irrationnelle). Néanmoins il a raison de considérer que la terre tourne.
Croire que le processus scientifique va toujours infailliblement vers le vrai avec des raisonnements
toujours exacts est une illusion.
Il faut noter aussi le caractère plural des sciences. L’avancement des sciences ne remplit pas le but
initial de la philosophie comme unité du savoir. La science ne peut éviter son manque d’unité. La
philosophie n’a-t-elle pas ici un rôle à tenir ? Ne faut-il pas une discipline pour synthétiser les
sciences ? La philosophie serait alors science des sciences. Elle serait, non pas bien sûr un savoir
encyclopédique de toutes les sciences, mais le savoir de ce qui constitue l’essence commune des
sciences. L’épistémologie (philosophie des sciences) montre que la philosophie ne recule pas
forcément quand la science se développe.
Enfin et surtout le positivisme est une philosophie. Dire de la science qu’elle vaut mieux que la
philosophie, c’est philosopher. On ne peut parler scientifiquement de la science mais seulement
philosophiquement. Pascal écrivait : « Se moquer de la philosophie, c’est vraiment philosopher ».
Dire et justifier que l’on peut se passer de philosophie, c’est faire de la philosophie sans le savoir.
Montrer l’inutilité de la philosophie, c’est encore philosopher.
b) La technique.
Peut-elle apporter le bonheur ? Que serait une société où seule compterait l’efficacité technique ?
Huxley, dans son roman Le Meilleur des Mondes, nous décrit une société fondée sur l’efficacité mais
https://samabac.com/y-a-t-il-une-place-pour-la-philosophie-dans-une-societe-qui-accorde-toute-sa-confiance-a-la-raison-scientifique-et-a-la-reus… 4/8
30/11/2023 11:57 Y a-t-il une place pour la philosophie dans une société qui accorde toute sa confiance à la raison scientifique et à la réussite t…

où le bonheur est factice et inutile. Il s’agit d’une société déshumanisée. La technique n’apporte pas
le bonheur. Elle diminue l’effort physique, augmente le confort mais cela ne suffit pas pour être
heureux. La technique ne peut tout nous apporter. N’y a-t-il pas alors une place pour la philosophie à
côté de ce que peuvent nous apporter la science et la technique ?

II La philosophie a-t-elle sa place à côté de la science et de la technique ?


1) La philosophie a-t-elle sa place à côté de la science ?
Même en admettant que la science soit achevée, qu’elle parvienne à tout connaître ce qu’elle est
capable de connaître, il restera néanmoins des domaines qui lui resteront inaccessibles en raison de
sa nature même et qui resteront l’apanage de la philosophie.

C’est le cas d’abord de la métaphysique. En ce sens, la science serait une connaissance relative,
tandis que la philosophie serait une connaissance absolue. La science ne considérerait que les
phénomènes c’est à dire les choses telles qu’elles apparaissent dans l’expérience alors que la
métaphysique considère les choses en soi, les noumènes, l’être, l’absolu ainsi que les causes
premières. Cette thèse n’est cependant pas sans problème car, outre le fait que les sciences nous
font connaître une certaine réalité (les phénomènes, ce n’est pas rien), il n’est nullement certain que
la connaissance de l’être ou des principes soit possible. Kant nous a montré qu’on peut penser les
noumènes mais non les connaître. La science garderait donc le privilège du savoir et la pensée
philosophique resterait certes, mais comme une simple spéculation assez inutile qui énonce des
articles de foi indémontrables.
C’est le cas surtout de la morale. La philosophie est aussi théorie critique des valeurs. La science
expose des lois qui expliquent comment les choses se passent selon des relations de cause à effet et
la philosophie énonce des règles c’est à dire ce que doit être la conduite juste ou ce que doivent être
les sociétés pour être justes. La science en effet ne se préoccupe pas des valeurs, du bien et du mal
mais de ce qui est et, dans ce qui est, de ce qui se répète. An ce sens, la philosophie a un caractère
normatif, inaccessible à la science. La philosophie s’intéresse aux fins alors que la science ne se
préoccupe que des causes. La science se préoccupe des déterminismes, la philosophie de ce que
nous avons à faire de notre liberté. En terme philosophique, nous dirons que la science se préoccupe
du rationnel (qu’est-ce qui est intelligible dans le réel ?), quand la philosophie s’occupe du
raisonnable (que devons-nous faire en tant qu’être doué de raison c’est à dire en tant qu’homme ?).
De ce point de vue, le positivisme est bien une illusion. Nous pouvons bien faire confiance en la
science pour ce qu’elle est capable de nous apporter mais nous ne devons pas en conclure qu’elle
peut tout nous apporter. Jamais elle ne nous dit ce qu’il faut faire. Par exemple, la biologie peut bien
nous expliquer les mécanismes de l’hérédité ou la structure de l’ADN mais non s’il faut ou non agir
sur l’embryon pour en corriger les éventuels défauts génétiques. On sort en effet alors du domaine
de la science pour entrer dans celui de la philosophie. Même si la science connaît et même si nous lui
faisions entièrement confiance dans son processus de savoir, elle ne nous dispenserait pas de
réfléchir sur les finalités morales de nos actes. La science ne détruit pas la philosophie. Au contraire,
elle la relance, l’oblige à de nouvelles interrogations.
« La philosophie commence par le désaveu de la science », écrivait Merleau-Ponty, non qu’il ne faille

https://samabac.com/y-a-t-il-une-place-pour-la-philosophie-dans-une-societe-qui-accorde-toute-sa-confiance-a-la-raison-scientifique-et-a-la-reus… 5/8
30/11/2023 11:57 Y a-t-il une place pour la philosophie dans une société qui accorde toute sa confiance à la raison scientifique et à la réussite t…

pas faire confiance en la science pour ce qu’elle sait, mais au sens où nous ne saurions admettre que
la science nous dispense de philosopher ou nous fasse croire que nous n’avons plus besoin de
philosophie grâce à elle.
Ainsi, même si la science sait, même si nous lui faisons confiance, il reste de la place pour
philosopher à côté d’elle. Qu’en est-il pour la technique ?

2) La philosophie a-t-elle sa place à côté de la technique ?


Le problème de la technique est qu’elle est avant tout moyen, mais moyen de quoi et pourquoi ? Pas
plus que la science, la technique n’est normative. Elle ne s’occupe (pour reprendre la terminologie
kantienne) que d’impératifs hypothétiques (si je veux faire ceci, alors il faut faire cela) et non des
impératifs catégoriques (Il faut faire ceci, il est de mon devoir de faire cela) Ici encore, c’est au niveau
de la morale que la philosophie a sa place.
Si efficace et bénéfique que soit la technique (et elle ne l’est pas toujours, on connaît ses retombées
négatives), elle ne nous dit pas quel est notre devoir.
Une technique efficace est une technique qui remplit à coup sûr sa fonction. Une bombe atomique
est efficace. Est-ce pour autant sagesse que de s’en servir ? La puissance et la sagesse ne vont pas
nécessairement ensemble. La technique nous donne la puissance mais qui nous donnera la sagesse
sinon la philosophie ?
Faire trop confiance à la technique, c’est en avoir une conception illusoire, mythique. La technique
exerce une séduction irrationnelle parce qu’elle est en prise avec nos désirs. Par exemple, l’humanité
a toujours rêvé de voler comme en témoigne le mythe d’Icare. L’invention de l’avion réalise ce vieux
rêve.
Certes la technique est le propre de l’homme mais la morale aussi. La technique ne peut tout
résoudre. Au contraire, elle exige un effort pour en assimiler les valeurs rationnelles, elle suppose
que nous définissions en fonction de son développement un nouvel art de vivre, une nouvelle
logique sociale. Il faut la mettre au service de l’humanité et non de quelques hommes. Il faut la voir
pour ce qu’elle est c’est à dire un moyen et non (comme nous le faisons trop souvent) comme une fin
en soi. Or, encore une fois, la question des fins est une question philosophique. Faire confiance à la
technique parce qu’elle est efficace ne nous dispense pas de philosopher.
Ainsi, la philosophie a bien sa place à côté de la science et de la technique. Mais ne peut-on aller plus
loin ? N’y a-t-il pas, bien plus, un rôle de la philosophie à l’intérieur du processus scientifique et
technique ? Si tel est le cas, alors même si la science et la technique triomphaient absolument, il y
aurait bien une place pour la philosophie.

III La philosophie a-t-elle une place à l’intérieur du processus scientifique et technique ?


1) Les implicites philosophiques de la science et de la technique.
L’erreur du positivisme est de voir la science et la philosophie comme deux disciplines absolument
séparées. Or ce n’est pas ainsi que les choses se passent. La philosophie n’existe pas seulement à
côté de la science, en dépit d’elle. Elle lui est consubstantielle, elle existe à l’intérieur même du
processus scientifique.
Comme le montre Dominique Lecourt, derrière toute science existe une philosophie. Certes, elle

https://samabac.com/y-a-t-il-une-place-pour-la-philosophie-dans-une-societe-qui-accorde-toute-sa-confiance-a-la-raison-scientifique-et-a-la-reus… 6/8
30/11/2023 11:57 Y a-t-il une place pour la philosophie dans une société qui accorde toute sa confiance à la raison scientifique et à la réussite t…

n’est pas toujours complètement explicite mais elle est toujours présente. Le scientifique ne
démontre pas tout scientifiquement mais prend des contenus à la philosophie.
Par exemple, les conceptions d’espace et de temps absolus que l’on trouve chez Newton sont des
conceptions philosophiques qui sous-tendent tout son travail scientifique. De même Einstein est
guidé par la conviction philosophique de la valeur absolue des lois de la nature et de leur unité. Il
n’admet pas que l’univers puisse être guidé par deux types de lois (quantiques et classiques) selon
que l’on se place au niveau subatomique ou au niveau macroscopique. Il s’agit bien d’une thèse
philosophique.
Comme le souligne Dominique Lecourt, lorsque la science progresse, ce n’est pas seulement d’une
révolution scientifique qu’il s’agit mais aussi d’une révolution philosophique. Le tout de la pensée est
engagé. Ainsi, lorsque Galilée, créant ainsi la physique scientifique, acquiert la conviction que la
nature a une structure mathématique, il s’arrache à la philosophie d’Aristote et revient à une forme
de platonisme.
Quand les révolutions scientifiques sont passées, on continue à penser dans un certain cadre de
pensée qui, pour devenir silencieux, n’en reste pas moins philosophique.
Derrière toute science, il y a une philosophie. Croire qu’on puisse s’en passer sous prétexte que l’on
accorde toute confiance à la science est une illusion. Accorder toute confiance à la science, c’est
accorder confiance aux implicites philosophiques qu’elle véhicule. Du reste, les scientifiques eux-
mêmes ne font-ils pas appel à la philosophie ?

2) L’appel des scientifiques à la philosophie.


Il ne viendrait à l’esprit de personne de considérer que les scientifiques ne font pas confiance à la
science. Or ils accordent une place à la philosophie.
Les scientifiques du passé furent, pour la plupart d’entre eux, de grands philosophes. Descartes et
Pascal furent à la fois des mathématiciens et des physiciens. Leibnitz inventa le calcul infinitésimal et
Newton se voulait philosophe. Si l’on objecte que ces figures appartiennent au passé et
qu’aujourd’hui les deux pensées sont distinctes, les scientifiques contemporains ne seront guère
d’accord. Par exemple, lorsque les physiciens élaborèrent la mécanique ondulatoire, découvrant ainsi
que la nature montrait des aspects contradictoires, c’est dans la philosophie qu’ils recherchèrent des
justifications à leur découverte. Lorsque le linguiste Chomsky découvre que derrière la multiplicité
des langues on peut dégager une même structure profonde, il écrit une Linguistique cartésienne,
recherchant chez le philosophe Descartes un fondement à sa théorie.
La science ne fait pas reculer la philosophie. Elle la relance et la sollicite sans cesse. Une société
scientifique ne cesserait pas de philosopher pour autant. Du reste, réciproquement la philosophie
aussi a besoin de la science pour ne pas parler dans le vide (comme la science a besoin de la
philosophie pour ne pas devenir froide et monstrueuse). Cournot souligne que, sans la science, la
philosophie tombe dans l’irréel mais que sans la philosophie la science perd sa substance spirituelle.
Tous les grands savants du XX° siècle (Monod, Jacob, De Broglie, Einstein etc.) ont philosophé.

Conclusion
Accorder toute sa confiance à la science et à la technique, ce n’est pas n’avoir confiance qu’en elles. Il

https://samabac.com/y-a-t-il-une-place-pour-la-philosophie-dans-une-societe-qui-accorde-toute-sa-confiance-a-la-raison-scientifique-et-a-la-reus… 7/8
30/11/2023 11:57 Y a-t-il une place pour la philosophie dans une société qui accorde toute sa confiance à la raison scientifique et à la réussite t…

y a bien de la place pour la philosophie, non seulement à côté de la science et de la technique


comme discipline normative et pratique, mais aussi à l’intérieur de la science dans son processus
même de constitution. Tous les scientifiques s’accordent aujourd’hui sur ce point : l’idéal positiviste
appartient au passé. Reste maintenant cette question : faut-il accorder toute confiance à la science et
à la technique ? Celles-ci n’ont-elles pas des retombées néfastes ? La question est là encore…
philosophique.

sosphilosophie

https://samabac.com/y-a-t-il-une-place-pour-la-philosophie-dans-une-societe-qui-accorde-toute-sa-confiance-a-la-raison-scientifique-et-a-la-reus… 8/8

Vous aimerez peut-être aussi