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Thème 6 : L'enjeu de la connaissance

Introduction : Vers une société de la connaissance


Quels sont les acteurs de l'élaboration et de la diffusion de la connaissance ?
A/ La construction du savoir soutenue par les institutions
La science comme activité se développe dès l'Antiquité. En Mésopotamie, en Égypte, dans la Grèce antique ou dans
l’Empire Romain, des lieux de savoir (bibliothèques, écoles…) ont émergé pour faciliter le développement de
connaissances scientifiques. Mais il faut attendre le Moyen-Âge puis surtout l'époque moderne pour que la science
s’institutionnalise avec le développement des universités et des académies scientifiques, qui permettent de diffuser
le savoir et de le faire perdurer. À partir du XIXe siècle, ce processus s’accélère et permet de créer des disciplines
spécialisées et autonomes. La Société chimique de France apparaît en 1857, la Société mathématique de France en
1872 et la Société française de physique en 1873.
Grâce à ces institutions, les savants sont soutenus financièrement et peuvent se consacrer à leur science. Ils ne
dépendent plus d'un roi ou de leur richesse personnelle pour mener leurs recherches. Les institutions concourent
ainsi à la création de sociétés savantes, composées de savants universalistes, capable de développer des savoirs tant
en mathématiques, en économie qu'en philosophie. Au XIXe siècle, le développement des institutions scientifiques
amène à une spécialisation disciplinaire. Le savant devient scientifique, chercheur spécialisé. Il forme alors avec ses
pères une communauté scientifique, composée des chercheurs d'une discipline.
 
B/ La connaissance rendue accessible au plus grand nombre
L‘expression de « société de la connaissance » désigne un type de société marquée par le développement de
technologies de l'information et de la communication (TIC) à faible coût, permettant une forte diffusion du savoir. Elle
est introduite en 1969 par Peter Drucker dans The Age of Discontinuity. Internet en constitue la forme contemporaine
la plus importante. Par exemple, le poids de Wikipédia (ses 500 M de visiteurs mensuels et ses 30 M d'articles dans
280 langues) peut être comparé à l'impact de la Bible ou de la grande Encyclopédie des lumières.
Pourtant, la société de la connaissance n'est pas une société de savants comme elle a pu se constituer depuis le
Moyen-Âge, mais une société plus savante, où chacun apporte sa contribution, son expérience ou ses compétences
au sein de réseau interconnectés. Le crowdsourcing (qui autorise les anonymes à répondre à des questions), l'essor
des réseaux sociaux (Facebook et ses 2,5 MM d'utilisateurs actifs par mois) ou les logiciels libres (dont les codes sont
ouverts aux modifications des utilisateurs) illustrent ce déploiement de la société de la connaissance, dont l'accès
égalitaire est garanti par la neutralité du net, conçue en économie comme un véritable bien public.
L'accès à la connaissance devient un véritable enjeu économique et géopolitiques. Les MOOC (souvent payant et qui
attirent des étudiants du monde entier) se développent dans toutes les universités du monde. Lancé en 2004, le
projet Google Books de numérisation des bibliothèques internationales, et en France, la BnF a lancé dès 1997 le
projet Gallica de numérisation de ses collections. C'est un enjeu de puissance car ces projets permettent de mettre
en valeur les recherches ou la culture de l'un ou l'autre pays.

C/ L'appropriation de la connaissance
Cette démultiplication des sources et des usages de l'information donne une importance primordiale à l'innovation
et à la créativité dans la croissance économique et le changement social. Dans les entreprises, les expériences
personnelles sont valorisées et l'efficacité des salariés se mesure toujours plus par le « capital humain » (savoirs,
savoir-faire et savoir être mobilisables dans la production). Il en résulte de grandes transformations du travail
(flexibilité, polyvalence, travail à domicile, et etc.) et de l'emploi (intermittence, externalisation).
À l'échelle des Etats, partager et transmettre au plus grand nombre la connaissance devient un enjeu central pour
rester ou devenir une puissance économique et être compétitif. Depuis les années 1990, certains économistes
parlent d'entrer dans « l'économie de la connaissance ». La performance économique des pays dépend de plus en
plus du savoir, de l'éducation, de l'information et de la technologie. Par exemple, le classement de Shanghai qui
classe les universités du monde entier (en fonction de différents critères dont le nombre de publications) est publié
chaque année et souvent perçu comme un reflet de la compétitivité des universités et des Etats dans la diffusion du
savoir.
Cependant, le développement de cette société de la connaissance est aussi source d'inégalités à différentes
échelles. Tous les individus n'ont pas la même capacité d'accès à l'école, aux universités (frais d'inscription) ou même
à internet. A l'échelle des Etats, la « fuite des cerveaux » vers les universités prestigieuses à l'échelle mondiale peut
priver les Etats en développement de leurs élites.
MOOC (Massive Open Online Courses) : cours d'enseignement diffusés sur internet et pouvant se conclure par la
délivrance d'un diplôme ou d'une attestation reconnue.
Capital humain : ensemble des aptitudes, talents, qualifications, expériences accumulées par une personne et qui
détermine en partie sa capacité à travailler ou à produire.
Économie de la connaissance : nouveau mode de développement dans lequel la richesse réside désormais dans le
savoir et les compétences. Elle correspond à une part croissante de l'immatériel dans l'économie et se caractérise par
une accumulation des savoirs et une production de plus en plus collective des connaissances, grâce notamment aux
TIC.
Fuite des cerveaux : flux migratoires de scientifiques et de chercheurs vers des pays qui leur offrent de meilleures
conditions de vie, d'études ou de rémunération.

I/ Produire et diffuser des connaissances


Quels sont les enjeux de la production et de la diffusion de connaissances à
l'échelle nationale et mondiale ?
A/ Donner accès à la connaissance : les enjeux de l’alphabétisation dans le monde
1. Les lents progrès de l’alphabétisation en Occident
En Occident, l’alphabétisation a longtemps été réservée au clergé, et à une partie de la noblesse. Mais, les
connaissances circulaient aussi à l’oral.
Plusieurs facteurs accélèrent l’alphabétisation de la population à partir du XVe siècle. L’invention de l’imprimerie,
par Gutenberg, vers 1450 mais aussi la Réforme protestante qui valorise la lecture personnelle de la Bible.
L’Humanisme et l’Église catholique défendent également l’alphabétisation du plus grand nombre. Mais les écoles
restent rares et chères, réservées à une élite politique, religieuse ou économique. Au XVIe siècle, 20% de la
population européenne savait alors peut-être lire. L’instruction des filles, si elle progresse timidement, reste à la
traîne.
L’alphabétisation progresse surtout au XIXe siècle, grâce au rôle de l’État. En France, Napoléon Bonaparte crée les
lycées pour former l’élite dirigeante du pays. En 1881-1882, Jules Ferry rend l’instruction gratuite, laïque et
obligatoire pour tous les garçons et les filles, de 6 à 13 ans. L’obligation scolaire est portée à 16 ans en 1959.
2. Des inégalités anciennes et actuelles
L’alphabétisation des femmes reste encore aujourd’hui inférieure à celle des hommes, malgré des progrès
importants au XXe siècle. En 2019, près de 500M de femmes ne savent toujours pas lire ni écrire et elles représentent
2/3 des 775M d’analphabètes. La pauvreté empêche certains pays d’avoir des écoles et de former correctement des
professeurs. Les stéréotypes (idée que les femmes doivent seulement assumer leur rôle d’épouse et de mère), les
longues distances à parcourir ou l’opposition de certains groupes religieux (islamistes radicaux) jouent également.
Si le taux d’alphabétisation du monde est aujourd’hui de 86%, certaines régions du monde restent à la traîne :
Afrique subsaharienne, Asie centrale et Asie du Sud. Parmi les pays les moins alphabétisés on trouve la Somalie, le
Soudan du Sud, le Niger, le Burkina Faso et l’Afghanistan. Ce sont les populations les plus pauvres et les femmes qui
sont les plus souvent exclues.
Pourtant, l’alphabétisation des hommes comme des femmes est un facteur indispensable du développement et de
la croissance économique.

B/ Produire et diffuser des connaissances : l’État et la recherche


1. Travaux et avancées scientifiques
Les découvertes scientifiques ont longtemps été faites par des savants, qui réalisent des expériences de manière
plus ou moins isolée. Au XVIe siècle, la connaissance du corps humain progresse grâce à André Vésale, anatomiste,
qui dissèque plusieurs cadavres. À la fin du XVIIe siècle, l’anglais Newton met en lumière la loi de la gravitation.
Les États tentent progressivement d’organiser ces recherches. Le roi de France François Ier donne naissance au
collège royal, futur Collège de France, en 1530. Des mécènes financent également les recherches. À partir du XVIIe
siècle, les académies sont la manifestation de l’institutionnalisation de la recherche. Mais la recherche ne se
professionnalise qu’avec le XIXe siècle.
Les recherches sur la radioactivité se sont développées à partir de la fin du XIXe siècle. En 1896, Henri Becquerel
découvre ce phénomène qui est ensuite étudié par Pierre et Marie Curie puis par d’autres savants européens et
américains.

2. La diffusion des connaissances et ses enjeux


Les connaissances doivent être validées par la communauté scientifique afin d’éviter les erreurs. Cela entraîne
parfois des débats. En 1859, Darwin, naturaliste anglais, publie L’Origine des espèces. Il y démontre la théorie de
l’évolution des espèces. Les créationnistes, qui croient que Dieu est à l’origine de la création du monde, s’opposent à
cela, malgré les preuves scientifiques.
Certaines connaissances nouvelles entraînent une remise en cause de l’ordre établi. La science a ainsi remis en
cause nombre d’affirmations de l’Église. Lorsqu’au XVIe siècle, l’astronome polonais Nicolas Copernic énonce sa
thèse sur l’héliocentrisme, il ébranle les théories religieuses relevant du géocentrisme. Cela a progressivement
contribué à un certain mouvement de déchristianisation en Occident.
Une fois validées, les connaissances sont diffusées sur divers supports comme les revues scientifiques. Elles sont
ensuite vulgarisées par tous types de médias. La circulation de certaines connaissances n’est pas sans danger, comme
par exemple pour la recherche atomique. Son utilisation non contrôlée et le développement de programmes
militaires font peser une menace pour la sécurité du monde.

C/ Les échanges de connaissances et leurs enjeux


1. Des échanges entre savants
Pendant longtemps, les savants de nombreux pays ont échangé sur leurs découvertes. En matière de radioactivité,
par exemple, les chercheurs français et allemands, à la pointe des recherches, ont collaboré jusqu’à la veille de la
Seconde Guerre mondiale en 1939.
Sur le plan médical, compte tenu parfois de l’urgence sanitaire, les scientifiques collaborent souvent. Au début des
années 1980, la découverte du virus du sida, le VIH, a favorisé la coopération des médecins du monde entier pour
proposer, dès 1996, les premières trithérapies qui, si elles ne soignent pas encore, permettent de contenir les effets
du virus chez les patients atteints. En 2020, la crise sanitaire mondiale liée au Covid-19 a renforcé les échanges et les
débats entre chercheurs.
2. Compétition et concurrences
Il arrive que les échanges entre scientifiques soient interrompus. Pendant la Seconde Guerre mondiale, une
véritable course à la bombe atomique s’opère entre les États-Unis et l’Allemagne nazie. Toute collaboration entre
scientifiques est alors arrêtée.
Aujourd’hui, la compétition entre les États mais aussi entre les entreprises est rude. Pour les États, la recherche
scientifique est un moyen d’affirmer leur puissance sur la scène internationale. Pour les entreprises, toute
découverte est susceptible de rapporter beaucoup d’argent si elle peut être commercialisée. C’est la raison pour
laquelle elles déposent des brevets afin que leurs découvertes ne puissent pas être copiées gratuitement.

Alphabétisation : enseignement de la lecture et de l'écriture aux personnes qui ne savent ni lire ni écrire.
Analphabète : qui ne sait ni lire ni écrire.
Gravitation : attraction terrestre.
Humanisme : courant de pensée du XVIe siècle qui cherche à placer l’Homme au centre des réflexions à partir d’un
retour aux textes antiques.
Déchristianisation : mouvement de recul de la foi et de la pratique religieuse chrétienne qui affecte progressivement
l’Occident à partir du XIXe siècle.
Héliocentrisme/géocentrisme : l’héliocentrisme affirme que le Soleil est au centre de l’univers et que la Terre tourne
autour de lui. Le géocentrisme, longtemps avancé par l’Église, affirmait que c’était le Soleil qui tournait autour de la
Terre.

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