Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
165-177
LA PROMOTION DE LA COMMUNICATION
INTERCULTURELLE AU MAROC A L’ERE DE
LA MONDIALISATION : UNE AUBAINE OU UN
DANGER ?
Par/ by
Abderrahman KICH
Résumé
Les sociétés qui jadis étaient plus ou moins enfermées sur elles-mêmes sont
aujourd’hui entrées dans la modernité, grâce à la généralisation des échanges
(économiques, diplomatiques, scientifiques), la création de l’Union européenne, la
vague d’émigration, etc. et surtout l’invention d’Internet, ce qui permet à
l’ensemble de la population mondiale d’entrer en contact avec des personnes à
l’autre bout du monde. L’interculturel est un nouveau champ scientifique qui est né
avec comme ambition de faciliter les échanges entre des cultures différentes et
prévenir des malentendus. Au Maroc, le secteur du tourisme, qui draine des
millions de clients étrangers, est le lieu où s’opère le plus gros des échanges avec
les locaux. L’article reprend les recommandations et les règles fondamentales des
experts qui président à tout échange entre des individus issus d’origines différentes
et insiste sur les retombées positives des interactions, inspirées des données
recueillies auprès des visiteurs internationaux et des locaux.
Mots clés : Communication, communication interculturelle, compétence de
communication, relations, savoirs.
Abstract
Societies which once were more or less locked in on themselves have now
entered modernity thanks to the generalization of economic, diplomatic and
scientific exchanges, the creation of the European Union, the wave of emigration,
etc. and especially the invention of the Internet, which allows the entire world
population to come into contact with people on the other side of the world.
Interculturalism is a new scientific field which was born with the ambition to
facilitate exchanges between different cultures and prevent misunderstandings. In
Morocco, the tourism sector, which attracts millions of foreign customers, is the
place where most of the trade takes place with locals. The article takes up the
recommendations and fundamental rules of experts that govern all exchanges
between individuals from different origins and insists on the positive spinoffs of
interactions, inspired by data collected from international visitors and locals.
Keywords : Communication- intercultural communication, communication,
skills, relationships, knows.
https://revues.imist.ma/index.php?journal=FLS 165
Introduction
Les sociétés étaient par le passé plus ou moins enfermées sur elles-
mêmes sont aujourd’hui entrées dans la modernité, grâce à la généralisation
des échanges économiques, diplomatiques, scientifiques, touristiques, etc.
Pour faire face au contact des cultures différentes, l’interculturel est un
nouveau champ scientifique qui est né avec l’ambition de faciliter les
échanges et le dialogue entre des cultures différentes.
Contexte
Dans les années 1920, la mise en place de la BBC avait pour finalité de
préserver le Royaume-Uni de la mondialisation. La stratégie adoptée était
fondée sur la nécessité de défendre l’identité nationale en mettant en valeur
la culture du pays. En effet, dans les années 1960, la notion d’«
impérialisme culturel » visant à instaurer par le cinéma un type uniforme de
la culture voit le jour (cf. La Société du spectacle)2.
L’exportation du modèle culturel américain ambitionnant d’imposer son
hégémonie aux nations de la planète, s’est amplifié par des produits destinés
à un public de masse (livre, presse, disque, radio, télévision, films,
nouveaux produits et supports audiovisuels, photographie, publicité), ainsi
1
Martine Abdallah-Pretceille et Louis Porcher (1999), Diagonales de la communication
interculturelle, Paris, Economica /Anthropos éditions, p. 60.
2
Guy Debord, La Société du spectacle, Paris, Buchet/Chaste (1967). C’est un essai
philosophique et politique qui s’attaque à la société de consommation. Il est publié aussi
par Gallimard…
Faits de langue et société, n° 6, 2020 : pp.165-177
que par les médias qui diffusent partout dans le monde les mêmes
informations, etc., cherchant à instaurer l’unification des savoirs, des goûts,
des modes…
Néanmoins, plusieurs intellectuels, penseurs et écrivains s’opposent, hier
comme aujourd’hui, à la tentative d’homogénéisation des modes de vie et de
pensée.
«"L’impérialisme culturel " est une violence symbolique qui s’appuie sur une
relation de communication contrainte pour extorquer la soumission et dont la
particularité consiste ici en ce qu’elle universalise les particularismes liés à une
expérience historique singulière en les faisant méconnaitre comme tels et reconnaitre
comme universels »3.
https://revues.imist.ma/index.php?journal=FLS 167
Demorgon, philosophe, sociologue et expert auprès de l’UNESCO en
matière de multi, trans et interculturalité, l’anthropologue américain,
Clifford Geertz qui se présente comme un réformateur du culturalisme, le
sociologue et linguiste américain d'origine canadienne Goffman, qui
travaille sur des faits sociaux relevant des interactions du quotidien, etc.
Leur préoccupation consiste à appréhender comment se déroule l’interaction
et à assurer l’intercompréhension entre les peuples. Aussi ont-ils mis au
point un certain nombre de règles à même d’éviter des différends.
Ainsi, pour mieux comprendre ce que préconisent les chercheurs en
interculturel, nous allons commencer par la présentation de quatre concepts
clés de ce champ scientifique.
5
Michel De Coster, Introduction à la sociologie, 3ème éd., Paris, De Boeck, 1992, p. 10.
6
Francesco Fistetti, « Une société de la reconnaissance est-elle possible ? », revue du
mauss, n° 32, 2008, p. 2 : www.cairn.info/revue-du-mauss-2008-2-page-411.htm, (consulté
sur Internet le 06.03.19).
7
Zineb Charaï, Les effets du tourisme sur l’identité culturelle : Le cas de la médina de Fès,
thèse de doctorat, Université Nice Sophia Antipolis, 2014, p. 64.
Faits de langue et société, n° 6, 2020 : pp.165-177
à vouloir le faire »8. Abdelfattah Kilito (1987 : 98) va dans le même sens en
déclarant que « les langues sont une fatalité » et « le discours est un acte de
liberté »9.
Enfin, la culture : pour sa part, Geertz (1973)10 écrit : la culture n’est pas
un pouvoir, « quelque chose auquel on pourrait attribuer les comportements »,
mais un contexte, « quelque chose au sein duquel les comportements peuvent être
décrits de manière intelligible ». Plus tard, le même auteur précise que la
culture est moins :
8
Martine Abdallah-Pretceille, Communication interculturelle, apprentissage du divers et
de l’altérité :
https://www.google.co.ma/?gws_rd=ssl#q=Puisqu%E2%80%99il+s%E2%80%99agit+moi
ns+d%E2%80%99apprendre+la+culture, (consulté sur Internet le 20.10.2020).
9
Abdelfattah Kilito, « La langue des sirènes », in Imaginaire de l’Autre, Khatibi et la
mémoire littéraire, Paris, L’Harmattan, 1987 p. 98.
10
Clifford Geertz, cité par Brahim Labari, Éléments d’initiation à la sociologie, tome 1,
publication de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Université Ibn Zohr,
Agadir, p. 226.
11
Martine Abdallah-Pretceille, Communication interculturelle, apprentissage du divers et
de l’altérité, op. cit.
12
Martine Abdallah-Pretceille, 1996, op. cit., p. 15.
https://revues.imist.ma/index.php?journal=FLS 169
cultures du monde, de maîtriser les règles de la communication, d’acquérir
la compétence en matière de l’éducation interculturelle, etc.
Les mauvaises représentations dues au statut social, à la manière d’être,
de s’habiller, de se comporter, bref d’être, constituent des perceptions qui
font tomber fatalement des jugements irrémédiables. Les clichés deviennent
obsolètes grâce aux contacts et à la communication. Dans ce cas, un certain
nombre de valeurs civiques, citoyennes et éthiques sont nécessaires :
- Avoir de bonnes notions dans différents domaines du savoir humain;
afin de pouvoir discuter sur différents sujets ;
- Etre tolérant, ouvert, sans arrières pensées ;
- Faire preuve d’empathie et de bienveillance ;
- Se décentrer par rapport à ses référents culturels ;
- Eviter l’ethnocentrisme ;
- Se mettre à la place de son interlocuteur, etc.
Interactionnisme symbolique
S. Becker et M. Mc Call (1990)14 écrivent :
16
www.cemea.asso.fr/congres/IMG/confDemorgonFr.pdf, consulté le 23.5.2016.
17
Abdelkrim Gharib, La Sociologie de l’école, Ed., Le monde de l’éducation, p. 228.
https://revues.imist.ma/index.php?journal=FLS 171
recèle, comme on l'a souligné, un socle impressionnant de représentations
sociales », écrit Labari18.
Expérience du terrain
L’enquête empirique révèle plusieurs atouts des contacts entre les
cultures. Entreprise en 2015 dans deux villages touristiques marocains,
18
"Un exercice d'altérité: conversation avec un résident européen au Maroc", Esprit
critique, vol. 04 no. 11, Novembre 2002, ISSN 1705-1045, http://www.espritcritique.fr,
(consulté le 11.02.2017).
19
Mimoun Hillali Le tourisme international vu du Sud - Essai sur la problématique du
tourisme dans les pays en développement, Québec, Presses de l’Université du Québec,
coll. « Tourisme », 2003, p. 213.
20
Rachid Amirou, Imaginaire touristique et sociabilités du voyage, Paris : Les Presses
universitaires de France, Collection “Le sociologue.”, 1995, p. 49.
Faits de langue et société, n° 6, 2020 : pp.165-177
« Le tourisme aussi a des points positifs : il ouvre sur les autres cultures du
monde ; les autochtones se cultivent internationalement et ça permet aux
jeunes d’avoir des aspirations dans la vie ».
https://revues.imist.ma/index.php?journal=FLS 173
pays. En tout, ils possèdent les manières les meilleures, les savoir-être les
plus fins, les conduites les plus respectueuses, etc.
Qu’est-ce que nous pouvons déduire de l’investigation du terrain ?
Le face-à-face des cultures permet de favoriser la diversité, de tisser des
liens avec l’altérité, d’ouvrir des locaux sur le reste de l’univers, etc. Ses
retombées sont tant positives sur le plan humain, financier, que sur la vision
du monde. La religion, le genre, le statut social, l’identité nationale,
l’origine géographique, l’orientation sexuelle, la manière d’être, de se
comporter et de penser, etc. ne sont pas sujets d’antagonismes. Les
discussions transcendent les différences de cultures, font changer des
préjugés et des stéréotypes et mettent en place un bon outil de renforcement
de la cohésion sociale.
Faits de langue et société, n° 6, 2020 : pp.165-177
Conclusion
Plus qu’une approche sociolinguistique, les chercheurs de l’interculturel
étudient les interactions en faisant appel aux apports de l’anthropologie, au
contexte social, à la situation d’énonciation, aux rapports sociaux entre les
individus. Le discours est appréhendé, non selon l’origine des individus,
mais selon les échanges et les interrelations.
L’UNESCO, l’ISESCO, les chercheurs comme Kerzil et Vinsonneau
(dir.) (2004), Abdallah-Pretceille (1996 et 1999) et Amirou (2000) ont initié
une stratégie pour renforcer et insister sur le rôle du système éducatif dans
l’enseignement de la communication interculturelle et transculturelle,
l’inculcation des valeurs de la citoyenneté, dont le droit à la différence
culturelle est une composante essentielle, tant entre citoyens des différentes
nations qu’au sein d’un même pays. Ils proposent en outre des solutions
telles que la sensibilisation du reste de la population à travers des
campagnes qui visent toute la société : la médiation est une affaire d’État,
des entreprises, du monde de la culture, des médias et des ONG. Cette
pratique vise de nouvelles socialisations à travers de nouvelles valeurs
scientifiques, éthiques et humaines.
Enfin, pour nous, les contacts entre des cultures différentes sont
inévitables à notre époque. C’est un outil de développement économique et
aux retombées civiques, sociales, relationnelles et anthropologiques. Avec
un peu de savoir-faire et savoir-être, dans le secteur de l’économie, des
sciences, de la culture, du tourisme et bien d’autres, la relation à autrui ne
peut qu’être bénéfique. La différence est l’essence de l’humanité : bien
investie, elle est prometteuse et gage d’intérêt et de jouissances multiples.
Abderrahman KICH
Université Sultan Moulay Slimane
Béni-Mellal
https://revues.imist.ma/index.php?journal=FLS 175
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
https://revues.imist.ma/index.php?journal=FLS 177