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Une seule fleur ne suffit pas à faire un jardin, un seul oiseau ne peut faire le
printemps.
Rapport sur le développement humain dans le monde arabe, 2003
7.1 Introduction1
Se retrouver en Egypte en compagnie d’amis de Jordanie, du Liban, d’Espagne ou de
Suède, et manger italien en écoutant des chansons françaises, par exemple, devient
une situation de plus en plus courante pour certains jeunes. Le traditionnel Etat-
nation, unité territoriale englobant une population qui partage une identité nationale
commune (sur les plans historique, culturel ou ethnique),2 est confronté à de nou-
veaux enjeux, générés notamment par la mobilité croissante des jeunes et par la
mondialisation – deux facteurs qui ont contribué à gommer les frontières territoriales
et à transformer les Etats-nations, les amenant à coopérer entre eux. Pour autant, les
cultures nationales majoritaires ou dominantes continuent d’une façon ou d’une
autre d’imposer leur identité aux autres groupes au niveau des Etats-nations et de la
planète.
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Dans leur tentative pour s’intégrer tout en préservant leur identité, les minorités sont sou-
vent victimes d’actes d’intolérance et de discrimination de la part des sociétés dont elles
font partie. Cette situation a parfois conduit à des conflits armés. La protection et la pro-
motion des droits des minorités sont devenues essentielles pour empêcher les conflits et
la poursuite des violations des droits de l’homme, et assurer la pérennité des nations.
Parallèlement, les minorités constituent de véritables ponts humains sur la Méditerranée.
Nombre d’entre elles sont le fruit des migrations et des conflits qu’a connus l’histoire ;
d’autres sont simplement l’expression de la diversité sociale moderne et ne se définissent
donc pas par des frontières nationales : il s’agit des minorités que forment notamment les
personnes handicapées, homosexuelles ou encore végétariennes.
Ce chapitre traite trois questions majeures : la diversité culturelle, les minorités et les mi-
grations. Ces questions sont souvent étroitement liées par une relation de cause à effet et
le travail euro-méditerranéen de jeunesse est confronté à leurs incidences et aux défis
qu’elles génèrent.
Face aux changements rapides apportés par la mondialisation, des mesures préventives
politiques et institutionnelles ont été adoptées dès les années 1990 pour garantir et pro-
téger la diversité culturelle. Parmi ces mesures figurent la Déclaration universelle sur la
diversité culturelle, adoptée par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la
science et la culture (Unesco) en 2001, et la Convention sur la protection et la promotion
de la diversité des expressions culturelles, adoptée par la Conférence générale de l’Unesco
en 2005.
D’autres mesures sont énoncées dans diverses déclarations qui soulignent l’importance
de l’expression culturelle et de la promotion du pluralisme : la Déclaration universelle
des droits de l’homme ; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels (Nations Unies) ; et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Au
niveau du Conseil de l’Europe, parmi les documents normatifs figurent la Convention-
cadre pour la protection des minorités nationales (1995) et le Livre blanc sur le dialogue
interculturel (2008).
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L’EuroMedCafé
Ce portail a été créé afin d’offrir sur internet un forum d’images et de sons et de favoriser
la rencontre des jeunes des deux rives de la Méditerranée. L’une des fonctions de ce site
est de mettre en ligne chaque année plusieurs chansons et films sur le thème du dialogue
interculturel. Un espace de discussion est ouvert à la collaboration et à la mise à l’hon-
neur de la diversité des voix créatives des peuples sur les rives méridionale et septentrio-
nale de la Méditerranée.13
Q : Dans votre pays, toutes les minorités ont-elles les mêmes possibilités
de participation et d’expression sociales et culturelles ?
En règle générale, les individus peuvent s’identifier au sein de leur Etat à quantité de
groupes différents selon la citoyenneté, la race, le genre, la langue, la profession, le
lieu, les loisirs, etc. Il existe donc de nombreux pôles identitaires auxquels se ratta-
cher. Parmi ceux-ci, la culture fait référence aux coutumes, aux pratiques, aux lan-
gues, aux valeurs et aux visions du monde qui définissent les groupes sociaux – tels
ceux basés sur la nationalité, l’ethnie, la religion ou encore des intérêts communs.
S’identifier à une culture spécifique confère à l’individu un sentiment d’appartenance
et de sécurité. Cela lui donne également accès à des réseaux sociaux et lui apporte
un soutien, des valeurs et des aspirations communes, qui peuvent aider à faire tom-
ber les barrières et à développer la confiance entre individus.
L’identité culturelle est, par conséquent, importante pour la conscience de soi et la
relation de l’individu aux autres. Toutefois, une identité culturelle excessivement
marquée peut contribuer à élever des barrières entre les groupes. Inversement, les
membres des minorités culturelles peuvent se sentir exclus de la société si la majo-
rité de ceux qui sont au pouvoir font obstruction ou montre d’intolérance envers leurs
pratiques culturelles et le développement de cette identité et de leur sentiment col-
lectif d’appartenance. C’est pourquoi l’identité culturelle se caractérise par l’apparte-
nance ou l’identification à non pas un mais plusieurs groupes et cultures.
Apprendre à rapprocher et à négocier des identités culturelles contrastées est l’une
des préoccupations essentielles des jeunes, et en particulier de ceux qui ont récem-
ment immigré ou dont les parents sont des migrants. Ceux-là doivent négocier la
culture de leurs parents tout en intégrant les cultures majoritaires auxquelles ils sont
exposés là où ils vivent. Ce mélange confère souvent aux jeunes des minorités de
multiples compétences culturelles, des styles de communication et des normes de
relations interpersonnelles qui peuvent différer de ceux de la majorité des jeunes
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religieux ou guidé par d’autres intérêts qui est plus petit en nombre qu’un ou plu-
sieurs autre(s) groupe(s) dans une région donnée.
Toutefois, en prenant pour seules références des chiffres et des données démogra-
phiques, on risque de passer à côté de quantité d’autres éléments complexes. Par
exemple, un groupe peut être minoritaire dans un pays mais majoritaire dans d’autres,
et donc ne pas former une minorité dans la totalité d’une région. Si ces situations ont
souvent pour cause les phénomènes migratoires, elles peuvent aussi s’expliquer par
la politique de traçage des frontières. Ainsi, alors que la majorité de la population de
Slovénie est slovène (à plus de 87 %), les Hongrois et les Italiens ont le statut de mi-
norités autochtones – en vertu de la constitution slovène, qui leur garantit des sièges
à l’Assemblée nationale. La Slovénie compte d’autres groupes minoritaires, et notam-
ment ceux venus de l’ex-Yougoslavie depuis la première guerre mondiale.21
Il existe aussi des groupes qui sont des minorités dans tous les pays d’Europe et de la
Méditerranée. Lorsque leur population est peu importante en nombre, les membres
de certaines minorités se retrouvent dispersés sur un vaste territoire. D’autres minori-
tés n’ont pas encore obtenu de statut politique. Les Roms, par exemple, rencontrent
de graves problèmes de marginalisation et de discrimination dans pratiquement tous
les pays européens et méditerranéens, dans lesquels ils sont pourtant installés depuis
des siècles. C’est aussi le cas de communautés autochtones qui ont été réprimées par
d’autres mouvements nationalistes.
Q : Comment les Roms sont-ils perçus et traités dans votre pays ?
La plupart du temps, on pense que le terme de minorité fait référence à des diffé-
rences ethniques qui englobent des caractéristiques culturelles, linguistiques, reli-
gieuses, comportementales et biologiques, généralement sur la base d’une généalo-
gie ou d’ancêtres communs.22 Toutefois, les catégories dans lesquelles les individus
se classent – ou sont classés – sont nombreuses. L’appartenance à certaines de ces
catégories, comme le fait d’être végétarien, a peu de conséquences politiques ou
sociales, D’autres différenciations – comme l’identité sexuelle ou le mode de vie, la
couleur politique, la langue ou la religion – peuvent singulariser les individus par
rapport à une majorité dominante et avoir des implications très significatives. Par
ailleurs, ces identifications sont parfois visibles (handicap, couleur de peau) et
d’autres fois moins visibles voire invisibles (orientation sexuelle, convictions poli-
tiques, végétarisme). Selon le climat social d’une région, voire le contexte mondial
plus large, chacune de ces catégories est susceptible de conduire à des discrimina-
tions et donc à la nécessité de réparation politique ou juridique.
Il peut aussi arriver qu’une minorité religieuse parfaitement libre de pratiquer sa foi
dans un pays soit victime d’une forte persécution dans un autre, en particulier si son
identité religieuse se combine à une ethnie ou une nationalité spécifiques. Cepen-
dant, même si un groupe donné n’est pas une « minorité » selon la définition qu’en
donne tel ou tel gouvernement, il reste important, au niveau de la base et notamment
dans le travail avec les jeunes, d’être conscient des diverses formes d’incidences
qu’ont les normes et les attentes sociétales sur le groupe concerné.
Q : Dans votre pays, les Bahá’is et les témoins de Jéhovah sont-ils consi-
dérés comme des minorités ?
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Les jeunes constituent un groupe minoritaire significatif dans le monde. Selon l’Oxfam26,
41 % des chômeurs dans le monde sont des jeunes qui vivent dans une extrême préca-
rité, avec moins d’un dollar par jour. En outre, l’instabilité politique et les conflits les
exposent tout particulièrement à la violence. Les jeunes hommes constituent une
grande part des forces recrutées, parfois sous la contrainte, pour se battre dans les
conflits et les guerres, et les jeunes garçons ne sont pas épargnés : on compte plus de
300 000 enfants soldats dans le monde. Quant aux filles et aux jeunes femmes, elles
sont en temps de guerre tout particulièrement exposées au viol et à l’esclavage sexuel.
Les violences et les conflits ont des incidences sur les jeunes : ils les empêchent d’aller
à l’école et causent des traumatismes psychologiques, en plus de perturber les services
sanitaires de base.
Les femmes migrantes et issues des minorités sont à la merci de multiples inégalités, de
la discrimination et du racisme. Parce qu’en plus d’être des femmes elles sont aussi des
migrantes, elles se heurtent à divers obstacles pour entrer sur le marché du travail et
occupent la plupart du temps des emplois sous-évalués. Outre les jeunes femmes, les
jeunes handicapés, les jeunes d’antécédents religieux différents, les gays et les les-
biennes souffrent aussi des conséquences de la discrimination.
On estime à 10 % la population mondiale souffrant d’un handicap et donc empêchée
de bénéficier d’une véritable égalité des chances et d’une pleine participation à la vie
de la communauté, avec pour preuve des taux de chômage élevés, des revenus faibles,
des difficultés d’accès à l’environnement physique et l’exclusion sociale.27 Dans de
nombreuses régions du monde, les individus dont l’orientation sexuelle est différente
(de celle de la majorité) sont victimes de discriminations dont les formes vont des in-
sultes jusqu’au meurtre. Les couples de personnes lesbiennes et gays sont également
victimes de discriminations juridiques dans les domaines du droit au mariage et de
l’adoption d’enfants.28 A travers l’histoire, partout dans le monde, les adeptes de diffé-
rentes religions ont aussi souffert de discrimination massive.
Le programme Euro-Med Jeunesse29 a défini cinq priorités thématiques, dont l’une
concerne les droits des minorités. De cette façon, le travail de jeunesse pourrait faci
liter l’intégration des jeunes dans la vie sociale et professionnelle en garantissant
l’existence de processus démocratiques dans les sociétés civiles des pays partenaires
méditerranéens.
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Le racisme peut être à ce point intégré dans les politiques et les pratiques que les
actes individuels de racisme n’ont pas à être intentionnels, pas plus qu’ils ne se
situent à un niveau de conscience dans la population dominante.40 S’il se traduit
pourtant dans des politiques tangibles, comme l’allocation de ressources, le racisme
institutionnel peut faire partie des contributions esthétiques et culturelles d’un groupe
social dominant et se traduire par diverses hypothèses et inégalités subtiles.
Le terme de « minorité » soulève bien des critiques parce que, au sens littéral, il a
surtout été utilisé pour désigner des groupes de personnes faisant partie de la société ;
or, il a d’autres implications en lien avec le pouvoir, le statut social et le prestige.41 De
ce point de vue, les femmes dans les sociétés du monde entier peuvent être considé-
rées comme une minorité qui est affectée par des taux d’analphabétisme élevés, un
accès médiocre à la santé et des rémunérations inférieures à travail égal. La race,
l’ethnie, la religion et la culture sont autant de raisons qui conduisent à des inégali-
tés, mais le genre est une catégorie particulière. En réalité, trop souvent, ces raisons
se conjuguent, alimentant des niveaux multiples de discrimination.42 De la même
façon, bien que les enfants et les jeunes soient nombreux, ils sont pourtant discrimi-
nés pour des raisons d’âge, de situation de conflit, de législation inadaptée, de pau-
vreté ou d’inégalité. Les jeunes d’antécédents minoritaires notamment, parmi les-
quels les réfugiés et les migrants, souffrent de discrimination quotidienne et de
harcèlement à des degrés divers.
En dépit des diverses mesures prises pour lutter contre la discrimination, il subsiste
une myriade d’injustices pour beaucoup de minorités dans les pays européens et
méditerranéens. United for Intercultural Action43 – réseau européen contre le natio-
nalisme, le racisme et le fascisme, qui soutient les migrants et les réfugiés – suggère
que les pays européens notamment ont été le théâtre d’une montée du racisme et de
la xénophobie du fait de la récession économique, du chômage et de la marginalisa-
tion sociale et culturelle parce que, dans ce contexte, la tentation a été forte de trou-
ver les boucs émissaires parmi les immigrants, les réfugiés, les étrangers et les
minorités ethniques.44
Comme l’affirme John Andrews, un récent Eurobaromètre met en évidence une am-
bivalence inquiétante parmi les citoyens de l’Union européenne : seuls 21 % sont
« activement tolérants » envers les minorités et les migrants, tandis que 39 % se
considèrent « passivement tolérants ». Cela laisse 25 % de citoyens qui admettent être
« ambivalents
» et 14 % qui sont franchement « intolérants
».45 Des travaux de
recherche similaires suggèrent la possibilité de répartir la population en quatre grands
groupes :46
• les individus déjà conscients des problèmes du racisme et plus ou moins ac-
tivement impliqués dans des activités antiracistes (environ 10 %) ;
• les individus tolérants mais non engagés dans des activités antiracistes (environ
40 %) ;
• les individus avec des tendances racistes mais qui ne commettent pas d’actes
racistes (environ 40 %) ;
• les individus racistes qui expriment ouvertement leur attitude (environ 10 %).
Q : Que peut faire le travail de jeunesse pour contrer les perceptions néga-
tives au sujet des minorités, véhiculées dans les médias de masse ou
par les pouvoirs publics ?
Le Rapport des Nations Unies sur les migrations internationales fait état des impacts
positifs et négatifs des migrations sur les communautés d’origine et de destination.
Ainsi, les migrations peuvent faciliter le transfert de compétences et favoriser l’enri-
chissement culturel, et les migrants peuvent apporter une contribution précieuse à
leur pays hôte. Mais les migrations sont aussi une perte de ressources humaines pour
beaucoup de pays d’origine et un vecteur potentiel de tensions politiques, écono-
miques ou sociales dans les pays de destination.49
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Données statistiques
Ces chiffres proviennent des éditions 2002 et 2006 du Rapport des Nations Unies sur les
migrations internationales.50 En 2005, 191 millions de personnes (3 % de la population
mondiale) vivaient hors de leur pays de naissance ; 60 % des migrants du monde vivaient
dans l’une des régions les plus développées. Sur dix individus vivant dans une région plus
développée, pratiquement un individu est un migrant, comparé à un sur soixante-dix
dans les régions en développement.
La plupart des migrants dans le monde vivent en Europe (64 millions), suivie de l’Asie
(53 millions) et de l’Amérique du Nord (45 millions). Les trois quarts des migrants inter-
nationaux sont concentrés dans 28 pays seulement ; pratiquement la moitié des migrants
internationaux sont des femmes, et les migrantes dépassent en nombre les migrants dans
les pays développés. Les migrants tendent à venir de pays éloignés plutôt que de pays
voisins.
En 2002, les Emirats arabes unis affichaient le plus fort pourcentage de migrants, qui re-
présentaient 73,8 % de sa population, suivis du Koweït avec 57,9 %, puis de la Jordanie
et d’Israël avec respectivement 39,6 % et 37,4 %.51 En termes de nombre de migrants, les
Etats-Unis sont en tête (35 millions), suivis de la Fédération de Russie avec 13 millions et
de l’Allemagne avec 7 millions d’individus.
Selon le même rapport, les différentes formes de migration internationale ont ali-
menté des débats animés, notamment au lendemain du 11 septembre 2001. Beau-
coup de pays qui accueillaient des migrants ont durci leurs politiques relatives à la
mobilité. On a également constaté une mise en œuvre accrue de politiques natio-
nales visant à encadrer les niveaux et les caractéristiques des migrations internatio-
nales du fait des problèmes que peut engendrer une mobilité excessive sur divers
plans : faibles taux de fécondité, population vieillissante, chômage, exode des com-
pétences, transferts de fonds des travailleurs, droits de l’homme, intégration sociale,
xénophobie et traite des êtres humains.52 Ces tendances se sont également répercu-
tées sur la mobilité des citoyens à court terme (tourisme, voyages d’agrément, éduca-
tion, activités et rencontres internationales). Des exigences de visa plus strictes pour
les participants à des activités à court terme sont l’une des conséquences les plus
manifestes de ce durcissement politique.
La migration, qui est rarement un acte volontaire, apparaît souvent « forcée ». Parmi
les trois grandes catégories de migrants figurent les réfugiés, les demandeurs d’asile
et les travailleurs immigrés.
Les réfugiés
Selon la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (dite Convention
de Genève), un réfugié est une personne qui se trouve hors du pays dont elle a la
nationalité et qui ne peut ou ne veut y retourner, « craignant avec raison d’être persé-
cutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un
certain groupe social ou de ses opinions politiques ».53 La population totale des réfu-
giés dans le monde est passée de 2,4 millions en 1975 à 10,5 millions en 1985 et
14,9 millions en 1990, et ce nombre s’élevait à 13,5 millions fin 2004.54 Les réfugiés
les plus nombreux se trouvaient en Asie (7,7 millions), tandis que l’Afrique héber-
geait la deuxième plus forte population de réfugiés (3 millions).55 Par exemple, avec
la création de l’Etat d’Israël, les Arabes palestiniens ont été déplacés ; il en a découlé
une situation qui, dans le monde, est la plus durable, avec aujourd’hui encore
4 millions de personnes déplacées.56 Qui plus est, le Rapport des Nations Unies sur
les migrations internationales de 2002 affirme que le nombre de personnes dépla-
cées internes en 2001 se situait entre 20 et 25 millions, et que leur nombre était en
augmentation.
Thème 7
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7.10 D
éfis pour le travail euro-méditerranéen
de jeunesse, et suggestions
Les individus sont le reflet non seulement de leurs traits personnels, mais également
des caractéristiques de la région dans laquelle ils ont grandi, des langues qu’ils ont
apprises, des contes et des histoires qu’ils ont entendus, et de tous les autres éléments
qui constituent leur identité. Dans ces conditions, faire des généralisations au sujet
d’une minorité ou d’une majorité, leur coller une étiquette pour les enfermer dans
des « boîtes identitaires », ne fait que générer une série de problèmes qui sont autant
de défis au travail avec les jeunes dans le contexte euro-méditerranéen.
Dans Coyote no 0, Demetrio Gómez-Avila, un Rom d’Espagne, a écrit un article sur
son expérience de l’engagement au sein d’autres communautés roms dans différentes
régions, dont l’histoire n’est pas la même dans toute l’Europe. Evoquant le fait que
ces Roms ont des dialectes, des langues et des traditions culturelles différentes, Avila
a déclaré, lors de la première réunion avec des Roms d’autres pays, qu’il était très
impatient de connaître les autres Roms – qui, bien qu’appartenant à la même mino-
rité que lui, lui paraissaient tellement différents.64
Dans cet ordre d’idées, il existe, dans le contexte euro-méditerranéen, différentes
tendances contre lesquelles lutter plus particulièrement pour protéger la diversité
culturelle :
• la tendance à faire des généralisations et à classer les individus dans des catégo-
ries (minorité ou majorité), sans prendre en considération les différences au
sein des minorités et des majorités ;
• la non-prise en compte des questions qui concernent les jeunes des minorités
dans les politiques de jeunesse ;
• l’absence de démarche consciente pour faire participer les jeunes aux débats
et aux politiques qui concernent les droits des minorités ;
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Dans la pratique, l’obstacle juridique que constitue l’obtention de visas pour le tra-
vail de jeunesse a des incidences sur les activités en faveur de la mobilité des jeunes
tant à court qu’à long terme. Alors que beaucoup d’institutions et d’organisations
internationales s’efforcent de promouvoir la coopération et l’interaction entre les
jeunes, les ONG de jeunesse et les participants aux activités de jeunes sont souvent
découragés par des procédures de visas excessivement strictes ; au niveau des poli-
tiques nationales, l’accès des jeunes à la mobilité dépend beaucoup de leur pays
d’origine. Par exemple, le respect des procédures en la matière entraîne parfois un
retard dans l’octroi du visa, voire son refus, et donc l’impossibilité pour le jeune de
participer à l’événement.66
Q : Que faut-il à un jeune d’un pays méditerranéen pour obtenir un visa
d’entrée dans votre pays ? Et quelles sont les exigences auxquelles doit
satisfaire un autochtone de l’Union européenne pour faire la même
chose ?
Pour en revenir aux mesures en faveur des jeunes des minorités, certaines recom-
mandations valent d’être soulignées car elles sont susceptibles d’améliorer la qualité
des activités de jeunesse, tels que les stages de formation et les échanges :
Les responsables de jeunesse et les activistes de la société civile peuvent donner aux
jeunes des minorités les moyens d’agir grâce à des outils et à des mécanismes propres
à intensifier leur engagement dans la société et ainsi à protéger et à promouvoir la
diversité culturelle. Ils peuvent notamment :
• faciliter des dialogues constructifs entre les jeunes des diverses communautés
de la région euro-méditerranéenne, au moyen d’activités à leur intention ;
Thème 7
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7.11 Conclusion
Si les choses ne peuvent changer radicalement d’un jour à l’autre, des progrès signi-
ficatifs ont été réalisés ces dernières décennies dans le sens d’une prise de conscience
des droits et des besoins des minorités, alors que les événements et la législation ont
ouvert un espace plus équitable pour la diversité. Il reste néanmoins beaucoup à faire
en matière de promotion, d’action politique, d’éducation et de formation pour éradi-
quer la discrimination négative dont sont victimes divers groupes et minorités.
Pour amener la société à accepter la diversité culturelle – et ce faisant prévenir le
racisme, la xénophobie et la discrimination –, il faut parvenir à la reconnaissance et
à l’intégration des minorités qui ont été marginalisées dans les sociétés modernes.
Mais l’intégration ne doit pas être une démarche à sens unique, une tâche réservée
aux minorités ; dans les sociétés, la majorité et le gouvernement doivent répondre à
l’intégration en l’acceptant, autrement dit en votant des législations pour satisfaire les
besoins des minorités et prévenir effectivement la discrimination. Sinon, comme le
suggère Lentin, l’acceptation de la diversité culturelle ne pourra à elle seule résoudre
les problèmes entre les migrants et les Etats, pas plus qu’elle ne saurait empêcher que
ne surviennent des problèmes similaires à l’avenir.69
Compte tenu de la richesse et de la diversité des peuples, de leur culture et de leur
histoire dans les pays européens et méditerranéens, le travail de jeunesse doit s’at-
tendre à des défis comme à des opportunités. Au lieu de fermer la porte aux minorités
et d’afficher une diversité culturelle de façade, il faut affronter la xénophobie, le ra-
cisme (et notamment le racisme institutionnalisé) et la discrimination, tout en renfor-
çant la conscience de la diversité culturelle et la connaissance des autres régions et
peuples. Le travail international de jeunesse est en mesure d’offrir les opportunités
d’un tel changement, car il place les jeunes en situation à la fois de majorité et de
minorité. Mais cet objectif exige une action soutenue et des animateurs compétents
sur de tels processus d’apprentissage, au risque sinon de confirmer les stéréotypes et
les préjugés existants.
Une part de la mission du travail de jeunesse – et des travailleurs de jeunesse en par-
ticulier – est de s’assurer que les mêmes normes de reconnaissance et d’acceptation
des minorités sont en vigueur dans toutes les sociétés et, de la même façon, que le
respect de la diversité est compris, abordé et examiné selon des normes et des cri-
tères communs. Cela implique bien évidemment d’éviter les doubles standards, tout
en étant en mesure de prôner les mêmes niveaux d’égalité des chances et de traite-
ment. Malheureusement, les pratiques discriminatoires et racistes ne sont pas le
onopole d’un seul pays, d’une seule nation, d’une seule religion ou encore d’une
m
seule culture ; on les trouve partout, à travers tout le spectre social euro-méditerranéen,
et toutes constituent une atteinte à la dignité humaine. Ce qui, en revanche, peut être
variable est le degré d’acceptation de telles pratiques par les pouvoirs publics et la
société dans son ensemble. L’un des rôles du travail euro-méditerranéen de jeunesse
est d’aider chaque société à parvenir à un même niveau de conscience et d’intolé-
rance envers les discriminations et les humiliations, indépendamment de là où elles
se produisent, de qui en sont les cibles et des motifs sur lesquelles elles se fondent.
Notes du thème 7
(N.D.T.: dans le corps du texte, les extraits des ouvrages/documents de travail cités en notes de bas de page sont des
traductions libres, à l’exception des extraits de documents officiels et juridiques dont il existe une version française.
Dans les notes, les titres des documents de référence ont été traduits dès lors qu’ils existent en français.)
La définition de la culture à partir de diverses perspectives théoriques, avec les valeurs et les éléments qui y sont
1.
attachés, peut aussi être mise en relation avec le concept de dialogue interculturel lorsqu’elle est abordée dans
le travail de jeunesse. Sans forcément exclure d’autres définitions, ce chapitre porte sur le concept de diversité
culturelle et la façon dont celle-ci influe sur l’égalité des chances pour les minorités. Concernant des sujets
comme ce qu’est la culture, les éléments qui la composent, les notions relatives qu’elle implique, la relation
entre la culture et la mondialisation, et les spécificités culturelles relatives à l’interaction euro-méditerranéenne,
reportez-vous au chapitre 2, thème no 3 : « Apprentissage interculturel ».
« Nation state », Oxford English dictionary.
2.
Minority Rights Group International, Annuaire mondial encyclopédique des minorités, 1997.
3.
4.
Minority Rights Group International, State of the world’s minorities 2007, mars 2007, consultable sur www.
minorityrights.org/?lid=1000.
Euromosaic est une étude sur les groupes linguistiques minoritaires au sein de l’Union européenne. Elle a été
5.
réalisée au milieu des années 1990 à l’initiative de la Commission européenne. Son objectif était d’étudier la
situation des diverses langues minoritaires et régionales existantes, d’établir le potentiel de la pratique de ces
langues en termes d’élargissement et de pérennisation, et de rechercher les obstacles auxquels elles se heurtent
en la matière. La plupart des rapports sont disponibles sur www.uoc.edu/euromosaic.
6. Unesco, Diversité culturelle et mondialisation (consulté le 25 septembre 2005).
7. Adoptée par la 31e session de la Conférence générale de l’Unesco, Paris, 2 novembre 2001.
8. Adoptée par la 33e session de la Conférence générale de l’Unesco, 2005. La convention ne couvre pas tous les
aspects de la diversité culturelle traités dans la Déclaration universelle sur la diversité culturelle de l’Unesco,
mais examine des domaines thématiques spécifiques de la déclaration, comme ceux qui figurent aux articles 8
à 11.
9. Unesco (2005), Dix clés pour la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions
culturelles, disponible sur http://unesdoc.unesco.org/images/0014/001495/149502F.pdf.
10. Programme des Nations Unies pour le développement (2003), The Arab human development report 2003:
building a knowledge society, Fonds arabe pour le développement économique et social, p. 175.
11. Consultable sur http://europa.eu/scadplus/leg/en/lvb/r15001.htm.
12. Voir www.salto-youth.net/rc/euromed/.
13. Voir www.euromedcafe.org/about.asp?lang=fra.
14. Cette suggestion est tirée du sujet sur l’apprentissage interculturel du Dr Gavan Titley sur www.alanalentin.net/
(consulté le 10 mars 2006).
15. Programme des Nations Unies pour le développement (2004), Rapport mondial sur le développement humain
2004 : La liberté culturelle dans un monde diversifié, consultable sur http://hdr.undp.org/en/reports/global/
hdr2004.
Thème 7
218
17. Markus, H.R., et Kitayama, S. (1991), « Culture and the self: implications for cognition, emotion, and motiva-
tion », Psychological Review, vol. 98, n° 2, p. 224-53, avril 1991.
21. « Republic of Slovenia », Background notes on countries of the world 2003, avril 2003 (base de données : Aca-
demic Search Elite).
22. Smith, Anthony D. (1987), The ethnic origins of nations, Oxford, Blackwell, cité dans http://en.wikipedia.org/
wiki/Ethnic_group#_note-Smith.
23. Robert Nurden, « Apartheid in the heart of Europe », New Statesman, 23 février 2004, p. 30.
24. Minority Rights Group International, ONG basée au Royaume-Uni, œuvre pour la protection des droits des mi-
norités ethniques, religieuses et linguistiques et des populations indigènes à travers le monde, ainsi que pour la
promotion de la coopération et de la compréhension entre les communautés. Depuis trente ans, cette organisa-
tion travaille en étroite collaboration avec les Nations Unies et l’Union européenne pour promouvoir des normes
internationales en matière de droits de l’homme et le dialogue entre les minorités et les responsables politiques
des communautés majoritaires. Voir www.minorityrights.org.
25. Adapté de « Assessing the framework for country strategy papers: a minority rights perspective » – document de
Minority Rights Group International, mars 2003, disponible sur www.minorityrights.org.
26. Parlement international de la jeunesse (Oxfam), « Highly affected, rarely considered: the International Youth
Parliament Commission’s report on the impacts of globalisation on young people », Sydney, Oxfam, Community
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27. « La discrimination et la xénophobie » dans Repères : Manuel pour la pratique de l’éducation aux droits de
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28. Ibid.
29. Voir www.euromedyouth.net. Pour plus d’informations sur le programme, reportez-vous au chapitre 2, thème
no 1 de ce T-Kit.
30. Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme sur www.ohchr.org.
31. Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, Conseil de l’Europe, disponible sur www.coe.int/
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32. Repères : Manuel pour la pratique de l’éducation aux droits de l’homme avec les jeunes, Strasbourg : Conseil de
l’Europe, Direction de la jeunesse et du sport, 2003, p. 452. Consultable sur : http://eycb.coe.int/compass.
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39. Ibid.
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47. « La discrimination et la xénophobie » dans Repères, op. cit., p. 372.
48. Gareth Howell, représentant de l’Organisation internationale du travail des Nations Unies, lors de la Conférence
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50. Disponible sur www.un.org/esa/population/publications/2006Migration_Chart/Migration2006.pdf.
51. Il faut savoir que les raisons qui motivent la migration des individus varient en fonction du pays de destination ;
il peut s’agir de rejoindre un pays du Golfe avec des salaires élevés ou de fuir les conséquences de l’antisémitisme,
comme les juifs migrant vers Israël.
52. Nations Unies (2002), Rapport sur les migrations internationales, op. cit.
53. Voir www.ohchr.org.
54. Division de la population des Nations Unies, Migrations internationales 2006.
55. Ibid.
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par le Conseil des membres, 23-24 avril 2004, Bruxelles.
67. Ibid.
68. www.salto-youth.net/euromedminorities.
69. Voir www.alanalentin.net.
Thème 7