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RÉUNION DE LA COMMISSION DE L’ÉDUCATION,

DE LA COMMUNICATION ET DES AFFAIRES CULTURELLES

Québec, janvier 2011

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LA CULTURE COMME OUTIL DE


DÉVELOPPEMENT DURABLE

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LA CULTURE COMME OUTIL DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

La réflexion internationale en matière de développement durable a d’abord été une


réflexion sur les thèmes de l’environnement et du développement. Elle a été
exprimée dans le rapport Brundtland Notre avenir à tous (1987) puis adoptée plus
largement dans la Déclaration de Rio lors de la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement et le développement (Sommet de la Terre de 1992). La notion de
développement durable a toujours été à l’avant-plan des délibérations de
l’Assemblée parlementaire de la Francophonie. En effet, dès le début des
années 1990, l’Association internationale des parlementaires de langue française
(AIPLF), qui est devenue l’actuelle Assemblée parlementaire de la Francophonie en
1998, s’est intéressée à l’élaboration d’une « Charte du développement durable ».

Aujourd’hui très répandue et devenue l’assise même des politiques


environnementales de nombreux pays, la notion de développement durable prend
appui sur trois piliers fondamentaux : social, économique et environnemental. Elle
sous-tend de parvenir à un équilibre entre des objectifs économiques, sociaux et
environnementaux qui ne sont pas toujours jugés compatibles mais dont
l’interdépendance implique qu’ils doivent se renforcer mutuellement. Elle signifie bien
plus que le simple fait de conserver intactes les ressources physiques qui sont
génératrices de revenus. Comment maintenant y intégrer la question de la culture,
celle de la diversité culturelle?

CULTURE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

Les préoccupations d’ordre culturel n’ont pas été intégrées d’office à la réflexion
générale sur le développement durable et sur les facettes de sa mise en œuvre.
Néanmoins, une réflexion parallèle s’est amorcée dès les années 1990 sur le thème
de la culture et du développement (Rapport Pérez de Cuellar Notre diversité créatrice
de la Commission mondiale de la culture et du développement 1, 1996) et a conduit à
la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle (2001)2.

Au cours des dernières décennies, la notion de culture s’est considérablement


modifiée. Dans son acception la plus large, « la culture englobe les valeurs partagées
par la population, la tolérance envers l’autre, les orientations et les préférences
sociales, les croyances, la langue, les idées, le savoir. Elle s’étend à l’ensemble des
us et coutumes d’une société, à son vécu, à son histoire, à son patrimoine. Prise
dans un sens étroit et usuel, elle désigne l’ensemble des formes par lesquelles une
société s’exprime à travers les arts et les lettres3. » Elle caractérise généralement un

1
UNESCO, Notre diversité créatrice, Rapport de la Commission mondiale de la culture et du
développement, Paris, 1996, http://unesdoc.unesco.org/images/0010/001055/105586fo.pdf.
2
UNESCO, Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle, Paris, 2001,
http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001271/127160m.pdf.
3
Karim Hammou, « Culture et développement durable : vers quel ordre social? », Calenda,
22 avril 2010, http://calenda.revues.org/nouvelle16448.html.
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groupe particulier de personne et est souvent liée à une région géographique ou un


groupe social4.

En vertu de la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle, la


culture est considérée « comme l’ensemble des traits distinctifs spirituels et
matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social
et qu’elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre
ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances2. » Toujours selon
la Déclaration, la diversité culturelle constitue le patrimoine commun de l’humanité.
Elle s’incarne dans l’originalité et la pluralité des identités qui caractérisent les
groupes et les sociétés composant l’humanité, où elle est source d’échanges,
d’innovation et de créativité. À ce titre, elle doit être reconnue et affirmée au
bénéfice des générations présentes et des générations futures. C’est donc à ce
niveau que culture et diversité culturelle rejoignent et s’intègrent à la notion de
développement durable.

LA CULTURE EN TANT QUE QUATRIÈME PILIER DU DÉVELOPPEMENT


DURABLE

En érigeant la diversité culturelle au rang de « patrimoine commun de l’humanité »,


la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle rend cette dernière
aussi nécessaire pour le genre humain que la biodiversité l’est dans l’ordre du vivant,
et fait de sa défense un impératif éthique, inséparable du respect de la dignité de la
personne humaine. Placée sur un pied d’égalité avec la protection de la biodiversité,
la protection de la diversité culturelle est devenue une condition essentielle à la
durabilité du développement.

D’ailleurs, la réflexion en ce sens s’est poursuivie au Sommet mondial sur le


développement durable de Johannesburg en 20025, où la culture est devenue le
quatrième pilier du développement durable, aux côtés des piliers social, économique
et environnemental. À ce moment, l’UNESCO et le Programme des Nations Unies
pour l’Environnement (PNUE) ont jeté les bases d’un nouveau protocole pour faire de
la diversité culturelle l’une des priorités permanentes à prendre en compte dans
toutes discussions relatives au développement durable.

Dans ce contexte, la diversité biologique et la diversité culturelle sont vues comme


des phénomènes non dissociés qui se renforcent mutuellement et sont
interdépendants puisque l’on ne peut ni comprendre, ni conserver son
environnement naturel sans appréhender les cultures humaines qui l’ont façonné.
Chaque culture possédant son propre ensemble de représentations, de
connaissances et de pratiques, la diversité culturelle devient un gage de la

4
« Culture et développement durable », Vedura, Le Portail du développement durable,
http://www.vedura.fr/social/culture (consulté le 20 janvier 2011).
5
UNESCO et PNUE, Diversité culturelle et biodiversité pour un développement durable, Table ronde de
haut niveau organisée conjointement par l’UNESCO et le PNUE le 3 septembre 2002 à Johannesburg
(Afrique du Sud), Paris, 2003,
http://www.unep.org/civil_society/PDF_docs/Diversite_Culturelle_et_Biodiversite.pdf.
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biodiversité. Par exemple, un lien direct peut être établi entre diversité culturelle et
diversité biologique à travers le « savoir », enraciné dans les langues locales. À vrai
dire, les cultures détiennent le savoir sur la biodiversité, dont elles sont nées et se
nourrissent6.

Face à la mondialisation, qui fait peser le risque d’une homogénéisation croissante de


l’environnement culturel et biologique, il importe aux yeux de l’UNESCO et du PNUE
de mieux promouvoir la pluralité des cultures, dans toutes leurs expressions, et de
lutter contre la perte de la diversité biologique. C’est pourquoi les
deux organisations, réunies en Table ronde, se sont données pour objectif d’établir
un nouveau protocole pour faire de la diversité culturelle l’une des priorités
permanentes à prendre en compte au même titre que la biodiversité dans toutes
discussions relatives au développement durable 7.

En résumé, puisque la diversité culturelle est le reflet de la biodiversité et que la


diversité humaine est indissociable de la diversité naturelle, il demeure primordial de
renforcer le dialogue entre diversité culturelle et développement tel que le propose la
Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle8.

DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE : APPROCHES ET ACTIONS DU CANADA

Dès 1999, le Canada s’est efforcé de faire adopter un instrument international


reconnaissant la légitimité des politiques culturelles, notamment lorsqu’il est
question de commerce. Le Canada a par ailleurs participé activement à l’élaboration
de la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle, adoptée en
2001, puis aux travaux qui ont mené à l’adoption de la Convention sur la protection
et la promotion de la diversité des expressions culturelles en octobre 2005, laquelle
regroupe aujourd’hui 115 États. À ce jour, le Canada a versé, par l’entremise de
Patrimoine canadien, une contribution volontaire de 500 000 $ au Fonds international
sur la diversité culturelle, dont l’objectif est de promouvoir le développement durable
et la réduction de la pauvreté chez les pays en développement, parties à la
Convention.

En matière de développement durable, le Canada a fait le choix depuis plusieurs


années d’en intégrer les principes et les objectifs dans plusieurs pans de sa
législation. De plus, le gouvernement du Canada en fait la promotion grâce à de
nombreux programmes, politiques et initiatives. Il exige de ses ministères et
organismes d’élaborer et de déposer au Parlement des stratégies de développement
durable (SDD) tous les trois ans. Ces stratégies sont des outils importants qui
guident ceux-ci vers une intégration systématique des principes du développement

6
Ibid., p. 8 et 9.
7
Ibid., p. 10.
8
Ibid., p. 10 et 12.
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durable dans les politiques, les programmes, les dispositions législatives et les
opérations9.

Le Canada intervient aussi de façon très variée au chapitre de la préservation tant de


la diversité culturelle que de la biodiversité, principalement par le biais de ses
programmes de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel et naturel.
Depuis 125 ans, du nord au sud et d’est en ouest, il a mis en place un vaste réseau
de parcs nationaux et de lieux historiques et patrimoniaux qui sont le reflet de toute
sa diversité. Ce sont plus de 1 500 personnes, événements et endroits que le
gouvernement du Canada a commémorés pour témoigner des tournants de l’histoire
du pays en plus d’illustrer la créativité et les traditions culturelles de ses habitants10.
Plus de 269 000 km2 de territoire naturel sont protégés au sein de 38 parcs
nationaux et de cinq vastes sites où les terres ont été mises en réserve aux fins de la
création d’un parc national11.

Au Canada, l’intégration de la culture à la notion de développement durable demeure


essentiellement implicite et se traduit surtout au niveau des politiques et des
programmes sous la responsabilité du ministère du Patrimoine canadien. Patrimoine
canadien reconnaît que la mise en œuvre du développement durable repose tout
autant sur des facteurs sociaux et culturels que sur des facteurs environnementaux
et économiques. En conséquence, il a élaboré ses dernières stratégies de
développement durable en tenant compte des aspects sociaux et culturels du
développement durable, tout en reconnaissant que ces dimensions sont moins bien
comprises que les dimensions économiques et environnementales. Dans sa dernière
stratégie de développement durable (2007-2009), il s’est engagé à déterminer, en
collaboration avec les communautés et les décideurs, les éléments culturels qui
contribuent au développement durable et à comprendre comment on peut évaluer et
mesurer cette contribution.

CONCLUSION

La communauté internationale reconnaît maintenant que la culture est une


composante intrinsèque du développement durable et qu’elle doit être appréhendée
telle quelle. Certes, les approches de mise en œuvre concrète qui tiennent compte de
cette intégration somme toute récente doivent encore être définies et évaluées. Le
Canada s’y intéresse principalement par le truchement de ses stratégies de
développement durable, sachant aussi que les provinces s’y intéressent aussi. Par
exemple, le Québec en a récemment fait état dans le cadre de son Plan d’action de
développement durable 2009-2013 – Notre culture, au cœur du développement

9
Agriculture et Agroalimentaire Canada, Stratégies de développement durable,
http://www4.agr.gc.ca/AAFC-AAC/display-afficher.do?id=1175526032952&lang=fra.
10
Parcs Canada, Lieux historiques nationaux du Canada, http://www.pc.gc.ca/progs/lhn-nhs/intro_f.asp
(consulté le 24 janvier 2011).
11
Parcs Canada, Parcs nationaux et réserves de National du Canada, http://www.pc.gc.ca/fra/docs/v-
g/nation/nation103.aspx (consulté le 24 janvier 2011).
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durable12, déposé en 2009 par la ministre de la Culture, des Communications et de la


Condition féminine.

Ailleurs dans la Francophonie, la Commission Française du Développement Durable a


proposé de faire de la culture le quatrième pilier du développement durable aux
côtés de l’économie, du social et de l’environnement. Dans un Avis sur la culture et
le développement durable (avril 2002), la Commission insistait déjà sur la nécessité
de compléter l’approche du développement durable en intégrant la dimension
culturelle et concluait qu’il est « indispensable pour l’avenir de l’humanité de
maintenir et développer des pratiques culturelles libres, diverses et accessibles à
tous. C’est la condition pour qu’un modèle de société, que l’on pourrait qualifier de
durable, puisse trouver son sens13. »

Une grande partie de la tâche est devant nous et il incombe en bonne partie à la
Francophonie mondiale de s’assurer que le partage de la culture et la préservation de
la diversité culturelle qui l’anime soient mis en valeur, promus et respectés de
tous.

12
Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Notre culture, au cœur du
développement durable – Plan d’action de développement durable 2009-2013, Québec, 2009,
http://www.mcccf.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/publications/developpement-durable.pdf.
13
Commission Française du Développement Durable, Avis n° 2002-07 sur la culture et le
développement durable, avril 2002, http://www.agirpourlenvironnement.org/pdf/avis7.PDF.

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