Vous êtes sur la page 1sur 9

Revue Langues, cultures et sociétés, Volume 8, n° 2, décembre 2022.

L’Université marocaine : espace d’un plurilinguisme prometteur


Cas de l’Université Mohammed V de Rabat

Hafida MDERSSI
Faculté des Sciences de l’Education
Université Mohammed V - Rabat

Résumé- Le phénomène de la Migration fait partie des grandes questions qui motivent les
différents débats ouverts à travers les plateformes mondiales. Politiciens, chercheurs,
éducateurs, acteurs de développement sont tous interpellés par l’importance de cette
problématique pour qu’ils agissent bonnement à travers la mise en place d’une nouvelle
politique linguistique favorisant l’adoption de diverses approches d’intégration, permettant
ainsi à tous les usagers de vivre dans une grande symbiose.
Bien que cet écrit contribue modestement à cette discussion, il focalise surtout la valorisation
du rôle que joue, actuellement, l’université marocaine dans cette dynamique afin d’assurer
l’intégration des flux estudiantins aussi bien dans le cursus académique que dans le vie active.
Mots clés –Migration, diversité, plurilinguisme, politique linguistique, approches, université,
intégration, développement.
Title –The Moroccan University: Space of a Promising Multilingualism. Case of Mohammed
V University in Rabat
Abstract- The phenomenon of Migration is one of the major questions that motivate the various
debates open through global platforms. Politicians, researchers, educators, and development
actors are all challenged by the importance of this problem so that they act properly through the
establishment of a new language policy promoting the adoption of various integration
approaches, thus allowing all users to live in great symbiosis.
Although this writing contributes modestly to this discussion, it focuses above all on the
enhancement of the role currently played by the Moroccan university in this dynamic in order
to ensure the integration of student flows both in the academic curriculum and in working life.
Keywords – Migration, Diversity, Multilingualism, Language Policy, Approaches,
University, Integration, Development

Introduction

« Migrations », « Intégration linguistique », « Plurilinguisme », « Contact de Langues »,


« Expressions Francophones » termes qui constituent une échelle de mots- clés qui ne tracent
pas uniquement le cadre d’une rencontre intellectuelle autour d’une thématique en vogue, qui
mérite de faire l’objet d’un grand débat ; mais ils lancent aussi un clin d’œil à une problématique
mythique émanant de la fameuse Tour de Babel. Autrement dit, cette thématique
multidimensionnelle dont le traitement reste inépuisable couvre plusieurs domaines et secteurs
qui exigent de vraies politiques de gestion des langues essayant ainsi d’éliminer toute confusion
et tout facteur risquant de perturber l’interaction verbale.
Ainsi, pour traiter de cette thématique qui incite à la réflexion, il serait nécessaire de se poser
quelques questions pertinentes telles les suivantes : pourquoi la Migration constitue-t-elle
actuellement le centre d’intérêt majeur de toutes les politiques planétaires ? En quoi le
plurilinguisme pourrait- il constituer un levier inévitable dans un processus
d’intégration efficace ? Quels dispositifs la politique linguistique pourrait-elle mettre en place
pour élargir son champ d’investigation ?

86
Revue Langues, cultures et sociétés, Volume 8, n° 2, décembre 2022.

Répondre à ces questions dicte un traitement qui couvrira le diagnostic synoptique du flux
migratoire, d’abord ; procédera à la description des politiques linguistiques qui sont
actuellement en vigueur dans plusieurs pays d’accueil, ensuite ; et enfin, favorisera la
proposition d’une politique linguistique élargie, apte à briser toutes les barrières linguistiques.

Les phénomènes migratoires entre ombres et lumières.

Aborder le phénomène de la migration n’est en aucun cas une tâche accessible dans la mesure
où cette opération sollicite des conditions sine qua non interpelant plusieurs paramètres liés à
l’histoire, à l’information, à la crédibilité et surtout à l’objectivité.
Il est à noter que la migration a toujours accompagné l’Homme depuis le début de son existence.
Cet individu se trouve attiré par l’inconnu et donc tente l’expérience de quitter un espace
familier pour atteindre un espace étranger, en passant par des situations souvent insolites, vu
les épreuves difficiles qu’il doit affronter et vaincre afin d’arriver à destination.
L’exode rural, l’exil, la quête de la liberté, l’aventure, la conquête, la recherche de l’emploi, les
études et bien d’autres objectifs liés à la Migration dévoilent une dynamique planétaire en plein
mouvement, pouvant être abordée sur deux tonalités majeures : la migration forcée et la
migration volontaire, mais laissant dans l’ombre les conséquences qui ne sont pas toujours
« heureuses ».

La Migration au passé

Un retour en arrière nous invite à découvrir les différentes facettes de la Migration. Chasser,
cueillir et peupler les espaces terrestres étaient les motivations majeures qui justifiaient les
déplacements de l’Homo Sapiens.
Découvrir et exploiter les contrées lointaines étaient en quelque sorte l’objectif principal des
explorateurs et des colonisateurs. Attirer la main d’œuvre pour l’ouvrage pénible comme le
travail dans les champs ou dans les mines était un grand projet mis en place par les auteurs du
commerce triangulaire et tardivement par les pays industrialisés. La chasse aux cerveaux, quant
à elle, a été un grand challenge à instaurer par les grands dirigeants qui visaient le développent
de certains pays occidentaux même au détriment de leurs semblables, pays d’origines de ces
« Cerveaux ».

Or, derrière cette panoplie de formes relatives à la migration, surgit un type de relation de
complémentarité que nous visualiserons comme suit :

Emigration _____________________________________ Immigration


(Pays d’origine) (Pays d’accueil)

Les individus (émigrés) quittent leur pays d’origine pour s’installer dans un pays étranger en
tant qu’immigrés. Ainsi, ces deux points de déplacement spatial constituent les piliers du
phénomène de la Migration et par là l’importance que requiert la globalisation.

La Migration au Présent

Depuis des décennies, le phénomène de la migration se conjuguait avec celui de


l’envahissement. Conséquemment, une série de comportements souvent inhumains se
déchainaient : racisme, xénophobie, discrimination, … lesquels mettaient plusieurs pays dans

87
Revue Langues, cultures et sociétés, Volume 8, n° 2, décembre 2022.

une situation chaotique (agressions, vols, …) vu que « le mal engendre le mal » devient,
actuellement, une sorte de devise.
Cela incite les dirigeants de certains pays à réfléchir à de vraies politiques d’intégration comme
les pays membres de l’Union européenne, selon l’article 79 du traité relatif au fonctionnement
de l’Union européenne. Autrement dit, ces dirigeants ont pensé à convertir ces immigrés en de
vrais acteurs de développement ; et ce, en recourant à des outils politiques, sociaux, culturels,
linguistiques, …
Le plan d’action pour la période 2021- 2027 mis en place par la commission européenne
(Bruxelles 2020) visant l’intégration et l’inclusion à tous, ainsi que le phénomène de la
Mondialisation, constituent la preuve tangible que la Migration devient de plus en plus une
source de richesse dans un processus de développement assuré.
Aussi, le Maroc est- il parmi les pays d’accueil de plusieurs immigrés provenant notamment de
l’Afrique Subsaharienne et des pays d’Orient. La constitution du Royaume, en particulier
l’article 30, octroie aux migrants les mêmes droits que les marocains, y compris le droit de voter
dans les élections locales.
Ainsi, le Royaume du Maroc a instauré une politique d’immigration qui assure l’intégration
socio-économique des migrants et des réfugiés, et ce, à travers des campagnes de régularisation
et des actions qui favorisent la scolarisation des enfants et l’employabilité des adultes.

Programme d’Intégration : quelle politique Linguistique ?

Bien qu’ancienne comme pratique relative au langage, le concept de politique linguistique a


récemment été soumis à une révision et en un ajustement des usages linguistiques.
Les écritures anciennes comme les cunéiformes mésopotamiens, les caractères chinois et les
alphabets en usage dans les différents pays de la planète constituent les multiples éléments qui
brossaient négativement le champ des langues pratiquées de manière communautaire et
personnalisée, sans structuration aucune. Or, cette situation a conduit à des débats de plus en
plus vigilants vu qu’ils visaient une structuration des langues en usage dans les différents pays :
langue(s) maternelle(s), langue du colon, langue nationale, langue officielle, langue
étrangère,…
Ce paysage multi- langagier paraît incontrôlable malgré les recherches linguistiques et les
débats politiques à l’échelle mondiale. Ainsi s’impose la mise en place d’un nouveau dispositif
capable de structurer les langues en usage et de les orienter vers différents emplois.

La politique linguistique dans les pays du Nord


La politique linguistique de certains pays du Nord, comme la Grande Bretagne, la France et
l’Allemagne, a été marquée par un modèle qui consistait à assurer une large diffusion de leurs
langues, à l’échelle internationale. D’autres encore ont opté pour une politique commune vu
qu’ils partagent la même langue, et ce dans le but de la certification.
Or, une autre vision est imposée par certains organismes qui veillent à défendre la diversité
linguistique contre la menace de l’uniformisation anglophone en mettant en place des actions
communes, comme dans les espaces linguistiques : francophone, hispanophone et lusophone.
Si l’instauration d’une vraie politique linguistique se justifiait par le désir d’attribuer un statut
déterminant aux langues en usage dans le pays d’accueil, elle se voit nécessaire et même
stratégique dans les temps présents pour une vraie intégration sociale, notamment celle des
immigrés. Les incidents quotidiens qui provoquent beaucoup de dégâts humains et matériels
obligent les décideurs à reconsidérer le phénomène de la Migration pour le réorienter vers une
voie apte à considérer les immigrés comme des ressources humaines, source de richesses.

88
Revue Langues, cultures et sociétés, Volume 8, n° 2, décembre 2022.

Ainsi, le dispositif de la politique linguistique favorise systématiquement le plurilinguisme dans


tous les milieux : éducatif, culturel, universitaire, entrepreneurial, …
Dans le paysage universitaire, le plurilinguisme reste une vraie problématique liée à l’offre de
formations : choisir des filières en langue nationale ou en langue étrangère ? Opter pour une
langue d’uniformisation, l’anglais, imposée par la globalisation ou veiller à la diversité
linguistique ?
Cette problématique prouve bel et bien qu’il existe un vrai désordre dans les différents paysages
linguistiques. A ce propos, Louis-Jean Calvet (1999 :76) propose un « modèle
gravitationnel », qui vise à installer de l’ordre dans le grand « désordre
babélien » lequel perturbe l’usage efficace des langues du monde. Ce modèle part d’un postulat
qui affirme que les langues entretiennent des relations entre elles par des usages bilingues
lesquels font que ces langues se hiérarchisent par des « rapports de force ».

La politique linguistique au Maroc


Il est à noter que le Maroc constitue un pays marqué par divers usages linguistiques : l’arabe
dialectal, l’amazigh, le hassani, le français, et l’espagnol (au nord).
Le petit apprenant marocain est donc tiraillé entre plusieurs parlers et langues : le dialectal dans
ses différentes variantes régionales et l’Amazigh avec ses trois versions, aux niveaux familial
et social alors que l’arabe classique, le français et l’anglais sont utilisés dans le milieu scolaire.
La Charte nationale d’éducation et de formation (2000), dans le levier 9, intitulé « Perfectionner
l’enseignement et l’utilisation de la langue arabe, maîtriser les langues étrangères et s’ouvrir
sur le Tamazight » expose les choix du Royaume du Maroc, relatifs à la politique linguistique
instaurée dans le dessein d’atteindre concomitamment plusieurs objectifs : politique, éducatif,
fonctionnel, ….
Les multiples considérations énumérées par cette charte précisent clairement la politique
linguistique du Royaume du Maroc qui prônent les orientations majeures suivantes :
« - Le renforcement et le perfectionnement de l’enseignement de la langue arabe,
- La diversification des Langues d’enseignement des sciences et des technologies
- L’Ouverture sur l’amazigh
- La maîtrise des langues étrangères »
Cette politique linguistique mobilise plusieurs acteurs et responsables officiels (Les ministères,
les académies, les établissements de formation et d’enseignement,) ainsi que les collaborateurs
internationaux (centres culturels et instituts de langues,) pour la mise en place de plusieurs
formules d’apprentissage et d’immersion linguistique et de dispositifs modernes tels que les
laboratoires de langues et les espaces- multimédias.

La politique linguistique à l’Université Mohammed V de Rabat


Depuis sa création en 1957, L’Université Mohammed V de Rabat, dorénavant (UM5R), n’a pas
cessé d’accueillir des étudiants de tous les continents. Ce flux migratoire se justifie par deux
raisons importantes :
- Les mouvements diplomatiques gérés par les affaires étrangères : enfants
d’ambassadeurs, de consuls, d’attachés militaires, d’attachés culturels, …

- La recherche de formations de qualité à l’UM5, lesquelles couvrent de nombreux


domaines : Lettres, Sciences humaines, Sciences exactes, Sciences économiques,
Ingénierie, Technologie, …

Le flux migratoire estudiantin 2019/ 2020

89
Revue Langues, cultures et sociétés, Volume 8, n° 2, décembre 2022.

Le flux migratoire estudiantin ne cesse de progresser vers l’UM5R. En 2019/ 2020, il atteint
1017 étudiants internationaux, déclinés comme suit :

Nombre d’inscrits à l’UM5R en 2019/ 2020


Continent/Région/Pays d’origine Effectif Pourcentage
Afrique subsaharienne 685 67 °/°
Amérique du Nord 1 0 °/°
Amérique du Sud 14 1/°/°
Asie 108 11°/°
Europe 31 3°/°
Moyen Orient 158 16°/°
Océanie 20 2°/°
Total 1017

Ces données chiffrées montrent la légitimité du plurilinguisme qui s’impose dans un pays
d’accueil comme le Maroc. Autrement dit, une politique linguistique de pointe reste le meilleur
moyen qui pourrait assurer une insertion et une inclusion efficaces, aussi bien dans le cursus
académique que dans la vie active.

Intégration dans le cursus académique : Formation fondamentale


Pour une intégration effective dans le cursus académique, l’UM5R offre une panoplie de
formations qualitatives qui attirent les populations estudiantines soucieuses de compétitivité.
Ainsi, l’offre de formations de l’UM5R dépasse 254 filières réparties en pôles, comme suit :
- Pôle Santé
- Pôle Ingénierie
- Pôle Sciences et techniques
- Pôle Sciences de l’Education
- Pôles Sciences Juridiques, Economiques et de Gestion
- Pôle Lettres, Sciences Humaines et Sociales
Ces formations sont dispensées en trois langues d’enseignement : l’arabe classique, le
français et l’anglais ; sans oublier les formations dont la spécialité est la maîtrise des langues
vivantes comme les « Etudes Françaises », les « Etudes anglaises », les « Etudes Hispaniques »,
les « Etudes Germanophones », et les « Etudes italiennes ».
Cette palette de filières dispensées en langues vivantes n’est que la preuve tangible que
l’université qui accueille des populations estudiantines internationales reste un paysage
favorable au plurilinguisme.
Un étudiant, qui quitte son pays natal pour poursuivre ses études à l’étranger, emporte avec lui
les langues et les idiomes pratiqués dans son milieu. Par conséquent, il se prépare à l’acquisition
de nouvelles langues qui sont en usage dans le pays d’accueil, dans la mesure où il est convaincu
que cela contribuerait à son évolution et donc à sa réussite.

La mise à niveau linguistique


Pour pouvoir suivre leurs études à l’UM5R et dans tous les établissements universitaires du
Royaume du Maroc, les étudiants internationaux provenant de pays non francophones sont
amenés à s’inscrire à un programme de mise à niveau linguistique leur permettant d’apprendre
la langue d’enseignement avec laquelle est conduite leur formation fondamentale choisie, à
savoir le français.

90
Revue Langues, cultures et sociétés, Volume 8, n° 2, décembre 2022.

Ce programme hébergé à la Faculté des Sciences de l’Education depuis 1986 s’inscrit dans le
cadre de la mise en œuvre d’une politique de coopération de pointe entre le Maroc et les pays
amis. Ce qui permet à ces étudiants non francophones d’œuvrer dans un sens d’auto-
responsabilisation pour réussir cette étape de leur parcours académique et aboutir à une réussite
déjà fixée dans leur projet personnel.

Entités de langues
Dans sa stratégie d’ouverture sur le monde, l’UM5R a accueilli plusieurs projets de coopération
qui visent à offrir un apprentissage ciblé relatif à de nouvelles langues vivantes, majoritairement
asiatiques : le chinois, le japonais, le coréen, et récemment le turc.
La Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Rabat reste l’établissement qui héberge
toutes ces bonnes pratiques depuis plusieurs décennies. Cette expérience pionnière constitue,
bel et bien, un atout remarquable pour les bénéficiaires.
Ces différentes entités procèdent à l’apprentissage de la langue en question dans son contexte
culturel, ce qui rend cet apprentissage langagier attrayant. Toutefois, le développement de ces
entités contribue, ces derniers temps, à l’insertion des étudiants bénéficiaires dans d’autres
cursus de formations à l’étranger grâce à des bourses offertes par les universités partenaires et
aussi à l’insertion professionnelle, vu que les meilleur(e)s bénéficiaires assurent actuellement
la formation aux côtés des locuteurs natifs : la langue japonaise, par exemple, est enseignée par
des marocains qui ont précédemment bénéficié de la formation dispensée par des japonais,
quelques années auparavant.

Le Centre d’Accueil, d’Information, d’Orientation et de Suivi


Le Centre d’Accueil, d’Information, d’Orientation et de Suivi, connu sous le sigle (CAIOS),
est un centre qui offre des services aux différents étudiants inscrits à l’UM5R.

Les missions du CAIOS


Les missions majeures du Centre d’Accueil, d’Information et de Suivi sont mentionnées à partir
de son appellation ; ils se conjuguent dans une stratégie de pointe résumée comme suit :
- Accueil des lycéens et des étudiants demandant des informations officielles sur l’offre
de formations de l’UM5 ainsi que celle des autres universités du Royaume.

- Aide à l’Orientation assurée par une équipe d’experts nationaux, conseillers et


inspecteurs notamment.

- Organisation de campagnes d’information et de sensibilisation au sein de tous les


établissements de l’UM5.

- Lutte contre le décrochage qui se manifeste par la mise en place d’un programme
d’accompagnement langagier, communicationnel, artistique, …

- Assistance des étudiants, notamment ceux en situation de handicap, ayant des difficultés
psychologiques par des séances de guidance psychologique ou de coaching,

- Organisation d’événements- phares qui contribuent à l’insertion effective des lycéens et


des étudiants : université d’été, journées – métiers, forums de l’emploi, …

- Préparation des lauréats à l’insertion dans la vie professionnelle grâce à des programmes
et des expériences exclusives telles que le « Female Mentoring », le reprofilage, …

91
Revue Langues, cultures et sociétés, Volume 8, n° 2, décembre 2022.

Le plurilinguisme au CAIOS
Le Centre d’Accueil, d’Information, d’Orientation et de Suivi (CAIOS) attribue au
plurilinguisme un statut opérationnel qui va de l’enrichissement du potentiel langagier à une
composante pertinente dans le processus du développement des compétences requises par la
vie active.
Le flux estudiantin qui bénéficie des services offerts par le CAIOS ne cesse de manifester des
besoins souvent urgents quant à l’apprentissage des langues vivantes.
Conscients de l’importance et de la pertinence des langues vivantes dans tous les secteurs de la
vie active, les étudiants s’inscrivent à tous les ateliers de consolidation linguistique et/ ou
d’apprentissage de langues étrangères.
Ainsi, lors de l’année académique et dans le cadre de l’université d’été organisée annuellement
par le CAIOS au mois de Juillet, l’apprentissage des langues vivantes constitue une composante
nodale :
- L’arabe pour les non- arabophones comptant séjourner au Maroc pendant une longue
période.

- Le français pour les non- francophones ainsi que pour les étudiants ayant besoin d’une
consolidation linguistique, surtout que le français est une langue d’enseignement dans
la plupart des formations académiques. Aussi, est-elle requise par les secteurs
professionnels marocains qui exigent le bilinguisme.

- L’anglais en faveur des étudiants qui ont besoin de suivre des études anglophones ou
accéder à une organisation professionnelle exigeant la maîtrise de la langue anglaise.

- L’espagnol qui s’impose de plus en plus au Maroc, surtout au nord. Or, de nombreux
étudiants commencent à s’orienter vers les universités hispaniques qui ont une grande
renommée.

- L’Amazigh dont l’apprentissage devient imposant vu que, d’une part, c’est une langue
nationale au Maroc et donc elle constitue une véritable modalité pour l’identité
culturelle ; et d’autre part, elle devient un vecteur pertinent qui assure l’accès à la vie
active : enseignement, entreprise, …
L’expérience du CAIOS quant à l’accompagnement des étudiants dans la consolidation
linguistique et dans l’apprentissage de nouvelles langues vivantes a été pertinente dans la
mesure où elle a contribué au développement de l’intérêt de la part de tous les acteurs
académiques de l’UM5R. La stratégie actuelle prévoit la multiplication des entités œuvrant pour
l’apprentissage des langues vivantes en recourant à la création de nouveaux centres de langues.

Le plurilinguisme : quel avenir ?


Tous les points abordés dans cet écrit nous incitent à nous interroger sur l’avenir du
plurilinguisme. Serait-il toujours considéré comme une composante curriculaire politiquement
orientée et par là recommandée ou exhortée par les institutions ; ou encore une exigence dictée
par les secteurs professionnels en pleine « guerre » de concurrence ?
Il est à noter que la description du paysage linguistique est une tâche bien complexe surtout
dans une société en plein mouvement et qui opte pour la diversification dans l’apprentissage
des langues. A ce propos, Breton affirme que « Notre monde est celui où, sous une apparente
unification, la variété est plus grande que jamais car plus que jamais perceptible par
de plus profonds brassages et de plus immédiates confrontations. Nous vivons à l'époque

92
Revue Langues, cultures et sociétés, Volume 8, n° 2, décembre 2022.

où . . . la personnalité nationale, ethnique, de chacun, l'élévation des parlers locaux n'ont


jamais été si vivement exaltés. Un monde et une époque où le respect, voire la renaissance,
des différences culturelles et, notamment, linguistiques n'ont jamais été revendiquées
avec tant de force ; où est posée la question du droit d'être différent, donc du maintien
ou de l'instauration de sociétés pluralistes » (Breton 1976 : 24-25).

Bien que cet écrit paraisse comme un vrai plaidoyer en faveur du plurilinguisme, il contient en
filigrane quelques remarques qui méritent une réflexion orientée vers le développement durable.

Le plurilinguisme institutionnel
L’immersion linguistique pratiquée dans les établissements scolaires et universitaires est fondée
sur une panoplie d’approches et d’orientations politiques, culturelles, économiques qui visent
spécialement la réussite des apprenants- futurs-lauréats.
Or, le rythme accéléré et les pratiques non soumises à une évaluation rigoureuse de ces
apprentissages dénonce ces établissements qui ne se sont pas encore réellement attelés à la
bonne accommodation. Conséquemment, toute langue devient « impure » car on affecte son
système des règles grammaticales, on lui impose des emprunts, des abréviations, des mots
grossiers et même vulgaires, … sans sanction aucune.
Une pédagogie de l’immersion linguistique efficace doit être fondée sur des critères de
sauvegarde réfléchie du système des règles de la langue enseignée, et ce, pour empêcher que
cette langue tombe en désuétude, d’une part ; et assurer une bonne interaction verbale entre les
différents usagers, d’autre part.

Le plurilinguisme médiatique
Le medium télévisuel contribue à son tour à la promotion du plurilinguisme par le bais de la
diffusion de plusieurs émissions culturelles, artistiques, politiques et autres comme les débats
politiques. Toutefois, certaines figures médiatiques s’expriment de manière dévalorisante ou
grossière et par là nuisent à la portée et à la charge sémantique de la langue utilisée.
Les messages échangés à travers les réseaux sociaux, la novlangue, les SMS, quant à eux,
dénaturent la langue à telle enseigne qu’elle assiste à la perte de son usage prestigieux, comme-
c’est le cas du français, par exemple.
C’est ainsi que ces pratiques langagières dressent de multiples problèmes auxquels se heurtent
les langues vivantes, ce qui place le plurilinguisme dans un chaos incontrôlable.

Politique linguistique en veille stratégique


Œuvrer efficacement dans le sens du plurilinguisme sollicite des conditions sine qua non,
bonnement positionnées dans un cadre stratégique relatif au Développement Durable car « le
monde est plurilingue, c’est un fait. Et l’histoire linguistique, qui est l’un des aspects de
l’histoire du monde, est en grande partie constituée par la gestion de ce plurilinguisme » (Calvet
1987 :43). Ainsi, la politique linguistique d’une nation émergente ne devrait épargner aucun
aspect positif. Bien qu’elle justifie ses choix relativement à des facteurs internes et externes,
implicites et explicites en faveur d’une langue nationale et/ou officielle, la politique linguistique
ne devrait en aucun cas ignorer les individus non scolarisés, déscolarisés ni non insérés dans le
tissu économique formel lesquels peuvent être des acteurs de développement, bien accomplis.
Or, une politique linguistique de qualité se donne le droit au recours à des moyens efficaces et
à des dispositifs opérationnels qui visent à :
- Remettre en question toutes les approches d’enseignement linguistique à caractère
insatisfaisant ou « boiteux ».

93
Revue Langues, cultures et sociétés, Volume 8, n° 2, décembre 2022.

- Amener les spécialistes à réfléchir à la conception de nouveaux outils pédagogiques


favorisant l’apprentissage aisée d’une langue vivante.
- Opter pour des approches aptes à concilier l’apprentissage linguistique et son contexte
socio-culturel.
- Encourager les programmes de mobilité qui assurent l’implantation des bonnes
pratiques linguistiques.
- Assurer l’égalité des chances en élargissant les champs de l’immersion linguistique au
profit des non- scolarisés comme les analphabètes.
- Encourager le concept de « L’apprentissage tout au long de la vie » en créant des
espaces linguistiques sans frontières, ou des cafés- linguistiques pouvant unir tous les
individus porteurs d’idées, qui désirent un échange fructueux régulier.
- Placer des distributeurs de livrets gratuits en faveur de la masse populaire démunie qui
désire apprendre ou consolider les langues en usage au sein de la communauté d’attache.
En somme, une politique linguistique de haut niveau est forcément amenée à traiter tous les
aspects avec un vrai professionnalisme. Autrement dit : «Une politique linguistique est ainsi
toujours et avant tout une action d’organisation de la pluralité linguistique, qu’il s’agisse
de la contrôler, de la réduire, de la promouvoir, de la développer. » (Blanchet 2016 :13).

Conclusion

A l’issue de ce modeste écrit, il n’était en aucun cas question de répondre triomphalement à la


problématique du plurilinguisme, ni prétendre émettre des perspectives qui inspirent une grande
réflexion pour une rencontre ultérieure.
Le traitement de la problématique a été conduit selon une dimension expositive visant quelques
opérations comme l’observation et la description des faits existants, le rapport relatif à certaines
expériences menées par l’institution universitaire et enfin la discussion portant sur une politique
linguistique qui tergiverse entre l’uniformisation et la diversité, entre le monolinguisme et le
plurilinguisme.
Il faut reconnaître que la dynamique des langues s’assimile à un puzzle complexe dont les pièces
ne facilitent aucunement l’assemblage fini en une seule lancée. Le débat reste donc ouvert.

Références

Blanchet P. (2016) : « Politiques linguistiques et enseignement-apprentissage de


français : quelles perspectives pour la pluralité linguistique ? », in Dialogues et cultures n°62,
Fédération Internationale des Professeurs de Français, Paris, L’Harmattan.
Breton, R. (1976) : La géographie des Langues, Paris, PUF, Que sais-je ?
Calvet, L. J. (1987) : La Guerre des Langues, Paris, Payot.
Calvet, L. J. (1999) : Pour une écologie des langues du monde, Paris : Plon.
Commission Spéciale Education Formation (2000) : Charte Nationale d’Education et de
Formation

Webographie
Source : International Migration Report 2017, Division de la Population, Département des
Affaires économiques et sociales (DAES), Nations unies.
En ligne : 28 mars 2018
https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Integration-et-Acces-a-la-nationalite/Europe-
International/La-politique-d-integration-des-personnes-immigrees-dans-les-pays-membres-
de-l-Union-europeenne

94

Vous aimerez peut-être aussi