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All content following this page was uploaded by Rosana Rosana Pasquale on 19 December 2022.
Rosana PASQUALE
Universidad Nacional de Luján- ARGENTINA
rosanapasquale@gmail.com
1
intense activité de repérage d’indices et d’interprétation sociale » (Zarate,
1983 : 38)
La lecture de la citation précédente éveille quelques questions et première est
la suivante : comment est-on arrivé à une telle conception de « l'initiation
culturelle » ? Que Zarate ait fait cette affirmation il y a déjà une trentaine
d’années, ne fait que mettre en valeur son caractère précurseur. Dans notre
contexte latino-américain, elle est encore d’actualité et nous sert de phare pour
délimiter les changements qui se sont succédés dans le domaine de
l’enseignement-apprentissage de la culture étrangère. Ainsi, en nous inspirant
de Gohard-Radenkovic (1999), nous pouvons démarquer trois étapes majeures
dans le domaine de « la didactique de la culture des langues étrangères »
(Galisson et Puren, 1999 : 26) : une première étape dite civilisationnelle, un
deuxième moment appelé approche culturelle ou culturaliste et enfin, une
troisième période baptisée approche interculturelle. Or, chacune de ces étapes
voit le jour dans le cadre d'une configuration conceptuelle particulière. En effet,
pour chaque approche, on pourrait rendre compte des conceptions linguistiques
et culturelles sous-jacentes, des objets d'enseignement propres, des
démarches méthodologiques prescrites, etc. Cependant, dans les limites de
cette présentation, nous n’aborderons que les principes de base de chacune
d’elles, tels qu’ils sont actualisés dans les manuels, en essayant de mettre en
relief les continuités et les ruptures survenues.
L’approche civilisationnelle
Elle correspond, grosso modo, à l'époque des méthodes directes prônant un
enseignement basé sur la grammaire et dont le Cours de langue et civilisation
françaises1 est, nous croyons, le manuel prototypique.
Lors de cette étape, la langue et la civilisation entretiennent des rapports
distancés étant donné qu'elles sont conçues comme deux réalités dissociées,
sans rapport véritable, et que la civilisation n'est pas intégrée à la langue mais
plaquée sur la méthode. Il s'agit alors, d'une civilisation externe ou civilisation
répertoire présentant une collection de personnages et d'événements et visant
l'accumulation des « connaissances-spectacle » (Adallah-Preitcelle, 1996 : 28).
1
Mauger, G. (1953, rééditions 1967 et 1984) Cours de langue et civilisation françaises I, Paris :
Hachette.
2
La civilisation est associée à la littérature (française et non pas francophone),
aux arts (peinture, sculpture, architecture), à l'histoire (grands hommes,
personnages historiques, histoire des idées, etc.), considérés comme l'essence
même de la culture et de la langue françaises. Ainsi donc, même si le quotidien
est présent (métro, grands magasins, vie de famille, etc.,), il n’est qu’un
prétexte pour découvrir les valeurs vraiment importantes : les monuments, la
tradition littéraire, les institutions ; soit, la civilisation qui mérite d'être enseignée
et apprise. Quelle démarche méthodologique est prévue pour traiter en classe
« la civilisation » ? En général, on préfère la démarche échantillonnage, c’est-à-
dire l’enseignement par secteurs (histoire, littérature, géographie) ; dans
l’illusion de l’articulation spontanée, au cours de l’apprentissage, des toutes ces
parties éparses.
2
« Culturaliste », est le terme choisi par Abdallah-Preitcelle (Abdallah-Preitcelle, 1996 : 28)
3
Courtillon, J et Raillard, S. (1982) Archipel I, Paris : Crédif, Didier.
3
annonces, etc.) et ceux en provenance du quotidien (horaires des trains,
programmes de télé, vedettes du cinéma, annuaire de téléphone, etc.) Malgré
ces changements, la démarche méthodologique utilisée ne semble pas avoir
été l'objet d'un renouvellement trop marqué. Ainsi, contrairement à ce qui
pourrait être le caractère intrinsèque d'une compétence de communication
inscrite dans le domaine du faire ; la compétence développée dans le cas de
l'approche culturelle est plutôt réceptive : l'apprenant reçoit des explications et
des descriptions de la culture d'autrui selon une perception universalisante 4
L'approche interculturelle
A la fin des années 90 et pendant la première décennie du XXIe siècle, les
processus migratoires et l’intégration des nouveaux arrivants bouleversent la
société française. Au niveau de l’enseignement de la culture étrangère,
l’approche interculturelle s’avère donc être une démarche optimale pour
aborder les rapports à l’autre et à soi-même dans le nouveau contexte qui se
dessine5.
S’inscrivant dans une perspective situationnelle, intersubjective et dialogique,
ce qui intéresse dans l’approche interculturelle ce sont les paramètres propres
à n’importe quelle situation de communication où des sujets appartenant à des
cultures diverses entrent en relation (lien, temps, positions occupées,
représentations, stéréotypes …). Dans ce contexte communicatif interculturel,
la dimension pragmatique l'emporte sur la dimension ontologique. La culture est
là, omniprésente dans la communication, non pas pour être apprise, connue ou
décrite mais pour devenir partie intégrante des rapports inter-sujets.
Si les deux approches précédentes s'inscrivent dans un abordage didactique de
type déclaratif, cette troisième approche renvoie à une didactique de l'ordre du
procédural. Quelles sont donc les démarches d'enseignement propres à cette
approche ? Aussi bien les élèves que le professeur cherchent à se construire
4
Selon Zarate, « Par description universalisante, on entend toute description scolaire d'une
culture donnée qui, calquée sur le système interprétatif du natif de cette culture, tend à sous-
estimer le contexte culturel de réception où elle sera interprétée » (Zarate, 1983 : 27) Il s'agit
alors, d'une description exclusivement centrée sur la culture enseignée et fonctionnant
indépendamment des contraintes propres aux différents contextes géopolitiques où la langue
est enseignée.
5
Dans le cas de l’approche interculturelle, nous ne citons aucun manuel en particulier. En effet,
dans les derniers manuels de FLE parus, on constate une présence discursive très importante
de l’interculturel. Or, la cohérence interne des manuels, vis-à-vis de la perspective
interculturelle, entre les principes déclarés et les activités proposées reste à vérifier.
4
en tant que « médiateurs culturels » (Zarate, 2001). Être un médiateur signifie
que l’on a réfléchi à sa propre expérience de contact avec la culture-autre,
qu’on est conscient de ses identités multiples (sexe, âge, groupe social,
génération, profession…), qu’on a la possibilité de prendre distance des
discours dominants sur une culture donnée, qu’on peut se décentrer par rapport
à ses valeurs, ses croyances et ses pratiques, qu’on s’exerce au
développement des stratégies d'interprétation et d'autocorrection à partir de sa
propre culture d'appartenance…bref, qu’on se prépare à la rencontre avec
autrui… une rencontre qui, à l’en croire à Tapernoux, ne va pas de soi :
« […] Croire que la rencontre des cultures pourrait passer comme une
lettre à la poste, par simple contact réciproque, est une illusion
pernicieuse. […] La rencontre des cultures n’est jamais du registre de
l’évidence naturelle. Elle est un travail de toutes les parties en présence,
comme toute rencontre qui secrète de l’altérité » (Tapernoux, 1997, cité
par Ogay et al. 2002 : 44).
5
« Travailler avec le principe du miroir, cela signifie qu’il y a toujours une
reconnaissance de la différence mais qu’il s’agit d’une différence
mutuelle » (Woodward, 2001, cité par Lázár, 2003 : 47).
Il est important de noter qu’en tant que sujets culturés, les apprenants et les
enseignants assument le caractère d’informateurs socialement situés par
rapport à leurs cultures d’appartenance et à la culture étrangère. Ainsi, la
catégorie d’informateur met en évidence le rôle décisif que joue la culture
maternelle dans la manière de voir le monde ainsi que l’omniprésence du point
de vue, constructeur des réalités. Or, on sait bien que le point de vue ne peut
construire qu’une vision des choses ; qu’il n’est qu’un regard parmi d’autres, sur
une réalité qui n’existe pas en tant que telle mais qui se matérialise à travers la
subjectivité de celui qui la décrit, la catégorise, la nomme.
En tant que sujet situé, un informateur n’a accès qu’à des fragments de
cultures ; cette prémisse conduit donc à remplacer l’illusion de la connaissance
de la totalité d’une culture et à stimuler la prise de conscience de l’existence
d’une mosaïque de cultures, à l’intérieur d’une culture donnée. Egalement, elle
pose le problème de la représentativité culturelle6 qui, loin d’avoir une existence
absolue, est toujours construite et livrée à l’arbitraire du regard de l’informateur.
6
Le problème de la « représentativité culturelle » évoque celui des hétéro- et auto-stéréotypes
et des clichés.
7
Le terme interaction a ici son sens le plus large. Il s’agit de tout échange communicatif mettant
en présence deux ou plus de deux acteurs, selon n’importe quelle modalité : interactions face à
face, à distance, différées, orales, écrites, etc.
6
Pour accomplir cette tâche, l’enseignant devrait
« (…) [opter] pour une éthique personnelle et une déontologie
professionnelle qui reconnaissent l’altérité, la différence et l’intègrent dans
des procédures d’enseignement, à la fois comme objet d’apprentissage et
comme moyen de relation pédagogique. L’enseignement des langues
autres (terme préféré à étrangères, réducteur et connoté) se donne alors
pour mission, au delà de l’objet langue-culture lui-même, de participer à
une éducation générale qui promeut le respect mutuel par la
compréhension mutuelle » (Blanchet, op. et loc. cit)
Ainsi, l’approche interculturelle interpelle fortement l’enseignant. Celui-ci est
l'objet d'une grande sollicitation. En effet, les enseignants doivent s'initier à des
notions de l'anthropologie sociale et culturelle, à des concepts de la
psychologie sociale, à l’introspection culturelle, etc. À notre connaissance, ni
ces notions ni ces pratiques ne font encore partie des programmes d'étude des
institutions de formation d'enseignants. A ce manque de formation, nous
ajouterons les difficultés de l'enseignant pour construire sa relation à l'autre.
Soit parce qu’il n'est pas directement confronté à la culture cible ; soit parce
qu'il reproduit les modèles didactiques avec lesquels il a appris ; soit, enfin,
parce qu'il construit la relation à l'autre à la distance (exotisme, folklorisation,
crainte) ; l'enseignant se trouve dépourvu des instruments pour aborder la
culture étrangère du point de vue interculturel.
Or, malgré ces demandes pressantes et les manques repérés, Byram et al
(2002) nous proposent quelques pistes pour la description du professeur
compétent, en matière d’approche interculturelle. Pour ces auteurs, celui-ci
n’est ni
« (…) le locuteur national de la langue étudiée ni celui qui enseigne cette
langue en tant que langue étrangère ; c’est plutôt un enseignant capable
de faire saisir à ses élèves la relation entre leur propre culture et d’autres
cultures, de susciter chez eux un intérêt et une curiosité pour l’altérité et
de les amener à prendre conscience de la manière donc les autres
peuples ou individus les perçoivent eux-mêmes et leur culture » (Byram et
al, 2002 : 12)
Voilà une grande responsabilité pour les enseignants : ils s’avèrent être la pièce
maîtresse de l’éducation à l'interculturalité.
7
Pour conclure
Il est certain que la perspective interculturelle peut apporter un nouveau souffle
à l’enseignement-apprentissage de la culture étrangère. Cependant, pour que
cela soit possible, il serait nécessaire que la conception même de la culture soit
refondue et qu’elle s’éloigne de la chosification à laquelle on l’a condamnée
depuis toujours. Il serait aussi indispensable que chacun de nous, acteurs de
terrain et spécialistes, parvienne à se débarrasser de ses schémas linguistiques
et culturels « universels » et s’entraîne à la rencontre non ingénue, avec la
différence. Enfin, il serait fondamental que nos programmes de formation
d’enseignants donnent une place plus large aux problèmes liés à l’interculturel.
Si ces quelques conditions ne sont pas remplies, l’interculturel semble voué à
devenir une mode passagère, comme d’autres qui se sont succédées dans
domaine de l’enseignement des langues…Ce serait bien dommage :
l’interculturel peut beaucoup nous apprendre sur la complexité de la
communication entre des sujets relevant de cultures différentes.
Bibliographie
8
l’usage des enseignants. Division des politiques linguistiques, Direction de
l’éducation scolaire, extra-scolaire et de l’enseignement supérieur, Conseil de
l’Europe. En ligne:
http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Guide_dimintercult_FR.pdf