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Aborder la culture française à

travers la chanson1

(Abordar la cultura francesa


mediante la canción)

Virginia Boza Araya2


Universidad Nacional, Costa Rica

Résumé
La chanson a toujours été une expression profondément populaire, ancrée
dans les cultures et les traditions des peuples. Elle suit l’évolution de la
société et des individus en évoquant autant leurs joies, leurs malaises que
tous les problèmes qu’ils affrontent au quotidien. Dans le domaine de la
didactique du Français langue étrangère, la chanson offre aux enseignants
la possibilité de diversifier, d’élargir les approches et les applications socio-
linguistiques dans la classe. Dans cet article on fait un bref rappel des ap-
proches pédagogiques concernant la didactique de la culture et on propose
une stratégie pédagogique originale.

Resumen
La canción es expresión popular ligada a las culturas y a las tradiciones de
las comunidades. Suele acompañar la evolución de la sociedad evocando
sus valores y emociones y demás hechos de su vida cotidiana. En el campo
de la didáctica del francés como lengua extranjera, la canción ofrece la po-
sibilidad de diversificar y ampliar las perspectivas y las aplicaciones socio-
lingüísticas en clase. En este artículo se describen los enfoques aplicados a
la enseñanza de la cultura y se propone una estrategia pedagógica original.

Mots clés : chanson populaire, culture, Français langue étrangère, so-


ciété française.

1 Recibido: 23 de febrero de 2012; aceptado: 19 de agosto de 2013.


2 Escuela de Literatura y Ciencias del Lenguaje. Correo electrónico: dantrou@hotmail.com.

Letras 53 (2013), ISSN 1409-424X; EISSN 2215-4094 93


Boza Letras 53 (2013)

Palabras clave: canción popular, cultura, Francés como lengua extranjera,


sociedad francesa

Peut-on vraiment enseigner quelque chose qui serait à l’op-


posé de ce que pense, de ce que vit, de ce que pratique depuis si
longtemps celui à qui l’on s’adresse ? s’interroge Pierre Dumont
(1998 : 127). En effet, celui qui a déjà dû vivre dans une autre socié-
té que la sienne, avec en outre une culture différente et parfois même
opposée, connaît la difficulté de pouvoir la comprendre, l’acquérir,
l’assimiler et vivre en fonction de ses codes de conduite. Sa com-
préhension et son acquisition sont d’autant plus difficiles lorsqu’on
se trouve dans un pays non francophone comme le Costa Rica qui
n’a aucun contact avec la ou les cultures étudiées. Dans ce contexte,
comment l’aborder ? Quelles approches pédagogiques privilégier ?
Quelle stratégie pédagogique faut-il mettre en place ? Quels outils
sont les plus performants ?
Afin de mieux faire appréhender la didactique de la culture, il
est essentiel de faire un rappel des différentes approches mises en
pratique par les didacticiens soit séparément soit combinées. L’en-
seignement de la culture peut donc être envisagé du point de vue re-
présentatif. Le moyen privilégié par cette approche est la littérature
qui rend plus accessible les réalités recréées par les artistes. Dans
ce sens toute œuvre artistique rend possible la découverte des sen-
timents, des idéaux, des vécus d’une société. Parmi ces créations
celle qui se rapproche le plus de la littérature est la chanson dont
les paroles peuvent être étudiées comme un poème et son contenu
est riche en éléments ethno-socioculturels. C’est cet aspect que cette
étude essaie de mettre en évidence car la chanson peut être considé-
rée comme une passerelle entre la langue et la culture. Elle constitue
en outre une ouverture vers d’autres moyens d’expression : musique,
littérature, cinéma et aussi vers d’autres domaines d’études : sociolo-
gie, anthropologie, sciences sociales, etc.

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La deuxième approche se penche plutôt sur les faits qui déter-


minent les Français au niveau spatio-temporel à savoir la géographie
et l’histoire qui marquent l’évolution de cette société, qui peuvent
expliquer certains fondements tels que les Droits de l’homme et
l’humanisme, entre autres.
Une autre manière de découvrir une culture étrangère consiste
en une série de repères culturels qui permettraient, tel un puzzle,
d’établir une vision d’ensemble de la société.
Contrairement aux approches précédentes (définies par rap-
port aux contenus), l’approche qui pourrait être définie comme «
itinéraire d’apprentissage » est déterminée par ce qui est appris par
chaque étudiant. Autant les premières requièrent un programme dé-
finit au préalable, cette dernière n’a pas de directives particulières et
se construit au gré de l’étudiant.
L’approche prédominante actuellement est celle qui vise à fa-
voriser les échanges entre les cultures, l’ouverture vers l’autre et donc
une plus grande tolérance. C’est justement à ce niveau que l’étude de
la chanson peut être un atout car elle permet de sensibiliser l’élève
au respect de l’autre, au respect de sa propre culture, aspect qu’il faut
privilégier en ces temps d’intolérance et de racisme soit dans un mi-
lieu multiculturel soit à l’intérieur d’une culture donnée. Une meil-
leure connaissance des cultures de différents pays permet d’affirmer sa
dissemblance. Ceci contribue à réaffirmer ses acquis et, par la même
occasion, à comprendre le phénomène de l’altérité (de la différence,
de la diversité) propre à une société. Cette altérité est d’autant plus
évidente dans une société multiculturelle comme celle de la France
qui compte une grande diversité d’immigrés. Venant d’horizons dif-
férents, avec des codes et des perceptions autres, comment leur im-
poser ceux de la culture d’accueil. Doit-on, peut-on effacer la culture
d’origine et la remplacer par une autre que ce soit du point de vue
pragmatique ou éthique ? Les enfants des immigrés, eux, vivent dans
l’altérité totale car ils sont partagés entre deux mondes distincts : celui
de leurs parents et celui de la société dans laquelle ils évoluent. En fait,
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leur double appartenance est difficile à vivre car ils ne s’identifient à


aucune des deux sociétés ce qui cause souvent de problèmes d’intégra-
tion. Cette difficulté ajoute une autre dimension à l’altérité de la socié-
té. Cette approche est orientée vers un savoir-faire plutôt que vers un
savoir (contenus) puisqu’il faut savoir agir dans divers milieux. Cette
vision s’est évidemment élargie à l’enseignement des langues poussé
par les échanges dans la propre société tant sociaux que commerciaux
et culturels de plus en plus fréquents entre les divers pays du monde.
Donc le mot d’ordre est « Ouverture ».
Une autre perspective envisagée dans l’actualité est la com-
pétence ethno-socio-culturelle définie par Henry Boyer (De la com-
pétence ethno-socioculturelle – 1995 : 43) comme « un ensemble
composite de traits constitutifs d’imaginaires collectifs » et qui est en
interaction permanente avec une compétence discursive textuelle (sa-
voir d’ordre langagier) et une compétence référentielle (savoir-faire).
Ces représentations collectives correspondent, selon monsieur Boyer,
à des « images », des « valeurs », des « attitudes », des « mentalités »,
des « croyances », des « visions du monde », des « opinions », des «
évaluations », des « préjugés », des « mythes », des « idéologies », des
« stéréotypes », etc. Ces imaginaires présentent divers degrés de stabi-
lité ou de permanence car, étant inhérents à l’être humain, ils changent
ou évoluent avec la société elle-même. Certaines représentations se
rapportent au vécu des individus comme, par exemple, l’argent et le
travail qui sont très liés entre eux et qui ont des incidences dans le
cœur même de la famille et de la société. Ils génèrent une série de
comportements, de sentiments, d’attitudes, de préjugés partagés par la
majorité des individus de celle-ci et qui leur sont propres.
Henri Boyer, pour sa part, considère que d’autres imaginaires
sont plus instables puisqu’ils correspondent à un consensus soit d’une
partie ou de la majorité de la société à un moment donné de son his-
toire. Citons par exemple des principes tels que les Droits de l’homme
inexistants dans les sociétés occidentales jusqu’au xviiiè siècle. Ils ont
été adoptés comme principes inviolables par bon nombre d’individus
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et de sociétés après la Révolution française et restent d’actualité par-


ticulièrement dans la société française. Ils constituent d’ailleurs un «
trait d’identité collective ». La tolérance a particulièrement été mise
à l’ordre du jour dans les années 80 avec le slogan « Ne touche pas
à mon pote » comme une réaction contre le racisme qui s’imposait
de plus en plus dans la société française. D’autres valeurs, ayant
cours à une certaine époque, sont les idéologies politiques. Un très
bon exemple est celui du socialisme dans les années 80/90 auxquelles
adhèrent de moins en moins les citoyens français qui se tournent
plutôt vers les valeurs capitalistes. Parfois celles-ci découlent d’un
sentiment de révolte collective contre une mauvaise politique ou des
peurs éprouvées par les Français comme en témoigne la poussée de
l’extrême droite avec le Front National et son slogan « La France aux
Français ». Parfois ces tendances détournent, à leur profit, des em-
blèmes patrimoniaux tels que l’image de Jeanne d’Arc que ce groupe
politique s’est approprié pour essayer d’attirer les personnes qui s’y
reconnaissent. La valeur emblématique de Jeanne d’Arc contient cer-
tains implicites. Rappelons que cette héroïne a chassé les envahis-
seurs anglais. Aussi, il semblerait évident qu’associée à ce mouve-
ment extrémiste le message diffusé dans l’actualité française serait
celui de chasser les immigrés et donc une incitation au racisme. Mais
ce n’est qu’une hypothèse parmi tant d’autres. Elles peuvent égale-
ment correspondre à une conception particulière de la vie. C’est le cas
du mouvement Hip-Hop apparu en France à la fin des années 80 et
qui est propre à une partie de la société issue des milieux défavorisés.
Ces phénomènes culturels étant indissociables de la langue créent à
leur tour des sociolectes (termes spécifiques à une société donnée ou
à une partie de celle-ci) qui seront à la mode aussi longtemps que
le mouvement persiste et qui fonctionnent comme des « marqueurs
d’identités » puisqu’ils identifient les membres d’un groupe social
ou professionnel. Tel est le cas du parler des jeunes rappeurs qui est
en vogue dans les cités. Un autre exemple de marqueurs d’identité,
par rapport aux Français, est le mot « Hexagone » utilisé à la place
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du mot France. Il est synonyme de patrie, de nation. Certains sont


assez récents. C’est le cas des termes « juilletiste » et « aoûtien » qui
désignent les personnes qui prennent leurs vacances soit en juillet soit
en août. Ainsi définis par Henry Boyer, ces « imaginaires collectifs »
s’accordent plus à la définition de culture véhiculée par les Sciences
sociales avec laquelle les professeurs de français ne sont pas fami-
liarisés. De ce fait, il n’est pas facile de les introduire dans la classe
F.L.E. ou dans un cours de « civilisation ».
Plusieurs expériences pédagogiques avec des documents au-
thentiques (publicités, vidéos, documents sonores divers entre autres)
ont été mises en pratique pour essayer de répondre à cette interroga-
tion. Pour transmettre cette connaissance la chanson a été choisie par
l’auteur de l’étude : « La chanson, miroir d’une societe : support peda-
gogique dans un cours de civilisation français » parce qu’elle est non
seulement une source inépuisable d’informations sur la société mais
aussi un outil pédagogique très utile pour faire connaître la culture et
développer les compétences linguistiques. Ainsi que l’affirme le chan-
teur – compositeur Yves Duteil « La chanson, c’est quelque chose qui
nous suit du berceau jusqu’au tombeau. Les chansons, c’est nous, c’est
notre histoire. Ça nous raconte » (1995 : 52). Ces affirmations mettent
donc l’accent sur l’aspect socio-linguistique et culturel de la chanson
qui est le reflet de l’individu et l’expression des traits civilisationnels
qui marquent son être et par cela même de la société dans laquelle il
vit. En outre, la chanson constitue un excellent déclencheur de l’oral
qui permet d’élargir la compétence communicative.
On peut, par exemple, choisir d’aborder la France avec ses
grandes villes et régions en mettant en relief la rivalité existante
entre Paris et les régions et l’image de la société française. Pour
donner une image de Paris et de la vie parisienne on peut s’inté-
resser aux monuments tels que : La tour Eiffel, L’Etoile, l’Arc du
Triomphe, l’Obélisque, Montmartre, Le Sacré Cœur , La cathédrale
de Notre Dame entre autres. On peut les découvrir grâce à des chan-
sons telles Il est 5 heures, Paris se lève de Jacques Dutronc (1968)
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car elle offre une description assez fidèle de Paris (ses habitants, ses
monuments, son activité). C’est l’image traditionnelle, touristique
d’hier et d’aujourd’hui, le « Paris lumière », le Paris paillette des
fêtes et des cabarets tels que Le Moulin Rouge et les Folies Ber-
gères. La chanson inclut la plupart des stéréotypes existant sur Paris.
On peut aussi faire découvrir deux tendances quant à la représenta-
tion de Paris. L’une souriante, celle du Paris ensoleillé où les gens
ont retrouvé leur bonne humeur ainsi que l’exprime Alain Souchon
dans « Les gens sont devenus gentils » (T’aurais dû venir – 1974).
Il semblerait que les gens y sont toujours en vacances car il y a de
la musique partout. Paris ressemble à une fourmilière. L’animation
y est permanente. Les travailleurs dans la vie quotidienne tels que
les boulangers, les balayeurs, les ouvriers des usines, les éditeurs et
les vendeurs de journaux se pressent, les employés prennent le RER
et le métro pour aller travailler. L’autre image de Paris est moins
joyeuse, à Paris plein de vie s’oppose la blancheur morne et la gri-
saille de l’hiver, les places vides, inanimées. On peut l’analyser avec
des chansons telles que Neige de Gilbert Lafaille –1977, Gare de
Lyon de Barbara –1970, Petite annonce d’Alain Souchon (1974). En
effet, Tout est statique « Le temps se fige, plus rien ne bouge » entre
autres. D’autres chansons s’attardent sur les cafés tels que le Flore
(Paris, le Flore, Etienne Daho – 1980) et le Paris romantique des
jardins publics, des parcs aux amoureux (Au parc Monceau, Yves
Duteil (1981) les cabarets et la vie nocturne. Les chanteurs expri-
ment aussi leur attachement à leur ville. On peut étudier non seu-
lement l’Hexagone avec ses différentes régions : la campagne, les
villes et les banlieues mais aussi la France multiculturelle avec ses
Français d’origine européenne ou ceux d’outre-mer, d’origine arabe,
africaine et bien d’autres ; la situation sociale et économique de cette
population ; ses sentiments et ses actions ; les aspects culturels et his-
toriques tels que La langue française, la musique, la littérature, l’his-
toire : période, événement, personnages ; l’histoire Coloniale : pays,
situation coloniale et attitude coloniale, entre autres. Si le professeur
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décide de sensibiliser les étudiants à l’étude de la littérature en l’in-


troduisant par une chanson, il pourrait utiliser la chanson Emma (Je
m’appelle Emma) de Nicole Croisille (1999) pour Madame Bovary,
ou Les Misérables de Patricia Kaas, ou bien des chansons3 consa-
crées au Petit Prince voire la comédie musicale4. Un prolongement
possible serait l’écoute d’un extrait du livre et /ou regarder le film
et analyser avec les élèves soit le document sonore soit la mise en
scène pour connaître le degré du respect du texte. Dans l’actualité, la
chanson apparaît comme un outil intéressant pour approcher la litté-
rature autrement. D’ailleurs, depuis 1999, l’un des genres musicaux
en vogue est la comédie musicale qui s’inspire particulièrement de
grands classiques de la littérature universelle : Notre Dame de Pa-
ris (1997), Les Misérables (1989), Roméo et Juliette (1999), Le roi
soleil (2000), Gladiateur (2000), Le petit Prince (2002), Cendrillon
(2002), entre autres. Ces comédies, de par leur musique, l’adaptation
de l’œuvre et le cadre féerique, fascinent le public et ont le mérite
de rendre accessible l’œuvre de ces grands écrivains motivant un
plus large public et les élèves en particulier à lire le roman comme
un plaisir supplémentaire. Le visionnement du spectacle en vidéo
pourrait les stimuler pour monter leur propre adaptation. Cette simu-
lation pourrait être envisagée comme un projet de classe qui permet-
trait l’étude des différentes chansons en groupe avec l’explication
du texte, les références par rapport au livre, l’histoire racontée, les
événements sociaux illustrés par l’écrivain, sans oublier la biogra-
phie de celui-ci. Ce travail permettrait en outre d’introduire quelques
notions sur l’histoire de la France en les rendant plus accessibles que
par le biais d’une classe magistrale. C’est un travail effectué par les
élèves pour les élèves qui demande des allées/venues dans le temps
et dans l’espace. Le rôle du professeur se résume au rôle de simple
conseiller ou de coordinateur de l’activité valorisant ainsi les apports
des étudiants et favorisant, par la même occasion, l’apprentissage.
3 Gilbert Bécaud, Le petit prince est revenu ; Mylène Farmer, Dessine-moi un mouton, 1999.
4 Elizabeth Anaïs, Richard Cocciante, Le petit Prince, 2002.

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Rappelons qu’il existe des clips vidéo sur les chansons clés des co-
médies qui font la promotion de celles-ci à TV5. Ils se sont avérés
très utiles dans le cadre de l’apprentissage du FLE à la Universidad
Nacional, au Costa Rica. En effet des étudiants qui ont eu l’occasion
de visionner les clips de Belle et Le temps des cathédrales de la co-
médie Notre Dame de Paris et On dit dans la rue, Les rois du monde
de Roméo et Juliette adoraient ces titres au point de les connaître
par cœur. Cela a permis de les étudier en classe avec d’excellents
résultats en ce qui concerne la participation des étudiants et l’en-
thousiasme manifesté pour cette activité. Rappelons que la littérature
en chanson ne se limite pas à la prose car nombreux poèmes sont
mis en musique comme par exemple Le pont Mirabeau qui vient ré-
cemment d’être chanté par Marc Lavoine, ou encore la compilation
Brassens, Gréco, Montand et Mouloudji chantent les poètes éditée
par Hachette en collaboration avec le ministère français de Relations
extérieures en 19825. Eventuellement le professeur peut profiter de
l’occasion, si besoin est, pour faire un exercice de phonétique.
La stratégie proposée dans cet article privilégie la perspective
ethno-socioculturel qui permet d’appréhender les principales parti-
cularités des sociétés et la perspective interculturelle qui, au moyen
de la comparaison avec la propre culture, met en relief celle de la
langue seconde et sensibilise à l’altérité des cultures étudiées tout en
s’appuyant sur les contenus linguistiques des textes étudiés.
Les objectifs de cette démarche sont les suivants :

• Aborder différents aspects des cultures francophones


• Faire découvrir leur diversité culturelle (habitudes, mœurs, va-
leurs, vie quotidienne).
• Développer la perception des faits sociaux, des représenta-
tions, des stéréotypes, des emblèmes des cultures.

5 Jean-Claude Demari, « De « Gentille alouette » à « Lambé An Dro »- 50 ans de chanson en classe


FLE ». Le Français dans le Monde 318 (1999) : 52-55.

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• Sensibiliser à l’altérité de cette société française vis-à-vis de la


culture de l’apprenant
• Développer l’appréciation de la chanson francophone : pa-
roles, rythmes, messages
• Donner des informations et faire des mises à jour sur la société
qui permettent d’aborder différents sujets lors de discussions
avec des francophones.
• Apprendre des codes de comportements pour se débrouiller
dans certaines situations sans choquer l’interlocuteur.
• Développer la compétence communicative en favorisant l’ap-
prentissage linguistique : étude du vocabulaire dans son évolu-
tion (des sociolectes, des interlectes, des figures de style). Rap-
pelons que la chanson est un hybride de la prose et du poème.
Elle raconte des anecdotes, des histoires, des scènes ou des
situations sous forme de poème et donc, comme celui-ci, elle
est écrite en vers, elle contient des rimes, des figures de style
et des images.

La démarche proposée se veut interactive et dynamique car


l’apprenant est toujours amené à exprimer ses opinions, ses percep-
tions des différentes situations présentées, ses connaissances, ses in-
tuitions. C’est lui qui doit élucider, dès le départ, les informations,
les messages transmis par la chanson. Il doit essayer de deviner, de
faire des hypothèses concernant les aspects sociologiques exposés
dans les chansons.

1) Phase de sensibilisation
Il est important d’entamer cette phase en demandant aux
élèves d’établir une liste d’une dizaine de mots ou d’exprimer des
idées concernant le thème qui sera étudié ou présenté par la chanson
ce qui permettra d’évaluer la perception des apprenants par rapport
à un sujet donné. Cette première activité de sensibilisation sera, bien
entendu, choisie en fonction du niveau de la classe et du public. Ce
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premier contact peut également se faire à partir d’images apportées


par les apprenants qui seront commentées dans le cours et classées
selon les notions qu’elles mettent en valeur. Ainsi, par exemple, si
le professeur choisit d’analyser la vie parisienne et les sentiments
que les Parisiens éprouvent pour leur ville, il peut demander à ses
étudiants soit d’apporter des cartes postales ou des photos de mo-
numents, de quartiers, d’endroits connus de Paris en pleine activité
ou bien tout simplement de proposer des mots qui, à leur avis, dé-
peignent le mieux Paris.

2) Phase de découverte de la chanson


La première écoute se fera sans aucun élément distrayant de
façon à concentrer l’attention des apprenants sur la compréhension
orale de la chanson. Cette écoute sans texte suscitera beaucoup de
commentaires puisqu’il est fait appel à la capacité de compréhension
et de perception des étudiants.
Les premières questions seront posées pour mettre en relief la
qualité musicale et les sentiments des élèves concernant les paroles,
la musique, l’interprétation, la voix du chanteur et l’impression crée
par l’ensemble de ces éléments chez eux. Une large part sera accor-
dée à cette étape pour tirer un maximum de profit des échanges d’in-
formations entre les étudiants. Ce travail favorisera, en même temps,
l’expression orale tout en mettant en confiance les élèves.
La deuxième écoute se centrera sur le contenu de la chanson
et donc sur ce que les apprenants comprennent. Le professeur notera
au tableau les mots et/ou les notions énoncées par les élèves et de-
mandera à ceux-ci d’expliquer ce que ces mots évoquent pour eux.
La troisième écoute se fera avec un support image, sorte de clip
qui explicitera les informations contenues dans le texte et qui permet-
tra de vérifier les hypothèses avancées par les étudiants. L’enseignant
profitera de ce support pour l’analyser avec les apprenants de façon à
essayer de compléter les informations apportées par la chanson.

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3) Phase d’explication des contenus culturels et linguistiques


Tout d’abord, le professeur demandera aux apprenants de
présenter le contexte (la situation, le portrait, la description…)
ébauchées par le texte selon le thème étudié. Après la reprise des
contenus, il posera des questions sur les faits présentés. Il notera
au tableau les réponses des étudiants et les analysera avec eux afin
d’expliciter les situations évoquées. Puis il expliquera le vocabu-
laire, en particulier si la chanson a un vocabulaire populaire ou ar-
gotique. Il faut éviter au maximum de traduire en langue maternelle.
Pour expliquer ou définir certains termes le professeur peut avoir
recours à des synonymes ou des mots transparents. Cependant, de-
vant un terme difficile la traduction n’est pas exclue à condition
que l’expression traduite soit plus parlante et bien entendu dans la
logique du document. Il est important d’être attentif à ce que les
étudiants n’aient pas une perception erronée des réalités françaises
étudiées, le professeur doit donc bien guider leur réflexion et corri-
ger l’orientation s’il en ait besoin.

4) Phase d’acquisition
Dans cette phase les étudiants auront une vision d’ensemble de
la chanson et ceci grâce au Karaoké spécialement conçu par le pro-
fesseur en associant les images et les textes. C’est le moment de la
découverte des paroles. C’est aussi une phase où une large place sera
accordée au plaisir de chanter. La chanson peut servir ainsi de point
de départ pour l’étude de la culture française. La chanson est donc
un déclencheur culturel qui facilite l’accès à la civilisation d’une ma-
nière ludique et motivante. De plus chaque sujet abordé pourra être
illustré par d’autres documents authentiques tels que des interviews
diverses, des articles de journaux, des reportages vidéos, des docu-
ments sonores, des extraits littéraires.

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5) Phase d’application
Fidèle à l’objectif de rendre le cours plus dynamique et interactif
possible, cette phase, très liée à la phase interculturelle, sera centrée sur
la créativité et la participation des élèves. Elle peut aller d’un simple
jeu de rôles à une simulation globale en passant par l’écriture d’une
nouvelle chanson soit sur le même registre soit sur un autre registre, en
respectant le champ sémantique ou bien un sujet contraire à celui de la
chanson comme par exemple : l’amour / la haine, la violence / la paix,
Paris / Province, les Français / les immigrés.
D’autres possibilités d’application de cette démarche pourraient
exiger un travail plus actif des étudiants qui pourraient faire une re-
cherche en groupe pour analyser et compléter les informations sur un
thème donné. Il constituerait un module qui aurait besoin de séances
de préparation et d’exploitation mais, par la participation active et va-
lorisante des étudiants, pourrait s’avérer très motivante et formatrice.
Ce type d’activité permettrait ainsi d’étudier plusieurs chansons sur
un même sujet qui donnerait une image d’ensemble. Par exemple, si
l’enseignant souhaite faire connaître l’Hexagone sur divers aspects, il
pourrait diviser les étudiants en groupes, donner à chaque équipe une
chanson consacrée à une région française. Les élèves commenceront
par analyser le texte, puis compléteront une fiche (Annexe 1) où ils
noteront des informations générales : Nom de la région, localisation,
description géographique, climats, nombre d’habitants, villes prin-
cipales, activité économique, sites touristiques, spécialités gastrono-
miques, folklore, bref rappel historique, entre autres. Chaque groupe
fera écouter sa chanson en classe, expliquera son contenu culturel et
linguistique et exposera les caractéristiques de sa région en les accom-
pagnant d’affiches, des photos, des vidéos pour donner l’image la plus
complète possible. Bien entendu, ce travail suppose que les élèves
sont déjà familiarisés avec l’analyse de la chanson et ont une certaine
autonomie. Ainsi lorsque chaque équipe aura présenté son travail, il
sera possible de les comparer, d’en discuter pour se forger une image
de la diversité, éventuellement de voir les similitudes afin d’établir
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leur francité. Cette mise en commun serait l’occasion d’élaborer une


synthèse écrite qui mettrait en relief les multiples acquisitions aussi
bien au niveau linguistique que culturel. D’autre part ce travail, témoi-
gnerait de l’effort de compréhension au sens le plus large.
En ce qui concerne l’évaluation de l’acquisition des connais-
sances, il serait intéressant de faire préparer un jeu de « Questions
pour un champion« qui permettrait non seulement de vérifier les
connaissances tout en jouant, mais aussi de garder ainsi le caractère
ludique et donc le plaisir d’apprendre en valorisant, par la même
occasion, le travail et les capacités des élèves. Cette activité pourrait
démarrer par le visionnement de l’émission à la télévision. Après
l’analyse du déroulement de l’émission, chaque équipe rédigera les
questions et les réponses. Ensuite les étudiants s’affronteront dans
la simulation du jeu et s’élimineront les uns aux autres. Les trois
élèves gagnants auront un prix. Cette étape pourrait être enregistrée.
Outre cette activité ludique et éducative le professeur pourra orga-
niser un débat sur l’un des sujets ébauchés par l’étude des régions
qui plongent les apprenants dans l’actualité française par exemple,
les revendications indépendantistes de certaines régions (La Corse,
Les Antilles, La Bretagne, entre autres). C’est un fait qui bouleverse
la France. Immanquablement, il faudra faire un bref rappel de l’his-
toire de France et de l’histoire coloniale afin que les apprenants com-
prennent les enjeux d’une telle démarche. Les différents problèmes
pourront être illustrés avec des articles ou des reportages transmis
dans les journaux télévisés (tel est le cas de la Corse) qui défraie la
chronique depuis quelques années. D’ailleurs, en ce qui concerne les
Bretons, le groupe qui illustre le mieux cette scission de la France
est le groupe musical Manau qui est dans la lignée d’Alain Stivell.

6) Phase interculturelle
Une fois la chanson analysée, du point de vue civilisationnel et
linguistique, il serait souhaitable (afin de mieux faire comprendre la
particularité de la culture française où de la « Francité » telle que l’a
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expliqué Michel Boiron) de comparer les valeurs, les emblèmes, les


usages, les attitudes de la culture des apprenants. Ils seront amenés à
commenter les différents faits de société en expliquant quelles sont
leurs opinions où quelles attitudes adopteraient-ils dans la même situa-
tion. Différentes activités peuvent être réalisées où le vécu des élèves
sera mis en pratique. L’expression orale sera favorisée car elle permet
l’interaction des étudiants et donc une meilleure compréhension des
faits grâce aux apports de chacun. Certaines de ces activités doivent
être très créatives et ludiques : jeu de rôles, pièces de théâtre, simu-
lations globales, chanson traitant le même thème mais exprimant la
perception ou les croyances des apprenants. Évidemment cela dépen-
dra du niveau de connaissances linguistiques des étudiants. Ainsi par
exemple la discussion sur les revendications indépendantistes pourrait
lancer un débat sur le même sujet dans le pays des apprenants.La com-
paraison faciliterait la compréhension de certains faits.
L’analyse d’une chanson dans la classe FLE est un atout dans
l’enseignement d’une langue étrangère. Pourquoi ? Parce qu’elle
permet une approche de la langue plus souple et motivante à tous les
niveaux. Les étudiants s’intéressent au premier abord à la musique,
au rythme, à l’interprétation et puis aux paroles. C’est à ce niveau
que la stratégie choisie est essentielle pour déclencher des réactions
qui seront à la base de l’enseignement. Le rythme aidant, ils s’inté-
resseront ensuite aux paroles qui vont donner un sens à la mélodie.
Ces paroles qui abordent certains thèmes, à leur portée ou pas,
susciteront l’intérêt des élèves confrontés, par le biais de la chanson, a
des réalités lointaines et à des cultures diverses. Ces trois composantes :
rythme, paroles, contenu culturel font de la chanson un outil de grande
valeur par son caractère sociolinguistique. De plus, c’est un moyen qui
motivera les apprenants non seulement à pratiquer la langue d’une ma-
nière ludique mais surtout qui leur permettra de débloquer l’expression
orale. Faciliter l’expression est le point de départ de la réflexion col-
lective d’abord, personnelle ensuite. La démarche doit introduire le jeu
dans la classe afin de créer chez les élèves le plaisir d’apprendre.
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Boza Letras 53 (2013)

En voici un exemple de son application pour un niveau débu-


tant. Pour un niveau de débutants, l’approche de la culture française
avec ses aspects ethnosocioculturels pourrait débuter par la présenta-
tion de l’enfance et la société multiculturelle des banlieues avec par
exemple la chanson « Je suis » de la chanteuse Amel Bent.

1. Sensibilisation
Etant donné le niveau des étudiants, l’enseignant demandera à
leur étudiants de faire une recherche préalable, d’apporter des images
d’enfants jouant dans des banlieues. Elles seront collées au tableau, dé-
crites et/ou commentées par les élèves. Les élèves caractériseront en 3
mots l’image qu’ils ont de ces enfants. Ils seront notés au tableau.

2. Phase de découverte de la chanson


• Écoute de la chanson suivie de questions concernant la mu-
sique. De quel type de rythme s’agit-il ? Quelles impressions
avez-vous de cette musique ? Quels instruments reconnais-
sez-vous ? Comment trouvez-vous la voix de la chanteuse ?
• Après la deuxième écoute, le professeur posera des questions
concernant le contenu. Quel est le thème de la chanson ? Que
font les enfants ? A quoi rêve la chanteuse ? Quelles sont les
activités évoquéespar le chanteur ?
• Cette troisième écoute se fera avec des images correspondant
aux paroles. L’enseignant vérifie avec eux si les images corres-
pondent à leur première impression. Il les fera commenter par
chaque élève – si l’effectif de la classe le permet – afin d’exploi-
ter au maximum ce support et de pousser les élèves à s’exprimer.

3. Explications linguistiques et culturelles


Le professeur fait un petit exercice de révision du vocabu-
laire connu afin d’éclaircir les doutes possibles. A partir de quelques
images le professeur explique le vocabulaire avec la participation
active des élèves. Il peut utiliser une « diaporama » de façon à éviter
108
Letras 53 (2013) Aborder la culture française à travers la chanson

de traduire en langue maternelle et à guider les élèves dans la com-


préhension du vocabulaire. Certains mots seront expliqués avec des
synonymes ou mots transparents. Pour vérifier la compréhension,
l’enseignant fait faire un exercice rapide d’association. A partir de
ces images le professeur fait déduire par les élèves les faits de civi-
lisation en mettant en relief des phrases prononcées par le chanteur.

4. Acquisition
Étape très ludique, le professeur fait écouter la chanson avec le
karaoké qui associe image / musique / texte. Après les commentaires
des élèves, il peut la faire chanter par tout le groupe ou bien faire une
sorte de concours avec des volontaires.

5. Application
On peut demander aux étudiants de travailler en groupe et de
commenter leurs rêves et leurs vœux, ceux des parents, des amis …
Par exemple : Moi, je rêve de, Mon père, lui …. Et puis de décrire
comment est la vie au Costa Rica.
Ainsi qu’on peut le constater par la théorie et les exemples
donnés, la chanson dans la classe FLE constitue un outil très per-
formant pour aborder et approfondir l’étude des aspects culturels
de la société française et, par extension, de la diversité culturelle
francophone. Tout d’abord, parce que la culture est indissociable de
la langue. En outre, elle facilite également la mise en pratique des
quatre compétences, en général et plus particulièrement des compé-
tences communicatives tant au niveau de l’expression que de la com-
préhension orale d’une manière plus souple. Comme la musique fait
partie intégrante de l’univers des apprenants, ils sont conquis par le
rythme grâce auquel l’étude linguistico-culturelle est plus motivante
et enrichissante. Le choix de la stratégie est extrêmement important
car elle doit être dynamique et captiver l’attention des étudiants pour
les faire réagir et adhérer aux paroles.

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