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Sociolinguistique

Thème 1
La sociolinguistique et ses liens avec les autres disciplines linguistiques et sociologiques
Plan
1. Définition de la discipline
2. La base méthodologique de la sociolinguistique
a) contexte épistémologique
b) contexte historique
3. La problématique de la sociolinguistique
4. Les concepts et les méthodes de la sociolinguistique

I. Définition de la discipline
La langue est un fait social.
- Il n’y a pas de société sans langue ni de langue sans société.
- L’universalité de cette coïncidence suggère une profonde implication réciproque entre le
linguistique et le social.
- De cette double implication est née la sociolinguistique « étude de la co-variance des phénomènes
linguistiques et sociaux ». (Dictionnaire de linguistique, Paris, 2004)
- Le terme de « sociolinguistique » est très ancien. Il a été utilisé pour la Ire fois en 1952 par Haver
C. Currie. Ensuite il a été largement employé dans la linguistique après l’année 1962.
En France, le mot « sociolinguistique » naît en 1962 au cours d’une réunion universitaire
organisée pour créer des certificats. On a crée à ce moment-là le terme de « sociolinguistique »
simplement pour faire pendant (n.m. pereche, egal, seaman) à psycholinguistique. L’expression
sociologie du langage a été évoquée, mais comme les universitaires ont une rhétorique, il leur a
paru peu harmonieux d’un côté « psycholinguistique » et de l’autre côté « sociologie du langage ».
Vraisemblablement (după toate aparenţele), ils ont pensé que s’ils disaient « sociologie du
langage », ces certificats n’appartiendraient plus à la linguistique, mais à la sociologie.
- La sociolinguistique est définie comme l’étude de l’interaction entre les variétés de langue et la
structure des groupes sociaux.
- Elle est différente de la psycholinguistique qui est la linguistique de l’individu.
- La sociolinguistique étudie la langue dans son contexte social.
• Certains linguistes ne partagent pas cette opinion.

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- L.J. Calvet (La sociolinguistique, Paris, 1993) : « il n’y a pas de lieu de distinguer entre une
linguistique générale qui étudierait les langues et une sociolinguistique qui prendrait en compte
l’aspect social de ces langues, en d’autres termes, la sociolinguistique est la linguistique ».
- Le même linguiste affirme : « l’objet d’étude de la linguistique n’est pas seulement la langue ou les
langues, mais la communauté sociale sous son aspect linguistique ».
- J.A. Fishman (Sociolinguistique, Paris, 1971) : « c’est la science qui s’efforce de déterminer qui
parle, quelle variété de quelle langue, quand, à propos de quoi et avec quels interlocuteurs ».
- « C’est la partie de la linguistique qui a pour objet l’étude du langage et de la langue sous leur
aspect socioculturel. » (Dictionnaire de notre temps, Paris, 1988)
- La sociolinguistique est donc l’étude des caractéristiques des variétés linguistiques au sein d’une
communauté.
N.B. La sociolinguistique a pour tâche de découvrir :
• comment les facteurs sociaux et
• la vie en communauté
déterminent les différences dans la langue et dans l’utilisation qu’en font les locuteurs.

II. La base méthodologique de la sociolinguistique


a) Contexte épistémologique
Epistémologie – étude critique des sciences, de la formation et des conditions de la connaissance
scientifique.
- Depuis plusieurs années on assiste dans les sciences sociales et humaines au développement des
contacts entre les diverses disciplines. Ce fait a pour résultat d’effacer (d’atténuer) les frontières
traditionnelles qui paraissaient si nettement définies.
- On constate que l’époque est à la jonction entre des disciplines voisines et différentes, telles que :
• anthropologie politique ;
• ethnobotanique ;
• sociolinguistique…
La linguistique n’échappe pas à ce contexte épistémologique.
- Lorsqu’elle cherche à atteindre la signification de l’acte de communication dans sa totalité, par ex.,
elle a besoin de données relatives à l’individu et à la société pour la compréhension du sens du
message.

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- Dans ce cas, elle n’étudie pas une langue comme une structure isolée ; elle la voit comme une
microstructure supplémentaire à l’intérieur d’une macrostructure dont les composantes essentielles
sont : l’homme et la société.
- Car c’est en elles, par elles et pour elles qu’existent les langues. (A. Rabanales « Les
interdisciplines linguistiques » dans La linguistique, Paris, 1979)
- La science du langage s’est adjoint d’autres disciplines : la sociologie, la psychologie…
- Des sciences interdisciplinaires apparaissent qui prennent en compte les multiples facteurs du
langage et qui se focalisent :
• soit sur l’individu dans la communication (psycholinguistique) ;
• soit sur la communication dans la société (sociolinguistique).
- De fait la communication intéresse autant le psychologue que le sociologue :
• le psychologue la considère du point de vue des échanges interindividuels ;
• le sociologue, du point de vue des institutions supra individuelles et des comportements
collectifs.
- La communication est examinée dans la société sous deux angles :
• d’une part, le rapport avec le langage ;
• d’autre part, le rapport avec la société, la culture ou le comportement.
- Le plus souvent on pose deux entités distinctes : le langage et la société.
- On a donc un seul objet d’étude : le rapport langue/société, et pourtant on n’aboutit pas à une
discipline unique.
- Ainsi, comme il n’existe aucun accord entre les chercheurs quant à la nature de rapport
langue/société, on aboutit à un ensemble de recherches aux appellations multiples :
• sociologie du langage ;
• sociolinguistique ;
• ethnolinguistique ;
• géolinguistique ;
• linguistique sociale ;
• anthropologie linguistique ;
• ethnographie de la communication ;
• ethnométhodologie.
Toutes ces sciences, ou plutôt ces projets de sciences, ont du mal à se définir.
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Leur domaine respectif est loin d’être délimité, leurs méthodes dépendent de leurs objectifs et
leurs objectifs eux-mêmes ne sont pas encore bien fixés.
- Certains linguistes s’attachent à prouver que ces interdisciplines divergent au sujet des conceptions
fondamentales, des hypothèses de travail, des motivations, des résultats de la recherche.
- D’autres tentent d’établir une délimitation rigoureuse entre elles à partir des diverses manières
d’appréhender les relations entre langue et société.

b) Contexte historique
La sociolinguistique, née dans le contexte épistémologique (défini plus haut), apparaît dans
les pays anglo-saxons et en France, à des périodes différentes, liée au contexte historique et social
des pays respectifs.
• Les Etats-Unis : les causes qui ont provoqué la naissance de cette branche de la linguistique.
- Dans les années 1960-1970, c’est la « redécouverte » de la pauvreté :
• l’augmentation continue des dépenses qui dépassent les prévisions ;
• la seconde guerre du Vietnam aggrave la poussée inflationniste ;
• la suspension de la convertibilité du dollar en 1971 ;
• les 2 chocs pétroliers entraînent une accélération de l’inflation ;
• la hausse des prix, l’aggravation du chômage qui frappent surtout les minorités linguistiques.
- A cette époque on redécouvre que le langage joue un rôle important dans la différenciation sociale.
- Le linguiste F. Gadet (« La sociolinguistique n’existe pas » dans Dialectiques, nr. 20, 1977)
constate qu’un grand nombre de chercheurs, tels Labov, Hymes, Fischman se fixent comme un de
leurs objectifs d’aider à résoudre des problèmes sociaux où l’emploi du langage est directement
impliqué.
• W. Labov consacre plusieurs articles aux causes de l’échec des enfants noirs dans
l’apprentissage de la lecture.
• D. Hymes se propose d’examiner non seulement les outils linguistiques et les types de
communauté linguistique, mais aussi les individus et la structure sociale.
• Fischman souhaite enseigner à de vastes groupes de locuteurs des variétés qu’ils ne
connaissent pas.
- Tous les trois constatent que la linguistique structurale et générative se trouve impuissante à traiter
la question que pose pour l’école l’apprentissage de la norme linguistique.

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- En France, les préoccupations d’ordre sociologique ne sont pas nouvelles. Le linguiste


J.C. Chevalier écrit que : « La linguistique française depuis très longtemps et particulièrement
depuis le XIXe siècle a été obsédée par le problème des rapports de la langue et des mouvements
sociaux. On se demande sans se lasser (fatiguer) quel rôle joue le peuple, les institutions, l’idéologie
dans la constitution de divers idiomes, dans l’établissement des normes. »
- Ces préoccupations ont été mises à l’écart :
• par le prestige d’un structuralisme linguistique à sujet réduit ;
• par l’étonnant succès de la grammaire chomskyenne qui proposait un modèle éliminant le
fonctionnement pragmatique du langage.
- Elles ont été réactualisées par la lecture de certains travaux de recherche anglo-saxons qui sont
venus renouveler la réflexion sur le langage en tant que pratique sociale.
- Ainsi O.Ducrot (Le structuralisme en linguistique, Paris, 1968) a fait connaître les recherches sur
les actes de parole. J.B. Marcellesi et B. Gardin (Introduction à la sociolinguistique ; la linguistique
sociale, Larousse, 1974) se sont fait l’écho des idées de W. Labov. Les problèmes principaux sont :
chômage, nouvelle pauvreté, déclin de la culture ouvrière, explosion des moyens modernes de
communication et de gestion.
- Tous ses faits se retrouvent dans les thèmes sur lesquels se polarise la sociolinguistique française :
• langue et école ;
• discours politique ;
• aliénation linguistique, politique des langues dites minoritaires.
- Il suffit de consulter une histoire de la linguistique (G. Mounin La linguistique du XXe siècle, PUF,
1972) pour constater que les disciples de F. de Saussure ont continué d’affirmer le caractère social
de la langue.
- A. Meillet (Linguistique historique et linguistique générale, 2 vol., 1921-1936) affirme que « le
langage est éminemment un fait social ».
- Ch. Bally (Linguistique générale et linguistique française, 4e édition, Berne, 1965) différencie les
groupes socioculturels par leurs caractéristiques linguistiques essentielles, insiste sur l’importance
de la situation (monde, milieu) dans les rapports linguistiques que les locuteurs entretiennent.
- On pourrait multiplier les exemples :
• J.Vendryes (Le langage. Introduction linguistique à l’histoire, 1929) ;
• A. Dauzat (La vie du langage) ;

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• M. Roque, M. Cohen (Pour une sociologie du langage, 1956) ;


• E. Benveniste (Problème de linguistique générale, 2 vol., 1974).
- On le voit, en France, la sociolinguistique existe depuis plus d’un siècle. Aujourd’hui elle semble
s’être institutionnalisée. Cette institutionnalisation est peut-être liée au fait que :
• la sociolinguistique ne se confond plus avec la linguistique ;
• elle ne se limite plus au champ traditionnellement désigné comme tel, mais a une
problématique plus moderne.

III. La problématique de la sociolinguistique


La sociolinguistique a affaire à des phénomènes très variés :
• les fonctions et les usages du langage dans la société ;
• la maîtrise de la langue ;
• l’analyse du discours ;
• les jugements que les communautés linguistiques portent sur leur(s) langue(s) ;
• la planification et la standardisation linguistique…
- Elle considère que l’objet de son étude ne doit pas être simplement la langue, système de signes,
ou la compétence, système de règles. L’opposition langue/parole ou compétence/performance
implique que dans le champ d’investigation du linguiste, seule la langue (ou la compétence)
constitue un système fermé comportant une intelligibilité intrinsèque (réelle, essentielle) et par suite
le seul secteur des phénomènes liés, de près ou de loin, à l’utilisation du langage auquel le linguiste
doit s’intéresser.
Il faut donc dépasser cette opposition, car elle fournit un cadre trop étroit pour l’étude des
problèmes linguistiques importants comme l’utilisation du langage dans son contexte socioculturel.
Pour faire cela quelques linguistes tentent d’élargir la notion de compétence. Ainsi,
D. Hymes développe le concept de compétence de communication. Il affirme que pour
communiquer, il ne suffit pas de connaître la langue, le système linguistique ; il faut savoir comment
s’en servir en fonction du contexte social. D’autres linguistes, tel Labov, pensent que toute
production linguistique manifeste des régularités et peut donc faire l’objet d’une description.
Mais quelle que soit la voie choisie, les chercheurs mettent l’accent sur un thème
unificateur de la sociolinguistique : le langage considéré comme une activité, socialement localisée,
et dont l’étude se mène sur le terrain.

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Pourtant la sociolinguistique qui se présente comme englobant ne fait que regrouper des
sous-disciplines souvent hétérogènes. Les sous-disciplines diffèrent par leur objet d’étude, elles
diffèrent aussi par leurs objectifs à long terme, ce qui n’est pas surprenant dans un domaine aussi
vaste et aussi divers que celui de l’étude de la langue dans son contexte socioculturel.
A la suite du linguiste D. Hymes, on peut distinguer 3 orientations importantes dans les
travaux des sociolinguistes.
1. Le social aussi bien que le linguistique : l’attention du chercheur se focalise sur les buts
pratiques : la langue en relation avec l’enseignement, avec des groupes minoritaires, sans remettre
en question aucun des concepts méthodologiques ou descriptifs des principaux courant de la
linguistique. De grands linguistes, spécialistes de la recherche grammaticale, comme Sapire,
Bloomfield, se sont intéressés aux applications pratiques de leur science.
2. Dans ce cas le chercheur considère que les problèmes linguistiques ne peuvent être résolus
qu’en faisant appel à des variables sociales. Il remet en cause les linguistiques existantes, tire ses
données de la communauté linguistique elle-même, développe de nouvelles méthodologies qui
permettent d’aboutir à de nouvelles découvertes sur le langage.
Ainsi, Labov constate que l’appartenance d’un sujet à une communauté linguistique le rend
capable d’une maîtrise structurée de sous-systèmes hétérogènes. La variation se manifeste à deux
niveaux : la variation stylistique (les différents usages d’un même locuteur) et la variation sociale
(les différents usages de différents locuteurs, au plan de la communauté). Cependant, tous les faits
de langue ne sont pas soumis à variation, et tous n’y sont pas soumis de la même manière. Ils
ressortissent à 3 types différents de règles :
• les règles catégoriques qu’aucun locuteur ne viole jamais et qui sont le produit de
l’apprentissage fondamental de la langue ;
• les règles semi-catégoriques, énonçables sous forme impérative (ne dites pas : « je
vais au dentiste ») dans la mesure où elles sont fréquemment violées, et que la
violation est interprétable socialement (cette forme « au dentiste » est jugée populaire
et condamnée par la norme) ;
• les règles à variables, quand deux ou plusieurs formes sont en concurrence dans le
même contexte (« pas » et « ne … pas ») et que le choix de l’une ou de l’autre est à
mettre en relation avec des facteurs sociaux (forme de prestige vs forme stigmatisée).

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Cette étude conduit à disjoindre le lien entre système et homogénéité, et à définir une
communauté linguistique, non plus comme l’ensemble de locuteurs qui parlent de la même
manière, mais comme l’ensemble de ceux qui, malgré la diversité de leurs pratiques, partagent les
mêmes normes et les mêmes jugements.
3. La priorité donnée au social sur le linguistique : le chercheur veut reconstruire la
linguistique elle-même pour qu’elle devienne une théorie du langage dans son contexte
socioculturel. Pour obtenir une meilleure compréhension du langage, il incorpore
systématiquement et prioritairement les divers aspects de l’organisation sociale dans l’analyse
linguistique. La théorie qu’il veut établir vise à comprendre la vie sociale, l’organisation sociale, à
travers une étude des principes qui régissent la communication verbale.
Après avoir présenté des informations sur les 3 orientations dans les travaux des
sociolinguistes, il est important de revenir au terme « contexte ». Les sources consultées nous
permettent d’affirmer que « contexte » est un terme polysémique. Il peut signifier soit cotexte, soit
contexte social, soit enfin contexte interpersonnel.
Toute étude de l’emploi de la langue devrait faire appel aux deux derniers sens. Mais les
sous-disciplines de la sociolinguistique font appel à des degrés divers à l’un et/ou à l’autre de ces
deux contextes.
En ethnographie de la parole et dans la plupart des branches de la sociolinguistique, c’est le
contexte social qui est prioritaire. Le contexte est « social » dans le sens qu’il comprend
l’organisation interne d’une société avec ses tensions, ses divisions, ses sous-groupes. Etudier le
langage dans un contexte social, c’est étudier les matériaux linguistiques produits à l’intérieur de la
société. C’est accorder une grande attention à la façon dont les caractéristiques particulières de la
société affectent les structures de variation et de changement du langage parlé. Et, inversement, la
façon dont les différents emplois de la langue et les attitudes différentes envers ses variétés affectent
les dimensions internes et les forces des composantes de la communauté linguistique intéressée. Un
exemple d’influence mutuelle entre structure linguistique et structure sociale peut être fourni par une
enquête réalisée en Grande Bretagne sur les variations de la communication entre la mère et
l’enfant. Elle fait apparaître des divergences sensibles entre les familles de la classe moyenne et
ceux (celles) de la classe ouvrière sur de nombreux points :
• importance accordée au langage dans l’éducation ;
• liberté d’expression de l’enfant ;

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• encouragement à poser des questions.


Dans d’autres disciplines, comme la pragmatique, l’analyse du discours anglo-saxonne,
l’analyse conversationnelle, le contexte interpersonnel ou interactionnel prend le pas sur le contexte
social. Ces sous-disciplines ne visent pas à la compréhension de l’interaction entre la structure
linguistique et celle de la société : leurs recherches portent sur l’interaction entre individus,
généralement un locuteur et un auditeur. Le contexte essentiel pour la compréhension des énoncés
ou des textes échangés inclut des éléments tirés de la psychologie (intentions, croyances,
rationalité).

IV. Les concepts et les méthodes de la sociolinguistique


Comme on a déjà mentionné la sociolinguistique c’est la linguistique des conflits
linguistiques ; elle s’appuie sur : 1) la sociologie critique et structuraliste ; 2) sur la théorie de la
société fondée sur le contrôle social et la domination.
Les chercheurs constatent que la sociolinguistique emprunte les concepts et les méthodes de
la sociologie.
Dans la suite nous allons présenter certains détails.
On sait que tout individu humain est d’abord un objet social, le produit d’une socialisation.
Le langage est une forme de comportement social. Il est un instrument de communication entre les
hommes, c’est un répertoire de variétés linguistiques imbriquées les unes dans les autres.
Il est à la fois un système de signes et de règles à la disposition du groupe et un moyen
d’expression de l’individu. Partant de cette dualité, la sociolinguistique privilégie l’élément social de
la communication : la société, la culture ne sont pas présentes avec la langue et à côté de la langue,
mais elles sont présentes dans la langue (L. Porcher « Le sociologique dans le linguiste : de quelques
principes et conséquences » dans Le français dans le monde, nr. 121, 1976, p. 6-10).
La sociolinguistique emprunte à la sociologie un certain nombre de concepts
méthodologiques et descriptifs, par exemple : norme, groupe de référence, rôle…
La langue fait partie de la norme comme ensemble de connaissances pratiques et théoriques
dont dépend l’intégration à une communauté.
Un individu qui appartient à un groupe social (groupe d’appartenance) peut moduler son
comportement en fonction d’un groupe social dont il n’est pas membre, mais qui lui sert de cadre de
référence (groupe de référence) : les membres de la petite bourgeoisie, parvenus à l’âge adulte, ont

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tendance à adopter les façons de parler surveillées des jeunes locuteurs de la classe supérieur. Le
sujet social est assimilé (comparé) à un autre amené, dans le cours d’une même journée, à remplir
des rôles très divers : père de famille, enseignant, militant syndical, etc. (R. Boudon, P. Lazarfeld Le
vocabulaire des sciences sociales, Paris, 1965).
La sociolinguistique doit beaucoup à la méthode d’enquête de la sociologie.
L’enquête sociologique se déroule selon un processus établi. On définit les buts et les
hypothèses de travail :
• on détermine la population de l’enquête, c.à.d. l’ensemble des sujets à interroger ;
• on élabore le questionnaire d’essai, à partir d’un modèle à questions fermées(qui prévoient
toutes les réponses possibles) ou préformées (le sujet est guidé dans ses réponses) ou
ouvertes (elles laissent une totale liberté de réponse).
Chaque enquête commence par une préenquête (application du questionnaire d’essai à un petit
nombre de sujets représentatifs de la population de l’enquête). La préenquête aboutit :
• à une redéfinition des buts et des hypothèses de travail ;
• à une redétermination de la population de l’enquête et la rédaction du questionnaire définitif.
La préenquête est riche d’enseignements :
• abandon de certaines idées préconçues ;
• correction des variables de comportement.
Et dans la suite vient l’enquête proprement dite, le dépouillement et l’analyse des résultats.
On croise les résultats obtenus avec ceux des autres techniques : l’observation directe et
l’entretien non directif, qui est d’utilisation difficile même lorsqu’a été résolu le problème encore
mal dominé de l’analyse de contenu (P. Henry et S. Moscovici « Problèmes de l’analyse du
contenu » dans Langage, nr. 11, sept. 1968).
L’enquête sociolinguistique est une enquête sociologique tronquée à finalité linguistique.
Elle court-circuite (présente) l’interprétation des faits sociologiques pour les faire servir à la collecte
des faits linguistiques recherchés (Dictionnaire de didactique des langues). Elle n’a pas développé
de méthodologie originale ; les moyens et les techniques qu’elle met en œuvre résultent des
emprunts faits à des types d’enquête plus anciens (R. Ghiglione et B. Matalon Les enquêtes
sociologiques, A. Colin, 1978).

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