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‫اﻟــــﺠــﻤـــــﻬــﻮرﯾـــﺔ اﻟﺠـــﺰاﺋــﺮﯾــــــــــﺔ اﻟﺪﯾـــــــﻤــــــــﻘـــﺮاﻃـــــــﯿﺔ اﻟﺸـــــﻌــــﺒﯿــﺔ‬

‫وزارة اﻟـــﺘﻌـــﻠـــﯿـــﻢ اﻟـــﻌـــﺎﻟـــﻲ و اﻟـــﺒـــﺤـــﺚ اﻟـــﻌـــﻠــــﻤــــﻲ‬


1 ‫ﺟـــﺎﻣـــﻌـــﺔ ﻗـــﺴـــﻨـــﻄـــﯿـــﻨـــﺔ‬
REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE
MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
UNIVERSITE CONSTANTINE 1
FACULTE DES LETTRES ET DES LANGUES
Département des Lettres et Langue Française

Cours de sociolinguistique
Cours de phonétique
Cours de psycholinguistique

Enseignant : KEFSI REDOUANE

Année universitaire : 2012-2013


La
sociolinguistique
Quelques objectifs à définir avant de commencer ce module :

● A la fin du cours l'étudiant sera capable de:

● Savoir ce qu’est un contact des langues et quels sont ses effets ;

● Connaitre que la langue varie d'une personne à l'autre, d'une culture à


l'autre et d'une société à une autre ;
● Savoir l'importance du phénomène de la spontanéité dans les travaux de
W.Labov ;
● Affirmer que le conflit social est le facteur principal de l'apparition de la
variation langagière.

Forum

Bonjour, si quelqu'un a des commentaires, qu'il m'envoie un message sur mon e-mail (
djafa4484@yahoo.fr ) , je serai très heureux de recevoir vos critiques.

Les pré-requis

Les ​pré-requis

W.Labov est le fondateur de la linguistique variationniste, qu'est ce qu'une variation ?

Que savez-vous sur la sociolinguistique, autrement dit, quels sont les domaines de la
sociolinguistique?

Le contact des langues est un domaine qui regroupe plusieurs phénomènes, lesquels​ ?

PLAN GLOBAL
Introduction à la sociolinguistique

Chapitre 1: le contact des langues

Le bilinguisme

-Définition

-L'être bilingue

-Le choix de la langue

-L'alternance codique.

La diglossie

-Définition

-Les critères linguistiques

-Les critères sociolinguistiques

Le plurilinguisme

-La langue véhiculaire

-La langue vernaculaire

-Les sabirs, les pidgins, les créoles

-Le continuum linguistique.

Chapitre 2 : les variations

-Définition de la norme

-Les types de normes

-La variation
-Les types de variations

Les travaux de William Labov

-L'analyse des changements linguistiques en cours

-L'étude des données de la langue spontanée

-L'observation des usages de la langue dans les réseaux sociaux.

Bibliographie

INTRODUCTION GENERALE
● Le structuralisme est un ensemble d’idées et de postulats qui ont
influencé la linguistique en général, le fondateur de cette école est le
français d’origine suisse Ferdinand de Saussure. Ce chercheur voulait
aboutir aux lois qui régissent la langue et qui commandent sa
production. Pour lui la langue est une structure, c'est-à-dire un
ensemble de relations entre plusieurs composantes de la langue. Le but
essentiel des structuralistes est d’étudier la langue en elle même et
pour elle-même, ceci veut dire que l’étude ne doit pas dépasser la
phrase ou la structure d’une phrase, tandis que les facteurs politiques,
géographiques et culturels sont des éléments secondaires car selon
Ferdinand et ses partisans, ces facteurs n’ajouteront rien au cours de
linguistique structurale.
● Le signe linguistique chez de Saussure est binaire, il comprend un
signifié et un signifiant, la langue est un fait social qui vient avant la
parole qui est un fait individuel : la langue se transcrit dans la mémoire
des sujets parlants inconsciemment au sein de la société, la parole c’est
la réalisation individuelle de cette langue enregistrée. A partir de là, ce
n’est pas la parole qu’est l’objet d’étude de la linguistique structurale
mais plutôt c’est la langue.
● Comment on est arrivé à la sociolinguistique :

Le temps où Ferdinand de Saussure posait les bases de la linguistique


structurale, le linguiste français Antoine Meillet (1866-1936) insistait dans des
travaux qu’il entreprenait sur la relation entre langage et société. A.Meillet
était influencé par les théories du sociologue français Émile Durkheim. À
travers son article « Comment les mots changent leur sens » Meillet voulait
montrer l’interférence de la langue avec la réalité des couches sociales, il
conclut que la langue est un fait social. Pour lui le travail d’un linguiste est de
déterminer la nature de chaque structure linguistique et le modèle de la
structure sociale qui lui convient.

Les idées d’Antoine Meillet n’ont pas trouvé écho chez les linguistes de cette
époque, elles étaient complètement négligées.

En ce moment, il s’est développé d’autres études en Allemagne, dans son


article écrit en 1894 « La langue française avant et après la révolution », le
socialiste français Paul Lafargue (1842-1911, c’est le gendre de Karl Marx) a
montré que la révolution française de 1787 a changé le dictionnaire de la
langue française, malgré ces observations, Lafargue n’a pas pu démontrer la
dimension sociale de la langue.

Entre 1920 et 1950, les études marxistes se ramenaient aux travaux de Nikolaï
Marr (Historien et linguiste géorgien de naissance, 1865-1935), ce dernier a
voulu montrer l’effet ou l’impact des couches sociales sur la langue. Marr a
prouvé que malgré leur différente nationalité, l’employé français et l’employé
allemand à cause de leur appartenance à la même couche sociale ont en
commun les mêmes structures langagières qui sont tout à fait différentes des
structures langagières des capitalistes des deux pays.

Staline le président de l’URSS donnait l’ordre d’abandonner les travaux de


Nikolaï Marr, les discrédita personnellement comme « non scientifique » , la
majorité des linguistes de cette époque exécutaient cet ordre sans résistance.

Le tournant de la sociolinguistique s’est produit aux états unis, à coté de


l’école générative et transformationnelle il est apparu un autre courant de
l’anthropologie linguistique en 1960 qui prenait les travaux des anglo-saxons
Dell Hymes et John Gumperz qui ont travaillé sur la conversation avec tout ce
qu’elle implique (L’étude des tours de parole.)

Au même moment c’était le linguiste Basil Bernstein qui a fait des recherches
sur les structures linguistiques et les couches sociales où il dégageait le code
restreint et le code élaboré, du même il a montré que les enfants qui
appartenaient aux couches populaires souffraient d’une pauvreté linguistique
par rapport aux enfants appartenant aux couches bourgeoises.

Le pas le plus important dans l’évolution de la sociolinguistique du point de


vue théorique et méthodologique revient au linguiste américain William
Labov avec qui on aura tout un chapitre à faire après.

INTRODUCTION
La sociolinguistique, de manière très répondue est l'étude des rapports entre langue
et société, c'est à dire étudier le fonctionnement du langage chez les différentes
couches de la société.

La réponse sur deux grands types de problématique nous permet de saisir le


concept de « sociolinguistique »:

A/ la sociolinguistique s'intéresse d'une part aux variations sociales du


langage​, dans ce type d'étude, on essaye de décrire les variations et d’identifier
leur source d'une manière objective. Ceci correspond à un certains nombre de
paramètres comme : l'âge, le sexe, le milieu social, le statut social...

Dans ces contingences, un chercheur est appelé à analyser la relation "langage -


pratiques sociales" (Ex: les pratiques langagières au sein de la famille, dans le milieu
universitaire, scolaire, administratif..., par rapport à d'autres discours)

Selon Moscatto et Wittwer,"Les rapports existant entre langage et société relèvent


d'abord de la simple observation : le discours de l'ouvrier présente des différences
linguistiques repérable avec celui de l’ingénieur ; il en va de même des discours
comparés du paysan et du citadin, du prêtre et du forain, etc." (Mouscatto et
Wittwer, 1981, p 98) C’est ce qu’on a abordé dans les objectifs ; la langue varie
d'une personne à l'autre, d'une culture à l'autre et d'une société à une autre.
B/La sociolinguistique se préoccupe aussi de la question des contacts de
langues au sein des sociétés plurilingues​, ici nous parlons évidemment des
sociétés qui, à force de contacter d'autres langues créent une troisième langue pour
assurer une certaine intercompréhension, donc dans ce cas les chercheurs étudient
la nature conflictuelle de tels contacts, l'émergence de systèmes hybrides, la mort
des langues, la gestion politique de la diversité linguistique...

Chapitre 1: Le contact des langues


Chapitre 1

Le contact de langues

LE BILINGUISME
Durant de longues années, le bilinguisme a été considéré comme un handicap cognitif,
car on pensait que le fait d’apprendre une deuxième langue limitait l’appropriation
d’autres informations.

La notion de bilinguisme est un peu ambigüe, à traves la réalisation de ce cours, nous


avons trouvé des difficultés à entourer certaines nuances dans les différentes
acceptions du bilinguisme. En cherchant une explication, par hasard, je suis tombé sur
ces différentes définitions :

En fait, certains linguistes comme André Martinet entendent par bilinguisme, la


maitrise de deux codes différents, le degré de maitrise n’est pas déterminé :

« En référence à l’emploi concurrent de deux idiomes par un même individu ou à


l’intérieur d’une même communauté, on dispose traditionnellement du terme de
bilinguisme. Il ne peut être question de ne pas le retenir dans la pratique des linguistes,
mais il est indispensable de le redéfinir, ne serait-ce que pour exclure l’implication très
répandue qu’il n’y a bilinguisme que dans le cas de maitrise parfaite ou identique des
deux langues en cause. »

On remarque à partir de cette citation que le bilinguisme n’est pas seulement la


maitrise parfaite des deux codes mais plutôt et selon Martinet c’est l’expression dans
laquelle rien ne s’interpose entre l’expérience que l’individu veut transmettre et le
choix d’unités linguistiques qui combinent les phrases.

Différents chercheurs ont défini la notion de bilinguisme, chacun propose quelques


conformités pour mettre en relief sa représentation. Bloomfield (1935) définit le
bilinguisme comme « la possession d’une compétence de locuteur natif dans les deux
langues ». Selon lui, les deux langues doivent avoir le même statut: celui de langue
maternelle, donc, on revient à l’opposition d’André Martinet. Car avoir le statut d’une
langue d’un locuteur natif suppose la maitrise identique des deux codes en question,
donc le bilinguisme ne peut être réussi que de façon spontanée.

Mac Namara (1967) s’oppose à cette définition en affirmant qu’une personne bilingue
possède « une compétence minimale dans une des quatre habiletés linguistiques,
comprendre, parler, lire et écrire dans une langue autre que sa langue maternelle ».
Ainsi, selon cet auteur, une personne peut devenir bilingue suite à un apprentissage.

Pour d’autres chercheurs comme Titone (1972) par exemple, le bilinguisme est « la
capacité d’un individu à s’exprimer dans une seconde langue en respectant les
concepts et les structures propres à cette langue, plutôt qu’en paraphrasant sa propre
langue ».

Alors que André Louis Sanguin voit que le bilinguisme est « la coexistence de
deux langues dans un pays l’une est la langue de la majorité, l’autre est la
langue minoritaire les deux jouissent des mêmes droits judiciaires et
éducatifs. »

De même pour Marouzeau, le bilinguisme est « l’état d’un individu ou d’un


groupe d’individus qui utilisent deux langues sans favoriser l’une par rapport à
l’autre. »

Dans son dictionnaire de linguistique Jean Dubois conçoit le bilinguisme


comme « l’état linguistique où les suets parlants utilisent deux langues
différentes suivant un environnement social et des conditions linguistiques
spécifiques. »

D’autres comme Hamers ont évoqué la notion d’ « interaction ».


Hamers (1981) introduit une distinction entre bilinguisme et bilingualité. Par
bilingualité, l’auteur entend « un état psychologique de l’individu qui a accès à plus
d’un code linguistique », alors que le terme « bilinguisme », renvoie à un « état d’une
communauté dans laquelle deux langues sont en contact, avec, pour conséquence, que
deux codes peuvent être utilisés dans une même interaction et qu’un nombre
d’individus sont bilingues ». Hamers prend en compte l’aspect social de
l’apprentissage des deux codes pour devenir un être bilingue.

Barbara Abdoulilah Bauer nous propose ​une définition qui parait aussi
particulièrement nette et elle correspond parfaitement au dispositif du
marché linguistique actuel.

: « Une personne bilingue est une personne qui est capable au quotidien dans la vie de
tous les jours d’utiliser deux langues régulièrement dans les situations les plus
diverses, ce bilinguisme n’est jamais équilibré c'est-à-dire qu’il y a toujours une langue
d’avantage plus développée qu’une autre ou plus dominante qu’une autre. » Certains
pensent que le bilingue doit maitriser parfaitement les deux langues comme deux
monolingues en une personne et d’autres promettent le bilinguisme pour tous à la
sortie du lycée, Barbara Bauer dit qu’on n’est pas bilingue à la sortie du lycée tout
comme personne n’a encore rencontré un bilingue parfait, tout simplement parce qu’il
n’existe pas tout comme il n’existe pas de monolingue parfait.

Le critère de bilingualité a poussé d’autres auteurs à une classification plus précise du


bilinguisme.

Lambert (1955) oppose ainsi la « bilingualité équilibrée » à la « bilingualité dominante


».

Dans le premier cas, le locuteur possède des compétences linguistiques identiques dans
les deux langues alors que dans le second cas, une langue est mieux maîtrisée que
l’autre.
Étant donné que l’acquisition d’une seconde langue varie en fonction de l’âge, nous
avons classé le bilinguisme en ses différents types dans ce tableau :

Les types de bilinguisme Les caractéristiques

Le bilinguisme simultané L’acquisition des deux langues dés la naissance et avant l’âge de
la scolarisation

(ou bilinguisme précoce)

Le bilinguisme séquentiel l’enfant acquiert d’abord une première langue qu’on appelle
généralement « langue maternelle" puis une autre qu’on appelle
« langue seconde »
ou consécutif

Le bilinguisme idéal La maitrise parfaite des deux langues en question

Le bilinguisme actif Agir d’une manière active, on est en aisance quand on parle avec
l’une ou l’autre des deux langues

Le bilinguisme passif On reçoit seulement les deux langues (quand on applique


certaines définitions du bilinguisme sur cette acception, on saura
qu’on a pas en effet un bilinguisme passif)

Le bilinguisme tardif L’acquisition d’une deuxième langue à partir de l’âge de sept ans

Le bilinguisme soustractif Quand une des deux langues ne jouit pas du même statut que
l’autre, dans ce cas l’acquisition d’une deuxième langue se fait au
détriment de la première qui va naturellement réduire le niveau de
compétence de cette dernière.

L’alternance codique

Les contacts prolongés des diverses langues entrainent une alternance codique, d’où
l’émergence d’un discours alternatif produit par un locuteur dans une situation de
communication donnée, c’est le cas de l’arabe dialectal et du français en Algérie.

L’alternance de code linguistique, ou code switching , est une alternance de 2 ou


plusieurs codes linguistiques (langues, dialectes, ou registres linguistiques.)
l’alternance peut avoir lieu à plusieurs endroits d’un discours, parfois même au milieu
de la phrase, et le plus souvent là où les deux syntaxes s’alignent. Ex : [gulu j prepare
lgato]

Selon Gumperz, « L’alternance codique dans la conversation peut se définir comme la


juxtaposition d’un même échange verbal de passage ou le discours appartient à deux
systèmes ou sous-systèmes grammaticaux distincts. » (Gumperz.1989 :57).

Exemple : « Puis.je avoir ton numéro in order to call you tomorrow? ».mais est-ce que
les utilisateurs de cette alternance de codes linguistiques sont conscients de
phénomène?

Le choix de la langue

Les utilisateurs des deux codes linguistiques différents ou les participants dans une
interaction prolongée ne sont pas souvent tout à fait conscients du choix de leurs
langues qu’ils utilisent à tel ou tel moment de l’échange verbal, car en réalité le
passage d’un code à l’autre ou la sélection d’un code par rapport à un autre se font
d’une manière automatique loin d’être soumise à une règle de mélange, c’est le
langage où l’individu parle sans gêne.

Exemple : Bonjours, [єmbarєh tlaqit el moudareb], il m’a parlé de toi.

Bonjours, Hier, j’ai rencontré l’entraineur, il m’a parlé de toi.

Dans ce dernier cas, on parle de code switching. (C’est l’alternance des propositions.)

Alors qu’un code mixing, qui est en fait l’insertion d’un mot d’une autre langue dans
une phrase. Exemple : quand j’aurai parlé au directeur, je vous téléphonerai [nchAllah]
L’un des principaux facteurs de l’utilisation de l’alternance codique c’est le manque
dont souffre le locuteur dans l’une des deux langues en question​.

LA DIGLOSSIE
Définition du concept de diglossie

La diglossie
C’est l’helléniste (érudit versé dans les études grecques) français d’origine grecque,
Jean Psichari (1854- 1929) qui a produit pour la première fois le terme de diglossie à
partir de son observation de deux variétés en concurrence en Grèce : Le katharevousa,
variété savante imposée par les puristes comme seule langue écrite et le démotiki,
variété usuelle utilisée par la majorité des Grecs.
Au début, le terme de "diglossie" est un néologisme, qui signifie bilinguisme en langue
grecque avant d'être utilisé par le linguiste William Marçais en 1930 dans sa
"Didiossie arabe". Il rappelle que la diglossie est une situation linguistique où deux
systèmes linguistiques coexistent sur un territoire donné pour des raisons historiques et
du statut sociopolitique inférieur. Donc, selon lui, la situation diglossique est
généralement une situation conflictuelle car ce phénomène se rencontre lorsque les
langues utilisées ont des fonctions différentes, par exemple une langue "formelle" et
une langue "privée" qui causent l'apparition de variétés -hautes- et -basses- de la
langue.

Psichari définit ainsi la diglossie comme une configuration linguistique dans


laquelle deux variétés d’une même langue sont en ​usage (Du point de vue du
développement des langues, ces deux variétés sont génétiquement
apparentées.)

Une variété dominante, peut être la plus utilisée ou la plus prestigieuse ou encore la
plus valorisée par rapport à une autre variété dominée. Jardel explique mieux cette
définition en disant que le phénomène de la dominance est lié à l’énergie d’une
minorité ou à un groupe : « Il montre clairement en effet que le problème de la
diglossie (...) est lié à une situation de domination (…) d’une variété sur une autre,
créée par la pression d’un groupe de locuteurs numériquement minoritaires mais
politiquement et culturellement en position de force » (Jardel, 1982, p.9).

Le linguiste américain Charles A.FERGUSON (diglossie « parue dans la revue


Word » 1959), introduit le terme de diglossie pour rendre compte de sociétés dans
lesquelles deux langues coexistent en remplissant des fonctions communicatives
complémentaires.​ ​Cette situation se caractérise par la stabilité dans la mesure où elle
peut durer plusieurs années, voire des siècles.

FERGUSON reprend le concept de diglossie après l'observation de 4 situations


sociolinguistiques exemplaires, celles de la Suisse Alémanique, de la Grèce, d'Haïti et
des pays arabes, comme suit:
Situation de
diglossie
étudiée par
C.A.
FERGUSSO
N

Variétés Variété Haute Variété Basse

Apparentées H B

Suisse Allemande dialecte


alémanique standard alémanique

Pays arabes Arabe classique Arabe dialectal

Haïti Français Créole

Grèce Katharevousa Démotique


Dans ce sens, Fergusson rappelle qu’il y a diglossie lorsque deux variétés de la même
langue coexistent en remplissant des fonctions communicatives complémentaires.
L’une des variétés est considérée comme « haute » « high », prestigieuse, valorisée,
utilisée à l’écrit. L’autre, considérée comme « basse » (low), est celle de
communications ordinaires, de la vie quotidienne, et des échanges familiaux.

A partir de cette définition, Fishman reprend le même terme pour rendre compte à la
coexistence de deux langues et non pas deux variétés en distribution fonctionnelle et
complémentaire. Le cas de la situation du Paraguay d’avant 1992, avec la coexistence
(inégalitaire) de l’espagnol et du guarani. Son modèle énonce que diglossie est un fait
social et bilinguisme est un fait individuel. En suivant Fishman, la diglossie est « une
attribution sociale de certaines fonctions à diverses langues ou variétés », tandis que le
bilinguisme désigne « l’habilité linguistique individuelle. » ( M.L.Moreau, 1997 :
127) ​C’est aussi « ​La capacité d’un individu à utiliser plusieurs langues. »Ceci
veut dire que le bilinguisme relève de la psycholinguistique tandis que la
diglossie est versée sur la société et par là elle relève de la sociolinguistique que
Fishman appelle bilinguisme social.

Le dictionnaire de Larousse de 1973 donne la définition suivante :

« On donne parfois à diglossie le sens de situation bilingue dans laquelle une


des deux langues est de statut socio-politique inférieur, toutes les situations
bilingues que l’on rencontre en France sont des diglossies que ce soit en pays
d’oïl (bilinguisme français et dialectes français) en pays d’oc (bilinguisme
français et dialectes d’oc)… »

Selon Michel Beniamino le concept de diglossie est utilisé pour la description


de situation où deux systèmes linguistiques coexistent pour les
communications internes à cette communauté.

Les critères qui permettent d’évoquer une situation de diglossie sont


innombrables selon les auteurs mais qui se rejoignent tous aux critères cités
par Fergusson.

Critères linguistiques dans une situation diglossique


Fergusson propose les principales différences linguistiques entre les variétés
apparentées au niveau de la grammaire et du lexique :

1/ Au niveau de la grammaire :

L'une des principales différences entre la variété haute (H) et la variété basse (B) est la
structure grammaticale de chacune d'elles, la variété basse est vue comme plus simple
que la variété (H). En utilisant cette variété, le locuteur se sent à l’aise.

Selon Fergusson B peut être considérée comme plus simple que H quand
plusieurs conditions sont réunies :

a- La morphophonologie de "B" est plus simple que celle de "H", c'est à dire que
les morphèmes ont moins de variantes ( La réalisation qui ne nuit pas au sens)
et les variations sont plus régulières, il y a moins d'exceptions. (En H, il faut
dire ceci et ne pas dire cela. Les normes prescriptives)

Exemple: Il faut k'tu prennes ton repas.

A d'main mes pots.

Du coté grammatical remarquons que dans ces exemples certaines unités sont
absentes : pour "k'tu", nous sommes appelés à écrire "que tu", « demain » aussi est
prononcé "d'main".

Exemple:

Je suis content de te voir. Oui, moi aussi.

Chui content de Oué, m'content


t'foir.__________________________ aussi._____________________
b- La variété "B" comporte moins de catégories obligatoires marquées par des
morphèmes ou des règles d'accord. Exemple: le français accorde le nom en genre et en
nombre, mais pas le créole haïtien, ainsi que pour l'espéranto.

c-​ Les règles d’accord et de rection verbale de "H" sont plus strictes que celles de "B".

Exemple: pour la variété B, presque toutes les conjonctions gouvernent l'indicatif,


alors que pour la variété H, les conjonctions gouvernent l'indicatif, le subjonctif et
d’autres. Ex : S'il m'avait écouté, il aurait su comment faire.

Exemple de l'utilisation du futur antérieur:

La variété B La variété H

Quand je le termine, je vous le Quand je l'aurai terminé, je vous le


donne........................................................ donnerai.......................................................
...... .......

2/ Au niveau du lexique:

Une grande partie du lexique est commune à H et B, pour les éléments différents, on a
deux cas:

a- H et B ont 2 mots totalement différent pour renvoyer à la même réalité, c'est ce


qu'on appelle les doublets; exemple:

Moule Moule

Poste
Job

Travail...................... Job....................
b- H et B désignent la même réalité mais avec un changement lexical plus ou
moins grand. Ex : à Constantine, on parle d’une source d’eau potable. Depuis
longtemps et jusqu’à maintenant les constantinois l’appellent « Ain
Boutambel », ces deus derniers mots équivalent à « eau potable.»

Etant donné que le français est en voie de réduction, la plupart des français au lieu de
prononcer « je suis », ils disent « chui ».

Enfin, H et B étant utilisés dans des domaines différents. Des termes techniques et
scientifiques n’auront pas d’équivalent en B, de même que pour des termes pour
désigner des outils ou objets familiers existeront exclusivement en B, ex :[mahras].

Les critères sociolinguistiques d’une situation diglossique

Comme on l’a déjà vue, une situation diglossique se caractérise par des critères
linguistiques, elle se caractérise par six critères sociolinguistiques également qui sont :

1-​ Les domaines d’emploi ou répartition des fonctions :

Les domaines d’emploi des deux variétés sont différents mais complémentaires, selon
C.Fergusson, on emploiera dans certaines situations B et dans d’autres H.

Les domaines d’usage de ces variétés peuvent se résumer dans le tableau que propose ​Louis
Jean Calvet pour illustrer cette situation comme suit :

Domaine d’emploi Choix de la langue


en Haïti
Français
Créole
Offices religieux + (+)
Ordres +
Correspondance + (+)
discours politiques + (+)
cours universitaires +
conversations familiales ou avec des +
collègues
nouvelles (radio, télévision) + (+)
chansons locales +
Journaux + (+)
Poésie + (+)
Folklore +

Les éléments entre parenthèses sont les terres envahies par le créole, c'est-à-dire que ces domaines étaient
consacrés pour le français seul, après cet investissement le créole est devenu une langue officielle selon
la Constitution de la République d’Haïti, votée le 29 mars 1987, art.5 : « Tous les Haïtiens sont unis par
le créole. Le créole et le français sont les langues officielles de la République. »
Situation Variété H Variété B
Sermons, culte +

Ordre des ouvriers, +


serviteurs
Lettres personnelle +

Discours politique, +
assemblées
Cours universitaires
+
Conversations privées +

Informations sur les +


médias
Feuilleton +

Textes des dessins +


humoristiques
Poésie +

Littérature populaire +

2-​ Le prestige :

Le prestige est une sorte d’autorité morale, une séduction même. La variété H est
considérée comme la variété la plus prestigieuse, noble et supérieure. B est la variété
de moindre prestige. Ex : l’arabe classique possède d’un vocabulaire plus riche, plus
étendu et plus spécifique que l’arabe dialectal. Avec H aussi, on peut exprimer des
pensées plus complexes, des raisonnements logiques et on lui attribut toute fois des
valeurs esthétiques (L’héritage littéraire par exemple).

3-​ L’héritage littéraire :


La plus part des gens pensent que la littérature de valeur et la plus estimée est celle
rédigée en H (ex : la différence entre un poème chaabi et un poème écrit en arabe
classique comme celui de Nezzar El Qabbani) Donc la variété H est plus prestigieuse
surtout celle qui se réfère à un héritage littéraire.

4-​ L’acquisition :

Selon les recherches de Fergusson, tous les locuteurs utilisent la variété basse avec
leurs enfants ce qui donne à cette variété le caractère d’une langue première acquise de
leurs parents, elle est qualifiée de langue informelle. Tandis que la variété haute n’est
pas exercée dans un espace d’une grande étendue (on l’entend par exemple dans la
radio, la télévision, à l’école, à l’université…) son apprentissage débute dés la
première année de scolarisation. Les sujets parlants se sentent à l’aise en utilisant B car
elle est apprise sans grammaire explicite alors que H est apprise en termes choisis et de
grammaire stricte.

5-​ La standardisation :

La standardisation revoie à la norme à la variété légitime qui se définit par un certain


nombre de prescriptions en matière de phonologie, de lexique, de syntaxe et de style.
Dans la situation de diglossie, les études grammaticales sont nombreuses sur la variété
haute, certains chercheurs travaillent sur la prononciation de cette variété, d’autres
étudient la grammaire, l’orthographe ou le vocabulaire. Les recherches dans la variété
B sont rares car B ne possède pas de grammaire fixée, même quand on recueille un
corpus où il y a des séquences de variété basse, on essaye de les traduire dans la
variété haute afin de les analyser.

6-​ La stabilité :

Selon Fergusson, la stabilité dépend des évolutions possibles qui auront lieu sous des
pressions socio-économiques ou socioculturelles, ex : le développement des
communications qui pourrait écarter une variété au détriment de l’usage d’une autre.
Selon Fergusson, il y a trois évolutions envisageables, ce sont :

-le maintien de la diglossie (La situation de la Suisse alémanique perçue comme une
diglossie particulièrement stable) ;

-une évolution tendant vers la convergence, l’unification de H et de B. Les locuteurs


perçoivent les deux variétés comme une seule et aucun conflit ne se développe entre
les deux ;

-une évolution tendant à l’élimination de l’une ou de l’autre des deux variétés.

Le critère de durée et de stabilité ne sont pas des critères fondamentaux, ils


sont à réaménager car quand on reviens à la situation de la Gresse, on trouve
que la dimotiki l’a emporté sur la katharevousa et même elle a conquis les
espaces réservés à cette même langue, un autre exemple celui des langues en
Afrique quand on est face à une situation diglossique qui prend le français
comme variété haute et une langue véhiculaire( wolof(Gambi, Sénégal et le
sud de la Mauritani), bambara(Afrique occidentale, Mali),…) comme variété
basse, les chercheurs ont constaté que les langues véhiculaires ont conquis
certains secteurs formels d’autre part le français est utilisé dans des
communications informelles.

Différence entre bilinguisme et diglossie :

On parle généralement d'une certaine interférence entre bilinguisme et diglossie, pour


expliquer cette différence, Fishman parle de quatre cas :
Diglossie

Bilinguisme Diglossie et bilinguisme Bilinguisme sans diglossie


+

Diglossie sans bilinguisme ni diglossie ni bilinguisme

Il peut y avoir diglossie et bilinguisme : l’utilisation de deux langues selon les


besoins. Ex : en Suisse où l’allemand standard (langue de l’écrit et de l’école) et le (s)
dialecte (s) suisse(s) alémanique(s) : se partagent le champ de communication sociale ;

Il peut y avoir bilinguisme sans diglossie : c’est ce qu’on appelle aussi le bilinguisme
successif, il consiste à l’apprentissage d’une deuxième langue alors que le
développement de la première langue est déjà amorcé. Ex : Les migrants vivent un état
de transition : ils doivent s’intégrer dans la communauté d’accueil avec la langue
d’accueil et conservent leur langue d’origine.

Il peut y avoir diglossie sans bilinguisme : la diglossie est plus fréquente dans les pays
africains ou on est face à deux variétés de la même langue.

ni diglossie ni bilinguisme : on parle ici des petites communautés restées isolées,


comme exemple : au Pérou, le taushiro (une des rares langues à ne pas avoir de
bilabiales :b,p,m ) n’est plus parlée que par dix personnes âgées ( Natalia Sangama).

Dans sa thèse de doctorat, Rabeh Kahlouche explique mieux la problématique de la


distinction entre bilinguisme et diglossie en Algérie :
On a bilinguisme quand il s’agit des deux langues : arabe classique et français, alors que pour la
diglossie , c’est le cas de l’arabe classique et l’arabe dialectal…
LE PLURILINGUISME
LE PLURILINGUISME

L’Algérie, de par son emplacement géographique, était un lieu propice pour la l’émergence de
différentes langues et cultures, un lieu qui a connu plusieurs invasions étrangères :
Phénicienne, Carthaginoise, Romaine, Byzantine, Arabe, Turque et Française, qui ont
profondément marqué le côté linguistique et culturel du peuple autochtone.

Selon l’historien et le sociologue IBN KHALDOUNE, les habitants autochtones


de l’Algérie sont les berbères :
« ​( ), les Berbères sont les habitants (autochtones) du littoral africain leur
langue est parlée partout sauf dans les grandes villes. »

L’arabe est une langue qui appartient aux langues sémitiques, selon certains
linguistes arabes, cette langue est connue en péninsule arabe avant même la
naissance du prophète que le salut soit sur lui.

Selon khaoula Taleb El Ibrahimi il existe quatre variétés de l’arabe, alors selon

Yacine Derradji il en existe trois :


L'arabe fusha, littéralement arabe clair et éloquent, est devenu au fil du temps,
synonyme du registre soutenu. Cette variété a reçu plusieurs appellations, à savoir : l’arabe
coranique, littéraire, littérale, sacrée, etc.,

Elle est la plus étendue par le nombre de locuteurs mais aussi par l'espace qu'elle
occupe. En Algérie, mais aussi dans le monde arabe, elle aurait tendance à se
structurer dans un continuum de registres (variétés langagières) qui s'échelonnent du
registre le plus normé au moins normé. En premier lieu vient l'arabe fusha (ou
classique), puis l'arabe standard ou moderne, véritable langue d'intercommunication
entre tous les pays arabophones, ensuite ce que nous appelons le "dialecte des cultivés"
ou l'arabe parlé par les personnes scolarisées, enfin le registre dont l'acquisition et
l'usage sont les plus spontanés, ce que l'on nomme communément les dialectes ou
parlers qui se distribuent dans tous les pays en variantes locales et régionales, son
apparition se limite a des contextes sociaux informels, ayant un statut de langue
vernaculaire, non officielle et non enseignée.

Pour le berbère, K.T.El Ibrahimi ajoute qu’il ​est constitué par les dialectes berbères
actuels, prolongement des plus anciennes variétés connues dans le Maghreb, ou plutôt
dans l'aire berbérophone qui s'étend en Afrique de l'Egypte au Maroc et de l'Algérie au
Niger. Ces parlers amazighs, comme on les dénomme maintenant, constituent le plus
vieux substrat linguistique de cette région et sont, de ce fait, la langue maternelle d'une
partie de la population.

Les principaux parlers amazighs algériens sont le Kabyle ou taqbaylit (Kabylie), le


chaoui ou tachaouit (Aurès), le mzabi (Mzab) et le targui des Touaregs du grand Sud
(Hoggar et Tassili). Dans certaines régions en Algérie l’arabe est quasiment absent : au
Aurès pratiquement à Arris. Le visiteur aperçoit qu’il est devant une autre langue tout
à fait différente de la sienne, le même cas dans d’autres régions en Algérie qu’elles
soient kabyles, chaouies, mzabes ou targuies.

Le huit avril 2002, le parlement algérien a reconnu le tamazight comme « langue


nationale à coté de l’arabe », suite a une série d’émeutes réclamant le parachèvement
de l’identité nationale et la nécessite de son intégration dans les systèmes éducatifs et
médiatiques.

Et enfin, l​a longue demeure des Ottomans en Algérie à partir du 16 ème siècle va
sensiblement influer sur les variétés langagières urbaines (Alger, Béjaïa, Médéa,
Constantine et Tlemcen,) qui ont emprunté nombre de vocables turcs dans des
domaines divers de la vie quotidienne (cuisine, habillement, noms de métiers,
patronymes etc.)

Durant toute cette période et même avant l'arrivée des Ottomans, les Algériens ont
aussi été en contact avec des langues européennes. Ce fut, notamment, le cas de
l'espagnol dans l'Ouest du pays, en raison d'abord de la présence coloniale espagnole
durant trois siècles dans la ville d'Oran. Puis, plus tard, sous l'occupation française
d'une forte proportion de colons d'origine espagnole, réfugiés économiques profitant
des opportunités offertes par le développement de la nouvelle colonie ou réfugiés
républicains fuyant la répression franquiste. Ce fut le cas aussi de l'italien dans les
villes côtières de l'Est, longtemps en contact avec les grands ports italiens (échanges
commerciaux, rivalités entre marins italiens et corsaires algériens), puis devenues
villes d'accueil de colons d'origine italienne attirés eux aussi par la colonisation
française.

Parmi les mots qu’on a laissé, nous vous présentons ceux-ci :

Mots d'origine Espagnol Mots d'origine Italien Mots d'origine Turc Mots d'origine Français

Bledj de ​Pilch (Verrou) Ekmedja (chemise) Tebsi (Assiette) Bassina : Bassine


Bhouho de ​El Buho Fat'cha (visage) Taquachers (Chaussettes) Biro : Bureau
(Hibbou) Bnine (délicieux) Dolma (Boulettes de Farmage : Fromage
Babaghayou de ​papagayo Belyoun de ​bidoun (seau) viande) Fermli : Infirmier
(Perroquet) Charrita (charrette) Mengoucha (Boucle Foulara : Foulard
Mizerya de ​miseria Karroussa (carrosse) d'Oreille) Litra/ Ritla : Litre
(misère) Rassa (race)​ .... Khourda (Ferraile, Lompa : Lampe
Fechta (fête) Brocante) Koûri : Ecurie
Sperdina (espadrille) Zerda(Repas, Festin) Midité : Humidité
Bougato(abogado=avocat) Soukarji (Ivre) Pentoufa : Pantoufle
Kanasta (panier) Douzane (Outils) Tabla : Table
Essekouila (école Sniwa (Plateau) Tilifone: Téléphone
primaire) .... Bligha (Claquette) Trisiti : Électricité
Zaouali (Pauvre) Zalamit : Allumettes .....
Ma'adnous (Persil)
Batenjal (Aubergine)
Bekraj (Bouilloire)​ ....

Le français, langue imposée au peuple algérien par le feu et le sang , a constitué un


des éléments fondamentaux utilisés par le pouvoir colonial pour terminer sa
domination sur le pays conquis et accélérer l'entreprise de déstructuration, de
dépersonnalisation et d'acculturation d'un territoire devenu un fragment de la "mère
patrie", la France. le système éducatif algérien est toujours régi par l’ordonnance n°
76/35 du 16 avril 1976 portant l’organisation de l’éducation et de la formation.

Cette citation présente clairement la place du français en Algérie « Le français défini


comme moyen d’ouverture sur le monde extérieur doit permettre à la fois l’accès à une
documentation scientifique d’une part mais aussi le développement des échanges entre
les civilisations et la compréhension mutuelle entre les peuples ». Derradji Yacine, La
langue française en Algérie : « particularisme lexical ou norme endogène ? », in les
Cahiers du SLADD, n°02, Les presses de Dar El-Houda, Ain Mlila, Algérie, 2004,
p.22.

A travers cette petite tournée, nous voyons clairement que l’Algérie est un pays
plurilingue.

La langue vernaculaire :

La langue vernaculaire est une langue spécifique à un pays ou à une collectivité


caractérisée par l’utilisation dans un territoire restreint dans un état ou dans une
province. Le chaoui ou le kabyle sont des langues régionales vernaculaires car sont
elles exercées par un peuple précis dans un territoire précis.

La langue véhiculaire :

Véhiculaire est une langue utilisée pour communiquer entre groupes d'une même zone
géographique mais de langue maternelle différente. La langue véhiculaire est adoptée
pour des besoins socio-économiques dans une région géographique.

Exemples de langues véhiculaires :L’arabe dialectal est une langue véhiculaire en


Algérie qui assure l’intercommunication et l’intercompréhension entre les parlers
chaoui, mzab, kabyle et arabe.

L’​anglais​ ​en Afrique anglophone, dans le​ ​monde​scientifique​, dans le monde


des​ ​affaires​ ​et dans le monde​ ​touristique​ ​sert souvent de langue véhiculaire.

L’​espagnol​, dans de nombreux pays d’​Amérique latine​et dans le​ ​sud des États-Unis​.

L’​espéranto​ ​a la particularité d'être langue véhiculaire, sans être langue vernaculaire.


Cette situation permet une communication équitable puisque l'espéranto n'est la langue
natale d'aucun de ses locuteurs. La régularité de sa grammaire et de son vocabulaire en
font une langue rapide à apprendre et à maîtriser, ce qui est un atout pour une langue
véhiculaire. L'espéranto est l'une des langues véhiculaires les plus utilisées pour cet
usage, certes loin derrière l'anglais, le français, l'arabe, et l'espagnol, mais largement
répartie sur l'ensemble de la planète, contrairement à des langues comme l'arabe et
l'espagnol qui sont cantonnées à des aires géographiques limitées.

Le​ ​persan​ ​joue exactement le même rôle dans le monde iranien.

Le​ ​russe​, dans la majorité des anciennes républiques de l’ex-​URSS​, ainsi qu'en Israël
(à cause des​ ​immigrés russes d’origine juive​)[1].
La​ ​lingua franca​ ​parlée par les marins et les esclaves chrétiens et des musulmans de la
Méditerranée du​XVe​ ​au​ ​XIXe siècle​.

L’​ottoman​ ​était la langue de l’​Empire ottoman​ ​et servait de​ ​lingua franca​ ​sur son
territoire.

Le​ ​swahili​ ​permet la communication entre les différentes populations de l’​Afrique de


l’Est​. (Plus d’info ci-dessous)

Le​ ​malais​ ​est utilisé comme langue véhiculaire dans l’archipel indonésien, peut-être
dès le​ ​VIIe siècle​ ​après J.-C. (Détaillé ci-dessous)

Le​ ​mandarin​ ​est la langue véhiculaire et​ ​officielle​ ​en​Chine​, à​ ​Taïwan​ ​(voir​ ​Mandarin
de Taïwan​) et, avec l’anglais, à​ ​Singapour​ ​(voir​ ​Mandarin de Singapour​). Il devient
véhiculaire également dans les​ ​quartiers chinois​, en remplacement du​ ​cantonais​ ​qui y
dominait.

Les​ ​pidgins​ ​servent de langue véhiculaire dans les environnements multilingues.

Les divers​ ​créoles​ ​qui servent de langue véhiculaire dans les environnements
multilinguistiques.

Le​ ​mina​ ​est la langue véhiculaire de​ ​Lomé​ ​(capitale du Togo) qui est une ville de
commerçants où se retrouvent de nombreuses ethnies parlant divers langues. La
nécessité d’une langue commune a donc vu le jour.

Le​ ​bambara​ ​est la langue véhiculaire au​ ​Mali​. C’est aussi l’une des plus parlées
en​ ​Afrique de l’Ouest​(​Côte d’Ivoire​,​ ​Burkina-Faso​,​ ​Guinée​,​ ​Gambie​,​Sénégal​) sous ses
deux formes principales que sont le​dioula​ ​et le​ ​malinké​.
Les sabirs, les pidgins et les créoles ​:

Le créole :

Selon le centre National de Ressources Textuelles et Lexicales ; le mot désigne


aujourd'hui un système linguistique autonome, d'origine mixte, issu du contact d'une
langue européenne avec des langues indigènes ou importées (Antilles), Le créole est
une langue issue d'un sabir ou d'un pidgin et devenue progressivement la langue
maternelle et langue principale d'une communauté.

Dans certaines situations sociales, en réponse à des besoins de communication


particuliers, sont nées des formes linguistiques hybrides, empruntant leur vocabulaire à
différentes langues ou utilisant le vocabulaire d'une langue et la syntaxe d'une autre.
Ces formes sont nées pour des raisons bien déterminées, par exemple entre des
communautés n'ayant pas de langue commune mais entretenant des relations
commerciales. Elles utilisent le vocabulaire de la langue dominante (le français,
l'anglais, le portugais…) et les structures grammaticales de la langue dominée (le
chinois, les langues africaines…).

Il y a des créoles à base lexicale française (dans l'île de la Réunion, en Guadeloupe, en


Martinique, en Haïti, etc.), à base lexicale anglaise (à la Jamaïque, aux États-Unis), à
base lexicale espagnole (à Porto-Rico), ou encore à base lexicale néerlandaise,
portugaise ou autre.

En​ ​linguistique​, un créole (creole en​ ​anglais​, criollo en ​espagnol​, crioulo en​ ​portugais​)
désigne un parler issu des transformations subies par un système linguistique utilisé de
façon imparfaite comme moyen de communication par une communauté importante,
ces transformations étant vraisemblablement influencées par les langues maternelles
originelles des membres de la communauté. Ainsi, le français parlé par les
esclaves noirs aux Antilles, en Guyane, en Louisiane et dans l'Océan Indien a donné
respectivement naissance aux créoles antillais, louisianais, guyanais et mascarins
(bourbonnais).
Lorsque la nouvelle forme est réduite à un vocabulaire peu important et à quelques
règles de combinaison, on parle de sabir. Lorsque cette langue seconde couvre des
besoins de communication plus importants et que son système syntaxique est plus
riche, on parle de pidgin. Ni le sabir ni le pidgin ne sont des langues maternelles. En
revanche, dans certaines situations, un sabir ou un pidgin peut devenir la langue
maternelle d'une communauté, disposant d'un lexique beaucoup plus étendu, d'une
syntaxe plus élaborée et de domaines d'usage variés. C'est ce qui s'est produit lors de la
déportation d'esclaves africains vers les îles des Antilles : on parle alors de créole.

Les linguistes distinguent le pidgin du créole en fonction du niveau de structuration de


la langue.

Toutefois, il est courant de réserver le terme « pidgin » aux langues issues de l'anglais
et le terme « créole » aux langues issues du français. C'est cependant un emploi abusif.

Le pidgin :

Le terme de pidgin désigne différentes langues véhiculaires simplifiées créées sur le


vocabulaire et certaines structures d'une langue de base, en général européennes
(Anglais, français, portugais) Exemple : Dans le pidgin du vanuatu (le bichelamar),
yumi signifie « nous » (issu de l'anglais you + me). Le mot pidgin proviendrait du mot
business en pidgin anglo-chinois.

D'abord utilisé pour désigner celui-ci, il s'est ensuite généralisé à toutes les langues de
contact aux caractéristiques comparables. Le pidgin est considéré par les
sociolinguistes comme une langue d’appoint (C’est une langue qui vient s’ajouter à
une autre pour compléter l’échange).

Pour les chercheurs en sociolinguistique, un pidgin désigne une langue résultant de


l'imitation de la langue dominante de la part d'un groupe linguistique dominé (par la
colonisation par exemple) et se distingue du sabir par le fait que celui-ci est d'un
emploi plus spécialisé.
Le sabir :

Un sabir est une langue de relation utilisée entre des locuteurs parlant des langues
maternelles différentes mais placés devant la nécessité de communiquer, d'où l'emploi
spécialisé de cette langue dans un domaine donné. Le type de sabir le plus connu est
la​ ​l​ingua franca, parlée autrefois dans les ports de Méditerranée. Le mot sabir utilisé
dans ce sens apparaît au moins en1852 ; c'est une altération du mot espagnol saber («
savoir ») emprunté au latin sapere].

Les sabirs ont un lexique pauvre, limité aux besoins immédiats des locuteurs, et une
combinaison simplifiée par rapport aux langues d'emprunt. Les sabirs ne sont jamais
des langues premières puisqu'ils naissent de la nécessité de communiquer.

Liste des créoles :

À bas lexicale​ ​arabe

Arabe de Djouba

Nubi

Babalia

À base lexicale française

créoles français d’Amérique

créole louisianais

créole haïtien

créole guadeloupéen

Différence des créoles à base lexicale française :


créole créole créole créole
francais
haïtien guadeloupéen guyanais martiniquais

moi,je mwen mwen,An Mo Mwen

toi,tu ou ou,vou to,ou Ou

il,elle li i,li i,li li,i

nous nou Nou Nou Nou

wou,
vous Zot Zot Zot
zot

eux,ils,elles yo Yo Yé Yo

eau dlo Dlo Dlo Dlo

terre latè Latè latè(a) Latè

Le continuum linguistique

En dialectologie, un continuum linguistique désigne un ensemble géographique de


variétés dialectales caractérisé par le fait que les variétés parlées dans des zones
adjacentes du continuum ne varient que de façon minime (elles ne sont séparées que
par une isoglosse ( C'est une ligne qui sépare deux aires dialectales), ou un faisceau
réduit d'isoglosses) et sont ainsi toujours parfaitement intercompréhensibles.
L'intercompréhension entre deux zones du continuum décroît à mesure qu'augmente
l'éloignement géographique, allant quelquefois jusqu'à disparaître. Dit de façon plus
intuitive, on parle de continuum linguistique lorsque deux ou plusieurs variétés
linguistiques se mélangent sans qu'on puisse leur définir de limite géographique
précise.

Nous avons jugé important de présenter une situation pertinente qui nous permet
d’appréhender le phénomène du continuum linguistique, ceci à travers la présentation
de la situation linguistique des deux grandes îles de la mer tyrrhénienne, Corse et
Sardaigne.

Selon Contini "sur le plan dialectal, Corse et Sardaigne ne sont pas aussi isolées l’une
de l’autre que ne le suggère la géographie, en effet, la Corse et le nord de la Sardaigne
appartiennent à l'aire linguistique de l'Italie centroméridionale, alors que les variétés
du centre et du sud de la Sardaigne constituent un groupe autonome, le sarde
proprement dit, lui-même divisé en plusieurs variétés" (Contini 1987). "La Corse est
elle-même constituée de diverses variétés linguistiques, entre lesquelles
les écarts sont cependant moins nets qu'entre les variétés sardes."( Marie-José
Dalbera-Stefanaggi 2002 : p 33)

Université de Corsedalbera@univ-corse.fr

La seule véritable frontière linguistique significative entre Corse et Sardaigne se situe


à l'intérieur de la Sardaigne (Contini 1987), entre Gallura et Logudoru. Dans la
continuation de laquelle s'inscrit la Corse, l’aire constituée par l’extrême sud de la
Corse et la Gallura : elle représente la variété linguistique corso-gallurienne
(Dalbera-Stefanaggi 2002)

"Un continuum se caractérise donc par la présence d'un "dia-système" bipolaire allant
d'un "acrolecte" caractérisé par des formes socialement valorisées à un "basilecte"
correspondant à l'état de langue dévalorisé socialement. Bien entendu, l'acrolecte et le
basilecte possèdent en commun un nombre considérable de traits linguistiques et la
différenciation ne porte que sur un nombre limité d'éléments, ce qui permet une
relative intercompréhension entre les deux pôles du continuum." (Carayol et
Chaudenson, 1978, p. 182).

Des deux côtés de la frontière entre les Pays-bas et l'Allemagne, les frontaliers parlent
une langue pratiquement identique. Ils se comprennent sans difficulté, et seraient
même incapables, en ne s'en tenant qu'au langage, de définir si une autre personne des
environs est allemande ou néerlandaise. Cependant, les Allemands à cet endroit disent
parler "allemand", et les Néerlandais "néerlandais". Ainsi d'un point de vue
dialectologique ils parlent des variétés extrêmement proches, mais ont la conscience de
parler des langues différentes.

Les frontières linguistiques ne sont pas forcément les frontières géographiques !

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Chapitre 2

Chapitre 2: Les variations

La variation linguistique :

NORMES ET VARIATIONS

I-1-Définition :

La variation linguistique est l’une des notions fondamentales de la sociolinguistique,


elle a commencé à se dévoiler à partir de l’article de​ ​William LABOV(le fondateur de
la linguistique variationniste) qui s’intitule «​ ​Les fondements empiriques d’une théorie
du changement linguistique ». Pour lui la langue est un « système hétérogène »
c’est-à-dire « variable » ou des diversités d’usage. Les recherches de W.Labov
refusent le postulat des structuralistes qui dit que la langue est homogène et ne
comporte aucune différence. Autrement-dit,​ ​LABOV remet en cause la conception
selon laquelle la langue est conçue comme une structure autonome par rapport aux
dimensions sociales, elle ne se caractérise pas par la variation. La variation
linguistique est un changement ou modification de la langue suivant un contexte
socioculturel déterminé.
Les types de variation:

Marie-Louise MOUREAU distingue quatre types de variation linguistique :

*La variation diachronique ou historique.

* La variation diatopique ou géographique.

*La variation diastratique ou sociale.

* La variation diaphasique ou stylistique.(MOUREAU, Marie-Louise​, 1997, p.236 )

La variation diachronique (Historique) :​ ​La langue est un système vivant qui est en
perpétuel mouvement, elle évolue selon le temps par conséquence ses traits changent,
nous distinguons des mots qui naissent d’autres disparaissent complètements, d’autres
aussi acquièrent de nouveaux sens ou deviennent des archaïsmes…Dans ce cas nous
parlons du changement que peut subir la langue. Si nous parlons des différeces de
traits anciens et de traits récents nous discutons de la variation diachronique.

La variation diatopique (Géographique) :​ ​Quand je parle de la différence de l’usage


de la langue des habitants de Constantine, de Jijel ou de Skikda ou d’un autre lieu, je
parle de la variation géographique . Ainsi la langue peut avoir des réalisations
régionales. Le Français tel qu’on parle à Paris, à Lille ou à Bordeaux représente des
différences lexicales qui, bien qu’elles ne gênent pas gravement la compréhension
mutuelle sont tout de même remarquables, quand on passe d’une région à l’autre, dans
cette situation nous constatons une variation diatopique, ce genre de variation prend en
considération la​ ​« Diversité des usages à l’intérieur d’une aire linguistique
géographiquement circonscrite ». (MOUREAU, Marie-Louise​, op.cit. p236)

La variation diastratique​ ​(Sociale) :​ ​La même langue peut avoir une diversité de
réalisations étroitement liée à la nature des couches sociales, dans les sociétés qui se
caractérisent par la stratification sociale, nous distinguons la diversité des usages, car
dans ces communautés chaque individu est condamné à utiliser sa variété​ ​« (…) les
linguistes étudient la variation sociale et les dialectes sociaux, ou sociolecte, qui
naissent des inégalités dans la société. Les individus qui composent une société ne sont
pas égaux : Le général et le bidasse, le proviseur d’un lycée et le maitre auxiliaire,
l’enfant prodige et l’enfant handicapé moteur. »(BAYLON, Christian. MIGNOT,
Xavie,1994 p.227) Cette variation diastratique se manifeste clairement dans le discours
d’un ouvrier par rapport au discours d’un médecin, du même le discours d’un simple
agent d’une société avec celui d’un directeur, tout ceci représente l’identité du statut
social.

La variation diaphasique (Stylistique):​ ​le style est une manière particulière


d’exprimer ses pensées, je change mon style selon la situation de communication dans
laquelle je me suis lancé . Dans une variation stylistique, l’individu modifie sa manière
de dire la même chose en fonction des circonstances qui entourent l’interaction.
Généralement, nous utilisons plusieurs termes pour désigner cette variation comme : «
registre de langue », « style de parole ». Notons qu’il y a aussi d’autres facteurs qui
s’avèrent importants pour expliquer le phénomène de la variation ; nous citons : L’âge,
le sexe, la profession, la religion, ….

Distinguer la variation linguistique de la variété linguistique :

Le concept de variation linguistique est récemment introduit en sociolinguistique et


qui a suscité l’attention des sociolinguistes, qui désigne les différences observables
entre plusieurs variétés par rapport à la langue standard qu’on peut concevoir au
niveau de la réalisation de ces variétés. Elle peut être d’ordre phonologique,
lexico-sémantique ou morphosyntaxique. Cependant les variétés linguistiques se
définissent comme étant​ ​« des ensembles de différences situées tout à la fois au niveau
du lexique, de la grammaire et de la phonologie ou bien à un ou deux seulement de ces
niveaux dans le système »( ​GARMADI, Juliette, 1981, p. 27,28)
● LES TRAVAUX DE
WILLIAM LABOV

L'analyse des changements linguistiques en cours

Ce sujet d'étude est abordé par Labov à travers l'enquête intitulée « les motivations
sociales d'un changement phonétique » qui a eu lieu sur l'île de Martha's Vineyard
(Massachusetts, Etats-Unis, 1961-1962). L'objectif de cette enquête est l'observation
directe d'un changement phonétique au sein de la communauté qui le produit, écartant
ainsi, « toute causalité structurale » Ibid. op. cité, P.38. A Martha's Vineyard, il
s'agissait d'un phénomène de mutation de l'articulation du premier élément (a) des
diphtongues /ay/ et /aw/ (ai, au), ces derniers ont pris une nouvelle forme chez les
vineyardais : ei, eu. Au moment de l'enquête, l'île comptait 6000 habitants natifs qui se
divisaient en quatre sousgroupes : les descendants de la souche anglaise, les
immigrants d'origine portugaise, les indiens, un groupe divers (français – allemands –
polonais).
Après une analyse linguistique prenant en compte les facteurs socioéconomiques de
l'île, les conclusions de Labov ont affirmé que chaque sous groupe effectue cette
variation sous des pressions sociales qui lui sont propres.

Les vineyardais de la souche anglaise ont voulu, par la prononciation centralisée de la


diphtongue, revendiquer l'identité des îliens par opposition aux habitants du continent.
Tandis que pour les immigrants d'origine portugaise, cette centralisation n'était que par
désir d'assimilation.

Le recours conscient ou inconscient des locuteurs au changement de prononciation a


permis à Labov de déduire que la cause de la variation n'est ni dans l'histoire ni dans la
structure interne de la langue mais c'est l'entrecroisement des facteurs sociaux et
ethniques qui a donné cette variation.

L'étude des données de la langue spontanée

Ce sujet d'étude est abordé par Labov à travers les études conduites à New York,
celles-ci ont permis, par la suite, la publication de « La stratification sociale de
l'anglais à New York » (1966). L'objectif de ces études est l'obtention d'une
représentation de la variation sociale de la langue dans les différentes strates de la
communauté new-yorkaise, aussi bien que la mise en évidence des attitudes sociales
vis-à-vis de la langue.
A New York, il s'agissait de l'étude de la relation entre la phonétique et les classes
sociales, notamment la prononciation du [r]. Cette dernière se réalise « en variantes de
prestige et en variantes stigmatisées ayant ainsi une fonction de discrimination sociale
» Ibid. op. cité, P.44.

La consonne (r) est présente (audible) ou absente (avalée), selon que la prononciation
est soignée (r-1) ou relâchée (r-0).

L'enquête a eu lieu dans les trois magasins : Saks, Macy's, Klein, cités par ordre de
prestige décroissant.

Pour construire son corpus, Labov s'est rendu aux magasins en jouant le rôle d'un
client anonyme demandant des renseignements auprès des 264 employés​ ​test​és, ces
derniers, représentent les différents membres du personnel occupant de différentes
fonctions au sein des magasins cités.

Les conclusions de Labov ont montré pour la réalisation du (r-1) : 62% chez Saks,
51% chez Macy's, 20% chez Klein, même si les employés des différents magasins
appartiennent tous à la même classe, jouissent du même statut, gagnent le même
salaire. Ce fait est expliqué par la « stratification sociale », il s'agit donc d'une
variation stylistique où l'on distingue : le style familier (stigmatisé) et le style surveillé
conçu comme une norme par toutes les strates de la société.

Afin d'obtenir une évaluation sociale des variantes étudiées, Labov procède à la
réalisation d'un​ ​test​ ​de réaction subjective auprès des membres d'un échantillon
appartenant aux différentes strates de la société (200 tests) . Le​ ​test​ ​consiste à faire
entendre au sujet des enregistrements contenant des phrases prononcées avec (r-1) et
(r-0), puis lui demander de ranger ces phrases selon une échelle d'aptitude
professionnelle allant d'une vedette de la télévision, passant par hôtesse jusqu'à
vendeuse et ouvrière. Le résultat a été surprenant lorsque l'ensemble des témoins a été
d'accord pour la reconnaissance du (r-1) comme marque de prestige appartenant aux
membres des classes supérieures. Cela a amené Labov à dégager la définition de la
communauté linguistique qui représente : «Un groupe de locuteurs qui partagent un
ensemble d'attitudes sociales envers la langue : non pas des individus qui parlent de la
même façon, qui pratiquent les mêmes variantes, mais des gens qui ont les mêmes
sentiments ou les mêmes attitudes linguistiques, qui jugent ces variantes de la même
façon. »

L'observation des usages de la langue dans les réseaux sociaux

Ce sujet d'étude est abordé par Labov à travers l'enquête conduite à Harlem
(1965-1967), quartier de New York, habité par une importante communauté noire.
L'objectif de cette enquête est d'étudier le vernaculaire noir américain qui représente la
langue des adolescents noirs des ghettos urbains. Cette langue, étant rejetée par le
système éducatif a élargi l'objectif de l'enquête jusqu'à la prise en compte des échecs
scolaires des adolescents en question. Les sujets étudiés représentent les membres de
ce qu'appelle Labov « la culture de la rue », ces derniers sont structurés dans des
groupes et sous-groupes particulièrement formés, imperméables à toute participation
étrangère (les Jets, les Cobras...).

Toutefois, il faut noter que l'échantillon étudié comporte aussi des jeunes sans
appartenance précise (les paumés). Ces caractéristiques des groupes, ont obligé Labov
d'adopter une nouvelle technique d'observation différente de celle de Martha's
Vineyard où il est apparu à visage découvert, ou des magasins de New York où il est
apparu comme client anonyme.

A Harlem, l'enquêteur a confié la tâche de l'observation à un jeune noir issu du milieu


étudié afin d' « effacer le paradoxe de l'observateur » Boyer, H. (1996)
Sociolinguistique territoire et objets, Delachaux et Niestlé S.A., Lausanne, P.53.

Partant du fait que le vernaculaire est une propriété du groupe et non de l'individu,
l'analyse de la grammaire vernaculaire a montré qu'il ne s'agit pas, ici, d'une variation
stylistique ni situationnelle mais elle est structurale et régulière, c'est une variation
inhérente au système, elle n'est pas un écart ni une exception mais elle est la norme
derrière laquelle se cache la culture d'une communauté.

Les conclusions de Labov annoncent que : c'est d'un conflit de cultures symbolisé par
les différences linguistiques que résulte l'échec scolaire. Il faut donc« reconstituer de
l'intérieur le comportement linguistique des groupes. »

● test du chapitre 2
Bibliographie
Bibliographie de la sociolinguistique

1- BAYLON, (Christian). FABRE, Paul. ​Initiation à la linguistique, Ed. Armand Colin,

2005, Paris. 234p

2- BAYLON, (Christian). MIGNOT, (Xavier). ​La Communication. Ed. Nathan, 1994,

399 p.

3- CALVET, (Louis –Jean), ​La guerre des langues et les politiques linguistiques,

Ed. Hachette Littérature, Paris, 1999, 294 p.

4- CALVET, (Louis- Jean), ​La sociolinguistique, puf, Paris, 1993.

6- CAUBET, (Dominique), ​Les mots du Bled, L’Harmattan, Paris, 2004.

5-Carayol et Chaudenson, 1978 : "Diglossie et continuum linguistique à la Réunion", in Les français


devant la norme, Nicole Gueunier, Emile Genouvrier, Khomsi (Abdelhamid), éds., Paris, Champion,
1978.

6- CAUBET, (Dominique), ​Les mots du Bled, L’Harmattan, Paris, 2004.

7- CREPIN.F, LORIDON.M, POUZALGUE-DAMON. E, ​Français Méthodes et

Techniques, Ed. Nathan, Lyon, 1993.

8- DERRADJI, (Yacine) et (al.), ​Le français en Algérie : lexique et dynamique des

langues, Ed. Duclot, AUF, 2002.

9- DE SAUSSURE, (Ferdinand). ​Cours de Linguistique générale, Talantikit.

10- ENGLEBERT, Annick, ​Introduction à la phonétique historique du français, Ed.de Boeck duculot,
2009.

11- FARHI Dalila, « ‫ ﻣﻔﺎﻫﯿﻢ و إرﻫﺎﺻﺎت‬.‫»اﻻزدواﺟﯿﺔ اﻟﻠﻐﻮﯾﺔ‬.Université Mohamed khider Biskra,2009


12- FISHMAN, (Joshua), ​Sociolinguistique, Ed. Nathan-Labor, Paris Bruxelles,1971.

13- GARMADI, (Juliette), ​La sociolinguistique, PUF, Paris, 1981.

13-​Louis-Jean, CALVET . La guerre des langues et les politiques linguistiques, Ed. Hachette
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14- LE ROBERT &NATHAN, ​Vocabulaire, Nathan, 2001.

15- Marie-Louise Moreau, La sociolinguistique ; concepts de base, Ed. Mardaga, 1997.

15- MARTINET, (André), ​Eléments de linguistique générale, Ed. Armand Colin, Paris,1970.

16- MARTINET, (André), ​Syntaxe générale, Ed. Armond Colin, Collection U, Paris,1985.

17- MOUREAU, (Marie-Louise), ​Sociolinguistique, Ed. Mardaga, 1997.

18- NICOLAS-SALMINEN (Aïno), ​La lexicologie, Ed. Armand Colin/ Masson, Paris,1997.

19- SIOUFFI, (Gilles), VAN RAEMDONCK, (Dam),​100 fiches pour comprendre la ​linguistique, Ed.Bréal,
Paris, 1999.

20- TALEB IBRAHIMI, (Khaoula), ​Les Algériens et leur(s) langue(s), Les Editions El Hikma, Alger, 1997.

Sitographie

1 /​http://www.lapresse.ca/le-droit/politique/sur-la-colline-parlementaire/201305/28/01-4655246-le-bilin
guisme-recule-au-canada.php

2/​http://alsacezwei.voila.net/francais/savoirplus/DOSSIERinfomappe/etrebilinguepourquoi.htm

3/​http://www.projetpluri-l.org/index.php?option=com_webplayer&view=video&wid=3

4/​http://bu.umc.edu.dz/theses/francais/BOU990.pdf

5/Continuum dialectal et ruptures linguistiques : “prendre les langues au vol”

AuteursMarie-José Dalbera-Stefanaggi ​du même auteur​Université


de ​Corsedalbera@univ-corse.fr​ Jean-Pierre Lai​du même auteur​ Université de Grenoble
3jean-pierre.lai@u-grenoble3.fr

6/​http://www.umc.edu.dz/buc/buci/datum/theses/Francais/Bendieb.pdf
« L’utilisation des différents registres de langue dans l’enseignement du français au collège »

7/ Le bilinguisme Nadine Kühne, 2008

8/​ diglossie, contacts et conflits des langues …à l’épreuve de trois domaines géo-linguistiques :
Haute Bretagne, roman-occitano, et du Maghreb…hal-348425, version 1, 18 décembre 2008

9/​ Le berbère (kabyle) au contact de l’arabe et du français.


Étude socio-historique et linguistique, thèse pour le Doctorat d’Etat en linguistique, soutenue par
KAHLOUCHE, (Rabah), sous la direction de Madame MORSLY, (Dalila), Alger, 1992, Volume I.

10/ Rachid Benmokhtar, ​https://www.google.fr/#q=les+mots+turcs+en+alg%C3%A9rie​ motd


d’origine turcs

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