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REPUBLIQUE DU CAMEROUN
-2017 REPUBLIC OF CAMEROON
Paix - Travail -Patrie Peace – Work- Fatherland
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UNIVERSITE DE YAOUNDE I THE UNIVERSITY OF YAOUNDE I
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FACULTE DES ARTS, LETTRES FACULTY OF ARTS, LETTERS AND
ET SCIENCES HUMAINES SOCIAL SCIENCES
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DEPARTEMENT DE LANGUES DEPARTMENT OF AFRICAN
AFRICAINES ET LINGUISTIQUE LANGUAGES AND LINGUISTICS
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ANNEE ACADEMIQUE 2018-2019 ACADEMIC YEAR 2018-2019
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UE LGA 141 : Introduction à la sociolinguistique


Objectifs du cours.
Au terme du cours, les étudiants seront capables de :
- Définir correctement la sociolinguistique
- Identifier correctement ses fondements, son objet ainsi que ses principaux
domaines

Introduction générale

Le terme sociolinguistique peut être compris selon ses deux principales


composantes morphologiques que sont: « socio » (qui se rapporte à la ‘société’) et
« linguistique » (ce qui a trait à la linguistique, c’est-à-dire l’étude scientifique des
phénomènes langagiers). Ainsi présenté, on pourrait se précipiter par exemple à penser que la
sociolinguistique se résume à l’étude scientifique d’une langue dans une société. Mais une
telle définition est pour le moins ambiguë à plus d’un titre : tout d’abord, une étude
scientifique d’une langue ne saurait se faire ailleurs que dans une société et parler d’une
linguistique dans une société semble inapproprié. En outre, mise de côté la redondance, la
linguistique joue déjà pleinement le rôle d’étude scientifique des faits langagiers et on ne
saurait confier la même tâche â une autre discipline. J. Fishman (1965) apporte plus
d’éclairage en concevant la sociolinguistique comme la science qui étudie «qui parle quelle
langue à qui et quand». En d’autres termes, la sociolinguistique accorde une attention:

- aux caractéristiques de celui qui parle ;

- aux caractéristiques de la langue qui est parlée ;


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-aux caractéristiques de celui à qui s’adresse le message ;

-aux caractéristiques de l’environnement ou du contexte dans lequel le message a lieu.

Une telle description revient à considérer la sociolinguistique comme l’étude des faits
langagiers et de leurs fonctions en rapport avec les structures, les normes ou lois sociales
au sein d’un ensemble de personnes partageant la ou les mêmes langues (ensemble
appelé communauté linguistique). Il convient de remarquer qu’une telle façon d’étudier les
faits langagiers constitue une rupture importante avec la conception de la linguistique qui
prévalait en ce moment, particulièrement marquée par le sceau du structuralisme saussurien.
En effet, faut-il le rappeler, le structuralisme rejette toute variation et ne retient comme objet
d’étude que la langue considérée comme homogène. Il ferme la porte de la linguistique à la
diversité, à la variation qui n’a de pertinence que pour la parole (d’où la dichotomie
langue/parole). Lafont (1983 : 11-13) dira à ce sujet que la dichotomie langue/parole
« renvoie la variabilité hors des limites du système, seul descriptible, seul digne d’attention
du linguiste. Le champ du sujet parlant et de la modification permanente des usages est
reconnu existant, mais c’est un champ hors les murs. La science [linguistique] fonde son
objet en s’abstrayant du réel non homogène ». De tout ce qui précède, nous pouvons
admettre que la sociolinguistique tâche de :

-Découvrir quelles lois ou normes sociales déterminent le comportement langagier


dans les communautés linguistiques, et de délimiter et de définir ce comportement vis-à-vis
de la langue ;

-Déterminer quelle valeur symbolique ont les variétés linguistiques (forme langagière
en rapport avec des facteurs sociaux tels l’origine, l’intérêt, etc.) pour leurs usagers (valeur
identitaire, intimité, Egalite, etc.)

En fait, il s’agit pour la sociolinguistique d’englober tout ce qui est étude du langage en
rapport avec son contexte socio-culturel en déterminant principalement quelle variable (ou
paramètre susceptible de changer) sociale détermine quelle variable ou paramètre linguistique
et sa valeur ou fonction. Ces variables agissent sans cesse l’une sur l’autre et se modifient
permanemment au sein d’une communauté linguistique.

Malgré cette rupture épistémologique de la sociolinguistique d’avec certaines


conceptions de la linguistique, William Labov (1978 :258), l’un des pères fondateurs de la
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sociolinguistique dira (curieusement ?) que la sociolinguistique c’est « tout simplement de la


linguistique » car, il ne conçoit aucunement une quelconque étude de la langue sans variation.

La sociolinguistique ainsi sommairement présentée ne nous permet pas d’en saisir


encore toute la portée véritable. Il nous importe pour ce cours introductif de chercher à
comprendre davantage et de manière détaillée ce qu’est véritablement cette branche
importante de la linguistique (discipline autonome selon certains). Pour cela, deux questions
nous semblent fondamentales: quels sont les fondements ainsi que l’objet et la démarche de la
sociolinguistique ? Quels en sont les différents domaines ?

Première partie : La sociolinguistique : fondements, objet d’étude et démarche


méthodologique

Chapitre 1 : Fondements de la sociolinguistique

Il s’agit dans ce chapitre d’identifier les facteurs (ainsi que quelques figures majeures des
précurseurs) qui vont donner naissance à la sociolinguistique comme étude scientifique.
Ainsi, il importe de relever que l’étude des phénomènes langagiers dans ses rapports avec les
aspects socio-culturels, géographiques et historiques n’est pas véritablement nouvelle.
Certains chercheurs analysaient déjà la linguistique sous ce prisme, bien avant la naissance
officielle de la discipline connue sous le nom de sociolinguistique. Depuis le XIXe siècle par
exemple, des études sur les contacts de langues (Schuchardt 1842-1927, Weinreich), la
linguistique historique (avec en France des gens comme Meillet, Marcel Cohen, etc.,) ou
l’anthropologie linguistique (avec Boas, Sapir, etc..) et bien d’autres réflexions tenaient
compte des facteurs extralinguistiques dans l’analyse des faits langagiers. Cependant, comme
discipline scientifique, la sociolinguistique sera élaborée dans les années 1960 aux USA
autour d’un groupe d’intellectuels tels que Dell Hymes, J. Fishman, Gumperz, W. Labov,
Ferguson, etc. L’émergence de cette nouvelle discipline sera déterminée par deux facteurs
concomitants : les facteurs socio-politiques et les facteurs épistémologiques (connaissances).

I- Nécessités socio-politiques

Du point de vue des impératifs socio-politiques, la sociolinguistique nait dans la décennie de


1960 à 1970 en réponse à la volonté du gouvernement fédéral des Etats-Unis d’apporter une
solution au problème de l’échec scolaire des enfants issus surtout des minorités linguistiques
notamment des communautés noires, indiennes et portoricaines. En effet, suite à la crise
inflationniste de cette décennie et conséquemment aux problèmes sociaux tels que le
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chômage qui va sévir sur dans les milieux défavorisés, beaucoup de jeunes enfants de ces
couches sociales vont connaitre des problèmes d’insertion scolaire. L’un des problèmes
décelés dans la scolarisation de ces jeunes enfants est celui de la difficulté des jeunes issus
des minorités linguistiques à lire et articuler correctement les textes selon les normes de
l’anglais américain, ce qui était source de leur échec scolaire. Pour aller dans le même sens
que les pouvoirs publics, des psychologues, des sociologues, des linguistes et autres
spécialistes de l’éducation vont s’investir à découvrir la cause de l’échec de ces enfants et,
éventuellement, proposer des stratégies de remédiation. C’est dans ce cadre que W. Labov va
par exemple mener une étude dans un quartier de South Central Harlem et va découvrir que
des enfants noirs, pourtant très doués en matière d’expression et de sensibilité langagière, ne
parvenaient pas à lire correctement l’anglais standard enseigné à l’école, et affichaient plutôt
une adhésion pour l’anglais afro-américain en signe d’allégeance à la culture de la rue
préférable à leurs yeux à celle de l’école. Labov constate donc que le langage joue un rôle
important dans la différenciation sociale et conclut que l’échec en lecture que connaissent les
jeunes issus de milieux défavorisés n’est nullement déterminé par une quelconque infériorité
intellectuelle, qu’elle soit innée ou déterminée par le milieu social (thèse des
éducationalistes), mais par l’attitude et les représentations sociales de ces jeunes.

Nous retiendrons donc que l’un des facteurs de la naissance de la sociolinguistique


relève de la recherche des solutions aux problèmes linguistiques identifiés dans la vie de
certaines communautés. Il est à constater que ces problèmes linguistiques étaient déterminités
par des facteurs extralinguistiques. Or, la linguistique en vigueur en ce moment n’intégrait
pas ces considérations parmi ses priorités. D’où la ‘crise de la linguistique’ (F. François).

II- Nécessités épistémologiques

L’émergence de la sociolinguistique s’est aussi produite sur la base d’une critique assez
radicale des orientations théoriques et méthodologiques de la linguistique dominante au
milieu du XXe siècle et d’une révision des tâches du linguiste.

 Dichotomie langue-parole : la critique de l’exclusion de la variation du champ de


la linguistique

En séparant la langue (aspect social, commun et considéré comme homogène du langage) de


la parole (aspect individuel considéré comme variable et hétérogène du langage) et en
postulant que la langue est l’unique objet de la linguistique, le structuralisme saussurien se
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rend incapable d’analyser la covariance entre les faits linguistiques et les faits sociaux et de
répondre aux questions de la place et du rôle des phénomènes langagiers dans la société. En
réalité, c’est la conception même de la langue telle que définie par Saussure qui est remise en
question. En effet, pour Saussure, la linguistique doit se limiter à la langue (un système de signes), à
la compétence (système de règles). Or la sociolinguistique, il faut aller au-delà de ce système
ferme qu’est la langue, car elle fournit un cadre trop étroit pour l’étude de problèmes
linguistiques importants comme l’utilisation du langage dans son contexte socioculturel.
Métaphore de l’étude de la cour sans faire allusion aux partenaires.

 Le signe linguistique

La linguistique réduit toute communication à l’existence du ‘signe linguistique’ entité


constituée d’un ‘signifié’ (expérience humaine à communiquer) et d’un ‘signifiant’ (image
acoustique, basée sur le son). Elle rejette ainsi hors du champ d’étude les aspects para-
verbaux (liés à la voix) et non verbaux (présence physique et gestuelle) qui accompagnent la
parole, la variation des usages en fonction des facteurs individuels socio-situationnels. La
sociolinguistique va prendre en charge ces facteurs externes car l’analyse et la description des
situations linguistiques diverses ont montré qu’un grand nombre de ces facteurs externes
pouvaient intervenir dans la communication dans une langue donnée.

 Le concept de communication

Pour les structuralistes, la situation de communication n’a pas d’importance capitale (Cf
schema de communication de Jakobson : destinateur, destinataire, message, code, canal,
contexte). La critique de cette conception va se résumer à la nécessité de prendre en compte la
situation de communication (l’ensemble des éléments extralinguistiques qui entourent nécessairement
tout échange). La situation est donc considérée comme un élément qui conditionne l’échange.
Relation émetteur/ récepteur : le nouveau schéma de la communication qui intègre la situation et se
définit comme l’action qu’exerce l’un sur l’autre des partenaires de l’échange obligent à reconsidérer
le statut de l’émetteur et du récepteur.
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Chapitre 2 : Objet d’étude et démarche méthodologique

Il s’agit dans ce chapitre d’identifier ce à quoi s’intéresse la sociolinguistique (objet) et


comment elle procède pour le faire (Méthodologie)

I- Objet

L’objet de la sociolinguistique englobe tout ce qui est étude du langage dans son
contexte socioculturel. Hudson (1980:12) dira que « sociolinguistics is about language in relation
to society » (la sociolinguistique traite de la langue dans ses rapports avec la société). En d’autres
termes, l’objet d’étude de la sociolinguistique n’est pas seulement la langue, système de signes,
ou la compétence, système de règles. Elle dépasse cette opposition qui fournit un cadre étroit pour
l’étude de problèmes linguistiques importants comme l’utilisation du langage dans son contexte
socioculturel et s’ouvre vers ce que Hymes appelle la ‘compétence de communication’ : pour
communiquer, il ne suffit pas de connaître la langue, le système linguistique, il faut également
savoir comment s’en servir en fonction du contexte social.

Ainsi présentée, la sociolinguistique chevauche nécessairement avec la linguistique même si


toutes les deux s’intéressent à la langue.

Linguistique Sociolinguistique
La langue est un système autonome La langue n’est pas un système autonome mais, la
production de la société. Elle n’existe qu’avec la
société
La langue est un système homogène La langue ne saurait être homogène car elle
n’existe que grâce à la société qui, elle est
hétérogène
La linguistique s’intéresse à la La sociolinguistique s’intéresse aux interactions
description du système dit interne entre les structures linguistiques et les structures
sociales : surtout les variations linguistiques et les
facteurs sociaux expliquant ces variations
La sociolinguistique s’est donnée au départ pour tâche de décrire les différentes variétés qui
coexistent au sein d’une communauté linguistique en les mettant en rapport avec les
structures sociales ; aujourd’hui, elle englobe pratiquement tout ce qui est étude du langage
dans son contexte socioculturel. C’est ainsi qu’elle a affaire à des phénomènes très variés :

-les fonctions et les usages du langage dans la société,


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-la maîtrise de la langue, l’analyse du discours,

-les jugements que les communautés linguistiques portent sur leurs langues, la
planification et la standardisation linguistiques…

II- Méthodologie

La sociolinguistique va emprunter les acquis théoriques de l’approche structuraliste des


phénomènes langagiers et les concepts et méthodes à la sociologie (description de la langue et
enquête sur le terrain). La démarche est en partie empirique et en partie théorique.

Deuxième partie : Les différents domaines de la sociolinguistique

Introduction générale

Les domaines qui constituent le champ de la sociolinguistique sont assez variés. Certains sont
associés à la naissance de la sociolinguistique alors que d’autres sont plus ou moins récents.
Les objets d’étude de ces différentes branches semblent si variés qu’il n’est pas très aisé de
leur trouver un trait commun. Toutefois, malgré leur diversité, il reste tout de même possible
de les regrouper en quelques principaux ensembles :

1- L’étude de la variation (variationnisme ou sociolinguistique variationniste), initiée par


William Labov et dont la tâche essentielle est d’effectuer une description
systématique de la covariance entre structure linguistique et structure sociale
2- L’étude de la gestion institutionnelle des langues (Aménagement et politique
linguistique) qui s’occupe de comment les institutions utilisent les langues parlées
dans leurs domaines de compétence
3- L’étude du contact des langues qui s’intéresse aux phénomènes tels que le
bi/plurilinguisme, la di/pluriglossie, les phénomènes de créolisation, etc.
4- L’étude de l’extinction des langues et de leur revitalisation
5- La sociolinguistique interactionnelle qui se focalise sur les questions de pragmatique,
l’analyse du discours
6- La sociolinguistique urbaine qui étudie les phénomènes linguistiques liés aux
mobilités urbaines

Il convient de souligner que les domaines ci-dessus évoqués sont loin d’être exhaustifs. En
outre, ce découpage n’est pas observé de la même manière chez tous les chercheurs. Par
ailleurs, malgré leur diversité, ces grands domaines se construisent tous, d’une manière ou
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d’une autre, en opposant à la linguistique structurale l’exigence de la description du


fonctionnement social du langage. En d’autres termes, c’est l’attitude critique par rapport aux
approches linguistiques issues du structuralisme qui unifie les différents domaine ou
tendances de la sociolinguistique.

Alors que les faits linguistiques se rapportant à des groupes à l’identité plus ou moins
circonscrites ou même à des réseaux très limités comme la famille relèvent de ce que la
littérature connait sous le nom de microsociolinguistique, l’étude des faits linguistiques se
rapportant à toute une communauté linguistique ou se rapportant à plusieurs communautés
linguistiques au sein d’un large espace géographique rentre dans le domaine de la
macrosociolinguistique.

L’étude de la variation a été l’un des domaines pionniers et est parmi les plus vulgarisées de
la sociolinguistique. C’est pourquoi nous lui accorderons un examen plus détaillé, alors que
les autres domaines seront étudiés de manière beaucoup plus sommaire.

Chapitre 1 : l’étude de la variation linguistique

I- Définition :
On ne parle pas de la même façon dans toutes les circonstances de sa vie. Une même
personne, au cours d'une journée, change considérablement d'usage, de variété, de langue, et
ceci en raison de ses interlocuteurs, de l'objet de son discours, des conditions immédiates de
production/réception. Bien sûr, en fonction de son milieu social, de son histoire personnelle,
de son implantation géographique, des effets que l'on veut/peut produire, de la maîtrise des
registres de langues acquise, du rapport à la langue et à la société, on recourt à des variétés
linguistiques très diverses, qui, même si elles sont globalement appelées "français", peuvent
comporter des différences considérables aux yeux du linguiste qui les décrit.
Dans les années 60, aux Etats-Unis, LABOV W., sociolinguiste bien connu pour son
rôle dans la recherche, n’hésite pas à dire que la sociolinguistique c’est la linguistique, même
s’il est obligé de constater que certains linguistes négligent à tort l’étude du contexte social :
« Pour nous, notre objet d’étude est la structure et l’évolution du langage au sein du contexte
social formé par la communauté linguistique ». (LABOV, 1976, pp. 258). Pour lui, il n’y a
pas d’étude de la langue sans prise en compte des hommes qui la parlent sans étude de
l’environnement social. De ce fait, il tente de corréler les manières de parler avec des
variables sociales. Il s’agit d’associer chaque variante linguistique à une cause
extralinguistique (classe sociale, sexe, âge, habitat, race, attitudes des locuteurs, circonstances
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de la communication, etc.), ou chaque ensemble de variantes linguistiques (réalisation d'une


variable) à une ou des variables sociales, selon un schéma que l’on pourrait représenter ainsi :

Variables linguistiques Variables sociales

II- Les sources de variations linguistiques


L’observation de modes spécifiques d’usage du langage selon les communautés linguistiques
conduit à identifier plusieurs sources de variation: l’âge, l’origine géographique, le sexe,
l’origine sociale, les contextes d’utilisation du langage, les représentations sociales, etc.
1- Le temps ou variation diachronique
La variation diachronique est liée au temps ; elle permet de contraster les traits selon qu'ils
sont perçus comme plus ou moins anciens ou récents. L’âge peut être un sous-facteur de la
variation diachronique. L’appartenance à une certaine génération d’usagers de la langue est
également un facteur de diversification. Il y a en quelque sorte coexistence de plusieurs
synchronies. Par ex. le “ français des jeunes ” ou le “ parler jeune ” (accentué dans le “ parler
jeune des cités ”).
Exemple 1: la troncation. Les jeunes utilisent de nombreuses apocopes (“ deg ” pour
dégueulasse), et plus fréquemment encore des aphérèses (“ leur ” pour contrôleur, “ zic ”
pour musique).
Exemple 2 : la verlanisation (parler verlan, à l’envers) fréquente chez les jeunes (“ meuf ”
pour femme, “ keum ” pour mec, “ reum ” pour mère, etc.
Exemple 3 : prédilection pour certaines suffixations, comme “ -os ” (les musicos, ou même
les “ zicos ”).
2- L’origine géographique ou diatopique
L’origine géographique (le plus souvent en relation avec l’appartenance soit au milieu urbain
soit au milieu rural) est un élément de différenciation sociolinguistique, souvent très
repérable, et aussi souvent matière à cliché. Certaines prononciations (ex. septante-huit, auto,
manger, poulet), certains mots (savoir/pouvoir “ Je ne sais plus marcher”, “ on ne sait pas
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savoir si le chômage va diminuer ”, souper, bonsoir, tantôt, kermesse, loque, farde), certaines
constructions grammaticales (“ Le Beaujolais, j’y aime ” pour “ Le Beaujolais, j’aime ça! ”
au lieu de “ Le Beaujolais, je l’aime ” ; “ On était rendu en moins d’une heure ”), certaines
expressions (koter, avoir dur, faire des affaires (pour chichis ou histoires), une fois, etc.),
certains accents, etc. permettent d’associer tel locuteur à telle ou telle zone géographique.
Pour désigner les usages qui en résultent, on parle de régiolectes, de topolectes ou de
géolectes.
3- Le sexe
Plusieurs auteurs ont noté l’asymétrie homme/femme face à la langue.
Labov, par ex. a observé que “ les femmes, plus sensibles que les hommes aux modèles de
prestige, utilisent moins de formes linguistiques stigmatisées, considérées comme fautives, en
discours surveillé” En réalité, Labov constate une sorte de paradoxe : “ les femmes emploient
les formes les plus neuves dans leur discours familier, mais se corrigent pour passer à l’autre
extrême dès qu’elles passent au discours surveillé ”. Ultérieurement, Labov revient toutefois
sur cette première interprétation du conformisme linguistique des femmes : “ il est possible
d’interpréter le conformisme linguistique des femmes comme étant le reflet de leur plus
grande responsabilité dans l’ascension sociale de leurs enfants ” (Labov, 1998, p.32).
4- L’origine sociale ou diastratique
On parle de variation sociolectale lorsque c’est l’origine sociale (L’appartenance à tel ou tel
milieu socioculturel) qui est en cause. On parlera par exemple du “ parler populaire ” ou du
parler pédant “ petit-bourgeois ”
Exemple1: le décumul du relatif. “ C’est la personne que je t’ai parlé d’elle ” au lieu de “
C’est la personne dont je t’ai parlé ”. Le français populaire ne souscrit pas au système
complexe du relatif en français normé qui comporte toute une série de morphèmes (dont, où,
lequel, auquel, duquel, etc.) qui ont pour caractéristique le cumul de deux fonctionnements
grammaticaux : outil de subordination (introduisant une proposition relative) et pronom (donc
substitut), comme dans “ Voilà la personne dont je t’ai parlé ”. A cette construction, le
français populaire (considéré comme fautif) préfère une construction à deux éléments
correspondant aux deux fonctionnements grammaticaux distincts : “ C’est la personne que je
t’ai parlé d’elle ”. Si bien que le morphème “ que ” devient omniprésent en français
populaire, dans les phrases avec relative. “ C’est une ville qu’il fait bon y vivre ”, “ Vous
verrez un panneau qui fait marqué dessus de tourner à gauche ”
Exemple 2 : articulation emphatique. “ Je suis allé à un collloque sur le sonnnet en
Hollllande avec quelques collllègues… ”.
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Exemple 3 : prononciation de tous les liaisons (comme pour marquer la connaissance qu’a le
locuteur de l’orthographe, donc son appartenance à une culture) ; mais qui peut donner “ J’en
suis bien t’aise ” sans doute inspiré par la forme valorisée “ j’en suis fort aise ”
Exemple 4 : hypercorrection fautive “ Voilà la façon dont nous pensons que la culture doive
évoluer ”, par utilisation excessive d’une forme de prestige (le subjonctif).
5- Les contextes d’utilisation : (les circonstances de l’acte de communication) ou
variation diaphasique
La situation de parole, les circonstances de l’acte de parole (lieu, moment, statut des
interlocuteurs, objectifs de communication, etc.) sont un autre facteur de diversification. On
parle de “ registres ” ou de “ niveaux ” de langage.
Exemple 1 : Langage usuel vs langage administratif (comparez “ mort ” et “ décédé ”, “
habiter ” et “ être domicilié ”, “mon mec ”, “ mon mari”, “ mon époux ”, “ mon conjoint ”, “
spleen ” et “ bourdon ”).
Exemple 2 : la négation simple vs double. Comparez “ Je ne sais pas ” et “ Je sais pas ”.
Conclusion : la langue est un système qui manifeste un ensemble de variations dans ses
usages, et dont l’approche sociolinguistique permet de décrire la structuration, en relation
avec les représentations partagées (normes, valeurs, attitudes) par la communauté
linguistique.

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