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Collection « ISTA »

La loi agraire de 643 a. u. c. (111 avant J.-C.) et l’Afrique.


Présentation, essai de restitution (lignes 43-95), traduction et
notes
Jean Peyras

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, . La loi agraire de 643 a. u. c. (111 avant J.-C.) et l’Afrique. Présentation, essai de restitution (lignes 43-95), traduction
et notes. Besançon : Institut des Sciences et Techniques de l'Antiquité, 2015. pp. 5-167. (Collection « ISTA », 1316);

doi : https://doi.org/10.3406/ista.2015.3079

https://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_2015_edc_1316_1

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Institut des Sciences et Techniques de l’Antiquité

La loi agraire de 643 a. u. c. (111 avant J.-C.)


et l’Afrique
Présentation, essai de restitution (lignes 43-95), traduction et notes

par

Jean Peyras

Presses universitaires de Franche-Comté, 2015


Jean PEYRAS

Table des matières

La loi agraire et l’Afrique : plan et résumé 9


A. Ire partie I. La terre 25
II. Les hommes 59
III. Le droit 85
B. IIe partie Texte, traduction et notes (lignes 43-95) 112
Index uerborum locutionumque 137
Index nominum 141

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS

La loi agraire et l’Afrique : plan et résumé

Douze fragments, vestiges d’une ou de deux pièces de bronze, nommés


couramment Tabula Bembina, permettent de connaître deux lois grâce aux
documents originaux : la lex Acilia repetundarum de 123, la lex agraria de 111.
Elles avaient été exposées à la fin du IIe siècle avant notre ère sur le forum
d’une ville italienne, probablement dans la région d’Urbino (Vruinum
Metaurense). La loi agraire comprend trois parties : la première concerne
l’Italie (lignes 1 à 42) ; la deuxième, l’Afrique (lignes 43 à 95) ; la troisième,
Corinthe (lignes 96 à 105).
Cette inscription est, pour l’Africaniste, exceptionnelle pour plusieurs
raisons : c’est le document d’époque le plus étendu sur l’Afrique que nous
ayons ; source juridique et administrative, elle constitue une source objective,
sans qu’intervienne le point de vue orienté dans telle ou telle direction d’un
auteur engagé politiquement ; elle constitue en quelque sorte une « loi-
cadre » de l’Africa, destinée à durer et à structurer solidement l’organisation
du sol de la première province.
Ces qualités sont malheureusement amoindries par l’importance des
lacunes. Le texte est, pour cette raison, très difficile à établir. C’est l’une des
raisons qui peut expliquer qu’il n’y ait eu aucune édition en langue française.
Si on laisse de côté la première partie, qui a été l’objet d’une recherche appro-
fondie de la part de l’érudition italienne, la loi dans son ensemble a été étudiée
plus particulièrement par les savants allemands au XIXe et au début du XXe
siècle (Mommsen, Rudorff, Blume)1, plus récemment par F.-T. Hinrichs2 et

1 Les éditions les plus suivies furent celles de Theodor Mommsen, dans E. Lommatzsch et
Th. Mommsen, Corpus Inscriptionum Latinarum, Inscriptiones antiquissimae ad C. Caesaris
mortem, Berlin, 1893, I.2, 200 (= 585), et dans « Lex agraria a.u.c. DCXLIII, ante Chr. 111 »,
Gesammelte Schriften I, Berlin 1905, p. 65-145.
2 F.-T. Hinrichs, « Die lex agraria des Jahres 111 v.Chr. », Zeitschrift der Savigny-Stiftung
für Rechtsgeschichte, Romanistische Abteilung, Weimar, 83, 1966, p. 252-307.

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10 La loi agraire et l’Afrique : plan et résumé

par Kirsten Johannsen, celle-ci en réalisant une édition, une traduction et un


commentaire dans le cadre d’un thèse de doctorat en 19713, et, plus récem-
ment, par les Anglo-Saxons, Andrew Lintott et Michael Crawford établissant
une édition, une traduction et un commentaire dans les années 904. Ces
travaux permettent, malgré les divergences, d’interpréter les lignes 52-95
d’une manière cohérente. Je donnerai une restitution et une traduction de ces
lignes. J’ajouterai quelques notes in situ, mais je ne reprendrai pas le com-
mentaire que je fais ci-dessous autour de trois thèmes : I. La terre ; II. Les
hommes ; III. Le droit. Je dirai dès maintenant que, contrairement à certains
auteurs, je n’ai aucun doute de l’appartenance des lignes 92-95 à la partie
africaine. Il est, en effet, normal qu’on prenne une décision sur la propriété
des fruits de la moisson et de la vendange pour l’année d’application de la loi
puisque les restitutions et les échanges sont plusieurs fois évoqués (l. 95).
Reste le problème des lignes 43 à 52. Aucun autre savant que Luuk de
Ligt n’a été jusqu’ici à même de proposer une restitution qui soit satisfaisante
à l’esprit5. Il ne m’a pas été pourtant possible de l’entériner telle que. En effet,
si j’admets qu’il faille commencer l’étude à la ligne 43 et que le manceps des
lignes 46 et 48 ait acquis, non pas des terres, mais la perception des uectigalia,
en revanche je demeure persuadé, contrairement au savant qui considère que
la terre des colons était grevée du vectigal6, qu’elle était franche de toute taxe.

3 K. Johannsen, Die lex agraria des Jahres 111 v. Chr. Text und Kommentar, München,
1971.
4 A. Lintott, Judicial Reform and Land Reform in the Roman Republic, Cambridge, 1992,
2e éd. 2010 ; M. H. Crawford, « Lex repetundarum, lex agraria», in Id. (ed.), Roman Statutes,
London, 1996, vol. I, p. 39-180. Des traductions, non accompagnées par le texte, ont aussi vu le
jour : en Angleterre, E. G. Hardy, Six Roman Laws, translated with introduction and notes,
Oxford, 1911, p. 35-85 ; aux États-Unis, A. Ch. Johnson, P. R. Coleman-Norton, F. C. Bourne,
Ancient Roman Statutes: translation, with introduction, commentary, glossary, and index, ed.
C. Pharr, Austin (Texas), 1961, intégré dans The Avalon Project, Documents in Law, History and
Diplomacy, « Agrarian Law; 111 B.C. », Yale Law School, New Heaven, 2008.
5 L. de Ligt, « Studies in legal and agrarian history IV: Roman Africa in 111 B.C. »,
Mnemosyne, 54, 2, 2001, p. 182-217.
6 L. de Ligt, « The problem of ager priuatus uectigalisque in the epigraphic Lex agraria »,
Epigraphica, LXIX (1-2), 2007, p. 87-98.

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Je pense, d’autre part, que la ligne 43 comprenait, après la mention Quei ager
locus extra terra Italia est, la proposition quei ager locus in Africa est, c’est-à-
dire que la loi-plébiscite du tribun de la plèbe Marcus Baebius concerne cette
province. À mon point de vue, il y a deux lois fondamentales : la lex Rubria,
qui, dans le cadre de la colonia Iunonia Karthago, avait donné et assigné en
toute franchise une centurie à chaque colon ; la lex Baebia, qui maintient,
cette fois en dehors de tout cadre communautaire public, la même donation-
assignation, la loi de fondation ayant été abolie. La loi Baebia est, selon moi, la
loi gravée sur le bronze. Son but dépasse d’ailleurs le seul règlement de la
situation des colons : elle a pour but de résoudre l’ensemble des questions
foncières de l’Africa.
Il me paraît donc indispensable d’exposer en quelques lignes comment
je comprends ces lignes très lacunaires :
« En ce qui concerne la terre hors d’Italie : – pour ce qui est de la terre
qui est en Afrique » :

A. La terre des colons et assimilés


1) (cas de) la terre que le triumvir chargé de déduire la colonie en application
de la loi Rubria abrogée, a donnée et assignée au colon
ou (de) la terre qui, en application de la loi de M. Baebius, a été donnée et
assignée au colon :
le duovir créé par cette loi7, jugera que cette terre est donnée et assignée à
celui qui l’aura déclarée dans cette catégorie de terre.
2) (en dehors de cette terre qui est dans la centurie et subsécive qui a été
donnée et assignée au colon en application de la lex Rubria abrogée et de la loi
Baebia, laquelle terre n’aura pas été achetée ou vendue, ou échangée ou
donnée en retour pour une autre terre, et qui par l’effet de cette dernière loi,
sera constituée en tant que terre privée et franche d’imposition),

7 C’est-à-dire la lex Baebia, puisque la lex Rubria a été abrogée.

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B. La terre vendue à Rome


la terre vendue à Rome publiquement sera une terre privée et vectigalienne.
3) pour le vectigal de cette terre, l’acheteur, ses cautions et les domaines gagés
seront libérés. Le questeur qui détiendra le Trésor et la Province inscrira le
nom de l’acheteur sur les tablettes publiques.
4) La terre qu’un citoyen romain a achetée à un magistrat romain ne donne
lieu ni à un versement d’argent, ni à cautions, ni à domaines gagés. Si des
cautions ont été données, nul n’a d’obligation envers le Peuple : si cela a été
fait, qu’il en soit libéré.
5) La terre vendue publiquement à Rome sera privée et vectigalienne, comme
cela a été dit plus haut.
Cette terre, détenue par un citoyen romain, un allié italien ou un Latin, sera
dans la possession et la jouissance du détenteur jusqu’à la décision définitive
du duovir.
En cas de controverse, le duovir tranchera la question immédiatement ou fera
une enquête. En attendant la décision, le détenteur l’aura, la possédera et en
jouira dans les mêmes conditions que celui qui l’aura achetée publiquement ».
Ma restitution repose donc sur la proposition suivante : il est question,
d’une part de la terre des colons, privée et franche ; d’autre part, de la terre
achetée publiquement à Rome, privée et vectigalienne. La suite porte sur
l’achat de la perception du vectigal, sur des modalités d’achat de la terre
publique, sur la possession provisoire de la terre en attendant les décisions du
duovir créé par la loi Baebia.
Les différents titres établissent une succession logique et rationnelle. Le
lecteur peut s’en rendre compte en parcourant le résumé ci-dessous. Mais il
est nécessaire auparavant d’avoir à l’esprit les deux grandes divisions de la
terre qu’a conçues le rédacteur :
1) les biens détenus par des individus qu’il est possible de classer dans des
groupes spécifiques ou des communautés (lignes 43-81). Dans cette partie, la
locution extra eum agrum, qu’on lit à plusieurs reprises, introduit des cas
particuliers, portant sur les terres de certaines catégories d’individus ou de

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communautés : colons de la lex Rubria (l. 79) ; peuples libres (l. 79-80) ; trans-
fuges des armées puniques (ou autres peuples libres) (l. 80) ; terres privées
non échangées (l. 80) ; stipendiaires (l. 80-81) ; enfants de Massinissa (l. 81) ;
oppidum Carthago (l. 81), Uticéens (l. 81-début L. 82).
2) le domaine public demeuré tel, où les résidents, cultivateurs et éleveurs
paient à l’État, directement ou par l’intermédiaire des publicains, des impôts
sur les constructions, les terres de culture ou d’élevage (lignes 81-89). Cette
partie est introduite par la locution ceterum agrum locum (l. 81-82). Les lignes
90-94 rappellent des décisions notables et la ligne 95 traite de la propriété des
fruits de l’année de la loi.

I. Les principes législatifs


43-49 II. La terre située hors de l’Italie8 : 1) La terre de l’Africa9 : cf. ci-dessus.

II. La possession intérimaire


50 La terre possédée par un citoyen romain, un allié italien ou un Latin restera
telle jusqu’à ce que le duovir se prononce définitivement à ce sujet.
51 Si une part de cette terre fait l’objet d’une controverse, le duovir, ou bien
dit immédiatement le droit, ou bien l’étudie dans le cadre de « la cause de
l’enquête sur le bien ».

III : L’édit du duovir organisant la déclaration des biens fonciers


52-53 Le duovir prendra un édit donnant 25 jours au colon ou à l’inscrit
comme colon pour faire une déclaration de superficie et de lieu. Un enquêteur
lui sera alors donné.
54-55 L’acheteur d’une terre de colon ou d’un inscrit comme colon doit la
déclarer. Cet achat doit avoir été obligatoirement fait avant les calendes de
janvier (?) ; s’il a été préfet ou soldat dans la province, il doit le déclarer.

8 La première partie comprend la terre italienne (l. 1-42).


9 La seconde est la terre de Corinthe (l. 96-105).

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55-57 Un acheteur de biens ou un gestionnaire qui a pris possession ou acheté


la terre d’un colon ou d’un inscrit comme colon à la suite de l’édit d’un
magistrat, ou un curateur constitué pour une telle terre, doit en faire la
déclaration. Il en est de même pour l’acheteur de cette terre à une de ces
personnes. Si la déclaration n’a pas été faite, le duovir jugera qu’il n’y a eu ni
achat ni assignation.
58 Si un citoyen romain n’a pas fait la déclaration, le duovir lui donnera une
superficie équivalente prise sur le domaine public.

IV. La reconstitution des assignations ex Lege Rubria


58 Le duovir doit organiser le règlement des terres assignées et dresser la liste
des colons de la loi Rubria.
59. Le duovir jugera que la terre donnée en dehors de ce qui était prévue par la
loi Rubria ne l’a pas été.
60 Il jugera qu’aucune superficie supérieure à 200 jugères n’a été donnée à un
individu.
61 Il jugera que n’a pas été déduit un nombre de colons supérieur à celui qui
avait été autorisé.

V. Le règlement des colons rubriens


61-62 En cas de conformité, le duovir jugera que la terre est « donnée-
assignée » au colon ou à son héritier.

VI : Le règlement des extra-rubriens


63-64 Le duovir jugera que la terre achetée à un colon, ou à son héritier, est
donnée et assignée à l’acheteur10, sauf s’il est allié, Latin, préfet ou soldat dans
la province.

10 Dans ce cas, la terre est donc privée et franche.

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65 Dans ce dernier cas ou si un achat privé a eu lieu après les calendes de


janvier, le duovir restituera la part achetée qui n’aura pas été vendue
publiquement.
Si le terre achetée a été vendue publiquement, le duovir donnera une
superficie équivalente du domaine public d’Afrique.

VII : Les redevances sur l’ager priuatus uectigalisque et les biens vendus à Rome
65-66 En cas de restitution ou d’échange, le bénéficiaire achètera cette terre
un sesterce. Elle sera privée et vectigalienne.

VIII. Le règlement des situations anormales en rapport avec la loi Rubria


67 La centurie et le subsécive situés hors de la terre coloniale, ou supérieurs à
la superficie autorisée, ou reçus par un nombre d’hommes supérieur au
nombre autorisé, qui n’ont pas été vendus publiquement, seront restitués au
détenteur ou à l’héritier.
68 La centurie et le subsécive relevant des mêmes cas : s’ils ont été vendus
publiquement, le duovir restituera la terre au colon ou à son héritier et la lui
assignera.
69-70 Le duovir adjugera à l’acheteur, ou à son procurateur, ou à l’héritier,
une même surface de terre en compensation.
70 Le bénéficiaire achètera cette terre un sesterce. Elle sera privée et
vectigalienne, comme cela a été écrit plus haut.
70-71 L’acheteur d’une terre faite privée et vectigalienne devra verser au
Peuple ou au publicain une somme d’argent aux ides de Mars qui suivront
l’échéance ; s’il l’a fait auparavant, il ne devra pas la verser à nouveau.
72 La manière de verser la somme due pour les terres, lieux et édifices est
déterminée exclusivement par la présente loi.
73 Si la somme n’est pas versée dans les délais, l’acheteur devra donner
caution sous l’arbitrage du préteur qui dira le droit entre citoyens.

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16 La loi agraire et l’Afrique : plan et résumé

74 Le duovir mettra en vente la terre si la caution est insuffisante, sauf si un


gage foncier ou un garant a été publiquement donné auparavant.

IX. Les règlements des conflits entre citoyens romains et alliés africains
75-77 Le duovir pourra adjuger au citoyen romain la terre vendue
publiquement à Rome, ou en faire la commutation si cette terre appartenait à
un peuple libre ou aux ralliés. Dans ce dernier cas, le citoyen romain recevra
une terre d’égale superficie du domaine public d’Afrique ; sinon, c’est le
peuple libre ou les ralliés qui recevront une terre d’égale superficie.
77-78 La terre donnée et assignée aux stipendiaires qui aura été achetée par
un citoyen romain devra, dans les 150 jours qui suivent la création du duovir,
appartenir au citoyen romain, les stipendiaires recevant une surface égale
prélevée sur le domaine public.

X. La récapitulation des exceptions


78-81 Terre des colons de la lex Rubria abrogée ; des peuples libres et des
ralliés ; terre privée non restituée ou non échangée ; terre des enfants de
Massinissa ; de la cité de Carthage, disparue ; terre cédée et assignée aux
Uticéens.

XI. Le règlement des autres terres du domaine public romain


81-82 le duovir enregistrera tout le reste des terres sur le cadastre public ; ces
terres sont publiques.
82 Les bénéficiaires de la lex Sempronia ne paieront ni vectigal, ni dîmes, ni
scriptura.
83 Les possessions du domaine public romain paieront les redevances déjà
citées.
83-84 Le préteur, arbitre de la vente du domaine public à Rome, devra détenir
suffisamment de domaines en gages.

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85-86 La loi des censeurs L. Caecilius et Cn. Domitius s’applique au domaine


public.
87-88 Un magistrat ou un promagistrat qui louera ou vendra la jouissance des
vectigals ne doit pas édicter de loi sur les vectigals.
89 La location ou la vente des vectigals opérée par le consul Cn. Papirius est
nulle et non avenue.

XII. Rappel de certains points


90-91 En cas de fausse déclaration, la terre ne sera ni adjugée ni remplacée par
le duovir.
92 Le questeur ou le préteur vendra un sesterce le bien au détenteur actif
d’une terre, d’une possession ou d’un édifice.
93 La terre donnée et assignée par sénatus-consulte appartient au bénéficiaire,
tout magistrat devant confirmer ce fait.
94 La terre donnée, restituée, échangée, assignée sera possédée par les
bénéficiaires de la même manière qu’elle est possédée par un citoyen romain.

XIII. Décision sur les fruits de l’année de la loi


95 Le vin et l’huile de la vendange et de la récolte produits l’année de la
présente loi appartiennent à celui qui possédera la terre à ce moment-là.

Bibliographie

J’ai utilisé les travaux qui suivent, directement ou par l’intermédiaire


des travaux de K. Johannsen, A. Lintott et M. H. Crawford. L’apparat critique
a été principalement établi à partir des études de L. de Ligt pour les lignes
43-52 et de celles de M. H. Crawford pour les lignes 52-95.

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18 La loi agraire et l’Afrique : plan et résumé

I. Pour l’établissement et/ou l’interprétation de l’inscription :


J. Carcopino, Autour des Gracques, études critiques, Paris, 1967, 2e éd., revue, corrigée, augmentée.
M. H. Crawford, « Lex repetundarum, lex agraria», in Id. (ed.), Roman Statutes, London, 1996,
vol. I, p. 39-180.
E. G. Hardy, Six Roman Laws, translated with introduction and notes, Oxford, 1911, p. 35-85.
F .-T. Hinrichs, « Die lex agraria des Jahres 111 v. Chr. », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für
Rechtsgeschichte. Romanitische Abteilung, Weimar, 83, 1966, p. 252-307.
P. E. Huschke, Rezension von A. A. F. Rudorff, Das Ackergesetz des Spurius Borius, Zeitschrift
für geschichtliche Rechtswissenchaft, 10, 1839, p. 1-194 ; Kritische Jahrbücher für
deutsche Rechtswissenchaft 5, 1841, p. 579-720.
K. Johannsen, Die lex agraria des Jahres 111 v. Chr. Text und Kommentar, München, 1971.
A. Ch. Johnson, P. R. Coleman-Norton, F. C. Bourne, Ancient Roman Statutes: translation, with
introduction, commentary, glossary, and index, ed. C. Pharr, Austin (Texas), 1961,
intégré dans The Avalon Project, Documents in Law, History and Diplomacy, « Agrarian
Law 111 B.C. », Yale Law School, New Heaven, 2008.
L. de Ligt, « Studies in legal and agrarian history IV: Roman Africa in 111 B.C. », Mnemosyne,
54, 2, 2001, p. 182-217.
L. de Ligt, « The problem of ager priuatus uectigalisque in the epigraphic Lex agraria »,
Epigraphica, LXIX (1-2), 2007, p. 87-98.
A. Lintott, Judicial Reform and Land Reform in the Roman Republic, Cambridge, 1992, 2e éd.,
2010.
H. B. Mattingly, « The two Republican Laws of the Tabula Bembina », Journal of Roman
Studies, 59, 1969, p. 129-143.
H. B. Mattingly, « The agrarian law of the tabula Bembina », Latomus 30, 1971, p. 281-293.
Th. Mommsen, dans E. Lommatzsch et Th. Mommsen, Corpus Inscriptionum Latinarum,
Inscriptiones antiquissimae ad C. Caesaris mortem, Berlin, 1893, I.2, 200 (= 585).
Th. Mommsen, « Lex agraria a.u.c. DCXLIII, ante Chr. 111 », Gesammelte Schriften I, Berlin
1905, p. 65-145.
J. Peyras, « La loi agraire de 643 a.u.c. (111 avant J.-C.). Individus et communautés », DHA
40/1-2014, p. 188-209.
A. A. F. Rudorff, « Das Ackergesetz des Spurius Thorius », Zeitschrift für geschichtliche
Rechtswissenchaft, Berlin, 10, 1839, p. 1-194.
Ch. Saumagne, « Sur la loi agraire de 643/111, essai de restitution des lignes 19 et 20 », Revue
de Philologie, 1927 = Ibid., dans « Essai d’histoire sociale et politique relative à la
province romaine d’Afrique », Les Cahiers de Tunisie, 1962, t. X.
Ch. Saumagne, Le Byzacium protoromain, villes libres, stipendiarii, liberi Massinissae, Cahiers
de Tunisie, n° 44, 1963, p. 47-62.

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II. Sources anciennes


Appien, Libyca, 107-109.
Appien, Guerres civiles, I.
Cicéron, De lege agraria, II.
Corpus Inscriptionum Latinarum VIII, 12535 (d’après P. Delattre, Bulletin épigraphique de la
Gaule, VI, 1886) = Eph. Ep. VII, 177 = Dessau, Inscriptiones Latinae Selectae, 28.
Digeste, 19, 1, 30, 1 (Africanus).
Diodore, Bibliothèque historique, XXXII, 17.
Frontin, L’œuvre gromatique, Corpus Agrimensorum Romanorum IV, texte traduit par
O. Behrends et al., Luxembourg, 1998.
Frontin, dans Les arpenteurs romains, Hygin le gromatique, Frontin, texte établi et traduit par
Jean-Yves Guillaumin, Paris, 2005.
Jean Zonaras, Histoire romaine, IX.
Macrobe, Les Saturnales, livres I-III, Introduction, traduction et notes par Ch. Guittard, 2e tirage,
Paris, 2004.
Macrobius, Saturnalia, ed. Iacobus Willis, Teubner, Leipzig, 1963.
Orose, Aduersus paganos, V, 11.
Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, livre V, 1-46, l’Afrique du Nord, texte établi, traduit et
commenté par J. Desanges, Paris, 1980.
Polybe, Histoire, XXXVI, 4.

III. Travaux modernes


W. Barthel, « Römische Limitation in der Provinz Africa », BJ, XXX, 1911.
O. Behrends, « Les conditions des terres dans l’Empire romain », De la terre au ciel, paysages et
cadastres antiques, Monique Clavel-Lévêque et Georges Tirologos (éd.), Besançon,
2004.
A. Ernout et F. Thomas, Syntaxe latine, Paris, 1963.
R. Étienne, « À propos du territoire d’Emerita Augusta (Mérida) », Cité et territoire I, Béziers,
Colloque européen 14-16 octobre 1994, M. Clavel-Lévêque et R. Plana-Mallart éd.,
Besançon-Paris, 1995.
A.-E. Giffard, avec la collaboration de R. Villers, Droit romain et ancien droit français
(obligations), Paris, 1967.
St. Gsell, Histoire ancienne de l’Afrique du Nord, Paris, 2e éd., 1914-1930, VII.
J.-M. Lassère, Ubique populus, peuplement et mouvements de population dans l’Afrique romaine
de la chute de Carthage à la fin de la dynastie des Sévères (146 a. C-235 p. C.), Paris, 1977.

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20 La loi agraire et l’Afrique : plan et résumé

L. Maurin et J. Peyras, « Uzalitana, la région de l’Ansarine dans l’Antiquité », Les Cahiers de


Tunisie, XIX-1971, n° 75-76, p. 11-103.
C. Nicolet, « Mithridate et les « ambassadeurs de Carthage » », Mél. Piganiol, 1966, II.
K. Ouni et J. Peyras, « Centuriations et cadastres du Centre-Est tunisien », Atlas historique des
cadastres d’Europe II, M. Clavel-Lévêque et A. Orejas éd., Bruxelles, 2002, hors-série 9,
p. 1-10.
J. Peyras, Le Tell nord-est tunisien dans l’Antiquité, essai de monographie régionale, Paris, 1991.
J. Peyras, « Cités libres et fédérées occidentales, et imperium romain », De la terre au ciel II.
Paysages et cadastres antiques, M. Clavel-Lévêque et G. Tirologos éd., Besançon-Paris,
2004, p. 29-38.
J. Peyras, « Les municipes libres de l’Afrique romaine », ibid., p. 9-27.
J. Peyras, « Uthina dans le nord-est de l’Afrique. 2. La colonie d’Uthina et le milieu africain »,
Oudhna (Uthina), colonie de vétérans de la XIIIe Légion, Histoire, urbanisme, fouille et
mise en valeur des monuments, sous la direction de Habib Ben Hassen et de Louis
Maurin, Bordeaux-Paris-Tunis, 2004, p. 264-278.
J. Peyras, Arpentage et administration publique à la fin de l’Antiquité. Les écrits des hauts
fonctionnaires équestres, textes établis, traduits et annotés par J. Peyras, Besançon, 2008.
E. T. Salmon, Roman Colonisation under the Republic, Aspects of Greek and Roman Life, London,
1969.
Ch. Saumagne, « Observations sur le tracé de la “Fossa Regia” », Reale Accademia Nazionale dei
Lincei, 1929-VII, p. 451-459.
Ch. Saumagne, « Le plan de la colonie gracchane de Carthage », B.A.C. 1928-1929, p. 648-664
= Études d’histoire sociale et politique relative à la province romaine d’Afrique, Les
Cahiers de Tunisie, t. X, 1962, p. 473-487.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 21

Établissement du texte
Pour les travaux antérieurs à 1971, je me suis le plus souvent référé à
l’excellent apparat critique de Kirsten Johannsen. Je ne l’ai pas reproduit dans
sa totalité, réduisant le mien aux restitutions que je prenais finalement en
compte et que je commentais, y compris, bien sûr, les propositions
postérieures à cette thèse.

Sigles
43 : ligne de l’inscription.
EVM AGRVM LOCVM DEDIT ADSIGNAVIT : texte conservé.
EVM - . - . ADSIGNAVIT : texte conservé écrit en abrégé dans l’apparat
critique pour les parties identiques au texte proposé.
PRV : lettres perceptibles dont la lecture est incertaine.
[quei ager locus - . - . numero] : texte restitué écrit en abrégé dans l’apparat
critique pour les parties identiques au texte proposé ;
[Quei ager locus] : lettres restituées.
H(ac) L(ege) : restitution de mots abrégés.
… (56) … : évaluation des lettres manquantes.
COLONI<a>E : restitution d’une lettre omise.
AEDI<f>{E}ICIO : remplacement d’une lettre gravée par erreur.
(eorum populorum) : mots sous-entendus.

Abréviations
Ca. = Carcopino ; Cr. = Crawford ; DLi.1 = de Ligt 2001 ; DLi. 2 = Id. 2007 ;
Li. = Lintott ; Ma. = Mattingly ; Mo. = Mommsen ; Sa. = Saumagne.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


22 La loi agraire et l’Afrique : plan et résumé

Remerciements
J’exprime ma gratitude à M. Antonio Gonzales, sans lequel ce livre
n’aurait pas été écrit. C’est à lui que revient l’initiative d’un projet qui n’aurait
pas abouti sans son amicale insistance. La difficulté de la tâche m’a, en effet,
souvent fait hésiter à aller jusqu’au bout de ce long et ardu travail dont je ne
me dissimule pas les imperfections. Je le remercie aussi de sa disponibilité
quand il s’est agi de me fournir des documents.
Mme Monique Clavel-Lévêque a une nouvelle fois accepté un de mes
textes dans la « Chronique des cadastres ». Qu’elle soit remerciée pour cet
accueil qui a débuté voici vingt ans.
J’exprime également ma gratitude à M. Okko Behrends qui m’a fourni
des renseignements précieux sur la signification du mot « manceps » dans
l’inscription, et à M. Louis Maurin qui m’a fait parvenir un article de Charles
Saumagne.
Last but not least, je mesure à sa juste valeur la contribution de Mme
Evelyne Gény, dont j’apprécie le dévouement et l’efficacité. Qu’elle en soit
remerciée.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


A - Ire partie -

La terre, les hommes, le droit


Jean PEYRAS

I. La terre

La loi qui a été gravée sur le bronze est consacrée aux terres. L’expres-
sion la plus utilisée est ager locus, qui peut encore y être lue vingt-six fois.
L’asyndète montre l’étroite relation que ces mots entretiennent. La diversité
des traductions montre que le second est difficile à cerner : c’est le premier
point à envisager.
Un deuxième porte sur les grandes divisions de la terre. L’autorité de
Theodor Mommsen demeure en la matière, malgré une proposition
« hérétique » de F.-T. Hinrichs suivant lequel la totalité de la terre aurait été
privatisée. Quelques éléments, à mon avis, exigent un examen.
Le troisième point considère les divisions que propose le document.
Elles s’organisent suivant deux grandes parties : les terres qui présentent des
cas particuliers (extra eum agrum locum) ; les autres terres (ceterum agrum
locum).
De quelle manière faut-il entendre la locution ager locus ? L’allemand
disposant d’une expression toute faite, K. Johannsen l’a utilisée : « Grund (und)
Boden ». A. Lintott traduit « land or territory », bien loin de M. Crawford et
L. de Ligt qui s’accordent pour « land or piece of land ». Je considère, comme
ces derniers, que c’est d’un lot qu’il s’agit quand, par exemple, l’ager locus a été
donné-assigné à un colon.
J’ai choisi en conséquence la locution : « la terre et pièce de terre ». En
supprimant l’article défini devant la seconde expression, j’indique que je
considère la locution comme un tout (ce qui rend compte du fait que je la
traite comme un singulier) ; en utilisant la conjonction de coordination
« et », je veux dire que ce n’est pas de l’une ou de l’autre qu’il est question.
Les catégories de base proposées par Th. Mommsen1 ont été adoptées
par la plupart des savants. F.-T. Hinrichs s’en est éloigné en écrivant que la loi
prescrivait que tout ce qui restait de la terre publique de l’Africa devait être

1 Gesammelte Schriften, I. Abt. : Juristische Schriften, Berlin, vol. I, 1905, p. 119-135.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


26 La terre

vendu. Tel ne fut pas le cas. Les assignations ultérieures de Marius et de César
montrent que tout l’ager publicus n’avait pas été aliéné. C’est donc les
interprétations antérieures qu’il faut examiner. Elles distinguent : 1. La terre
publique qui a été faite privée ou devra l’être. Cette catégorie comprend : a) la
terre assignée aux citoyens romains colons ; b) la terre qui a été vendue ou qui
devra l’être publiquement (publice uenire) aux citoyens romains comme ager
uectigalis ; 2. La terre publique qui doit le rester, dont les uectigalia devront
être affermés par les censeurs. 3. La terre provinciale qui a été assignée à des
autochtones : peuples libres ; stipendiaires, enfants de Massinissa.
Sur le premier point, L. de Ligt affirme que la terre assignée aux colons
était grevée du vectigal au même titre que la terre vendue publiquement. Je ne
l’ai pas suivi parce qu’il apparaît que le cas des colons est constamment mis à
part, que ce fait, qui occupe tant le législateur, ne peut être fortuit ou, pour
mieux dire, ne peut provenir d’un simple souci de forme. C’est la raison pour
laquelle j’ai été amené à proposer une restitution des lignes 43-52 qui tienne
compte de la position que j’ai adoptée et ce, malgré le fait que la reconsti-
tution que j’ai conduite est moins complète que celle de de Ligt. Je suis loin
d’être sûr d’avoir raison, mais c’est la solution vers laquelle je penche au
moment où j’écris ces lignes.
S’il ne saurait y avoir de discussion sur le second point, en revanche, je
suis en désaccord avec la théorie classique en ce qui concerne les peuples
libres.
Voici les passages concernés :
l. 75 …. [IIvir, quei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, in diebus (… 100 …)
proxsumeis quibus factus creatusue erit, quem agrum locum ceivis Romanus
emerit de eo agro loco que]I AGER LOCVS IN AFRICA EST QVEI ROMAE
PVBLICE VENIEI<t> VENIERITVE, QVOD EIVS AGRI [locei est
popul]EIS LIBEREIS <quei> IN AFRICA SVNT QVEI <e>ORVM <in>
AMEICITIAM POPVLI ROMANEI BELLO POINICIO PROXSVMO
MANSERVNT

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 27

l. 75 « [ … Le duovir, qui, de par cette loi, aura été fait et créé, dans les (..)
jours qui suivront sa création, aura la faculté d’adjuger au citoyen romain] qui
l’aura achetée la terre de la terre publique d’Afrique vendue publiquement à
Rome, ou d’en faire une commutation, (dans le cas où) cette terre se
trouverait être le bien d’un des peuples libres d’Afrique demeurés amis du
peuple romain au cours de la guerre punique …
l. 79 EXTRAQVE EVM AGRVM, QVEI INTRA FINIS POPVLORVM
LEBEIRORVM VTICENSIVM H[adrumetinorum t]AMPSATINORVM
LEPTITANORVM AQVILLITANORVM VZALITANORVM TEVDA-
LENSIVM, QVOM IN AMEICITIAM POPVLI ROMANI PROXSVMVM
[bellum
l. 80 manserunt, est eritue.
l. 79 « en dehors de la terre qui est et sera à l’intérieur des limites territoriales
des peuples libres d’Utique, d’H[adrumète, de Th]apsus, de Leptis, d’Acholla,
d’Uzali, de Theudalis, telles qu’étaient ces limites quand ces peuples
[demeurèrent lors de la récente guerre punique]
l. 80 dans l’amitié du peuple romain ».
On cherchera en vain une assignation aux peuples libres. En réalité,
leurs terres n’avaient pas fait partie de la terre provinciale. Ce sont des terres
privées et dégagées de toute redevance envers Rome. Elles ne sont pas
centuriées. Si l’on examine leur territoire, on relève trois cas2 :
1) une présence de cadastres dont l’orientation diffère de celle de la
centuriation et dont le module correspond à des multiples de la
coudée punique et non du pied romain (Thapsus et Lepti Minus).

2 Cf., en dernier lieu, K. Ouni et J. Peyras, « Centuriations et cadastres du Centre-Est


tunisien », Atlas historique des cadastres d’Europe II, M. Clavel-Lévêque et A. Orejas éd.,
Bruxelles, 2002, hors-série 9, p. 1-10.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


28 La terre

 
Fig.  1  Cadastres  des  cités  libres  libyphéniciennes  et  coudée  punique.  

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 29

Fig.  2  Cadastres  de  terroirs  de  Thapsus  et  de  Lepti  Minus.  

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


30 La terre

2) une absence de centuries ou d’autres genres de cadastres (les deux


Uzali possibles) :
3) une présence de cadastres du type de Thapsus et Lepti Minus et d’une
centuriation (Acholla) :

 
 
Fig.  3  Cadastres  civiques  et  centuriation  centre-­‐est  à  Acholla  

Dans le premier cas, il est clair que ces cadastres de terroir sont
indépendants du système romain. Dans le deuxième, la centuriation n’a existé
ni sur le territoire de l’Uzali proche d’Utique, ni à Uzali Sar sur l’Ansarine,
l’une ou l’autre correspondant au populus leiber Usalitanorum de la loi ; dans
le troisième, il y a des cadastres du même genre que ceux des cités côtières du
Centre-Est, Thapsus et Lepti Minus, et une centuriation à la péréphérie.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 31

J’interprète cette dernière comme un ajout ultérieur au moment d’un


changement de statut d’Acholla.
Le statut des peuples libres de la loi peut être cerné grâce à la
proposition que les Romains avaient faite aux Carthaginois en 149. Notons
que les privilèges qu’auraient obtenus les Puniques peuvent être considérés
comme un minimum pour des peuples libres qui, eux, « étaient demeurés
dans l’amitié du Peuple romain », alors que Carthage, pour les Romains,
s’était rendu coupable de la rupture du fœdus de 201 et avait dû faire acte de
deditio en 149. Or, le sénatus-consulte, que nous rapporte Polybe (XXXVI, 4),
lui accordait la liberté (τήν τ᾽ἐλευθερίαν), l’usage de ses lois (καὶ τούς νόμους),
la totalité de son territoire (ἔτι δὲ τήν χώραν ἄπασαν), les biens qui
appartenaient tant à la communauté qu’aux particuliers (καὶ τὴν τῶν ἄλλων
ὑπαρχόντων κτῆσιν καί κοινῆ καί κατ᾽ἰδίαν)3. Nous savons aussi, par Pline, que
Theudalis était une cité immune4.
Il ne faut pas confondre les terres civiques, publiques ou privées des
peuples libres avec les terres publiques romaines concédées par le vainqueur
aux Uticéens en remerciement des services rendus. Le libellé exclut que
d’autres peuples libres aient bénéficié de cette donation, comme cela a été
parfois soutenu5. Cela peut s’expliquer par le fait qu’Utique était un allié de
Rome ancien et que la cité avait joué un rôle important sur le plan stratégique
et logistique pendant la 3e guerre punique :
l. 81 [Extraque] EVM AGRVM LOCVM QVEM XVIREI QVEI EX [lege]
LIVIA FACTEI CREATEIVE FVERVNT VTICENSIBVS RELIQVERVNT
ADSIGNAVERVNT.

3 Cf. J. Peyras, « Cités libres et fédérées occidentales, et imperium romain », De la terre au


ciel II. Paysages et cadastres antiques, M. Clavel-Lévêque et G. Tirologos éd., Besançon-Paris,
2004, p. 29-38 ; Id., « Les municipes libres de l’Afrique romaine », ibid., p. 9-27.
4 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, V, 23.
5 Il est possible que des donations aient été faites aux autres peuples libres, lesquelles
auraient disparu à cause de l’état de l’inscription. En revanche, la mention des Uticéens se
détache d’une manière exclusive à la ligne 81.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


32 La terre

« [En dehors de] cette terre et pièce de terre que les décemvirs qui furent faits
et créés de par la [loi] Livia ont cédé et assigné aux Uticéens ».
Les traces de centuriations qui ont été relevées à plusieurs kilomètres à
l’ouest d’Utique peuvent correspondre aux cessions de terre publique
romaine. Quant à l’unique segment qui a été relevé tout près de la ville, il
correspond plutôt à un drain de la société d’aménagement colonial qu’à un
cardo.
Une remarque est à faire à propos de l’ager priuatus uectigalisque. Cette
terre demeure dans le domaine public. La différence avec celui qui est compris
dans la 3e catégorie, c’est qu’il constitue la possession d’un type bien déter-
miné de personnes, et non un tout indifférencié aux mains d’individus ou de
groupes divers, défini avant tout par la perception des taxes.
Si une réflexion sur l’interprétation des catégories de terres était
nécessaire, il convient d’en revenir à la loi. Celle-ci présente les terres d’une
manière qui peut dérouter le lecteur. En effet, la proposition « quei ager locus
in Africa est », au lieu d’être suivie par un exposé de l’organisation de la terre,
est souvent interrompue par l’expression « extra eum agrum locum » ; si bien
qu’on aurait volontiers tendance à considérer que, jusqu’aux lignes 81-82, il
est question des cas particuliers, et, à partir de là, qu’on a affaire au cas
général. C’est, en réalité, plus complexe que cela, puisque la première partie
comprend aussi des éléments qui ne sont pas récapitulés dans le regroupement
des exceptions des lignes 78-81. C’est le cas des alliés italiens et des Latins, ou
des militaires et des préfets qui servent dans la province. Mais ils ne sont
envisagés que par rapport à d’autres éléments référentiels, lesquels sont
compris parmi les exceptions. Enfin, les lignes 90-94 rappellent certaines
décisions et la ligne 95 est purement conjoncturelle.
Il est donc commode – et légitime – d’étudier l’organisation des terres
en suivant le schéma que suggère le document, à condition d’être attentif aux
pièges d’un texte prolixe et lacunaire. J’envisagerai donc les biens-fonds
introduits par la locution extra eum agrum locum, puis les sols groupés dans le
cadre du ceterum agrum locum.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 33

I. Les cas particuliers (extra eum agrum locum) :

Il s’agit de :
- la terre qui avait été attribuée à des colons par la lex Rubria et qui n’a pas
fait l’objet d’un échange (l. 79).
- la terre qui est à l’intérieur des frontières territoriales des sept peuples
libres demeurés dans l’amitié du peuple romain au cours de la IIIe guerre
punique (l. 79-80).
- la terre qui a été donnée et assignée aux transfuges des armées puniques
par décision du Sénat (l. 80).
- la terre qui a été privatisée par la présente loi et qui n’a pas fait l’objet d’un
échange (l. 80).
- la terre que le duovir, en application de la présente loi, a donné et assigné à
des stipendiaires, et qui a été portée sur le cadastre public (l. 80-81).
- la terre que Scipion Emilien a donné aux fils du roi Massinissa et dont il
leur a garanti la jouissance (l. 81).
- la terre où fut l’oppidum Charthago (l. 81).
- la terre que les commissaires, organisateurs de la province après la
conquête en vertu de la lex Livia, ont laissé ou ont assigné aux Uticéens.
(l. 81-début l. 82).

II. La terre publique non privatisée (ceterum agrum) (81-90)

I. Les cas particuliers


1. La terre des colons et des inscrits comme colons
Dès les lignes 44 et 45, il est question de la centurie et du subsécive qui
ont été donnés et assignés au colon ou à celui qui a été inscrit comme colon :
l. 44 EXTRA EVM AGRVM LOCVM, QVEI AGER LOCVS IN EA
CEN[turia supsiciuoue est, quei ex lege Rubria
l. 45 quae fuit, et ex lege Baebia, colono eiue, quei , in colonei numero scriptus est,
datus adsignatus est ….].

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


34 La terre

l. 44-45 « en dehors de cette terre et pièce de terre, laquelle terre et pièce de


terre est dans cette cen[turie et subsécive qui, en application de la loi Rubria,
abrogée, et de la loi Baebia, a été donnée et assignée au colon ou à celui qui a
été inscrit dans le registre du colon »].
L’expression « colonus isue quei in colonei numero scriptus est » revient
à maintes reprises par la suite. L’ager locus de ces personnes a son origine dans
les lots qui avaient été donnés et assignés dans le cadre de la loi Rubria,
désormais abrogée. La plupart des savants ont admis que cette terre avait été
concédée sous le régime du dominium ex iure quiritium, lequel aurait été
conservé quand les attributions étaient devenues individuelles. Récemment,
L. de Ligt a contesté cette interprétation, considérant que les lots étaient des
agri priuati uectigalesque6.
L’opinion courante a ses racines dans plusieurs données indépendantes
les unes des autres : le fait qu’on ait affaire originellement à une colonie ;
l’ordonnancement des premières lignes de la partie africaine de la loi agraire ;
l’emploi de la préposition extra pour introduire, à la ligne 44, ce qui a trait à la
centurie du colon ou de l’inscrit ; la locution datus adsignatus qui suggérerait
une concession de propriété quiritaire.
Ces données sont fragiles : la colonie de Carthage est une entité
énigmatique : c’est la première qui ait été créée outre-mer. Où l’a-t-elle été,
sachant que son sol avait été frappée d’un interdit religieux ? Qui bénificiait
des lots ? Pourquoi le nombre d’attributions fut-il supérieur à ce qu’autorisait
la lex Rubria ? Que signifient ces terrains de 200 jugères, correspondant en
valeur à la moitié de ce que sera le cens équestre sous le Haut-Empire ?
Étaient-ils inaliénables comme on le croit souvent, ou non, comme l’avance
L. de Ligt, ce dernier étant certainement dans le vrai, puisqu’on voit bien que
nombre d’entre eux avaient été vendus à titre privé ? Bref ! trop de choses
nous échappent pour établir une base de raisonnement solide à partir de la
notion de colonie, laquelle, qui plus est, avait été dissoute. Quant aux
premières lignes, elles ont dérouté la sagacité des chercheurs qui n’ont rien

6 L. de Ligt, « The problem of ager priuatus uectigalisque in the epigraphic Lex agraria »,
Epigraphica, LXIX (1-2), 2007, p. 87-98.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 35

proposé de cohérent jusqu’à l’essai de L. de Ligt. Faut-il faire la distinction


entre les agri priuati des colons, qui proviendraient des concessions coloniales
qui auraient été maintenues à titre individuel, et l’ager priuatus uectigalisque
des autres cas de figure : les lacunes sont telles qu’il est imprudent de se fonder
sur ces lignes ; d’autant plus que la préposition extra n’introduit pas une
concession de privilèges, mais simplement le fait qu’il s’agit d’un cas parti-
culier qui ne se résout pas au ceterum agrum locum indifférencié qui sera loué
au bénéfice du peuple romain. Car, si la centurie du colon est mise à part, la
terre des stipendiaires l’est tout autant :
extra]QVE EVM AGRVM LOCVM QVEM IIVIR EX H. L.
STIPENDIARIEIS DEDERIT ADSIGNAVERIT QVOD EIVS EX H. L. IN
<f>ORMAM PVBLICAM RELLATVM (l. 80),
tandis que la locution datus adsignatus est employée aussi pour ces mêmes
stipendiaires.
Est-il possible de prouver que les colons bénéficiaient d’agri priuati
exonérés de redevances ? Essayons de cerner les passages qui les concernent.
Les lignes 51-52 établissent une situation provisoire de ces terres :
QVEI AG[er locus in Africa est, quod eius agri locei queicumque ex lege Rubria
quae fuit,]
[habebit possidebit fruiturue cum IIuir ex h(ac) l(ege) creatus erit, is id habeat
poss]IDEAT FRVATVR ITEM, VTEI SEI IS AGER LOCVS PVBLI[ice
Romae uenditus erit, usque eo quoad is IIuir de unoquoque in summa
ioudicauerit].
« En ce qui concerne la terre et pièce de terre qui est dans l’Africa, pour
la part de cette terre qu’un individu en aurait ou posséderait et dont il jouirait
en vertu de la loi Rubria abrogée, au moment où le duovir aurait été créé par
la présente loi, que cet individu l’ait, la possède et en jouisse comme si cette
terre et pièce de terre [avait été vendue] publiquement [à Rome, jusqu’à ce
que le duovir prenne une décision définitive pour chacun] »

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


36 La terre

Il n’est question que de possession et d’usufruit. Il faut, à ce stade,


distinguer la partie conservée de la restitution : la première établit avec
certitude ce type de détention, mais cela peut être parce qu’on attend ainsi les
résultats de l’enquête :
l. 52 [….(128) … IIuir, quei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit …] IN BIDVO
PROXSVMO QVO FACTVS CREATVSVE ERIT, E<d>ICI<t>O … (57) …
l. 52 « [… (128) … que le duouir qui sera créé en vertu de la présente loi,] dans
les deux jours qui suivront la création, prenne un édit … (57) … »
l. 53 [… (170) … ex hoc edicto utei colonus isue quei in colonei numero scriptus
est, quoi ager locus de eo agro loco quei in Africa est, a IIIuiris coloniae
deducendae ex lege Rubria quae fuit, datus adsignatus erit, in diebus] XXV
PROXSVMEIS QVIBVS ID IN EDICTVM ERIT, PRO[inde … (128) … apud
IIuirum …. profiteatur quantum modum quoque loco possideret quodque eiusdem
agri locei ei a IIIuiris coloniae deducendae ex lege Rubria quae fuit, da]TVM
ADSIGNATVM SIET, IDQVE QVOM PROFITEBITVR, COGNITOR[em
dare ei liceat].
l. 53 « [… (170) … qu’aux termes de cet édit, le colon ou celui qui aura été
inscrit en tant que colon, auquel une terre et pièce de terre située en Afrique
aura été donnée et assignée par les triumvirs chargés de déduire la colonie en
vertu de la loi Rubria abrogée, dans les] 25 jours qui suivront cet édit, fasse
donc, [auprès du IIvir, une déclaration indiquant la superficie qu’il possède et
le lieu de sa situation, et la part de cette même terre ou pièce de terre qui] aura
été donnée et assignée [par les triumvirs en vertu de la loi Rubria abrogée] ; et
quand il aura déclaré cela, [qu’il soit permis de lui donner] un enquêteur ».
En revanche, la partie restituée des lignes 51-52 suppose que la
possession et la jouissance aient été prévues par la loi Rubria, tandis que la
restitution de la ligne 53 conjecture que la terre ait été donnée et assignée par
la même loi.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 37

Après enquête, celle-ci permettant de conclure que le bien correspond à


celui qui avait été octroyé dans le cadre colonial, la terre est assignée au colon
ou à l’inscrit :
l. 61-62 IIVIR QVEI [… (172) … ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, de eo agro
quem ex lege Rubria quae fuit a IIIuiris coloniae deducendae colono eiue quei in
colonei numero scriptus est, dari oportuit licuitue ut eorum ex iu]RE ROMA[no
siet, quod eius agri locei colono eiue quei in colonei numero scriptus est d]ATVS
AD[signatus fuerit quod eius agri non abalienatum quodque eius] AGRI EX
H(ac) L(ege) ADIOVDICARI LICEBIT, QVOD ITA COMPERIETVR, ID
EI HEREDEIVE EIVS ADSIGNAT{o}<um> ESSE IVDICATO [… (33) …].
l. 61-62 : […. (172) … En ce qui concerne la terre que les triumvirs avaient
l’ordre et la faculté de donner et assigner en vertu de la loi Rubria abrogée aux
colons ou aux inscrits comme colons de telle manière qu’elle leur appartienne]
selon le droit romain, [pour la part qui a été donnée et assignée à un colon ou
à un inscrit comme colon, pour la part, encore, qui n’aura pas fait l’objet d’une
vente, pour la part, enfin, que le duovir,] en vertu de la présente loi, a la
faculté d’adjuger ; pour tout ce qui est constaté être ainsi, que le duovir juge
que cela a été assigné au colon ou à son héritier [… (33) …].
Cette proposition a été construite de telle façon qu’elle conduit à
admettre que la donation-assignation du colon originel et de l’inscrit était un
transfert de propriété. L’adjudication est un acte qui sanctionne le fait que
l’enquête a conclus que la terre en question avait bien été donnée et assignée à
telle personne correspondant aux critères requis, et qu’elle n’avait pas été
vendue. Il n’y a aucun arbitraire en l’occurrence.
La terre privatisée (ager priuatus) devait-elle payer le vectigal (ager
priuatus uectigalisque) ? En fait, cela n’apparaît clairement que lorsque la terre
octroyée l’a été par un échange, cette terre appartenant clairement au
domaine public :
l. 65 [Quei item IIuir, sei is] AGER LOCVS EI EMPTVS FVERIT PVBLICE
VENIEIT, TANTVNDEM MODVM AGRI LOCI DE EO AGRO, QVEI

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


38 La terre

AGER LO[cus publicus populi Romani in Africa est … ei quei ita emptum
habuerit, eo loco agro quei Romae publice uenieit, commutato].
l. 65 [De même, si cette] terre et pièce de terre ainsi achetée avait été vendue
(d’autre part) publiquement à Rome, que le duovir donne à cet acheteur une
superficie équivalente de terre et pièce de terre prélevée sur la terre publique
du Peuple romain en Afrique.
l. 65 [Quoieique agrum locum de eo agro loco quei in Africa est … IIuir ita
reddiderit commutaueritue, is ager locus ab eo
l. 66 quoius in h(ac) l(ege)] FACTVS ERIT, HS N(ummo) I EMPTVS ESTO,
ISQVE AGER LOCVS PRIVATVS VECTIGALISQVE ITA [utei in h(ac)
l(ege) supra] SCRIPTVM EST, ESTO.
l. 65 [À celui auquel le duovir aura ainsi rendu ou échangé une terre et pièce
de terre prélevée sur le domaine public d’Afrique, que]
l. 66 cette terre et pièce de terre soit achetée un sesterce par celui que la
présente loi en a fait le propriétaire – et que cette terre et pièce de terre soit
privée et redevable du vectigal, ainsi qu’il a été écrit plus haut dans la présente
loi ».
Nous sommes donc renvoyés aux lignes 48-49, pour lesquelles
Mommsen avait transcrit le texte suivant :
…. q]VEI AGER LOCVS IN AFRICA EST, QVEI ROMAE PVBLICE [… (57)
…] // [… (173) …] EIVS ESTO, ISQVE AGER LOCVS PRIVATVS
VECTIGALISQVE V[…. (113) …]TVS ERIT, QVOD EIVS AGRI LOCEI
EXTRA TERRA ITALIA EST […. (57) …].
Il semble (mais que les lacunes sont longues !), que la terre privée et
vectigalienne soit en rapport avec celle qui a été vendue publiquement à
Rome. La proposition de L. de Ligt va dans le même sens7 :

7 L. de Ligt, « Studies in legal and agrarian history IV: Roman Africa in 111 B.C. »,
Mnemosyne, 54, 2, 2001, p. 215.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 39

l. 48 … q]VEI AGER LOCVS IN AFRICA EST, QVEI ROMAE PVBLICE


[uenierit, extra eum agrum locum, quei colonei] 49 [eiue quei in colonei numero
scriptei sunt, queiue agrum locum a mag. proue mag. Romano emerunt, ex h. l.
habebunt quemue eis ex h. l. reddi oportet oportebitue, quo eius agri locei
quoueique emptum e]R[it,] ESTO, ISQVE AGER LOCVS PRIVATVS
VECTIGALISQVE I[ta utei supra scriptum est, esto. Ager locus quei ex h. l.
priuatus fac]TVS ERIT, QVOD EIVS AGRI LOCEI EXTRA TERRA
ITALIA EST, [… (35) …].
Mais le savant considère implicitement l’exception comme purement
formelle puisque, à son avis, la terre du colon et de l’inscrit était aussi un ager
priuatus uectigalisque8. En opposition avec la plupart des érudits, il refuse qu’il
ait existé une terre privée franche qui serait celle des colons originels, et une
terre imposable qui serait celle des acheteurs. Alors que jusqu’ici, on pensait
que l’expression ager priuatus uectigalisque n’apparaissait qu’à la ligne 49 et
s’opposait aux dispositions des lignes précédentes, L. de Ligt, pour justifier
son point de vue, introduit la locution à la ligne 46 :
l. 45 [Quei ager locus in Africa est, quei Romae publice uenieit, extra] EVM
AGRVM LOCVM, QVEM EX H. L. COLONEI, EIVE QVEI IN COLONEI
NVMERO [scriptei sunt, habebunt, quemue eis ex h. l. reddi oportet]
OPORTEBITVE, QVOD EIVS AGRI LOCEI QVOIEIQVE EMPTVM EST,
[quod eius agri locei neque is neque heres]
l. 46 [eius postea abalienauit abalienaueritue … (35) …, eius heredisue eius esto
isque ager locus priuatus uectigalisque esto …].
L’auteur souligne, à mon avis judicieusement, que l’idée suivant laquelle
les assignations coloniales étaient inaliénables « is untenable ». La loi recèle
des exemples de ventes privées qui ne sont pas annulées. Il était donc possible
de vendre sa terre, à moins que le lot colonial ait été inaliénable, tandis que la
même propriété, devenant une assignation individuelle, ait pu être vendue.
Mais rien dans le texte ne permet d’admettre une telle évolution.

8 Id., « The problem of ager privatus vectigalisque », op. cit., p. 87-98.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


40 La terre

Dans les deux cas, L. de Ligt applique les mêmes dispositions,


introduisant simplement dans les lignes 45-46 le cas de l’héritage. Il est peut-
être dans le vrai, mais la restitution qu’il propose ne me paraît pas décisive. Je
ne puis me faire une idée définitive sur le fait que les colons et inscrits (ou
leurs héritiers) aient dû payer le vectigal ou non quand je lis l’ensemble de la
partie africaine de la loi. Aussi ai-je opté pour la théorie classique et recons-
truit le texte pour me conformer à ce choix. En revanche, je considérerai que
la terre du colon et de l’inscrit constitue in fine une propriété et non une
possession.
Il reste à examiner l’expression IN EA CENTVRIA SVPSICIVOV[e.
Il est clair que le subsecive est ici un élément compris à l’intérieur de la
centurie, comme c’est le cas dans les saltus impériaux du Bagrada, et non les
sections de terre ajoutés à une centurie qui sont attestés dans les écrits
d’arpentage. La loi, en effet, indique qu’un lot colonial ne pouvait pas dépasser
200 jugères, ce qui était la superficie de la centurie de la lex Rubria :
l. 60 NEIVE VNIVS HOMINVS [nomine, cum IIIuir coloniae deducendae ex
lege Rubria quae fuit … (106) …] COLONO [eiue quei in colonei nu]MERO
SCRIPTVS EST AGRVM QVEI IN AFRICA EST, AGRVM DARE
OPORT{EB}<u>IT9 LICVITVE, AMPLIVS CC IVG(era) [… data
adsignata] FVISE IVDICATO.
l. 60 « Il devra juger qu’aucune] superficie supérieure à 200 jugères n’[a été
donnée et assignée au nom] d’un seul individu, [au moment où le triumvir
fondateur de la colonie en vertu de la loi Rubria abrogée,] a eu ordre et licence
de donner [au colon ou] à l’inscrit [comme colon] la terre située en Afrique
(… 38 ….) ».

9 Lintott (p. 192, p. 247) écrit « oportebit ». Mais la correction « oportuit » est nécessaire à
cause de « licuitue » (comme Huschke, Mommsen et Johannsen l’ont proposée). Le savant a
d’ailleurs fait implicitement la correction en traduisant : « it was right and legitimate to give
land in Africa » (« legitimate » ne me paraît pas correspondre tout à fait à licuit, qui est plutôt
du domaine de la permission, de l’autorisation).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 41

2. Les peuples libres


J’ai abordé leur cas plus haut à propos des privilèges dont ils
bénéficiaient.
Il reste que la confusion que la loi essaie de résoudre a pu atteindre les
peuples libres. S’agit-il d’abus de pouvoir ? Quelles étaient les terres concer-
nées ? Étaient-ce celles qui avaient été concédées par Rome ? Mais dans ce cas,
il n’aurait été question que d’Utique, qui apparaît seule dans ce cas sur
l’inscription. Avait-on empiété sur les terres ancestrales des peuples libres ? Il
semble que tel ait été le cas et que le duovir ait été autorisé, dans certains cas,
de laisser ces terres indûment saisies et vendues aux citoyens romains qui les
avaient achetées, quitte à donner en compensation aux peuples libres des
terres prélevées sur le sol conquis :
l. 75-77 …. [IIvir, quei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, in diebus (…)
proxsumeis quibus factus creatusue erit, quem agrum locum ceivis Romanus
emerit de eo agro loco que]I AGER LOCVS IN AFRICA EST QVEI ROMAE
PVBLICE VENIEI<t> VENIERITVE, QVOD EIVS AGRI [loci …. popul]EIS
LIBEREIS <quei> IN AFRICA SVNT QVEI <e>ORVM IN AMEICITIAM
POPVLI ROMANEI BELLO POINICIO PROXSVMO MANSERVNT,
QUEIVE A[d imperatorem populi Romanei ex hostibus perfugerunt, erit, ei ceivi
Romano aut adiudicari aut dare reddiri commutareue liceto.
Quantum modum eius agri locei ei ceiui Romano, pro eo agro loco
tantumdem modum de eo agro quei publicus populi Romanei in Africa est, quod
eius publice non uenieit, IIvir commutato.
IIvir, quei ex h.l. factus creatusue erit, in diebus (…) proxsumeis qu]IBVS
IIVIR EX H. [l. fact]VS CREATVSVE ERIT, FACITO <utei> QVANTVM
AGRI LOCI QVOIVSQVE IN POPVLI LIBEREI <agro loco > INVE EO
AGR[o loco quei ager lo]CVS PERFVGEIS DATVS ADSIGNATVSVE EST,
CEIVIS ROMANEI EX H. L. FACTVM ERIT, QVO PRO AGRO LOCO
AGER LOC[us ceiui ro]MANO EX H. L. [commutatus non erit, tantundem
agri loci de eo agro loco quei ager locus publicus populi Romanei in Africa est,
quod eius publice non venieit, pro eo agro loco quei ceiuis Romanei factus erit,
quoeique populo libero perfugaeue… assignet].

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


42 La terre

l. 75-77 …. « (A) Le duovir, qui, de par cette loi, aura été fait et créé, dans les
(..) jours qui suivront sa création, aura la faculté d’adjuger au citoyen romain
qui l’aura achetée la terre de la terre publique d’Afrique vendue publiquement
à Rome, ou d’en faire une commutation, (dans le cas où) cette terre se
trouverait être le bien, soit d’un des peuples libres d’Afrique demeurés amis du
Peuple romain au cours de la guerre punique, soit de l’un de ceux qui ont
passé de l’ennemi au commandant en chef de l’armée du peuple romain.
(B) Le duovir devra donner au titre d’échange au citoyen romain une
superficie prélevée sur la terre publique d’Afrique non vendue à Rome, égale à
celle qu’il ne lui aurait pas été adjugée.
(C) Le duovir, dans les (..) jours qui suivront sa création, devra faire en
sorte de donner en échange à chaque peuple libre ou à chaque rallié, par
prélévement sur la terre publique d’Afrique non vendue à Rome, une
superficie égale à celle qui aurait été faite sienne à un citoyen romain en vertu
de la présente loi, au détriment de la terre donnée à chaque peuple libre ou à
chaque rallié, superficie pour laquelle le citoyen romain n’aurait pas reçu un
autre terrain en échange ».
Mommsen admettait que les peuples libres aient pu louer des terres
romaines. Je le pense aussi. Des citoyens de ces cités pouvaient aussi, à mon
avis, les prendre en location à titre individuel. Je reviendrai sur ces points dans
la dernière partie.

3) Les perfugae
La proposition de restitution qui a été faite ci-dessus admet que les
perfugae aient eu les mêmes droits que les peuples libres. Elle intérine le choix
des érudits. Charles Saumagne avait proposé la restitution suivante : « QVOD
EIVS AGRI [loci est popul]EIS LIBEREIS (quei) IN AFRICA SVNT : a) QVEI
EORVM <populorum> IN AMEICITIAM POPVLI ROMANO BELLO
PVNICO PROXSVMO MANSERVNT, b) QVEIVE (eorum populorum)
A[d imperatorem etc … perfugerunt ». Elle aurait, certes, l’avantage de rendre
compte de certaines villes libres de la liste de Pline10, mais elle se heurte au

10 Ch. Saumagne, « Le Byzacium protoromain », p. 57.

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Jean PEYRAS 43

texte conservé de la ligne 85 : [... (285) … quei ager] LOCVS POPVLORVM


LIBERORVM PERFVGARVM NON FVERIT, PRO EO AGRO
AEDI<f>{e}ICIO LOCOQVE E. L. DICTA, dans laquelle perfugarum est le
second élément d’un asyndète.

4) Liberei Massinissae
Les fils de Massinissa reçurent de Scipion Emilien des terres qui
demeurèrent dans le domaine public de Rome.
l. 81 […. Extraque eum agrum locum quem P. Cornelius imperator lib]EREIS
REGIS MASSINISSAE DEDIT HABERE FRVIVE IVSI<t>.
l. « [… Et en dehors de la terre et pièce de terre que Publius Cornelius,
commandant en chef, a donné aux fi]ls de Massinissa ; il a ordonné de l’avoir
et d’en jouir ».

5) La terre qui, privatisée par la présente loi, n’a pas été échangée
Le texte s’étend longuement sur ce cas : concession des vectigals,
détention de terres vendues qui n’auraient dû l’être puisqu’elles étaient dans le
patrimoine des peuples libres ou qu’elles avaient été assignées aux
stipendiaires, etc. Mais cela ne change pas le principe entériné par le légis-
lateur : cette terre est privée et doit régler le vectigal :
l. 45 … ager locus eo agro loco quei Romae publice uenieit, extra] EVM AGRVM
LOCVM, QVEM EX H. L. COLONEI, EIVE QVEI IN COLONEI
NVMERO [scriptei sunt, habebunt, ex h. l. opportet] OPORTEBITVE, QVOD
EIVS AGRI LOCEI QVOIEIQVE EMPTVM EST,
l. 46 [, … (35) … ager locus privatus vectigalisque esto .. (85) ..].
l. 45 Que la terre et pièce de terre qui est vendue à Rome publiquement à
partir de cette terre et pièce de terre, en dehors de [cette terre et pièce de
terre, que, d’après cette loi, les colons, ou ceux qui ont été inscrits dans le rôle
du colon, en application de cette loi, détiennent, il faut] ou il faudra que cette
terre et pièce de terre, quelle que soit la personne par laquelle elle a été achetée,
l. 46 … (35), soit une terre et pièce de terre privée et redevable du vectigal ».

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


44 La terre

6) La terre assignée aux stipendiaires


Cette terre a été assignée aux vaincus dont les cités ont été juridique-
ment dissoutes. Le stipendium est un impôt que paie directement à l’État
l’individu qui s’est vu octroyer par le vainqueur une terre dont il avait pu être
auparavant propriétaire :
l. 80 [extra]QVE EVM AGRVM LOCVM QVEM IIVIR EX H. L.
STIPENDIARIEIS DEDIRIT ADSIGNAVERIT QVOD EIVS EX H. L. IN
<f>ORMAM PVBLICAM RELLATVM [erit].
l. 80 « [En dehors de] cette terre et pièce de terre que le duovir de par cette loi
donnera et assignera aux stipendiaires, laquelle, de par cette loi, aura été porté
sur le cadastre public ».

7) La terre où fut la cité de Carthage


Le nom de la cité détruite apparaît deux fois :
l. 81 : EXTRAQVE EVM AGRVM LOCVM VBEI OPPODVM CHAR[thago]
fuit qu[ondam …].
l. 81 « Mis à part cette terre et lieu où fut naguère l’oppidum de Carthage ».
l. 89-90 : QVEI [ager in Africa est, quae uiae publicae itineraque publica in
eo] AGRO, ANTEQVAM CARTHAGO CAPTA EST, FVERVNT, EAE /
OMNES PVBLICAE SVNTO LIMITESQVE INTER CENTVRIA[s publicos
esto …].
l. 89-90 « En ce qui concerne la terre qui est en Afrique, les terres publiques et
les chemins publics qui existaient avant la prise de Carthage, qu’ils soient tous
publics et que les limites qui sont entre les centuries soient publics ».
On lit couramment qu’il est question des routes qui étaient proches de
Carthage. En réalité, l’indication a un sens plus large : il est question de
l’Africa. La restitution que je propose repose sur le fait que l’inscription traite
des voies publiques : or, les limites qui étaient à l’origine des centuries et qui

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 45

les bordaient demeuraient publics malgré la privatisation des centuries, dans


le cadre du principe « iter populo debetur ».
Citée seule à la ligne 89, Carthago est précédée du substantif oppodum à
la ligne 81. Ce mot est considéré par les érudits comme désignant la partie
urbaine de Carthage, cette même ville où fut ensuite fondée la colonia Iulia,
tandis que la zone rurale aurait débuté à la limite des anciennes murailles11.
Caius Gracchus aurait négligé l’interdit en empiétant sur l’ancien secteur
urbain : οἰ δὲ τῇ ἀποικίᾳ τὴν πόλιν διέγραφον, ἒνθα ποτὲ ἧν ἡ Καρχηδονίων ….12
« Gracchus et Fulvius tracèrent l’enceinte de la ville destinée à la colonie sur
le même terrain qu’était autrefois Carthage … »13. Des habitats auraient
subsisté après la dissolution de la colonie, et les résidents auraient envoyé une
ambassade à Mithridate14.
Le quasi-consensus du monde savant me paraît reposer sur des
éléments très fragiles : oppodum n’a pas nécessairement un sens aussi
restreint : qu’on ait créé une ville orientée différemment et suivant des
principes autres que celui des centuries dans l’ancienne ville ne signifie pas
que seul cet espace ait été maudit en 146. « La centuriation rurale »
commençait-elle à cette époque à la limite de la nouvelle ville ? On n’en sait
rien, aucun relevé chronologique n’ayant jamais été réalisé dans le secteur
rural qui aurait pu nous renseigner sur la date d’implantation des centuries.
Or, dans ce secteur, on procédait à des allotissements encore vers 400, comme

11 Ch. Saumagne, « Le plan de la colonie gracchane de Carthage », B.A.C. 1928-1929,


p. 648-664 = Études d’histoire sociale et politique relative à la province romaine d’Afrique, Les
Cahiers de Tunisie, t. X, 1962, p. 473-487 ; E. Wightman, in J. G. Pedley (ed.), « New Light on
Ancient Carthage (Ann Arbor, 1980), p. 29-46. Sur l’ensemble de la question, cf. la synthèse de
J.-M. Lassère, Vbique populus. Peuplement et mouvements de population dans l’Afrique romaine
de la chute de Carthage à la fin de la dynastie des Sévères (146 a. C. – 235 p. C.), 1977, p. 103-114.
12 Appian, Roman History, III, with an English Translation by Horace White, Cambridge
(Mass.), 1995, p. 48
13 Appien, Les guerres civiles à Rome, I, trad. J.-I. Combes-Dounous, revue et annotée par
C. Voisin, introduction et bibliographie par Ph. Torrens, Paris, 1993, p. 58.
14 C. Nicolet, « Mithridate et les « ambassadeurs de Carthage » », Mél. Piganiol, 1966, II,
p. 813.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


46 La terre

nous l’apprennent les géomètres Faustus et Valerius15. Quant à l’inscription


du triumvir Papirius Carbo, elle n’est pas un solide cippe gracchien16 qui
pourrait faire penser à un monument in situ, mais une mince plaque de
marbre qui a pu être amenée de n’importe quel lieu17. Et je ne pense pas qu’il
soit possible de retenir la possibilité que des habitants de Carthage aient
envoyé une ambassade au roi : quelles capacités politiques avaient-ils de le
faire, alors même que la conjecture s’appuie sur une restitution hypothétique
d’un passage disparu, et qu’il existe en Espagne une autre « Carthage »,
laquelle existait réellement ? Quant à la fondation de la colonia Iulia, ce qui en
subsiste sur le terrain, à savoir le lotissement urbain aménagé suivant le
système des scamna (qui n’est pas du domaine augural)18, correspond à la
création d’un système régulier de rues et d’insulae. La centuriation rurale, liée
au cadastre et à l’imposition foncière, n’avait aucune raison d’être modifiée.
Reste la phrase d’Appien, qui est, quant à elle, d’une indubitable clarté.
Est-ce à dire qu’elle établit la vérité ? C’est douteux, quand on lit la suite : « Ils
n’eurent, en effet, aucun égard à ce que Scipion, lorsqu’il l’avait ruinée, en

15 J. Peyras, Arpentage et administration publique à la fin de l’Antiquité. Les écrits des hauts
fonctionnaires équestres, textes établis, traduits et annotés par J. Peyras, Besançon, 2008, p. 4,
37-39 : Dum per Africam assignaremus, circa Chartaginem in aliquibus locis terminos rariores
constituimus, ut inter se habeant pedes II(∞)CCCC. In limitibus uero, ubi rariores terminos
constituimus, monticellos plantauimus de terra, quos botontinos appellauimus. Et intra, ipsis,
carbones et cin<i>s et testa tusa cooperuimus.
« Pendant que nous effectuions des assignations dans l’Africa, autour de Carthage, en certains
lieux, nous avons placé des bornes plus rares, pour qu’elles aient entre elles 2400 pieds. Et sur les
limites, là où nous avons placé des bornes plus rares, nous avons mis en place des talus que nous
avons appelés « botontini ». Et, en même temps qu’eux, à l’intérieur, nous avons tout
recouvert : charbons, cendre et brique pilée ».
16 J. Carcopino, Autour des Gracques, études critiques, Paris, 1967, 2e éd., revue, corrigée,
augmentée, p. 257.
17 « Fragment de plaque de marbre blanc épaisse de 0,04 m » (P. Delattre, Bulletin
épigraphique de la Gaule, VI, 1886, p. 389 ; CIL VIII, 12535).
18 Frontin, L’œuvre gromatique, Corpus Agrimensorum Romanorum IV Iulius Frontinus, texte
traduit par O. Behrends et alii, Luxembourg, 1998, p. 3 et 73-74 ; Les arpenteurs romains I, Hygin
le gromatique, Frontin, texte établi et traduit par Jean-Yves Guillaumin, Paris, 2005, p. 121, 212-
214 et pp. 148, 216.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 47

avait fait une terre maudite, condamnée à ne plus servir que de pâturage »19.
Peut-on croire qu’Appien parle du site urbain ? C’est le territoire de la cité qui
est en cause ici. « Ils la disposèrent pour 6000 colons, au lieu du moindre
nombre réglé par la loi … » Croira-t-on que les fondateurs aient créé à la date
dite une ville où pouvaient loger 6000 colons accompagnés de leur famille, en
un lieu encombré par les ruines d’une métropole de grande dimension ? En
fait, les colons devaient s’installer sur leurs propriétés, dans la campagne, la
ville devant dans un premier temps constituer un noyau urbain modeste,
comme ce fut le cas un peu partout. Continuons : « Cependant les commis-
saires qui avaient été chargés dans la Libye de continuer la circonscription de
la ville, ayant donné pour nouvelle que des loups avaient arraché et dispersé
les jalons plantés par Gracchus et Fulvius20, les augures consultés répondirent
que la colonie était placée sous de funestes auspices ». Là, c’est carrément un
complot et une trahison. Je renverrai simplement à ce qu’a écrit à ce sujet
Carcopino. La source à laquelle Appien a eu recours relève de l’intoxication et
a pour but d’éliminer les fondateurs : le tracé de la colonie, l’installation de
6000 colons dans la ville, l’intervention des loups agents de la colère divine,
laquelle est, bien sûr, confirmée par les augures, conduisant à la décision du
Sénat.
Nous avons, en fait, la possibilité de connaître quel espace carthaginois
était concerné par l’interdit religieux.
Les Saturnaliorum libri VII d’Aurelius Ambrosius Macrobius
Theodosius furent rédigés au début du Ve siècle21. Le passage qui concerne la
deuotio est le suivant (III, IX, 9-16) :
9. Urbes uero exercitusque sic deuouentur iam numinibus euocatis, sed dictatores
imperatoresque soli possunt deuouere his uerbis : 10. « Dis Pater, Vediouis,

19 Appien, op. cit., p. 58.


20 Les modernes sont parfois entrés dans le jeu. C’est ainsi qu’on lit dans la traduction de
l’ouvrage d’Appien, p. 178, n. 25 : « Les loups étant inconnus en Afrique, il s’agit probablement
de chacals ou d’hyènes ». Et bien non, il ne s’agit ni de loups, ni de chacals, ni d’hyènes. Il s’agit
d’une affaire montée de toutes pièces pour se débarrasser de la colonie et de ses fondateurs.
21 Macrobius, Saturnalia, ed. Iacobus Willis, Teubner, Leipzig, 1963.

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48 La terre

Manes, siue quo alio nomine fas est nominare, ut omnes illa urbem Carthaginem
exercitumque quem ego me sentio dicere fuga, formidine, terrore compleatis,
quique aduersum legiones exercitumque nostrum arma telaque ferent, uti uos
eum exercitum, eos hostes eosque homines, urbes agrosque eorum, et qui in his
locis regionibusque, agris urbibusue habitant abducatis, lumine supero priuetis,
exercitumque hostium, urbes agrosque eorum quos me sentio dicere, ut uos eas
urbes agrosque, capita, aetatesque eorum deuotas consecratasque habeatis ollis
legibus quibus quandoque sunt maxime hostes deuoti ; 11. eosque ego uicarios
pro me, fide, magistratuque meo, pro Populo Romano, exercitibus legionibus
nostris do, deuoueo, ut me meamque fidem imperiumque, legiones exercitumque
nostrum, qui in his rebus gerundis sunt, bene saluis siritis esse. Si haec ita faxitis
ut ego sciam, sentiam intellegamque, tunc quisquius hoc uotum faxit, ubi faxit,
recte factum esto ouibus atris tribus. Tellus Mater, teque Iuppiter, obtestor ».
12. Cum Tellurem dicit, manibus terram tangit ; cum Iouem dicit, manus ad
caelum tollit ; cum uotum recipere dicit, manibus pectus tangit.
9. « Quant aux villes et aux armées, voici la formule par laquelle on procède à
la deuotio, une fois que les dieux ont accepté l’euocatio, mais seuls les dicta-
teurs et les généraux en chef peuvent employer cette formule. 10. « Vénérable
Dis, Vediovis, dieux Mânes, quel que soit le nom qu’il est permis de vous
donner, répandez la fuite, la panique et la terreur sur tous les ennemis, cette
ville de Carthage et l’armée dont je veux parler, et ceux qui, contre nos légions
et notre armée, porteront armes et traits ; cette armée, ces ennemis et ces
hommes, leurs villes et leurs champs, ainsi que ceux qui habitent dans ces
lieux, ces régions, ces champs, ces villes, emportez-les et privez-les de la
lumière du ciel ; l’armée des ennemis, les villes et les champs de ceux dont je
veux parler, prenez-en possession comme étant dévoués et consacrés à vous
conformément aux règles selon lesquelles précisément un jour les ennemis de
Rome ont été dévoués. 11. Ces ennemis, en lieu et place de ma personne, de
ma loyauté et de ma magistrature, en lieu et place du peuple romain, de nos
armées et de nos légions, je les offre et je les dévoue, afin que vous mainteniez
sains et saufs ma personne, ma loyauté et mon pouvoir, nos légions et notre
armée, qui sont engagées dans l’accomplissement de ces opérations. Si vous
faites en sorte que je sache, réalise et comprenne ces choses, alors, quelle que

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 49

soit la personne qui fera ce vœu, où qu’elle le fasse, que l’accomplissement soit
conforme avec trois brebis noires. Je vous prends à témoin, toi, Tellus mère, et
toi, Jupiter ». 12. En nommant Tellus, il touche la terre de ses mains ; en
nommant Jupiter, il lève les mains au ciel ; en disant assumer le vœu, il touche
la poitrine de ses mains »22.
C’est la formule appliquée à Carthage qui a été conservée, bien que le
texte nommât six autres villes (III, IX, 13) et que la métropole punique n’ait
pas été chronologiquement la première cité qui fût dévouée. C’est cer-
tainement Scipion Emilien, en tant que commandant en chef de l’armée
assiégeante, qui prononça la formule de deuotio. Il est clair que, par les
propositions : eos hostes eosque homines, urbes agrosque eorum, et qui in his locis
regionibusque, agris urbibusue habitant abducatis, l’interdit touche tous les
espaces civiques. Ce n’était pas uniquement la ville de Carthage qui était
concernée, mais tout ce qui constituait la cité.
Que le mot oppodum ait désigné aussi bien la ville que la campagne,
nous le savons par la loi agraire même. Nous lisons, en effet, à la ligne 5 :
[… (85) … quod eius quisq]VE AGRI LOCEI PVBLICEI IN TERRA ITALIA,
QVOD EIVS EXTRA VRBEM ROMA<m> EST, QVOD EIVS IN VRBE
OPPIDO VICO EST, QVOD EIVS IIIVIR DEDIT ADSIGNAVIT, QVOD
[… (245) …]23.
« [… (85) … quelle que soit la partie de cette terre publique en Italie, du fait
qu’elle est en dehors de la ville de Rome, partie qui est dans une ville, un
oppidum, un village, qu’un triumvir a donné ou assigné, … [… (245) …] ».
Toute cette partie de cette terre publique, donnée et assignée par un
triumvir, qui se trouve en Italie, qui est dans une ville, oppidum ou uicus en
dehors de Rome, ne saurait être située entre les murs d’une agglomération.
Oppidum désigne donc une entité civique qui inclut la campagne. Notons

22 Macrobe, Les Saturnales, livres I-III, Introduction, traduction et notes par Ch. Guittard,
Paris, 2004, p. 219.
23 Lintott, op. cit., p. 176.

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50 La terre

d’ailleurs que le mot Vrbs lui-même ne revêt pas l’acception étroite d’un
espace urbain. L’Vrbs Roma, c’est une totalité urbaine et rurale, avec ses uici et
ses pagi, ces deux mots désignant les habitats à partir desquels les citoyens
doivent pouvoir se rendre sur le forum de Rome pour voter.
Un autre élément, si besoin était, pourrait être versé au dossier : quand
il est question de l’allotissement dans le cadre de la colonia Iunonia, il s’agit
toujours d’assigner une centurie de 200 jugères au colon. La loi rappelle cette
disposition implicitement, quand elle interdit la détention d’une surface plus
importante :
l. 60 NEIVE VNIVS HOMINVS [nomine, cum IIIuir coloniae deducendae ex
lege Rubria quae fuit … (106) … colono eiue quei in colonei numero] SCRIPTVS
EST AGRVM QVEI IN AFRICA EST, DARE OPORTVIT LICVITVE,
AMPLIVS IVG(era) CC [… data adsignata fuise iudicato].
l. 60 : « [Il devra juger qu’aucune superficie supérieure à 200 jugères n’[a été
donnée et assignée au nom] d’un seul individu, [au moment où le triumvir
déducteur de la colonie en vertu de la loi Rubria abrogée,] a eu ordre et licence
de donner [au colon ou] à l’inscrit [comme colon] la terre située en Afrique ».
Il est donc exclu qu’on ait affaire à une déduction qui se serait déroulée
dans l’ancien site urbain de Carthage. « Les bornes arrachées par les loups »
étaient, dans l’esprit des gens, les bornes des limites qui déterminaient les
centuries dans la campagne.
Un autre point doit être souligné : l’idée suivant laquelle la groma de la
colonia Iunonia aurait été placée à la limite de la zone maudite, c’est-à-dire à la
limite des murs de la Carthage punique, n’est pas acceptable. Une groma
détermine un templum qui régit les quatre points cardinaux et un cercle sacré,
tous favorables. Ils ne sauraient être immédiatement limités par un espace
voué aux divinités chthoniennes.
Nous ne savons rien, en réalité, du lieu où la ville de la colonie aurait été
érigée. Comme à Emerita, ce qui comptait au départ, c’était de doter les
colons de terres ; comme à Emerita, ces terres pouvaient être situées loin d’un

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 51

futur centre urbain24. Barthel était certainement dans le vrai quand il avançait
que le territoire de la colonie atteignait les limites de la province25. Ce fut
d’ailleurs le cas pour la colonia Iulia. Il faut certainement se souvenir que le
Sénat avait ordonné aux Carthaginois de s’établir à 80 stades de la mer26, que
des cités comme Tunis, attestées en 201, avaient disparu, qu’il était possible
de nommer colonia Iunonia Carthago une fondation se situant dans un secteur
qui avait été contrôlé par Carthage d’une manière ou d’une autre. Le Sénat
avait exigé que la nouvelle ville fût éloignée de la mer de 80 stades, non qu’elle
changeât de nom. Et il faut conserver à l’esprit que la fondation de Carthage,
telle qu’elle nous est rapportée par les auteurs latins et grecs, était rurale. La
ville aurait été érigée plus tard. Elle n’eut pas le temps de l’être.

8) Les Italiens
La terre détenue par des Italiens est considérée par rapport à la terre
envisagée dans les cas 1 à 6. Ces Italiens sont des militaires des troupes
d’occupation. Cela ressort clairement de la ligne 50 :
[… (140) … socium nominisue Latini quibus ex formula t]OGATORVM
MILITES IN TERRA ITALIA INPERARE SOLENT, EIS PO[… (115) …].
[« … (140) … des alliés et du nom Latin auxquels, en application du traité
d’alliance, ils ont coutume d’exiger des soldats dans la terre d’Italie, à ceux-ci
..[… (115 …] ».
Ces militaires avaient acheté des terres aux bénéficiaires de la lex
Rubria, colons de la colonie :
l. 54 [… (174) item, ex hoc edicto, utei is quei a colono eoue quei in colonei
numero scriptus est agrum locum emerit, in iisdem diebus apud IIuirum …
profitetur quid eius agri locei quoius pri]MVM EMPTOR SIET AB EO

24 R. Étienne, « À propos du territoire d’Emerita Augusta (Mérida), Cité et territoire I,


Béziers, Colloque européen 14-16 octobre 1994, M. Clavel-Lévêque et R. Plana-Mallart éd.,
Besançon-Paris, 1995, p. 29-32.
25 W. Barthel, « Römische Limitation in der Provinz Africa », BJ, XXX, 1911, p. 77.
26 Jean Zonaras, Histoire romaine, IX, 26-27 et 29-30.

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52 La terre

QVOIVS HOMIN[is … (128) priuati eius agri locei uenditio siet - item, ex hoc
edicto, utei emptor profiteatur … sei uenditio agri loci ante kalendas
I(anuarias ?)… M. Liuio] L. CALPVRNI<o> COS FACTA SIET, QVOD
EIVS POSTEA [ne]QVE IPSE NEQVE
l. 55 [heres eius uenditionem facere licuit … ; seiue emptio ab eo socium
nominisue Latini ab eoue quei] PRAEFECTVS MILESVE IN PROVINCIAM
ER[it .. (120) … facta siet].
l. 54 […. (174) … De même, aux termes de cet édit, que celui qui aura acheté à
un colon ou à un inscrit comme colon fasse, dans le même délai, auprès du
duovir, la déclaration de la quantité de terre et pièce de terre dont] il aura été
acheteur de première main (pour l’avoir achetée) de celui de qui [la vente aura
été faite à titre privé : – de même, qu’aux termes de cet édit, l’acheteur déclare
si la vente de la terre et pièce de terre a été faite avant les calendes du mois de
janvier (?), M(arcus) Liuius ] et L(ucius) Calpurnius étant consuls27, attendu
qu’après cette date, ni le colon lui-même, ni
l. 55 [son héritier, n’ont eu licence de l’accomplir ; … (qu’il déclare encore) si
l’achat a été réalisé par un allié ou par un Latin ou par quelqu’un qui] aurait
été préfet ou soldat dans la province].
Il s’agit d’un achat privé. Il y eut donc transmission de la possessio,
conformément au droit romain28.
Dans le cas où la vente a été faite à un militaire italien, la donation-
assignation ne peut pas être consentie à l’acheteur. L’Italien se verra attribuer
un terrain pris sur le domaine public. Il le paiera un sesterce, prix symbolique
qui lui permettra de détenir une terre privée et vectigalienne :
l. 65 [Quoi eo sociorum Latinorumue quei agrum locum de eo agro loco quei
colono eiue quei in colonei numero scriptus est ex lege Rubria quae fuit datus erit,
emit emeritue, eiue quei de agro loco post kalend. I(anuarias), M(arco) L(iuio)

27 643 A.V.C. = 111 avant J.-C.


28 Digeste, 19, 1, 30, 1 (Africanus) ; A.-E. Giffard, avec la collaboration de R. Villers, Droit
romain et ancien droit français (obligations), Paris, 1967, 2e éd., p. 55-56.

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Jean PEYRAS 53

L(ucio) Calpurnio co(n)s(ulibus), ab eo , quoius agri loci uenditio hominis


priuati uenditio fuerit, emptor erit ; quod ita emptum fuisse planum factum erit,
IIuir id ei procuratoriue heredeiue eius re]DDITO QVOD IS EMPTVM
HABVERIT, QVOD EIVS PVBLICE NON VENIE<t>.
l. 65 À l’allié ou au Latin qui aurait acquis une terre et pièce de terre donnée
au colon en vertu de la loi Rubria abrogée ; ou à celui qui, après les calendes de
janvier (?) sous les consulats de Marcus Livius et de Lucius Calpurnius, aurait
acheté de celui qui lui aurait vendu à titre d’homme privé : pour la partie de
cela qui aurait été constatée dans ces situations, que le duovir] fasse [à celui-
là, ou à son procurateur ou à son héritier], une restitution de ce qu’il aurait
acheté pour la part qui n’aurait pas fait l’objet d’une vente publique.
l. 65 [Quei item IIuir, sei is] AGER LOCVS EI EMPTVS FVERIT PVBLICE
VENIEIT, TANTVNDEM MODVM AGRI LOCI DE EO AGRO, QVEI
AGER LO[cus publicus populi Romani in Africa est … ei quei ita emptum
habuerit, eo loco agro quei Romae publice uenieit, commutato].
l. 65 De même, si cette] terre et pièce de terre ainsi achetée avait été vendue
(d’autre part) publiquement à Rome, que le duovir donne à cet acheteur une
superficie équivalente de terre et pièce de terre prélevée sur la terre publique
du Peuple Romain en Afrique.
l. 65 [Quoieique agrum locum de eo agro loco quei in Africa est … IIuir ita
reddiderit commutaueritue, is ager locus ab eo
l. 66 quoius in h(ac) l(ege) f]ACTVS ERIT, HS N(ummo) I EMPTVS ESTO,
ISQVE AGER LOCVS PRIVATVS VECTIGALISQVE ITA [utei in h(ac)
l(ege) supra] scriptum est, esto.
l. 65 « [À celui auquel le duovir aura ainsi rendu ou échangé une terre et pièce
de terre prélevée sur le domaine public d’Afrique, que]
l. 66 cette terre et pièce de terre soit achetée un sesterce par celui que cette
présente loi en a fait le propriétaire – et que cette terre et pièce de terre soit
privée et redevable du vectigal, ainsi qu’il a été écrit plus haut dans la présente
loi ».

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


54 La terre

Il y eut donc une attitude discriminatoire envers les Italiens qui


n’avaient pas la citoyenneté romaine. En revanche, l’acheteur doté de la cité se
voit donner et assigner la terre qu’il a acheté au colon :
l. 64 [eo agro quem is qui em]IT PLANVM ET FECERITVE EMPTVM ESSE
[quod eius agri loceineque ipse] NEQVE HERES EIVS NEQVE QVOI IS
HERES ERIT ABALIENAVERIT, QVOD EIVS AGRI LOCI ITA PLANVM
FACTVM ERIT, IIVIR ITA
l. 65 [iudicato utei is ager locus ei quei ita emerit datum adsignatum siet].
l. 64-65 [-Cette terre que] l’acheteur démontrerait ou aurait démontré qu’il l’a
achetée, [pour la part de cette terre que n’aurait aliénée ni lui-même] ni son
héritier ni celui qui serait l’héritier de ce dernier, pour la part qui serait
démontrée être bien dans cette situation, que le duovir juge [de telle sorte que
cette terre et pièce de terre soit (réputée) donnée et assignée à cet acheteur].

II. La terre publique en location


Nous avons jusqu’ici envisagé le statut des terres en mettant en scène
des cas particuliers. La locution « Quei ager locus in Africa est » était en
quelque sorte interrompue par un cas d’exception : extra eum agrum locum,
qui concernait les colons, les alliés de Rome, les vaincus soumis au stipendium,
l’oppodum Chartago. Ayant envisagé les différentes données et solutions
(déclarations de détention, ventes et achats, donations et restitutions,
compensations et conditions d’assignation, de possession et d’usufruit, ...), le
législateur récapitule ceux qui sont concernés par ces exceptions (lignes
79-81). Puis, il écrit ceterum, dernier mot de la ligne 81, qu’on complète sans
difficulté à la ligne suivante par « agrum locum quei in Africa est », « tout le
reste de la terre et lieu qui est en Afrique ». Désormais, il n’est plus besoin
d’examiner un à un chaque cas particulier. Les domaines publics romains sont
ouverts à qui veut les louer en réglant diverses redevances, individus libres,
communautés autonomes, sociétés privées :
l. 83 [Quei populi leiberi, queiue perfuga, queiue socium nominisue Latini quibus
ex formula togatorum milites in terra Italia inperare solent, agrum publicum in

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 55

Africa possidebit frueturue, is pro eo agro uectigal decumas] SCRIPTVRAM


POPVLO AVT PVBLICANO ITEM DARE DEBETO, VTEI PRO EO AGRO
LOCO, QVEM AGRVM LOCVM POPVLVS [Romanus ex h. l. locabit, que]M
AGRVM LOCVM CEIVIS ROMANVS EX H. L. POSSIDEBIT, DARE
OPORTEBIT.
l. 83 « [… (193) … Considérant la terre et pièce de terre à partir de cette terre
et pièce de terre qu’un ressortissant d’un peuple libre, ou un rallié, ou d’un
membre des alliés ou du nom Latin desquels ils ont coutume d’exiger des
soldats en application du traité d’alliance, possédera et dont il jouit, il sera
tenu de payer le vectigal, la dîme] et le droit de pâture, pour cette terre et
pièce de terre, au Peuple ou au publicain dans les mêmes termes qu’un
citoyen romain est dans l’obligation de les payer pour cette terre et pièce de
terre que le Peuple romain afferme et qu’un citoyen romain possède de par
cette loi ».
Cette phrase revèle, d’une part que le citoyen romain sert de référence
pour ce qui est des revevances : tout locataire paiera tel ou tel impôt comme le
fera un citoyen romain ; d’autre part, que la détention par un quirite d’une
terre du domaine public romain est une possession. Ce dernier point est d’un
grand intérêt parce que la possessio est une concession pérenne, cessible et
transmissible. Contrairement à ce que pensait Hardy29, la possessio, qu’impli-
que le verbe possidebit, ne saurait être saisie par la puissance publique. Il faut
rappeler à ce sujet que la possessio est l’état normal de transmission de la terre
dans le droit romain. C’est ainsi qu’une vente transmettait la possession et
non la propriété, contrairement au droit civil français30. Enfin, dernier point à
relever : le locataire doit payer sa redevance au Peuple ou au publicain. Le
premier cas est donc en rapport avec un versement direct au fisc. Celui-ci,
dans un contexte d’achats et de cautions il est vrai, apparaît à la ligne 46, sous
la forme du « trésor provincial » et des « rôles publics » qui étaient
certainement sous l’autorité du questeur :

29 Six Roman Laws, Oxford, 1911, p. 55 : « This land could at any time and for any reason
be taken away, and could neither be sold by the possessors nor pass to their heirs ».
30 Giffard, op. cit., p. 55-56.

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56 La terre

[… quaestor,] QVEM AERARIVM PROVINCIAM OPTINEBIT, IN


TABLEIS [publiceis … (115)].
Il faut souligner que cette location ne lie que l’État romain et le
locataire. Celui-ci est tenu de régler certains impôts31. Le locataire avait toute
latitude d’agir comme il l’entendait pour la mise en valeur des terrains :
emploi d’esclaves, lesquels ne pouvaient qu’être nombreux du fait de la
guerre ; métayage ou affermage à des paysans ou à des groupes ; direction
personnelle, nomination d’un fermier (conductor) doté d’un bail à court terme
ou perpétuel, ou bien d’un administrateur de biens-fonds (uicarius) ; constitu-
tion d’une societas, groupement d’hommes d’affaires sans personnalité morale,
ou bien gestion unique.
Contrairement à ce qui avait été fait pour le lot colonial pour lequel le
législateur avait repris l’interdiction de dépasser 200 jugères, le législateur n’a
pas prévu de limiter la superficie louée. Il est très probable que ce soit dans
cette partie de la terre africaine, issue des territoires des cités détruites, qu’il
faille trouver l’origine des immenses domaines de la province.

Conclusion
La loi agraire de 643 a. u. c. a fortement structuré l’espace et l’orga-
nisation agraire de ce qui sera l’Africa Vetus. En entérinant la donation-
assignation qui avait été consentie aux colons romains malgré l’abolition de la
colonia Iunonia, elle permit l’occupation de quelque 3000 km2 de terres
centuriées qui étaient certainement de bonne qualité. Confrontée à une situa-
tion qu’on peut qualifier de chaotique (ventes publiques de terres coloniales à
Rome, ventes privées des colons, héritages, poursuite des lotissements sur
place après la mort de Caius Gracchus, héritages, « erreurs » conduisant à
vendre des biens fonciers appartenant aux peuples libres ou assignées à des
stipendiaires, …), elle a voulu résoudre tous les problèmes particuliers (extra

31 Il est probable que le cadastre ait enregistré la nature des terres, laquelle était déter-
minante pour savoir quelle était la redevance qui était due. Mais que se passait-il quand
un possesseur, ou un groupe de paysans voulait passer d’une activité à une autre ? La loi ne
le dit pas.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 57

eum agrum locum) d’une manière qui permettait de rétablir un ordre rationnel
et acceptable pour tous, « équitable » au sens romain du mot aequitas. Quant
au reste de l’Africa, (ceterum agrum locum), domaine public romain constitué
par les territoires des cités détruites, elle le loua contre des redevances diverses
à ceux qui désiraient et pouvaient le faire, permettant ainsi la constitution de
propriétés et de possessions différentes, dont de grands domaines mis en
valeur de diverses manières.
Le but de cette loi était seulement de mettre fin à une confusion
génératrice de troubles et de pertes financières. Mais ce texte conjoncturel
structura durablement la province. Il permet de comprendre pour quelle
raison une région qui avait connu tant de communautés autonomes en eut si
peu pendant deux siècles, la nature et les modalités de la colonisation
italienne, les contrastes qui existent entre les domaines au point de vue de la
dimension et de l’exploitation.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS

II. Les hommes

Cette recherche a pour origine des interrogations et des réflexions qui


ont surgi il y a plusieurs décennies, lorsque Louis Maurin et moi-même
découvrîmes la ciuitas Vzalitana Sar1, lorsque, par la suite, je me suis
demandé pour quelle raison une région aussi urbanisée à l’époque punique
avait produit si peu de cités pendant deux siècles, comme en témoigne la liste
dressée par Pline l’Ancien dans le livre V de son Histoire naturelle ou comme
le montrent des études régionales2. L’on commet une erreur de perspective
quand on souligne le grand nombre de cités dans la province d’Afrique : c’est
un phénomène tardif, d’époque antonine ou sévérienne, qui tranche avec la
précocité qu’on découvre dans d’autres régions, Péninsule ibérique, Gaules,
provinces helléniques d’Europe ou d’Asie. La loi agraire m’a paru, par sa
nature, apte à rendre compte de ce phénomène.
Dans la problématique qui est la mienne, la première recherche à
effectuer est de savoir quelles communautés sont en cause dans la loi. Sept
apparaissent avec netteté : il s’agit des peuples libres alliés de Rome pendant la

1 L. Maurin et J. Peyras, « Uzalitana, la région de l’Ansarine dans l’Antiquité », Les Cahiers


de Tunisie, XIX-1971, n° 75-76, p. 11-103.
2 Pour prendre deux exemples, dans la région entourant Carthage sur une soixantaine de
kilomètres, aucune cité, à l’exception d’Utique (et d’Uzali si l’on accepte de placer le peuple
libre à El Alia, ce dont je doute fort parce que cela contredit directement l’affirmation péremp-
toire d’Appien, alors même qu’un autre site peut être proposé, lequel concorde avec des
événements rapportés par Orose), n’apparaît avant Octavien-Auguste, la plus grande partie des
cités voyant le jour sous Commode, sous les Sévères ou au cours du IIIe siècle (J. Peyras,
« Uthina dans le nord-est de l’Afrique. 2. La colonie d’Uthina et le milieu africain », Oudhna
(Uthina), colonie de vétérans de la XIIIe Légion, Histoire, urbanisme, fouille et mise en valeur des
monuments, sous la direction de Habib Ben Hassen et de Louis Maurin, Bordeaux-Paris-Tunis,
2004, p. 264-278). Plus à l’ouest, entre 60 et 100 kilomètres de Carthage (toujours en deçà de la
Fossa Regia), dans le Tell nord-est, quatorze habitats importants existaient avant l’époque
romaine d’après les relevés archéologiques. Cinq d’entre eux, dans les Hédil, n’ont laissé aucune
trace d’agglomération à l’époque romaine (J. Peyras, Le Tell nord-est tunisien dans l’Antiquité,
essai de monographie régionale, Paris, 1991, p. 230, fig. 55).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


60 Les hommes

troisième guerre punique. Ce sont les seules communautés qui soient


attestées3. La loi envisage d’autres éléments en les regroupant, mais sans qu’on
puisse en faire des entités qui seraient analysables en terme de groupements
de droit public, ou même d’associations privées, à l’exception de societates
de publicains. Peut-être les transfuges qui rallièrent les forces romaines
formèrent-ils des groupes juridiquement reconnus ? L’assignation de terres
aux stipendiaires, qui sont qualifiés d’ « homines », fait juridiquement table
rase des cités puniques, libyennes et libyphéniciennes qui existaient jusque-là,
tandis que le « ceterum agrum » des lignes 81-82 introduit ce qui concerne les
terres des villes détruites. Les citoyens romains eux-mêmes, qui apparaissent
privilégiés, le sont à titre personnel, et non en tant que membres de la colonia
Iunonia Karthago créée par la lex Rubria, laquelle avait été abrogée (quae
fuit), ou parce qu’ils seraient inscrits dans un registre les assimilant au statut
de colon. À aucun moment les quirites, les alliés (socii) et les Latins, les préfets
et les soldats ne sont considérés comme un groupe collectif détenteur de
droits en tant que groupe4.

3 Charles Saumagne a proposé (Le Byzacium protoromain, villes libres, stipendiarii, liberi
Massinissae, Cahiers de Tunisie, n° 44, 1963, p. 57) de restituer la partie de la lacune de la ligne
75 qui suit l’énumération des peuples libres qui sont restés dans l’amitié du Peuple romain, par
une seconde liste de peuples qui auraient rallié le camp romain au cours de la guerre.
4 Le but poursuivi ici est de cerner la situation des communautés et des individus en 111
avant notre ère, situation qui provient des événements des années 149-146 et 123-121, du
bouleversement qui se produisit entre ces dates, de la confusion qui régna entre l’assassinat de
Caius Gracchus et le vote de la loi. Je ne chercherai donc ici à examiner les propositions des
commentateurs que lorsqu’elles sont en contradiction avec les restitutions que j’avance.
J’ai reconstitué le texte en utilisant les lignes 79-82. Le législateur a voulu, en effet, faire une
récapitulation des terres qui présentent un caractère particulier (extra eum agrum locum) avant
d’introduire les décisions prises à l’encontre des autres (ceterum agrum). Il est donc évident que
les lignes relatives à l’Afrique qui ont précédé cette récapitulation traitaient de ce groupe de
terres en entrant dans le détail de tous les cas de figures qui avaient pu ou pouvaient se
présenter à leur sujet. C’est sur cette base solide qu’on peut tenter de reconstituer cette loi
complexe et terriblement lacunaire.
Il est utile d’avoir à l’esprit la catégorie introduite par la locution extra eum agrum. On y
trouve :
- la terre qui avait été attribuée à des colons par la lex Rubria et qui n’a pas fait l’objet d’un
échange (l. 79).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 61

1. Les alliés africains de Rome : peuples libres, transfuges, fils de Massinissa


l. 75-77 …. [IIvir, quei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, in diebus (…100…)5
proxsumeis quibus factus creatusue erit, quem agrum locum ceivis Romanus
emerit de eo agro loco que]I AGER LOCVS IN AFRICA EST QVEI ROMAE
PVBLICE VENIEI<t> VENIERITVE, QVOD EIVS AGRI [locei ….
popul]EIS LIBEREIS <quei> IN AFRICA SVNT QVEI <e>ORVM IN
AMEICITIAM POPVLI ROMANEI BELLO POINICIO PROXSVMO
MANSERVNT, QUEIVE A[d imperatorem populi Romanei ex hostibus
perfugerunt, erit, ei ceivi romano aut adiudicari aut dare reddiri
commutareue liceto.
Quantum modum eius agri locei ei ceiui Romano, pro eo agro loco
tantumdem modum de eo agro quei publicus populi Romanei in Africa est, quod
eius publice non uenieit, IIvir commutato.
IIvir, quei ex h.l. factus creatusue erit, in diebus (…) proxsumeis qu]IBVS
IIVIR EX H. [l. fact]VS CREATVSVE ERIT, FACITO <utei> QVANTVM

- La terre qui est à l’intérieur des frontières territoriales des sept peuples libres demeurés dans
l’amitié du peuple romain au cours de la IIIe guerre punique (l. 79-80).
- La terre qui a été donnée et assignée aux transfuges des armées puniques par décision du
Sénat (l. 80).
- La terre qui a été privatisée par la présente loi et qui n’a pas fait l’objet d’un échange (l. 80).
- La terre que le duovir, en application de la présente loi, a donné et assigné à des stipendiaires,
et qui a été portée sur le cadastre public (l. 80-81).
- La terre que Scipion Emilien a donné aux fils du roi Masinissa et dont il leur a garanti la
jouissance (l. 81).
- La terre où fut l’oppidum Carthago (l. 81).
- La terre que les commissaires, organisateurs de la province après la conquête en vertu de la lex
Livia, ont laissé ou ont assigné aux Uticéens. (l. 81-début l. 82).
Ce qui unit cette catégorie, par ailleurs fort disparate, c’est qu’elle est composée de sols qui
possèdent un caractère propre à chacun d’eux. En revanche, « tout le reste de la terre et lieu »
(ceterum agrum locum) réunit en un tout anonyme et indifférencié la terre publique de Rome
qui est destinée à la location.
5 La lacune de 100 lettres correspond aux 224 lettres de Johannsen (p. 163). Je l’ai en partie
comblée. Il va de soi que la notion de « lettres » est aléatoire dans tout le texte. Dans une
inscription, sauf cas particuliers, on évalue plutôt les espaces disponibles. Les lacunes considé-
rables de la loi ne permettent que des évaluations approximatives.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


62 Les hommes

AGRI LOCI QVOIVSQVE IN POPVLI LIBEREI <agro loco > INVE EO


AGR[o loco quei ager lo]CVS PERFUGEIS DATVS ADSIGNATVSVE EST,
CEIVIS ROMANEI EX H. L. FACTVM ERIT, QVO PRO AGRO LOCO
AGER LOC[us ceiui ro]MANO EX H. L. [commutatus non erit, tantundem
agri loci de eo agro loco quei ager locus publicus populi Romanei in Africa est,
quod eius publice non venieit, pro eo agro loco quei ceiuis Romanei factus erit,
quoeique populo libero perfugaeue.. assignet].
l. 75-77 …. « (A) Le duovir, qui, de par cette loi, aura été fait et créé, dans les
(..) jours qui suivront sa création, aura la faculté d’adjuger au citoyen romain
qui l’aura achetée la terre de la terre publique d’Afrique vendue publiquement
à Rome, ou d’en faire une commutation, (dans le cas où) cette terre se
trouverait être le bien, soit d’un des peuples libres d’Afrique demeurés amis du
peuple romain au cours de la guerre punique, soit de l’un de ceux qui ont passé
de l’ennemi6 au commandant en chef de l’armée du peuple romain.
(B) Le duovir, qui, de par cette loi, aura été fait et créé, devra donner
au titre d’échange au citoyen romain une superficie prélevée sur la terre
publique d’Afrique non vendue à Rome, égale à celle qu’il ne lui aurait pas été
adjugée.
(C) Le duovir, dans les (..) jours qui suivront sa création, devra faire en
sorte de donner en échange à chaque peuple libre ou à chaque rallié, par
prélévement sur la terre publique d’Afrique non vendue à Rome, une
superficie égale à celle qui aurait été faite sienne à un citoyen romain en vertu
de la présente loi, au détriment de la terre donnée à chaque peuple libre ou à
chaque rallié, superficie pour laquelle le citoyen romain n’aurait pas reçu un
autre terrain en échange ».

6 J’emploie ici une expression neutre. Je traduis ailleurs par « ralliés ». C’est le terme qu’on
emploie généralement quand on accueille des ennemis dans son propre camp. Traduire par
« transfuges », ou par « deserters » est péjoratif. Il s’agit d’un jugement de valeur défavorable
ou méprisant. Mais ce n’est pas obligatoirement le point de vue de ceux qui les accueillent. En
fait, les mots perfugae, perfugium, perfugere sont loin d’avoir toujours une connotation péjora-
tive. Perfugere du camp de Pompée pour celui de César ne saurait être, pour ce dernier, un acte
méprisable (Caesar, B.C., 3, 61), tandis que le perfugium bonorum de Cicéron est « un refuge
(pour les) gens de bien (Fam., 12, 6, 2).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 63

Ces peuples libres d’Afrique sont nommés dans l’article qui récapitule,
à la ligne 79-80, les catégories de terre introduites par la préposition extra :
l. 79-80 EXTRAQVE EVM AGRVM, QVEI INTRA FIN<e>S POPVLORVM
LEBEIRORVM VTICENSIVM H[adrumetinorum T]AMPSATINORVM
LEPTITANORVM AQVILLITANORVM VZALITANORVM TEV<d>A-
LENSIVM, QVOM IN AMEICITIAM POPVLI ROMANI PROXSVMVM
[bellum manserunt, est eritue ; extraque eum agrum locum, quei ager locus eis
hominibus, quei ad imperatorem populi romanei bello Poenicio proxsumo ex
hostibus perfugerunt, (..49..) datus adsignatusue est de s(enati)] S(ententia)7.
l. 79-80 « En dehors de la terre qui est et sera à l’intérieur des limites
territoriales des peuples libres d’Utique, d’H[adrumète, de Th]apsus, de
Leptis, d’Acholla, d’Uzali, de Theudalis, telles qu’étaient ces limites quand ces
peuples demeurèrent lors de la dernière guerre punique dans l’amitié du
peuple romain ; et en dehors de la terre ou pièce de terre qui a été donnée et
assignée par décision du Sénat à ces hommes qui, lors de la récente guerre
punique, se sont ralliés au commandant en chef de l’armée romaine ».
Il est aussi question des terres publiques que les décemvirs chargés
d’appliquer la lex Livia avaient remis aux Uticéens à la ligne 818.
l. 81 extraque] EVM AGRVM LOCVM QVEM XVIREI QVEI EX [lege]
LIVIA FACTEI CREATEIVE FVERVNT VTICENSIBVS RELIQVERVNT
ADSIGNAVERVNT.
l. 81 « En dehors de] cette terre ou pièce de terre que les décemvirs qui furent
faits et créés de par la [loi] Livia ont cédée et assignée aux Uticéens ».
Rome reconnaissait ces communautés en tant que « peuples libres »,
ce qui comprend à la fois la reconnaissance d’un statut de citoyenneté et d’un
privilège de liberté. Chacune était clairement identifiée par le nom de ses
ressortissants.

7 J’emprunte à Johannsen (p. 166) la restitution de la phrase concernant les transfuges.


8 Il n’y a pas de divergences notables sur la restitution et la compréhension de la ligne 81
(peuples libres, ralliés, stipendiaires).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


64 Les hommes

Tel n’est pas le cas des transfuges. Ceux-ci ont reçu des terres. La ligne
76 montre que, dans le cas de figure de la terre vendue à Rome à des citoyens
romains, la solution était la même que pour les peuples libres. En revanche,
bien que les Romains les aient considéré comme un groupe particulier dont les
membres bénéficiaient du même traitement, ils n’ont pas reçu d’autres
dénominations que le mot « perfugae » (perfugeis, l. 76). L’hipparque Imilcon
surnommé Phaméas avait rejoint les forces romaines. Il conduisait 2200
Carthaginois suivant Appien (Libyca, 107-109), 1200 selon Diodore (XXXII,
17), quelques hommes d’après Zonaras (IX, 27, 465 c). Polybe (XXXVIII, II,
12) rapporte que nombreux furent ceux qui désertèrent à cause de la famine
pendant le siège de Carthage. Nous ne savons pas s’ils rejoignirent les forces
romaines ou s’ils trouvèrent refuge dans des fermes fortifiées ou dans des
bourgs amis. Les transfuges de Phaméas auraient été principalement établis
dans la vallée de la Catada (oued Miliane)9.
Dans cette même région, Scipion Emilien concéda des terres qui
demeurèrent dans le domaine public romain aux fils de Massinissa :
l. 81 […. Extraque eum agrum locum quem P. Cornelius imperator lib]EREIS
REGIS MASSINISSAE DEDIT HABERE FRVIVE IVSI<t>.
l. 81 « [… Et en dehors de la terre ou pièce de terre que Publius Cornelius,
commandant en chef, a donné aux fi]ls de Massinissa ; il a ordonné de l’avoir
et d’en jouir ».
Cicéron place ces terres in ora maritima, « dans la zone maritime »10.
Il est probable qu’elles correspondent à ce qui devint la cité de Thimida Regia,
entre Carthage et Cercina11. Cette cité n’est pas nommée dans la loi. Le nom
du lieu-dit – Thimida signifie « les lacs » dans la langue libyenne – devait
exister au moment de l’attribution, tandis que Regia, qui désigne une

9 J.-M. Lassère, Ubique populus, peuplement et mouvements de population dans l’Afrique


romaine de la chute de Carthage à la fin de la dynastie des Sévères (146 a. C-235 p. C.), Paris,
p. 43.
10 Cicéron, De lege agraria, II. XXII, 58.
11 J. Peyras, « Oudhna », p. 266-267.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 65

résidence royale, a été attaché au sol attribué par Scipion. Cette donation, qui
demeure dans le cadre de la terre publique romaine, semble avoir été conçue
comme un bien indivis et d’un seul tenant. C’est du moins ce que suggère le
fait qu’il ait été ultérieurement à l’origine d’une municipe. Un autre secteur,
proche de Zama Regia, faisait partie de cette concession12.
Les alliés ont été considérés différemment : comme constituant une
communauté homogène et autonome dans le cas des populi liberi, expression
qui implique une organisation civique pleinement constituée et reconnue par
Rome ; comme un groupe anonyme récompensé sur décision du Sénat dans le
cas des perfugae ; comme un don de l’imperator à des enfants royaux sous le
régime de la possessio et de l’usufruit13.

2. Les vaincus
Le sort des Carthaginois et de bien d’autres Africains, devenus esclaves,
n’est pas évoqué et n’avait pas à l’être14.

12 Ch. Saumagne, « Observations sur le tracé de la “Fossa Regia” », Reale Accademia


Nazionale dei Lincei, 1929-VII, p. 451-459.
13 La sanction sénatoriale aurait dû entériner cette donation. Cette décision n’est pas
attestée dans l’inscription telle que nous pouvons la lire de nos jours ou à l’aide des anciennes
copies.
14 Il est possible, selon moi, de cerner schématiquement la répartition des Africains en libres
et esclaves : le groupe introduit par la préposition extra comprend des individus libres sur le
plan personnel ; la catégorie « du reste » (ceterum agrum locum) rassemble les terres publiques
destinées à être affermées à toute personne libre dans le système de la censoria locatio. Hardy
(Six Roman Laws, « Categories of Land », p. 54-55), avançait qu’elles étaient constituées par le
territoire des villes qui avaient été détruites et que, parmi les possesseurs, les pérégrins
incluaient probablement les habitants de ces cités. À mon point de vue, il y a deux types de cités
disparues, et à chacun d’eux correspond un sort différent pour les anciens citoyens : 1) ce que
Hardy nomme « conquered communities » : elles sont dissoutes juridiquement, mais les
habitants sont des stipendiaires, libres personnellement. Elles correspondent aux villes qui se
sont soumises à temps et qui ont bénéficié d’un accord suivant lequel leurs ressortissants
conserveraient leur liberté personnelle ; 2) ce que Hardy nomme villes « actually destroyed »,
dont le territoire, devenu public comme le précédent, est livré à ceux qui veulent louer des
terres contre divers impôts. Les villes ont été détruites, prises d’assaut ou sans bénéfice d’un
accord réel ou tacite, et il y a tout lieu de penser que les anciens habitants sont devenus esclaves.
Et, à mon avis, c’est dans cette catégorie qu’il faut chercher l’origine des latifundia africains.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


66 Les hommes

En revanche, la ligne 80 fait connaître une catégorie de personnes,


désignées par le mot « stipendiaires » :
l. 80 extra]QVE EVM AGRVM LOCVM QVEM IIVIR EX H. L.
STIPENDIARIEIS DEDIRIT ADSIGNAVERIT QVOD EIVS EX H. L. IN
<f>ORMAM PVBLICAM RELLATVM [erit].
l. 80 « [En dehors] de la terre ou pièce de terre que le duovir aura donnée et
assignée aux stipendiaires en vertu de la présente loi, pour la partie de cette
terre qui [aura été] reportée sur le cadastre public conformément à la présente
loi ».
Cette ligne fait partie de la récapitulation des « extra » envisagés
auparavant. Les stipendiaires apparaissaient, en effet, aux lignes 77-78. Alors
que le duovir, mis en présence d’un sol dépendant d’un peuple libre ou
attribué précédemment à un transfuge, et cependant aliéné à Rome au profit
d’un acheteur, avait la faculté de décider que le lot serait ou ne serait pas fait le
bien-fonds du citoyen romain, avec l’obligation de dédommager celui qui ne
garderait pas cette terre, il devait conforter nécessairement le citoyen romain
dans son acquisition si des stipendiaires étaient en cause. Cette infériorité
provient du fait qu’ils étaient des vaincus. Les cités étaient juridiquement
dissoutes ; les terres appartenaient à Rome. Chacun de ceux qui les cultivaient
devait régler un stipendium :
l. 77-78 II]VIR, QVEI EX H. L. FACTVS CREATVS ERIT, IS IN DIEBVS
CL PROXSVMEIS QVIBVS FACTVS CREATVSVE ERIT, FACITO, -
QVANDO [Xviri quei ex] LEGE LIVIA FACTEI CREATEIVE SVNT
FVERVNTVE EIS HOMINIBVS AGRVM IN AFRICA DEDERVNT
ADSIGNAVERVNT QVOS STIPENDIVM [pro eo agro populo Romano
pendere oportet, utei, quod eius agri loci ceiuis Romanei publice emit, id
eius ceiuis Romanei siet ; tantumdemque modum agri, de eo agro quei publicus
populi Romanei in Africa est, quantum (modum) de agro stipendiariis dato
adsignato ex h(ac) l(ege) ceiuis] ROMANEI ESSE OPORTEBIT, IS
STIPENDIAREI<s> DET ADSIGNAVITVE IDQVE IN FORMAS

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 67

PVBLICAS FACITO VTE[i reparatur i(ta) u(tei) e i(ure) f(ide)]Q(ue) E(i)


E(sse) V(idebitur).
l. 77-78 « Que le duovir, qui, de par cette loi, aura été fait et créé, quand il se
trouvera en présence d’un terrain donné et assigné par les décemvirs de la loi
Livia à ces hommes qui doivent payer un stipendium15 au Peuple romain pour
ce terrain, devra, dans les 150 jours qui suivront son investiture, faire en sorte
que la partie de ce terrain qu’un citoyen romain a achetée16, appartienne à ce
citoyen romain17, et que le duovir donne et assigne à ces stipendiaires autant
de superficie prélevée sur la terre publique d’Afrique qu’il aura été nécessaire
qu’il en appartienne au citoyen romain au détriment de la terre donnée et
assignée aux stipendiaires ».

15 Lintott (p. 265-266) traduit stipendium par « tribute », stipendiareis par « tribute-
payers ». Tributum devrait être réservé aux cités pour lesquelles il existe une redevance globale
payée à l’État romain : Ager est mensura conprehensus, cuius modus universus ciuitati est
adsignatus, sicut in Lusitani Salma<n>ticensibus aut Hispania citeriore Pala<n>tinis et in
conpleribus provinciis tributarium solum per universitatem populis est definitum : « La terre
comprise par la mesure est celle dont toute la superficie a été assignée à une cité, comme en
Lusitanie aux Salmaticenses ou en Espagne citérieure aux Palantini, et dans de nombreuses
provinces, le sol tributaire a été défini dans sa totalité pour les peuples » (Frontin, L’œuvre
gromatique, Corpus Agrimensorum Romanorum IV, texte traduit par O. Behrends et al.,
Luxembourg, 1998, p. 4-7, 7) ; « La terre mesurée par le pourtour est celle dont la superficie a
été assignée dans son ensemble à une cité, par exemple aux Salmanticenses en Lusitanie ou aux
Palantini en Espagne Citérieure ; et dans bon nombre de provinces, c’est en bloc que le sol
tributaire a été délimité pour les populations » (Frontin, dans Les arpenteurs romains, I, éd.
J.-Y. Guillaumin, Paris, 2005, I, 3, p. 149). En revanche, le stipendium est une redevance
individuelle, même quand il est question, comme dans la Péninsule ibérique, de civitates
stipendiariae ; à plus forte raison, comme ici, quand il n’est question que d’homines, les
communautés n’existant plus juridiquement
16 (publiquement à Rome).
17 Crawford (77-78, p. 136, 149, 176) n’envisage pas un échange. Il prend en compte
simplement le fait que la terre assignée aux stipendiaires ait été portée sur le cadastre. Sa
restitution ne comble que très faiblement la longue lacune. Lintott (p. 265), s’appuyant sur les
premiers éditeurs, penche pour la restitution popul]i Romani et pense qu’il n’est pas question de
citoyens romains individuels ni d’échange de terres. Tout au contraire, ma proposition se
rapproche de celles de Mommsen, de Rudorff, de Husche et de Johannsen.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


68 Les hommes

La ligne 78 les désigne comme étant des « homines » (hominibus) qui


doivent payer le stipendium au peuple romain, autrement dit des
« stipendiarii » (stipendiareis). C’est leur seul « être », une pure fonction,
dans l’anonymat, tandis que ce sont, en Bétique, en Tarraconnaise et en
Lusitanie, des oppida stipendiaria qui sont répertoriés par Pline l’Ancien
(Pline, III, 7 ; 18 ; IV, 117). Un seul oppidum stipendiarium (oppidum stipen-
diarium unum Castris Corneliis, Pline, V, 29), issu du locus Castra Cornelia,
(Pline, V, 24), se constitua en cité, probablement entre 40/30 avant notre ère
et 27 après J.-C.18. Quand on songe au nombre de communautés qui étaient à
l’origine des homines stipendiariis, on comprend mieux l’effacement des cités
de l’époque punique (et leur fidélité envers Carthage).

3. Les citoyens romains


Nous avons rencontré les citoyens romains aux lignes 75-78. Ils y
étaient envisagés dans le cadre du problème d’un achat effectué à Rome lors
d’une vente publique, alors que ces terres appartenaient aux cités libres ou à
leurs ressortissants, ou avaient été assignés aux stipendiaires des villes
conquises19. À la ligne 58, ces citoyens romains étaient concernés par le fait
qu’ils n’avaient pas déclaré dans les délais prescrits la superficie qu’ils
détenaient. Bénéficiant d’un traitement privilégié, ils obtenaient en
compensation de la perte de leur terrain une surface équivalente prélevée sur
la terre publique à Rome non vendue à Rome :
l. 58 [… ex edicto magistratus de agro publice proscribendo venden]DO, EI
CEIVI ROMANO TANTVNDEM MODV[m agri locei ….. is IIuir … pro eo
agro loco, de agro loco] QVEI AGER PVBLICE NON VENIEIT, DARE
REDDERE, COMMVTAREVE LICETO.

18 Sur ce locus et oppidum, cf. J. Desanges, Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, livre V, 1-46,
l’Afrique du Nord, Paris, 1980, p. 217-128, 301-303.
19 Je suis tout à fait d’accord avec Lintott (p. 265) et Crawford (p. 176) quand ils écrivent
qu’on ne saurait tirer de cette clause l’idée qu’en 146, toute la terre, à part celle qui avait été
donnée aux peuples libres et aux ralliés, aurait été assignée aux stipendiaires, contrairement à ce
que pensait Hinrichs (« Die lex agraria des Jahres 111 v. Chr. », Zetschrift der Savigny-Stiftung
für Rechsgeschichte. Romanistische Abteilung, Weimar, 83, 1966, p. 297).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 69

l. 58 « [ … En vertu d’un édit du magistrat ordonnant] la vente (publique), à


ce citoyen romain, [le duovir] aura la faculté de donner, de restituer, de céder
[en échange de cette terre ou pièce de terre], une superficie équivalente
prélevée sur la partie de la terre publique qui n’aura pas fait l’objet d’une vente
publique (à Rome)20 ».

4. Le statut personnel des colons et des inscrits


Est-il légitime de ranger dans la rubrique précédente, en s’appuyant
uniquement sur l’inscription, le « colon ou celui qui a été inscrit dans le
registre du colon » (passim, cf. par ex., ligne 45, COLONEI EIVE QVEI IN
COLONEI NVMERO [scriptei sunt]), c’est-à-dire celui qui avait reçu des
terres en application de la loi Rubria et qui les avaient conservées ou
transmises à ses héritiers sans qu’il y ait eu échange ?
l. 79 [utei extra eum agrum locum, ex lege Rubria quae fuit, quem colono eiue
quei in colonei numero scriptum est herediue quorumue emptoreiue quorum
adiudicauerit quo pro eo agro loco ager locus redditus com]MVTATVS
REDDITVSVE NON ERIT.
Les colons de la colonia Iunonia Karthago étaient, suivant la plupart des
commentateurs modernes, des citoyens romains, quitte à admettre que ce
statut n’ait été accordé, pour certains d’entre eux, qu’au moment de la
déduction. Les érudits peuvent s’appuyer sur des sources littéraires, mais
Velleius Paterculus (2, 7, 7) a écrit un siècle et demi après la fondation de la
colonie, tandis qu’Eutrope (4, 21) et Orose (5, 12, 1), appartiennent à
l’Antiquité tardive.

20 Lintott (p. 190-191), Crawford (p. 119, 147, 171) et Johannsen (p. 148-149) s’en tiennent
à ce qui demeure lisible. Le premier suggère une introduction brève à une possibilité de
compensation quand une injustice est advenue (p. 253). Mais l’introduction est d’une briéveté
toute relative : il y a 226 lettres qui manquent avant …]do ei ceiui Romani, et 106 après modu[m
agri loci (Johannsen, p. 148). Rudorff, Mommsen et Husche proposent des restitutions qui
conduisent à une compensation après déclaration (dans un cadre d’ager privatus vectigalisque,
cf. Johannsen, p. 310).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


70 Les hommes

D’autres en doutent, sans toutefois se prononcer jamais pour une


colonie latine. J.-M. Lassère, prenant en compte la formule mentionnant à la
fois « les colons et ceux qui ont été inscrits dans le registre du colon », ces
derniers étant considérés par certains comme pouvant être des Italiens,
concluait : « La formule colonos, eive quei in colonei numero scriptus est … laisse
la question posée »21. Est-il possible de résoudre le dilemme ?
Notons un premier point : à la date de la promulgation de la lex Rubria,
une colonie était ou bien romaine, ou bien latine. C’est-à-dire que tous les
colons étaient déduits en tant que citoyens romains ou en tant que Latins,
quel qu’ait été le statut de chacun d’entre eux avant qu’on leur donnât et
assignât la centurie de 200 jugères. Vouloir trancher la question à partir des
données littéraires ou historiques (les colons venaient ἐξ ὅλης Ἰταλίας, « de
toute l’Italie » (Appien, Guerres civiles, I, III, 24), les colonies romaines
étaient habituellement composées de quelques centaines d’hommes, tandis
que les latines en comprenaient des milliers, ce qui est le cas de la colonie
africaine22), est délicat tant la situation paraît confuse, entre la mission de
Caius Gracchus, l’influence de Fulvius Flaccus, les surenchères de Marcus
Livius Drusus et la trahison de Caius Papirius Carbo, sans parler du fait que la
colonia Iunonia Karthago n’était pas déduite en Italie. Les commentateurs
admettent, souvent implicitement il est vrai, que la colonie ait été composée
de citoyens romains, qu’ils l’aient été originellement ou qu’ils l’aient obtenu
dans le cadre de la déduction23.

21 J.-M. Lassère, Vbique Populus, 1977, p. 107.


22 E. T. Salmon, Roman Colonisation under the Republic, Aspects of Greek and Roman Life,
London, 1969, p. 38 et 68.
23 O. Behrends (« Les conditions des terres dans l’Empire romain », De la terre au ciel,
paysages et cadastres antiques, Monique Clavel-Lévêque et Georges Tirologos (éd.), Besançon,
2004, II, p. 8) replace le sort de Carthage dans un contexte de niveau colonial et de droits liés à
la citoyenneté romaine, tout en dépassant les causes conjoncturelles de la dissolution de la
colonie : « Les colonies « Junonia » de 122 av. n. è. en Afrique et de « Narbo » de 118, qui
avaient une terre de statut égal à celui de l’ager Romanus, furent vite supprimées pour conserver
la primauté de l’ager Romanus d’Italie ».

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 71

Si le statut des colons et des inscrits n’est pas clair dans ce qui reste de la
loi, en revanche, un passage permet, à mon avis24, de se décider pour la
citoyenneté romaine des deux catégories qui bénéficiaient de la donation-
assignation :
l. 61-62 [… (172) … IIVIR QVEI [ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, de eo agro
quem ex lege Rubria quae fuit a IIIuiris coloniae deducendae colono eiue quei in
colonei numero scriptus est, dari oportuit licuitue ut eorum ex iu]RE ROMA[no
siet, quod eius agri locei colono eiue quei in colonei numero scriptus est d]ATVS
AD[signatus fuerit quod eius agri non abalienatum quodque eius] AGRI EX
H. L. ADIOVDICARI LICEBIT, QVOD ITA COMPERIETVR, ID EI
HEREDEIVE EIVS ADSIGNAT{O}<um> ESSE IVDICATO [… (33) …].
l. 61-62 « […. (172) … En ce qui concerne la terre que les triumvirs avaient
l’ordre et la faculté de donner et assigner, en vertu de la loi Rubria abrogée,
aux colons ou aux inscrits comme colons de telle manière qu’elle leur
appartienne] selon le droit romain [pour la part qui a été donnée et assignée à
un colon ou à un inscrit comme colon, pour la part, encore, qui n’aura pas fait
l’objet d’une vente, pour la part, enfin, que le duovir], en vertu de la présente
loi, a la faculté d’adjuger ; pour tout ce qui est constaté être ainsi, que le duovir
juge que cela a été assigné au colon ou à son héritier [… (33) …] ».
Que signifie, dans le contexte, [ex iu]RE ROMA[no] ? Il y a, certes,
dans le droit romain, divers genres de propriété : le dominium ex iure
Quiritium, une propriété pérégrine, une propriété provinciale, une propriété
prétorienne25. Mais ces types sont en rapport avec la vente, qui est du
domaine du ius gentium. Ce n’est pas le cas ici : le ius Romanum dont il est
question ici s’applique à la donation-assignation de la lex Rubria. Cette
donation-assignation est un transfert de propriété qui n’est pas du domaine

24 À mon avis, puisqu’il s’agit d’une proposition originale. Les éditeurs allemands, cf.
Johannsen, p. 150) écrivent …]re Rom[…. ; Lintott, p. 192, ..]ROM (lecture incertaine de ces
lettres) ; Crawford, p. 119, +++. Pour la justification de mon interprétation, cf. les lignes qui
suivent, où je mets en relation les lignes 52-53 et 61-62.
25 A.-E. Giffard, avec la collaboration de R. Villers, Droit romain et ancien droit français
(obligations), Paris, 1967, p. 56.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


72 Les hommes

du ius gentium. Il faut prendre ius Romanum dans la signification étroite qui
était originellement la sienne. La lex Rubria transférait la propriété à des
citoyens romains.
Que signifie la locution colono eiue quei in colonei numero scriptus est
(ligne 45), qu’on rencontre plusieurs fois dans la partie africaine ? A. Lintott
pense que la phrase se réfère à une personne qui, absente de la liste originelle,
avait été incorporée dans la colonie par la commission sur le lieu même, peut-
être à la place du colon originel qui ne se serait pas présenté26. Th. Mommsen
avançait que ces inscrits étaient traités comme des colons, bien qu’ils n’aient
pas fait partie des colons autorisés par la loi initiale, Caius Gracchus et Fulvius
Flaccus en ayant enrôlé davantage que ce que permettait la loi (Appien, Ibid.,
I, III, 24), St. Gsell qu’ils étaient des Italiens27. A. Lintott s’oppose à l’hypo-
thèse de Mommsen en se référant à la ligne 60 qui montre clairement que
l’inscrit était considéré comme ayant des droits suivant la loi et non
simplement de facto. La phrase est la suivante :
l. 60 NEIVE VNIVS HOMINVS [nomine, cum IIIuir coloniae deducendae
ex lege Rubria quae fuit … (106) … colono eiue quei in colonei numero]
SCRIPTVS EST AGRVM QVEI IN AFRICA EST, AGRVM DARE
OPORT{EB}<u>IT28 LICVITVE, AMPLIVS IVG(era) [ … data adsignata
fuise iudicato].
l. 60 « Il devra juger qu’aucune] superficie supérieure à 200 jugères n’[a été
donnée et assignée au nom] d’un seul individu, [au moment où le triumvir
déducteur de la colonie en vertu de la loi Rubria abrogée,] a eu ordre et licence
de donner [au colon ou] à l’inscrit [comme colon] la terre située en Afrique ».

26 A. Lintott, Judicial Reform, p. 247.


27 St. Gsell, Histoire ancienne de l’Afrique du Nord, Paris, 2e éd., 1914-1930, VII, p. 60, n. 11.
28 Lintott (p. 192, p. 247) écrit « oportebit ». Mais la correction « oportuit » est nécessaire à
cause de « licuitue » (comme Huschke, Mommsen et Johannsen l’ont proposée). Le savant a
d’ailleurs fait implicitement la correction en traduisant : « it was right and legitimate to give
land in Africa » (« legitimate » ne me paraît pas correspondre tout à fait à licuit, qui est plutôt
du domaine de la permission, de l’autorisation).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 73

Elle donne raison au savant d’Oxford sur ce point.


La conjecture de Gsell ne me semble pas pouvoir être retenue : les
inscrits étaient, si ce j’ai écrit plus haut est juste, des citoyens romains. La
proposition de Lintott n’est pas à écarter.
Il reste que, à mon avis, cette manière d’écrire est une redondance
juridique destinée à cerner le groupe qui bénéficiait de la donation-
assignation de la lex Rubria. Le fait qu’elle soit mécaniquement répétée dans
la suite du texte va dans ce sens. Il s’agit aussi d’une clause de style qui peut
provenir de formules toutes faites, issues de la tradition juridique et du désir
de ne rien omettre, comme c’est le cas à la ligne 61 dans la proposition QVAM
QVANTVM NUMER[um ex lege Rubria quae fuit … a IIIviris coloniae
dedu]CENDAE IN AFRICA HOMINVM IN COLONIAM COLONIASVE
DEDVCI OPORTVIT LICVITVE, puisqu’il n’y eut qu’une seule colonie29.
Car, comment admettre qu’il y ait eu, d’un côté un registre des colons, de
l’autre « des colons » ? Où étaient inscrits ces derniers, sinon dans un registre
sur lequel étaient portés les noms des bénéficiaires de la donation-
assignation ? La particule enclitique –ve unit « surtout des mots formant
couple » et, de disjonctive, « se rapprochait souvent, dans l’emploi, d’une
particule copulative »30. Il s’agit, certes, d’une conjecture, une de plus ! En
tous cas, il est nécessaire de raisonner, comme l’a souligné Lintott, dans le
cadre de la lex Rubria, et non dans celui de la loi de 643 a.u.c. qui essaie de
résoudre l’incroyable confusion qui a suivi la dissolution de la colonie, avec ses
ventes publiques de terres données et assignées, ses ventes privées,
l’intervention d’hommes d’affaires et de sociétés, la disparition des ayants-
droit initiaux, les héritages et autres réalités justifiables ou non.
Le processus de reconnaissance de propriété est immédiatement engagé
en faveur du colon ou de l’inscrit, la déclaration appelant l’intervention rapide
d’un enquêteur :

29 cf. Johannsen, p. 335-336.


30 A. Ernout et F. Thomas, Syntaxe latine, Paris, 1953, p. 446-447. Les auteurs renvoient aux
exemples donnés par Cicéron (Ph., 5, 13) et par l’inscription CIL XI, 3571.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


74 Les hommes

l. 52 [….(128) … IIuir, quei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit …] IN BIDVO


PROXSVMO QVO FACTVS CREATVSVE ERIT, E<d>ICI<t>O … (57)
l. 52 « [… (128) … « Que le duouir qui sera créé en vertu de la présente loi,
dans les deux jours qui suivront la création, prenne un édit … (57) ... »
l. 53 [… (170) ex hoc edicto utei colonus isue quei in colonei numero scriptus est,
quoi ager locus de eo agro loco quei in Africa est, a IIIuiris coloniae deducendae
ex lege Rubria quae fuit, datus adsignatus erit, in diebus] XXV PROXSVMEIS
QVIBVS ID IN EDICTVM ERIT, PRO[inde) … (128) … apud IIuirum ….
profiteatur quantum modum quoque loco possideret quodque eiusdem agri locei
ei a IIIuiris coloniae deducendae ex lege Rubria quae fuit, da]TVM
ADSIGNATVM SIET, IDQVE QVOM PROFITEBITVR, COGNITOR[em
dare ei liceat].
l. 53 [… (170) … « Qu’aux termes de cet édit, le colon ou celui qui aura été
inscrit dans le registre du colon, auquel une terre ou pièce de terre située en
Afrique aura été donnée et assignée par les triumvirs chargés de déduire la
colonie en vertu de la loi Rubria abrogée, dans les 25 jours qui suivront cet
édit, fasse donc, [auprès du duovir, une déclaration indiquant la superficie
qu’il possède et le lieu de sa situation et la part de cette même terre ou pièce
de terre] qui aura été donnée et assignée par les triumvirs en vertu de la loi
Rubria abrogée ; et quand il aura déclaré cela, qu’il soit permis de lui donner
un enquêteur ».
En cas de conformité, l’enquête aboutit à la confirmation de la propriété
du colon citoyen romain que j’ai proposée plus haut pour les lignes 61-62.
Nous sommes dans le cadre d’une assignation individuelle conforme
au droit romain (uiritim adsignatio)31. Les propriétaires sont des citoyens
romains, mais ils ne constituent pas une communauté de droit public.

31 Ch. Saumagne (« Sur la loi agraire de 643/111, essai de restitution des lignes 19 et 20 »,
Revue de Philologie, 1927 = Ibid., dans « Essai d’histoire sociale et politique relative à la
province romaine d’Afrique », Les Cahiers de Tunisie, 1962, t. X, Tunis, p. 233) a relevé la
phrase, de prime abord surprenante, du clarissime cirtéen Marcus Cornelius Fronton :
Gracchus … Carthaginem uiritim diuidebat.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 75

5. Les socii et les Latins


D’autres Italiens sont cités dans la loi, dès la ligne 50. Contentons-nous
pour l’instant de constater qu’il s’agit de militaires auxiliaires de l’exercitus
Romanus, recrutés dans le cadre de la formula togatorum, ce qui conduit à
admettre qu’il était question des socii et des Latini32.
l. 50 [… (73) … socium nominisue Latini33, quibus ex formula t]OGATORVM
MILITES IN TERRA ITALIA INPERARE SOLENT EIS POP[uleis, … (106)
…]
l. 50 « [… (73) …] des alliés ou du nom latin, auxquels, en accord avec la
charte] d’alliance, ils ont coutume de commander des soldats en Italie à ces
peu[ples …. (106) …] ».
Cinq lignes plus bas, dans le cadre des déclarations des terres devant le
duovir, il est question d’un achat de terre par un préfet ou par un soldat, ce
qui fait penser qu’il est question, dans la lacune, des alliés et des Latins.
l. 54 [… (174) item, ex hoc edicto, utei is quei a colono ab eoue quei in colonei
numero scriptus est agrum locum emerit, in iisdem diebus apud IIuirum …
profiteatur quid eius agri loci quoius pri]MVM EMPTOR SIET AB EO
QVOIVS HOMIN[is … (128) .. priuatei eius agri locei uenditio siet ; item, ex
hoc edicto, utei emptor profiteatur … sei uenditio agri loci ante kalendas
I(anuarias)34… M(arco) Liuio L(ucio) ] CALPVRNI<o> COS FACTA SIET,
QVOD EIVS POSTEA <ne>QVE IPSE NE[que

32 On s’est parfois demandé ce que faisaient ces soldats dans une loi consacrée à des civils.
En réalité, rien n’empêchait des militaires d’acheter des terres. Quant à la présence de corps
auxiliaires, elle est du domaine de l’évidence : selon Orose, 30.000 soldats de l’armée romaine
tenaient garnison à Utique (Aduersus paganos, V, 11).
33 Dans les lignes qui suivent, je restitue socius avant Latinus, conformément à la tradition
écrite.
34 Crawford (p. 119) restitue I(anuarias).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


76 Les hommes

l. 55 heres eius uenditionem facere licuit … seiue emptio ab eo sociorum nominis


Latiniue ab eoue quei] PRAEFECTVS MILESVE IN PROVINCIAM ER[it ..
(120) … facta siet].
l. 54 « […. (174) … De même, aux termes de cet édit, celui qui aura acheté à un
colon ou à un inscrit comme colon, fasse, dans le même délai auprès du duovir
la déclaration de la quantité de terre ou pièce de terre dont] il aura été
acheteur de première main (pour l’avoir achetée) de celui de qui [la vente aura
été faite à titre privé ; de même, qu’aux termes de cet édit, l’acheteur déclare si
la vente de la terre ou pièce de terre a été faite avant les calendes du mois de
janvier, sous les consulats de M(arcus) Liuius] et L(ucius) Calpurnius35,
attendu que, après cette date, ni le colon lui-même, ni son héritier
l. 55 [n’ont eu licence de l’accomplir ; … (qu’il déclare encore) si l’achat a été
réalisé par un allié ou un Latin ou par par quelqu’un qui] aurait été préfet ou
soldat dans la province ».
La raison de cette disposition est que l’allié et le Latin ne seront pas
traités aussi favorablement que le citoyen romain, lequel est un citoyen
romain civil. En effet, si miles, dans le contexte de la ligne 51, désigne très
probablement un auxiliaire, en revanche, certains praefecti étaient dès cette
époque des officiers dotés de la cité (sous le Haut-Empire, cette fonction
constituait une des milices permettant d’intégrer le corps des procurateurs
équestres).
Celui-ci sera considéré comme ayant bénéficié d’une assignation au
même titre qu’un colon ou qu’un inscrit de la loi Rubria, comme nous l’avons
vu précédemment aux lignes 61-62 ; ceux-là recevront, finalement, un bien
grevé du vectigal :
l. 63 [… IIuir, quei ex h(ac) l(ege) factus creatusue, cognoscito, quod
quand]OQVE EIVS AGRI ANTE KAL. I(anuarias) [M(arco) L(iuio) L(ucio)
Calp]VRNIO CO(n)[s(ulibus) emptor] EST AB EO QVOIVS EIVS AGRI

35 643 a.u.c = 111 avant J.-C..

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 77

LOCEI HOMINIS PRIVATI VENDITIO FVIT TVM QVOM IN EVM


AGRVM EMIT, QVEI [ … (29) …]
l. 64 [… (254) … neque is sociorum nominisue Latini neque praefectus milesue in
prouinciam erit ….],
l. 63 « …. que le duovir, qui, de par cette loi, a été fait et créé, examine36 sur
quelle part et à quel mo]ment avant les calendes de janvier, sous les consulats
de Marcus Livius et Lucius Calpurnius, [s’est trouvé un acheteur] ayant acquis
de celui de la part de qui la vente de la terre ou pièce de terre a eu lieu à titre
d’homme privé, sous la condition que celui qui a acheté la terre ou pièce de
terre
l. 64 [n’est, ni allié, ni Latin, ni préfet ni soldat dans la province] ».
l. 64 [eo agro quem is qui em]IT PLANVM FACIET FECERITVE EMPTVM
ESSE, [quod eius agri locei neque ipse] NEQVE HERES EIVS NEQVE QVOI
IS HERES ABALIENAVERIT, QVOD EIVS AGRI LOCO PLANVM
FACTVM
l. 65 ERIT, IIVIR ITA [iudicato utei is ager locus ei quei ita emerit datum
adsignatum siet].
l. 64-65 « Pour ce qui est de cette terre que] l’acheteur démontrerait ou aurait
démontré qu’il l’a achetée, [pour la part de cette terre que n’aurait aliéné ni
lui-même] ni son héritier ni celui qui serait l’héritier de ce dernier, pour la part
qui serait démontrée être bien dans cette situation, que le duovir juge [de telle
sorte que cette terre ou pièce de terre soit donnée et assignée37 à cet
acheteur] ».
l. 65 [Quoi eo sociorum nominisue Latini quei agrum locum de eo agro loco quei
colono eiue quei in colonei numero scriptus est ex lege Rubria quae fuit datus erit,
emit emeritue, eiue quei de agro loco post kalend. I(anuarias), M(arco) L(iuio)

36 Ici était exprimé, ou sous-entendu, le fait qu’il était question de la même catégorie de
terres, dans l’hypothèse où le colon l’aurait aliénée.
37 Il s’agit d’une fiction juridique. L’acheteur se trouve assimilé au colon originel.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


78 Les hommes

L(ucio) Calpurnio co(n)s(ulibus), ab eo, quoius agri loci uenditio hominis


priuati uenditio fuerit, emptor erit ; quod ita emptum fuisse planum factum erit,
IIuir id ei procuratoriue heredeiue eius re]DDITO QVOD IS EMPTVM
HABVERIT, QVOD EIVS PVBLICE NON VENIE[t].
l. 65 « [À l’allié ou au Latin qui aurait acquis une terre ou pièce de terre
donnée au colon en vertu de la loi Rubria abrogée ; ou à celui qui, après les
calendes de janvier sous les consulats de Marcus Livius et de Lucius
Calpurnius, aurait acheté de celui qui le lui aurait vendu à titre d’homme
privé : pour la partie de cela qui aurait été constatée dans ces situations, que le
duovir] fasse [à cet individu, ou à son procurateur ou à son héritier], une
restitution de ce qu’il aurait acheté pour la part qui n’aurait pas fait l’objet
d’une vente publique ».
l. 65 [Quei item IIuir, sei is] AGER LOCVS EI EMPTVS FVERIT PVBLICE
VENIEIT, TANTVNDEM MODVM AGRI LOCEI DE EO AGRO, QVEI
AGER LO[cus publicus populi Romanei in Africa est … ei quei ita emptum
habuerit, eo loco agro quei Romae publice uenieit, commutato].
l. 65 [De même, si cette] terre ou pièce de terre ainsi achetée avait été vendue
publiquement à Rome, que le duovir donne à cet acheteur une superficie
équivalente de terre ou pièce de terre prélevée sur la terre publique du Peuple
romain en Afrique ».
l. 65 [Quoieique agrum locum de eo agro loco quei in Africa est … IIuir ita
reddiderit commutaueritue, is ager locus ab eo
l. 66 quoius in h(ac) l(ege) f]ACTVS ERIT, HS N(ummo) I EMPTVS ESTO,
ISQVE AGER LOCVS PRIVATVS VECTIGALISQVE ITA [utei in h(ac)
l(ege) supra] scriptum est, esto].
l. 65 « [À celui auquel le duovir aura ainsi rendu ou échangé une terre ou
pièce de terre prélevée sur le domaine public d’Afrique,]
l. 66 « que cette terre ou pièce de terre soit achetée un sesterce par celui que
cette présente loi en a fait le propriétaire, et que cette terre ou pièce de terre

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 79

soit privée et redevable du vectigal, ainsi qu’il a été écrit plus haut dans la
présente loi ».
En revanche, l’allié ou le Latin est traité de la même manière que le
citoyen romain pour ce qui est du vectigal, des decumae et de la scriptura dus
au Peuple romain ou au publicain pour la possession et la jouissance du
domaine public. Il ne s’agit plus, en effet, des terres qui avaient été destinées à
des colons citoyens romains, mais de l’ager publicus constitué par ce qui
appartenait aux cités détruites ou à leurs habitants.
l. 83 [Quei populi leiberi, queive perfuga, queive socium nominisue Latini quibus
ex formula togatorum milites in terra Italia inperare solent, agrum publicum in
Africa possidebit frueturue, is pro eo agro uectigal decumas] SCRIPTVRAM
POPVLO AUT PVBLICANO ITEM DARE DEBETO, VTEI PRO EO
AGRO LOCO, QVEM AGRVM LOCVM POPVLVS [Romanus ex h. l.
locabit, que]M AGRVM LOCVM CEIVIS ROMANVS EX H. L.
POSSIDEBIT, DARE OPORTEBIT.
l. 83 « [… (193) … Considérant la terre ou pièce de terre à partir de cette terre
ou pièce de terre qu’un ressortissant d’un peuple libre38, ou un rallié, ou d’un
membre des alliés ou du nom Latin desquels ils ont coutume d’exiger des
soldats en application du traité d’alliance, possédera et dont il jouit, il sera
tenu de payer le vectigal, la dîme] et le droit de pâture, pour cette terre ou
pièce de terre, au Peuple ou au publicain dans les mêmes termes qu’un citoyen
romain est dans l’obligation de les payer pour cette terre ou pièce de terre que
le peuple romain afferme et qu’un citoyen possède de par cette loi ».
M’appuyant sur la restitution à Mommsen, j’introduis la mention du
perfuga. Sur le plan de la forme, il n’y a aucune raison de changer les mots et
les locutions utilisées. Sur le fond, il n’y a aucune raison d’exclure des
locataires de la terre publique ceux qui sont sur le sol africain dans la capacité

38 Mommsen restitue « populus leiber ». Les terres d’un tel peuple sont privées pour les
Romains. Mais il s’agit ici de terres publiques romaines. Deux possibilités existent : ou bien le
populus leiber loue des terres romaines, ou bien c’est un citoyen du peuple libre qui le fait. Les
deux sont possibles, ce qui rend compte de la possibilité du génitif.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


80 Les hommes

personnelle de le faire. La position, ferme de Johannsen, incertaine de Lintott,


recèle le même point de vue quand ils proposent de restituer Latinus
peregrinusue, ce dernier substantif pouvant englober les socii, les ressortissants
des peuples libres et les transfuges. Leur proposition repose sur un passage de
la partie italienne, dans lequel on lit, à la ligne 29, item Latino peregrinoque
dans un contexte de possession et de jouissance de la terre publique à égalité
avec un citoyen romain. La locution Latinus peregrinusue est susceptible
d’englober tous les éléments que je propose, mais, d’une part, le mot peregrinus
n’apparaît nulle part dans la partie africaine ; d’autre part, dans le contexte de
la formula togatorum (lignes 50, 54, 63-64), laquelle a été conservée dans cette
même partie, nous avons affaire à des militaires présents sur le sol d’Afrique.

6. Des individus
Le citoyen romain, le Latin, l’allié sont toujours considérés comme des
individus relevant d’un statut qui engendre certaines possibilités ou certaines
obligations. Par exemple, celui qui détenait une terre en vertu de la loi Rubria
abrogée était considéré comme un individu pendant la période qui s’étendait
de la décision provisoire du duovir suivant laquelle il la « posséderait et en
jouirait » à la décision finale de reconnaissance ou non de propriété ou de la
possession (l. 51-52) :
l. 51 QVEI AG[er locus in Africa est, quod eius agri locei queicumque ex lege
Rubria quae fuit,]
l. 52 [habebit possidebit fruiturue cum IIuir ex h(ac) l(ege) creatus erit, is id
habeat poss]IDEAT FRVATVR ITEM, VTEI SEI IS AGER LOCVS
PVBLI[ice Romae uenditus erit, usque eo quoad is IIuir de unoquoque in summa
ioudicauerit].
l. 51-52 « En ce qui concerne la terre et pièce de terre qui est dans l’Africa,
pour la part de cette terre qu’un individu en aurait ou posséderait et dont il
jouirait en vertu de la loi Rubria abrogée, au moment où le duovir aurait été
créé par la présente loi, que cet individu l’ait, la possède et en jouisse comme si

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 81

cette terre et pièce de terre [avait été vendue] publiquement [à Rome, jusqu’à
ce que le duovir prenne une décision définitive pour chacun] ».
Cette situation purement individuelle est la seule qu’on découvre dans
le texte. Le singulier est d’ailleurs employé le plus souvent.
Le substantif homo, qu’il soit employé au singulier ou au pluriel, par le
caractère de généralité qu’il revêt, marque tout autant l’absence de toute
association qui pourrait défendre collectivement des droits :
l. 58 IIVIR Q[uei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, in … diebus proxsumeis
quibus factus creatusue erit, de agris locis quos ex h(ac) l(ege) datus adsignatus
esse fuiseue iudicare oportebit, rationem initio, et numerum conputatio
nominaque inscribito hominum quos ex lege Rubria quae fuit a IIIuiris coloniae
deducendae in coloniam coloniasue deduci oportuit licuitue].
l. 58 « [Le duovir créé par la présente loi, dans les … jours qui suivront sa
création, sera tenu : en ce qui concerne les terres ou pièces de terre qu’il est
appelé à déclarer par jugement être et avoir été assignées, d’en organiser le
règlement ; en ce qui concerne le nombre et les noms des hommes dont la loi
Rubria abrogée ordonnait ou autorisait la déduction par les triumvirs, d’en
faire le compte et d’en dresser la liste] ».
l. 59 [et de] EIS AGREIS ITA RATIONEM INIT{I}O, ITAQVE H[ominum
numerum computato, utei … nei unius] HOMINI[s nomine, ……. non iudicato]
ET, NEIVE VNIVS HOMINIS NOMINE, QVOI EX LEGE RVBRIA QVAE
FVIT, COLONO EIVE QVEI [in colonei numero scriptus est, IIIuir
deducendae coloniae iugera dederit adsignauerit, iugera extra eum agrum quem
IIIuir coloniae
l. 60 deducendae dare oportuit licuitue, data adsign]ATA FUISE IVDICATO.
l. 59 « Ce règlement touchant les terres, [et ce recensement des] h[ommes],
devront être organisés [et réalisés] selon les directives suivantes : [1. il ne

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


82 Les hommes

devra pas juger …. au nom] d’un homme39 [……. ) ; 2. il devra juger que tout
jugère donné assigné par les triumvirs] au nom d’un homme qui est colon ou
inscrit comme colon en vertu de la loi Rubria abrogée, [s’il a été donné hors de
cette terre que le triumvir »
l. 60 « chargé de fonder la colonie avait l’ordre ou la faculté de donner], n’a
été, [ni donné], ni assigné ».
l. 60 NEIVE VNIVS HOMINIS [nomine, cum IIIuir coloniae deducendae ex
lege Rubria quae fuit … (106) … colono eiue quei in colonei numero] SCRIPTVS
EST AGRVM QVEI IN AFRICA EST, DARE OPORTVIT LICVITVE,
AMPLIVS IVG(era) CC IN […]
l. 61 data adsignata fuise iudicato neiue maiorem numerum hominum in
coloniam coloniasue deductum esse fuis]EVE IVDICATO QVAM QVANTVM
NVMERVM [ex lege Rubria quae fuit …. (106) … a IIIuiris coloniae
dedu]CENDAE IN AFRICA HOMINVM IN COLONIAM COLONIASVE
DEDVCI OPORT{EB}<uit> LICVITVE (… 38 ….).
l. 60 « [Il devra juger qu’aucune] superficie supérieure à 200 jugères n’[a été
donnée et assignée au nom] d’un seul individu, [au moment où le triumvir
déducteur de la colonie en vertu de la loi Rubria abrogée,] a eu ordre et licence
de donner [au colon ou] à l’inscrit [comme colon] la terre située en Afrique ».
l. 61 « [Il devra] juger que n’a pas été [déduit dans le ou les colonies] un
nombre supérieur au nombre [que, en vertu de la loi Rubria abrogée,] il était
prescrit et permis [aux triumvirs ] déducteurs de la colonie, de déduire dans la
ou les colonies (… 38….) ».

7. Les societates
Un type de société est implicitement attesté à la ligne 73, bien
qu’apparaisse seulement le mot publicanus. La societas est un groupement de

39 Le formulaire était très probablement le même dans les deux cas, d’où ma proposition de
restituer HOMINI[s nomine…]. D’autres restitutions de ces lignes ont été présentées. Elles ne
contredisent pas mon propos, qui est de montrer que le passage n’envisage que des individus.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 83

personnes privées qui ne constituent pas une personne morale40. Les publicani
avaient formé, à partir des guerres puniques, des sociétés d’industrie pour la
fourniture des armées et pour percevoir l’impôt à ferme (Tite-Live, 23,
48-49). Ce type était nommé societas quaestus, qui correspond à la société
d’industrie du Code civil (art. 1842)41. Le publicain peut percevoir l’impôt de
la terre privée et vectigalienne.
l. 73 [… 235 Quei agrum locum publicum populi Romanei in Africa emit
emeritue, quei ager locus ex h. l. priuatus uectigalisque factus erit, pro quo agro
loco pequniam populo aut publicano dare debebit, sei – in (x) diebus post eid.
Mart. quae, posteaquam uectigalia consistent, primae erunt, ea pequnia quam
populo debebit pro eo agro loco quei uenieit] VENIERIT, SOLVTA NON
ERIT, IS PRO EO AGRO LOCO IN DIEBVS CXX PROXSVMEIS EA[rum
dierum uectigalium] QVAE S(upra) S(cripta) S(unt), ARB(itratu) PR(aetoris)
QVEI INTER CIVES TVM ROMAE IOVS DEICET, SATIS SVPSIGNATO
(vacat)
PR(aetor) QVEI INTER CIVES ROMAE IOVS DEI[cet … (14) ..]
l. 74 [… (235) … sei] PRAEDIVM ANTE EA OB EVM AGRVM LOCVM IN
PVBLICO OBLIGATVM ERIT IN PVBLICV[mue praes datus eri]T,
AGRVM LOCVM, QVO PRO AGRO LOCO SATIS EX H. L. ARB(itratu)
PR(aetoris) SVBSIGNATVM NON ERIT, PEQVNIA PRAESENTI
VENDITO (… 14 …)].
l. 73 « [Celui qui aura acheté une terre et pièce de terre publique du peuple
romain en Afrique – terre et pièce de terre qui aura été faite privée et
vectigalienne en vertu de la présente loi –, et pour laquelle il doit payer une
somme au Peuple ou au publicain, si, dans les (x) jours qui suivront les Ides de
Mars suivant l’échéance, la somme au peuple due pour la terre ou pièce de
terre qui aura été] ou sera vendue, n’était pas payée, cet individu, pour ce
même terre et lieu, dans les 120 jours les plus proches des dates d’échéances

40 A.-E. Giffard, Droit romain, p. 78-81.


41 Giffard, p. 79.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


84 Les hommes

susdites, qu’il donne caution sous l’arbitrage du préteur qui dira alors le droit
à Rome entre citoyens ».
« Le préteur qui dit le droit à Rome entre les citoyens ... (14) ..] »
l. 74 « … sauf le cas] où un gage foncier aurait été auparavant engagé
publiquement pour ce même terrain ou [qu’un garant aurait été donné]
publiquement, mettra en vente au comptant la terre ou pièce de terre pour
laquelle il n’aurait pas été suffisamment souscrit selon l’arbitrage du
préteur ».

Conclusion
La loi admet peu de communautés : les sept peuples libres sont les seuls
qui constituent une entité civique. Les transfuges alliés de Rome n’ont d’autre
caractère collectif que le fait qu’ils aient bénéficié d’un certain nombre de
dispositions. Les fils de Massinissa ont été récompensés en tant qu’héritiers du
roi directement par Scipion Emilien. Il s’agit d’un arrangement dans un cadre
d’alliance entre Rome et une royauté. Des societates faisant commerce de
terres et des publicains s’occupant des impôts sont les seules associations repé-
rables. Elles groupent des individus sans constituer des personnes morales.
Tout le reste est strictement individuel : la colonia Iunonia Karthago
étant dissoute, la loi ne reconnaît plus que des cas individuels, traités un à un,
aussi bien pour les citoyens romains que pour les alliés et les Latins, et il en est
de même pour les stipendiaires. Il existe, certes, des listes, mais celles-ci
servent à connaître les droits, les devoirs ou les possibilités de chacun des
individus qui s’y trouve inscrits, non à permettre à des groupes de constituer
des entités reconnues, publiques ou privées.
Cette conception individualiste provient pour une grande part de la
conjoncture historique, conquête de l’Africa, annihilation de la plupart des
cités, suppression de la colonie gracchienne ; mais elle obéit aussi aux change-
ments qui se sont produits dans le droit romain dès la lex Licinia Sextia et qui
avaient servi de base à la loi agraire de Tibérius Gracchus.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS

III. Le droit

Les références juridiques sont abondantes : pour ne citer que ce que le


bronze a conservé, il est question du plebiscitum du tribun de la plèbe Marcus
Baebius (l. 43), de la lex Rubria quae fuit (l. 52, 59), de la lex Liuia (77), de la
lex Sempronia (82), de la lex dicta censoriale (85, 88), de la loi rejetée du
consul Gnaeus Papirius, de l’edictum du duovir (l. 52, 53, 56, 57), de la locu-
tion ex h(ac) l(ege) (52, 62, 71, 83, 87, 93) qui désigne le texte gravé. Plusieurs
magistrats romains sont concernés : censores (86), consules (89), praetor (73,
74, 83), magistratus et pro magistratu (47, 56, 72, 87), quaestor (46, 85),
décemvirs de la lex Livia (81), triumvirs de la lex Rubria (62), duovir de la
présente loi (58, 75, 77, 80), imperator de la troisième guerre punique (l. 75).
Il convient d’examiner tout cela. La première difficulté concerne la loi
elle-même. L’on a cru longtemps qu’il s’agissait de la lex Thoria, du nom du
tribun de la plèbe Spurius Thorius. Dans l’appendice que Claude Nicolet
rédigea pour la réédition du livre de J. Carcopino « Autour des Gracques », le
savant écrivait : « Je me garderai de prendre parti ici sur cette question trop
embrouillée »1. Rien, dans toutes les conjectures qui ont été développées
autour d’un passage obscur d’Appien où Burios (ou Bourios) (B.C., I, 27, 121-
124) serait le tribun de la plèbe Spurius Thorius, d’allusions de Cicéron
(Brutus, 136 ; De Oratore, II, 284), de la législation agraire de Spurius Thorius,
qu’on a cherché à identifier en partie avec l’inscription au prix d’apriorismes
sur le but de la loi, ne permet d’établir un lien solide entre l’inscription et ce
tribun. Je m’étendrai d’autant moins sur cette question que je ne pense pas
que l’inscription ait un quelconque rapport avec Spurius Thorius, renvoyant
le lecteur à l’excellente mise au point d’Andrew Lintott qui énumère les
raisons qui conduisent à refuser l’identification2.

1 C. Nicolet, dans J. Carcopino, Autour des Gracques, études critiques, Paris, 1967, p. 338.
2 A. Lintott, Judicial and Land Reform in the Roman Republic, a new edition, with trans-
lation and commentary of the laws of Urbino, Cambridge, 1992 (2010), p. 282-286.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


86 Le droit

Le nom de Spurius Thorius n’apparaît nulle part sur le bronze. Le début


de la première ligne a disparu :
[… tr. pl. plebem rogauit plebesque ioure sciuit in foro a. d. … (35), tribus
princi]PIVM FVIT3.
En revanche, à la ligne 43 apparaît le nom du tribun de la plèbe et
triumvir, Marcus Baebius. L. de Ligt a restitué ainsi le passage. J’ajoute simple-
ment quei ager locus in Africa est, parce que, si cette partie traite de la terre qui
est en dehors de l’Italie, c’est-à-dire, en l’occurrence, de la terre de l’Africa et
de celle de Corinthe, c’est de l’Africa qu’il sera question jusqu’à la ligne 95
incluse.
l. 43 [Quei ager locus extra terra Italia est, quei ager locus in Africa est, quem
eum locum de eo agro loco IIIuir coloniae deducendae ex lege Rubria, quae fuit,
colono eive quei in colonei numero scrip]TVS EST, DEDIT ADSIGNAVITVE,
QVEMVE AGRVM LOCVM DE EO AGRO LO[co … (35) … ex lege] PL(ebis)
SC(itum), QVOD M. BAEBIVS TR(ibunus) PL(ebis) IIIVIR COLONI<a>E
DEDVCEND[ae populo Romano rogavit, IIIvir colono eiue quei in colonei
numero]
l. 44 [scriptus est, dedit adsignauitve … (75) …,4.
l. 43 [En ce qui concerne la terre et lieu qui est hors de la terre d’Italie, pour ce
qui est de la terre qui est en Afrique, cette terre et pièce de terre que, à partir
de cette terre et pièce de terre, le triumvir chargé de déduire la colonie en
application de la loi Rubria, abrogée, au colon ou à celui qui a été ins]crit [en
tant que colon,] a donné et assigné, ou cette terre et piè[ce de terre que, à
partir de cette terre et pièce de terre, ….. (35) …. en application de la loi (et)]
plébiscite, que Marcus Baebius, tribun de la plèbe, triumvir chargé de déduire
les colonies, [a présenté (au Peuple), le triumvir, au colon ou à celui qui a été
inscrit en tant que colon]

3 Ibid., p. 176.
4 Restitution proposée par L. de Ligt, « Studies in legal and agrarian history IV: Roman
Africa in 111 B.C. », Mnemosyne, 54, 2, 2001, p. 214. J’ ajoute « populo Romano ».

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 87

l. 44 [a donné et assigné … (75) …. ».


J. Carcopino avait proposé une restitution plus complète : [Quem
agrum locum de eo agro loco IIIuir a(gris) d(andis) a(dsignandis), ex lege
pl(ebeiue) sc(ito) quod Rubrius trib(unus) pl(ebei) rogauit, sorti]TVS EST,
DEDIT ADSIGNAVITVE, QVEMVE AGRVM LOCVM DE EO AGRO
LO[co … IIIuir coloniae deducendae ex lege] PLEB(eiue) SC(ito) QVOD
M. BAEBIVS TR. PL. IIIVIR COLONI[a]E DEDVCEND[ae rogauit, dedit
assignauitue, IIuir iure datu]M ADSIGNATVM ESSE FVISSEVE
IOVDICAVERIT, VTEI IN H(ac) L(ege) SCRIPTVM EST5.
Son interprétation illustrait son point de vue sur le rôle qu’aurait joué
M. Baebius. Membre d’une famille dévouée au Sénat, lequel était occupé à
achever la déroute des réformateurs, il aurait présenté cette loi pour
compléter le triumvirat gracchien à la mort, en 119, de C. Papirius Carbo6.
Si je suis d’accord avec l’idée de Carcopino suivant laquelle M. Baebius
était un tribun de cette période7 – il ne saurait, en fait, en être autrement –, je
pense, à la lecture d’un texte où il est dit que le tribun « a donné et assigné »,
où il est question d’une loi et plébiscite qui ne saurait se contenter de
permettre la nomination d’une personne, alors même qu’elle aurait comporté,
suivant le savant, la création d’un duovir destiné à la mettre en œuvre, que
cette loi et plébiscite est, ou bien le document dont nous avons les fragments,
ou bien les parties africaine et grecque de l’inscription. Dans le premier cas, le
nom du tribun aurait été gravé au début du texte ; dans le second, l’explication
d’une présence dans la Péninsule viendrait du fait qu’on aurait réuni des
dispositions de même nature qui avaient été prises à Rome, comme je l’ai écrit
plus haut.
De toute façon, qu’on adopte la restitution de L. de Ligt ou celle de
J. Carcopino, une fois éliminée la lex Rubria qui a été abrogée (lex Rubria quae
fuit), il ne reste plus qu’une lex Baebia. Cette loi était destinée, après une

5 Autour des Gracques, p. 269-270.


6 Ibid., p. 269.
7 Sur cette question, ibid., p. 254-277.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


88 Le droit

dizaine d’années d’errements et de confusion, à résoudre le problème de la


terre d’Afrique.
La lex Baebia portait aussi sur la terre de Corinthe. En effet, les
commissaires qui étaient chargés de l’appliquer étaient des duovirs : l’un était
chargé de l’Africa, comme l’indique l’emploi du singulier pour le désigner,
l’autre était en mission en Grèce :
l. 96 [… (255) Quei ex. h. l. IIuir factus creatusue erit, is in diebus …
proxsume]IS, QVIBVS EX H. L. IIVIR FACTVS CREATVSVE {D}<e>RIT,
A[gru]M LOCVM, QVEI CORINTHIORVM [fuit (120) e]XTRA EVM
AGRVM .. (8)…8.
Le duovir était chargé de l’application de la loi. Il convient de dégager
ses capacités et ses moyens, les obligations qui sont les siennes et dont il ne
pouvait déroger, les espaces de liberté qu’il pouvait avoir pour prendre une
décision.
Notons tout d’abord que la loi établit une possession provisoire pour
ceux qui détiennent des terres en vertu de la loi Rubria abrogée, en attendant
la décision du duovir :
l. 51 QVEI AG[er locus in Africa est, quod eius agri locei queicumque ex lege
Rubria quae fuit,]
l. 52 [habebit possidebit fruiturue cum IIuir ex h(ac) l(ege) creatus erit, is
id habeat poss]IDEAT FRVATVR ITEM, VTEI SEI IS AGER LOCVS
PVBLI[ice Romae uenditus erit, usque eo quoad is IIuir de unoquoque in summa
ioudicauerit].
l. 51-52 « En ce qui concerne la terre et pièce de terre qui est dans l’Africa,
pour la part de cette terre qu’un individu en aurait ou posséderait et dont il
jouirait en vertu de la loi Rubria abrogée, au moment où le duovir aurait été
créé par la présente loi, que cet individu l’ait, la possède et en jouisse comme si
cette terre et pièce de terre [avait été vendue] publiquement [à Rome, jusqu’à
ce que le duovir prenne une décision définitive pour chacun] ».

8 Restitution de A. Lintott, p. 200.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 89

Le premier acte du duovir à ce sujet consiste à prendre un édit :


l. 52 [….(128) … IIuir, quei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit …] IN BIDVO
PROXSVMO QVO FACTVS CREATVSVE ERIT, E<d>ICI<t>O … (57).
l. 52 « [… (170) … Que le duouir qui sera créé en vertu de la présente loi,] dans
les deux jours qui suivront la création, prenne un édit … (57) … ».
Cet édit oblige le détenteur à faire une déclaration indiquant la surface
et l’emplacement de sa possession. Cette déclaration permettra d’ouvrir une
enquête :
l. 53 [… (170) … ex hoc edicto utei colonus isue quei in colonei numero scriptus
est, quoi ager locus de eo agro loco quei in Africa est, a IIIuiris coloniae
deducendae ex lege Rubria quae fuit, datus adsignatus erit, in diebus] XXV
PROXSVMEIS QVIBVS ID IN EDICTVM ERIT, PRO[inde … (128) … apud
IIuirum …. profiteatur quantum modum quoque loco possideret quodque
eiusdem agri locei ei a IIIuiris coloniae deducendae ex lege Rubria quae
fuit, da]TVM ADSIGNATVM SIET, IDQVE QVOM PROFITEBITVR,
COGNITOR[em dare ei liceat].
l. 53 « [… (170) … qu’aux termes de cet édit, le colon ou celui qui aura été
inscrit en tant que colon, auquel une terre et pièce de terre située en Afrique
aura été donnée et assignée par les triumvirs chargés de déduire la colonie en
vertu de la loi Rubria abrogée, dans les] 25 jours qui suivront cet édit, [fasse,
auprès du duovir, une déclaration indiquant la superficie qu’il possède et
l’emplacement de sa possession, et la part de cette même terre et pièce de terre
qui] aura été donnée et assignée [par les triumvirs chargés de déduire la
colonie en vertu de la loi Rubria abrogée] ; et quand il aura déclaré cela, [qu’il
soit permis de lui donner] un enquêteur ».
Si le document fourni est conforme à la réalité, le duovir confirme
l’assignation pour le colon ou son héritier :
l. 61-62 : IIVIR QVEI [ex h(ac) l(ege) factus / creatusue erit, de eo agro quem ex
lege Rubria quae fuit a IIIuiris coloniae deducendae colono eiue quei in colonei
numero scriptus est, dari oportuit licuitue ut eorum ex iu]RE ROMA[no siet,

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


90 Le droit

quod eius agri locei colono eiue quei in colonei numero scriptus est d]ATVS
AD[signatus fuerit quod eius agri non abalienatum quodque eius] AGRI EX
H. L. ADIOVDICARI LICEBIT, QVOD ITA COMPERIETVR, ID EI
HEREDEIVE EIVS ADSIGNAT{0}<um> ESSE IVDICATO [… (33) …].
l. 61-62 « […. (172) … En ce qui concerne la terre que les triumvirs chargés de
la fondation des colonies avaient l’ordre et la faculté de donner et assigner, en
vertu de la loi Rubria abrogée, aux colons ou aux inscrits comme colons de
telle manière qu’elle leur appartienne] selon le droit romain, [pour la part qui
a été donnée et assignée à un colon ou à un inscrit comme colon, pour la part,
encore, qui n’aura pas fait l’objet d’une vente, pour la part, enfin, que le
duovir], en vertu de la présente loi, a la faculté d’adjuger ; pour tout ce qui est
constaté être ainsi, que le duovir juge que cela a été assigné au colon ou à son
héritier [… (33) …] ».
Le rôle du duovir est important, puisqu’il règle le délicat problème des
détenteurs de lots coloniaux, qu’il s’agisse des colons originels ou de leurs
héritiers. En revanche, le duovir s’en tient nécessairement à l’application de la
loi. Il en est de même, par exemple, si le détenteur n’a pas fait une déclaration
(l. 57), si un citoyen romain a acheté un lot à un colon de la lex Rubria (l. 64).
De même, tout ce qui concerne la reconstitution de l’opération des
assignations de la lex Rubria s’impose comme un impératif catégorique :
l. 58 IIVIR Q[uei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, in … diebus proxsumeis
quibus factus creatusue erit, de agris locis quos ex h(ac) l(ege) datus adsignatus
esse fuiseue iudicare oportebit, rationem initio, et numerum conputatio
nominaque inscribito hominum quos ex lege Rubria quae fuit a IIIuiris coloniae
deducendae in coloniam coloniasue deduci oportuit licuitue].
l. 58 [Le duovir créé par la présente loi, dans les … jours qui suivront sa
création, sera tenu : – en ce qui concerne les terres et pièces de terre qu’il est
appelé à déclarer par jugement être et avoir été assignées, d’en organiser le
règlement ; – en ce qui concerne le nombre et les noms des hommes dont la
loi Rubria abrogée ordonnait ou autorisait la déduction dans la ou les colonies

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 91

par les triumvirs chargés de la fondation d’une colonie, d’en faire le compte et
d’en dresser la liste].
l. 59 [et de] EIS AGRIS ITA RATIONEM INIT{I}O, ITAQVE H[ominum
numerum computato, utei …nei unius] HOMINI[s nomine, …. non iudicato]
ET, NEIVE VNIVS HOMINIS NOMINE, QVOI EX LEGE RVBRIA QVAE
FVIT, COLONO EIVE QUEI [in colonei numero scriptus est, IIIuir
deducendae coloniae iugera dederit adsignauerit, iugera extra eum agrum quem
IIIuir coloniae
l. 60 deducendae dare oportuit licuitue, data adsign]ATA FVISE IVDICATO .
l. 59 Ce règlement touchant les terres, [et ce recensement des ] h[ommes],
devront être organisés [et réalisés] selon les directives suivantes : [ a) il ne
devra pas juger … au nom d’un homme ; b) il devra juger que tout jugère
donné assigné par les triumvirs chargés de la fondation des colonies] au nom
d’un homme qui est colon ou inscrit comme colon en vertu de la loi Rubria
abrogée, [s’il a été donné hors de cette terre que le triumvir
l. 60 chargé de fonder la colonie avait l’ordre ou la faculté de donner], n’a été,
[ni donné], ni assigné.
l. 60 NEIVE VNIVS HOMINVS [nomine, cum IIIuir coloniae deducendae
ex lege Rubria quae fuit … (106) … colono eiue quei in colonei
nu]MERO SCRIPTVS EST AGRVM QVEI IN AFRICA EST, DARE
OPORTE{BIT}<uit> LICVITVE, AMPLIVS IVG(era) CC IN […]
l. 61 [… data adsignata fuise iudicato neiue maiorem numerum hominum in
coloniam coloniasue deductum esse fuis]EVE IVDICATO QVAM QVANTVM
NVMERVM [ex lege Rubria quae fuit …. (106) … a IIIuiris coloniae
dedu]CENDAE IN AFRICA HOMINVM IN COLONIAM COLONIASVE
DEDVCI OPORTVIT LICVITVE (… 38 ….).
l. 60 [c) il devra juger qu’aucune] superficie supérieure à 200 jugères n’[a été
donnée et assignée au nom] d’un seul individu, [au moment où le triumvir
déducteur de la colonie en vertu de la loi Rubria abrogée,] a eu ordre et licence
de donner [au colon ou] à l’inscrit [comme colon] la terre située en Afrique ;

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


92 Le droit

l. 61 d) [il devra] juger que n’a pas été [déduit dans la ou les colonies] un
nombre supérieur au nombre [que, en vertu de la loi Rubria abrogée,] il était
prescrit et permis [aux triumvirs] déducteurs de la colonie, de déduire dans la
ou ou les colonies (… 38….).
Il en est de même dans le cas d’une fausse déclaration :
l. 90 [(.. 210 ..) IIuir, quei h. l. factus creatusue erit, sei apud eum is, quoi ager in
Africa adsignatus est, quem a]GRVM IN EO NVMERO AGRI PROFESSVS
ERIT, QVO IN NVMERO EVM AGRVM, QVEM IS, QVOI ADSIGNA[tus
est, professus erit, profiteri non oportuerit, eum agrum ei nei dato] NEIVE
REDDITO NEIVE ADIVDICATO9.
l. 90 « Le duovir, qui aura été désigné et créé en application de la présente loi,
dans le cas où un individu, auquel a été assignée une terre en Afrique, aura
déclaré cette terre dans une catégorie de terre dans laquelle la terre déclarée
par l’individu auquel elle était assignée n’aurait pas dû être déclarée, ne devra
pas lui donner ni donner en échange une terre, ni adjuger cette terre ».
En revanche, dans un certain nombre de cas, le duovir est autorisé à
choisir telle ou telle solution. C’est ainsi qu’il peut donner en compensation
une terre à un citoyen romain qu’il n’a pas jugé détenir à bon droit le bien
déclaré :
l. 58 [… (170) … quantum modum eius agri locei, quam IIuir ita neiue emptum
neiue adsignatum esse fuiseue iudicauerit, utei in h(ac) l(ege) est, ceiuis
Romanus, quei colonus est inue colonei numero scriptus est, edicto IIuir(ei)
professus ex h(ac) l(ege) non erit : – quantum modum ceiuis Romanus professus
non erit, quei bonorum emptor magister curatorue eorumue emptor erit ex edicto
magistratus de agro publico proscribendo uenden]DO, EI CEIVI ROMANO
TANTVNDEM MODVM [agrei locei ….. is IIuir … pro eo agro loco, de agro
loco] QVEI AGER PVBLICVS PVBLICE NON VENIET, DARE REDDERE,
COMMVTAREVE LICETO.

9 Restitution de A. Lintott, op. cit., p. 198.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 93

l. 58 [… (170) … En ce qui concerne la superficie de la terre et pièce de terre


que le duovir aurait jugé, conformément à la présente loi, n’avoir été ni
achetée ni assignée, (si c’est) un citoyen romain, colon ou inscrit, qui n’en a
point fait la déclaration ; – de même pour la superficie que n’aurait pas
déclarée un citoyen romain, acheteur de biens, magister ou curateur, ou
acheteur de l’un d’eux en vertu d’un édit du magistrat ordonnant] la vente
(publique), à ce citoyen romain, le duovir aura la faculté de donner, de
restituer, de céder en échange de cette terre et lieu, une superficie équivalente
prélevée sur la partie de la terre publique qui n’aura pas fait l’objet d’une vente
publique.
Il en est de même quand un citoyen détient un bien foncier qui lui a été
vendu par erreur au détriment des alliés africains de Rome :
l. 75 [… (120) … IIuir, quei ex h. l. factus creatusue erit, is in diebus (.. 100 ..)
proxumeis quibus factus creatusue erit, quem agrum locum ceiuis Romanus
emerit de eo agro loco que]I AGER LOCVS IN AFRICA EST QVEI ROMAE
PVBLICE VENIEI<t> VENIERITVE QVOD EIVS AGR[i locei unius ex
popul]EIS LIBERIS <quei> IN AFRICA SVNT QVEI <e>ORVM <in>
AMICITIAM POPVLEI ROMANEI BELLO PVNICO MANSERVNT,
QVEIVE A[d
l. 76 [imperatorem populei Romani ex hostibus perfugerunt, erit, eum agrum
locum ei ceiui Romano adioudicari aut dare reddiri commutareue liceto].
l. 75-76 : « Le duovir, qui, de par cette loi, aura été fait et créé, dans les (..)
jours qui suivront sa création, aura la faculté d’adjuger au citoyen romain qui
l’aura achetée la terre de la terre publique d’Afrique vendue publiquement à
Rome, ou d’en faire une commutation, (dans le cas où) cette terre se trouve-
rait être le bien, soit d’un des peuples libres d’Afrique demeurés amis du
peuple romain au cours de la guerre punique, soit de l’un de ceux qui ont passé
de l’ennemi au commandant en chef de l’armée du peuple romain ».
J’ai proposé une reconstitution du plan et du contenu de la loi dans la
présentation. Le résumé que je fais ici, à partir de la ligne 50, me paraît
nécessaire pour la compréhension des pages qui suivent :

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


94 Le droit

Titre I : De la possession intérimaire.


Titre II : De l’édit du duovir organisant la déclaration des biens fonciers.
Titre III : De la reconstitution des assignations ex Lege Rubria.
Titre IV : Règlement des colons rubriens.
Titre V : Règlement des extra-rubriens.
Titre VI : Des redevances sur l’ager priuatus uectigalisque et les biens
vendus à Rome.
Titre VII : Règlement des conflits entre acheteurs et peuples libres, ralliés et
stipendiaires.
Titre VIII : Soumission au vectigal des terres en excédent.
Titre IX : Appartenance au domaine public des voies antérieures à la chute
de Carthage et des limites inter centurias.
Titre X : Sanction des fausses déclarations.
Le législateur projette de régler exhaustivement le sort de la terre de
l’Africa ; et, avant tout, celui des détenteurs des terres de la colonia Iunonia
Karthago qui avait été fondée par la lex Rubria et qui avait été abrogée,
comme le rappelle constamment le texte (lex Rubria quae fuit). C’est ainsi que
toutes les dispositions des premiers titres se proposent de régler la situation
créée par l’application, puis par la suppression de cette loi : octroi d’une
possession provisoire, déclaration des biens des colons ou des héritiers,
déclaration des acheteurs de ces biens à titre privé ou public (l. 51-58),
reconstitution de la ratio des assignations, comprenant la liste des terres et des
hommes concernés par la lex Rubria et le refus des assignations illégales (l. 59-
61), confirmation de la donation octroyée aux colons originels ou transmise à
leurs héritiers, des achats conformes réalisés par des citoyens romains,
compensation en terres pour les alliés italiens et les Latins qui auraient acheté
des lots coloniaux (l. 62-64).
Les décisions-clés résolvant les problèmes consécutifs à la dissolution
de la colonie, aux ventes et achats publics et privés, à la continuation des
assignations après que la colonie a été dissoute, sont les suivantes :
-­‐ confirmation de la donation-assignation qui avait été faite aux colons
par les triumvirs de la loi Rubria (l. 62, cf. ci-dessus).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 95

-­‐ assimilation à cette donation-assignation des achats à titre privé


réalisés par les citoyens romains civils (l. 64-65) :
-­‐ l. 64-65 [eo agro quem is qui em]IT PLANVM ET FECERITVE
EMPTVM ESSE, [quod eius agri locei neque ipse] NEQVE HERES EIVS
NEQVE QVOI IS HERES ABALIENAVERIT, QVOD EIVS AGRI
ITA PLANVM FACTVM ERIT, IIVIR ITA [iudicato utei is ager locus
ei quei ita emerit datum adsignatum siet].
-­‐ l. 64-65 « [Cette terre que] l’acheteur démontrerait ou aurait démontré
qu’il l’a achetée, [pour la part de cette terre que n’aurait aliéné ni lui-
même ] ni son héritier ni celui qui serait l’héritier de ce dernier, pour la
part qui serait démontrée être bien dans cette situation, que le duovir
juge [de telle sorte que cette terre et pièce de terre soit (réputée) donnée
et assignée à cet acheteur] ».
-­‐ transformation des lots coloniaux en ager priuatus uectigalisque pour les
alliés italiens et les Latins qui les ont achetés :
l. 65 [Quoi eo sociorum nominisue Latini quei agrum locum de eo agro loco quei
colono eiue quei in colonei numero scriptus est ex lege Rubria quae fuit datus erit,
emit emeritue, eiue quei de agro loco post kalend. I(anuarias ?), M(arco)
L(iuio) L(ucio) Calpurnio co(n)s(ulibus), ab eo, quoius agri locei uenditio
hominis priuati uenditio fuerit, emptor erit ; quod ita emptum fuisse planum
factum erit, IIuir id ei procuratoriue heredeiue eius re]DDITO QVOD IS
EMPTVM HABVERIT, QVOD EIVS PVBLICE NON VENIE[t].
l. 65 [Quei item IIuir, sei is] AGER LOCVS EI EMPTVS FVERIT PVBLICE
VENIEIT, TANTVNDEM MODVM AGRI LOCEI DE EO AGRO, QVEI
AGER LO[cus publicus populi Romanei in Africa est … ei quei ita emptum
habuerit, eo loco agro quei Romae publice uenieit, commutato].
l. 65 [Quoieique agrum locum de eo agro loco quei in Africa est … IIuir ita
reddiderit commutaueritue, is ager locus ab eo
l. 66 quoius in h(ac) l(ege) f]ACTVS ERIT, HS N(ummo) I EMPTVS ESTO,
ISQVE AGER LOCVS PRIVATVS VECTIGALISQVE ITA [utei in h(ac)
l(ege) supra] SCRIPTVM EST, ESTO.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


96 Le droit

l. 65 « [À l’allié ou au Latin qui aurait acquis une terre ou pièce de terre


donnée au colon ou à celui qui a été inscrit dans la liste des colons en vertu de
la loi Rubria abrogée ; ou à celui qui, après les calendes de janvier (?) sous les
consulats de Marcus Livius et de Lucius Calpurnius, aurait acheté de celui qui
le lui aurait vendu à titre d’homme privé : pour la partie de cela qui aurait été
constatée dans ces situations, que le duovir] fasse [à cet individu, ou à son
procurateur ou à son héritier], une restitution de ce qu’il aurait acheté pour la
part qui n’aurait pas fait l’objet d’une vente publique ».
« [De même, si cette] terre et pièce de terre ainsi achetée avait été vendue
publiquement, que le duovir donne à cet acheteur une superficie équivalente
de terre et pièce de terre prélevée sur la terre publique du Peuple Romain en
Afrique ».
« [À celui auquel le duovir aura ainsi rendu ou échangé une terre et pièce de
terre prélevée sur le domaine public d’Afrique, que]
l. 66 « cette terre et pièce de terre soit achetée un sesterce par celui que la
présente loi en a fait le propriétaire, et que cette terre et pièce de terre soit
privée et redevable du vectigal, ainsi qu’il a été écrit plus haut dans la présente
loi ».
La lex Rubria de 123 était la loi de fondation de la colonia Iunonia
Karthago. Votée en 123, elle fut abolie en 121. Dix ans plus tard, la loi agraire
entérine les donations, mais à titre individuel. La commission agraire conti-
nua à travailler sur place en 120. Procéda-t-elle à des attributions uiritim ?
Prépara-t-elle des lots qui furent ensuite vendus à Rome ? Quoi qu’il en ait été,
la loi de 111 entérine les donations de la lex Rubria, mais le fait à titre stricte-
ment individuel, admet les achats privés (mais rien ne dit que les lots de la lex
Rubria aient été inaliénables), et revient à plusieurs reprises sur les ventes
publiques des terres africaines. Ce point est important. Il convient de
l’examiner.
Un fait notable qui ressort des lignes 55-57 est que l’État a mis en vente
des terres qui avaient été données-assignées à des colons :

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 97

l. 55 [Item : utei, sei magistratus agrum locum quei colono eiue quei in colonei
nu]MERO SCRIPTVS EST [… (57) …]
l. 56 [… (179) … ] DATVS ADSIGNATVS EST, QVODVE EIVS[dem] AG[ri
locei ex edicto possideri proscribi uenerique iusserit, idque bonorum emptor
emerit, is bonorum emptor id profiteatur ; uel, sei magister creatus erit ad agrum
locum uendendum, utei is magister id profiteatur ; uel, sei agro loco curator
constitutus erit] VTEI CVRATOR EIVS PROFITEATVR. ITEM VT[ei ….,
sei magistratus … eum agrum locum ex edicto possideri proscribi ueneri iusserit,
quod eius agri uenditum erit ex e]DICTO, VTEI IS QVEI AB BONORVM
l. 57 EMPTORE MAGISTRO CVRATO[reue emerit, id apud IIuirum
profiteatur].
[Sei quis quid eius agri locei edicto IIuiri ex h(ac) l(ege) profiteri oporteri]T,
QVOD EDICTO IIVIR(ei) PROFESSVS EX H. L. N[on erit … (177)
…IIuir(ei) eum agrum lo]CVM NEIVE EMPTVM NEIVE ADSIGNATVM
ESSE NEIVE FVISE IVDICATO [… (56) …].
l. 55-56 : « [De même que, si un magistrat avait ordonné par son édit la mise
en possession ou la mise en vente publique ou la vente publique de la terre ou
pièce de terre] qui est donnée et assignée [à un colon ou à un inscrit comme
colon, et qu’un acheteur de biens ait été l’acheteur, que cet acheteur de biens
fasse la déclaration de la partie achetée ; ou bien, si un gestionnaire a été
nommé en vue de la vente de la terre ou pièce de terre, que ce gestionnaire
fasse la déclaration ; ou bien, si un curateur a été constitué pour cette terre ou
pièce de terre,] que son curateur fasse la déclaration ».
« De même : [si …. (ou) si un magistrat a prescrit par un édit qu’une terre ou
pièce de terre soit mise en vente et soit vendue, qui, pour la partie ainsi
vendue en vertu] de l’édit, celui qui l’a [achetée] de l’acheteur de biens »,
l. 57 du gestionnaire ou du curateur, [en fasse la déclaration auprès du
duovir] ».
Cette mise en vente publique est implicitement considérée comme
régulière, comme on le constate en lisant la suite :

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


98 Le droit

l. 58 [… (170) quantum modum eius agri locei, quam IIuir ita neiue emptum
neiue adsignatum esse fuiseue iudicauerit, utei in h(ac) l(ege) est, ceiuis
Romanus, quei colonus est inue colonei numero scriptus est, edicto IIuir(ei)
professus ex h(ac) l(ege) non erit ; quantum modum ceiuis Romanus professus
non erit, quei bonorum emptor magister curatorue eorumue emptor erit ex
edicto magistratus de agro publice proscribendo venden]DO, EI CEIVI
ROMANO TANTVNDEM MODV[m agri loci ….. is IIuir … pro eo agro loco,
de agro loco] QVEI AGER PVBLICE NON VENIEIT, DARE REDDERE,
COMMVTAREVE LICETO.
l. 58 [… (170) … En ce qui concerne la superficie de la terre ou pièce de terre
que le duovir aurait jugé, conformément à la présente loi, n’avoir été ni
achetée ni assignée, (si c’est) un citoyen romain, colon ou inscrit, qui n’en a
point fait la déclaration ; de même pour la superficie que n’aurait pas déclarée
un citoyen romain, acheteur de biens, gestionnaire ou curateur, ou acheteur
de l’un d’eux en vertu d’un édit du magistrat ordonnant] la vente (publique), à
ce citoyen romain, [le duovir] aura la faculté de donner, de restituer, de céder
[en échange de cette terre et pièce de terre], une superficie équivalente
prélevée sur la partie de la terre publique qui n’aura pas fait l’objet d’une vente
publique (à Rome) ».
L’État a vendu des terres qui étaient destinées à des colons. Cela n’a pu
être fait qu’après l’abrogation de la lex Rubria. Ceci éclaire, à mon avis, le rôle
des triumvirs agraires après la dissolution de la colonie. Les commissaires et
les géomètres ont continué à délimiter des lots, non pour faire des assigna-
tions uiritim, mais pour les vendre publiquement à des particuliers. Il n’était
pas question, en effet, de continuer à attribuer des centuries puisque le
nombre de colons prévu par la loi de fondation avait déjà été dépassé, ce que
la nouvelle loi a refusé d’entériner (l. 60). Quant aux assignations individu-
elles, elles le sont devenues ipso facto quand la colonie a été dissoute.
La ligne 65 rend compte de la confusion qui a suivi les assassinats de
Caius Gracchus et de Marcus Flavius Flaccus en 121 :

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 99

l. 65 [Quei item IIuir, sei is] AGER LOCVS EI EMPTVS FVERIT PVBLICE
VENIEIT, TANTVNDEM MODVM AGRI LOCEI DE EO AGRO, QVEI
AGER LO[cus publicus populi Romanei in Africa est … ei quei ita emptum
habuerit, eo loco agro quei Romae publice uenieit, commutato].
l. 65 « [De même, si cette] terre et pièce de terre ainsi achetée avait été
vendue publiquement, que le duovir donne à cet acheteur une superficie
équivalente de terre et pièce de terre prélevée sur la terre publique du Peuple
Romain en Afrique ».
Des terres de colons, vendues par ces derniers à titre privé, avaient été
vendues à Rome publiquement par un magistrat romain !
Plus ancienne que la lex Rubria, la lex Livia avait été imposée à une
certaine catégorie de vaincus aux lendemains de la destruction de Carthage en
146. Compte tenu de ce qui ressort de la loi agraire et de ce que nous savons
par ailleurs, les anciens propriétaires de terres étaient devenus des tenanciers
du domaine public. Ils devaient payer un impôt, le stipendium. Celui-ci portait
sur des individus, les cités et autres entités politiques existant avant et
pendant la guerre n’ayant plus d’existence juridique. Elles s’étaient données à
Rome, laquelle ne leur avait pas restitué l’existence. En revanche, les person-
nes avaient conservé leur liberté individuelle et avaient pu, dans une certaine
mesure, continuer à cultiver les terres quand elles n’avaient pas été vendues ;
car, dans le cas où une de ces terres avait été achetée par un citoyen romain,
c’est ce dernier qui la conserverait, et le stipendiaire devrait se contenter d’un
terrain qui lui serait donné en compensation par prélèvement sur la terre
publique.
l. 77-78 : II]VIR, QVEI EX H. L. FACTVS CREATVS ERIT, IS IN DIEBVS
CL PROXSVMEIS QVIBVS FACTVS CREATVSVE ERIT, FACITO,
QVANDO [Xviri quei ex] LEGE LIVIA FACTEI CREATEIVE SVNT
FVERVNTVE EIS HOMINIBVS AGRVM IN AFRICA DEDERVNT
ADSIGNAVERVNT QVOS STIPENDIVM [pro eo agro populo Romano
pendere oportet, utei, quod eius agri loci ceiuis Romanei publice emit, id eius
ceiuis Romanei siet ; tantumdemque modum agri, de eo agro quei publicus

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


100 Le droit

populi Romanei in Africa est, quantum (modum) de agro stipendiariis dato


adsignato ex h(ac) l(ege) ceiuis] ROMANEI ESSE OPORTEBIT, IS
STIPENDIAREI<s> DET ADSIGNETVE IDQVE IN FORMAS PVBLICAS
FACITO VTE[i reparatur i(ta u(tei) e i(ure) f(ide)]Q(ue) E(is) E(sse)
V(idebitur).
l. 77-78 : « Que le duovir, qui de par cette loi aura été fait et créé, quand il se
trouvera en présence d’un terrain donné et assigné par les décemvirs de la loi
Livia à ces hommes qui doivent payer un stipendium au peuple romain pour
ce terrain, devra, dans les 150 jours qui suivront son investiture, faire en sorte
que la partie de ce terrain qu’un citoyen romain a achetée, appartienne à ce
citoyen romain, et que le duovir donne et assigne à ces stipendiaires autant de
superficie prélevée sur la terre publique d’Afrique qu’il aura été nécessaire
qu’il en appartienne au citoyen romain au détriment de la terre donnée et
assignée aux stipendiaires, et que cela soit porté sur les registres publics de
telle façon que cela soit fait ainsi en compensation en sorte qu’on voie que cela
soit pour eux conforme au droit et à la bonne foi ».
Cette même loi est citée quand le législateur agraire récapitule les cas
d’exception10 :
l. 81 extraque] EVM AGRVM LOCVM QVEM XVIREI QVEI EX [lege]
LIVIA FACTEI CREATEIVE FVERVNT VTICENSIBVS RELIQVERVNT
ADSIGNAVERVNT.
l. 81 « En dehors de] cette terre et pièce de terre que les décemvirs qui furent
faits et créés de par la [loi] Livia ont cédé et assigné aux Uticéens ».
Ces biens fonciers, contrairement à ceux qui étaient inclus dans les
limites territoriales de la cité, furent concédés aux Uticéens par prélèvement
sur le domaine public romain.
En revanche, la mention d’une lex Sempronia correspond à la catégorie
de « tout le reste de la terre qui est en Afrique … »

10 Ibid., p. 210, n. 42.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 101

l. 81-82 : CE<t>ERVM /[agrum omnem quei in Africa est, in formas publicas


referat adque aerarium deferat, isque ager publicus esto. .. (150)11.
l. 81-82 : « (Le duovir devra enregistrer) tout le reste des terres qui se
trouvent en Afrique dans le cadastre public et les déclarer au trésor public, et
que cette terre soit publique … (150).
l. 82 … queicumque de eo agro loco uectigal decumas scripturam pr]O PECORE
EX LEGE SEMPRONIA DARE NON SOLITEI SVNT, QVEI AGER EIS EX
H. L. DATVS REDDITVS COMMVTATVS ERIT, [quei eum agr]V[m locum
ita] POSSIDEBIT FRVETVRVE, PRO EO AGRO LOCO {V}<n>EIVE
VECTIGAL NEIVE DECVMAS NEI<ue> SCRIPTVRAM, QVOD POST
H(anc) L(egem) R(ogatam) FRVETVR, DARE DEBEBO.
l. 82 « … En ce qui concerne ceux qui n’ont pas coutume, en application de la
loi Sempronia, de payer le vectigal, les dîmes, l’impôt sur les pâturages pour le
bétail sur cette terre et pièce de terre, tout individu possédant ou jouissant
d’une terre et pièce de terre dans cette situation, laquelle a été donnée,
concédée régulièrement ou accordée en échange à ces personnes en applica-
tion de cette loi, ne devra pas être tenu à payer le vectigal, les dîmes, l’impôt
sur les pâturages pour cette terre et pièce de terre en rapport avec sa
jouissance après que cette loi aura été votée ».
A. Lintott pense que les bénéficiaires de cette exception sont les colons
ou les inscrits comme colons, sans écarter la possibilité que les membres des
peuples libres et les ralliés aient pu en bénéficier12. Cette mesure se serait
appliquée aux centuries et aux subsécives des colons, et aux pascua collectifs
de la colonie dissoute.
Les peuples libres bénéficiant de l’intégrité de leur territoire propre, il
était superflu de leur appliquer une loi qui ne les concernait pas. La ligne 85
confirme implicitement cette réalité, comme nous allons le voir. Il est
probable que ce soit les colons qui aient été en cause. Cela signifierait que

11 Restitution d’A. Lintott, op. cit., p. 196.


12 Ibid., p. 270.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


102 Le droit

cette lex Sempronia ait complété la loi de fondation coloniale, laquelle n’aurait
pas comporté de clause au sujet de l’exemption fiscale. Notons que la
proposition d’A. Lintott implique que, comme le pense O. Behrends13 et
contrairement à l’opinion de L. de Ligt14, les colons bénéficiaient d’un statut
égal à celui du quirite de l’ager Romanus.
De quelle lex Sempronia s’agit-il ? Pour Mommsen, elle n’était autre que
la loi établissant la locatio censoria pour les taxes d’Asie (Cicéron, Verr. 3.13).
A. Lintott penche pour l’idée d’un plébiscite de C. Gracchus sur la taxation –
et peut-être la vente – des terres dans l’Africa15.
Une autre loi est mentionnée à la ligne 8516 :
l. 85 [Quantum uectigal decumas scripturamue pro pecore eum quei agrum
locum aedificium in Africa possedit - - - Quei ager] LOCVS POPVLORVM
LEIBERORVM PERFVGARVM NON FVERIT, PRO EO AGRO
AEDI<f>{E}ICIO LOCOQVE E(x) L(ege) DICTA [quam L. Caecilius Cn.
Domitius cen]S(ores) AGRI AEDIFICII LOCI VECTIGALIBVSVE
PVBLICEIS FRVENDIS LOCANDEIS VENDVNDEIS LEGEM
DEIXERVNT, PVBLICANO DARE OPORTVIT.
l. 86 [tantundem post h(anc) l(egem) rogatam, quei agrum locum aedificium in
Africa possidebit --- publicano uectigal decumas scriptura]M PECORIS DARE
DEBETO, NEIVE AMPLIVS EA ALIVBEIVE ALITERVE DARE
DEBE<t>O, PEQVSQVE NE[i aliubei aliterue aliisue legibus] IN AGRO
PASCITO. (vacat) … (235).
l. 85-86 « [Quels qu’aient été le vectigal, les décimes ou la scriptura sur le
bétail] qu’il était approprié [pour une personne qui possédait une terre, une

13 O. Behrends, « Les conditions des terres dans l’Empire romain », De la terre au ciel,
paysages et cadastres antiques, Monique Clavel-Lévêque et Georges Tirologos (éd.), Besançon,
2004, II, p. 8.
14 L. de Ligt, « The problem of ager priuatus uectigalisque in the epigraphic Lex agraria »,
Epigraphica, LXIX (1-2), 2007, p. 87-98.
15 Voir le développement de Lintott, op. cit., p. 270.
16 La restitution est empruntée à Crawford, Roman statutes, p. 122.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 103

pièce de terre ou une construction dans l’Africa] de payer au publicain, - [--


laquelle terre] ou pièce de terre ne doit pas avoir été celle des peuples libres ou
des ralliés -, pour cette terre, construction ou pièce de terre, en application de
la « loi dictée » des censeurs L. Caecilius et Cn. Domitius, loi concernant :
« La terre, édifice et pièce de terre ou les vectigals publics de la terre, édifice
et pièce de terre à affermer en jouissance, à louer ou à vendre », cette
personne doit payer au publicain
l. 86 le vectigal, les dîmes et la [scriptura] sur le bétail [en application de cette
loi, quelle que soit la condition de celui qui possède une terre, une pièce de
terre ou une construction en Afrique ;] il n’est pas obligé de payer ni davan-
tage, ni ailleurs, ni d’une autre façon, et il ne doit pas faire paître le bétail sur
cette terre [en un autre lieu, ou autrement, ou sous d’autres lois].
Cette loi date de la censure de 115-11417. Contrairement aux autres
commentateurs, je ne crois pas qu’il faille admettre qu’il soit question de deux
lois. « Legem » est un singulier et la particule enclitique unit des locutions qui
font couple, sans marquer l’alternative. Cet emploi est courant dans le docu-
ment. Cette loi s’impose exclusivement dans le domaine qui est le sien.
Dans ce cas, cette terre qui se trouvait entre les mains du quirite n’était
pas soumise aux obligations de la loi censoriale puisqu’elle aurait dû y
échapper, n’étant pas du domaine public romain.
En effet, aucun magistrat détenteur de l’imperium, du iudicium ou de la
potestas ne peut modifier la loi des censeurs sans le consentement des
imposables (l. 87-89).
Une phrase de la ligne 89 peut sembler surprenante en ce sens qu’il
apparaît qu’on avait essayé de mettre en œuvre une loi qui avait été rejetée et
qui contredisait sur certains points la loi censoriale entérinée par la présente
loi :
l. 89 [Quae uectigalia in Africa publica populi Romani sunt, quae Cn.
Paperius cos. locandi uendendiue rogauit, qu]OMINVS EA LEGE SIENT

17 Lintott, p. 282.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


104 Le droit

PAREANTQVE, QVAM LEGEM CN. PAPERIVS COS. EIS VENDVNDEIS


<locandeisue deixit>, E(x) H(ac) <l(ege)> N(ihilum) R(ogata)18.
l. 89 « [En ce qui concerne … les vectigals publics du Peuple romain dont le
consul Cnaeus Paperius a proposé de louer ou de vendre la jouissance], qu’ils
soient nuls et non avenus et que les vectigals publics ne soient pas soumis à la
loi que le consul Cnaeus Paperius a donné pour la vente et la location, la loi
étant sans fondement ».
Cette phrase est une application de la disposition générale des lignes
87-89. On mesure le degré de confusion qui a régné peu de temps encore
avant la loi de 643 a. u. c.
Les lois constituent l’acte le mieux attesté. L’edictum du duovir est une
action qui est créée pour appliquer la loi inscrite sur le bronze. Il existe en
application de la loi et permet au duovir de prendre des décisions, comme
nous l’avons vu. D’autres actes sont attestés. Le plus ancien est la donation
faite par Scipion Emilien aux fils de Massinissa :
l. 81 […. Extraque eum agrum locum quem P. Cornelius imperator lib]EREIS
REGIS MASSINISSAE DEDIT HABEREVE FRVIVE IVSI{I}<t>.
Elle a eu son effet pendant ou à l’issue de la guerre et se trouve
entérinée dans la loi. En revanche, on ignore quelle est la nature de l’acte qui a
permis aux princes de posséder ou de jouir de terres appartenant au domaine
public.
K. Johannsen a proposé qu’il y ait eu une intervention du Sénat en
faveur des transfuges de l’armée punique. Mais la conjecture est fragile du fait
de l’état du texte et aucune autre intervention de cette assemblée n’apparaît
dans le contexte du règlement de la 3e guerre punique :
l. 80 [extraque eum agrum locum, quei ager locus eis hominibus, quei ad
imperatorem populi Romanei bello Poenicio proxsumo ex hostibus perfugerunt,
(..49..) datus adsignatusue est de s(enati)] S(ententia)19.

18 ou bien E(ius) H(ac) [l(ege)] N(ihilum) R(ogata).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 105

En revanche, un sénatus-consulte est attesté sans conteste à la ligne 93 :


l. 93 [.. (290) …] IS AGER EX S(enatus) C(onsulto) DATVS ADS[i]GNATVS
EST, EI AGREI QVEI S(upra) S(criptei) S(unt) POSSESSIONESQVE, EA
OMNIA EORVM H[ominum sunto .. (40) .. magistratus, quo de e]A RE
I{M}<n> IOVS ADITVM ERIT [ita de ea re iudicium de]T, VTEI DE EA RE
IN H(ac) L(ege) S(criptum) EST, NEIVE / l. 94 [290].
l. 93 [.. (290) …] cette terre a été donnée et assignée par sénatusconsulte ; ces
terres, comme il a été écrit plus haut, et possessions, qu’elles soient à ces
hommes … (40) … Un magistrat, auquel on aura demandé de se prononcer sur
cette question, devra émettre un jugement à ce sujet en se conformant à ce qui
est écrit dans la présente loi, et ne pas …/ l. 94 [290] ».
A. Lintott pense que ce sont des alliés de Rome qui sont concernés20.
S’agirait-il des perfugae de l’armée punique dont il a peut-être été question à la
ligne 80 ?
Le Sénat est concerné dans le texte à la ligne 72, le mot senator appa-
raissant dans le cadre des redevances dues par les agri loci aedificii :
NEIVE QVIS MAG(istratus) NEI PROMAGISTRATV FACITO NEIVE
QVIS SENATOR DECERNITO, [quo ea pequnia] QVAE PRO
AGRIS LOCIS AEDIFICIIS, QVEI S. S. SVNT, POPVLO DEBETVR
DEBEBITVRVE ALITER EXSIGATVR ATQVE VTEIQVE IN H. L.
S(criptum) EST ... (14) ]
« Il est interdit à tout magistrat ou promagistrat d’ordonner, et il est interdit
à tout sénateur de décider, que la somme due pour les terres, pièces de terre et
édifices soit exigée autrement qu’il est fixé par la présente loi ».
Cette défense a été formulée ainsi parce qu’il n’était pas possible au
législateur d’écrire le mot senatus, bien que seul le senatusconsultum ait force

19 K. Johannsen, Die lex agraria des Jahres 111 v. Chr. Text und Kommentar, München,
1971, p. 166.
20 A. Lintott, op. cit., p. 279.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


106 Le droit

de loi et qu’au contraire, une formulation au nom de l’auctoritas aurait été


susceptible de se voir opposer l’intercessio d’un magistrat.
Une interdiction précédait cette phrase. Elle touchait tout magistrat ou
promagistrat. Il est bien possible, compte tenu du style répétitif de la loi,
qu’elle ait porté aussi sur le fait qu’il ne puisse pas modifier le montant de la
somme due par les « terres, terrains, édifices ».
Aux lignes 46 et 47, le « magistrat romain » a vendu un terrain à un
particulier :
l. 46 [Quei ager locus
l. 47 in Africa est, extra eum agrum locum, quem ex h. l. colonei, eiue quei in
colonei numero scriptei sunt, habebunt, quemue eis ex h. l. reddi oportet
oportebitue, quei ceiuis Romanus agrum locum de eo agro loco a mag. prov]E
MAG. ROMANO EMIT, IS PRO EO AGRO LOCO <neiue>21
PEQVNIA<m> NEIVE PRAEVIDES NEI[ve praedia dato.
l. 46 « Concernant cette terre et pièce de terre]
l. 47 [qui est en Afrique, en dehors de cette terre et pièce de terre, qu’ont de
par cette loi les colons ou les inscrits en tant que colons, terre et pièce de terre
qu’il faut ou faudra leur restituer, la terre et pièce de terre qu’un citoyen
romain a achetée, par prélèvement de la terre et pièce de terre, d’un magistrat
ou d’un pro]magistrat romain, que ce citoyen romain ne donne pour cette
terre et pièce de terre <ni> argent, ni cautions, ni [domaines en gage] »
Aux lignes 87-88, il est question d’un magistrat ou promagistrat ou de
tout autre personne détenant l’imperium, le iudicium et la potestas, auquel il
est interdit d’émettre une loi qui modifierait la lex dicta des censeurs de 115-
114, comme nous l’avons vu à propos de la loi du consul Cn. Papirius (l. 89).
La loi des censeurs s’impose sans partage (l. 86-87).

21 47 <neiue> PECVNIA<m> Hu.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 107

En revanche, le préteur est bien dans son rôle de garantie de la vente


publique, de l’arbitrage entre citoyens et de saisie suivie de vente d’une terre
pour laquelle la caution n’aura pas été suffisante :
l. 73 [… Quei agrum locum publicum populi Romanei in Africa emit emeritue,
quei ager locus ex h. l. priuatus uectigalisque factus erit, pro quo agro loco
pequniam populo aut publicano dare debebit, sei – in (x) diebus post eid. Mart.
quae, posteaquam uectigalia consistent, primae erunt – ea pequnia quam populo
debebit pro eo agro loco quei uenieit] VENIERIT, POPVLO SOLVTA NON
ERIT, IS PRO EO AGRO LOCO IN DIEBVS CXX PROXSVMEIS EA[rum
dierum uectigalium] QVAE S(upra) S(criptae) S(unt), ARB(itratu)
PR(aetoris) QVEI INTER CEIVES TVM ROMAE IOVS DEICET, SATIS
SVPSIGNATO (vacat)
PR(aetor) QVEI INTER CEIVES ROMAE IOVS DEI[cet … (14) ..]
l. 74 [… (235) … sei] PRAEDIVM ANTE EA OB EVM AGRVM LOCVM IN
PVBLICO OBLIGATVM ERIT IN PVBLICV[mue praes datus eri]T,
AGRVM LOCVM, QVO PRO AGRO LOCO SATIS EX H. L. ARB(itratu)
PR(aetoris) SVBSIGNATVM NON ERIT, PEQVNIA PRAESENTI
VENDITO ( … 14 …) ]
l. 73 « [Celui qui aura acheté une terre et pièce de terre publique du peuple
romain en Afrique – terre et pièce de terre qui aura été faite privée et
vectigalienne en vertu de la présente loi –, et pour laquelle il doit payer une
somme au peuple ou au publicain, si, dans les (x) jours qui suivront les Ides de
Mars suivant l’échéance, la somme au peuple due pour la terre et pièce de
terre qui aura été] ou serait vendue, n’était pas payée, cet individu, pour cette
même terre et pièce de terre, dans les 120 jours les plus proches des dates
d’échéances susdites, qu’il donne caution sous l’arbitrage du préteur qui dira
alors le droit à Rome entre citoyens ».
« Le préteur, qui dit à Rome le droit entre les citoyens ... (14) ... »
l. 74 sauf le cas] où un gage foncier aurait été auparavant engagé publique-
ment pour ce même terrain ou [qu’un garant aurait été donné] publiquement,

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


108 Le droit

mettra en vente au comptant la terre et lieu pour lequel il n’aurait pas été
suffisamment souscrit selon l’arbitrage du préteur ».
l. 83 PR(aetor), QVOIVS ARB(itratu) PRO <eo> LOCO, QVEI ROMAE
PVBLICE VENIERIT, E(x) H(ac) L(ege)
l. 84 [satis supsignari oportebit praedia (.. 255 ..)].
l. 83 « Le préteur, sur l’arbitrage duquel pour cette terre et pièce de terre qui
sera vendue à Rome publiquement de par cette loi,
l. 84 [devra avoir reçu suffisamment de domaines hypothéqués comme
caution].
Le préteur a aussi assuré des ventes de terres et de possessions à Rome,
tout comme le questeur (l. 92).
l. 92 [Quei agrum possesionemue agriue possessionisue superficium habet
possidetu]E FRVITVRVE, QVEM AGRVM POSSESIONEMVE QVOIVSVE
AGRI POSSESIONISVE SVPERFICIVM Q(uaestor) PR(aetor)VE PV[blice
uendiderit .. (45).
l. 92 « [À celui qui a et possède une terre et possession ou une construction
sur la terre et possession] et qui en jouit, le questeur ou le préteur vendra cette
terre et possession.
C’est également un questeur qui était responsable du contrat liant l’État
et l’acheteur (manceps).
l. 46 [Ob emptionem uectigalis huis agri locei, m]ANCEPS PRAEVIDES
PRAEDIAQVE SOLVTI SVNTO ; EAQVE NOMINA MANCV[pum
praeuidum … (66) … quaestor,] QVEI AERARIVM PROVINCIAM
OPTINEBIT IN TABLEIS [publiceis scripta nomina mancupum habeto … (35)
…].
l. 46 « Pour l’achat du vectigal de cette terre et pièce de terre, l’]acheteur, ses
cautions et les domaines mis en gage, qu’ils soient libres de toute obligation,
et que les noms de l’acheteur ….. , que le questeur] qui détiendra le Trésor et la
Province, les [aient inscrits] sur les tablettes publiques ».

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 109

L’analyse du dispositif juridique permet de se rendre compte à la la fois


de la complexité des problèmes à résoudre, de la philosophie du projet et de
l’efficacité de la loi. Elle devait, en premier lieu, trouver une solution
acceptable pour les colons de la lex Rubria abrogée. Elle l’a fait en remplaçant
le lot colonial par une assignation individuelle. Cette approche ne pouvait pas
être simple parce que des centuries et subsécives avaient été vendus par des
magistrats à Rome, par les colons à des particuliers, parce que certains
détenaient plus de 200 jugères, cette énumération ne clôturant pas la liste des
anomalies. Le sort des colons de la colonie dissoute n’était pas le seul à devoir
être considéré. C’étaient tous les hommes libres qui avaient un rapport avec
les terres de l’Africa qui étaient concernées. La loi intégrait toute une
législation antérieure, lex Livia, lex Sempronia, loi des censeurs, sénatus-
consulte, rappelait l’abrogation de la lex Rubria, la nullité de la loi proposée
par le consul Paperius et devait donner à chacun la part qui lui était due
suivant un système équitable dans lequel le principal privilégié était le citoyen
romain. La nouvelle loi constituait ainsi une structure qui devait marquer
durablement l’organisation de l’Africa.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


B - IIe partie -

Texte (l. 43-95)


112 Texte et traduction

B. IIe partie : Traduction (l. 43-95)


(lignes)
43 « [En ce qui concerne la terre et la pièce de terre qui est hors de l’Italie1 : pour ce qui
est de celle qui est en Afrique2, cette terre et pièce de terre que, à partir de cette terre et
pièce de terre, le triumvir chargé de déduire la colonie en application de la loi Rubria
abrogée, et cette terre et pièce de terre que, à partir de cette pièce et terre, en appli-
cation de la loi (et)] plébiscite que Marcus Baebius, tribun de la plèbe, triumvir chargé
de la déduction des colonies3, [a présenté, a donné et assigné au colon ou à celui qui a
_____________________________________________________________________________________

1. Les lignes 1-43 envisagent la terre italienne.


2. Contrairement à ce que propose de Ligt, je juge nécessaire de restituer ici une référence à l’Africa. La
partie non italienne comprend cette province et la terre de Corinthe. Il est clair que les lignes qui suivent
concernent l’Africa.
J. Carcopino (1967, p. 259, 269) date la lex Baebia de 119, qui, selon lui, aurait fait suite à la disparition,
en 120, du dernier triumvir gracchien, C. Papirius Carbo. Mommsen avait affirmé qu’il n’y avait pas eu
d’autre loi que la lex Rubria pour l’Afrique (Gesammelte Schriften, I, 1, p. 121) et rattachait le tribun à un
plébiscite de 194. Carcopino n’a pas eu de difficulté pour écarter cette opinion (p. 260-261) ; Rudorff et
Huschke l’ont considérée comme un amendement à la lex Rubria, destinée à fixer le nombre de colons.
Mommsen a repoussé justement cette assertion, car nous savons par Appien (I, 24, 3 (104)) que la lex
Rubria avait autorisé de déduire 6000 colons. Carcopino a observé pertinemment que la lex Baebia ne
saurait être cherchée ailleurs que dans le contexte gracchien, que les prédécesseurs de Mommsen ont eu
raison de la rattacher au destin de la lex Rubria (p. 261), qu’elle « est novatrice par rapport à la
précédente et inaugure une politique encore inédite ». L’interprétation de Zumpt (Commentationes
epigraphicae, I, p. 118, cité par Mommsen, ibid., p. 122) est à retenir : cette loi a été votée postérieure-
ment à la loi coloniale et a eu comme but « d’organiser sur de nouvelles bases la situation que la carence
de la loi défunte laissait fâcheusement en suspens » (p. 262). Carcopino s’étend ensuite longuement sur
le remplacement du titre de IIIuir a(gris) d(andis) a(dsignandis), porté encore en 120 par les commis-
saires agraires (p. 263) par celui de IIIuir coloniae deducendae, qui aurait été utilisé dès l’année suivante.
Le savant concluait (p. 270-271) qu’il fallait identifier la lex Baebia « avec la première en date des trois
lois de liquidation énumérées par Appien (B.C., I, 27) ».
La démonstration est brillante, mais compte tenu de l’indigence des sources, conjecturelle. La proximité
entre la fin du premier triumvirat (120) et le remplacement des commissaires en rapport avec la lex
Baebia (119) me semble se heurter à des données qui apparaissent dans la loi, à savoir le fait qu’on ait
vendu des terres comprises dans la déduction coloniale et qu’il y ait eu des héritages. Carcopino notait
qu’il était « aussi difficile d’abaisser au-delà de 119 le vote du tribun M. Baebius qu’il est impossible de le
faire remonter plus haut que 120 » (p. 271). S’il a évidemment raison sur le second point, ce n’est pas le
cas, à mon avis, sur le premier qui repose sur l’idée suivant laquelle « le sort des lotissements d’Afrique
n’a pu rester indéfiniment en marge des formes juridiques » (p. 271). C’est pourtant ce qui s’impose à
l’esprit à la lecture de la loi. Car ce qui transparaît dans la loi, malgré les lacunes, c’est l’impression d’un
chaos que le législateur cherche à ordonner. Ce chaos n’a pas pu se faire en si peu de temps, un an ou
deux seulement, suivant que l’on prenne en compte la mort de Carbo ou l’assassinat de C. Gracchus. En
fin de compte, je ne vois pas pour quelle raison on n’admettrait pas que la lex Baebia soit la loi gravée sur
le bronze ou la partie africaine de cette loi.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 112

B. IIe partie : Texte (l. 43-95)


(lineae)
43 [Quei ager locus extra terra Italia est : quei ager locus in Africa est, quem
agrum locum de eo loco IIIuir coloniae deducendae ex lege Rubria, quae fuit, colono
eive quei in colonei numero scrip]<t>VS EST, DEDIT ADSIGNAVITVE,
QVEMVE AGRVM LOCVM DE EO AGRO LO[co … (35) … ex lege] PL(ebis)
SC(itum), QVOD M. BAEBIVS TR(ibunus) PL(ebei) IIIVIR COLONI<a>E
DEDVCEND[ae rogavit, IIIvir colono eiue quei in colonei numero]1

1.     43  […  (180)  …]TVS  EST,  -­‐  .  -­‐  .  LO[co  …  (68)  …  ex  lege]  PL.  SC,  -­‐  .  -­‐  .  DEDVCEND[ae  …  rogauit  
…]  Mo.  [Quem  agrum  locum  de  eo  agro  IIIuir  a(gris)  d(andis)  a(dsignandis),  ex  lege]  pl(ebeiue)  
sc(ito)   quod   Rubrius   trib.   Pl.   rogauit,   sorti]TVS   EST,   DEDIT   ADSIGNAVITVE,   QVEMVE   AGRVM  
LOCVM   DE   EO   AGRO   LO[co   …   IIIuir   coloniae   deducendae   ex   lege]   PLEB(eiue)   SC(ito)   QVOD  
M.  BAEBIVS  -­‐  .  -­‐  .  DEDVCEND[ae  rogauit,  dedit  adsignauitue,  IIIuir  iure  datu]M  ADSIGNATVM  -­‐  .  -­‐  .  
SCRIPTVM  EST.  Ca.  [Quei  ager  locus  -­‐  .  -­‐  .  numero]  DLi  1.  [Quei  ager  locus  in  Africa  est]  ego.  

_____________________________________________________________________________________
J. Carcopino (p. 269-270) écrit qu’il restitue la ligne « 43 » (p. 269, n. 58). En fait, une partie porte sur la
ligne 44. J’ai reporté le tout à la ligne 43 dans l’apparat critique parce que la restitution ne concorde pas
avec le nombre de lettres signalées manquantes.
3. Mon point de vue, comme celui de la plupart des commentateurs, est très éloigné de celui de
M. H. Crawford (1996, p. 169) qui avançait que la section africaine ne débutait qu’à la ligne 44 et que, la
formule caractérisant l’Afrique commençant à ce moment-là, il était difficile de supposer que la lex
Baebia ait eu un rapport quelconque avec l’Afrique. J’ai restitué différemment la ligne 43 ; d’autre part, la
formule introduisant l’Africa à la ligne 44 est aussi une conjecture moderne. Je ne modifierai donc pas ma
proposition.
Pour de Ligt (2001, p. 188), la lex Baebia semble avoir contenu des règles concernant la fondation d’une
colonie. Je ne le pense pas. À mon avis, la fondation de la colonie, Carthage en l’occurrence, relevait
seulement de la lex Rubria. La lex Baebia intervient quand la colonie n’existe plus. Le titre porté par
M. Baebius, IIIuir coloniae deducendae, est simplement le titre porté par les IIIuiri à cette époque-là,
comme l’a montré Carcopino (p. 254 s.), tandis que la locution dedit adsignauerit, selon le même auteur,
désignerait les donations uiritim, en contraste avec le tirage au sort des lots ( sorti]TVS) dans le cadre
colonial de la lex Rubria (p. 269-270).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


113 Texte et traduction

44 été inscrit dans le rôle du colon, ou à son héritier….. , le duovir, qui aura été fait et
créé en application de cette dernière loi,] jugera que cette partie de cette terre et pièce
de terre est assignée, ou l’a été, ainsi qu’il a été écrit dans cette dernière loi, à celui qui,
[parmi eux, aura fait la déclaration de cette terre et pièce de terre dans cette
catégorie]1 ».
« En dehors de cette terre et pièce de terre, laquelle est dans cette centurie [et
subsécive, qui, en application de la loi Rubria
45 abrogée, et de la loi Baebia, a été donnée et assignée à un colon ou à celui qui a été
inscrit dans le rôle du colon … si cette terre et pièce de terre n’a pas été achetée ni
vendue, ni échangée ou rendue pour une autre terre et pièce de terre, (dans ce cas)
cette terre et pièce de terre qui, d’après cette dernière loi, a été donnée et assignée au
colon ou à celui qui a été inscrit dans le rôle du colon, sera constituée en tant que terre
privée et dotée de l’immunité2 ;

_____________________________________________________________________________________
1. Les lignes 43-52 sont objectivement difficiles à cause des lacunes. Un autre problème, qui a son origine
dans l’état du texte, s’est ajouté à cette difficulté. Il est du domaine de l’historiographie. L’autorité de
Mommsen s’étant à nouveau affirmée, les propositions de ses prédécesseurs se sont trouvé occultées. Or,
le savant avait choisi prudemment de ne restituer que ce qu’il considérait comme très probable,
produisant un texte dont la signification était très fragmentaire, comme le lecteur s’en rendra compte en
se reportant à l’apparat critique. Cette façon de voir fut adoptée par la plupart des spécialistes. Certains
ont, récemment essayé d’aller un peu plus loin, telle Kirsten Johannsen, mais parfois dans le cadre de
notes qualifiées de « spéculatives », comme l’a fait Crawford (par ex., p. 169-170 pour la ligne 44).
L’essai de L. de Ligt, en revanche, renoue avec le point de vue plus optimiste de juristes antérieurs ou
contemporains de Mommsen, tels Hume ou Rudorff. J’ai reporté l’intégralité du texte de Mommsen à
cause du caractère en quelque sorte « canonique » qu’il revêt (il a été très utilisé dans les recueils de
droit romain) et parce que, comme l’ont écrit Johannsen, Crawford et de Ligt, aucun progrès significatif
n’avait été réalisé jusqu’à la restitution que propose ce dernier, laquelle repose sur la diminution du
décompte des lettres manquantes, grâce au travail de Crawford (1996, p. 118), et sur l’idée qu’il y a une
certaine concordance entre la partie africaine et les sections italienne et grecque. En revanche, je n’ai
transcrit les leçons des philologues que dans le cas où je considérais qu’ils apportaient un élément
intéressant et qu’ils faisaient l’objet d’un commentaire.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 113

44 [scriptus est, dedit adsignauit … … …, quod eius agri locei IIvir, quei ex h. l.
factus creatusue erit, ita ei herediue eius datu]M ADSIGNATVM ESSE
FVISEVE IOVDICAVERIT, VTEI IN H. L. SC(riptum) EST, QVEI E[orum
eum agrum locum in eo numero agri professus erit].
EXTRA EVM AGRVM LOCVM, QVEI AGER LOCVS IN EA CEN[turia
supsiciuoue est, quei ex lege Rubria1
45 quae fuit, et ex lege Baebia, quei in colonei numero scriptus est, datus
adsignatus est … sei is ager locus emptus neiue uenditus non erit neiue pro agro
ager locus commutatus redditusue non erit, is ager locus, quei ex h. l. colonei eiue,
quei in colonei numero scriptus est, datus adsignatus est, priuatus inmunisque
factus erit,

1.     44  […  (174)  …  da]TVM  ADSIGNATVM  -­‐.  -­‐  .  QVEI  L[…  (76)  …]  EXTRA  -­‐  .  -­‐  .  IN  EA  CEN[turia  
supsiciuoue   …   (41)   …]   Mo.   [scriptus   est,   -­‐   .   -­‐   .   professus   erit],   EXTRA   EVM   LOCVM   -­‐   .   -­‐   .   IN   EA  
CEN[turia  supciuoue  dari  adsignari  non  licuit,]  DLi  1.  

_____________________________________________________________________________________

2. J’oppose l’ager priuatus immunisque du colon à l’ager priuatus uectigalisque de l’acheteur. C’est sur cette
hypothèse que repose ma restitution, laquelle s’oppose à celle, plus complète, de de Ligt qui part de l’idée
que la terre du colon payait aussi le vectigal (« The problem of ager privatus vectigalisque », Epigraphica,
69, 1-2, 2007).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


114 Texte et traduction

La terre et pièce de terre qui est vendue à Rome publiquement à partir de cette terre
et pièce de terre1, - en dehors de [cette terre et pièce de terre, que, d’après cette loi, les
colons, ou ceux qui ont été inscrits dans le rôle du colon, en application de la présente
loi, détiennent -, il faut] ou il faudra que cette terre et pièce de terre, quelle que soit la
personne par laquelle elle a été achetée,
46 … (35), soit une terre et pièce de terre privée et redevable du vectigal ».
« Pour l’achat du vectigal de cette terre et pièce de terre, l’]acheteur2, ses cautions et
les domaines mis en gage, qu’ils soient libres de toute obligation, et que les noms de

_____________________________________________________________________________________
1. J’ai proposé de restituer à la ligne 82 une proposition établissant le caractère public de « tout le reste de
la terre » (ceterum agrum locum), mais la lacune ne permet pas d’établir une certitude. La divergence des
positions provient de raisons multiples : que signifie ager priuatus uectigalisque ? À mon point de vue, si
cette terre devient privée, elle n’en est pas moins comprise dans la propriété de l’État, comme l’indique le
fait qu’elle soit astreinte au vectigal. Le ceterum agrum locum établit une opposition. Celle-ci semble
correspondre à la catégorie introduite par extra eum agrum locum, disparate certes, mais qui a en
commun le fait de tenir compte des particularités. Peut-on admettre que cette opposition soit tranchée
et qu’il n’y ait pas une autre catégorie à considérer ? Il semble que tel soit le cas, car si la première partie
ne comprend pas que des biens-fonds relevant d’un statut spécial, ceux qui n’en font pas partie sont
définis tout de même par rapport à ceux qui sont particuliers. Si le législateur s’est donné la peine de
récapituler, lignes 79-81, tous les cas présentant une singularité, c’est pour les opposer à « tout le reste de
la terre ». Dans ce cas, l’ager priuatus uectigalisque relèverait de la catégorie introduite par la locution
ceterum agrum locum. Cela me paraît d’autant plus admissible qu’il est souvent question de la vente ou de
la location des vectigals dans cette partie (lignes 82, 85, 86, 87). Mais cela ne signifie pas pour autant que
cet ager constituerait la totalité du ceterum agrum locum. Il y est question d’autres impôts (decimae,
scriptura), et l’on sait que des terres ont été assignées plus tard, à l’époque de Marius par exemple. Or,
elles n’ont pu l’être qu’à partir de terres restées publiques. Je suis donc en désaccord avec Hinrichs (1966)
qui avançait que la loi prescrivait la vente de tout ce qui restait de l’ager publicus. Ceci est en
contradiction avec le ceterum agrum locum qui débute aux lignes 81-82. Je ne suis pas non plus Crawford
(p. 148, 179) quand il écrit que l’expression publice uenire se réfère, non point aux ventes de terre, mais à
l’affermage de la terre publique par les magistrats romains, ce qui signifierait que la terre (ou une partie
de la terre) vendue ne devenait pas ager priuatus, mais, comme l’a remarqué de Ligt (2001, p. 186-187),
avec le fait que les taxes seront payées non seulement par les propriétaires de l’ager priuatus uectigalisque,
mais par tous les futurs possessores de la terre publique affermée par les censeurs. Je suis d’accord avec lui
à ce sujet. En revanche, je doute qu’il ait raison quand il écrit que la loi ne porte jamais sur l’affermage ou
la vente d’agri ou de loci, mais sur les taxes (p. 187) parce qu’il me semble qu’il y a, malgré la similitude de
vocabulaire, une différence entre la ligne 46 qui concerne la perception du vectigal et la ligne suivante
qui est en rapport avec l’achat des terres.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 114

ager locus eo agro loco quei Romae publice uenieit, extra] EVM AGRVM
LOCVM, QVEM EX H. L. COLONEI, EIVE QVEI IN COLONEI
NVMERO [scriptei sunt, habebunt, ex h. l. oportet] OPORTEBITVE, QVOD
EIVS AGRI LOCEI QVOIEIQVE EMPTVM EST1,
46 [… (35) … ager locus privatus vectigalisque esto .. (85) ..].
[Ob emptionem uectigalis huius agri locei, m]ANCEPS PRAEVIDES
PRAEDIAQVE SOLVTI SVNTO, EAQVE NOMINA MANCVP[is ………. ,

1.     45  […  (169)  …  extraque]  EVM  AGRVM  -­‐  .  -­‐  .  NVMERO  [scriptei  sunt,  optinebunt  …  (51)  …  
oportet]  OPORTEBITVE,  -­‐  .  -­‐  .  EMPTVM  EST,  […  (57)  …]  Mo.  [datus  adsignatus  est,  eius  heredisue  
esto  isque  ager  locus  priuatus  uectigalisque,  ita  utei  in  h.  l.  scriptum  est,  esto.]  DLi  2.  

_____________________________________________________________________________________
2. Pour la plupart des commentateurs (Mommsen, 1905, p. 137-139 ; Hinrichs, 1966, p. 285 ; Johannsen,
1971, p. 297-299 ; Lintott, p. 247-248), manceps désigne l’acquéreur de la terre publique et praeuides les
garanties qu’il doit fournir avant l’acquisition. Pour Crawford (1996, p. 170), le manceps est un fermier
de taxes. De Ligt a développé ce point de vue (2001, p. 194 s.), observant que manceps se réfère
normalement à quelqu’un qui achète un droit de collecte d’un revenu public. Je suis d’accord avec cette
remarque : manceps désigne le collecteur du vectigal qui grève l’ager priuatus uectigalisque dont il vient
être question, ce qui me conduit à introduire la référence au vectigal à la ligne 46. Je suis d’accord aussi
avec l’idée de de Ligt suivant laquelle Max Weber (Die römische Agrargeschichte, Stuttgart, 1891, p. 151-
159) avait raison en écrivant que la taxe portant sur l’ager uectigalis était une somme importante, et non
symbolique comme le pensait Mommsen (1905, p. 128).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


115 Texte et traduction

l’acheteur1 ….. , que le questeur] qui détiendra le Trésor et la Province, les [aient
inscrits] sur les tablettes publiques ».
« Concernant cette terre et pièce de terre]
47 [qui est en Afrique, en dehors de cette terre et pièce de terre, qu’ont de par cette
loi les colons ou les inscrits en tant que colons, terre et pièce de terre qu’il faut ou
faudra leur restituer, la terre et pièce de terre qu’un citoyen romain a acheté, par
prélèvement de la terre et pièce de terre, d’un magistrat ou d’un pro]magistrat
romain, que ce citoyen romain ne donne pour cette terre et pièce de terre <ni>2
argent, ni cautions3, ni [domaines en gage] »4.

_____________________________________________________________________________________

1. Le professeur Okko Behrends (2 mai 2013) m’a fait l’amitié de m’éclairer sur cette question ardue :
L’emploi du terme provient du fait que ce « qu’il prend dans la main est une garantie, donc quelque
chose d’incorporel, plus exactement la garantie qu’il reçoit d’un contrat avec l’État. Paulus Diaconus
nous a conservé l’explication (Fest., éd. Lindsay 137) : « Manceps dicitur, qui quid a populo emit (!)
conducitue (!), quia manu sublata (!) significat se auctorem emptionis esse : qui idem praes dicitur, quia tam
debet praestare populo, quod promisit, quam is, qui pro eo praes factus est ». Le symbolisme de la main est
le même qu’on trouve dans le mandatum et la promissio (promittere manum). La disposition de la loi
agraire (au début mutilée) règle la situation juridique de la terre de la province Africa vis-à-vis d’un tel
contrat. Cf. par ex. l. 48 : qui eu]m agrum locum manceps praesue factus est. La figure du manceps devient
compréhensible si l’on se rend compte du fait que les contrats de emptio uenditio et locatio, cités par
Festus, ont été d’abord fondés sur la Fides comme principe de la fidélité contractuelle et comme telle
symbolisée par la main. On sait que le prêtre de la Fides quand il s’approchait de la divinité devait avoir
les mains soigneusement voilées (pour éviter une obligation non voulue). Le manceps est par conséquent
une figure plutôt récente par rapport au praes qui est un garant très ancien. (Le praes – de prae-vas- se
distingue du vas de la manière indiquée par le préfixe : le vas se porte garant pour quelqu’un déjà obligé
par un délit et libéré du carcer grâce à l’intervention du vas, tandis que le praes se porte garant pour une
dette future, les deux dans des formes juridictionnelles très archaïques. Dans l’histoire quadripartite du
droit romain, le vas et le praes appartiennent donc à la première époque, le manceps à la seconde ».
2. Je suis la suggestion de Huschke (1841, p. 606) qui rétablissait neiue, oublié par le graveur, devant
peqvnia<m>.
3. Hinrichs (1966, p. 285) et Johannsen (1971, p. 298) donnaient la même signification à ces trois mots. En
revanche, je pense, comme Lintott (p. 248), qu’il était question de ventes valides (contra Hinrichs). Je
suis en désaccord avec la traduction de Crawford (p. 146) qui, comme le relève de Ligt (2001, p. 199),
paraît suggérer que les acheteurs d’une terre publique antérieurement à la présente loi n’auraient pas à
payer la rente (pequnia) des agri uectigales publics.
4. L’interprétation de de Ligt (2001, p. 198-211) s’oppose à celle de la plupart des autres érudits, cf. supra
p. 114 n. 2. Si manceps désigne un fermier des taxes, faut-il nécessairement lier à ce mot praes, praeuides,
praedia ? Dans la loi, telle que nous la lisons du fait des lacunes, manceps n’apparaît qu’aux lignes 46-48. En
revanche, praes est attesté à la ligne 84. Le lecteur trouvera le texte plus loin. Mais il est nécessaire d’avoir la
traduction sous les yeux : « 83 [ … (193) … Considérant la terre et pièce de terre à partir de cette terre et

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 115

quaestor], QVEI AERARIVM PROVINCIAM OPTINEBIT, IN TABLEIS


[publiceis scripta habeto.
Quei ager locus]1
47 [in Africa est, extra eum agrum locum, quem ex h. l. colonei, eiue quei in
colonei numero scriptei sunt, habebunt, quemue eis ex h. l. reddi oportet
oportebitue, quei ceivis Romanus agrum locum de eo agro loco a mag. prou]E
MAG. ROMANO EMIT, IS PRO EO AGRO LOCO <neiue>2 PEQVNIA<m>
NEIVE PRAEVIDES NEI[ve praedia dato.

1.     46   […   (165)   …   neiue   magis]   MANCEPS   -­‐   .   -­‐   .   MANCVP[um   …   (75)   …   quaestor,]   QVEI  
AERARIVM   -­‐   .   -­‐   .   IN   TABLEIS   [publiceis   scripta   habeto   …   (35   …]   Mo.   [eius   postea   abalienauit  
abalienaueritue  …  (35)  …,  eius  hederisue  eius  esto  isque  ager  locus  priuatus  uectigalisque  esto,  
neiue  ob  eam  rem,  quod  is  ager  locus  publice  uenieit,  m]ANCEPS  -­‐  .  -­‐  .  MANCVP[is  praeuidum  
eorumque   quei   praedia   dederunt,   quaestor],   QVEI   AERARIVM   -­‐   .   -­‐   .   IN   TABLEIS   [publiceis   scripta  
habeto.  Quei  ager  locus]  DLi  1.  
2.     47  <neiue>  PECVNIA<m>  Hu.  

_____________________________________________________________________________________
pièce de terre qu’un ressortissant d’un peuple libre, ou un rallié, ou un membre des alliés ou du nom latin
desquels ils ont coutume d’exiger des soldats en application du traité d’alliance, possédera et dont il jouit, il
sera tenu de payer le vectigal, [la dîme] et le droit de pâture, pour cette terre et pièce de terre, au Peuple ou
au publicain dans les mêmes termes qu’un citoyen romain est dans l’obligation de les payer pour cette terre
et pièce de terre que le Peuple romain afferme et qu’un citoyen possède de par cette loi. Le préteur, sur
l’arbitrage duquel pour cette terre et pièce de terre qui sera vendue à Rome publiquement de par cette loi,
l. 84 [devra avoir reçu suffisamment de domaines hypothéqués comme caution]. Il devra accepter des
domaines en gage valant trois fois la terre et pièce de terre … de la part du contractant. Si celui qui doit
cautionner est réticent à s’exécuter, et assure que des garanties suffisantes peuvent être prises de celui qui a
fourni le domaine comme gage en accord avec cette loi, [si personne ne veut s’opposer] à quiconque désire
fournir une garantie et verser la somme d’argent en application de cette loi, ni s’opposer à ce que quelqu’un
veuille servir de caution, qu’il soit possible de régler ainsi la question ». J’en conclus que, bien qu’il soit
question d’une terre qui est imposée, il s’agit de gages, d’hypothèques, de cautions en rapport avec l’achat de
la terre vendue publiquement à Rome, et non point seulement des taxes. À mon avis, le législateur envisage, à
la ligne 46, l’achat des vectigals par le manceps et, à la ligne 47, l’achat de la terre publique par un citoyen
romain. Le rapprochement entre les deux données est le fait qu’il s’agit toujours d’une terre vectigalienne,
laquelle reste publique bien qu’elle soit déclarée « privée ».

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


116 Texte et traduction

« Si des cautions ont été données, que personne, pour ce] bien pour lequel la caution
a été effectuée, n’ait d’obligation envers le Peuple ».
« [Concernant la terre et pièce de terre qui est en Afrique … (10) …]
48 [.. (160) … pour ce qui] est de cette terre et pièce de terre pour lequel l’acheteur ou
la caution a effectué l’opération et pour lequel un domaine a été gagé pour [cette terre
et lieu dans le cadre public, qu’ils soient libérés.] »
En ce qui concerne la terre et pièce de terre qui est en Afrique, qui viendra à Rome en
vente publique, [en dehors de cette terre et lieu, que les colons]
49 [ou ceux qui sont inscrits comme colons ont de par cette loi, celui qui l’aura acheté
à un magistrat ou à un promagistrat romain, …. (..) …], qu’elle soit la terre et pièce de
terre de l’acheteur, et que cette terre et pièce de terre soit une terre et pièce de terre
privée et vectigalienne, comme cela a été écrit plus haut »1.
« La terre et pièce de terre qui, de par cette loi, aura été faite privée, ce qui de cette
terre et pièce de terre est hors de la terre d’Italie, [… (35) …]2 ».

_____________________________________________________________________________________
1. Ce qui renvoie, à mon avis, à la ligne 45 et au début de la ligne 46.
2. La restitution de cette ligne très lacunaire tient compte des informations initiales. La terre située hors
d’Italie, en Afrique, comprend des terres privées qui appartiennent à deux catégories suivant qu’elles
sont ou non astreintes au paiement du vectigal. À mon avis, la ligne récapitule les données avant de
passer aux décisions concernant la déclaration et la détention provisoire des terres.

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Jean PEYRAS 116

Sei praeuides datei sunt, nei quis ob eam] REM, QVOD PRAES FACTVS EST,
POPVLO OBLIGATO EST[o].
[Quei ager locus in Africa est, … (10) ..]1
48 [… (160) … , quei ob eu]M AGRVM LOCVM MANCEPS PRAESVE
FACTVS EST QVODQVE [pr]AEDIVM OB [eum agrum locum in publicum
datum est, solutei sunto.
q]VEI AGER LOCVS IN AFRICA EST, QVEI ROMAE PVBLICE [uenierit,
extra eum agrum locum, quem colonei]2
49 [eiue quei in colonei numero scriptei sunt, ex h. l. habebunt, is quei agrum
locum a mag. proue mag. Romano emerit ….…., ager locus] EIVS ESTO, ISQVE
AGER LOCVS PRIVATVS VECTIGALISQVE I[ta utei supra scriptum est,
esto3.
[.. (40) ager locus quei ex h(ac) l(ege) priuatus fac]TVS ERIT QVOD EIVS
AGRI LOCEI EXTRA TERRA ITALIA EST [.. (120) .. ]4
 
 
 
1.     47  […  (168)  …  nei  qui  d]E    MAG.  ROMANO  -­‐  .  -­‐  .  PRAEVIDES  NEI[ue  praedia  populo  dato  …  
(52)  …  neiue  de  ea  re  quis  ob  eam]  REM,  -­‐  .  -­‐  .  OBLIGATVS  EST[o  …  (56)  …]  Mo.  [in  Africa  est,  
extra   eum   agrum   locum,   quem   ex   h.  l.   colonei,   eiue   quei   in   colonei   numero   scriptei   sunt,  
habebunt,  quemue  eis  ex  h.  l.  reddi  oportet  oportebitue,  quei  ceiuis  Romanus  agrum  locum  de  
eo  agro  loco  a  mag.  prou]E  MAG.  ROMANO  -­‐  .  -­‐  .  PRAEVIDES  NEI[ue    praedia  dato.  Sei  praeuides  
datei  sunt,  nei  quis  ob  eam]  REM,  -­‐  .  -­‐  .  OBLIGATVS  EST[o.  Quei  ager  locus  in  Africa  est  …  (10)  …  ]  
DLi  1.  
2.     48  […  (167)  …  quei  ob  eu]M  AGRVM  -­‐  .  -­‐  .  PRAEDIVM  OB  [eam  rem  in  publico  obligatum  
est  …  (77)  …  q]VEI    AGER  -­‐  .  -­‐  .  PVBLICE  […  (57)  …]  Mo.  […  (160)  …,  quei  ob  eu]M  AGRVM  -­‐  .  -­‐  .  
PRAEDIVM   OB   [eum   agrum   locum   in   publicum   datum   est,   solutei   sunto.   Q]VEI   AGER   -­‐   .   -­‐   .  
PVBLICE  [uenierit,  extra  eum  agrum  locum,  quem  colonei]  DLi  1.  
3.     49  […  (173)  …]  EIVS  -­‐  .  -­‐  .  VESTIGALISQVE  V[…  (113)  …]TVS  ERIT,  -­‐  .  -­‐  .  ITALIA  EST  […  (57)  …]  
Mo.  […]IV[.]EIVS  -­‐  .  -­‐  .  VECTIGALISQVE  I[ta  utei  in  h.  l.  sc.  est,  esto  DLi  1.  
4.     [Quei  ager  locus  ex  h.  l.  priuatus  fac]TVS  ERIT-­‐  .  -­‐  .    ITALIA  EST  […]  DLi  2.  [..  (40)  ..  ager  -­‐  .  -­‐  .  
fac]TVS  ego.  

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117 Texte et traduction

50 « [.. (30) .. En ce qui concerne cette terre et pièce de terre qui est en Afrique, pour
la part de cette terre et pièce de terre d’un citoyen romain ou d’un] des alliés ou des
Latins qu’on a coutume de recruter en application du traité d’alliance en terre d’Italie,
[ils la posséderont et en jouiront au moment où le duovir aura été créé par cette loi :
que chacun l’ait et en jouisse jusqu’à ce que le duovir en décide définitivement pour
chacun] »1.
51 « [Si quelque partie de cette terre et pièce de terre fait l’objet d’une controverse, le
duovir, qui aura été fait et créé de par cette loi, lequel aura été saisi de l’affaire
concernant ce bien, dise alors le droit afin qu’il juge, ou bien qu’une sentence puisse
être prononcée immédiatement à ce propos, ou bien que la possession de cette terre et
pièce de terre] doive être qualifiée en « Cause de l’enquête sur le bien ». [Le duovir,
sur cette cause dont il a diligenté l’examen, en ce qui concerne la terre qui est en
Afrique, pour cette terre et pièce de terre en question, qu’il conduise l’examen en
toute] équité.
« En ce qui concerne la terre et pièce de terre qui est dans l’Africa, pour la part de
cette terre qu’un individu en aurait ou posséderait et dont il jouirait en vertu de la loi
Rubria abrogée,
52 au moment où le duovir aurait été créé par la présente loi, que cet individu l’ait, la
possède et en jouisse comme si cette terre et pièce de terre [avait été vendue]
publiquement [à Rome, jusqu’à ce que le duovir prenne une décision définitive pour
chacun] »2.
_____________________________________________________________________________________
1. Je fais débuter ici les dispositions de possession provisoire qui permettront de faire les déclarations et les
enquêtes.
2. La restitution de de Ligt (2007, p. 97-98) a en particulier pour but d’établir que les acheteurs privés de
lots coloniaux perdraient leurs acquisitions si ces lots avaient été vendus par l’État. Cette décision, en
effet, peut être lue aux lignes 65-66, comme l’observe le savant. Je noterai à ce propos que les lignes 65-
66, ainsi que les lignes 51-52 si l’on adopte la proposition de de Ligt, montre bien qu’il y a eu pendant une
dizaine d’années une situation anormale : l’Etat a vendu des terres coloniales qui avaient été attribuées,
puisque les colons les avaient vendues à des particuliers. Et l’État se considère comme dans son droit,
tout en admettant qu’il doive donner en compensation un lot de terre publique à l’acheteur privé
dépossédé. Revenant sur l’effort de restitution des lignes 43-52 par de Ligt, un effort à coup sûr
admirable et dont il y a beaucoup à retenir, je demeure sceptique sur le but principal qu’il s’était fixé, à
savoir de démontrer que les terres des colons étaient des agri priuati uectigalesque. Ces lots de la lex
Rubria abrogée me paraissent constituer, tout au long de la loi, une catégorie à part. Je ne comprendrais
pas pourquoi le législateur aurait pris ce soin constamment si, au bout du compte, ils étaient compris
dans les mêmes droits et devoirs que les terres vendues publiquement à Rome par l’État.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 117

50 [.. (30) …, Quei ager locus in Africa est, quod eius agri locei ceiuei Romano
eiue sociorum nominisue Latini quibus ex formula t]OGATORVM MILITES
IN TERRA ITALIA INPERARE SOLENT, EIS PO[ssidebint fruiunturue cum
IIuir ex h. l. creatus erit, eis id habeant possideant fruanturque ; quem]VE
AGRVM LOCVM QVEICVMQVE HABEBIT POSSIDEBIT [frueturque,
usque eo quoad is IIuir de unoquoque in summa ioudicauerit]1.
51 [Sei quid de eo agro loco ambigetur, IIuir, quei ex h. l. factus creatusue erit,
quo de ea re in ious aditum erit, ita ious deicito utei, quoius is ager locus esse
paruerit, sententiam secundum eum pronuntiari iubeat eumue quoi in
possessionem eius agri locei eundi eiusu]E REI PROCVRANDAE CAUSA
ERIT. IN EVM AGRVM LOCVM IN[mittat de ea causa, IIvir, quei ex h. l.
factus creatusue erit, quei ag]ER LOCVS IN AFRICA EST, QVOD EIVS
AGRI
[.. (30) facito se sine dolo m]ALO.
QVEI AG[er locus in Africa est, quod eius agri locei queicumque ex lege Rubria
quae fuit,]2
52 [habebit possidebit fruiturue cum IIuir ex h(ac) l(ege) creatus erit, is id
habeat poss]IDEAT FRVATVR ITEM, VTEI SEI IS AGER LOCVS
PVBLI[ice Romae uenditus erit, usque eo quoad is IIuir de unoquoque in summa
ioudicauerit].

 
1.     50   […   (132)   …   socium   nominisue   Latini,   quibus   ex   formula   t]OGATORVM   -­‐   .   -­‐   .   EIS  
PO[puleis  …  (106)  …]VE  AGRVM  -­‐  .  -­‐  .  POSSIDEBIT  [fruetur,  …  (50)  …]  Mo.  […  quem  agrum  locum  
de   eo   agro   loco   ceiuis   Romanus   habebit   possidebit   fruetur,   queiue   ager   locus   socio   nominisue  
Latini,  quibus  ex  formula  t]OGATORVM  -­‐  .  -­‐  .  EIS  PO[stea  quam  ceiuis  Romanei  ex  h.  l.  factus  erit,  
obuenerit,  quem]VE  AGRVM  -­‐  .  -­‐  .  POSSIDEBIT  [fruetur  …]  DLi  2.  
2.     51   […   (165)   …  eiusu]E   REI   -­‐   .   -­‐   .  LOCVM   IN[mittito   …   (111)  se   dolo   m]ALO.   QVEI   -­‐   .   -­‐   .  AGRI  
[…  (57)  …]  Mo.  […  nei  quis  facito  …  quo  minus  quoi  eius  quod  pro  eo  agro  loco  populo  debebitur  
exigendi  eiusu]E  REI  -­‐  .  -­‐  .  LOCVM  IN[eat  quoue  quod  ei  exigere  licebit,  id  minus  ei  soluatur  se  
dolo  m]ALO.  QVEI  -­‐  .  -­‐  .  AGRI  [locei  publice  uenieit  uenieritue,]  DLi  2.  

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118 Texte et traduction

« [….(128) … Le duovir, qui aura été fait et créé par la présente loi], dans les deux
jours qui suivront sa nomination, devra prendre un édit ».
53 « [… (170) … Qu’aux termes de cet édit, le colon ou celui qui aura été inscrit dans
le registre du colon, auquel une terre et pièce de terre située en Afrique aura été
donnée et assignée par les triumvirs chargés de déduire la colonie en vertu de la loi
Rubria abrogée, dans les 25 jours qui suivront cet édit, fasse donc1, [auprès du duovir,
une déclaration indiquant la superficie qu’il possède et le lieu de sa situation et la part
de cette même terre ou pièce de terre] qui aura été donnée et assignée par les
triumvirs chargés de déduire la colonie en vertu de la loi Rubria abrogée ; et quand il
aura déclaré cela, qu’il soit permis de lui donner un enquêteur ».
54 « […. (174) … De même, aux termes de cet édit, celui qui aura acheté à un colon
ou à un inscrit comme colon, fasse, dans le même délai auprès du duovir la déclaration
de la quantité de terre et pièce de terre dont] il aura été acheteur de première main2
(pour l’avoir achetée) de celui de qui [la vente aura été faite à titre privé3 ; de même,
qu’aux termes de cet édit, l’acheteur déclare si la vente de la terre et pièce de terre a
été faite avant les calendes du mois de janvier, sous les consulats de M(arcus) Livius
et de L(ucius)] Calpurnius4, attendu que, après cette date, ni le colon lui-même, ni

_____________________________________________________________________________________

1. PRO[inde …]. Lintott (p. 190) : PRV ; Crawford : PR(raetor) V[tei …], p. 119. Les auteurs antérieurs ne
lisaient rien à cet endroit. Crawford a transformé la conjecture de Lintott (trois lettres accolées) en deux
lettres certaines dont il a fait PR(aetor) et une lettre séparée qui serait la première lettre de utei.
L’intervention du préteur ne se justifie pas à ce stade, qui est celui de la concession d’une possession
provisoire, sujette à une remise en cause pour les détenteurs de terre qui doivent faire une déclaration
permettant une enquête. Dans la loi, le préteur intervient dans le cadre d’un versement d’argent au
Peuple et de cautions où il est amené à « dire le droit entre les citoyens », ce qui est tout à fait dans son
rôle, ou à mettre en vente les terres en cas de saisie (l. 73, 74, 83, 92). Le commentaire que fait Lintott,
p. 250) ne correspond pas à la restitution (et à la traduction) qu’il propose p. 190 : « If the suggested
restoration on the B fragment is correct, le duumvir was to receive the co-operation of the praetor in
Rome … ». Ici, son opinion rejoint celle de Crawford.
2. H. B. Mattingly (1971, p. 281-293) pensait que la clause protégeait seulement le premier acheteur.
3. Lintott (p. 251) se prononçant pour un achat de terres par des « private citizens », s’interroge sur la
nature du bien-fonds. Il penche pour une terre achetée au Peuple romain, non pour une terre provenant
d’un colon de Junonia. Je suis en désaccord avec ce point de vue, qui ne correspond pas aux données des
lignes 63-65.
4. 112 avant J.-C. selon Lintott (p. 250), 111 selon la plupart des autres auteurs.  

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Jean PEYRAS 118

….(128) … IIuir, quei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit …] IN BIDVO


PROXSVMO QVO FACTVS CREATVSVE ERIT, E<d>ICI<t>O … (57) …1
53 [… (170) ex hoc edicto utei colonus isue quei in colonei numero scriptus est,
quoi ager locus de eo agro loco quei in Africa est, a IIIuiris coloniae deducendae
ex lege Rubria quae fuit, datus adsignatus erit, in diebus] XXV PROXSVMEIS
QVIBVS ID EDICTVM ERIT, PRO[inde2 … (128) … apud IIuirum ….
profiteatur quantum modum quoque loco possideret quodque eiusdem agri locei
ei a IIIuiris coloniae deducendae ex lege Rubria quae fuit, da]TVM
ADSIGNATVM SIET, IDQVE QVOM PROFITEBITVR, COGNITOR[em
dare ei liceat]3.
54 [… (174) item, ex hoc edicto, utei is quei a colono ab eoue quei in colonei
numero scriptus est agrum locum emerit, in iisdem diebus apud IIuirum …
profiteatur quid eius agri locei quoius pri]MVM EMPTOR SIET AB EO
QVOIVS HOMIN[is … (128) .. priuati eius agri locei uenditio siet ; item, ex
hoc edicto, utei emptor profiteatur … sei uenditio agri locei ante kalendas
I(anuarias) … M (arco) Liuio L(ucio) ] CALPVRNI<o> COS FACTA SIET,
QVOD EIVS POSTEA <ne>QVE IPSE NE[que4
 
 
1.     2   […   (161)   habeat   pos]SIDEAT   -­‐   .   -­‐   .   PVBLI[ce   …   (94)   …   IIuir,   quei   ex   h.   l.   factus   est  
creatusue   erit,   ]   IN   BIDVO   -­‐   .   -­‐   .   E<d>ICI[to   …   (55)   …]   Mo.   [extra   eum   locum,   quei   ex   h.   l.   colonei  
eiusue   quei   in   colonei   numero   scriptus   est   heredisue   esse   oportet   oportebitue,   queiquomque  
agrum   locum   de   eo   loco   habet   possidet   fruiturue,   quo   magis   is   eum   agrum   locum   habeat  
pos]SIDEAT  -­‐  .  -­‐  .  PVBLI[ce  non  ueneisset,  eius  h(ac)  l(ege)  n(ihilum)  r(ogatur)  …  (22)  …  IIuir  quei  
h.  l.  factus  creatusue  er]IT,  IN  BIDVO  -­‐  .  -­‐  .  E<d)ICI[to  …  DLi  2.  
2.     PRV  Li.,  PR(aetor)  V[tei  …]  Cr.,  PRO[inde  …]  ego.  
3.     53   [-­‐   -­‐   -­‐   in   diebus]   XXV   PROXSVMEIS,   -­‐   .   -­‐   .   ERIT,   PR(aetor)   V(?)[tei   -­‐   -­‐   -­‐   datu]M  
ADSIGNATVM  -­‐  .  -­‐  .  COGNITO[r  -­‐  -­‐  -­‐]  Cr.  
4.     54   [-­‐   -­‐   -­‐]MVM   EMPTOR   -­‐   .   -­‐   .   HOMIN[is   priuati   uenditio   fuerit   -­‐   -­‐   -­‐   quae   uenditio   ante  
k(alendas)   Ian(uarias)   P.  Cornelio   L.]   CALPVRNI(o)   -­‐   .   -­‐   .   POST[e]A   N<e>QVE   IPSE   N[eque   heres  
eius  abalienauit  abalienauerit  -­‐  -­‐  -­‐]  Cr.  

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


119 Texte et traduction

55 [son héritier n’ont eu licence de l’accomplir ; … (qu’il déclare encore) si l’achat a


été réalisé par un allié ou un Latin ou par par quelqu’un qui] aurait été préfet ou
soldat dans la province »1.
55-56 « [De même que, si un magistrat avait ordonné par son édit la mise en
possession ou la mise en vente publique, ou la vente publique de la terre et pièce de
terre] qui est donnée et assignée [à un colon ou à un inscrit comme colon, et qu’un
acheteur de biens ait été l’acheteur, que cet acheteur de biens fasse la déclaration de la
partie achetée ; ou bien, si un gestionnaire a été nommé en vue de la vente de la terre
ou pièce de terre, que ce gestionnaire fasse la déclaration ; ou bien, si un curateur a été
constitué pour cette terre et pièce de terre,] que son curateur fasse la déclaration ».
« De même : [si …. (ou) si un magistrat a prescrit par un édit qu’une terre et pièce de
terre soit mise en vente ou soit vendue, que, pour la partie ainsi vendue en vertu] de
l’édit, celui qui l’a [achetée] de l’acheteur de biens, du gestionnaire ou du curateur2,
[en fasse la déclaration au duovir] ».

_____________________________________________________________________________________
1. Pour Mommsen (Ges. Schrift., I, p. 142), suivi par Mattingly (JRS 59, p. 135, 138) et Crawford (p. 171), il
est question de l’exclusion des préfets et soldats présents dans la province des bénéfices de la clause de
possession. En fait, cette exclusion n’intervient qu’à la ligne 65. Pour l’instant, le législateur s’occupe de la
possession provisoire, laquelle touche tous les détenteurs de terres. Mais le militaire doit signaler qu’il est
préfet ou soldat si tel est le cas. Si l’on examine le texte du Digeste (49, 16, 9) sur lequel s’appuyait
Mommsen, deux éléments sont à retenir. Dans le premier, qui est, en fait, celui auquel le savant se
référait, l’interdiction est nette : Milites prohibentur praedia comparare in his prouinciis, in quibus
militant. Dans le second, elle est levée s’ils ont des héritiers : Milites, si heredes extiterint, possidere ibi
praedia non prohibentur. Il est vrai qu’il semble que cette dernière phrase soit un commentaire inclus
dans le texte. Il reste que la ligne 65 montre que la possession n’est remise en cause que dans le cas où la
même terre aurait fait l’objet d’une vente publique et que, dans ce cas, le militaire ou le préfet reçoit un
lot de terre publique en compensation. Il est possible que le texte du Digeste concerne des dispositions
beaucoup plus tardives, comme le suggère le texte où il est question de l’administration impériale. Pour
en revenir à la présente loi, les préfets et soldats sont, dans le traitement de leur cas, dans la même
situation que les alliés italiens et que les Latins. Rudorff (1839, p. 108) et Huschke (1839, p. 607) avaient
compris le passage différemment. À leur point de vue, loin d’être exclus, les préfets et soldats auraient
bénéficié d’un traitement particulier du fait de leur absence, étant ailleurs en service commandé.
Hinrichs (1966, p. 286) avançait que prouincia n’avait pas une signification territoriale. Johannsen
(p. 307) lui a opposé plusieurs occurrences, parmi lesquelles l’une d’elles, en rapport avec Ti. Gracchus,
est particulièrement éclairante : Imperio auspicioque legio exercitusque populi Romani Sardiniam subegit.
In ea prouincia hostium caesa aut capta supra octoginta milia (Tab. Triump. Ti. Sempr. Gracchi 1-4).
2. Pour la vente de biens après missio in bona, un curator agit au nom d’un défendeur, un magister bonorum
au nom de ceux dans l’intérêt desquels l’exécution doit être faite, cf. Crawford, p. 171. Pour Lintott
(p. 252), dont je reprends ci-après les conclusions, il est ici question des déclarations d’une terre qui a été

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 119

55 heres eius uenditionem facere licuit … seiue emptio ab eo sociorum nominis


Latiniue ab eoue quei] PRAEFECTVS MILESVE IN PROVINCIAM ER[it ..
(120) … facta siet].
[Item : utei, sei magistratus agrum locum quei colono eiue quei in colonei
nu]MERO SCRIPTVS EST[… (57) …],1
56 [… (179) …] DATVS ADSIGNATVS EST, QVODVE EIVS[dem] AG[ri
locei ex edicto possideri proscribi uenerique iusserit, idque bonorum emptor
emerit, is bonorum emptor id profiteatur ; uel, sei magister creatus erit ad agrum
locum uendendum, utei is magister id profiteatur ; uel, sei agro loco curator
constitutus erit] VTEI CVRATOR EIVS PROFITEATVR.
ITEM VT[ei …., sei magistratus … eum agrum locum ex edicto possideri
proscribi ueneri iusserit, quod eius agri uenditum erit ex e]DICTO, VTEI IS
QVEI AB BONORVM2
EMPTORE MAGISTRO CVRATO[reue emerit, id apud IIuirum profiteatur].

 
 
1.     55   [-­‐   -­‐   -­‐   p]RAEFECTVS   MILESVE   IN   PROVINCIAM   ER[it   -­‐   -­‐   -­‐   quei   ager   locus   in   Africa   est,  
quei   ex   lege   Rubria,   quae   fuit,   colono   eiue,   quei   in   colonei   nu]MERO   SCRIPT(us)   EST,   DATVS  
ADSIGNATVS  EST,  QVODVE  EIVS  ag[ri  -­‐  -­‐  -­‐]  Cr.  
2.     56  [-­‐  -­‐  -­‐  u]TEI  CVRATOR  EIVS  PROFITEATVR,  ITEM  VTE[i  -­‐  -­‐  -­‐]O  EDICITO  VTEI  IS,  QVEI  AB  
BONORVM  EMPTORE  MAGISTRO  CVRATOR[eue  emerit  -­‐  -­‐  -­‐]  Cr.  
 

 
_____________________________________________________________________________________

saisie par des créanciers et qui, ou bien attend d’être vendue à leur bénéfice ou l’a déjà été. Le curator,
comme Mommsen l’a montré, doit ici être étroitement associé avec l’emptor et le magister bonorum. Il
sera le curateur désigné par les créanciers d’un débiteur insolvable, après qu’ils auront obtenu le recours
en missio in possessionem (Dig., 27, 10, 5 et 9, 47, 7, 2), autorisation formelle que donnait le préteur pour
prendre possession d’une propriété permettant, dans le cas d’une dette, sa vente au profit des créanciers.
Le magister bonorum, quant à lui, avait pour rôle de vendre le produit de la saisie (uenditio bonorum) à
celui (emptor bonorum) qui permettrait aux créanciers d’obtenir le maximum de dédommagement. Le
curator était, ou bien un administrateur temporaire avant la vente aux enchères, ou bien quelqu’un dont
la fonction consistait à disposer de la propriété de débiteurs socialement élevés, quand il y avait
suffisamment de quoi satisfaire les créanciers, afin d’éviter l’infamia d’une vente aux enchères.    

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


120 Texte et traduction

57 « [Si quelqu’un, tenu de faire sa déclaration pour une terre et pièce de terre,] ne
faisait pas sa déclaration conformément à l’édit rendu par le duovir1 en vertu de la
présente loi, [que le duovir] juge que la terre et pièce de terre n’est pas et n’a pas été
achetée par lui, et ne lui est ni ne lui a pas été assignée [… (56) .. .]2 ».
58 « [… (170) … En ce qui concerne la superficie de la terre et pièce de terre que le
duovir aurait jugé, conformément à la présente loi, n’avoir été ni achetée ni assignée,
(si c’est) un citoyen romain, colon ou inscrit, qui n’en a point fait la déclaration ; de
même pour la superficie que n’aurait pas déclarée un citoyen romain, acheteur de
biens, gestionnaire ou curateur, ou acheteur de l’un d’eux en vertu d’un édit du
magistrat ordonnant] la vente (publique), à ce citoyen romain, [le duovir] aura la
faculté de donner, de restituer, de céder [en échange de cette terre et pièce de terre],
une superficie équivalente prélevée sur la partie de la terre publique qui n’aura pas fait
l’objet d’une vente publique (à Rome) »3.
« [Le duovir créé par la présente loi, dans les … jours qui suivront sa création, sera
tenu : - en ce qui concerne les terres et pièces de terre qu’il est appelé à déclarer par
jugement être et avoir été assignées, d’en organiser le règlement ; - en ce qui concerne
le nombre et les noms des hommes dont la loi Rubria abrogée ordonnait ou autorisait
la déduction dans la ou les colonies par les triumvirs chargés de la fondation des
colonies de déduire la ou les colonies, d’en faire le compte et d’en dresser la liste] »4.
_____________________________________________________________________________________
1. C’est la premier mention conservée du duovir. Celui-ci est écrit toujours au singulier. Je m’en tiens donc
à l’idée exprimée par plusieurs auteurs, suivant laquelle il y aurait eu un duovir pour l’Afrique et un pour
l’Asie, malgré les doutes de Johannsen (« Das Argument Mommsens, daß durchgehend nur die Singular-
form « IIvir » gebraucht werde, und deshalb die beiden Amtsträger nicht die gleichen Aufgaben zu
verrichten scheinen, is nicht überzeugend », p. 305), qui s’appuie sur le fait que chaque triumvir agissait
à son tour dans le collège des IIIuiri agris dandis adsignandis (p. 305). Lintott (p. 250) a le même
sentiment. L’argument me paraît avoir peu de portée parce que la mention des triumvirs a disparu dans
la loi, sauf à la ligne 43 où le singulier est employé parce que c’est le titre de M. Baebius. Que chacun
d’entre eux ait agi seul est une brillante démonstration de Carcopino qui n’a pas de rapport avec ce qui
était écrit dans la loi et qui n’a pas empêché le lapicide d’inscrire les noms des trois commissaires sur
l’inscription de La Malga (CIL VIII, 12535).
2. Lintott (p. 252) ajoute que le fait que le duovir ne puisse pas juridiquement confirmer la vente ou
l’assignation de la terre quand il n’y a pas eu de déclaration ne signifie pas nécessairement que la terre
soit confisquée, mais que son détenteur ne pouvait être confirmé dans sa propriété qu’après une enquête
juridique ultérieure ; cf. pourtant la ligne 58 et la note suivante.
3. Crawford (p. 171) juge que les circonstances de l’octroi d’une terre, sa restitution ou son échange fait à
un citoyen romain doivent rester obscures. Il conjecture toutefois que l’origine de ces actes, qui ne
concerne que les citoyens romains, puisse se trouver dans la terre donnée et assignée par la lex Rubria,
quand la déclaration prévue par la clause précédente avait été faite et ne posait pas problème, nisei

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 120

57 [Sei quis quid eius agri locei edicto IIuiri ex h(ac) l(ege) profiteri oporteri]T,
QVOD EDICTO IIVIR(ei) PROFESSVS EX H. L. N[on erit … (177)
…IIuir(ei) eum agrum lo]CVM NEIVE EMPTVM NEIVE ADSIGNATVM
ESSE NEIVE FVISE IVDICATO [… (56) …]1.
58 [… (170) quantum modum eius agri locei, quam IIuir ita neiue emptum
neiue adsignatum esse fuiseue iudicauerit, utei in h(ac) l(ege) est, ceiuis
Romanus, quei colonus est inue colonei numero scriptus est, edicto IIuir(ei)
professus ex h(ac) l(ege) non erit ; quantum modum ceiuis Romanus professus
non erit, quei bonorum emptor magister curatorue eorumue emptor erit ex edicto
magistratus de agro publice proscribendo venden]DO, EI CEIVI ROMANO
TANTVNDEM MODV[m agri locei ….. is IIuir … pro eo agro loco, de agro
loco] QVEI AGER PVBLICE NON VENIEIT, DARE REDDERE,
COMMVTAREVE LICETO.
IIVIR Q[uei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, in … diebus proxsumeis quibus
factus creatusue erit, de agris locis quos ex h(ac) l(ege) datus adsignatus esse fuiseue
iudicare oportebit, rationem initio, et numerum conputatio nominaque inscribito
hominum quos ex lege Rubria quae fuit a IIIuiris coloniae deducendae in coloniam
coloniasue deduci oportuit licuitue]2.
 
 
1.     57  [-­‐   -­‐   -­‐]T,   QVOD   EDICTO   IIVIR(ei)   PROFESSVS  EX  H(ac)   L(ege)   N[on  erit   -­‐   -­‐   -­‐   ei   eum   agrum  
lo]CVM  NEIVE  EMPTVM  NEIVE  ADSIGNATVM  ESSE  FUISSE  IVDICATO  (vacat)  Q[-­‐  -­‐  -­‐]  Cr.  
2.  58  [-­‐  -­‐  -­‐  pro  eo  ag]RO  EI  CEIVI  -­‐  .  -­‐.  MODV[m  agri  -­‐  -­‐  -­‐]NEI  EX[-­‐  -­‐  -­‐]  QVEI  AGER  -­‐  .  -­‐  .  LICETO.  
(vacat)  IIVIR  Q[uei  ex  h(ac)  l(ege)  factus  creatus  erit]  Cr.  

 
 
_____________________________________________________________________________________
ambigetur. La solution que je propose est différente. Il ne me paraît pas possible d’accepter la solution de
Crawford. À mon avis, le citoyen romain à qui la lex Rubria avait donné et assigné une centurie était
conforté, après déclaration, dans la propriété qui lui avait été concédée.
4. Lintott (p. 190-191), Crawford (p. 119, 147, 171) et Johannsen (p. 148-149) s’en tiennent à ce qui
demeure lisible. Le premier suggère une introduction brève à une possibilité de compensation quand une
injustice est advenue (p. 253). Mais l’introduction est d’une briéveté toute relative : il y a 226 lettres qui
manquent avant …]DO EI CEIVI ROMANI, et 106 après MODV[m agri loci (Johannsen, p. 148).
Rudorff, Mommsen et Husche proposent des restitutions qui conduisent à une compensation après
déclaration (dans un cadre d’ager privatus uectigalisque, cf. Johannsen, p. 310).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


121 Texte et traduction

59 « Ce règlement touchant les terres, [et ce recensement des ] h[ommes], devront


être organisés [et réalisés] selon les directives suivantes : [1. il ne devra pas juger …. au
nom ] d’un homme1 [……. ) ; 2. il devra juger que tout jugère donné et assigné par les
triumvirs] au nom d’un homme qui est colon ou inscrit comme colon en vertu de la loi
Rubria abrogée, [s’il a été donné hors de cette terre que le triumvir
60 chargé de fonder les colonies avait l’ordre ou la faculté de donner], n’a été, [ni
donné], ni assigné »2.
« Il devra juger qu’aucune] superficie supérieure à 200 jugères n’[a été donnée et
assignée au nom] d’un seul individu, [au moment où le triumvir fondateur des
colonies, en vertu de la loi Rubria abrogée,] a eu ordre et licence3 de donner [au colon
ou] à l’inscrit [comme colon] la terre située en Afrique (… 38 ….) »4.
61 « [Il devra] juger que n’a pas été [déduit dans la ou les colonies] un nombre
supérieur au nombre [que, en vertu de la loi Rubria abrogée,] il était prescrit et permis
[aux triumvirs ] fondateurs de la colonie, de déduire dans la ou les colonies (…
38 …) »5.
_____________________________________________________________________________________

1. Le formulaire était très probablement le même dans les deux cas, d’où ma proposition de restituer
homini[s nomine…].
2. Crawford a adopté l’adaptation qu’a faite Mattingly du supplément de Mommsen, sauf pour les lots des
pedites, auxquels il est probable, selon lui, qu’on ait alloué 100 jugères. Je ne vois rien qui me permette
d’entériner ces différences de traitement entre colons de la lex Rubria. Il n’est question, dans le texte, que
de « centuria » (l. 44, 66, 89) et de « iugera CC » (l. 60). À ma connaissance, il n’y a rien dans les sources
écrites concernant la colonie Iunonia Karthago qui puisse étayer cette conjecture.
3. Lintott (p. 192, p. 247) écrit « oportebit ». Mais la correction « oportuit » est nécessaire à cause de
« licuitue » (comme Huschke, Mommsen et Johannsen l’ont proposée). Le savant a d’ailleurs fait impli-
citement la correction en traduisant : « it was right and legitimate to give land in Africa »
(« legitimate » ne me paraît pas correspondre tout à fait à licuit, qui est plutôt du domaine de la
permission, de l’autorisation).
4. Il y a lieu de confronter cette obligation avec l’expression centuria supseciuumue qu’on rencontre deux
fois dans la partie africaine (l. 44 et 66). La centurie africaine a une superficie de 200 jugères. Le
supseciuum est donc ici la terre non cultivée qui est incluse dans l’intérieur de la centurie. La particule
enclitique –ue signifie que centurie et subsécive forment un tout indissoluble. Le subsécive, en effet, est
un élément dépendant de la centurie quand il y est inclus ou quand, extérieur à elle, sa surface est
inférieure à la moitié d’une centurie.
5. Appien (B.C. 1, 24, 106) nous apprend que Gracchus et Fulvius avaient prévu de déduire 6000 colons, ce
qui allait au-delà de ce qu’autorisait la loi, et, qu’effectivement, il y eut 6000 colons venus de toute l’Italie.
Il est possible que « ceux qui ont été inscrits dans le rôle du colon » (eiue quei in colonei numero scriptei
sunt) aient été ceux qui étaient en surplus. Dans ce cas, ils auraient été assimilés aux colons installés
légalement.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 121

59 [et de] EIS AGREIS ITA RATIONEM INIT{I}O, ITAQVE H[ominum


numerum computato, utei … nei unius] HOMINI[s nomine, ……. non iudicato]
ET, NEIVE VNIVS HOMINIS NOMINE, QVOI EX LEGE RVBRIA
QVAE FVIT, COLONO EIVE QVEI [in colonei numero scriptus est, IIIuir
deducendae coloniae iugera dederit adsignauerit, iugera extra eum agrum quem
IIIuir coloniae1
60 deducendae dare oportuit licuitue, data adsign]ATA FUISE IVDICATO.
NEIVE VNIVS HOMINVS [nomine, cum IIIuir coloniae deducendae ex
lege Rubria quae fuit … (106) …] COLONO [eiue quei in colonei
nu]MERO SCRIPTVS EST AGRVM QVEI IN AFRICA EST, DARI
OPORT{EB}<u>IT LICVITVE, AMPLIVS IVG(era) CC IN […] 2.
61 [… data adsignata fuise iudicato neiue maiorem numerum hominum in
coloniam coloniasue deductum esse fuis]EVE IVDICATO QVAM QVANTVM
NVMERVM [ex lege Rubria quae fuit …. (106) … a IIIuiris coloniae
dedu]CENDAE IN AFRICA HOMINVM IN COLONIAM COLONIASVE
DEDVCI OPORT{EBIT}<uit> LICVITVE.
 
 
1.     59   [quantum  uni]   HOMINI   -­‐   .   -­‐   .   EIVE   QVEI   IN  [colonei  numero  scriptus  est   –   licuitue,  quei  
…   inter   pedites   stipendia   meritus   est,   amplius   iug.   C]   Ma.   [-­‐   -­‐   -­‐   de]   EIS   AGREIS   -­‐   .   -­‐  .   ITAQVE  
H[abeto  -­‐  -­‐  -­‐  uni]  HOMINI  [-­‐  -­‐  -­‐]  ET,  NEIVE  VNIVS  HOMINIS  -­‐  .  -­‐  .  EIVE  QVEI  IN  [colonei  numero  
scriptus]  Cr.  
2.     60  [in  agro,  quei  in  Africa  est,  data  adsign]ATA  FVISE  -­‐  .  -­‐  .  VNIVS  HOMINVS  [nomine,  quei  
…   inter   equites   stipendia   meritus   est,   quoi   ex   lege   Rubria,   quae   fuit,]   COLONO   [eiue,   quei   in  
colonei   nu]MERO   -­‐   .   -­‐   .   CC   IN   [agro,   quei   in   Africa   est   …   adsignata   fuise   iudicato]   Ma.   [est,  
agrum,   quei   in   Africa   est,   dari   oportuit   licuitue   -­‐   -­‐   -­‐   amplius   iug(era)  ???   in   singulos   pedites   data  
adsign]ATA  FVISE  -­‐  .  -­‐  .  VNIVS  HOMINVS  [nomine,  quoi  ex  lege  Rubria,  quae  fuit,]  COLONO  [eiue,  
quei  in  colonei  nu]MERO  SCRIPTVS  EST,  -­‐  .  -­‐  .  IVG(era)  CC  IN  [singulos  equites]  Cr.  
 
 
 
 
 
 
 
 

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


122 Texte et traduction

61-62 « […. (172) … En ce qui concerne la terre que les triumvirs avaient l’ordre et la
faculté de donner et assigner, en vertu de la loi Rubria abrogée, aux colons ou aux
inscrits comme colons de telle manière qu’elle leur appartienne] selon le droit romain
[pour la part qui a été donnée et assignée à un colon ou à un inscrit comme colon, pour
la part, encore, qui n’aura pas fait l’objet d’une vente, pour la part, enfin, que le duovir,
qui aura été fait et créé par la présente loi], a la faculté d’adjuger en vertu de la présente
loi ; pour tout ce qui est constaté être ainsi, que le duovir, qui a été fait et créé par la
présente loi, juge que cela a été assigné au colon ou à son héritier [… (33) …]1.
63 « …. que le duovir, qui, de par cette loi, a été fait et créé, examine2 sur quelle part
et à quel moment avant les calendes de j[anvier, sous les consulats de Marcus Livius et
Lucius Calpu]rnius3, s’est trouvé un acheteur] ayant acquis de celui de la part de qui la
vente de la terre et pièce de terre a eu lieu à titre d’homme privé4, sous la condition
que celui qui a acheté la terre et pièce de terre
_____________________________________________________________________________________
1. Le législateur établit ici le cas de confirmation de la propriété du colon ou de celui qui lui est assimilé. Il
porte sur le lot de terre donné et assigné dans le cadre de la lex Rubria abrogée, et, par extension, sur le
lot consenti à des colons en surnombre. Si ce lot n’a pas été vendu, le duumvir l’adjugera au colon ou à
son héritier. Lintott (p. 255) a adopté adsignato, transcrit ainsi par tous les copistes et lecture probable
sur l’inscription telle qu’elle se présente de nos jours. Il considère que nous devrions alors, peut-être,
admettre qu’aient été spécifiées deux actions auxquelles le duovir devait avoir recours, la confirmation
de la propriété du colon, esse iudicato, et l’assignation à quelqu’un qui n’avait pas encore reçu son propre
lot. Il propose la correction « adsignato <adsignatum> esse iudicato ». Crawford (p. 173) est franche-
ment favorable à la correction et n’envisage pas la possibilité de restituer publice, en s’appuyant sur le
contexte et le style. De toutes façons, il est question ici de la confirmation de la propriété du colon ou de
son héritier. Lintott, semble-t-il, penchait pour cette solution.
2. Ici était exprimé, ou sous-entendu, le fait qu’il était question de la même catégorie de terres, dans
l’hypothèse où le colon l’aurait aliénée.
3. Lintott (p. 255) rappelle que la restitution du nom est une hypothèse probable, mais non certaine. Si on
l’accepte, cette date de forclusion suggèrerait une répugnance (« reluctance ») à accepter comme des
achats valides ceux qui avaient été faits après la crise annonciatrice de la guerre de Jugurtha. En fait, le
législateur devait trancher dans un sens ou dans un autre, ce qu’il fait aux lignes suivantes. Lintott
poursuit en proposant de distinguer une terre quelconque vendue légitimement par un citoyen privé et le
lot colonial qui aurait probablement (« probably ») été inaliénable. Il s’appuie pour exprimer ce point de
vue sur un passage d’Appien (I, 27, 121) qui ne paraît pas permettre d’étayer son opinion. Je cite la
traduction, le texte original ne faisant pas difficulté : « Ce fut ainsi que se termina la sédition du second
des Gracques. Peu de temps après, on fit une loi pour autoriser les assignataires à vendre leur propre lot,
inaliénabilité sur laquelle on discutait et qui avait été décidée par le premier des Gracques » (op. cit.,
p. 65) (quant aux législations de Sylla et de César, il n’y a pas lieu d’en faire état ici). En admettant que les
lots aient été conçus comme inaliénables (cela même n’est pas sûr), une loi, antérieure à la présente loi,
avait supprimée cette clause pour ne pas laisser régner l’incertitude. De son côté, Crawford (p. 173)
observe que ces clauses en rapport avec la terre cédée en vente privée suivent les clauses en relation avec
la terre donnée et assignée. Il semble pour cette raison raisonnable d’en conclure que cette terre n’a
jamais été inaliénable, contrastant ainsi avec la terre italienne des lignes 16 et 23.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 122

[… (172) … IIVIR QVEI [ex h(ac) l(ege) factus1


62 creatusue erit, de eo agro quem ex lege Rubria quae fuit a IIIuiris coloniae
deducendae colono eiue quei in colonei numero scriptus est, dari oportuit licuitue
ut eorum ex iu]RE ROMA[no siet, quod eius agri locei colono eiue quei in colonei
numero scriptus est d]ATVS AD[signatus fuerit quod eius agri non abalienatum
quodque eius] AGRI EX H.L. ADIOVDICARI LICEBIT, QVOD ITA
COMPERIETVR, ID EI HEREDEIVE EIVS ADSIGNAT{O}<um> ESSE
IVDICATO [ … (33) … ]2.
63 [… 252) … IIuir, quei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, cognoscito quod
quand]OQVE EIVS AGRI ANTE KAL. I(anuarias ?) [M(arco) L(iuio)
L(ucio) Calp]VRNIO CO(n)[s(ulibus) emptor] EST AB EO QVOIVS EIVS
AGRI LOCEI HOMINIS PRIVATI VENDITIO FVIT TVM QVOM IN
EVM AGRVM EMIT, QVEI [… (29) …]3
 
1.     61   [data   adsignata   fuise   iudicato   -­‐   -­‐   -­‐   neiue   maiorem   numerum   in   Africa   hominum   in  
coloniam  coloniasue  deductum  esse  fu]ISEVE  IVDICATO  -­‐  .  -­‐  .  NVMERV[m  ex  lege  Rubria,  seiue  
pl(ebei)  scit]O,  QVAE  <f>[uit,  ab  IIIuiro  col(oniae)  dedu]CENDAE  -­‐  .  -­‐  .  LICVITVE  (vacat)  IIVIR,  QVEI  
[ex  h(ac)  l(ege)  factus]  Cr.  
2.     62   [creatusue   erit   -­‐-­‐-­‐]+++[-­‐-­‐-­‐eius]   AGRI   Q[uei   d]ATVS   ADS[ignatus   est   fueritue,   quod]   EIVS  
NON  [uenieit,  quod  eiu]S  AGRI  EX  H(ac)  L(ege)  ADIVDICARI  LICEBIT,  QVOD  ITA  COMPERIETVR,  ID  
EI  HEREDEIVE  EIVS  ADSIGNAT(um)  ESSE  IVDICATO  (vacat)  Cr.  
3.   63   [-­‐-­‐-­‐   sei   quis   quod   quand]OQVE   -­‐   .   -­‐   .   ANTE   KAL.   I[an(uarias)   P.  Cor(nelio)   L.  Calpu]RNIO  
CO(n)[s(ulibus)  quoique  emptum]  AB  EO  -­‐  .  -­‐  .  QVE[i]  Cr.  
_____________________________________________________________________________________

4. À mon point de vue, le législateur envisage, aux lignes 63-66, le cas de la terre qui a été achetée à un colon
(comme Crawford et de Ligt, je considère que le lot colonial n’était pas inaliénable). L’acheteur est, ou
bien citoyen romain, ou bien un allié italien ou un Latin. Dans le premier cas, l’acheteur bénéficie des
mêmes dispositions que le colon ; dans le second, il en est de même, sauf si le lot a été par ailleurs vendu
publiquement. Dans ce dernier cas, l’acheteur recevra une superficie équivalente, qu’il achètera un
sesterce et pour laquelle il paiera désormais le vectigal. Pour résumer mon opinion, l’immunité ou la
taxation dépend de la catégorie dans laquelle a été classée le lot de terre : la terre achetée à un colon est
franche, que l’acheteur soit un quirite, un Latin ou un allié italien, tandis que la terre concédée en
compensation demeure publique et, de ce fait, reste vectigalienne. Dans cette interprétation, l’achat
d’une terre d’un colon fait à titre privé par un citoyen romain ne saurait être remis en cause, tandis que si
cette même terre s’est trouvé avoir été mise en vente publiquement par un magistrat, c’est la vente
publique qui prévaut (malgré l’erreur qui est à l’origine de cette vente). Le bon droit de l’acheteur italien
ne lui est reconnu que par le fait qu’on lui concède une terre publique, laquelle n’est pas dégagée de
l’imposition qui pèse sur elle.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


123 Texte et traduction

64 [ n’est, ni allié, ni Latin, ni préfet ni soldat dans la province] ».


« Pour ce qui est de cette terre que] l’acheteur démontrerait ou aurait démontré qu’il
l’a achetée, [pour la part de cette terre que n’aurait aliéné, ni lui-même], ni son
héritier, ni celui qui serait l’héritier de ce dernier, pour la part qui serait démontrée
être bien dans cette situation, que le duovir juge
65 [de telle sorte que cette terre et pièce de terre soit donnée et assignée1 à cet
acheteur]2 ».
« [À l’allié ou au Latin qui aurait acquis une terre ou pièce de terre donnée au colon ou à
celui qui a été inscrit dans le registre des colons en vertu de la loi Rubria abrogée ; ou à
celui qui, après les calendes du mois de janvier (?) sous les consulats de Marcus Livius et
de Lucius Calpurnius, aurait acheté de celui qui le lui aurait vendu à titre d’homme
privé : pour la partie de cela] qui aurait été constatée dans ces situations, que le duovir
fasse [à cet individu, ou à son procurateur ou à son héritier], une restitution de ce qu’il
aurait acheté pour la part qui n’aurait pas fait l’objet d’une vente publique ».
« [De même, si cette] terre et pièce de terre ainsi achetée avait été vendue
publiquement, que le duovir donne à cet acheteur une superficie équivalente de terre
et pièce de terre prélevée sur la terre publique du Peuple Romain en Afrique »3.
« [À celui auquel le duovir aura ainsi rendu ou échangé une terre et pièce de terre
prélevée sur le domaine public d’Afrique, que]
 
 
 
_____________________________________________________________________________________

1. Il s’agit d’une fiction juridique. L’acheteur se trouve assimilé au colon originel. La restitution proposée ici
repose sur l’idée que l’achat privé d’un lot colonial est considéré par le législateur comme une propriété
originelle (cf. note précédente). Johannsen, suivi par de Ligt (p. 255) insiste sur le fait que « adsignare »
est en rapport avec les lots coloniaux. Il semble que ce soit plus précisément donare assignare qui signale
ces terres (ou leur achat privé par un citoyen romain). En effet, la cession aux Uticéens de terres
publiques romaines, lesquelles, à mon avis, demeurent la propriété de Rome, comporte le mot adsignare,
mais celui-ci est accompagné de relinquere : Uticensibus reliquerunt adsignauerunt (l. 81).
2. Cicéron (Ver. 5, 165) : cum haec omnia tuis proximis cumulate plana fecero, « quand j’aurai rendu tous ces
faits pleinement évidents aux yeux de ceux qui te touchent de plus près ». Pour Crawford, le sujet des verbes
est l’acheteur. Il sera aussi le premier de la liste des trois qui ne doivent pas avoir aliéné la terre, suivi par
heres eius, son héritier, et par quoi is heres erit. Le savant présume que la phrase décrit l’homme qui a la patria
potestas sur l’acheteur, la loi admettant la possibilité d’un achat effectué par un filius familias au moyen de
son peculium. Au contraire, Lintott (p. 256) suggère que l’acheteur et la personne qui planum faciet
fecereuitue étaient différents, mais Crawford pense que cette dichotomie n’est pas nécessaire (p. 173).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 123

64 [… (254) … neque is sociorum nominisue Latini neque praefectus milesue in


prouinciam erit ….],
[eo agro quem is qui em]IT PLANVM FACIET FECERITVE EMPTVM
ESSE, [quod eius agri locei neque ipse] NEQVE HERES EIVS NEQVE QVOI
IS HERES ABALIENAVERIT, QVOD EIVS AGRI LOCO PLANVM
FACTVM ERIT, IIVIR ITA1
65 [iudicato utei is ager locus ei quei ita emerit datum adsignatum siet.
[Quoi eo sociorum nominisue Latini quei agrum locum de eo agro loco quei
colono eiue quei in colonei numero scriptus est ex lege Rubria quae fuit datus erit,
emit emeritue, eiue quei de agro loco post kalend. I(anuarias ?), M(arco)
L(iuio) L(ucio) Calpurnio co(n)s(ulibus), ab eo, quoius agri locei uenditio
hominis priuati uenditio fuerit, emptor erit ; quod ita emptum fuisse planum
factum erit, IIuir id ei procuratoriue heredeiue eius re]DDITO QVOD IS
EMPTVM HABVERIT, QVOD EIVS PVBLICE NON VENIE[t].
[Quei item IIuir, sei is] AGER LOCVS EI EMPTVS FVERIT PVBLICE
VENIEIT, TANTVNDEM MODVM AGRI LOCEI DE EO AGRO, QVEI
AGER LO[cus publicus populi Romanei in Africa est … ei quei ita emptum
habuerit, eo loco agro quei Romae publice uenieit, commutato].
[Quoieique agrum locum de eo agro loco quei in Africa est … IIuir ita reddiderit
commutaueritue, is ager locus ab eo2
 
 
1.  64  [-­‐-­‐-­‐]IT,  PLANVM  -­‐  .  -­‐  .  EMPTVM  ESSE,  Q[uod]  EIVS  NE[que  is  postea]  NEQVE  HERES  -­‐  .  -­‐  .  
PLANVM  FACTVM  Cr.  
2.  65  [-­‐-­‐-­‐  dato  re]DDITO,  QVOD  -­‐  .  -­‐  .  PVBLICE  NON  VENIER[it.  IIuir,  sei  is]  AGER  LOCVS  -­‐  .  -­‐  .  QVEI  
AGER  LO[cus  in  ]  Cr.
 
_____________________________________________________________________________________

3. Crawford (p. 173) observe que l’implication de la clause des lignes 63-65 est que des ventes de terre ont
eu lieu avant 111 av. J.-C., conduisant à une succession ou à une revente, ou à une saisie de la part de
créanciers, renvoyant à la ligne 56. Des ventes, ajoute-t-il, ont pu débuter peu après l’époque de la lex
Rubria. Je suis d’accord avec cette vision des choses. Lintott (p. 256) pense que des ventes ont pu être
effectuées encore plus tôt, peut-être dès la création de la province. Mais ce dont est question ici est en
rapport avec les lots coloniaux.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


124 Texte et traduction

66 « cette terre et pièce de terre soit achetée un sesterce par celui que la présente loi
en a fait le propriétaire, et que cette terre et pièce de terre soit privée et redevable du
vectigal, ainsi qu’il a été écrit plus haut dans la présente loi »1.
« Pour le colon ou pour celui qui a été inscrit comme colon, la terre et pièce de terre,
dans cette centurie et subsécive aura été donnée, laquelle centurie ou subsécive …
(19) … »2.
67 « [(.. 246 ..) … Concernant la centurie et subsécive situés hors de cette terre et
pièce de terre3, ou supérieurs à cette superficie de terre, le nombre d’hommes accordé
que les triumvirs chargés de fonder la colonie, de par la loi Rubria abrogée, étaient
autorisés et devaient donner ou déduire : que cette terre et pièce de terre qui fait
partie de cette] terre et pièce de terre qui est en Afrique, du fait qu’elle ne fait pas
partie de ce qui a été vendu publiquement, soit restituée à cet homme ou à son
héritier »4.
_____________________________________________________________________________________

1. Lintott (p. 257) propose infra au lieu de supra : bien que l’ager priuatus uectigalisque ait été mentionné à
la ligne 49, ce n’est qu’à la ligne 70 qu’est indiquée la manière de le percevoir. Il semble pourtant qu’il n’y
ait ici que l’indication du fait : la terre sera privée et vectigalienne, comme toute terre vendue
publiquement. Lintott explique que la vente pour un sesterce n’était pas une vente fictive, mais une
transmission authentique de propriété, tout comme lorsque la propriété était transférée en fidei fiduciae
causa, contre une somme symbolique. Il observe que c’est la première mention dans la présente loi d’une
telle forme de transmission, la partie italienne ne semblant pas l’avoir connue. Il semble, ajoute-t-il, que
le but ait été de distinguer ainsi ce type de propriété privée des assignations coloniales. Je suis d’accord
sur cette considération. Selon moi, ce n’est pas une distinction formelle : l’une des propriétés est
vectigalienne, l’autre non. Contrairement à Mommsen qui pensait que le vectigal était une taxe symbo-
lique, De Martino, Weber et Kaser ont avancé que cet impôt était une somme considérable. Quant au
débat sur le fait que cette terre ait été véritablement privée (« truly private ») tout en demeurant
fortement taxée au profit du Peuple romain, il me paraît, malgré l’autorité de nombreux savants, difficile
d’admettre qu’une terre frappée du vectigal ne demeure pas publique, fût-elle concédée à un individu en
tant que « privée ». Dans la présente loi, je ne vois aucune mention de cette terre vectigalienne dans la
récapitulation des extra, tandis que « tout le reste de la terre » (ceterum agrum) est déclarée publique
(l. 82). Or, il y est question de la perception du vectigal.
2. Je renvoie le lecteur à ce que j’ai écrit à propos de Carthage dans la présentation, I. La terre. Crawford
(p. 173) constate que beaucoup de choses sont très confuses (« much of it very muddled ») et observe
très justement que le point central de la colonie de César peut tout aussi bien se trouver à l’intersection
de deux limites de la zone rurale qu’à Byrsa. J’ajouterai que, comme je l’ai expliqué dans la présentation, il
n’est pas non plus possible qu’on ait utilisé comme point augural de la colonia Iunonia la limite de la ville
rasée. Peut-être serait-il bon de rappeler quelques réalités ? La limitatio ou centuriatio est originellement
réservée aux colonies de citoyens romains. Cette trame orthogonale est déterminée religieusement à
partir de la groma (qui ne saurait se trouver près de la limite d’un site maudit). Il y a donc lieu de penser
qu’elle a été implantée pour la première fois quand fut fondée la colonia Iunonia, et non pour « garder le
cadavre » en 146 ; la centurie de 200 jugères constitue le module de cadastration le plus courant, elle fut

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 124

66 quoius in h(ac) l(ege) f]ACTVS ERIT, HS N(ummo) I EMPTVS ESTO,


ISQVE AGER LOCVS PRIVATVS VECTIGALISQVE ITA [utei in h(ac)
l(ege) supra1] SCRIPTVM EST, ESTO.
QVOI COLONO EIVSVE QVEI IN COLONEI NVMERO SCRIPTVS EST
AGER LOCVS IN EA CENTVRIA SVPSICIVOV[e datus erit, quae centuria
supsiciuumue (… 19 …)2
67 [(… 246 …) … centuria supciciuumue extra eum agrum locum ultraue eum
modum agri numerumue hominum quos a IIIuiris c. d. ex lege Rubria quae fuit
dari deduciue licuit oportuitue : eum agrum locum de eo a]GRO LOCO, QVEI
AGER LOCVS IN AFRICA EST, QVOD EIVS PVBLICE NON VENIEIT EI
H[omini heredeiue ei]VS IIVIR, QVEI EX H. L. FACTVS CREATVSVE
ERIT, REDDITO.
 
 
1.     66  ITA  [utei  infra]  Li.  
2.     66  [Africa  est,  quod  eius  publice  non  uenierit,  ei  dato  reddito.  -­‐-­‐-­‐  queique  ager  locus  ita  ex  
h(ac)  l(ege)  datus  redditus  erit,  ei  quoius  ex  h.  l.  f]ACTVS  ERIT,  -­‐  .  -­‐  .  VECTIGALISQVE,  ITA  [utei  
supra]  SCRIPTVM  EST,  ESTO  (vacat)  QVOI  COLONO  -­‐  .  -­‐  .  IN  EA  CENTVRIA  SVPSICIVOV[e  quo]  Cr.  
 
 
 
 
 
 
_____________________________________________________________________________________

employée pendant des siècles et il y eut encore, nous le savons par les écrits d’arpentage tardifs, des
assignations sur ce modèle dans les années 400 de notre ère, à Carthage et dans l’Africa. Ce qui est le plus
plausible, c’est donc qu’après une implantation augurale pour la colonia Iunonia, implantation dont on ne
connaît pas le lieu exact puisque c’est l’ancien territoire civique de la Métropole punique qui avait été
voué aux Puissances chthoniennes et non la seule ville de Carthage, on a employé cette trame, commode
parce qu’il suffisait de développer le système cadastral existant, pour constituer un cadastre provincial.
Pour aller plus loin, il faudrait fouiller des limites pour obtenir des éléments chronologiques.
3. qui était autorisée par la lex Rubria comme terre attribuée à la colonie.
4. Les lots cadastrés et distribués ont été plus importants que ce que la lex Rubria prévoyait. Si le lot a été
vendu publiquement, l’occupant doit l’abandonner ; en revanche, s’il n’y a pas eu vente publique, il se
voit maintenu définitivement sur cette terre, laquelle est transmissible. Je suis en désaccord avec l’analyse
de Lintott (p. 258), qui écrit qu’on peut présumer que l’attribution de la terre par le duumvir vient du fait
que le lot originel avait été perdu sans qu’il y ait eu une faute de la part du détenteur.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


125 Texte et traduction

« Pour le colon ou pour celui qui a été inscrit comme colon, [la terre et pièce de terre,
dans cette centurie et le subsécive, aura été donnée , laquelle centurie ou subsécive …
(17) ..] ».
68 « [… (244) … La centurie et le subsécive situés hors de cette terre et pièce de terre,
ou supérieurs à cette superficie de terre, et le nombre d’hommes accordé que les
triumvirs chargés de fonder la colonie, de par la loi Rubria abrogée, étaient autorisés
et devaient donner ou déduire : en rapport avec la partie de cette terre et pièce de
terre qui a été vendue1 publiquement à Rome, que le] duovir restitue [alors une même
surface de terre à celui pour lequel] il a été prouvé [qu’il a eu et pos]sédé cette terre et
pièce de terre qui est en Afrique, ou à son héritier ; ce qu’il restituera ainsi, qu’il juge
que cela a été assigné2 (.. 15 ..) ».
« Concernant la terre, partie de cette terre qui est la terre qui est en Afrique, (laquelle
appartient) au colon ou à celui [qui est inscrit au nombre des colons … (15) …].»
69 « [… (242) .. En ce qui concerne la centurie et le subsécive situés hors de cette
terre et pièce de terre, ou supérieurs à cette superficie de terre, et le nombre
d’hommes accordé que les triumvirs chargés de fonder la colonie, de par la loi Rubria
abrogée, étaient autorisés et devaient donner ou déduire : il a été prouvé qu’il l’a
acheté. Le duovir adjugera alors une même surface de terre à celui pour lequel il a été
prouvé que cette terre a été acheté de cette manière. Que le duovir donne en
compensation de la terre en question, à l’acheteur, à son procurateur ou à son héritier,
de la terre qui est en Afrique3 ».
« Il donnera ainsi en compensation [la terre … (13) ..].
 
 
 
 
 
_____________________________________________________________________________________

1. Selon Lintott (p. 259), l’hypothèse de Mommsen suivant laquelle le chapitre concerne un individu qui a
acheté la terre, n’est pas justifiée. Mais la critique du savant repose sur des comparaisons avec des lignes
mal établies (39, 49, 51) et sur l’idée que les lots coloniaux étaient inaliénables.
2. En pleine propriété parce qu’il s’agit d’une assimilation à la propriété coloniale originelle.
3. Il est exproprié. Le duovir lui donne une terre en compensation. Crawford (p. 174) considère que
herediue quoius eorum doit se référer, malgré les apparences, seulement à l’héritier de l’acheteur originel
parce que l’héritier d’un tuteur ou d’un procurateur ne pouvait pas acquérir les droits qui sont ici en
cause.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 125

QVOI COLONO EIVE QVEI IN COLONEI NVMERO SCRIPTVS EST


FVITVE [ager in ea centuria supsiciuoue datus erit, quae centuria supsiciuumue
(.. 17 ..) ]1
68 [… (244) … centuria supsiciuumue datum extra eum agrum locum ultraue
eum modum agri numerumue hominum quos a IIIuiris c. d. ex lege Rubria quae
fuit dari deduciue licuit oportuitue : quod eius agri Romae publice ueniet, tum
tantundem modum agri, ei quei eum agrum locum quei publice uenieit habuisse
possedi]SEVE COMPERIETVR, HEREDEIVE EIVS DE AGRO, QVEI AGER
IN AFRICA EST, PRO AGRO LOCO I[Iuir reddi]TO, QVOIEIQVE ITA
REDDIDERIT, EI ADSIGNATVM FVISSE IVDICATO .. (15) …
QVOI AGRVM DE EO AGRO QUEI AGER IN AFRICA EST – QVEI
COLONO EIVE [quei in colonei numero scriptus est … (15) …]2
69 [… (242) quae centuria quodue supsiciuum datum erit extra agrum
ultraue eum modum agri numerumue hominum quos a IIIuiris c. d. ex lege
Rubria quae fuit dari deduciue licuit oportuitue : emisse comperietur …]S
ADIVDICAVERIT, - TVM TANTVNDEM MODVM AGRI EI, QVOI ITA
EMPTVM ESSE COMPERIETVR. [emptoriue ei]VS PROCVRATOREVE
EIVS HEREDIVE QVOIVS EORVM DE EO AGRO, QVEI AGER IN
AFRICA EST, PRO EO AGRO IIVIR REDDITO.
QVOI ITA REDDIDERIT [agrum, … (13) … ]3
 
1.     67  [-­‐-­‐-­‐  tantundem  modum  agri  locei  pro  eo  loco  de  eo  a]GRO  LOCO,  -­‐  .  -­‐  .  NON  VENIEIT,  EI  
HER[edeiue  ei]VS  IIVIR,  -­‐  .  -­‐  .  REDDITO  (vacat)  QVOI  COLONO  -­‐  .  -­‐  .  SCRIPTVS  EST  FVITVE,  [-­‐-­‐-­‐]  Cr.  
2.     68  [ager  in  ea  centuria  supsiciuoue  de  eo  agro,  quei  in  Africa  est,  datus  adsignatus  est,  
quae  centuria  quodue  supsiciuom  Romae  publice  uenieit  uenieritue,  si  quid  eius  agri  IIuir,  quei  
ex   h.  l.   factus   creatusue   erit,   ei   quei   ab   eo   colono   heredeue   eius   emit   habuitue,   minus  
adiucauerit,  tum  tantundem  modum  agri  ei,  quem  ita  emisse  habui]SEVE  Mo.,  CIL,  Jo.    
 [-­‐-­‐-­‐  ei  tantundem  modum  agri  quantus  eius  fui]SEVE  COMPERIETVR,  -­‐  .  -­‐  .  PRO  EO  LOCO  I[Iuir  
reddi]TO,  QVOIEIQVE  -­‐  .  -­‐  .  IVDICATO  (vacat)  QVOI  AGRVM  -­‐  .  -­‐  .  COLONO  E[iue  ]  Cr.  
3.     69  [quei  in  colonei  numero  scriptus  est,  datus  adsignatus  est  -­‐-­‐-­‐  minu]S  ADIVDICAVERIT  -­‐  .  -­‐  .  
ESSE  COMPERIET[ur,  tutoreue  ei]VS  PROCVRATOREVE  -­‐  .  -­‐  .  REDDITO  ;  QVOI  ITA  REDDIDERIT  Cr.  
 
 

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


126 Texte et traduction

70 « [À celui auquel le duovir, qui aura été fait et créé par cette loi, aura ainsi rendu
ou échangé une terre et pièce de terre prélevée sur le domaine public d’Afrique, que
cette terre et pièce de terre soit achetée un sesterce par celui que la présente loi en a
fait le propriétaire, et que cette terre et pièce de terre soit privée et redevable du
vectigal, ainsi qu’il a été écrit plus haut dans la présente loi] »1.
« [Celui qui aura acheté une terre et pièce de terre publique du Peuple romain en
Afrique, laquelle aura été faite terre privée et vectigalienne, et qui pour cette terre
devra payer une somme d’argent au Peuple ou au publicain,
…… du fait que] cette somme d’argent a été inscrite dans les tablettes publiques,
devra verser cette somme au Peuple aux prochaines ides de Mars qui suivront
l’échéance, après que les vectigals auront été mis en place, lesquels seront mis en place
pour la première fois après le vote2 de la présente loi,
71 [dans un délai de … jours (.. 235 ..)]3.
Il n’aura pas à payer à celui qui a affermé cette somme du Peuple à ce titre, avant la
date fixée par la présente loi ».
« Si cette somme a été exigée avant la date fixée par la présente loi, celui qui en est le
débiteur à l’égard du Peuple romain, ne devra pas la payer [à nouveau à celui qui en a
affermé la perception], à moins qu’il ne soit prouvé que ….] »4.
72 « Il est interdit à quelque magistrat ou promagistrat que ce soit d’ordonner et à
quelque sénateur que ce soit de décider que [la somme due] pour les terres, pièces de
terre et édifices soit exigée autrement qu’il est fixé par la présente loi »5.
 
 
 
_____________________________________________________________________________________

1. Il me paraît nécessaire que soit ici établie la situation de la terre indûment octroyée : elle sera privée et
vectigalienne. Les modalités du versement sont établies ensuite.
2. Rogatio : projet et vote se confondent.
3. La restitution tient compte de l’information donnée par la ligne 73.
4. L’interprétation est un essai de transmettre la signification de ce passage très lacunaire.
5. C’est la première fois que le législateur introduit les aedificia. L’emploi du trinôme agrei locei aedificia, au
lieu de l’ager locus habituel, est une référence à la loi censoriale de la ligne 85. Cette loi, intégrée dans la
présente loi, règle d’une manière exclusive ce qui concerne le paiement du vectigal, de la scriptura et des
dîmes.    

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 126

70 [Quoieique agrum locum de eo agro loco quei in Africa est … IIuir, quei ex
h(ac) l(ege) factus creatusue erit, ita reddiderit commutaueritue, is ager locus ab
eo quoius in h(ac) l(ege) factus erit, h.s. n. I emptus esto, isque ager locus priuatus
uectigalisque ita utei in h(ac) l(ege) supra scriptum est, esto].
[Quei agrum locum publicum populi Romanei in Africa emit emeritue, quei ager
locus ex h. l. priuatus uectigalisque factus erit, pro quo agro loco pequniam populo
aut publicano dare debebit,
[.. (320) … quod eius p]ECVNIAE ADSIGNATVM DISCRIPTVM
ADSIGNATVMVE IN TABVLEIS PVBLICEIS EST ERITV[e, tantam
pequ]VNIAM POPVLO EX EID(ibus) MART(iis), QVAE, POSTEA QVAM
VECTIGALIA CONSISTENT, QVAE POST H(anc) L(egem) R(ogatam)
PRIMVM CONSISTENT, PRIMAE ERVNT, IN […]1
71 [diebus … dare debeto ( .. 235) ..)
neiue is eam pequniam ei quei eo nomine ab populo mercassitur, soluito propiore
die atque] VTEIQVE IN H. L. S(criptum) EST, NEIVE, QVOD PEQVNIAE
OB EAM REM PROPIORE{M} DIE EXACTVM ER[it atque uteiqu]E IN
H. L. S. E. , IS QVEI PEQVNIAM POPVLO DARE DEBEBIT, EI, QVEI EO
NOMINE AB POPVLO MERCASSITVR, OB EAM REM PEQVNIAM EI
NEI [iterum .. (14) …]2
72 [soluito …. nei …. nisi … pla]NVM FIAT –
- NEIVE QVIS MAG(istratus) NEI PROMAG(istratu) FACITO NEIVE QVIS
SENATOR DECERNITO, Q[uo ea pequnia] QVAE PRO AGREIS LOCEIS
AEDIFICIEIS, QVEI S. S. SVNT, POPVLO DEBETVR DEBEBITVRVE
ALITER EXSIGATVR ATQVE VTEIQVE IN H. L. S. EST ... (14)]3.
 

1.     70  [-­‐-­‐-­‐  quod  eius  p]ECVNIAE  ADSIGNATVM  -­‐  .  -­‐  .  EST  ERITV[e,  tantam  pequ]NIAM  POPVLO  
-­‐  .  -­‐  .  PRIMAE  ERVNT,  IN  Cr.  
2.     71  [diebus  ???  dare  debeto  -­‐-­‐-­‐  neiue  quis,  quei  in  nomine  ab  populo  mercassitur,  ob  eam  
rem   pequniam   propiore   die   exigito,   atque]   VTEIQVE   IN   H.   L.   S(criptum)   E(st),   NEIVE   QVOD  
PECVNIAE  -­‐  .  -­‐  .  PEQVNIAM  EI  NEI  Cr.  
3.     72  [propriore  die  soluito  -­‐-­‐-­‐  pla]NVM  FIAT,  NEIVE  QVIS  -­‐  .  -­‐  .  IN  H.  L.  S.  EST.  Cr.  

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


127 Texte et traduction

73 « [Celui qui aura acheté une terre et pièce de terre publique du peuple romain en
Afrique, - terre et pièce de terre qui aura été faite privée et vectigalienne en vertu de la
présente loi, - et pour laquelle il doit payer une somme au Peuple ou au publicain, - si,
dans les … jours qui suivront les Ides de Mars suivant l’échéance, la somme due au
peuple pour la terre qui aura été ou] serait vendue, n’était pas payée, - celui-là, pour
cette même terre et pièce de terre, dans les 120 jours les plus proches des dates
d’échéances susdites, qu’il donne caution sous l’arbitrage du préteur qui dira alors le
droit à Rome entre citoyens ».
« Le préteur, qui dira le droit entre les citoyens ... »
74 « [… (235) … Sauf dans le cas] où un gage foncier aurait été auparavant engagé
publiquement pour ce même terrain ou [qu’un garant aurait été donné]
publiquement, il (le duovir) mettra en vente au comptant la terre et pièce de terre
pour laquelle il n’aurait pas été suffisamment souscrit selon l’arbitrage du préteur ».
75 « […. « (A) Le duovir, qui, de par cette loi, aura été fait et créé, dans les (..) jours
qui suivront sa création, aura la faculté d’adjuger au citoyen romain] qui l’aura
achetée la terre de la terre publique d’Afrique vendue publiquement à Rome, ou d’en
faire une commutation, (dans le cas où) cette terre se trouverait être le bien, soit d’un
des peuples libres d’Afrique demeurés amis du peuple romain au cours de la guerre
punique1, soit de l’un de ceux qui
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
_____________________________________________________________________________________

1. Lintott (p. 264) avance que la terre en question n’est pas celle qui était comprise dans les frontières des
peuples libres, mais que, comme elle est associée à celle qui a été donnée aux perfugae, elle ne peut être
que celle qui a été assignée par les Romains en récompense. Le raisonnement est logique puisque la terre
accordée aux ralliés a été nécessairement prise au domaine public romain. Bien que la loi ne fasse
mention de cession de terres publiques qu’aux Uticéens (l. 81) et qu’il n’y ait, à cet endroit, aucune
possibilité d’inscrire d’autres noms dans une lacune, Appien (Lib., 136. 640), qu’il cite, lui donne raison :
« Et ils donnèrent des terres du territoire conquis à chacune des cités qui les avait aidés dans la guerre ».

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 127

73 [… Quei agrum locum publicum populi Romanei in Africa emit emeritue,


quei ager locus ex h. l. priuatus uectigalisque factus erit, pro quo agro loco
pequniam populo aut publicano dare debebit, sei – in (x) diebus post eid. Mart.
quae, posteaquam uectigalia consistent, primae erunt – ea pequnia quam populo
debebit pro eo agro loco quei uenieit] VENIERIT, POPVLO SOLVTA NON
ERIT, IS PRO EO AGRO LOCO IN DIEBVS CXX PROXSVMEIS EA[rum
dierum uectigalium] QVAE S(upra) S(criptae) S(unt), ARB(itratu)
PR(aetoris) QVEI INTER CEIVES TVM ROMAE IOVS DEICET, SATIS
SUPSIGNATO (vacat)
PR(aetor) QVEI INTER CEIVES ROMAE IOVS DEI[cet … (14) ..]1.
74 [… (235) … sei] PRAEDIVM ANTE EA OB EVM AGRVM LOCVM IN
PVBLICO OBLIGATVM ERIT IN PVBLICV[mue praes datus eri]T,
AGRVM LOCVM, QVO PRO AGRO LOCO SATIS EX H. L. ARB(itratu)
PR(aetoris) SVBSIGNATVM NON ERIT, PEQVNIA PRAESENTI
VENDITO (… 14 …)] QVEI [… (227) …2
75 …. [IIvir, quei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, in diebus (… 100 …)
proxsumeis quibus factus creatusue erit, quem agrum locum ceivis Romanus
emerit de eo agro loco que]I AGER LOCVS IN AFRICA EST QVEI ROMAE
PVBLICE VENIEI<t> VENIERITVE, QVOD EIVS AGR[i locei est
popul]EIS LIBEREIS <quei> IN AFRICA SVNT QVEI <e>ORVM <in>
AMEICITIAM POPVLI ROMANEI BELLO POINICIO PROXSVMO
MANSERVNT, QUEIVE A[d3
 
 
 
1.     73  [-­‐-­‐-­‐  quod  eius  publice  non]  VENIERIT  -­‐  .  -­‐  .  PROXSVMEIS  EA[rum  eiduum],  QVAE  S.  S.  S.  -­‐  .  -­‐  .  
IOVS  DEI[cet]  Cr.  
2.     74  [post  dies  (centum  uiginti)  proxsumos  -­‐  -­‐  -­‐  nisei]  PRAEDIVM  ANTE  EA  OB  EVM  AGRVM  -­‐  .  -­‐  .  
IN   PVBLICV[mue   datum   ita   u(tei)   s(upra)   s(criptum)   ]   E(st),   AGRVM   LOCVM,   VENDITO   (vacat)  
QVE[i]  Cr.  
3.     75   [-­‐-­‐-­‐   quei]   AGER   LOCVS   -­‐   .   -­‐   .   EIVS   AGR[i   locei,   quei   popul]EIS   LIBEREIS  -­‐   .   -­‐   .   QVEIVE   A[d  
(vacat)  Cr.  
 
 
 

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


128 Texte et traduction

76 [ont passé de l’ennemi au commandant en chef de l’armée du peuple romain] »1.


(B) « [Le duovir, qui, de par cette loi, aura été fait et créé, devra donner au
titre d’échange au citoyen romain une superficie prélevée sur la terre publique
d’Afrique non vendue à Rome, égale à celle qu’il ne lui aurait pas été adjugée] ».
(C) « [Le duovir, dans les (..) jours qui suivront sa création,] devra faire en
sorte de donner en échange à chaque peuple libre ou à chaque rallié, par prélévement
sur la terre publique d’Afrique non vendue à Rome, une superficie égale à celle qui
aurait été faite sienne à un citoyen romain en vertu de la présente loi,
77 au détriment de la terre donnée à chaque peuple libre ou à chaque rallié, superficie
pour laquelle le citoyen romain n’aurait pas reçu un autre terrain en échange »2.
« Que le duovir, qui aura été fait et créé de par cette loi, quand il se trouvera en
présence d’un terrain donné et assigné par [les décemvirs] de la loi Livia à ces
hommes qui doivent payer un stipendium

_____________________________________________________________________________________

1. Saumagne (1963, p. 57) a proposé de remplacer la mention des transfuges de l’armée punique par une
seconde catégorie de peuples libres. Il y aurait eu dans ce cas, d’une part les sept peuples qui étaient
demeurés dans l’amitié du peuple romain, d’autre part les peuples qui étaient venus s’y réfugier, laquelle
action aurait pu être exprimée par la proposition populi qui in amicitiam perfugerunt. Cette façon de voir
permettrait de comprendre l’origine de certaines cités libres de la liste de Pline (H.N., V, 49), mais
l’asyndète de la ligne 85 ne permet pas de retenir cette hypothèse.
2. Le législateur laisse toute latitude au duovir de prendre la décision sur une question dans laquelle on
constate que le citoyen romain et deux catégories d’alliés africains (les peuples libres demeurés dans
l’amitié du Peuple romain et les ralliés qui ont rejoint le camp romain au cours de la guerre) sont mis sur
un pied d’égalité.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 128

76 imperatorem populi Romanei ex hostibus perfugerunt1, erit, ei ceivi Romano


aut adiudicari aut dare reddiri commutareue liceto].
[Quantum modum eius agri loci ei ceiui Romano, pro eo agro loco tantumdem
modum de eo agro quei publicus populi Romani in Africa est, quod eius publice
non uenieit, IIvir commutato].
[IIvir, quei ex h.l. factus creatusue erit, in diebus (…) proxsumeis qu]IBVS
IIVIR EX H.[l. fact]VS CREATVSVE ERIT, FACITO <utei> QVANTVM
AGRI LOCI QVOIVSQVE IN POPVLI LIBEREI <agro loco > INVE EO
AGR[o loco quei ager lo]CVS PERFVGEIS DATVS ADSIGNATVSVE EST,
CEIVIS ROMANEI EX H. L. FACTVM ERIT, QVO PRO AGRO LOCO
AGER LOC[us ceiui ro]MANO EX H. L.2
77 [commutatus non erit, tantundem agri loci de eo agro loco quei ager locus
publicus populi Romanei in Africa est, quod eius publice non venieit, pro eo agro
loco quei ceiuis Romanei factus erit, quoeique populo libero perfugaeue..
assignet].
II]VIR, QVEI EX H. L. FACTVS CREATVSVE ERIT, IS IN DIEBVS CL
PROXSVMEIS QVIBVS FACTVS CREATVSVE ERIT, FACITO, -
QVAN[do Xuirei quei ex] LEGE LIVIA FACTEI CREATEIVE SVNT
FVERVNTVE EIS HOMINIBVS AGRVM IN AFRICA DEDERVNT
ADSIGNAVERV[ntu]E QVOS STIPENDIVM3
 
 
 
1.     (75)   QVOD   EIVS   AGRI   [loci   est   popul]EIS   LIBEREIS   (s.   e.   quei)   IN   AFRICA   SVNT  :   a)   QVEI  
EORVM   (s.   e.   populorum)   IN   AMEICITIAM   POPVLI   ROMANI   BELLO   PVNICO   PROXSVMO  
MANSERVNT,  QVEIVE  (s.  e.  eorum  populorum)  a[d  imperatorem  etc  …  perfugerunt].  Sa.  (1963).  
2.     76   [imperatorem   populi   Romanei   bello   Poinicio   proxsumo   perfugerunt,   eis   datum  
adsignatum   est   -­‐-­‐-­‐   pro   eo   agro   IIuir   in   diebus  ???   proxsumeis,   qui]BVS   IIVIR   [ex   h(ac)   l(ege)  
factus  c]REATVSVE  ERIT,  FACITO  -­‐  .  -­‐  .  INVE  EO  AGR[o  loco,  quei  ager  l]OCVS  PERFVGEIS  -­‐  .  -­‐  .  
AGER  LOC[us  ceiuei  Ro]MANO  EX  H.  L.  Cr.  
3.     77   [commutatus   redditusue   non   erit,   tantusdem   modus   agri   locei   quoieique   populo  
leibero  perfugeisue  datur  adsignatur  -­‐-­‐-­‐  II]VIR,  QVEI  EX  H.  L.  -­‐  .  -­‐  .  FACITO,  QVAN[tum  Xuirei,  quei  
ex]  LEGE  LIVIA  -­‐  .  -­‐  .  DEDERVNT  ADSIGNAVERV[ntu]E,  QVOS  STIPENDIVM  Cr.    
 
 

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


129 Texte et traduction

78 [au Peuple romain pour ce terrain, devra, dans les 150 jours qui suivront son
investiture, faire en sorte que la partie de ce terrain qu’un citoyen romain a achetée,
appartienne à ce citoyen romain, et que le duovir donne et assigne à ces stipendiaires]
autant de superficie [prélevée sur la terre publique d’Afrique qu’il aura été nécessaire
qu’il en appartienne au citoyen] romain au détriment de la terre donnée et assignée aux
stipendiaires, et que cela soit porté sur les registres publics de telle façon que cela soit
ainsi fait en compensation, en sorte qu’on voie que cela soit pour eux conforme au droit
et à la bonne foi »1. « Le duovir, qui aura été fait et créé de par cette loi, fasse dans les
250 jours qui suivront, après ratification de cette loi par le Peuple et la Plèbe, en sorte
que
79 [« en dehors de cette terre et pièce de terre, qui, en application de la loi Rubria,
abrogée, a été donnée et assignée au colon ou à celui qui a a été inscrit dans la liste du
colon … (163) … auquel, pour une terre et pièce de terre, une terre et pièce de terre
n’aura pas été échan]gée ou restituée, en dehors de la terre qui est et sera à l’intérieur
des limites territoriales des peuples libres d’Utique, d’H[adrumète, de Th]apsus, de
Leptis, d’Acholla, d’Uzali, de Theudalis2, telles qu’étaient ces limites quand ces
peuples, [lors de la récente guerre punique]

_____________________________________________________________________________________
1. Les stipendiaires sont les vaincus qui ont conservé leur liberté. Il est probable qu’ils aient appartenu à des
peuples qui s’étaient livrés aux armées romaines et qui n’avaient pas été vendus comme esclaves. Il n’est
nullement question dans le texte de ciuitates stipendiariae (ou de populi stipendiarii). Il y a donc lieu de
penser que les entités politiques avaient été juridiquement dissoutes. Les terres qui leur avaient été
attribuées faisaient partie du domaine public romain. Chaque exploitant payait un stipendium. La
position inférieure du stipendiaire explique qu’il ne soit pas question de lui restituer la terre qui a été
vendue publiquement à un citoyen romain.
2. Cette liste comprend : 1) le principal allié de Rome, Utique (cf. Appien, Lib., 135. 640, cité supra) ;
2) quatre peuples du Sahel tunisien, au sud de Carthage ; 3) deux peuples du nord de l’Africa. Les sites
urbains de cinq d’entre eux sont connus (cf. J. Desanges, dans Pline l’Ancien, Histoire naturelle, livre V,
1-46, L’Afrique du Nord, Paris, 1980).
En revanche, si Theudalis « est située plus loin du rivage » (qu’Hippo Diarrhytus) d’après Pline, Hist. Nat.,
V, 23, Ptolémée la situant entre Thabraca et le Bagrada (Medjerda), nous ignorons son emplacement exact.
Pour ce qui est d’Vzali, deux possibilités se présentent actuellement : ou bien il s’agit d’Vzali Sar ou bien de
l’Vzali proche de la côte. La découverte d’Vzali Sar dans le Tell nord-est tunisien, à l’ouest de Carthage, cf.
L. Maurin et J. Peyras, « Vzalitana, la région de l’Ansarine dans l’Antiquité », Cahiers de Tunisie, t. XIX,
n° 75-76, 1971, p. 11-103, 65 fig.) permettait d’écarter l’Vsilla du Sahel, la leçon Vsalitanorum de la loi étant
sans conteste plus proche de la première que de la seconde. Mais la redécouverte d’une inscription mal lue
par Ximénes au XVIIe siècle prouve définitivement qu’une Vzali existait à El Alia, au nord d’Utique
(A. Beschaouch, « Sur la fixation à El Aliya, non loin d’Utique, de l’emplacement d’Uzalis, cité d’accueil des
premières reliques, en Occident, du proto martyr saint Etienne, CRAI, 2001, p. 1225-1232, AE, 2001, 2078).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 129

78 [pro eo agro populo Romano pendere oportet, utei, quod eius agri loci ceiuis
Romanei publice emit, id eius ceiuis Romanei siet ; tantumdemque modum agri, de
eo agro quei publicus populi Romanei in Africa est, quantum (modum) de agro
stipendiariis dato adsignato ex h(ac) l(ege) ceiuis] ROMANEI ESSE OPORTET
OPORTEBITVE, IS STIPENDIAREI<s> DET ADSIGNETVE IDQVE IN
FORMAS PVBLICAS FACITO VTE[i reparatur i(ta) u(tei) e i(ure)
f(ide)]Q(ue) E(is) E(sse) V(idebitur). (vacat)
IIVIR QVEI EX H. L. FACTVS CREATVSVE ERIT, IS FACITO IN DIEBVS
CCL PROXSVMEIS QVIBVS H. L. POPVLVS PLEBESQVE IVSERIT,1
79 [utei extra eum agrum locum, ex lege Rubria quae fuit, quem colono eiue quei
in colonei numero scriptum est herediue quorumue emptoreiue quorum
adiudicauerit quo pro eo agro loco ager locus redditus com]MVTATVS
REDDITVSVE NON ERIT,
EXTRAQVE EVM AGRVM, QVEI AGER INTRA FINIS POPVLORVM
LEBEIRORVM VTICENSIVM H[adrumetinorum t]AMPSITANORVM
LEPTITANORVM AQVILLITANORVM VSALITANORVM
TEV<d>ALENSIVM, QVOM IN AMEICITIAM POPVLI ROMANEI
PROXSVMVM [bellum2
 
1.     78  [pro  eo  agro  populo  Romano  pendere  oportet,  -­‐-­‐-­‐  uteique  -­‐-­‐-­‐  tantundem  modum  agri  de  eo  
agro,  quei  ager  in  Africa  est,  quantum  stipendiarum  popule]I  ROMANEI  -­‐   .  -­‐   .  FACITO  VTE[i  referat  
i(ta)  u(tei)  referat  e  r(e)  p(ublica)  f(ide)]Q(ue)  E(ius)  E(sse)  V(idebitur)  (vacat)  IIVIR,  IVSERIT  Cr.  
2.     79  [extra  eum  agrum  locum,  quei  ex  lege  Rubria,  quae  fuit,  colono  eiue,  quei  in  colonei  numero  
scriptus  est,  datus  adsignatus  est,  -­‐-­‐-­‐  quo  pro  agro  loco  ager  locus  com]MVTATVS  REDDITVSVE  -­‐  .  -­‐  .  
VTICENSIVM  H[adrumetinorum  T]AMPSITANORVM  -­‐  .  -­‐  .  ROMANEI  PROXVMVM  Cr.  
 

_____________________________________________________________________________________

Malgré l’opinion inverse qui a été récemment soutenue (S. Aounallah (avec la collaboration de L. Maurin,
« Le statut d’Hadrumetum à la fin de la République et sous le Haut-Empire romain », Africa, XXIII, 2013,
p. 93-102), le territoire du peuple libre de la loi agraire n'est pas celui de l'Vzalis d'El Aliya parce qu'Appien
(Histoire romaine, livre VIII, Le livre africain, traduction P. Goukowsky, avec la collaboration de S. Lancel,
Paris, 2002, CXXXV, 640, p. 122), nous apprend que les Romains « donnèrent à Utique les terres s'étendant
jusqu'à Carthage même et, de l'autre côté, jusqu'à Hippo <Diarrhytos> ». Vsilla ne pouvant être retenue
phonétiquement à partir du moment où des Vzalis sont attestées, je suis conduit à placer le territoire du
populus leiber Vsalinorum sur l'Ansarine, où, d'ailleurs des opérations militaires eurent lieu (Orose,
Historiarum adversum paganos libri VII, IV, 22, 8, cf. Maurin et Peyras, « Uzalitana », p. 21, n. 41 et p. 89).

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


130 Texte et traduction

80 [demeurèrent1 dans l’amitié du Peuple romain ; [et en dehors de la terre et pièce


de terre qui a été donnée et assignée] par décision [du Sénat à ces hommes qui, lors
de la récente guerre punique, se sont ralliés au commandant en chef de l’armée
romaine] ».
« En dehors de cette terre qui avait été faite privée de par cette loi, terre pour laquelle
la terre et pièce de terre [n’aura pas] été restituée ou échangée ».
« [En dehors de] cette terre et pièce de terre que le duovir de par cette loi donnera et
assignera aux stipendiaires, laquelle, de par cette loi, aura été porté sur le cadastre
public ».
81 « [En dehors de cette terre et pièce de terre que Publius Cornelius, commandant
en chef, a donné aux] enfants du roi Massinissa ; il a ordonné qu’ils l’aient et en
jouissent »2.
« En dehors de cette terre et lieu3 où fut autrefois la cité de Carthage .. (21) .. »
« [En dehors de] cette terre et pièce de terre que les décemvirs qui furent faits et créés
de par la [loi] Livia ont cédé et assigné aux Uticéens ».
« (Le duovir devra enregistrer) tout le reste
82 des terres qui se trouvent en Afrique dans le cadastre public et les déclarer au
trésor public, et que cette terre soit publique … (150) ».
 
 
 
 
 

 
_____________________________________________________________________________________

1. Crawford (p. 121), s’inspirant de Mommsen, restitue « uenerunt ». La leçon manserunt est certaine. Les
sept peuples ne sont pas venus se réfugier dans l’amitié du Peuple romain, ils y sont demeurés (l. 75).
2. Des concessions de terres furent faites à Thimida Regia, dans la région de la Catada (oued Miliane), et à
Zama Regia, à la limite de la première province, dans le secteur où Vespasien fit pratiquer un nouveau
bornage (cf. H. Abed, « Le tracé de la fossa Regia, précisions et réflexions », Centres de Pouvoir et
organisation de l’espace, Actes du Xe Colloque International sur l’Histoire et l’Archéologie de l’Afrique du
Nord antique et médiévale, Caen, 25-28 mai 2009, éd. C. Briand-Ponsart, Caen, 2014, p. 401-418).
3. Je dérogerai ici exceptionnellement à la traduction de la locution ager locus par « la terre et pièce de
terre » parce que, concernant Carthage, « la terre et lieu » convient mieux à l’étendue et à la majesté de
la grande cité.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 130

80 manserunt, est eritue ; extraque eum agrum locum, quei ager locus eis
hominibus, quei ad imperatorem populi Romanei bello Poenicio proxsumo ex
hostibus perfugerunt, (..49..) datus adsignatusue est de s(enati)] S(ententia).
EXTRAQVE EVM AGRVM QVEI AGER EX H. L. PRIVATVS FACTVS
ERIT QVO PRO AGRO LOCO AGER LOCVS REDDITVS
COMMVTATVSVE [non erit].
[extra]QVE EVM AGRVM LOCVM QVEM IIVIR EX H. L.
STIPENDIARIEIS DEDERIT ADSIGNAVERITVE QVOD EIVS EX H. L.
IN <f>ORMAM PVBLICAM RELLATVM [erit]1.
81 […. Extraque eum agrum locum quem P. Cornelius imperator lib]EREIS
REGIS MASSINISSAE DEDIT HABERE FRVIVE IVSI{I}<t>.
EXTRAQVE EVM AGRVM LOCVM VBEI OPPODVM CHAR[tago] FVIT
QV[ondam …. (21) …
[Extraque] EVM AGRVM LOCVM QVEM XVIREI QVEI EX [lege] LIVIA
FACTEI CREATEIVE FVERVNT VTICENSIBVS RELIQVERVNT
ADSIGNAVERVNT.
CE<t>ERVM2
82 [agrum locum quei in Africa est, in formas publicas referat adque aerarium
deferat, isque ager publicus esto. .. (150)3.
 
 
1.     80  [uenerunt,  fuit  -­‐-­‐-­‐  extraque  eum  agrum  locum,  quei  ager  locus  eis  hominibus,  quei  ad  
imperatorem   populi   Romanei   bello   Poinicio   proxsumo   perfugerunt,   datus   adsignatus   est,]  
EX<t>RA<que>  EVM  AGRVM,  -­‐  .  -­‐  .  COMMVTATVSVE  [non  erit,  extr]AQVE  EVM  AGRVM  -­‐  .  -­‐  .  IN  
<f>ORMAM  PVBLICAM  RELLATVM  Cr.  
2.     81  [erit  -­‐-­‐-­‐  extraque  eum  agrum  quem  P.  Cornelius  imperator  leib]EREIS  -­‐  .  -­‐  .  OPPVDVM  
CHARTH[ago]  FVIT  QV[ondam,  extraqu]E  EVM  AGRVM,  QVEM  XVIREI,  QVEI  EX  {H}  L(ege)  LIVIA  
FACTEI  -­‐  .  -­‐  .  ADSIGNAVERVNT,  CE[t]ERVM  Cr.  
3.     (82)  [agrum  locum  omnem  -­‐  .  -­‐  .  ager  publicus  esto  …]  Li.  
 
 
 
 

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131 Texte et traduction

« En ce qui concerne ceux qui n’ont pas été à ce jour, en application de la loi
Sempronia, astreints de payer le vectigal, les dîmes, l’impôt sur les pâturages pour le
bétail sur cette terre et pièce de terre, tout individu possédant ou jouissant d’une terre
et pièce de terre dans cette situation, laquelle a été donnée, concédée régulièrement
ou accordée en échange à ces personnes en application de cette loi, ne devra pas être
tenu à payer le vectigal, les dîmes, l’impôt sur les pâturages pour cette terre et pièce de
terre en rapport avec sa jouissance après que cette loi aura été votée »1.
83 « [… (193) … Considérant la terre et pièce de terre à partir de cette terre et pièce de
terre qu’un ressortissant d’un peuple libre, ou un rallié, ou un membre des alliés ou du
nom Latin desquels ils ont coutume d’exiger des soldats en application du traité
d’alliance, possédera et dont il jouit, il sera tenu de payer le vectigal, la dîme] et le droit
de pâture, pour cette terre et pièce de terre, au Peuple ou au publicain dans les mêmes
termes qu’un citoyen romain est dans l’obligation de les payer pour cette terre et pièce
de terre que le Peuple romain afferme et qu’un citoyen possède de par cette loi ».
« Le préteur, sur l’arbitrage duquel pour cette terre et pièce de terre qui sera vendue à
Rome publiquement de par cette loi,
84 [devra avoir reçu suffisamment de domaines hypothéqués comme caution].
Il devra accepter des domaines en gage valant trois fois la terre et pièce de terre … de la
part du contractant. Si celui qui doit cautionner est réticent à s’exécuter, et assure que
des garanties suffisantes peuvent être prises de celui qui a fourni le domaine comme
gage en accord avec cette loi, [si personne ne veut s’opposer] à quiconque désire fournir
une garantie et verser la somme d’argent en application de cette loi, ni s’opposer à ce
que quelqu’un veuille servir de caution, qu’il soit possible de régler ainsi la question2.
_____________________________________________________________________________________
1. Lintott fait le rapprochement entre le statut de cette terre africaine et celui de la terre publique italienne
envisagée dans la première partie de la loi. Nous ignorons de quelle loi Sempronia il s’agit. Les
propositions qui ont été faites au sujet de cette lex Sempronia (mesures prises en faveur des possesseurs
de terre louée par les censeurs suivant Mommsen, Ges. Schr., 1. 153s., en faveur plutôt des colons de la lex
Rubria que des peuples libres et des perfugae selon Lintott, p. 272, dans lequel cas cette loi serait un
plébiscite de Caius complétant la lex Rubria) n’emportent pas totalement l’adhésion, l’hypothèse de
Lintott se heurtant au caractère public de la terre (il a pu s’agir, il est vrai, de la part du législateur, d’un
rappel destiné à lever toute ambiguïté). Tout bien considéré, la proposition de Lintott me semble la plus
plausible. Peut-être faut-il envisager que cette lex Sempronia soit celle de Tibérius concernant la cession
de terres en pleine propriété aux grands possesseurs de l’ager publicus, disposition qui aurait été
appliquée aux terres des colons de la lex Rubria, lesquels bénéficiaient du dominium optimo iure ?
2. Mommsen (Ges. Schr., I, 140), suivi par Johannsen, voyait dans ce passage un retour à ce qui avait
été envisagé aux lignes 73-74, c’est-à-dire à la prise de gages pour les acheteurs de terres qui n’avaient pas

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 131

… queicumque de eo agro loco uectigal decumas scripturam pr]O PECORE EX


LEGE SEMPRONIA DARE NON SOLITEI SVNT, QVEI AGER EIS EX H. L.
DATVS REDDITVS COMMVTATVS ERIT, [quei eum agr]V[m locum
ita] POSSIDEBIT FRVETVRVE, PRO EO AGRO LOCO {V}<n>EIVE
VECTIGAL NEIVE DECVMAS NEI<ue> SCRIPTVRAM, QVOD POST
H(anc) L(egem) R(ogatam) FRVETVR, DARE DEBETO1.
83 [Quei populi leiberi, queive perfuga, queive socium nominisue Latini quibus
ex formula togatorum milites in terra Italia inperare solent, agrum publicum in
Africa possidebit frueturue, is pro eo agro uectigal decumas] SCRIPTVRAM
POPVLO AVT PVBLICANO, ITEM DARE DEBETO VTEI PRO EO
AGRO LOCO, QVEM AGRVM LOCVM POPVLVS [Romanus ex h. l.
locabit, que]M AGRVM LOCVM CEIVIS ROMANVS EX H. L.
POSSIDEBIT, DARE OPORTEBIT.
PR(aetor), QVOIVS ARB(itratu) PRO <eo> AGRO LOCO, QVEI ROMAE
PVBLICE VENIERIT, E(x) H(ac) L(ege)2,
84 [satis supsignari oportebit praedia (.. 255 ..)]RIS TER TANTI,
I{II}<n>VITO EO QVEI DABIT, ACCIPITO, FACITOQVE, QVEI EX
H. L. PRAEDIA DEDERIT, VTEI EI SATIS SVPSIG[netur, neiue quis quid
fax]SIT QVOMINVS EX H. L. PRAEDIVM, QVEIQVOMQVE VELIT,
SVPSIGNET PEQVNIAMVE SOLVAT PRAESQVE, QVEIQVOMQVE EX
H. L. FIERI VOLET, FIAT3.
 
1.     82  [agrum  omnem  quei  in  Africa  est  -­‐-­‐-­‐  queiquomque  uectigal  decumas  pro  eo  agro  loco  
scripturamue   pr]O   PECORE   EX   LEGE   SEMPRONIA   -­‐   .   -­‐   .   REDDITVS   COMMITATVSVE   ERI[t,   quei  
eorum  e]V[m  agrum  habebit]  POSSIDEBIT  FRVETVRVE,  -­‐  .  -­‐  .  DARE  DEBETO  Cr.  
2.   83   [-­‐-­‐-­‐   is   pro   eo   agro   loco   uectigal  decumas]   SCRIPTVRAM   -­‐   .   -­‐   .   POPVLVS   [Romanus   ex  
h(ac)  l(ege)  uenire  iubebit,  que]M  AGRVM  LOCVM  -­‐  .  -­‐  .  PVBLICE  VENIERIT,  E(x)  H(ac)  L(ege)  Cr.  
3.   84   [satis   supsignari   oportebit   -­‐-­‐-­‐]RIS   TER   TANTI   +IIIVITO+   EO   QVEI   DABIT   -­‐   .   -­‐   .   EI   SATIS  
SVPSIG[netur,  neiue  quis  quid  fax]SIT  QVO  MINVS  -­‐  .  -­‐  .  FIERI  VOLET,  FIAT.  Cr.    
_____________________________________________________________________________________
réglé la somme due. Rudorff et Hinrichs pensaient que le gage donné ici est celui qui devait l’être par un
fermier des impôts dont il avait acquis l’exploitation. Je suis en accord avec Mommsen et Johannsen. Je
pense que le principe du cautionnement du triple de la valeur de la terre par un acheteur est aménagé par
le législateur de manière que l’acheteur puisse faire face aux difficultés qu’il aurait de fournir un gage
suffisant en attendant de réunir l’argent nécessaire à l’achat.

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132 Texte et traduction

85« [Quels qu’aient été le vectigal, les décimes ou la scriptura sur le bétail] qu’il était
approprié [pour une personne qui possédait une terre, une pièce de terre ou une
construction dans l’Africa] de payer au publicain, - [-- laquelle terre ] ou pièce de terre
ne doit pas avoir été celle des peuples libres ou des ralliés -, pour cette terre,
construction ou pièce de terre, en application de la « loi dictée » des censeurs
L. Caecilius et Cn. Domitius1, loi concernant : « La terre, édifice et pièce de terre ou
les vectigals publics de la terre, édifice et pièce de terre à affermer en jouissance, à
louer ou à vendre »2, cette personne doit payer
86 au publicain le vectigal, les dîmes et la [scriptura] sur le bétail [en application de
cette loi, quelle que soit la condition de celui qui possède une terre, une pièce de terre
ou une construction en Afrique ;] il n’est obligé de payer ni davantage, ni ailleurs, ni
d’une autre façon, et il ne doit pas faire paître le bétail sur cette terre [en un autre lieu,
ou autrement, ou sous d’autres lois3].
« … (235) ... En ce qui concerne les vectigals publics du Peuple romain qui sont en
Afrique, dont les censeurs Lucius Caecilius et Cnaeus Domitius [ont loué ou vendu]
87 l’exploitation, [dans le cas où (les modalités d’exploitation) ne se trouveraient pas
dans les conditions prescrites et ne seraient pas observées, conditions qui sont celles que
les censeurs L. Caecilius et Cn. Domitius ont prescrites pour la vente et la location de ces
vectigals, ou dans le cas où quiconque] devrait être dans l’obligation de payer et verser
[davantage] au Peuple, (qu’on sache) que rien de tout cela n’est ordonné par la loi4.
 
 
_____________________________________________________________________________________

1. 115-114 av. J.-. C.


2. Mommsen (1905, p. 144) et Johannsen (p. 390-391) ont distingué la lex agri aedificii loci et la lex
uectigalibus publiceis fruendis locandeis uendundeis. Mais Crawford considère (p. 178) qu’il n’y a qu’une
seule loi, et que la distinction provient du fait que, dans le premier cas, il est question de ce qui doit être
payé par le possesseur, tandis que, dans le second, il s’agit des modalités contractuelles concernant le
collecteur d’impôts. Pour Crawford, les terres concernées auraient été l’ager priuatus uectigalisque, la
terre louée par les censeurs pour le pâturage et pour d’autres utilisations, et peut-être la terre des
stipendiaires. Pour Johannsen, la lacune initiale comprenait la mention du territoire des colons, ce que
Crawford juge probable, ce dernier se demandant s’il ne faudrait pas y inclure aussi les biens des enfants
de Massinissa.
3. La restitution de Crawford suivant laquelle d’autres lois ne sauraient en l’occurrence être appliquées
renvoie aux lignes 86-88 et 89. Il est à noter qu’en ce qui concerne les taxes sur la terre demeurée
publique, la loi se contente de reprendre les dispositions censoriales.
4. Je suis la restitution de Crawford.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 132

85 [Quantum uectigal decumas scripturamue pro pecore eum quei agrum locum
aedificium in Africa possedit - - - Quei ager] LOCVS POPVLORVM
LEIBERORVM PERFVGARVM NON FVERIT, PRO EO AGRO
AEDI<f>{E}ICIO LOCOQVE E(x) L(ege) DICTA [quam L. Caecilius Cn.
Domitius cen]S(ores) AGRI AEDIFICII LOCI VECTIGALIBVSVE
PVBLICEIS FRVENDIS LOCANDEIS VENDVNDEIS LEGEM
DEIXERVNT, PVBLICANO DARE OPORTVIT1.
86 [tantundem post h(anc) l(egem) rogatam, quei agrum locum aedificium in
Africa possidebit --- publicano uectigal decumas scriptura]M PECORIS DARE
DEBETO, NEIVE AMPLIVS EA ALIVBEIVE ALITERVE DARE
DEBE<t>O, PEQVSQVE NE[i aliubei aliterue aliisue legibus] IN AGRO
PASCITO. (vacat) … (235)….. QVAE VECTIGALIA IN AFRICA PVBLICA
POPVLI ROMANI SVNT, QVAE L. CAECILIVS CN. DOMITI CENS(ores)
FRVENDA2
87 [locauerunt uendideruntue, ea quo minus ea lege sient pareantque, quam
legem L. Caecilius Cn. Domiti(us) cens(ores) eis uectigalibus fruendis locandeis
uendundeis deixerunt, quoue quis ampli]VS POPVLO DARE DEBEAT
SOLVATQVE, E(ius) H(ac) L(ege) N(ihilum) R(ogatur)3.
 
 
 
1.     85   [quantum   uectigal   decumas   scripturamue   pro   pecore   eum   quei   agrum   locum  
aedificium   in   Africa   possedit   -­‐-­‐-­‐   quei   ager]   LOCVS   POPVLORVM   LEIBERORVM   -­‐   .   -­‐   .   EX   L(ege)  
DICTA   [quam   L.   Caecilius   Cn.   Domitius   cen]S(ores)   AGRI   AEDIFICI   LOCI   -­‐   .   -­‐   .   PVBLICANO   DARE  
OPORTVIT  Cr.  
2.     86   [tantundem   post   h(anc)   l(egem)   rogatam,   quei   agrum   locum   aedificium   in   Africa  
possidebit  -­‐-­‐-­‐  publicano  uectigal  decumas  scriptura]M  PECORIS  DARE  DEBETO,  NEIVE  AMPLIVS  
EA   ALIVBEIVE   ALITERVE   DARE   DEBE<t>O,   PEQVSQVE   NE[i   aliubei   aliterue   aliisue   legibus]   IN  
AGRO  PASCITO.  (vacat)  QVAE  VECTIGALIA  -­‐  .  -­‐  .  CENS(ores)  FRVENDA  Cr.  
3.     87  [locauerunt  -­‐  .  -­‐  .  ampli]VS  -­‐  .  -­‐  .  H(ac)  L(ege)  N(ihilum)  R(ogatur).  Cr.  

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


133 Texte et traduction

Tout magistrat ou promagistrat, ou qui que ce soit qui sera doté de l’imperium, du
iudicium ou [de la potestas, qui] louera ou vendra la jouissance des vectigals du Peuple
romain en Afrique, au moment où il louera ou vendra la jouissance des vectigals,
88 [qu’il ne dicte pas de loi pour ces vectigals qui ait pour résultat, contre la volonté
de ceux qui possèderont cette terre, de vendre ou de louer autrement que] selon la
« loi dictée » que les censeurs L. Caecilius et Cn. Domitius, quand ils ont vendu [ou
loué] l’exploitation des vectigals sur ces terres, ont dicté [pour la vente et la location
sur ces terres] ; et, en ce qui concerne le bétail qui sera mis en pâture sur ces terres, il
ne doit pas établir les conditions pour la scriptura sur le bétail, de telle façon que,
contre la volonté de quiconque doit posséder cette terre,
89 [rien ne soit vendu ou loué, contre la volonté de ceux qui posséderont la terre,
autrement que selon la loi que les censeurs L. Caecilius et Cn. Domitius ont dicté
comme cela a été écrit ci-dessus »]1 ».
« [En ce qui concerne … les vectigals publics du Peuple romain qui sont en Afrique,
dont le consul Cnaeus Paperius a proposé de louer ou de vendre la jouissance], qu’ils
soient nuls et non avenus et que les vectigals publics ne soient pas soumis à la loi que
le consul Cnaeus Paperius a donné pour la vente et la location, la loi étant sans
fondement »2.

 
 
 
_____________________________________________________________________________________
1. Je suis à nouveau la restitution de Crawford, à l’exception du premier eis quei, que je complète par eum
agrum posidebunt emprunté à la partie qui est conservée plus bas.
2. La restitution de Crawford (p. 151) conduit aussi à annuler les dispositions prises par le consul en 113.
Ma propre restitution signifie que la loi proposée par Cnaeus Papirius n’a pas été adoptée. La présente
loi s’en tient à la loi censoriale antérieure à la proposition du consul.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 133

MAG(istratus) PROVE MAG(istratu) QVEIVE PRO EO INPERIO IVDICIO


[potestate erit, (.. 4 ..) quae] PVBLICA POPVLI ROMANI IN AFRICA SVNT
ERVNTVE VECTIGALIA, FRVENDA LOCABIT VENDETVE, QVOM
EA VECTIGALIA FRVENDA LOCABIT VENDETVE, QVOM EA
VECTIGALIA FRVENDA LOCABIT VENDETVE1,
88 [nei eis uectigalibus legem deicito, quo inuiteis eis quei eum agrum
possidebunt2 quid aliter locetur uendatur atqu]E EX LEGE DICTA, QVAM L.
CAECI(lius) CN. DOM(itius) CENS(ores), QVOM EORVM AGRORVM
VECTIGALIA FRVENDA LOCAVERVNT [uendideruntue, eis agreis
locandis uendundisue] DEIXER<u>NT, NEIVE, QVOD IN EIS AGREIS
PEQVS <pas>CETVR, SCRIPTVRAE PECORIS LEGE<m> DE[i]CITO
QVO INVITEIS EIS QVEI EVM AGRVM POSSIDEBVNT,3
89 [quid aliter locetur uendatur atque ex lege dicta, quam L. Caeci(lius) Cn.
Dom(itius) cens(ores) deixerunt ita utei s(upra) s(criptum) e(st)4.
[Quae uectigalia in Africa publica populi Romani sunt, quae Cn. Paperius cos.
locandi uendendiue rogauit, qu]OMINVS EA LEGE SIENT PAREANTQVE,
QVAM LEGEM CN. PAPERIVS COS. EIS VENDVNDEIS <locandeisue
deixit>, E(x) H(ac) <l(ege)> N(ihilum) R(ogata)5 … (4) …6
 
 
1.     87   MAG(istratus)   -­‐   .   -­‐   .   INPERIO   IVDICIO   [potestateue   erit,   sei   is,   quaequomque]   PVBLICA   -­‐   .   -­‐   .  
LOCAVIT  VENDETVE.  Cr.  
2.     quei  eum  agrum  possidebunt,  ego.  
3.     88   [nei   eis   uectigalibus   legem   deicito,   quo   inuiteis   eis   quei   -­‐-­‐-­‐     quid   aliter   locetur  
uendatur  atqu]E   EX   LEGE   DICTA,   QVAM   L.   CAECI(lius)   CN.   DOM(itius)     CENS(ores),   QVOM  
EORVM   AGRORVM   VECTIGALIA   FRVENDA   LOCAVERVNT   [uendideruntue,   eis   agreis   locandis  
uendundis]<ue>   DEIXER<u>NT,   NEIVE,   QVOD   IN   EIS   AGREIS   PEQVS   <pas>CETVR,   SCRIPTVRAE  
PECORIS  LEGE<m>  DE[i]CITO  QVO  INVITEIS  EIS  QVEI  EVM  AGRVM  POSSIDEBVNT,  Cr.  
4.     89  [quid  aliter  -­‐  .  -­‐  .  ita  utei  s(upra)  s(criptum)  e(st).  Cr.  
5.     sive  E(ius)  H(ac)  [l(ege)]  N(ihilum)  R(ogata).  
6.     89   [Quae   uectigalia   publica   populi   Romani   in   Africa   sunt,   quae   Cn.   Papirius   co(n)s(ul)  
fruenda   locauit   uendiditue,   qu]O   MINVS   EX   LEGE   SIENT   PAREANTQVE,   QVEM   LEGEM   CN.  
PAPIRIVS   EIS   VENDVNDEIS   <locandeisue   deixit   quoue   quis   amplius   populo   dare   debeat  
soluatue>,  e(ius)  h(ac)  l(ege)  n(ihilum)  r(ogatur).  Cr.
 
 

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


134 Texte et traduction

« En ce qui concerne [la terre qui est en Afrique, que les voies publiques et les
chemins publics qui] existaient dans cette terre avant la prise de Carthage,
90 soient tous publics et que les limites qui sont entre les centuries soient publics »1.
« Le duovir, qui a été désigné ou créé en application de la présente loi, dans le cas où
un individu, auquel a été assignée une terre en Afrique, aura déclaré cette terre dans
une catégorie de terre dans laquelle la terre déclarée par l’individu auquel elle était
assignée n’aurait pas dû être déclarée, ne devra pas lui donner ni donner en échange
une terre, ni adjuger cette terre »2.
« À celui qui aura livré l’information au sujet de ce bien, parce qu’il a donné
91 cette information, …. … (245) …3 ».
« Cela a été fait : en sorte que les biens-fonds qu’ils auraient dû avoir, et la terre qui
aurait dû leur être assignée publiquement, ils les aient, les possèdent et en jouissent …
(27) … Une surface de terre équivalente à la surface de terre vendue publiquement,
laquelle était une partie de la terre qui leur avait été donnée et assignée,
 

 
_____________________________________________________________________________________

1. La restitution des mots en rapport avec les voies de communication est probable. En effet, les limites
constituent une voie publique, régie par le principe de l’iter populo debetur qu’on lit dans les Libri
coloniarum, particulièrement dans les colonies. Les lots, constitués ici par les centuries, devenus privés
lors de la fondation de la colonie, le demeurent en 111, mais les voies qui les séparent demeurent
publiques.
2. Comme l’écrit Lintott (p. 276), suivi par Crawford (p. 179), cette phrase est en rapport avec les
déclarations déclarées obligatoires aux lignes 52-57. À son point de vue, ces déclarations concernaient la
terre achetée, désormais privée, et probablement les lots de la lex Rubria. Il est nécessaire d’élargir le
champ d’application de la sanction. En effet, si la ligne 52 concernait l’achat public à Rome, la ligne 53
s’appliquait au colon et à l’inscrit dans le rôle du colonat, tandis que la ligne 54 exigeait que soit déclarée
la terre achetée à un colon par acte privé. Dès la ligne 57, la sanction du duovir intervient. En cet endroit,
la lacune ne permettait pas de savoir, même après la restitution que je proposais ([Sei quis quid eius agri
locei edicto IIuiri ex h(ac) l(ege) profiteri oporteri]T, QVOD EDICTO IIVIR(ei) PROFESSVS EX H. L.
N[on erit … (177) … IIuiri(ei) eum agrum lo]CVM NEIVE EMPTVM NEIVE ADSIGNATVM ESSE
NEIVE FVISE IVDICATO [… (56) …]), si la déclaration était frauduleuse, ou faite en dehors des délais.
Ici, la sanction est claire : il n’y aura ni assignation ni adjudication. Or, comme la ligne 58 prévoyait un
arrangement, ce qui n’est pas le cas ici, il faut en déduire que la ligne 57 concernait une déclaration
erronée, mais non frauduleuse, ou non recevable par forclusion.
3. Lintott (p. 198) et Crawford (p. 123) complètent la phrase de telle manière que l’informateur soit récom-
pensé par une terre de surface égale à celle qui n’a pas été déclarée dans la catégorie qui lui convenait.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 134

QVEI [ager in Africa est, quae uiae publicae itineraque publica in eo] AGRO
ANTE QVAM CARTAGO CAPTA EST FVERVNT, EAE
90 OMNES PVBLICAE SVNTO LIMITESQVE INTER CENTVRIA[s
publicos esto …]1.
[(.. 210 ..) IIuir, quei h. l. factus creatusue erit, sei apud eum is, quoi ager in
Africa adsignatus est, quem a]GRVM IN EO NVMERO AGRI PROFESSVS
ERIT, QVO IN NVMERO EVM AGRVM, QVEM IS, QVOI ADSIGNA[tus
est, professus erit, profiteri non oportuerit, eum agrum ei nei dato] NEIVE
REDDITO NEIVE ADIVDICATO.
QVEI EAM REM [ita] INDICIO FVERIT, EI EIVS AGRI, QVOD IS
INDI<c>IO EIVS2
91 [rei fuerit3, … (245)…] <<<<<<
FACTVM EST : VTEI BONA, QVAE HABVISENT, AGRVMQVE, QVEI
EIS PVBLICE ADSIGNATVS ESSET, HABERENT [possiderent, fruerentur,
eis --- quantus4] MODVS AGREI DE EO AGRO, QVEI EIS PVBLICE [datus
adsign]ATVS FVIT, PVBLICE VENIERIT, TANTVNDEM MODVM5,
 
 
 
1.     89-­‐90   QVEI   [ager   in   Africa   est,   quae   uiae   publicae   itineraue   publica   in   eo]   AGRO,  
ANTEQVAM  CARTAGO  CAPTA  EST,  FVERVNT,  EAE  OMNES  PVBLICAE  SVNTO  LIMITESQVE  INTER  
CENTVRIA<s>.  Cr.  
2.     90  […  (210)  …  IIuir,  quei  -­‐  .  -­‐  .  EIVS.  Li.  Cr.  
3.     91  [rei  fuerit,  tantundem  modum,  quantum  -­‐-­‐-­‐  dato  adsignato.,  Li.,  Cr.  
4.     fruerentur  …  (27)  …  quantus  Li.,  fruerentur  eis  -­‐-­‐-­‐  quantus  Cr.  
5.     91  ..  (245)  ..]  FACTVM  EST,  -­‐  .  -­‐  .  TANTVNDEM  MODVM  Li.  Cr.  
 

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


135 Texte et traduction

92 [leur sera donnée et assignée »]1.


« [À celui qui a et possède une terre et possession ou une construction sur la terre et
possession et qui en jouit],
le questeur ou le préteur vendra cette terre et possession2 … (45) …
pour cette terre, pièce de terre, possession ou construction3 sur cette terre la scriptura
sur le bétail ni … »4.
93 « [.. (290) … ] cette terre a été donnée et assignée par sénatusconsulte, ces terres,
comme il a été écrit plus haut, et possessions, qu’elles soient à ces hommes5 … (40) …
Un magistrat, auquel on aura demandé de se prononcer sur cette question, devra
émettre un jugement à ce sujet en se conformant à ce qui est écrit dans la présente loi,
et ne pas …»6.
 
 
 
_____________________________________________________________________________________
1. Dans l’état du texte, il est possible de dire seulement que ces décisions résument des dispositions prises
dans des lignes antérieures.
2. Je pense que nous avons désormais affaire à un ager priuatus uectigalisque que le détenteur paie un
sesterce, cf. l. 66.
3. Le mot superficium n’apparaît qu’ici. Il indique que la construction se trouve sur une terre louée ou sur
laquelle le bénéficiaire est usufruitier. Crawford (p. 179) remarque aussi que c’est en ce même endroit que
possessio est utilisé dans la section provinciale de la loi. Pour Johannsen (p. 395), cette clause avait pour but
d’exempter de toute taxe celui qui avait perdu sa terre du fait qu’elle avait été affermée publiquement à
quelqu’un d’autre. Crawford est en désaccord avec cette proposition parce qu’il n’y aucune raison que cette
décision apparaisse dans cette partie de la loi. Il s’oppose aussi à l’idée émise par Lintott (p. 92-93) suivant
laquelle il serait question de la pâture en Grèce. Il pense que le plus simple est d’admettre que la clause
indiquait que les locataires du sol n’avaient pas à payer en plus la taxe sur le bétail.
4. Lintott (p. 272) se demande si ce chapitre se réfère à l’Africa. La solution, à mon avis, est donnée par la
ligne 95. Il est normal qu’on sache à qui devaient revenir les fruits des terres l’année de promulgation de
la loi puisqu’il y avait des échanges, des octrois et des expropriations. De ce fait, il y a tout lieu de penser
que les lignes 92-94 se rapportent à l’Afrique. Tandis que Mommsen (1905, p. 133-134) et Johannsen
(p. 395) pensaient que la clause concernait la terre africaine donnée en échange à ceux qui avaient
possédé une terre louée par les censeurs, et Weber (p. 186, n. 99), les possesseurs en général, Crawford
juge que « utei bona, quae habuisent, agrumque, quei eis publice adsignatus esset, haberent does not seem
appropriate language for land rented from the censors ». Il se refuse, en revanche, de trancher entre
l’Africa et Corinthe, la lacune ne le permettant pas.
5. Pour Mommsen (1905, p. 135-137), cf. Johannsen, p. 395-396, cette clause (ou clauses) concernait l’ager
censorius africain. Crawford s’oppose à ce point de vue : « but what survives of the language does not
lend support to his conclusion » (p. 179). Il souligne l’anachronisme de l’idée de Weber qui avait avancé

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 135

92 [agri de eo agro eis donatus adsignatus erit].. (210) ..]1.


[Quei agrum possesionemue agriue possesionisue superficium habet possidetu]E2
FRVITVRVE, QVEM AGRVM POSSESIONEMVE QVOIVSVE AGRI
POSESSIONISVE SVPERFICIVM Q(uaestor) PR(aetor)VE PV[blice
uendiderit .. (45) ..o]B EVM AGRVM LOCVM POSSESIONE[m agriue
superfic]IVM scrip{I}<t>VRAM PECORIS NEI DATO NEIVE3
93 [.. (290) …] IS AGER EX S(enatus) C(onsulto) DATVS ADS[i]GNATVS
EST, EI AGREI QVEI S(upra) S(criptei) S(unt) POSSESIONESQVE, EA
OMNIA EORVM H[ominum sunto .. (40) .. magistratus, quo de e]A RE
I{M}<n> IOVS ADITVM ERIT [ita de ea re iudicium de]T, VTEI DE EA RE
IN H(ac) L(ege) S(criptum) EST, NEIVE4
 
 
 
 
1.     92  [agri  de  eo  agro,  quei  ..  (210)  ..  Li.  [agri  de  eo  agro,  quei  -­‐-­‐-­‐  facito  utei  det  assignet.  Cr.  
2.     possidetue  utituru]E  Cr.  
3.     92  [quei  agrum  possesionemue  -­‐  .  -­‐  .  DATO  NEIVE  Li.  
4.  93 [.. (290) ..] - . - . NEIVE Li., [--- quoi] IS AGER - . - . EORVM H[ominum sunto
--- magistratus, quo de e]A RE IM IOVS ADITVM ERIT, [de ea re iudicium dato i]T[a]
VTEI DE EA RE IN H. L. S. EST, NEIVE Cr.  
 
 
 
 
 
 
 
_____________________________________________________________________________________

que cette terre avait été concédée aux naviculaires transportant du blé à Rome, ce qui n’eut lieu que sous
l’Empire. Je suis en désaccord avec son affirmation suivant laquelle : « Allocation in accordance with a
decree of the senate does not occur elsewhere in the provincial section of the statute », du moins si l’on
accepte les restitutions de Mommsen et de Johannsen pour la ligne 80 : extraque eum agrum locum, quei
ager locus eis hominibus, quei ad imperatorem populi Romanei bello Poenicio proxsumo ex hostibus
perfugerunt, (.. 49 ..) datus adsignatusue est de s(enati)] S(ententia).
6. La lacune est de 40 lettres environ. Peut-être est-il possible de rattacher cette phrase à la précédente ?
Dans ce cas, il serait interdit à un juge de remettre en cause la donation acceptée par sénatusconsulte.    

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


136 Texte et traduction

94 « [.. (280) ..] Qu’ils réunissent [les terres et pièces de terre] pour ceux auxquels la
terre et pièce de terre a été donnée, restituée, échangée ou assignée. [Ils auront et
posséderont [cette terre et pièce de terre] de la même manière qu’]un citoyen romain
de par cette loi l’aura et possédera1.
95 « [… (290) …]
le vin et l’huile produits dans cette terre et pièce de terre par la récolte et la vendange
pendant le consulat de Publius Cornelius et de Lucius Calpurnius ou postérieurement,
… (55) … que ces fruits soient alors à celui qui à ce moment-là aura et possédera cette
terre »2.  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
_____________________________________________________________________________________

1. Cette phrase résume les dispositions qui ont été prises à la ligne 83.
2. Cette phrase clôt la section africaine de la loi. Elle était nécessaire pour résoudre la question du bénéfice
des fruits de l’année du fait des octrois, échanges et restitutions dont il a encore été question à la ligne
précédente.

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 136

94 [… (280) …agros loc]OS1 COMPORTENT QVIBVS EX H. L. AGER


LOCVS DATVS
REDDITVS COMMVTATVS ADSIGNATVS[ue est .. (50) .. agrum locum ex
h. l.] DARI REDDI ADSIGNAR[i. Item habebunt possidebunt, quem e]VM
AGRVM LOCVM CEIVIS R[omanus ex h. l. habebit possidebit …]2.
95 [.. (290) .. q]VODQVE IN EO AGRO LOCO VINEI OLEIVE FIET, QVAE
MESSIS VINDEMIAQVE P. CORNELIO L. CA[lpurnio Cos. posteaue fiet ..
(55) .. ei]S FRVCTVS
[.. (25) .. q]VEI EVM AGRVM TVM [habebit possidebit sient]3.

1.     94  [..  (290)  ..]OS  COMPORTENT  Li.,  [-­‐-­‐-­‐  q]VOS  COMPORTENT  Cr.  


2.     94  [..  (290)  ..]OS  COMPORTENT  -­‐  .  -­‐  .  ADSIGNATVS[ue  est  ..  (50)  ..  agrum  locum  ex  h.  l.]  
DARI  REDDI  ADSIGNAR[i  ..  (20)  ..  e]VM  AGRVM  LOCVM  CEIVIS  R[oman  …]  Li.  
[-­‐-­‐-­‐   q]VOS   COMPORTENT   -­‐   .   -­‐   .   ADSIGNATVS[ue   est   -­‐-­‐-­‐   agrum   locum   ex   h(ac)   l(ege)]   DARI  
ADSIGNAR[i  -­‐-­‐-­‐  e]VM  AGRVM  LOCVM  CEIVIS  R[omanei]  Cr.  
3.     95  [..  (290)  ..  q]VODQVE  IN  EO  AGRO  -­‐  .  -­‐  .  P.  CORNELIO  L.  CA[lpurnio  cos.  posteaue  fiet  ..  
(55)  ..  ]S  FRVCTVS  [..  (25)  ..  q]VEI  EVM  AGRVM  TVM  [..  (10  ..  ].  Li.  [-­‐-­‐-­‐  q]VODQVE  IN  EO  AGRO  -­‐  .  -­‐  .  
P.  CORNELIO  L.  C[alpurnio  co(n)s(ulibus)  posteaue  fiet,  -­‐-­‐-­‐  eo]S  FRVCTVS  [-­‐-­‐-­‐  q]VEI  EVM  AGRVM  
TVM  [-­‐-­‐-­‐]  Cr.  

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 137

Index  uerborum  locutionumque  

L’index comprend uniquement les mots conservés

abalienare 64 consul 54, 63, 89


accipere 84 creare 52, 67, 76, 77, 78, 81
adioudicare 62 curator 56, 57
adiudicare 69, 90
dare 60, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 92
adsignare 44, 53, 56, 57, 62, 68, 70, 76, 77, 81,
dare adsignare 43, 53, 56, 62, 76, 77, 78, 80
90, 91, 93, 94
aedificium 72, 85 dare reddere commutare 58, 82, 94
debere 72, 82, 83, 86, 87
aerarium 46
Xuirei 81
ager 58, 59, 60, 62, 63, 65, 66, 67, 68, 69, 77, 79,
80, 82, 86, 89, 90, 91, 92, 93 decernere 72
decuma 82
ager locus 43, 44, 45, 47, 48, 49, 50, 51, 56, 57,
deducere 43, 61
63, 64, 65, 66, 73, 74, 75, 76, 77, 80, 82, 83, 85,
92, 94, 95 de eo agro 65, 68, 69, 91
de eo loco 43
ager locus aedificium 72, 85
dicere 73, 85
ager locus priuatus uectigalisque 49, 66
aliter 72, 86 dies 71, 78
dies XXV 53
aliubei 86
dies CXX 73
ameicitia populi Romanei 75, 79
amplius 60, 86 discribere 70
dies CL 77
ante kalendas 63
dolo malo 51
arbitratus praetoris 73, 74, 83
CC iugera 69
bellum poinicium 75 IIuir 57, 61, 65, 67, 68, 69, 76, 77, 78, 80
biduum 52
edicere 51
bonum 56, 91
edicito 51
captare 89 edictum 53, 56, 57
causa 51 emere, 45, 47, 57, 63, 64, 65, 66, 69
ciuis 73 emptor 54, 57
ceiuis Romanus 58, 76, 78, 83, 94 esto 49, 66
centuria 89 exactus 71
centuria supsiciuumue 44, 66 ex formula togatorum 50
ceterum agrum 81 ex h(ac) l(ege) 45, 57, 62, 67, 76, 77, 78, 80, 82,
cognitor 53 83, 84, 94
colonia 43, 61 ex h(ac) l(ege) n(ihilum) r(ogata) 89
colonus 45, 59, 66, 67, 68 e(x) l(ege) 85
commutare 58, 79, 80, 82, 94 (cf. reddere) exsigare 72
comperire 62, 68, 69 extra eum agrum locum 44, 45, 81
comportare 94 extraque eum agrum 79, 80
consistere 70 extra terra Italia 49

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


138 Index uerborom locutionumque

facere 47, 49, 52, 54, 64, 66, 67, 72, 75, 77, 78, lex Rubria quae fuit 59
80, 81, 84, 91, 95 lex Sempronia 82
facito 72, 76, 77, 78 liberi regis Massinissae 81
factus creatusue erit 52, 67, 75, 77 licet 60, 61, 62
finis 79 liceto 58
forma publica 78, 80 limes 89
frui 50, 81, 82, 85, 86, 87, 92 locare 85, 87
locus 44, 45, 47, 48, 50, 51, 56, 57, 73, 74, 75, 77,
habere 65, 81, 91 82, 83, 85, 92, 94, 95 (cf. ager locus)
habere fruiue 81
habere possidere frui 50 magister 57
h(ac) l(ege) 78 mag(istratus), 47, 72, 87
h(ac) l(ege) n(ihilum) r(ogatur) 87 mag(istratus) Romanus 47
heres 62, 64, 67, 68, 69 manceps, 46, 47, 48
homo 54, 59, 61, 63, 77, 93 mansere 75
homo priuatus 63 messis 95
HS N I 66 miles 50, 54
modus 58, 65, 91
idus Martis 70
in colonei numerum 45, 54, 61, 66, 68 nummus 65
indicium 90 nei 71, 72,
in h(ac) l(ege) 44, 71, 72, 74 neiue 47, 57, 59, 60, 71, 72, 86, 90, 92
inire 59 neque 54, 64
inperare 50 nomen, 46, 59
inperium 87 numerus, 45, 54, 61, 66, 67, 90
in publico 73
obligare, 47, 74
intra fines 79
oleum 95
ious dicere 73
iudicium 87 oportere 45, 61, 78, 83, 85
oppodum 81
ipse 54
optinere, 46, 60
ita 59, 62, 65, 66, 68, 69
item 56, 83 parere 89
in terra Italia 50 pascito 86
iubere 78, 81 pecor 86, 92
ioudicare 44 pequs 82, 86
iudicare 57, 59, 68 pequnia 47, 70, 71, 74, 84
iudicato 57, 59, 61, 62, 68 perfuga 76, 85
ius 62 planus 64
iugerum 60 plebes 78
plebiscitum 43
kalendae 63
populus 47, 70, 72, 78, 83, 87
leiber 75, 76, 79, 85 populus leiber 75, 76, 79, 85
lex, 44, 45, 57, 59, 62, 67, 70, 71, 74, 76, 77, 78, populus Romanus 75, 79, 86, 87
80, 82, 83, 84, 85, 87, 89, 93, 94 possesio 92, 93
lex Liuia 77, 81 possidere 50, 68, 82, 83

LA LOI AGRAIRE DE 643 A.U.C. (111 AVANT J.-C.) ET L’AFRIQUE


Jean PEYRAS 139

possidere fruiue 50 rex Massinissa 80


post h(anc) l(egem) r(ogatam) 70 rogare 87, 89
postea 54, 70
satis 73, 74
praedium, 46, 48, 74, 84
scribere 43, 44, 60, 66, 67, 72
praefectus milesue 54
praes 47, 48, 84 scriptura 82, 83, 92
senator 72
praesens 74
senatusconsultum 93
praetor 73, 74, 83, 92
praeuides (plur.) 46, 47 sient 89
siet 53, 54
primus 54, 70
solere 50, 82
priuatus 49, 63, 66, 80
procurare 51 solutus, 46, 73
soluere 46, 84, 87
procurator 69
stipendiarius 78, 80
profiteri 53, 56, 57, 90
pro magistratu 71, 87 stipendium 77
supsignare 73, 74, 84
propius 71
sunto 89
prouincia 46, 55
proxsumo 75 superficium 92
supsiciuum 44, 66
proxsumus 52, 53, 73, 77, 78, 79
publicanus 83, 85 tableis (abl. plur.) 46.
publice 48, 58, 65, 67, 75, 83, 91, 92 tabuleis (abl. plur.) 70
publicus 78, 80, 85, 86, 87, 89 tabula 46, 70
tantundem modum 58, 65, 69, 91
quaestor 92
quando 63, 77 terra Italia 49, 50
togatus 50
quantum 76, 77
uectigalis 49
quantus 61
quei ager in Africa est 68, 69 IIIuir coloniae deducendae 43, 61
tribunus plebis 43
quei ager locus in Africa est 48
tum 69, 73
quei ager locus in ea centuria supsiciuoue 43
quei ager publice non uenieit 58 ubei 81
quei (quem ex h. l.), (quoi) colono eiue quei in uectigal 49, 66, 70, 82, 85, 86, 87
colonei numero scriptus est 45, 54, 66, 67, 68 uectigalis 49, 66
quei Romae publice (uenieit) uenierit 48, 75, 83 uendere 74, 85, 87, 89
quod eius publice non ueniet 65, 67 uenditio 63
quominus 84, 89 uendito 74
quondam 81 uenire 48, 58, 65, 73, 83, 91
uia 90
ratio 59
uindemia 95
reddere 58, 65, 67, 68, 69, 80, 82, 90, 94
reddito 65, 67, 68, 69, 90 uinum 95
unus 59, 60
referre 80
uolere 84
rei procurandae causa 51
relinquere adsignare 81 utei 44, 56, 72, 78, 83, 91, 93
res 47, 51, 71, 90, 93

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Jean PEYRAS 141

Index  nominum  

Africa 48, 60, 61, 67, 68, 69, 75, 77, 86, 87
Cn. Paperius cos 89
Aquillitanus (populus leiber) 79
Poinicium (bellum) 75
M. Baebius, tr. pl. IIIuir coloniae deducendae 43
Roma 48, 73, 75, 83
L. Caecilius censor 86 Romanum (ius) 61
L. Calpurnius cos. 54, 63, 95 Romanus (ceiuis) 58, 76, 78, 83
Cartago 89 Romanus (magistratus) 47
Chartago (oppodum) 81 Romanus (populus) 75, 79, 86, 87
P. Cornelius cos 95 Rubria (lex) 59

Cn. Domitius censor 86 Sempronia (lex) 82

Hadrumetinus (populus leiber) 79 Tampsitanus (populus leiber) 79


Teudalis (populus leiber) 79
Italia 49, 50
Vticensis (populus leiber) 79
Leptitanus (populus leiber) 79 Vticenses 81
Liuia (lex) 77, 81
Vzalitanus (populus leiber) 79
Massinissa (rex) 80

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