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, . La loi agraire de 643 a. u. c. (111 avant J.-C.) et l’Afrique. Présentation, essai de restitution (lignes 43-95), traduction
et notes. Besançon : Institut des Sciences et Techniques de l'Antiquité, 2015. pp. 5-167. (Collection « ISTA », 1316);
doi : https://doi.org/10.3406/ista.2015.3079
https://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_2015_edc_1316_1
par
Jean Peyras
1 Les éditions les plus suivies furent celles de Theodor Mommsen, dans E. Lommatzsch et
Th. Mommsen, Corpus Inscriptionum Latinarum, Inscriptiones antiquissimae ad C. Caesaris
mortem, Berlin, 1893, I.2, 200 (= 585), et dans « Lex agraria a.u.c. DCXLIII, ante Chr. 111 »,
Gesammelte Schriften I, Berlin 1905, p. 65-145.
2 F.-T. Hinrichs, « Die lex agraria des Jahres 111 v.Chr. », Zeitschrift der Savigny-Stiftung
für Rechtsgeschichte, Romanistische Abteilung, Weimar, 83, 1966, p. 252-307.
3 K. Johannsen, Die lex agraria des Jahres 111 v. Chr. Text und Kommentar, München,
1971.
4 A. Lintott, Judicial Reform and Land Reform in the Roman Republic, Cambridge, 1992,
2e éd. 2010 ; M. H. Crawford, « Lex repetundarum, lex agraria», in Id. (ed.), Roman Statutes,
London, 1996, vol. I, p. 39-180. Des traductions, non accompagnées par le texte, ont aussi vu le
jour : en Angleterre, E. G. Hardy, Six Roman Laws, translated with introduction and notes,
Oxford, 1911, p. 35-85 ; aux États-Unis, A. Ch. Johnson, P. R. Coleman-Norton, F. C. Bourne,
Ancient Roman Statutes: translation, with introduction, commentary, glossary, and index, ed.
C. Pharr, Austin (Texas), 1961, intégré dans The Avalon Project, Documents in Law, History and
Diplomacy, « Agrarian Law; 111 B.C. », Yale Law School, New Heaven, 2008.
5 L. de Ligt, « Studies in legal and agrarian history IV: Roman Africa in 111 B.C. »,
Mnemosyne, 54, 2, 2001, p. 182-217.
6 L. de Ligt, « The problem of ager priuatus uectigalisque in the epigraphic Lex agraria »,
Epigraphica, LXIX (1-2), 2007, p. 87-98.
Je pense, d’autre part, que la ligne 43 comprenait, après la mention Quei ager
locus extra terra Italia est, la proposition quei ager locus in Africa est, c’est-à-
dire que la loi-plébiscite du tribun de la plèbe Marcus Baebius concerne cette
province. À mon point de vue, il y a deux lois fondamentales : la lex Rubria,
qui, dans le cadre de la colonia Iunonia Karthago, avait donné et assigné en
toute franchise une centurie à chaque colon ; la lex Baebia, qui maintient,
cette fois en dehors de tout cadre communautaire public, la même donation-
assignation, la loi de fondation ayant été abolie. La loi Baebia est, selon moi, la
loi gravée sur le bronze. Son but dépasse d’ailleurs le seul règlement de la
situation des colons : elle a pour but de résoudre l’ensemble des questions
foncières de l’Africa.
Il me paraît donc indispensable d’exposer en quelques lignes comment
je comprends ces lignes très lacunaires :
« En ce qui concerne la terre hors d’Italie : – pour ce qui est de la terre
qui est en Afrique » :
communautés : colons de la lex Rubria (l. 79) ; peuples libres (l. 79-80) ; trans-
fuges des armées puniques (ou autres peuples libres) (l. 80) ; terres privées
non échangées (l. 80) ; stipendiaires (l. 80-81) ; enfants de Massinissa (l. 81) ;
oppidum Carthago (l. 81), Uticéens (l. 81-début L. 82).
2) le domaine public demeuré tel, où les résidents, cultivateurs et éleveurs
paient à l’État, directement ou par l’intermédiaire des publicains, des impôts
sur les constructions, les terres de culture ou d’élevage (lignes 81-89). Cette
partie est introduite par la locution ceterum agrum locum (l. 81-82). Les lignes
90-94 rappellent des décisions notables et la ligne 95 traite de la propriété des
fruits de l’année de la loi.
VII : Les redevances sur l’ager priuatus uectigalisque et les biens vendus à Rome
65-66 En cas de restitution ou d’échange, le bénéficiaire achètera cette terre
un sesterce. Elle sera privée et vectigalienne.
IX. Les règlements des conflits entre citoyens romains et alliés africains
75-77 Le duovir pourra adjuger au citoyen romain la terre vendue
publiquement à Rome, ou en faire la commutation si cette terre appartenait à
un peuple libre ou aux ralliés. Dans ce dernier cas, le citoyen romain recevra
une terre d’égale superficie du domaine public d’Afrique ; sinon, c’est le
peuple libre ou les ralliés qui recevront une terre d’égale superficie.
77-78 La terre donnée et assignée aux stipendiaires qui aura été achetée par
un citoyen romain devra, dans les 150 jours qui suivent la création du duovir,
appartenir au citoyen romain, les stipendiaires recevant une surface égale
prélevée sur le domaine public.
Bibliographie
Établissement du texte
Pour les travaux antérieurs à 1971, je me suis le plus souvent référé à
l’excellent apparat critique de Kirsten Johannsen. Je ne l’ai pas reproduit dans
sa totalité, réduisant le mien aux restitutions que je prenais finalement en
compte et que je commentais, y compris, bien sûr, les propositions
postérieures à cette thèse.
Sigles
43 : ligne de l’inscription.
EVM AGRVM LOCVM DEDIT ADSIGNAVIT : texte conservé.
EVM - . - . ADSIGNAVIT : texte conservé écrit en abrégé dans l’apparat
critique pour les parties identiques au texte proposé.
PRV : lettres perceptibles dont la lecture est incertaine.
[quei ager locus - . - . numero] : texte restitué écrit en abrégé dans l’apparat
critique pour les parties identiques au texte proposé ;
[Quei ager locus] : lettres restituées.
H(ac) L(ege) : restitution de mots abrégés.
… (56) … : évaluation des lettres manquantes.
COLONI<a>E : restitution d’une lettre omise.
AEDI<f>{E}ICIO : remplacement d’une lettre gravée par erreur.
(eorum populorum) : mots sous-entendus.
Abréviations
Ca. = Carcopino ; Cr. = Crawford ; DLi.1 = de Ligt 2001 ; DLi. 2 = Id. 2007 ;
Li. = Lintott ; Ma. = Mattingly ; Mo. = Mommsen ; Sa. = Saumagne.
Remerciements
J’exprime ma gratitude à M. Antonio Gonzales, sans lequel ce livre
n’aurait pas été écrit. C’est à lui que revient l’initiative d’un projet qui n’aurait
pas abouti sans son amicale insistance. La difficulté de la tâche m’a, en effet,
souvent fait hésiter à aller jusqu’au bout de ce long et ardu travail dont je ne
me dissimule pas les imperfections. Je le remercie aussi de sa disponibilité
quand il s’est agi de me fournir des documents.
Mme Monique Clavel-Lévêque a une nouvelle fois accepté un de mes
textes dans la « Chronique des cadastres ». Qu’elle soit remerciée pour cet
accueil qui a débuté voici vingt ans.
J’exprime également ma gratitude à M. Okko Behrends qui m’a fourni
des renseignements précieux sur la signification du mot « manceps » dans
l’inscription, et à M. Louis Maurin qui m’a fait parvenir un article de Charles
Saumagne.
Last but not least, je mesure à sa juste valeur la contribution de Mme
Evelyne Gény, dont j’apprécie le dévouement et l’efficacité. Qu’elle en soit
remerciée.
I. La terre
La loi qui a été gravée sur le bronze est consacrée aux terres. L’expres-
sion la plus utilisée est ager locus, qui peut encore y être lue vingt-six fois.
L’asyndète montre l’étroite relation que ces mots entretiennent. La diversité
des traductions montre que le second est difficile à cerner : c’est le premier
point à envisager.
Un deuxième porte sur les grandes divisions de la terre. L’autorité de
Theodor Mommsen demeure en la matière, malgré une proposition
« hérétique » de F.-T. Hinrichs suivant lequel la totalité de la terre aurait été
privatisée. Quelques éléments, à mon avis, exigent un examen.
Le troisième point considère les divisions que propose le document.
Elles s’organisent suivant deux grandes parties : les terres qui présentent des
cas particuliers (extra eum agrum locum) ; les autres terres (ceterum agrum
locum).
De quelle manière faut-il entendre la locution ager locus ? L’allemand
disposant d’une expression toute faite, K. Johannsen l’a utilisée : « Grund (und)
Boden ». A. Lintott traduit « land or territory », bien loin de M. Crawford et
L. de Ligt qui s’accordent pour « land or piece of land ». Je considère, comme
ces derniers, que c’est d’un lot qu’il s’agit quand, par exemple, l’ager locus a été
donné-assigné à un colon.
J’ai choisi en conséquence la locution : « la terre et pièce de terre ». En
supprimant l’article défini devant la seconde expression, j’indique que je
considère la locution comme un tout (ce qui rend compte du fait que je la
traite comme un singulier) ; en utilisant la conjonction de coordination
« et », je veux dire que ce n’est pas de l’une ou de l’autre qu’il est question.
Les catégories de base proposées par Th. Mommsen1 ont été adoptées
par la plupart des savants. F.-T. Hinrichs s’en est éloigné en écrivant que la loi
prescrivait que tout ce qui restait de la terre publique de l’Africa devait être
vendu. Tel ne fut pas le cas. Les assignations ultérieures de Marius et de César
montrent que tout l’ager publicus n’avait pas été aliéné. C’est donc les
interprétations antérieures qu’il faut examiner. Elles distinguent : 1. La terre
publique qui a été faite privée ou devra l’être. Cette catégorie comprend : a) la
terre assignée aux citoyens romains colons ; b) la terre qui a été vendue ou qui
devra l’être publiquement (publice uenire) aux citoyens romains comme ager
uectigalis ; 2. La terre publique qui doit le rester, dont les uectigalia devront
être affermés par les censeurs. 3. La terre provinciale qui a été assignée à des
autochtones : peuples libres ; stipendiaires, enfants de Massinissa.
Sur le premier point, L. de Ligt affirme que la terre assignée aux colons
était grevée du vectigal au même titre que la terre vendue publiquement. Je ne
l’ai pas suivi parce qu’il apparaît que le cas des colons est constamment mis à
part, que ce fait, qui occupe tant le législateur, ne peut être fortuit ou, pour
mieux dire, ne peut provenir d’un simple souci de forme. C’est la raison pour
laquelle j’ai été amené à proposer une restitution des lignes 43-52 qui tienne
compte de la position que j’ai adoptée et ce, malgré le fait que la reconsti-
tution que j’ai conduite est moins complète que celle de de Ligt. Je suis loin
d’être sûr d’avoir raison, mais c’est la solution vers laquelle je penche au
moment où j’écris ces lignes.
S’il ne saurait y avoir de discussion sur le second point, en revanche, je
suis en désaccord avec la théorie classique en ce qui concerne les peuples
libres.
Voici les passages concernés :
l. 75 …. [IIvir, quei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, in diebus (… 100 …)
proxsumeis quibus factus creatusue erit, quem agrum locum ceivis Romanus
emerit de eo agro loco que]I AGER LOCVS IN AFRICA EST QVEI ROMAE
PVBLICE VENIEI<t> VENIERITVE, QVOD EIVS AGRI [locei est
popul]EIS LIBEREIS <quei> IN AFRICA SVNT QVEI <e>ORVM <in>
AMEICITIAM POPVLI ROMANEI BELLO POINICIO PROXSVMO
MANSERVNT
l. 75 « [ … Le duovir, qui, de par cette loi, aura été fait et créé, dans les (..)
jours qui suivront sa création, aura la faculté d’adjuger au citoyen romain] qui
l’aura achetée la terre de la terre publique d’Afrique vendue publiquement à
Rome, ou d’en faire une commutation, (dans le cas où) cette terre se
trouverait être le bien d’un des peuples libres d’Afrique demeurés amis du
peuple romain au cours de la guerre punique …
l. 79 EXTRAQVE EVM AGRVM, QVEI INTRA FINIS POPVLORVM
LEBEIRORVM VTICENSIVM H[adrumetinorum t]AMPSATINORVM
LEPTITANORVM AQVILLITANORVM VZALITANORVM TEVDA-
LENSIVM, QVOM IN AMEICITIAM POPVLI ROMANI PROXSVMVM
[bellum
l. 80 manserunt, est eritue.
l. 79 « en dehors de la terre qui est et sera à l’intérieur des limites territoriales
des peuples libres d’Utique, d’H[adrumète, de Th]apsus, de Leptis, d’Acholla,
d’Uzali, de Theudalis, telles qu’étaient ces limites quand ces peuples
[demeurèrent lors de la récente guerre punique]
l. 80 dans l’amitié du peuple romain ».
On cherchera en vain une assignation aux peuples libres. En réalité,
leurs terres n’avaient pas fait partie de la terre provinciale. Ce sont des terres
privées et dégagées de toute redevance envers Rome. Elles ne sont pas
centuriées. Si l’on examine leur territoire, on relève trois cas2 :
1) une présence de cadastres dont l’orientation diffère de celle de la
centuriation et dont le module correspond à des multiples de la
coudée punique et non du pied romain (Thapsus et Lepti Minus).
Fig.
1
Cadastres
des
cités
libres
libyphéniciennes
et
coudée
punique.
Fig. 2 Cadastres de terroirs de Thapsus et de Lepti Minus.
Fig.
3
Cadastres
civiques
et
centuriation
centre-‐est
à
Acholla
Dans le premier cas, il est clair que ces cadastres de terroir sont
indépendants du système romain. Dans le deuxième, la centuriation n’a existé
ni sur le territoire de l’Uzali proche d’Utique, ni à Uzali Sar sur l’Ansarine,
l’une ou l’autre correspondant au populus leiber Usalitanorum de la loi ; dans
le troisième, il y a des cadastres du même genre que ceux des cités côtières du
Centre-Est, Thapsus et Lepti Minus, et une centuriation à la péréphérie.
« [En dehors de] cette terre et pièce de terre que les décemvirs qui furent faits
et créés de par la [loi] Livia ont cédé et assigné aux Uticéens ».
Les traces de centuriations qui ont été relevées à plusieurs kilomètres à
l’ouest d’Utique peuvent correspondre aux cessions de terre publique
romaine. Quant à l’unique segment qui a été relevé tout près de la ville, il
correspond plutôt à un drain de la société d’aménagement colonial qu’à un
cardo.
Une remarque est à faire à propos de l’ager priuatus uectigalisque. Cette
terre demeure dans le domaine public. La différence avec celui qui est compris
dans la 3e catégorie, c’est qu’il constitue la possession d’un type bien déter-
miné de personnes, et non un tout indifférencié aux mains d’individus ou de
groupes divers, défini avant tout par la perception des taxes.
Si une réflexion sur l’interprétation des catégories de terres était
nécessaire, il convient d’en revenir à la loi. Celle-ci présente les terres d’une
manière qui peut dérouter le lecteur. En effet, la proposition « quei ager locus
in Africa est », au lieu d’être suivie par un exposé de l’organisation de la terre,
est souvent interrompue par l’expression « extra eum agrum locum » ; si bien
qu’on aurait volontiers tendance à considérer que, jusqu’aux lignes 81-82, il
est question des cas particuliers, et, à partir de là, qu’on a affaire au cas
général. C’est, en réalité, plus complexe que cela, puisque la première partie
comprend aussi des éléments qui ne sont pas récapitulés dans le regroupement
des exceptions des lignes 78-81. C’est le cas des alliés italiens et des Latins, ou
des militaires et des préfets qui servent dans la province. Mais ils ne sont
envisagés que par rapport à d’autres éléments référentiels, lesquels sont
compris parmi les exceptions. Enfin, les lignes 90-94 rappellent certaines
décisions et la ligne 95 est purement conjoncturelle.
Il est donc commode – et légitime – d’étudier l’organisation des terres
en suivant le schéma que suggère le document, à condition d’être attentif aux
pièges d’un texte prolixe et lacunaire. J’envisagerai donc les biens-fonds
introduits par la locution extra eum agrum locum, puis les sols groupés dans le
cadre du ceterum agrum locum.
Il s’agit de :
- la terre qui avait été attribuée à des colons par la lex Rubria et qui n’a pas
fait l’objet d’un échange (l. 79).
- la terre qui est à l’intérieur des frontières territoriales des sept peuples
libres demeurés dans l’amitié du peuple romain au cours de la IIIe guerre
punique (l. 79-80).
- la terre qui a été donnée et assignée aux transfuges des armées puniques
par décision du Sénat (l. 80).
- la terre qui a été privatisée par la présente loi et qui n’a pas fait l’objet d’un
échange (l. 80).
- la terre que le duovir, en application de la présente loi, a donné et assigné à
des stipendiaires, et qui a été portée sur le cadastre public (l. 80-81).
- la terre que Scipion Emilien a donné aux fils du roi Massinissa et dont il
leur a garanti la jouissance (l. 81).
- la terre où fut l’oppidum Charthago (l. 81).
- la terre que les commissaires, organisateurs de la province après la
conquête en vertu de la lex Livia, ont laissé ou ont assigné aux Uticéens.
(l. 81-début l. 82).
6 L. de Ligt, « The problem of ager priuatus uectigalisque in the epigraphic Lex agraria »,
Epigraphica, LXIX (1-2), 2007, p. 87-98.
AGER LO[cus publicus populi Romani in Africa est … ei quei ita emptum
habuerit, eo loco agro quei Romae publice uenieit, commutato].
l. 65 [De même, si cette] terre et pièce de terre ainsi achetée avait été vendue
(d’autre part) publiquement à Rome, que le duovir donne à cet acheteur une
superficie équivalente de terre et pièce de terre prélevée sur la terre publique
du Peuple romain en Afrique.
l. 65 [Quoieique agrum locum de eo agro loco quei in Africa est … IIuir ita
reddiderit commutaueritue, is ager locus ab eo
l. 66 quoius in h(ac) l(ege)] FACTVS ERIT, HS N(ummo) I EMPTVS ESTO,
ISQVE AGER LOCVS PRIVATVS VECTIGALISQVE ITA [utei in h(ac)
l(ege) supra] SCRIPTVM EST, ESTO.
l. 65 [À celui auquel le duovir aura ainsi rendu ou échangé une terre et pièce
de terre prélevée sur le domaine public d’Afrique, que]
l. 66 cette terre et pièce de terre soit achetée un sesterce par celui que la
présente loi en a fait le propriétaire – et que cette terre et pièce de terre soit
privée et redevable du vectigal, ainsi qu’il a été écrit plus haut dans la présente
loi ».
Nous sommes donc renvoyés aux lignes 48-49, pour lesquelles
Mommsen avait transcrit le texte suivant :
…. q]VEI AGER LOCVS IN AFRICA EST, QVEI ROMAE PVBLICE [… (57)
…] // [… (173) …] EIVS ESTO, ISQVE AGER LOCVS PRIVATVS
VECTIGALISQVE V[…. (113) …]TVS ERIT, QVOD EIVS AGRI LOCEI
EXTRA TERRA ITALIA EST […. (57) …].
Il semble (mais que les lacunes sont longues !), que la terre privée et
vectigalienne soit en rapport avec celle qui a été vendue publiquement à
Rome. La proposition de L. de Ligt va dans le même sens7 :
7 L. de Ligt, « Studies in legal and agrarian history IV: Roman Africa in 111 B.C. »,
Mnemosyne, 54, 2, 2001, p. 215.
9 Lintott (p. 192, p. 247) écrit « oportebit ». Mais la correction « oportuit » est nécessaire à
cause de « licuitue » (comme Huschke, Mommsen et Johannsen l’ont proposée). Le savant a
d’ailleurs fait implicitement la correction en traduisant : « it was right and legitimate to give
land in Africa » (« legitimate » ne me paraît pas correspondre tout à fait à licuit, qui est plutôt
du domaine de la permission, de l’autorisation).
l. 75-77 …. « (A) Le duovir, qui, de par cette loi, aura été fait et créé, dans les
(..) jours qui suivront sa création, aura la faculté d’adjuger au citoyen romain
qui l’aura achetée la terre de la terre publique d’Afrique vendue publiquement
à Rome, ou d’en faire une commutation, (dans le cas où) cette terre se
trouverait être le bien, soit d’un des peuples libres d’Afrique demeurés amis du
Peuple romain au cours de la guerre punique, soit de l’un de ceux qui ont
passé de l’ennemi au commandant en chef de l’armée du peuple romain.
(B) Le duovir devra donner au titre d’échange au citoyen romain une
superficie prélevée sur la terre publique d’Afrique non vendue à Rome, égale à
celle qu’il ne lui aurait pas été adjugée.
(C) Le duovir, dans les (..) jours qui suivront sa création, devra faire en
sorte de donner en échange à chaque peuple libre ou à chaque rallié, par
prélévement sur la terre publique d’Afrique non vendue à Rome, une
superficie égale à celle qui aurait été faite sienne à un citoyen romain en vertu
de la présente loi, au détriment de la terre donnée à chaque peuple libre ou à
chaque rallié, superficie pour laquelle le citoyen romain n’aurait pas reçu un
autre terrain en échange ».
Mommsen admettait que les peuples libres aient pu louer des terres
romaines. Je le pense aussi. Des citoyens de ces cités pouvaient aussi, à mon
avis, les prendre en location à titre individuel. Je reviendrai sur ces points dans
la dernière partie.
3) Les perfugae
La proposition de restitution qui a été faite ci-dessus admet que les
perfugae aient eu les mêmes droits que les peuples libres. Elle intérine le choix
des érudits. Charles Saumagne avait proposé la restitution suivante : « QVOD
EIVS AGRI [loci est popul]EIS LIBEREIS (quei) IN AFRICA SVNT : a) QVEI
EORVM <populorum> IN AMEICITIAM POPVLI ROMANO BELLO
PVNICO PROXSVMO MANSERVNT, b) QVEIVE (eorum populorum)
A[d imperatorem etc … perfugerunt ». Elle aurait, certes, l’avantage de rendre
compte de certaines villes libres de la liste de Pline10, mais elle se heurte au
4) Liberei Massinissae
Les fils de Massinissa reçurent de Scipion Emilien des terres qui
demeurèrent dans le domaine public de Rome.
l. 81 […. Extraque eum agrum locum quem P. Cornelius imperator lib]EREIS
REGIS MASSINISSAE DEDIT HABERE FRVIVE IVSI<t>.
l. « [… Et en dehors de la terre et pièce de terre que Publius Cornelius,
commandant en chef, a donné aux fi]ls de Massinissa ; il a ordonné de l’avoir
et d’en jouir ».
5) La terre qui, privatisée par la présente loi, n’a pas été échangée
Le texte s’étend longuement sur ce cas : concession des vectigals,
détention de terres vendues qui n’auraient dû l’être puisqu’elles étaient dans le
patrimoine des peuples libres ou qu’elles avaient été assignées aux
stipendiaires, etc. Mais cela ne change pas le principe entériné par le légis-
lateur : cette terre est privée et doit régler le vectigal :
l. 45 … ager locus eo agro loco quei Romae publice uenieit, extra] EVM AGRVM
LOCVM, QVEM EX H. L. COLONEI, EIVE QVEI IN COLONEI
NVMERO [scriptei sunt, habebunt, ex h. l. opportet] OPORTEBITVE, QVOD
EIVS AGRI LOCEI QVOIEIQVE EMPTVM EST,
l. 46 [, … (35) … ager locus privatus vectigalisque esto .. (85) ..].
l. 45 Que la terre et pièce de terre qui est vendue à Rome publiquement à
partir de cette terre et pièce de terre, en dehors de [cette terre et pièce de
terre, que, d’après cette loi, les colons, ou ceux qui ont été inscrits dans le rôle
du colon, en application de cette loi, détiennent, il faut] ou il faudra que cette
terre et pièce de terre, quelle que soit la personne par laquelle elle a été achetée,
l. 46 … (35), soit une terre et pièce de terre privée et redevable du vectigal ».
15 J. Peyras, Arpentage et administration publique à la fin de l’Antiquité. Les écrits des hauts
fonctionnaires équestres, textes établis, traduits et annotés par J. Peyras, Besançon, 2008, p. 4,
37-39 : Dum per Africam assignaremus, circa Chartaginem in aliquibus locis terminos rariores
constituimus, ut inter se habeant pedes II(∞)CCCC. In limitibus uero, ubi rariores terminos
constituimus, monticellos plantauimus de terra, quos botontinos appellauimus. Et intra, ipsis,
carbones et cin<i>s et testa tusa cooperuimus.
« Pendant que nous effectuions des assignations dans l’Africa, autour de Carthage, en certains
lieux, nous avons placé des bornes plus rares, pour qu’elles aient entre elles 2400 pieds. Et sur les
limites, là où nous avons placé des bornes plus rares, nous avons mis en place des talus que nous
avons appelés « botontini ». Et, en même temps qu’eux, à l’intérieur, nous avons tout
recouvert : charbons, cendre et brique pilée ».
16 J. Carcopino, Autour des Gracques, études critiques, Paris, 1967, 2e éd., revue, corrigée,
augmentée, p. 257.
17 « Fragment de plaque de marbre blanc épaisse de 0,04 m » (P. Delattre, Bulletin
épigraphique de la Gaule, VI, 1886, p. 389 ; CIL VIII, 12535).
18 Frontin, L’œuvre gromatique, Corpus Agrimensorum Romanorum IV Iulius Frontinus, texte
traduit par O. Behrends et alii, Luxembourg, 1998, p. 3 et 73-74 ; Les arpenteurs romains I, Hygin
le gromatique, Frontin, texte établi et traduit par Jean-Yves Guillaumin, Paris, 2005, p. 121, 212-
214 et pp. 148, 216.
avait fait une terre maudite, condamnée à ne plus servir que de pâturage »19.
Peut-on croire qu’Appien parle du site urbain ? C’est le territoire de la cité qui
est en cause ici. « Ils la disposèrent pour 6000 colons, au lieu du moindre
nombre réglé par la loi … » Croira-t-on que les fondateurs aient créé à la date
dite une ville où pouvaient loger 6000 colons accompagnés de leur famille, en
un lieu encombré par les ruines d’une métropole de grande dimension ? En
fait, les colons devaient s’installer sur leurs propriétés, dans la campagne, la
ville devant dans un premier temps constituer un noyau urbain modeste,
comme ce fut le cas un peu partout. Continuons : « Cependant les commis-
saires qui avaient été chargés dans la Libye de continuer la circonscription de
la ville, ayant donné pour nouvelle que des loups avaient arraché et dispersé
les jalons plantés par Gracchus et Fulvius20, les augures consultés répondirent
que la colonie était placée sous de funestes auspices ». Là, c’est carrément un
complot et une trahison. Je renverrai simplement à ce qu’a écrit à ce sujet
Carcopino. La source à laquelle Appien a eu recours relève de l’intoxication et
a pour but d’éliminer les fondateurs : le tracé de la colonie, l’installation de
6000 colons dans la ville, l’intervention des loups agents de la colère divine,
laquelle est, bien sûr, confirmée par les augures, conduisant à la décision du
Sénat.
Nous avons, en fait, la possibilité de connaître quel espace carthaginois
était concerné par l’interdit religieux.
Les Saturnaliorum libri VII d’Aurelius Ambrosius Macrobius
Theodosius furent rédigés au début du Ve siècle21. Le passage qui concerne la
deuotio est le suivant (III, IX, 9-16) :
9. Urbes uero exercitusque sic deuouentur iam numinibus euocatis, sed dictatores
imperatoresque soli possunt deuouere his uerbis : 10. « Dis Pater, Vediouis,
Manes, siue quo alio nomine fas est nominare, ut omnes illa urbem Carthaginem
exercitumque quem ego me sentio dicere fuga, formidine, terrore compleatis,
quique aduersum legiones exercitumque nostrum arma telaque ferent, uti uos
eum exercitum, eos hostes eosque homines, urbes agrosque eorum, et qui in his
locis regionibusque, agris urbibusue habitant abducatis, lumine supero priuetis,
exercitumque hostium, urbes agrosque eorum quos me sentio dicere, ut uos eas
urbes agrosque, capita, aetatesque eorum deuotas consecratasque habeatis ollis
legibus quibus quandoque sunt maxime hostes deuoti ; 11. eosque ego uicarios
pro me, fide, magistratuque meo, pro Populo Romano, exercitibus legionibus
nostris do, deuoueo, ut me meamque fidem imperiumque, legiones exercitumque
nostrum, qui in his rebus gerundis sunt, bene saluis siritis esse. Si haec ita faxitis
ut ego sciam, sentiam intellegamque, tunc quisquius hoc uotum faxit, ubi faxit,
recte factum esto ouibus atris tribus. Tellus Mater, teque Iuppiter, obtestor ».
12. Cum Tellurem dicit, manibus terram tangit ; cum Iouem dicit, manus ad
caelum tollit ; cum uotum recipere dicit, manibus pectus tangit.
9. « Quant aux villes et aux armées, voici la formule par laquelle on procède à
la deuotio, une fois que les dieux ont accepté l’euocatio, mais seuls les dicta-
teurs et les généraux en chef peuvent employer cette formule. 10. « Vénérable
Dis, Vediovis, dieux Mânes, quel que soit le nom qu’il est permis de vous
donner, répandez la fuite, la panique et la terreur sur tous les ennemis, cette
ville de Carthage et l’armée dont je veux parler, et ceux qui, contre nos légions
et notre armée, porteront armes et traits ; cette armée, ces ennemis et ces
hommes, leurs villes et leurs champs, ainsi que ceux qui habitent dans ces
lieux, ces régions, ces champs, ces villes, emportez-les et privez-les de la
lumière du ciel ; l’armée des ennemis, les villes et les champs de ceux dont je
veux parler, prenez-en possession comme étant dévoués et consacrés à vous
conformément aux règles selon lesquelles précisément un jour les ennemis de
Rome ont été dévoués. 11. Ces ennemis, en lieu et place de ma personne, de
ma loyauté et de ma magistrature, en lieu et place du peuple romain, de nos
armées et de nos légions, je les offre et je les dévoue, afin que vous mainteniez
sains et saufs ma personne, ma loyauté et mon pouvoir, nos légions et notre
armée, qui sont engagées dans l’accomplissement de ces opérations. Si vous
faites en sorte que je sache, réalise et comprenne ces choses, alors, quelle que
soit la personne qui fera ce vœu, où qu’elle le fasse, que l’accomplissement soit
conforme avec trois brebis noires. Je vous prends à témoin, toi, Tellus mère, et
toi, Jupiter ». 12. En nommant Tellus, il touche la terre de ses mains ; en
nommant Jupiter, il lève les mains au ciel ; en disant assumer le vœu, il touche
la poitrine de ses mains »22.
C’est la formule appliquée à Carthage qui a été conservée, bien que le
texte nommât six autres villes (III, IX, 13) et que la métropole punique n’ait
pas été chronologiquement la première cité qui fût dévouée. C’est cer-
tainement Scipion Emilien, en tant que commandant en chef de l’armée
assiégeante, qui prononça la formule de deuotio. Il est clair que, par les
propositions : eos hostes eosque homines, urbes agrosque eorum, et qui in his locis
regionibusque, agris urbibusue habitant abducatis, l’interdit touche tous les
espaces civiques. Ce n’était pas uniquement la ville de Carthage qui était
concernée, mais tout ce qui constituait la cité.
Que le mot oppodum ait désigné aussi bien la ville que la campagne,
nous le savons par la loi agraire même. Nous lisons, en effet, à la ligne 5 :
[… (85) … quod eius quisq]VE AGRI LOCEI PVBLICEI IN TERRA ITALIA,
QVOD EIVS EXTRA VRBEM ROMA<m> EST, QVOD EIVS IN VRBE
OPPIDO VICO EST, QVOD EIVS IIIVIR DEDIT ADSIGNAVIT, QVOD
[… (245) …]23.
« [… (85) … quelle que soit la partie de cette terre publique en Italie, du fait
qu’elle est en dehors de la ville de Rome, partie qui est dans une ville, un
oppidum, un village, qu’un triumvir a donné ou assigné, … [… (245) …] ».
Toute cette partie de cette terre publique, donnée et assignée par un
triumvir, qui se trouve en Italie, qui est dans une ville, oppidum ou uicus en
dehors de Rome, ne saurait être située entre les murs d’une agglomération.
Oppidum désigne donc une entité civique qui inclut la campagne. Notons
22 Macrobe, Les Saturnales, livres I-III, Introduction, traduction et notes par Ch. Guittard,
Paris, 2004, p. 219.
23 Lintott, op. cit., p. 176.
d’ailleurs que le mot Vrbs lui-même ne revêt pas l’acception étroite d’un
espace urbain. L’Vrbs Roma, c’est une totalité urbaine et rurale, avec ses uici et
ses pagi, ces deux mots désignant les habitats à partir desquels les citoyens
doivent pouvoir se rendre sur le forum de Rome pour voter.
Un autre élément, si besoin était, pourrait être versé au dossier : quand
il est question de l’allotissement dans le cadre de la colonia Iunonia, il s’agit
toujours d’assigner une centurie de 200 jugères au colon. La loi rappelle cette
disposition implicitement, quand elle interdit la détention d’une surface plus
importante :
l. 60 NEIVE VNIVS HOMINVS [nomine, cum IIIuir coloniae deducendae ex
lege Rubria quae fuit … (106) … colono eiue quei in colonei numero] SCRIPTVS
EST AGRVM QVEI IN AFRICA EST, DARE OPORTVIT LICVITVE,
AMPLIVS IVG(era) CC [… data adsignata fuise iudicato].
l. 60 : « [Il devra juger qu’aucune superficie supérieure à 200 jugères n’[a été
donnée et assignée au nom] d’un seul individu, [au moment où le triumvir
déducteur de la colonie en vertu de la loi Rubria abrogée,] a eu ordre et licence
de donner [au colon ou] à l’inscrit [comme colon] la terre située en Afrique ».
Il est donc exclu qu’on ait affaire à une déduction qui se serait déroulée
dans l’ancien site urbain de Carthage. « Les bornes arrachées par les loups »
étaient, dans l’esprit des gens, les bornes des limites qui déterminaient les
centuries dans la campagne.
Un autre point doit être souligné : l’idée suivant laquelle la groma de la
colonia Iunonia aurait été placée à la limite de la zone maudite, c’est-à-dire à la
limite des murs de la Carthage punique, n’est pas acceptable. Une groma
détermine un templum qui régit les quatre points cardinaux et un cercle sacré,
tous favorables. Ils ne sauraient être immédiatement limités par un espace
voué aux divinités chthoniennes.
Nous ne savons rien, en réalité, du lieu où la ville de la colonie aurait été
érigée. Comme à Emerita, ce qui comptait au départ, c’était de doter les
colons de terres ; comme à Emerita, ces terres pouvaient être situées loin d’un
futur centre urbain24. Barthel était certainement dans le vrai quand il avançait
que le territoire de la colonie atteignait les limites de la province25. Ce fut
d’ailleurs le cas pour la colonia Iulia. Il faut certainement se souvenir que le
Sénat avait ordonné aux Carthaginois de s’établir à 80 stades de la mer26, que
des cités comme Tunis, attestées en 201, avaient disparu, qu’il était possible
de nommer colonia Iunonia Carthago une fondation se situant dans un secteur
qui avait été contrôlé par Carthage d’une manière ou d’une autre. Le Sénat
avait exigé que la nouvelle ville fût éloignée de la mer de 80 stades, non qu’elle
changeât de nom. Et il faut conserver à l’esprit que la fondation de Carthage,
telle qu’elle nous est rapportée par les auteurs latins et grecs, était rurale. La
ville aurait été érigée plus tard. Elle n’eut pas le temps de l’être.
8) Les Italiens
La terre détenue par des Italiens est considérée par rapport à la terre
envisagée dans les cas 1 à 6. Ces Italiens sont des militaires des troupes
d’occupation. Cela ressort clairement de la ligne 50 :
[… (140) … socium nominisue Latini quibus ex formula t]OGATORVM
MILITES IN TERRA ITALIA INPERARE SOLENT, EIS PO[… (115) …].
[« … (140) … des alliés et du nom Latin auxquels, en application du traité
d’alliance, ils ont coutume d’exiger des soldats dans la terre d’Italie, à ceux-ci
..[… (115 …] ».
Ces militaires avaient acheté des terres aux bénéficiaires de la lex
Rubria, colons de la colonie :
l. 54 [… (174) item, ex hoc edicto, utei is quei a colono eoue quei in colonei
numero scriptus est agrum locum emerit, in iisdem diebus apud IIuirum …
profitetur quid eius agri locei quoius pri]MVM EMPTOR SIET AB EO
QVOIVS HOMIN[is … (128) priuati eius agri locei uenditio siet - item, ex hoc
edicto, utei emptor profiteatur … sei uenditio agri loci ante kalendas
I(anuarias ?)… M. Liuio] L. CALPVRNI<o> COS FACTA SIET, QVOD
EIVS POSTEA [ne]QVE IPSE NEQVE
l. 55 [heres eius uenditionem facere licuit … ; seiue emptio ab eo socium
nominisue Latini ab eoue quei] PRAEFECTVS MILESVE IN PROVINCIAM
ER[it .. (120) … facta siet].
l. 54 […. (174) … De même, aux termes de cet édit, que celui qui aura acheté à
un colon ou à un inscrit comme colon fasse, dans le même délai, auprès du
duovir, la déclaration de la quantité de terre et pièce de terre dont] il aura été
acheteur de première main (pour l’avoir achetée) de celui de qui [la vente aura
été faite à titre privé : – de même, qu’aux termes de cet édit, l’acheteur déclare
si la vente de la terre et pièce de terre a été faite avant les calendes du mois de
janvier (?), M(arcus) Liuius ] et L(ucius) Calpurnius étant consuls27, attendu
qu’après cette date, ni le colon lui-même, ni
l. 55 [son héritier, n’ont eu licence de l’accomplir ; … (qu’il déclare encore) si
l’achat a été réalisé par un allié ou par un Latin ou par quelqu’un qui] aurait
été préfet ou soldat dans la province].
Il s’agit d’un achat privé. Il y eut donc transmission de la possessio,
conformément au droit romain28.
Dans le cas où la vente a été faite à un militaire italien, la donation-
assignation ne peut pas être consentie à l’acheteur. L’Italien se verra attribuer
un terrain pris sur le domaine public. Il le paiera un sesterce, prix symbolique
qui lui permettra de détenir une terre privée et vectigalienne :
l. 65 [Quoi eo sociorum Latinorumue quei agrum locum de eo agro loco quei
colono eiue quei in colonei numero scriptus est ex lege Rubria quae fuit datus erit,
emit emeritue, eiue quei de agro loco post kalend. I(anuarias), M(arco) L(iuio)
29 Six Roman Laws, Oxford, 1911, p. 55 : « This land could at any time and for any reason
be taken away, and could neither be sold by the possessors nor pass to their heirs ».
30 Giffard, op. cit., p. 55-56.
Conclusion
La loi agraire de 643 a. u. c. a fortement structuré l’espace et l’orga-
nisation agraire de ce qui sera l’Africa Vetus. En entérinant la donation-
assignation qui avait été consentie aux colons romains malgré l’abolition de la
colonia Iunonia, elle permit l’occupation de quelque 3000 km2 de terres
centuriées qui étaient certainement de bonne qualité. Confrontée à une situa-
tion qu’on peut qualifier de chaotique (ventes publiques de terres coloniales à
Rome, ventes privées des colons, héritages, poursuite des lotissements sur
place après la mort de Caius Gracchus, héritages, « erreurs » conduisant à
vendre des biens fonciers appartenant aux peuples libres ou assignées à des
stipendiaires, …), elle a voulu résoudre tous les problèmes particuliers (extra
31 Il est probable que le cadastre ait enregistré la nature des terres, laquelle était déter-
minante pour savoir quelle était la redevance qui était due. Mais que se passait-il quand
un possesseur, ou un groupe de paysans voulait passer d’une activité à une autre ? La loi ne
le dit pas.
eum agrum locum) d’une manière qui permettait de rétablir un ordre rationnel
et acceptable pour tous, « équitable » au sens romain du mot aequitas. Quant
au reste de l’Africa, (ceterum agrum locum), domaine public romain constitué
par les territoires des cités détruites, elle le loua contre des redevances diverses
à ceux qui désiraient et pouvaient le faire, permettant ainsi la constitution de
propriétés et de possessions différentes, dont de grands domaines mis en
valeur de diverses manières.
Le but de cette loi était seulement de mettre fin à une confusion
génératrice de troubles et de pertes financières. Mais ce texte conjoncturel
structura durablement la province. Il permet de comprendre pour quelle
raison une région qui avait connu tant de communautés autonomes en eut si
peu pendant deux siècles, la nature et les modalités de la colonisation
italienne, les contrastes qui existent entre les domaines au point de vue de la
dimension et de l’exploitation.
3 Charles Saumagne a proposé (Le Byzacium protoromain, villes libres, stipendiarii, liberi
Massinissae, Cahiers de Tunisie, n° 44, 1963, p. 57) de restituer la partie de la lacune de la ligne
75 qui suit l’énumération des peuples libres qui sont restés dans l’amitié du Peuple romain, par
une seconde liste de peuples qui auraient rallié le camp romain au cours de la guerre.
4 Le but poursuivi ici est de cerner la situation des communautés et des individus en 111
avant notre ère, situation qui provient des événements des années 149-146 et 123-121, du
bouleversement qui se produisit entre ces dates, de la confusion qui régna entre l’assassinat de
Caius Gracchus et le vote de la loi. Je ne chercherai donc ici à examiner les propositions des
commentateurs que lorsqu’elles sont en contradiction avec les restitutions que j’avance.
J’ai reconstitué le texte en utilisant les lignes 79-82. Le législateur a voulu, en effet, faire une
récapitulation des terres qui présentent un caractère particulier (extra eum agrum locum) avant
d’introduire les décisions prises à l’encontre des autres (ceterum agrum). Il est donc évident que
les lignes relatives à l’Afrique qui ont précédé cette récapitulation traitaient de ce groupe de
terres en entrant dans le détail de tous les cas de figures qui avaient pu ou pouvaient se
présenter à leur sujet. C’est sur cette base solide qu’on peut tenter de reconstituer cette loi
complexe et terriblement lacunaire.
Il est utile d’avoir à l’esprit la catégorie introduite par la locution extra eum agrum. On y
trouve :
- la terre qui avait été attribuée à des colons par la lex Rubria et qui n’a pas fait l’objet d’un
échange (l. 79).
- La terre qui est à l’intérieur des frontières territoriales des sept peuples libres demeurés dans
l’amitié du peuple romain au cours de la IIIe guerre punique (l. 79-80).
- La terre qui a été donnée et assignée aux transfuges des armées puniques par décision du
Sénat (l. 80).
- La terre qui a été privatisée par la présente loi et qui n’a pas fait l’objet d’un échange (l. 80).
- La terre que le duovir, en application de la présente loi, a donné et assigné à des stipendiaires,
et qui a été portée sur le cadastre public (l. 80-81).
- La terre que Scipion Emilien a donné aux fils du roi Masinissa et dont il leur a garanti la
jouissance (l. 81).
- La terre où fut l’oppidum Carthago (l. 81).
- La terre que les commissaires, organisateurs de la province après la conquête en vertu de la lex
Livia, ont laissé ou ont assigné aux Uticéens. (l. 81-début l. 82).
Ce qui unit cette catégorie, par ailleurs fort disparate, c’est qu’elle est composée de sols qui
possèdent un caractère propre à chacun d’eux. En revanche, « tout le reste de la terre et lieu »
(ceterum agrum locum) réunit en un tout anonyme et indifférencié la terre publique de Rome
qui est destinée à la location.
5 La lacune de 100 lettres correspond aux 224 lettres de Johannsen (p. 163). Je l’ai en partie
comblée. Il va de soi que la notion de « lettres » est aléatoire dans tout le texte. Dans une
inscription, sauf cas particuliers, on évalue plutôt les espaces disponibles. Les lacunes considé-
rables de la loi ne permettent que des évaluations approximatives.
6 J’emploie ici une expression neutre. Je traduis ailleurs par « ralliés ». C’est le terme qu’on
emploie généralement quand on accueille des ennemis dans son propre camp. Traduire par
« transfuges », ou par « deserters » est péjoratif. Il s’agit d’un jugement de valeur défavorable
ou méprisant. Mais ce n’est pas obligatoirement le point de vue de ceux qui les accueillent. En
fait, les mots perfugae, perfugium, perfugere sont loin d’avoir toujours une connotation péjora-
tive. Perfugere du camp de Pompée pour celui de César ne saurait être, pour ce dernier, un acte
méprisable (Caesar, B.C., 3, 61), tandis que le perfugium bonorum de Cicéron est « un refuge
(pour les) gens de bien (Fam., 12, 6, 2).
Ces peuples libres d’Afrique sont nommés dans l’article qui récapitule,
à la ligne 79-80, les catégories de terre introduites par la préposition extra :
l. 79-80 EXTRAQVE EVM AGRVM, QVEI INTRA FIN<e>S POPVLORVM
LEBEIRORVM VTICENSIVM H[adrumetinorum T]AMPSATINORVM
LEPTITANORVM AQVILLITANORVM VZALITANORVM TEV<d>A-
LENSIVM, QVOM IN AMEICITIAM POPVLI ROMANI PROXSVMVM
[bellum manserunt, est eritue ; extraque eum agrum locum, quei ager locus eis
hominibus, quei ad imperatorem populi romanei bello Poenicio proxsumo ex
hostibus perfugerunt, (..49..) datus adsignatusue est de s(enati)] S(ententia)7.
l. 79-80 « En dehors de la terre qui est et sera à l’intérieur des limites
territoriales des peuples libres d’Utique, d’H[adrumète, de Th]apsus, de
Leptis, d’Acholla, d’Uzali, de Theudalis, telles qu’étaient ces limites quand ces
peuples demeurèrent lors de la dernière guerre punique dans l’amitié du
peuple romain ; et en dehors de la terre ou pièce de terre qui a été donnée et
assignée par décision du Sénat à ces hommes qui, lors de la récente guerre
punique, se sont ralliés au commandant en chef de l’armée romaine ».
Il est aussi question des terres publiques que les décemvirs chargés
d’appliquer la lex Livia avaient remis aux Uticéens à la ligne 818.
l. 81 extraque] EVM AGRVM LOCVM QVEM XVIREI QVEI EX [lege]
LIVIA FACTEI CREATEIVE FVERVNT VTICENSIBVS RELIQVERVNT
ADSIGNAVERVNT.
l. 81 « En dehors de] cette terre ou pièce de terre que les décemvirs qui furent
faits et créés de par la [loi] Livia ont cédée et assignée aux Uticéens ».
Rome reconnaissait ces communautés en tant que « peuples libres »,
ce qui comprend à la fois la reconnaissance d’un statut de citoyenneté et d’un
privilège de liberté. Chacune était clairement identifiée par le nom de ses
ressortissants.
Tel n’est pas le cas des transfuges. Ceux-ci ont reçu des terres. La ligne
76 montre que, dans le cas de figure de la terre vendue à Rome à des citoyens
romains, la solution était la même que pour les peuples libres. En revanche,
bien que les Romains les aient considéré comme un groupe particulier dont les
membres bénéficiaient du même traitement, ils n’ont pas reçu d’autres
dénominations que le mot « perfugae » (perfugeis, l. 76). L’hipparque Imilcon
surnommé Phaméas avait rejoint les forces romaines. Il conduisait 2200
Carthaginois suivant Appien (Libyca, 107-109), 1200 selon Diodore (XXXII,
17), quelques hommes d’après Zonaras (IX, 27, 465 c). Polybe (XXXVIII, II,
12) rapporte que nombreux furent ceux qui désertèrent à cause de la famine
pendant le siège de Carthage. Nous ne savons pas s’ils rejoignirent les forces
romaines ou s’ils trouvèrent refuge dans des fermes fortifiées ou dans des
bourgs amis. Les transfuges de Phaméas auraient été principalement établis
dans la vallée de la Catada (oued Miliane)9.
Dans cette même région, Scipion Emilien concéda des terres qui
demeurèrent dans le domaine public romain aux fils de Massinissa :
l. 81 […. Extraque eum agrum locum quem P. Cornelius imperator lib]EREIS
REGIS MASSINISSAE DEDIT HABERE FRVIVE IVSI<t>.
l. 81 « [… Et en dehors de la terre ou pièce de terre que Publius Cornelius,
commandant en chef, a donné aux fi]ls de Massinissa ; il a ordonné de l’avoir
et d’en jouir ».
Cicéron place ces terres in ora maritima, « dans la zone maritime »10.
Il est probable qu’elles correspondent à ce qui devint la cité de Thimida Regia,
entre Carthage et Cercina11. Cette cité n’est pas nommée dans la loi. Le nom
du lieu-dit – Thimida signifie « les lacs » dans la langue libyenne – devait
exister au moment de l’attribution, tandis que Regia, qui désigne une
résidence royale, a été attaché au sol attribué par Scipion. Cette donation, qui
demeure dans le cadre de la terre publique romaine, semble avoir été conçue
comme un bien indivis et d’un seul tenant. C’est du moins ce que suggère le
fait qu’il ait été ultérieurement à l’origine d’une municipe. Un autre secteur,
proche de Zama Regia, faisait partie de cette concession12.
Les alliés ont été considérés différemment : comme constituant une
communauté homogène et autonome dans le cas des populi liberi, expression
qui implique une organisation civique pleinement constituée et reconnue par
Rome ; comme un groupe anonyme récompensé sur décision du Sénat dans le
cas des perfugae ; comme un don de l’imperator à des enfants royaux sous le
régime de la possessio et de l’usufruit13.
2. Les vaincus
Le sort des Carthaginois et de bien d’autres Africains, devenus esclaves,
n’est pas évoqué et n’avait pas à l’être14.
15 Lintott (p. 265-266) traduit stipendium par « tribute », stipendiareis par « tribute-
payers ». Tributum devrait être réservé aux cités pour lesquelles il existe une redevance globale
payée à l’État romain : Ager est mensura conprehensus, cuius modus universus ciuitati est
adsignatus, sicut in Lusitani Salma<n>ticensibus aut Hispania citeriore Pala<n>tinis et in
conpleribus provinciis tributarium solum per universitatem populis est definitum : « La terre
comprise par la mesure est celle dont toute la superficie a été assignée à une cité, comme en
Lusitanie aux Salmaticenses ou en Espagne citérieure aux Palantini, et dans de nombreuses
provinces, le sol tributaire a été défini dans sa totalité pour les peuples » (Frontin, L’œuvre
gromatique, Corpus Agrimensorum Romanorum IV, texte traduit par O. Behrends et al.,
Luxembourg, 1998, p. 4-7, 7) ; « La terre mesurée par le pourtour est celle dont la superficie a
été assignée dans son ensemble à une cité, par exemple aux Salmanticenses en Lusitanie ou aux
Palantini en Espagne Citérieure ; et dans bon nombre de provinces, c’est en bloc que le sol
tributaire a été délimité pour les populations » (Frontin, dans Les arpenteurs romains, I, éd.
J.-Y. Guillaumin, Paris, 2005, I, 3, p. 149). En revanche, le stipendium est une redevance
individuelle, même quand il est question, comme dans la Péninsule ibérique, de civitates
stipendiariae ; à plus forte raison, comme ici, quand il n’est question que d’homines, les
communautés n’existant plus juridiquement
16 (publiquement à Rome).
17 Crawford (77-78, p. 136, 149, 176) n’envisage pas un échange. Il prend en compte
simplement le fait que la terre assignée aux stipendiaires ait été portée sur le cadastre. Sa
restitution ne comble que très faiblement la longue lacune. Lintott (p. 265), s’appuyant sur les
premiers éditeurs, penche pour la restitution popul]i Romani et pense qu’il n’est pas question de
citoyens romains individuels ni d’échange de terres. Tout au contraire, ma proposition se
rapproche de celles de Mommsen, de Rudorff, de Husche et de Johannsen.
18 Sur ce locus et oppidum, cf. J. Desanges, Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, livre V, 1-46,
l’Afrique du Nord, Paris, 1980, p. 217-128, 301-303.
19 Je suis tout à fait d’accord avec Lintott (p. 265) et Crawford (p. 176) quand ils écrivent
qu’on ne saurait tirer de cette clause l’idée qu’en 146, toute la terre, à part celle qui avait été
donnée aux peuples libres et aux ralliés, aurait été assignée aux stipendiaires, contrairement à ce
que pensait Hinrichs (« Die lex agraria des Jahres 111 v. Chr. », Zetschrift der Savigny-Stiftung
für Rechsgeschichte. Romanistische Abteilung, Weimar, 83, 1966, p. 297).
20 Lintott (p. 190-191), Crawford (p. 119, 147, 171) et Johannsen (p. 148-149) s’en tiennent
à ce qui demeure lisible. Le premier suggère une introduction brève à une possibilité de
compensation quand une injustice est advenue (p. 253). Mais l’introduction est d’une briéveté
toute relative : il y a 226 lettres qui manquent avant …]do ei ceiui Romani, et 106 après modu[m
agri loci (Johannsen, p. 148). Rudorff, Mommsen et Husche proposent des restitutions qui
conduisent à une compensation après déclaration (dans un cadre d’ager privatus vectigalisque,
cf. Johannsen, p. 310).
Si le statut des colons et des inscrits n’est pas clair dans ce qui reste de la
loi, en revanche, un passage permet, à mon avis24, de se décider pour la
citoyenneté romaine des deux catégories qui bénéficiaient de la donation-
assignation :
l. 61-62 [… (172) … IIVIR QVEI [ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, de eo agro
quem ex lege Rubria quae fuit a IIIuiris coloniae deducendae colono eiue quei in
colonei numero scriptus est, dari oportuit licuitue ut eorum ex iu]RE ROMA[no
siet, quod eius agri locei colono eiue quei in colonei numero scriptus est d]ATVS
AD[signatus fuerit quod eius agri non abalienatum quodque eius] AGRI EX
H. L. ADIOVDICARI LICEBIT, QVOD ITA COMPERIETVR, ID EI
HEREDEIVE EIVS ADSIGNAT{O}<um> ESSE IVDICATO [… (33) …].
l. 61-62 « […. (172) … En ce qui concerne la terre que les triumvirs avaient
l’ordre et la faculté de donner et assigner, en vertu de la loi Rubria abrogée,
aux colons ou aux inscrits comme colons de telle manière qu’elle leur
appartienne] selon le droit romain [pour la part qui a été donnée et assignée à
un colon ou à un inscrit comme colon, pour la part, encore, qui n’aura pas fait
l’objet d’une vente, pour la part, enfin, que le duovir], en vertu de la présente
loi, a la faculté d’adjuger ; pour tout ce qui est constaté être ainsi, que le duovir
juge que cela a été assigné au colon ou à son héritier [… (33) …] ».
Que signifie, dans le contexte, [ex iu]RE ROMA[no] ? Il y a, certes,
dans le droit romain, divers genres de propriété : le dominium ex iure
Quiritium, une propriété pérégrine, une propriété provinciale, une propriété
prétorienne25. Mais ces types sont en rapport avec la vente, qui est du
domaine du ius gentium. Ce n’est pas le cas ici : le ius Romanum dont il est
question ici s’applique à la donation-assignation de la lex Rubria. Cette
donation-assignation est un transfert de propriété qui n’est pas du domaine
24 À mon avis, puisqu’il s’agit d’une proposition originale. Les éditeurs allemands, cf.
Johannsen, p. 150) écrivent …]re Rom[…. ; Lintott, p. 192, ..]ROM (lecture incertaine de ces
lettres) ; Crawford, p. 119, +++. Pour la justification de mon interprétation, cf. les lignes qui
suivent, où je mets en relation les lignes 52-53 et 61-62.
25 A.-E. Giffard, avec la collaboration de R. Villers, Droit romain et ancien droit français
(obligations), Paris, 1967, p. 56.
du ius gentium. Il faut prendre ius Romanum dans la signification étroite qui
était originellement la sienne. La lex Rubria transférait la propriété à des
citoyens romains.
Que signifie la locution colono eiue quei in colonei numero scriptus est
(ligne 45), qu’on rencontre plusieurs fois dans la partie africaine ? A. Lintott
pense que la phrase se réfère à une personne qui, absente de la liste originelle,
avait été incorporée dans la colonie par la commission sur le lieu même, peut-
être à la place du colon originel qui ne se serait pas présenté26. Th. Mommsen
avançait que ces inscrits étaient traités comme des colons, bien qu’ils n’aient
pas fait partie des colons autorisés par la loi initiale, Caius Gracchus et Fulvius
Flaccus en ayant enrôlé davantage que ce que permettait la loi (Appien, Ibid.,
I, III, 24), St. Gsell qu’ils étaient des Italiens27. A. Lintott s’oppose à l’hypo-
thèse de Mommsen en se référant à la ligne 60 qui montre clairement que
l’inscrit était considéré comme ayant des droits suivant la loi et non
simplement de facto. La phrase est la suivante :
l. 60 NEIVE VNIVS HOMINVS [nomine, cum IIIuir coloniae deducendae
ex lege Rubria quae fuit … (106) … colono eiue quei in colonei numero]
SCRIPTVS EST AGRVM QVEI IN AFRICA EST, AGRVM DARE
OPORT{EB}<u>IT28 LICVITVE, AMPLIVS IVG(era) [ … data adsignata
fuise iudicato].
l. 60 « Il devra juger qu’aucune] superficie supérieure à 200 jugères n’[a été
donnée et assignée au nom] d’un seul individu, [au moment où le triumvir
déducteur de la colonie en vertu de la loi Rubria abrogée,] a eu ordre et licence
de donner [au colon ou] à l’inscrit [comme colon] la terre située en Afrique ».
31 Ch. Saumagne (« Sur la loi agraire de 643/111, essai de restitution des lignes 19 et 20 »,
Revue de Philologie, 1927 = Ibid., dans « Essai d’histoire sociale et politique relative à la
province romaine d’Afrique », Les Cahiers de Tunisie, 1962, t. X, Tunis, p. 233) a relevé la
phrase, de prime abord surprenante, du clarissime cirtéen Marcus Cornelius Fronton :
Gracchus … Carthaginem uiritim diuidebat.
32 On s’est parfois demandé ce que faisaient ces soldats dans une loi consacrée à des civils.
En réalité, rien n’empêchait des militaires d’acheter des terres. Quant à la présence de corps
auxiliaires, elle est du domaine de l’évidence : selon Orose, 30.000 soldats de l’armée romaine
tenaient garnison à Utique (Aduersus paganos, V, 11).
33 Dans les lignes qui suivent, je restitue socius avant Latinus, conformément à la tradition
écrite.
34 Crawford (p. 119) restitue I(anuarias).
36 Ici était exprimé, ou sous-entendu, le fait qu’il était question de la même catégorie de
terres, dans l’hypothèse où le colon l’aurait aliénée.
37 Il s’agit d’une fiction juridique. L’acheteur se trouve assimilé au colon originel.
soit privée et redevable du vectigal, ainsi qu’il a été écrit plus haut dans la
présente loi ».
En revanche, l’allié ou le Latin est traité de la même manière que le
citoyen romain pour ce qui est du vectigal, des decumae et de la scriptura dus
au Peuple romain ou au publicain pour la possession et la jouissance du
domaine public. Il ne s’agit plus, en effet, des terres qui avaient été destinées à
des colons citoyens romains, mais de l’ager publicus constitué par ce qui
appartenait aux cités détruites ou à leurs habitants.
l. 83 [Quei populi leiberi, queive perfuga, queive socium nominisue Latini quibus
ex formula togatorum milites in terra Italia inperare solent, agrum publicum in
Africa possidebit frueturue, is pro eo agro uectigal decumas] SCRIPTVRAM
POPVLO AUT PVBLICANO ITEM DARE DEBETO, VTEI PRO EO
AGRO LOCO, QVEM AGRVM LOCVM POPVLVS [Romanus ex h. l.
locabit, que]M AGRVM LOCVM CEIVIS ROMANVS EX H. L.
POSSIDEBIT, DARE OPORTEBIT.
l. 83 « [… (193) … Considérant la terre ou pièce de terre à partir de cette terre
ou pièce de terre qu’un ressortissant d’un peuple libre38, ou un rallié, ou d’un
membre des alliés ou du nom Latin desquels ils ont coutume d’exiger des
soldats en application du traité d’alliance, possédera et dont il jouit, il sera
tenu de payer le vectigal, la dîme] et le droit de pâture, pour cette terre ou
pièce de terre, au Peuple ou au publicain dans les mêmes termes qu’un citoyen
romain est dans l’obligation de les payer pour cette terre ou pièce de terre que
le peuple romain afferme et qu’un citoyen possède de par cette loi ».
M’appuyant sur la restitution à Mommsen, j’introduis la mention du
perfuga. Sur le plan de la forme, il n’y a aucune raison de changer les mots et
les locutions utilisées. Sur le fond, il n’y a aucune raison d’exclure des
locataires de la terre publique ceux qui sont sur le sol africain dans la capacité
38 Mommsen restitue « populus leiber ». Les terres d’un tel peuple sont privées pour les
Romains. Mais il s’agit ici de terres publiques romaines. Deux possibilités existent : ou bien le
populus leiber loue des terres romaines, ou bien c’est un citoyen du peuple libre qui le fait. Les
deux sont possibles, ce qui rend compte de la possibilité du génitif.
6. Des individus
Le citoyen romain, le Latin, l’allié sont toujours considérés comme des
individus relevant d’un statut qui engendre certaines possibilités ou certaines
obligations. Par exemple, celui qui détenait une terre en vertu de la loi Rubria
abrogée était considéré comme un individu pendant la période qui s’étendait
de la décision provisoire du duovir suivant laquelle il la « posséderait et en
jouirait » à la décision finale de reconnaissance ou non de propriété ou de la
possession (l. 51-52) :
l. 51 QVEI AG[er locus in Africa est, quod eius agri locei queicumque ex lege
Rubria quae fuit,]
l. 52 [habebit possidebit fruiturue cum IIuir ex h(ac) l(ege) creatus erit, is id
habeat poss]IDEAT FRVATVR ITEM, VTEI SEI IS AGER LOCVS
PVBLI[ice Romae uenditus erit, usque eo quoad is IIuir de unoquoque in summa
ioudicauerit].
l. 51-52 « En ce qui concerne la terre et pièce de terre qui est dans l’Africa,
pour la part de cette terre qu’un individu en aurait ou posséderait et dont il
jouirait en vertu de la loi Rubria abrogée, au moment où le duovir aurait été
créé par la présente loi, que cet individu l’ait, la possède et en jouisse comme si
cette terre et pièce de terre [avait été vendue] publiquement [à Rome, jusqu’à
ce que le duovir prenne une décision définitive pour chacun] ».
Cette situation purement individuelle est la seule qu’on découvre dans
le texte. Le singulier est d’ailleurs employé le plus souvent.
Le substantif homo, qu’il soit employé au singulier ou au pluriel, par le
caractère de généralité qu’il revêt, marque tout autant l’absence de toute
association qui pourrait défendre collectivement des droits :
l. 58 IIVIR Q[uei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, in … diebus proxsumeis
quibus factus creatusue erit, de agris locis quos ex h(ac) l(ege) datus adsignatus
esse fuiseue iudicare oportebit, rationem initio, et numerum conputatio
nominaque inscribito hominum quos ex lege Rubria quae fuit a IIIuiris coloniae
deducendae in coloniam coloniasue deduci oportuit licuitue].
l. 58 « [Le duovir créé par la présente loi, dans les … jours qui suivront sa
création, sera tenu : en ce qui concerne les terres ou pièces de terre qu’il est
appelé à déclarer par jugement être et avoir été assignées, d’en organiser le
règlement ; en ce qui concerne le nombre et les noms des hommes dont la loi
Rubria abrogée ordonnait ou autorisait la déduction par les triumvirs, d’en
faire le compte et d’en dresser la liste] ».
l. 59 [et de] EIS AGREIS ITA RATIONEM INIT{I}O, ITAQVE H[ominum
numerum computato, utei … nei unius] HOMINI[s nomine, ……. non iudicato]
ET, NEIVE VNIVS HOMINIS NOMINE, QVOI EX LEGE RVBRIA QVAE
FVIT, COLONO EIVE QVEI [in colonei numero scriptus est, IIIuir
deducendae coloniae iugera dederit adsignauerit, iugera extra eum agrum quem
IIIuir coloniae
l. 60 deducendae dare oportuit licuitue, data adsign]ATA FUISE IVDICATO.
l. 59 « Ce règlement touchant les terres, [et ce recensement des] h[ommes],
devront être organisés [et réalisés] selon les directives suivantes : [1. il ne
devra pas juger …. au nom] d’un homme39 [……. ) ; 2. il devra juger que tout
jugère donné assigné par les triumvirs] au nom d’un homme qui est colon ou
inscrit comme colon en vertu de la loi Rubria abrogée, [s’il a été donné hors de
cette terre que le triumvir »
l. 60 « chargé de fonder la colonie avait l’ordre ou la faculté de donner], n’a
été, [ni donné], ni assigné ».
l. 60 NEIVE VNIVS HOMINIS [nomine, cum IIIuir coloniae deducendae ex
lege Rubria quae fuit … (106) … colono eiue quei in colonei numero] SCRIPTVS
EST AGRVM QVEI IN AFRICA EST, DARE OPORTVIT LICVITVE,
AMPLIVS IVG(era) CC IN […]
l. 61 data adsignata fuise iudicato neiue maiorem numerum hominum in
coloniam coloniasue deductum esse fuis]EVE IVDICATO QVAM QVANTVM
NVMERVM [ex lege Rubria quae fuit …. (106) … a IIIuiris coloniae
dedu]CENDAE IN AFRICA HOMINVM IN COLONIAM COLONIASVE
DEDVCI OPORT{EB}<uit> LICVITVE (… 38 ….).
l. 60 « [Il devra juger qu’aucune] superficie supérieure à 200 jugères n’[a été
donnée et assignée au nom] d’un seul individu, [au moment où le triumvir
déducteur de la colonie en vertu de la loi Rubria abrogée,] a eu ordre et licence
de donner [au colon ou] à l’inscrit [comme colon] la terre située en Afrique ».
l. 61 « [Il devra] juger que n’a pas été [déduit dans le ou les colonies] un
nombre supérieur au nombre [que, en vertu de la loi Rubria abrogée,] il était
prescrit et permis [aux triumvirs ] déducteurs de la colonie, de déduire dans la
ou les colonies (… 38….) ».
7. Les societates
Un type de société est implicitement attesté à la ligne 73, bien
qu’apparaisse seulement le mot publicanus. La societas est un groupement de
39 Le formulaire était très probablement le même dans les deux cas, d’où ma proposition de
restituer HOMINI[s nomine…]. D’autres restitutions de ces lignes ont été présentées. Elles ne
contredisent pas mon propos, qui est de montrer que le passage n’envisage que des individus.
personnes privées qui ne constituent pas une personne morale40. Les publicani
avaient formé, à partir des guerres puniques, des sociétés d’industrie pour la
fourniture des armées et pour percevoir l’impôt à ferme (Tite-Live, 23,
48-49). Ce type était nommé societas quaestus, qui correspond à la société
d’industrie du Code civil (art. 1842)41. Le publicain peut percevoir l’impôt de
la terre privée et vectigalienne.
l. 73 [… 235 Quei agrum locum publicum populi Romanei in Africa emit
emeritue, quei ager locus ex h. l. priuatus uectigalisque factus erit, pro quo agro
loco pequniam populo aut publicano dare debebit, sei – in (x) diebus post eid.
Mart. quae, posteaquam uectigalia consistent, primae erunt, ea pequnia quam
populo debebit pro eo agro loco quei uenieit] VENIERIT, SOLVTA NON
ERIT, IS PRO EO AGRO LOCO IN DIEBVS CXX PROXSVMEIS EA[rum
dierum uectigalium] QVAE S(upra) S(cripta) S(unt), ARB(itratu) PR(aetoris)
QVEI INTER CIVES TVM ROMAE IOVS DEICET, SATIS SVPSIGNATO
(vacat)
PR(aetor) QVEI INTER CIVES ROMAE IOVS DEI[cet … (14) ..]
l. 74 [… (235) … sei] PRAEDIVM ANTE EA OB EVM AGRVM LOCVM IN
PVBLICO OBLIGATVM ERIT IN PVBLICV[mue praes datus eri]T,
AGRVM LOCVM, QVO PRO AGRO LOCO SATIS EX H. L. ARB(itratu)
PR(aetoris) SVBSIGNATVM NON ERIT, PEQVNIA PRAESENTI
VENDITO (… 14 …)].
l. 73 « [Celui qui aura acheté une terre et pièce de terre publique du peuple
romain en Afrique – terre et pièce de terre qui aura été faite privée et
vectigalienne en vertu de la présente loi –, et pour laquelle il doit payer une
somme au Peuple ou au publicain, si, dans les (x) jours qui suivront les Ides de
Mars suivant l’échéance, la somme au peuple due pour la terre ou pièce de
terre qui aura été] ou sera vendue, n’était pas payée, cet individu, pour ce
même terre et lieu, dans les 120 jours les plus proches des dates d’échéances
susdites, qu’il donne caution sous l’arbitrage du préteur qui dira alors le droit
à Rome entre citoyens ».
« Le préteur qui dit le droit à Rome entre les citoyens ... (14) ..] »
l. 74 « … sauf le cas] où un gage foncier aurait été auparavant engagé
publiquement pour ce même terrain ou [qu’un garant aurait été donné]
publiquement, mettra en vente au comptant la terre ou pièce de terre pour
laquelle il n’aurait pas été suffisamment souscrit selon l’arbitrage du
préteur ».
Conclusion
La loi admet peu de communautés : les sept peuples libres sont les seuls
qui constituent une entité civique. Les transfuges alliés de Rome n’ont d’autre
caractère collectif que le fait qu’ils aient bénéficié d’un certain nombre de
dispositions. Les fils de Massinissa ont été récompensés en tant qu’héritiers du
roi directement par Scipion Emilien. Il s’agit d’un arrangement dans un cadre
d’alliance entre Rome et une royauté. Des societates faisant commerce de
terres et des publicains s’occupant des impôts sont les seules associations repé-
rables. Elles groupent des individus sans constituer des personnes morales.
Tout le reste est strictement individuel : la colonia Iunonia Karthago
étant dissoute, la loi ne reconnaît plus que des cas individuels, traités un à un,
aussi bien pour les citoyens romains que pour les alliés et les Latins, et il en est
de même pour les stipendiaires. Il existe, certes, des listes, mais celles-ci
servent à connaître les droits, les devoirs ou les possibilités de chacun des
individus qui s’y trouve inscrits, non à permettre à des groupes de constituer
des entités reconnues, publiques ou privées.
Cette conception individualiste provient pour une grande part de la
conjoncture historique, conquête de l’Africa, annihilation de la plupart des
cités, suppression de la colonie gracchienne ; mais elle obéit aussi aux change-
ments qui se sont produits dans le droit romain dès la lex Licinia Sextia et qui
avaient servi de base à la loi agraire de Tibérius Gracchus.
III. Le droit
1 C. Nicolet, dans J. Carcopino, Autour des Gracques, études critiques, Paris, 1967, p. 338.
2 A. Lintott, Judicial and Land Reform in the Roman Republic, a new edition, with trans-
lation and commentary of the laws of Urbino, Cambridge, 1992 (2010), p. 282-286.
3 Ibid., p. 176.
4 Restitution proposée par L. de Ligt, « Studies in legal and agrarian history IV: Roman
Africa in 111 B.C. », Mnemosyne, 54, 2, 2001, p. 214. J’ ajoute « populo Romano ».
quod eius agri locei colono eiue quei in colonei numero scriptus est d]ATVS
AD[signatus fuerit quod eius agri non abalienatum quodque eius] AGRI EX
H. L. ADIOVDICARI LICEBIT, QVOD ITA COMPERIETVR, ID EI
HEREDEIVE EIVS ADSIGNAT{0}<um> ESSE IVDICATO [… (33) …].
l. 61-62 « […. (172) … En ce qui concerne la terre que les triumvirs chargés de
la fondation des colonies avaient l’ordre et la faculté de donner et assigner, en
vertu de la loi Rubria abrogée, aux colons ou aux inscrits comme colons de
telle manière qu’elle leur appartienne] selon le droit romain, [pour la part qui
a été donnée et assignée à un colon ou à un inscrit comme colon, pour la part,
encore, qui n’aura pas fait l’objet d’une vente, pour la part, enfin, que le
duovir], en vertu de la présente loi, a la faculté d’adjuger ; pour tout ce qui est
constaté être ainsi, que le duovir juge que cela a été assigné au colon ou à son
héritier [… (33) …] ».
Le rôle du duovir est important, puisqu’il règle le délicat problème des
détenteurs de lots coloniaux, qu’il s’agisse des colons originels ou de leurs
héritiers. En revanche, le duovir s’en tient nécessairement à l’application de la
loi. Il en est de même, par exemple, si le détenteur n’a pas fait une déclaration
(l. 57), si un citoyen romain a acheté un lot à un colon de la lex Rubria (l. 64).
De même, tout ce qui concerne la reconstitution de l’opération des
assignations de la lex Rubria s’impose comme un impératif catégorique :
l. 58 IIVIR Q[uei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, in … diebus proxsumeis
quibus factus creatusue erit, de agris locis quos ex h(ac) l(ege) datus adsignatus
esse fuiseue iudicare oportebit, rationem initio, et numerum conputatio
nominaque inscribito hominum quos ex lege Rubria quae fuit a IIIuiris coloniae
deducendae in coloniam coloniasue deduci oportuit licuitue].
l. 58 [Le duovir créé par la présente loi, dans les … jours qui suivront sa
création, sera tenu : – en ce qui concerne les terres et pièces de terre qu’il est
appelé à déclarer par jugement être et avoir été assignées, d’en organiser le
règlement ; – en ce qui concerne le nombre et les noms des hommes dont la
loi Rubria abrogée ordonnait ou autorisait la déduction dans la ou les colonies
par les triumvirs chargés de la fondation d’une colonie, d’en faire le compte et
d’en dresser la liste].
l. 59 [et de] EIS AGRIS ITA RATIONEM INIT{I}O, ITAQVE H[ominum
numerum computato, utei …nei unius] HOMINI[s nomine, …. non iudicato]
ET, NEIVE VNIVS HOMINIS NOMINE, QVOI EX LEGE RVBRIA QVAE
FVIT, COLONO EIVE QUEI [in colonei numero scriptus est, IIIuir
deducendae coloniae iugera dederit adsignauerit, iugera extra eum agrum quem
IIIuir coloniae
l. 60 deducendae dare oportuit licuitue, data adsign]ATA FVISE IVDICATO .
l. 59 Ce règlement touchant les terres, [et ce recensement des ] h[ommes],
devront être organisés [et réalisés] selon les directives suivantes : [ a) il ne
devra pas juger … au nom d’un homme ; b) il devra juger que tout jugère
donné assigné par les triumvirs chargés de la fondation des colonies] au nom
d’un homme qui est colon ou inscrit comme colon en vertu de la loi Rubria
abrogée, [s’il a été donné hors de cette terre que le triumvir
l. 60 chargé de fonder la colonie avait l’ordre ou la faculté de donner], n’a été,
[ni donné], ni assigné.
l. 60 NEIVE VNIVS HOMINVS [nomine, cum IIIuir coloniae deducendae
ex lege Rubria quae fuit … (106) … colono eiue quei in colonei
nu]MERO SCRIPTVS EST AGRVM QVEI IN AFRICA EST, DARE
OPORTE{BIT}<uit> LICVITVE, AMPLIVS IVG(era) CC IN […]
l. 61 [… data adsignata fuise iudicato neiue maiorem numerum hominum in
coloniam coloniasue deductum esse fuis]EVE IVDICATO QVAM QVANTVM
NVMERVM [ex lege Rubria quae fuit …. (106) … a IIIuiris coloniae
dedu]CENDAE IN AFRICA HOMINVM IN COLONIAM COLONIASVE
DEDVCI OPORTVIT LICVITVE (… 38 ….).
l. 60 [c) il devra juger qu’aucune] superficie supérieure à 200 jugères n’[a été
donnée et assignée au nom] d’un seul individu, [au moment où le triumvir
déducteur de la colonie en vertu de la loi Rubria abrogée,] a eu ordre et licence
de donner [au colon ou] à l’inscrit [comme colon] la terre située en Afrique ;
l. 61 d) [il devra] juger que n’a pas été [déduit dans la ou les colonies] un
nombre supérieur au nombre [que, en vertu de la loi Rubria abrogée,] il était
prescrit et permis [aux triumvirs] déducteurs de la colonie, de déduire dans la
ou ou les colonies (… 38….).
Il en est de même dans le cas d’une fausse déclaration :
l. 90 [(.. 210 ..) IIuir, quei h. l. factus creatusue erit, sei apud eum is, quoi ager in
Africa adsignatus est, quem a]GRVM IN EO NVMERO AGRI PROFESSVS
ERIT, QVO IN NVMERO EVM AGRVM, QVEM IS, QVOI ADSIGNA[tus
est, professus erit, profiteri non oportuerit, eum agrum ei nei dato] NEIVE
REDDITO NEIVE ADIVDICATO9.
l. 90 « Le duovir, qui aura été désigné et créé en application de la présente loi,
dans le cas où un individu, auquel a été assignée une terre en Afrique, aura
déclaré cette terre dans une catégorie de terre dans laquelle la terre déclarée
par l’individu auquel elle était assignée n’aurait pas dû être déclarée, ne devra
pas lui donner ni donner en échange une terre, ni adjuger cette terre ».
En revanche, dans un certain nombre de cas, le duovir est autorisé à
choisir telle ou telle solution. C’est ainsi qu’il peut donner en compensation
une terre à un citoyen romain qu’il n’a pas jugé détenir à bon droit le bien
déclaré :
l. 58 [… (170) … quantum modum eius agri locei, quam IIuir ita neiue emptum
neiue adsignatum esse fuiseue iudicauerit, utei in h(ac) l(ege) est, ceiuis
Romanus, quei colonus est inue colonei numero scriptus est, edicto IIuir(ei)
professus ex h(ac) l(ege) non erit : – quantum modum ceiuis Romanus professus
non erit, quei bonorum emptor magister curatorue eorumue emptor erit ex edicto
magistratus de agro publico proscribendo uenden]DO, EI CEIVI ROMANO
TANTVNDEM MODVM [agrei locei ….. is IIuir … pro eo agro loco, de agro
loco] QVEI AGER PVBLICVS PVBLICE NON VENIET, DARE REDDERE,
COMMVTAREVE LICETO.
l. 55 [Item : utei, sei magistratus agrum locum quei colono eiue quei in colonei
nu]MERO SCRIPTVS EST [… (57) …]
l. 56 [… (179) … ] DATVS ADSIGNATVS EST, QVODVE EIVS[dem] AG[ri
locei ex edicto possideri proscribi uenerique iusserit, idque bonorum emptor
emerit, is bonorum emptor id profiteatur ; uel, sei magister creatus erit ad agrum
locum uendendum, utei is magister id profiteatur ; uel, sei agro loco curator
constitutus erit] VTEI CVRATOR EIVS PROFITEATVR. ITEM VT[ei ….,
sei magistratus … eum agrum locum ex edicto possideri proscribi ueneri iusserit,
quod eius agri uenditum erit ex e]DICTO, VTEI IS QVEI AB BONORVM
l. 57 EMPTORE MAGISTRO CVRATO[reue emerit, id apud IIuirum
profiteatur].
[Sei quis quid eius agri locei edicto IIuiri ex h(ac) l(ege) profiteri oporteri]T,
QVOD EDICTO IIVIR(ei) PROFESSVS EX H. L. N[on erit … (177)
…IIuir(ei) eum agrum lo]CVM NEIVE EMPTVM NEIVE ADSIGNATVM
ESSE NEIVE FVISE IVDICATO [… (56) …].
l. 55-56 : « [De même que, si un magistrat avait ordonné par son édit la mise
en possession ou la mise en vente publique ou la vente publique de la terre ou
pièce de terre] qui est donnée et assignée [à un colon ou à un inscrit comme
colon, et qu’un acheteur de biens ait été l’acheteur, que cet acheteur de biens
fasse la déclaration de la partie achetée ; ou bien, si un gestionnaire a été
nommé en vue de la vente de la terre ou pièce de terre, que ce gestionnaire
fasse la déclaration ; ou bien, si un curateur a été constitué pour cette terre ou
pièce de terre,] que son curateur fasse la déclaration ».
« De même : [si …. (ou) si un magistrat a prescrit par un édit qu’une terre ou
pièce de terre soit mise en vente et soit vendue, qui, pour la partie ainsi
vendue en vertu] de l’édit, celui qui l’a [achetée] de l’acheteur de biens »,
l. 57 du gestionnaire ou du curateur, [en fasse la déclaration auprès du
duovir] ».
Cette mise en vente publique est implicitement considérée comme
régulière, comme on le constate en lisant la suite :
l. 58 [… (170) quantum modum eius agri locei, quam IIuir ita neiue emptum
neiue adsignatum esse fuiseue iudicauerit, utei in h(ac) l(ege) est, ceiuis
Romanus, quei colonus est inue colonei numero scriptus est, edicto IIuir(ei)
professus ex h(ac) l(ege) non erit ; quantum modum ceiuis Romanus professus
non erit, quei bonorum emptor magister curatorue eorumue emptor erit ex
edicto magistratus de agro publice proscribendo venden]DO, EI CEIVI
ROMANO TANTVNDEM MODV[m agri loci ….. is IIuir … pro eo agro loco,
de agro loco] QVEI AGER PVBLICE NON VENIEIT, DARE REDDERE,
COMMVTAREVE LICETO.
l. 58 [… (170) … En ce qui concerne la superficie de la terre ou pièce de terre
que le duovir aurait jugé, conformément à la présente loi, n’avoir été ni
achetée ni assignée, (si c’est) un citoyen romain, colon ou inscrit, qui n’en a
point fait la déclaration ; de même pour la superficie que n’aurait pas déclarée
un citoyen romain, acheteur de biens, gestionnaire ou curateur, ou acheteur
de l’un d’eux en vertu d’un édit du magistrat ordonnant] la vente (publique), à
ce citoyen romain, [le duovir] aura la faculté de donner, de restituer, de céder
[en échange de cette terre et pièce de terre], une superficie équivalente
prélevée sur la partie de la terre publique qui n’aura pas fait l’objet d’une vente
publique (à Rome) ».
L’État a vendu des terres qui étaient destinées à des colons. Cela n’a pu
être fait qu’après l’abrogation de la lex Rubria. Ceci éclaire, à mon avis, le rôle
des triumvirs agraires après la dissolution de la colonie. Les commissaires et
les géomètres ont continué à délimiter des lots, non pour faire des assigna-
tions uiritim, mais pour les vendre publiquement à des particuliers. Il n’était
pas question, en effet, de continuer à attribuer des centuries puisque le
nombre de colons prévu par la loi de fondation avait déjà été dépassé, ce que
la nouvelle loi a refusé d’entériner (l. 60). Quant aux assignations individu-
elles, elles le sont devenues ipso facto quand la colonie a été dissoute.
La ligne 65 rend compte de la confusion qui a suivi les assassinats de
Caius Gracchus et de Marcus Flavius Flaccus en 121 :
l. 65 [Quei item IIuir, sei is] AGER LOCVS EI EMPTVS FVERIT PVBLICE
VENIEIT, TANTVNDEM MODVM AGRI LOCEI DE EO AGRO, QVEI
AGER LO[cus publicus populi Romanei in Africa est … ei quei ita emptum
habuerit, eo loco agro quei Romae publice uenieit, commutato].
l. 65 « [De même, si cette] terre et pièce de terre ainsi achetée avait été
vendue publiquement, que le duovir donne à cet acheteur une superficie
équivalente de terre et pièce de terre prélevée sur la terre publique du Peuple
Romain en Afrique ».
Des terres de colons, vendues par ces derniers à titre privé, avaient été
vendues à Rome publiquement par un magistrat romain !
Plus ancienne que la lex Rubria, la lex Livia avait été imposée à une
certaine catégorie de vaincus aux lendemains de la destruction de Carthage en
146. Compte tenu de ce qui ressort de la loi agraire et de ce que nous savons
par ailleurs, les anciens propriétaires de terres étaient devenus des tenanciers
du domaine public. Ils devaient payer un impôt, le stipendium. Celui-ci portait
sur des individus, les cités et autres entités politiques existant avant et
pendant la guerre n’ayant plus d’existence juridique. Elles s’étaient données à
Rome, laquelle ne leur avait pas restitué l’existence. En revanche, les person-
nes avaient conservé leur liberté individuelle et avaient pu, dans une certaine
mesure, continuer à cultiver les terres quand elles n’avaient pas été vendues ;
car, dans le cas où une de ces terres avait été achetée par un citoyen romain,
c’est ce dernier qui la conserverait, et le stipendiaire devrait se contenter d’un
terrain qui lui serait donné en compensation par prélèvement sur la terre
publique.
l. 77-78 : II]VIR, QVEI EX H. L. FACTVS CREATVS ERIT, IS IN DIEBVS
CL PROXSVMEIS QVIBVS FACTVS CREATVSVE ERIT, FACITO,
QVANDO [Xviri quei ex] LEGE LIVIA FACTEI CREATEIVE SVNT
FVERVNTVE EIS HOMINIBVS AGRVM IN AFRICA DEDERVNT
ADSIGNAVERVNT QVOS STIPENDIVM [pro eo agro populo Romano
pendere oportet, utei, quod eius agri loci ceiuis Romanei publice emit, id eius
ceiuis Romanei siet ; tantumdemque modum agri, de eo agro quei publicus
cette lex Sempronia ait complété la loi de fondation coloniale, laquelle n’aurait
pas comporté de clause au sujet de l’exemption fiscale. Notons que la
proposition d’A. Lintott implique que, comme le pense O. Behrends13 et
contrairement à l’opinion de L. de Ligt14, les colons bénéficiaient d’un statut
égal à celui du quirite de l’ager Romanus.
De quelle lex Sempronia s’agit-il ? Pour Mommsen, elle n’était autre que
la loi établissant la locatio censoria pour les taxes d’Asie (Cicéron, Verr. 3.13).
A. Lintott penche pour l’idée d’un plébiscite de C. Gracchus sur la taxation –
et peut-être la vente – des terres dans l’Africa15.
Une autre loi est mentionnée à la ligne 8516 :
l. 85 [Quantum uectigal decumas scripturamue pro pecore eum quei agrum
locum aedificium in Africa possedit - - - Quei ager] LOCVS POPVLORVM
LEIBERORVM PERFVGARVM NON FVERIT, PRO EO AGRO
AEDI<f>{E}ICIO LOCOQVE E(x) L(ege) DICTA [quam L. Caecilius Cn.
Domitius cen]S(ores) AGRI AEDIFICII LOCI VECTIGALIBVSVE
PVBLICEIS FRVENDIS LOCANDEIS VENDVNDEIS LEGEM
DEIXERVNT, PVBLICANO DARE OPORTVIT.
l. 86 [tantundem post h(anc) l(egem) rogatam, quei agrum locum aedificium in
Africa possidebit --- publicano uectigal decumas scriptura]M PECORIS DARE
DEBETO, NEIVE AMPLIVS EA ALIVBEIVE ALITERVE DARE
DEBE<t>O, PEQVSQVE NE[i aliubei aliterue aliisue legibus] IN AGRO
PASCITO. (vacat) … (235).
l. 85-86 « [Quels qu’aient été le vectigal, les décimes ou la scriptura sur le
bétail] qu’il était approprié [pour une personne qui possédait une terre, une
13 O. Behrends, « Les conditions des terres dans l’Empire romain », De la terre au ciel,
paysages et cadastres antiques, Monique Clavel-Lévêque et Georges Tirologos (éd.), Besançon,
2004, II, p. 8.
14 L. de Ligt, « The problem of ager priuatus uectigalisque in the epigraphic Lex agraria »,
Epigraphica, LXIX (1-2), 2007, p. 87-98.
15 Voir le développement de Lintott, op. cit., p. 270.
16 La restitution est empruntée à Crawford, Roman statutes, p. 122.
17 Lintott, p. 282.
19 K. Johannsen, Die lex agraria des Jahres 111 v. Chr. Text und Kommentar, München,
1971, p. 166.
20 A. Lintott, op. cit., p. 279.
mettra en vente au comptant la terre et lieu pour lequel il n’aurait pas été
suffisamment souscrit selon l’arbitrage du préteur ».
l. 83 PR(aetor), QVOIVS ARB(itratu) PRO <eo> LOCO, QVEI ROMAE
PVBLICE VENIERIT, E(x) H(ac) L(ege)
l. 84 [satis supsignari oportebit praedia (.. 255 ..)].
l. 83 « Le préteur, sur l’arbitrage duquel pour cette terre et pièce de terre qui
sera vendue à Rome publiquement de par cette loi,
l. 84 [devra avoir reçu suffisamment de domaines hypothéqués comme
caution].
Le préteur a aussi assuré des ventes de terres et de possessions à Rome,
tout comme le questeur (l. 92).
l. 92 [Quei agrum possesionemue agriue possessionisue superficium habet
possidetu]E FRVITVRVE, QVEM AGRVM POSSESIONEMVE QVOIVSVE
AGRI POSSESIONISVE SVPERFICIVM Q(uaestor) PR(aetor)VE PV[blice
uendiderit .. (45).
l. 92 « [À celui qui a et possède une terre et possession ou une construction
sur la terre et possession] et qui en jouit, le questeur ou le préteur vendra cette
terre et possession.
C’est également un questeur qui était responsable du contrat liant l’État
et l’acheteur (manceps).
l. 46 [Ob emptionem uectigalis huis agri locei, m]ANCEPS PRAEVIDES
PRAEDIAQVE SOLVTI SVNTO ; EAQVE NOMINA MANCV[pum
praeuidum … (66) … quaestor,] QVEI AERARIVM PROVINCIAM
OPTINEBIT IN TABLEIS [publiceis scripta nomina mancupum habeto … (35)
…].
l. 46 « Pour l’achat du vectigal de cette terre et pièce de terre, l’]acheteur, ses
cautions et les domaines mis en gage, qu’ils soient libres de toute obligation,
et que les noms de l’acheteur ….. , que le questeur] qui détiendra le Trésor et la
Province, les [aient inscrits] sur les tablettes publiques ».
1.
43
[…
(180)
…]TVS
EST,
-‐
.
-‐
.
LO[co
…
(68)
…
ex
lege]
PL.
SC,
-‐
.
-‐
.
DEDVCEND[ae
…
rogauit
…]
Mo.
[Quem
agrum
locum
de
eo
agro
IIIuir
a(gris)
d(andis)
a(dsignandis),
ex
lege]
pl(ebeiue)
sc(ito)
quod
Rubrius
trib.
Pl.
rogauit,
sorti]TVS
EST,
DEDIT
ADSIGNAVITVE,
QVEMVE
AGRVM
LOCVM
DE
EO
AGRO
LO[co
…
IIIuir
coloniae
deducendae
ex
lege]
PLEB(eiue)
SC(ito)
QVOD
M.
BAEBIVS
-‐
.
-‐
.
DEDVCEND[ae
rogauit,
dedit
adsignauitue,
IIIuir
iure
datu]M
ADSIGNATVM
-‐
.
-‐
.
SCRIPTVM
EST.
Ca.
[Quei
ager
locus
-‐
.
-‐
.
numero]
DLi
1.
[Quei
ager
locus
in
Africa
est]
ego.
_____________________________________________________________________________________
J. Carcopino (p. 269-270) écrit qu’il restitue la ligne « 43 » (p. 269, n. 58). En fait, une partie porte sur la
ligne 44. J’ai reporté le tout à la ligne 43 dans l’apparat critique parce que la restitution ne concorde pas
avec le nombre de lettres signalées manquantes.
3. Mon point de vue, comme celui de la plupart des commentateurs, est très éloigné de celui de
M. H. Crawford (1996, p. 169) qui avançait que la section africaine ne débutait qu’à la ligne 44 et que, la
formule caractérisant l’Afrique commençant à ce moment-là, il était difficile de supposer que la lex
Baebia ait eu un rapport quelconque avec l’Afrique. J’ai restitué différemment la ligne 43 ; d’autre part, la
formule introduisant l’Africa à la ligne 44 est aussi une conjecture moderne. Je ne modifierai donc pas ma
proposition.
Pour de Ligt (2001, p. 188), la lex Baebia semble avoir contenu des règles concernant la fondation d’une
colonie. Je ne le pense pas. À mon avis, la fondation de la colonie, Carthage en l’occurrence, relevait
seulement de la lex Rubria. La lex Baebia intervient quand la colonie n’existe plus. Le titre porté par
M. Baebius, IIIuir coloniae deducendae, est simplement le titre porté par les IIIuiri à cette époque-là,
comme l’a montré Carcopino (p. 254 s.), tandis que la locution dedit adsignauerit, selon le même auteur,
désignerait les donations uiritim, en contraste avec le tirage au sort des lots ( sorti]TVS) dans le cadre
colonial de la lex Rubria (p. 269-270).
44 été inscrit dans le rôle du colon, ou à son héritier….. , le duovir, qui aura été fait et
créé en application de cette dernière loi,] jugera que cette partie de cette terre et pièce
de terre est assignée, ou l’a été, ainsi qu’il a été écrit dans cette dernière loi, à celui qui,
[parmi eux, aura fait la déclaration de cette terre et pièce de terre dans cette
catégorie]1 ».
« En dehors de cette terre et pièce de terre, laquelle est dans cette centurie [et
subsécive, qui, en application de la loi Rubria
45 abrogée, et de la loi Baebia, a été donnée et assignée à un colon ou à celui qui a été
inscrit dans le rôle du colon … si cette terre et pièce de terre n’a pas été achetée ni
vendue, ni échangée ou rendue pour une autre terre et pièce de terre, (dans ce cas)
cette terre et pièce de terre qui, d’après cette dernière loi, a été donnée et assignée au
colon ou à celui qui a été inscrit dans le rôle du colon, sera constituée en tant que terre
privée et dotée de l’immunité2 ;
_____________________________________________________________________________________
1. Les lignes 43-52 sont objectivement difficiles à cause des lacunes. Un autre problème, qui a son origine
dans l’état du texte, s’est ajouté à cette difficulté. Il est du domaine de l’historiographie. L’autorité de
Mommsen s’étant à nouveau affirmée, les propositions de ses prédécesseurs se sont trouvé occultées. Or,
le savant avait choisi prudemment de ne restituer que ce qu’il considérait comme très probable,
produisant un texte dont la signification était très fragmentaire, comme le lecteur s’en rendra compte en
se reportant à l’apparat critique. Cette façon de voir fut adoptée par la plupart des spécialistes. Certains
ont, récemment essayé d’aller un peu plus loin, telle Kirsten Johannsen, mais parfois dans le cadre de
notes qualifiées de « spéculatives », comme l’a fait Crawford (par ex., p. 169-170 pour la ligne 44).
L’essai de L. de Ligt, en revanche, renoue avec le point de vue plus optimiste de juristes antérieurs ou
contemporains de Mommsen, tels Hume ou Rudorff. J’ai reporté l’intégralité du texte de Mommsen à
cause du caractère en quelque sorte « canonique » qu’il revêt (il a été très utilisé dans les recueils de
droit romain) et parce que, comme l’ont écrit Johannsen, Crawford et de Ligt, aucun progrès significatif
n’avait été réalisé jusqu’à la restitution que propose ce dernier, laquelle repose sur la diminution du
décompte des lettres manquantes, grâce au travail de Crawford (1996, p. 118), et sur l’idée qu’il y a une
certaine concordance entre la partie africaine et les sections italienne et grecque. En revanche, je n’ai
transcrit les leçons des philologues que dans le cas où je considérais qu’ils apportaient un élément
intéressant et qu’ils faisaient l’objet d’un commentaire.
44 [scriptus est, dedit adsignauit … … …, quod eius agri locei IIvir, quei ex h. l.
factus creatusue erit, ita ei herediue eius datu]M ADSIGNATVM ESSE
FVISEVE IOVDICAVERIT, VTEI IN H. L. SC(riptum) EST, QVEI E[orum
eum agrum locum in eo numero agri professus erit].
EXTRA EVM AGRVM LOCVM, QVEI AGER LOCVS IN EA CEN[turia
supsiciuoue est, quei ex lege Rubria1
45 quae fuit, et ex lege Baebia, quei in colonei numero scriptus est, datus
adsignatus est … sei is ager locus emptus neiue uenditus non erit neiue pro agro
ager locus commutatus redditusue non erit, is ager locus, quei ex h. l. colonei eiue,
quei in colonei numero scriptus est, datus adsignatus est, priuatus inmunisque
factus erit,
1.
44
[…
(174)
…
da]TVM
ADSIGNATVM
-‐.
-‐
.
QVEI
L[…
(76)
…]
EXTRA
-‐
.
-‐
.
IN
EA
CEN[turia
supsiciuoue
…
(41)
…]
Mo.
[scriptus
est,
-‐
.
-‐
.
professus
erit],
EXTRA
EVM
LOCVM
-‐
.
-‐
.
IN
EA
CEN[turia
supciuoue
dari
adsignari
non
licuit,]
DLi
1.
_____________________________________________________________________________________
2. J’oppose l’ager priuatus immunisque du colon à l’ager priuatus uectigalisque de l’acheteur. C’est sur cette
hypothèse que repose ma restitution, laquelle s’oppose à celle, plus complète, de de Ligt qui part de l’idée
que la terre du colon payait aussi le vectigal (« The problem of ager privatus vectigalisque », Epigraphica,
69, 1-2, 2007).
La terre et pièce de terre qui est vendue à Rome publiquement à partir de cette terre
et pièce de terre1, - en dehors de [cette terre et pièce de terre, que, d’après cette loi, les
colons, ou ceux qui ont été inscrits dans le rôle du colon, en application de la présente
loi, détiennent -, il faut] ou il faudra que cette terre et pièce de terre, quelle que soit la
personne par laquelle elle a été achetée,
46 … (35), soit une terre et pièce de terre privée et redevable du vectigal ».
« Pour l’achat du vectigal de cette terre et pièce de terre, l’]acheteur2, ses cautions et
les domaines mis en gage, qu’ils soient libres de toute obligation, et que les noms de
_____________________________________________________________________________________
1. J’ai proposé de restituer à la ligne 82 une proposition établissant le caractère public de « tout le reste de
la terre » (ceterum agrum locum), mais la lacune ne permet pas d’établir une certitude. La divergence des
positions provient de raisons multiples : que signifie ager priuatus uectigalisque ? À mon point de vue, si
cette terre devient privée, elle n’en est pas moins comprise dans la propriété de l’État, comme l’indique le
fait qu’elle soit astreinte au vectigal. Le ceterum agrum locum établit une opposition. Celle-ci semble
correspondre à la catégorie introduite par extra eum agrum locum, disparate certes, mais qui a en
commun le fait de tenir compte des particularités. Peut-on admettre que cette opposition soit tranchée
et qu’il n’y ait pas une autre catégorie à considérer ? Il semble que tel soit le cas, car si la première partie
ne comprend pas que des biens-fonds relevant d’un statut spécial, ceux qui n’en font pas partie sont
définis tout de même par rapport à ceux qui sont particuliers. Si le législateur s’est donné la peine de
récapituler, lignes 79-81, tous les cas présentant une singularité, c’est pour les opposer à « tout le reste de
la terre ». Dans ce cas, l’ager priuatus uectigalisque relèverait de la catégorie introduite par la locution
ceterum agrum locum. Cela me paraît d’autant plus admissible qu’il est souvent question de la vente ou de
la location des vectigals dans cette partie (lignes 82, 85, 86, 87). Mais cela ne signifie pas pour autant que
cet ager constituerait la totalité du ceterum agrum locum. Il y est question d’autres impôts (decimae,
scriptura), et l’on sait que des terres ont été assignées plus tard, à l’époque de Marius par exemple. Or,
elles n’ont pu l’être qu’à partir de terres restées publiques. Je suis donc en désaccord avec Hinrichs (1966)
qui avançait que la loi prescrivait la vente de tout ce qui restait de l’ager publicus. Ceci est en
contradiction avec le ceterum agrum locum qui débute aux lignes 81-82. Je ne suis pas non plus Crawford
(p. 148, 179) quand il écrit que l’expression publice uenire se réfère, non point aux ventes de terre, mais à
l’affermage de la terre publique par les magistrats romains, ce qui signifierait que la terre (ou une partie
de la terre) vendue ne devenait pas ager priuatus, mais, comme l’a remarqué de Ligt (2001, p. 186-187),
avec le fait que les taxes seront payées non seulement par les propriétaires de l’ager priuatus uectigalisque,
mais par tous les futurs possessores de la terre publique affermée par les censeurs. Je suis d’accord avec lui
à ce sujet. En revanche, je doute qu’il ait raison quand il écrit que la loi ne porte jamais sur l’affermage ou
la vente d’agri ou de loci, mais sur les taxes (p. 187) parce qu’il me semble qu’il y a, malgré la similitude de
vocabulaire, une différence entre la ligne 46 qui concerne la perception du vectigal et la ligne suivante
qui est en rapport avec l’achat des terres.
ager locus eo agro loco quei Romae publice uenieit, extra] EVM AGRVM
LOCVM, QVEM EX H. L. COLONEI, EIVE QVEI IN COLONEI
NVMERO [scriptei sunt, habebunt, ex h. l. oportet] OPORTEBITVE, QVOD
EIVS AGRI LOCEI QVOIEIQVE EMPTVM EST1,
46 [… (35) … ager locus privatus vectigalisque esto .. (85) ..].
[Ob emptionem uectigalis huius agri locei, m]ANCEPS PRAEVIDES
PRAEDIAQVE SOLVTI SVNTO, EAQVE NOMINA MANCVP[is ………. ,
1.
45
[…
(169)
…
extraque]
EVM
AGRVM
-‐
.
-‐
.
NVMERO
[scriptei
sunt,
optinebunt
…
(51)
…
oportet]
OPORTEBITVE,
-‐
.
-‐
.
EMPTVM
EST,
[…
(57)
…]
Mo.
[datus
adsignatus
est,
eius
heredisue
esto
isque
ager
locus
priuatus
uectigalisque,
ita
utei
in
h.
l.
scriptum
est,
esto.]
DLi
2.
_____________________________________________________________________________________
2. Pour la plupart des commentateurs (Mommsen, 1905, p. 137-139 ; Hinrichs, 1966, p. 285 ; Johannsen,
1971, p. 297-299 ; Lintott, p. 247-248), manceps désigne l’acquéreur de la terre publique et praeuides les
garanties qu’il doit fournir avant l’acquisition. Pour Crawford (1996, p. 170), le manceps est un fermier
de taxes. De Ligt a développé ce point de vue (2001, p. 194 s.), observant que manceps se réfère
normalement à quelqu’un qui achète un droit de collecte d’un revenu public. Je suis d’accord avec cette
remarque : manceps désigne le collecteur du vectigal qui grève l’ager priuatus uectigalisque dont il vient
être question, ce qui me conduit à introduire la référence au vectigal à la ligne 46. Je suis d’accord aussi
avec l’idée de de Ligt suivant laquelle Max Weber (Die römische Agrargeschichte, Stuttgart, 1891, p. 151-
159) avait raison en écrivant que la taxe portant sur l’ager uectigalis était une somme importante, et non
symbolique comme le pensait Mommsen (1905, p. 128).
l’acheteur1 ….. , que le questeur] qui détiendra le Trésor et la Province, les [aient
inscrits] sur les tablettes publiques ».
« Concernant cette terre et pièce de terre]
47 [qui est en Afrique, en dehors de cette terre et pièce de terre, qu’ont de par cette
loi les colons ou les inscrits en tant que colons, terre et pièce de terre qu’il faut ou
faudra leur restituer, la terre et pièce de terre qu’un citoyen romain a acheté, par
prélèvement de la terre et pièce de terre, d’un magistrat ou d’un pro]magistrat
romain, que ce citoyen romain ne donne pour cette terre et pièce de terre <ni>2
argent, ni cautions3, ni [domaines en gage] »4.
_____________________________________________________________________________________
1. Le professeur Okko Behrends (2 mai 2013) m’a fait l’amitié de m’éclairer sur cette question ardue :
L’emploi du terme provient du fait que ce « qu’il prend dans la main est une garantie, donc quelque
chose d’incorporel, plus exactement la garantie qu’il reçoit d’un contrat avec l’État. Paulus Diaconus
nous a conservé l’explication (Fest., éd. Lindsay 137) : « Manceps dicitur, qui quid a populo emit (!)
conducitue (!), quia manu sublata (!) significat se auctorem emptionis esse : qui idem praes dicitur, quia tam
debet praestare populo, quod promisit, quam is, qui pro eo praes factus est ». Le symbolisme de la main est
le même qu’on trouve dans le mandatum et la promissio (promittere manum). La disposition de la loi
agraire (au début mutilée) règle la situation juridique de la terre de la province Africa vis-à-vis d’un tel
contrat. Cf. par ex. l. 48 : qui eu]m agrum locum manceps praesue factus est. La figure du manceps devient
compréhensible si l’on se rend compte du fait que les contrats de emptio uenditio et locatio, cités par
Festus, ont été d’abord fondés sur la Fides comme principe de la fidélité contractuelle et comme telle
symbolisée par la main. On sait que le prêtre de la Fides quand il s’approchait de la divinité devait avoir
les mains soigneusement voilées (pour éviter une obligation non voulue). Le manceps est par conséquent
une figure plutôt récente par rapport au praes qui est un garant très ancien. (Le praes – de prae-vas- se
distingue du vas de la manière indiquée par le préfixe : le vas se porte garant pour quelqu’un déjà obligé
par un délit et libéré du carcer grâce à l’intervention du vas, tandis que le praes se porte garant pour une
dette future, les deux dans des formes juridictionnelles très archaïques. Dans l’histoire quadripartite du
droit romain, le vas et le praes appartiennent donc à la première époque, le manceps à la seconde ».
2. Je suis la suggestion de Huschke (1841, p. 606) qui rétablissait neiue, oublié par le graveur, devant
peqvnia<m>.
3. Hinrichs (1966, p. 285) et Johannsen (1971, p. 298) donnaient la même signification à ces trois mots. En
revanche, je pense, comme Lintott (p. 248), qu’il était question de ventes valides (contra Hinrichs). Je
suis en désaccord avec la traduction de Crawford (p. 146) qui, comme le relève de Ligt (2001, p. 199),
paraît suggérer que les acheteurs d’une terre publique antérieurement à la présente loi n’auraient pas à
payer la rente (pequnia) des agri uectigales publics.
4. L’interprétation de de Ligt (2001, p. 198-211) s’oppose à celle de la plupart des autres érudits, cf. supra
p. 114 n. 2. Si manceps désigne un fermier des taxes, faut-il nécessairement lier à ce mot praes, praeuides,
praedia ? Dans la loi, telle que nous la lisons du fait des lacunes, manceps n’apparaît qu’aux lignes 46-48. En
revanche, praes est attesté à la ligne 84. Le lecteur trouvera le texte plus loin. Mais il est nécessaire d’avoir la
traduction sous les yeux : « 83 [ … (193) … Considérant la terre et pièce de terre à partir de cette terre et
1.
46
[…
(165)
…
neiue
magis]
MANCEPS
-‐
.
-‐
.
MANCVP[um
…
(75)
…
quaestor,]
QVEI
AERARIVM
-‐
.
-‐
.
IN
TABLEIS
[publiceis
scripta
habeto
…
(35
…]
Mo.
[eius
postea
abalienauit
abalienaueritue
…
(35)
…,
eius
hederisue
eius
esto
isque
ager
locus
priuatus
uectigalisque
esto,
neiue
ob
eam
rem,
quod
is
ager
locus
publice
uenieit,
m]ANCEPS
-‐
.
-‐
.
MANCVP[is
praeuidum
eorumque
quei
praedia
dederunt,
quaestor],
QVEI
AERARIVM
-‐
.
-‐
.
IN
TABLEIS
[publiceis
scripta
habeto.
Quei
ager
locus]
DLi
1.
2.
47
<neiue>
PECVNIA<m>
Hu.
_____________________________________________________________________________________
pièce de terre qu’un ressortissant d’un peuple libre, ou un rallié, ou un membre des alliés ou du nom latin
desquels ils ont coutume d’exiger des soldats en application du traité d’alliance, possédera et dont il jouit, il
sera tenu de payer le vectigal, [la dîme] et le droit de pâture, pour cette terre et pièce de terre, au Peuple ou
au publicain dans les mêmes termes qu’un citoyen romain est dans l’obligation de les payer pour cette terre
et pièce de terre que le Peuple romain afferme et qu’un citoyen possède de par cette loi. Le préteur, sur
l’arbitrage duquel pour cette terre et pièce de terre qui sera vendue à Rome publiquement de par cette loi,
l. 84 [devra avoir reçu suffisamment de domaines hypothéqués comme caution]. Il devra accepter des
domaines en gage valant trois fois la terre et pièce de terre … de la part du contractant. Si celui qui doit
cautionner est réticent à s’exécuter, et assure que des garanties suffisantes peuvent être prises de celui qui a
fourni le domaine comme gage en accord avec cette loi, [si personne ne veut s’opposer] à quiconque désire
fournir une garantie et verser la somme d’argent en application de cette loi, ni s’opposer à ce que quelqu’un
veuille servir de caution, qu’il soit possible de régler ainsi la question ». J’en conclus que, bien qu’il soit
question d’une terre qui est imposée, il s’agit de gages, d’hypothèques, de cautions en rapport avec l’achat de
la terre vendue publiquement à Rome, et non point seulement des taxes. À mon avis, le législateur envisage, à
la ligne 46, l’achat des vectigals par le manceps et, à la ligne 47, l’achat de la terre publique par un citoyen
romain. Le rapprochement entre les deux données est le fait qu’il s’agit toujours d’une terre vectigalienne,
laquelle reste publique bien qu’elle soit déclarée « privée ».
« Si des cautions ont été données, que personne, pour ce] bien pour lequel la caution
a été effectuée, n’ait d’obligation envers le Peuple ».
« [Concernant la terre et pièce de terre qui est en Afrique … (10) …]
48 [.. (160) … pour ce qui] est de cette terre et pièce de terre pour lequel l’acheteur ou
la caution a effectué l’opération et pour lequel un domaine a été gagé pour [cette terre
et lieu dans le cadre public, qu’ils soient libérés.] »
En ce qui concerne la terre et pièce de terre qui est en Afrique, qui viendra à Rome en
vente publique, [en dehors de cette terre et lieu, que les colons]
49 [ou ceux qui sont inscrits comme colons ont de par cette loi, celui qui l’aura acheté
à un magistrat ou à un promagistrat romain, …. (..) …], qu’elle soit la terre et pièce de
terre de l’acheteur, et que cette terre et pièce de terre soit une terre et pièce de terre
privée et vectigalienne, comme cela a été écrit plus haut »1.
« La terre et pièce de terre qui, de par cette loi, aura été faite privée, ce qui de cette
terre et pièce de terre est hors de la terre d’Italie, [… (35) …]2 ».
_____________________________________________________________________________________
1. Ce qui renvoie, à mon avis, à la ligne 45 et au début de la ligne 46.
2. La restitution de cette ligne très lacunaire tient compte des informations initiales. La terre située hors
d’Italie, en Afrique, comprend des terres privées qui appartiennent à deux catégories suivant qu’elles
sont ou non astreintes au paiement du vectigal. À mon avis, la ligne récapitule les données avant de
passer aux décisions concernant la déclaration et la détention provisoire des terres.
Sei praeuides datei sunt, nei quis ob eam] REM, QVOD PRAES FACTVS EST,
POPVLO OBLIGATO EST[o].
[Quei ager locus in Africa est, … (10) ..]1
48 [… (160) … , quei ob eu]M AGRVM LOCVM MANCEPS PRAESVE
FACTVS EST QVODQVE [pr]AEDIVM OB [eum agrum locum in publicum
datum est, solutei sunto.
q]VEI AGER LOCVS IN AFRICA EST, QVEI ROMAE PVBLICE [uenierit,
extra eum agrum locum, quem colonei]2
49 [eiue quei in colonei numero scriptei sunt, ex h. l. habebunt, is quei agrum
locum a mag. proue mag. Romano emerit ….…., ager locus] EIVS ESTO, ISQVE
AGER LOCVS PRIVATVS VECTIGALISQVE I[ta utei supra scriptum est,
esto3.
[.. (40) ager locus quei ex h(ac) l(ege) priuatus fac]TVS ERIT QVOD EIVS
AGRI LOCEI EXTRA TERRA ITALIA EST [.. (120) .. ]4
1.
47
[…
(168)
…
nei
qui
d]E
MAG.
ROMANO
-‐
.
-‐
.
PRAEVIDES
NEI[ue
praedia
populo
dato
…
(52)
…
neiue
de
ea
re
quis
ob
eam]
REM,
-‐
.
-‐
.
OBLIGATVS
EST[o
…
(56)
…]
Mo.
[in
Africa
est,
extra
eum
agrum
locum,
quem
ex
h.
l.
colonei,
eiue
quei
in
colonei
numero
scriptei
sunt,
habebunt,
quemue
eis
ex
h.
l.
reddi
oportet
oportebitue,
quei
ceiuis
Romanus
agrum
locum
de
eo
agro
loco
a
mag.
prou]E
MAG.
ROMANO
-‐
.
-‐
.
PRAEVIDES
NEI[ue
praedia
dato.
Sei
praeuides
datei
sunt,
nei
quis
ob
eam]
REM,
-‐
.
-‐
.
OBLIGATVS
EST[o.
Quei
ager
locus
in
Africa
est
…
(10)
…
]
DLi
1.
2.
48
[…
(167)
…
quei
ob
eu]M
AGRVM
-‐
.
-‐
.
PRAEDIVM
OB
[eam
rem
in
publico
obligatum
est
…
(77)
…
q]VEI
AGER
-‐
.
-‐
.
PVBLICE
[…
(57)
…]
Mo.
[…
(160)
…,
quei
ob
eu]M
AGRVM
-‐
.
-‐
.
PRAEDIVM
OB
[eum
agrum
locum
in
publicum
datum
est,
solutei
sunto.
Q]VEI
AGER
-‐
.
-‐
.
PVBLICE
[uenierit,
extra
eum
agrum
locum,
quem
colonei]
DLi
1.
3.
49
[…
(173)
…]
EIVS
-‐
.
-‐
.
VESTIGALISQVE
V[…
(113)
…]TVS
ERIT,
-‐
.
-‐
.
ITALIA
EST
[…
(57)
…]
Mo.
[…]IV[.]EIVS
-‐
.
-‐
.
VECTIGALISQVE
I[ta
utei
in
h.
l.
sc.
est,
esto
DLi
1.
4.
[Quei
ager
locus
ex
h.
l.
priuatus
fac]TVS
ERIT-‐
.
-‐
.
ITALIA
EST
[…]
DLi
2.
[..
(40)
..
ager
-‐
.
-‐
.
fac]TVS
ego.
50 « [.. (30) .. En ce qui concerne cette terre et pièce de terre qui est en Afrique, pour
la part de cette terre et pièce de terre d’un citoyen romain ou d’un] des alliés ou des
Latins qu’on a coutume de recruter en application du traité d’alliance en terre d’Italie,
[ils la posséderont et en jouiront au moment où le duovir aura été créé par cette loi :
que chacun l’ait et en jouisse jusqu’à ce que le duovir en décide définitivement pour
chacun] »1.
51 « [Si quelque partie de cette terre et pièce de terre fait l’objet d’une controverse, le
duovir, qui aura été fait et créé de par cette loi, lequel aura été saisi de l’affaire
concernant ce bien, dise alors le droit afin qu’il juge, ou bien qu’une sentence puisse
être prononcée immédiatement à ce propos, ou bien que la possession de cette terre et
pièce de terre] doive être qualifiée en « Cause de l’enquête sur le bien ». [Le duovir,
sur cette cause dont il a diligenté l’examen, en ce qui concerne la terre qui est en
Afrique, pour cette terre et pièce de terre en question, qu’il conduise l’examen en
toute] équité.
« En ce qui concerne la terre et pièce de terre qui est dans l’Africa, pour la part de
cette terre qu’un individu en aurait ou posséderait et dont il jouirait en vertu de la loi
Rubria abrogée,
52 au moment où le duovir aurait été créé par la présente loi, que cet individu l’ait, la
possède et en jouisse comme si cette terre et pièce de terre [avait été vendue]
publiquement [à Rome, jusqu’à ce que le duovir prenne une décision définitive pour
chacun] »2.
_____________________________________________________________________________________
1. Je fais débuter ici les dispositions de possession provisoire qui permettront de faire les déclarations et les
enquêtes.
2. La restitution de de Ligt (2007, p. 97-98) a en particulier pour but d’établir que les acheteurs privés de
lots coloniaux perdraient leurs acquisitions si ces lots avaient été vendus par l’État. Cette décision, en
effet, peut être lue aux lignes 65-66, comme l’observe le savant. Je noterai à ce propos que les lignes 65-
66, ainsi que les lignes 51-52 si l’on adopte la proposition de de Ligt, montre bien qu’il y a eu pendant une
dizaine d’années une situation anormale : l’Etat a vendu des terres coloniales qui avaient été attribuées,
puisque les colons les avaient vendues à des particuliers. Et l’État se considère comme dans son droit,
tout en admettant qu’il doive donner en compensation un lot de terre publique à l’acheteur privé
dépossédé. Revenant sur l’effort de restitution des lignes 43-52 par de Ligt, un effort à coup sûr
admirable et dont il y a beaucoup à retenir, je demeure sceptique sur le but principal qu’il s’était fixé, à
savoir de démontrer que les terres des colons étaient des agri priuati uectigalesque. Ces lots de la lex
Rubria abrogée me paraissent constituer, tout au long de la loi, une catégorie à part. Je ne comprendrais
pas pourquoi le législateur aurait pris ce soin constamment si, au bout du compte, ils étaient compris
dans les mêmes droits et devoirs que les terres vendues publiquement à Rome par l’État.
50 [.. (30) …, Quei ager locus in Africa est, quod eius agri locei ceiuei Romano
eiue sociorum nominisue Latini quibus ex formula t]OGATORVM MILITES
IN TERRA ITALIA INPERARE SOLENT, EIS PO[ssidebint fruiunturue cum
IIuir ex h. l. creatus erit, eis id habeant possideant fruanturque ; quem]VE
AGRVM LOCVM QVEICVMQVE HABEBIT POSSIDEBIT [frueturque,
usque eo quoad is IIuir de unoquoque in summa ioudicauerit]1.
51 [Sei quid de eo agro loco ambigetur, IIuir, quei ex h. l. factus creatusue erit,
quo de ea re in ious aditum erit, ita ious deicito utei, quoius is ager locus esse
paruerit, sententiam secundum eum pronuntiari iubeat eumue quoi in
possessionem eius agri locei eundi eiusu]E REI PROCVRANDAE CAUSA
ERIT. IN EVM AGRVM LOCVM IN[mittat de ea causa, IIvir, quei ex h. l.
factus creatusue erit, quei ag]ER LOCVS IN AFRICA EST, QVOD EIVS
AGRI
[.. (30) facito se sine dolo m]ALO.
QVEI AG[er locus in Africa est, quod eius agri locei queicumque ex lege Rubria
quae fuit,]2
52 [habebit possidebit fruiturue cum IIuir ex h(ac) l(ege) creatus erit, is id
habeat poss]IDEAT FRVATVR ITEM, VTEI SEI IS AGER LOCVS
PVBLI[ice Romae uenditus erit, usque eo quoad is IIuir de unoquoque in summa
ioudicauerit].
1.
50
[…
(132)
…
socium
nominisue
Latini,
quibus
ex
formula
t]OGATORVM
-‐
.
-‐
.
EIS
PO[puleis
…
(106)
…]VE
AGRVM
-‐
.
-‐
.
POSSIDEBIT
[fruetur,
…
(50)
…]
Mo.
[…
quem
agrum
locum
de
eo
agro
loco
ceiuis
Romanus
habebit
possidebit
fruetur,
queiue
ager
locus
socio
nominisue
Latini,
quibus
ex
formula
t]OGATORVM
-‐
.
-‐
.
EIS
PO[stea
quam
ceiuis
Romanei
ex
h.
l.
factus
erit,
obuenerit,
quem]VE
AGRVM
-‐
.
-‐
.
POSSIDEBIT
[fruetur
…]
DLi
2.
2.
51
[…
(165)
…
eiusu]E
REI
-‐
.
-‐
.
LOCVM
IN[mittito
…
(111)
se
dolo
m]ALO.
QVEI
-‐
.
-‐
.
AGRI
[…
(57)
…]
Mo.
[…
nei
quis
facito
…
quo
minus
quoi
eius
quod
pro
eo
agro
loco
populo
debebitur
exigendi
eiusu]E
REI
-‐
.
-‐
.
LOCVM
IN[eat
quoue
quod
ei
exigere
licebit,
id
minus
ei
soluatur
se
dolo
m]ALO.
QVEI
-‐
.
-‐
.
AGRI
[locei
publice
uenieit
uenieritue,]
DLi
2.
« [….(128) … Le duovir, qui aura été fait et créé par la présente loi], dans les deux
jours qui suivront sa nomination, devra prendre un édit ».
53 « [… (170) … Qu’aux termes de cet édit, le colon ou celui qui aura été inscrit dans
le registre du colon, auquel une terre et pièce de terre située en Afrique aura été
donnée et assignée par les triumvirs chargés de déduire la colonie en vertu de la loi
Rubria abrogée, dans les 25 jours qui suivront cet édit, fasse donc1, [auprès du duovir,
une déclaration indiquant la superficie qu’il possède et le lieu de sa situation et la part
de cette même terre ou pièce de terre] qui aura été donnée et assignée par les
triumvirs chargés de déduire la colonie en vertu de la loi Rubria abrogée ; et quand il
aura déclaré cela, qu’il soit permis de lui donner un enquêteur ».
54 « […. (174) … De même, aux termes de cet édit, celui qui aura acheté à un colon
ou à un inscrit comme colon, fasse, dans le même délai auprès du duovir la déclaration
de la quantité de terre et pièce de terre dont] il aura été acheteur de première main2
(pour l’avoir achetée) de celui de qui [la vente aura été faite à titre privé3 ; de même,
qu’aux termes de cet édit, l’acheteur déclare si la vente de la terre et pièce de terre a
été faite avant les calendes du mois de janvier, sous les consulats de M(arcus) Livius
et de L(ucius)] Calpurnius4, attendu que, après cette date, ni le colon lui-même, ni
_____________________________________________________________________________________
1. PRO[inde …]. Lintott (p. 190) : PRV ; Crawford : PR(raetor) V[tei …], p. 119. Les auteurs antérieurs ne
lisaient rien à cet endroit. Crawford a transformé la conjecture de Lintott (trois lettres accolées) en deux
lettres certaines dont il a fait PR(aetor) et une lettre séparée qui serait la première lettre de utei.
L’intervention du préteur ne se justifie pas à ce stade, qui est celui de la concession d’une possession
provisoire, sujette à une remise en cause pour les détenteurs de terre qui doivent faire une déclaration
permettant une enquête. Dans la loi, le préteur intervient dans le cadre d’un versement d’argent au
Peuple et de cautions où il est amené à « dire le droit entre les citoyens », ce qui est tout à fait dans son
rôle, ou à mettre en vente les terres en cas de saisie (l. 73, 74, 83, 92). Le commentaire que fait Lintott,
p. 250) ne correspond pas à la restitution (et à la traduction) qu’il propose p. 190 : « If the suggested
restoration on the B fragment is correct, le duumvir was to receive the co-operation of the praetor in
Rome … ». Ici, son opinion rejoint celle de Crawford.
2. H. B. Mattingly (1971, p. 281-293) pensait que la clause protégeait seulement le premier acheteur.
3. Lintott (p. 251) se prononçant pour un achat de terres par des « private citizens », s’interroge sur la
nature du bien-fonds. Il penche pour une terre achetée au Peuple romain, non pour une terre provenant
d’un colon de Junonia. Je suis en désaccord avec ce point de vue, qui ne correspond pas aux données des
lignes 63-65.
4. 112 avant J.-C. selon Lintott (p. 250), 111 selon la plupart des autres auteurs.
_____________________________________________________________________________________
1. Pour Mommsen (Ges. Schrift., I, p. 142), suivi par Mattingly (JRS 59, p. 135, 138) et Crawford (p. 171), il
est question de l’exclusion des préfets et soldats présents dans la province des bénéfices de la clause de
possession. En fait, cette exclusion n’intervient qu’à la ligne 65. Pour l’instant, le législateur s’occupe de la
possession provisoire, laquelle touche tous les détenteurs de terres. Mais le militaire doit signaler qu’il est
préfet ou soldat si tel est le cas. Si l’on examine le texte du Digeste (49, 16, 9) sur lequel s’appuyait
Mommsen, deux éléments sont à retenir. Dans le premier, qui est, en fait, celui auquel le savant se
référait, l’interdiction est nette : Milites prohibentur praedia comparare in his prouinciis, in quibus
militant. Dans le second, elle est levée s’ils ont des héritiers : Milites, si heredes extiterint, possidere ibi
praedia non prohibentur. Il est vrai qu’il semble que cette dernière phrase soit un commentaire inclus
dans le texte. Il reste que la ligne 65 montre que la possession n’est remise en cause que dans le cas où la
même terre aurait fait l’objet d’une vente publique et que, dans ce cas, le militaire ou le préfet reçoit un
lot de terre publique en compensation. Il est possible que le texte du Digeste concerne des dispositions
beaucoup plus tardives, comme le suggère le texte où il est question de l’administration impériale. Pour
en revenir à la présente loi, les préfets et soldats sont, dans le traitement de leur cas, dans la même
situation que les alliés italiens et que les Latins. Rudorff (1839, p. 108) et Huschke (1839, p. 607) avaient
compris le passage différemment. À leur point de vue, loin d’être exclus, les préfets et soldats auraient
bénéficié d’un traitement particulier du fait de leur absence, étant ailleurs en service commandé.
Hinrichs (1966, p. 286) avançait que prouincia n’avait pas une signification territoriale. Johannsen
(p. 307) lui a opposé plusieurs occurrences, parmi lesquelles l’une d’elles, en rapport avec Ti. Gracchus,
est particulièrement éclairante : Imperio auspicioque legio exercitusque populi Romani Sardiniam subegit.
In ea prouincia hostium caesa aut capta supra octoginta milia (Tab. Triump. Ti. Sempr. Gracchi 1-4).
2. Pour la vente de biens après missio in bona, un curator agit au nom d’un défendeur, un magister bonorum
au nom de ceux dans l’intérêt desquels l’exécution doit être faite, cf. Crawford, p. 171. Pour Lintott
(p. 252), dont je reprends ci-après les conclusions, il est ici question des déclarations d’une terre qui a été
1.
55
[-‐
-‐
-‐
p]RAEFECTVS
MILESVE
IN
PROVINCIAM
ER[it
-‐
-‐
-‐
quei
ager
locus
in
Africa
est,
quei
ex
lege
Rubria,
quae
fuit,
colono
eiue,
quei
in
colonei
nu]MERO
SCRIPT(us)
EST,
DATVS
ADSIGNATVS
EST,
QVODVE
EIVS
ag[ri
-‐
-‐
-‐]
Cr.
2.
56
[-‐
-‐
-‐
u]TEI
CVRATOR
EIVS
PROFITEATVR,
ITEM
VTE[i
-‐
-‐
-‐]O
EDICITO
VTEI
IS,
QVEI
AB
BONORVM
EMPTORE
MAGISTRO
CVRATOR[eue
emerit
-‐
-‐
-‐]
Cr.
_____________________________________________________________________________________
saisie par des créanciers et qui, ou bien attend d’être vendue à leur bénéfice ou l’a déjà été. Le curator,
comme Mommsen l’a montré, doit ici être étroitement associé avec l’emptor et le magister bonorum. Il
sera le curateur désigné par les créanciers d’un débiteur insolvable, après qu’ils auront obtenu le recours
en missio in possessionem (Dig., 27, 10, 5 et 9, 47, 7, 2), autorisation formelle que donnait le préteur pour
prendre possession d’une propriété permettant, dans le cas d’une dette, sa vente au profit des créanciers.
Le magister bonorum, quant à lui, avait pour rôle de vendre le produit de la saisie (uenditio bonorum) à
celui (emptor bonorum) qui permettrait aux créanciers d’obtenir le maximum de dédommagement. Le
curator était, ou bien un administrateur temporaire avant la vente aux enchères, ou bien quelqu’un dont
la fonction consistait à disposer de la propriété de débiteurs socialement élevés, quand il y avait
suffisamment de quoi satisfaire les créanciers, afin d’éviter l’infamia d’une vente aux enchères.
57 « [Si quelqu’un, tenu de faire sa déclaration pour une terre et pièce de terre,] ne
faisait pas sa déclaration conformément à l’édit rendu par le duovir1 en vertu de la
présente loi, [que le duovir] juge que la terre et pièce de terre n’est pas et n’a pas été
achetée par lui, et ne lui est ni ne lui a pas été assignée [… (56) .. .]2 ».
58 « [… (170) … En ce qui concerne la superficie de la terre et pièce de terre que le
duovir aurait jugé, conformément à la présente loi, n’avoir été ni achetée ni assignée,
(si c’est) un citoyen romain, colon ou inscrit, qui n’en a point fait la déclaration ; de
même pour la superficie que n’aurait pas déclarée un citoyen romain, acheteur de
biens, gestionnaire ou curateur, ou acheteur de l’un d’eux en vertu d’un édit du
magistrat ordonnant] la vente (publique), à ce citoyen romain, [le duovir] aura la
faculté de donner, de restituer, de céder [en échange de cette terre et pièce de terre],
une superficie équivalente prélevée sur la partie de la terre publique qui n’aura pas fait
l’objet d’une vente publique (à Rome) »3.
« [Le duovir créé par la présente loi, dans les … jours qui suivront sa création, sera
tenu : - en ce qui concerne les terres et pièces de terre qu’il est appelé à déclarer par
jugement être et avoir été assignées, d’en organiser le règlement ; - en ce qui concerne
le nombre et les noms des hommes dont la loi Rubria abrogée ordonnait ou autorisait
la déduction dans la ou les colonies par les triumvirs chargés de la fondation des
colonies de déduire la ou les colonies, d’en faire le compte et d’en dresser la liste] »4.
_____________________________________________________________________________________
1. C’est la premier mention conservée du duovir. Celui-ci est écrit toujours au singulier. Je m’en tiens donc
à l’idée exprimée par plusieurs auteurs, suivant laquelle il y aurait eu un duovir pour l’Afrique et un pour
l’Asie, malgré les doutes de Johannsen (« Das Argument Mommsens, daß durchgehend nur die Singular-
form « IIvir » gebraucht werde, und deshalb die beiden Amtsträger nicht die gleichen Aufgaben zu
verrichten scheinen, is nicht überzeugend », p. 305), qui s’appuie sur le fait que chaque triumvir agissait
à son tour dans le collège des IIIuiri agris dandis adsignandis (p. 305). Lintott (p. 250) a le même
sentiment. L’argument me paraît avoir peu de portée parce que la mention des triumvirs a disparu dans
la loi, sauf à la ligne 43 où le singulier est employé parce que c’est le titre de M. Baebius. Que chacun
d’entre eux ait agi seul est une brillante démonstration de Carcopino qui n’a pas de rapport avec ce qui
était écrit dans la loi et qui n’a pas empêché le lapicide d’inscrire les noms des trois commissaires sur
l’inscription de La Malga (CIL VIII, 12535).
2. Lintott (p. 252) ajoute que le fait que le duovir ne puisse pas juridiquement confirmer la vente ou
l’assignation de la terre quand il n’y a pas eu de déclaration ne signifie pas nécessairement que la terre
soit confisquée, mais que son détenteur ne pouvait être confirmé dans sa propriété qu’après une enquête
juridique ultérieure ; cf. pourtant la ligne 58 et la note suivante.
3. Crawford (p. 171) juge que les circonstances de l’octroi d’une terre, sa restitution ou son échange fait à
un citoyen romain doivent rester obscures. Il conjecture toutefois que l’origine de ces actes, qui ne
concerne que les citoyens romains, puisse se trouver dans la terre donnée et assignée par la lex Rubria,
quand la déclaration prévue par la clause précédente avait été faite et ne posait pas problème, nisei
57 [Sei quis quid eius agri locei edicto IIuiri ex h(ac) l(ege) profiteri oporteri]T,
QVOD EDICTO IIVIR(ei) PROFESSVS EX H. L. N[on erit … (177)
…IIuir(ei) eum agrum lo]CVM NEIVE EMPTVM NEIVE ADSIGNATVM
ESSE NEIVE FVISE IVDICATO [… (56) …]1.
58 [… (170) quantum modum eius agri locei, quam IIuir ita neiue emptum
neiue adsignatum esse fuiseue iudicauerit, utei in h(ac) l(ege) est, ceiuis
Romanus, quei colonus est inue colonei numero scriptus est, edicto IIuir(ei)
professus ex h(ac) l(ege) non erit ; quantum modum ceiuis Romanus professus
non erit, quei bonorum emptor magister curatorue eorumue emptor erit ex edicto
magistratus de agro publice proscribendo venden]DO, EI CEIVI ROMANO
TANTVNDEM MODV[m agri locei ….. is IIuir … pro eo agro loco, de agro
loco] QVEI AGER PVBLICE NON VENIEIT, DARE REDDERE,
COMMVTAREVE LICETO.
IIVIR Q[uei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, in … diebus proxsumeis quibus
factus creatusue erit, de agris locis quos ex h(ac) l(ege) datus adsignatus esse fuiseue
iudicare oportebit, rationem initio, et numerum conputatio nominaque inscribito
hominum quos ex lege Rubria quae fuit a IIIuiris coloniae deducendae in coloniam
coloniasue deduci oportuit licuitue]2.
1.
57
[-‐
-‐
-‐]T,
QVOD
EDICTO
IIVIR(ei)
PROFESSVS
EX
H(ac)
L(ege)
N[on
erit
-‐
-‐
-‐
ei
eum
agrum
lo]CVM
NEIVE
EMPTVM
NEIVE
ADSIGNATVM
ESSE
FUISSE
IVDICATO
(vacat)
Q[-‐
-‐
-‐]
Cr.
2.
58
[-‐
-‐
-‐
pro
eo
ag]RO
EI
CEIVI
-‐
.
-‐.
MODV[m
agri
-‐
-‐
-‐]NEI
EX[-‐
-‐
-‐]
QVEI
AGER
-‐
.
-‐
.
LICETO.
(vacat)
IIVIR
Q[uei
ex
h(ac)
l(ege)
factus
creatus
erit]
Cr.
_____________________________________________________________________________________
ambigetur. La solution que je propose est différente. Il ne me paraît pas possible d’accepter la solution de
Crawford. À mon avis, le citoyen romain à qui la lex Rubria avait donné et assigné une centurie était
conforté, après déclaration, dans la propriété qui lui avait été concédée.
4. Lintott (p. 190-191), Crawford (p. 119, 147, 171) et Johannsen (p. 148-149) s’en tiennent à ce qui
demeure lisible. Le premier suggère une introduction brève à une possibilité de compensation quand une
injustice est advenue (p. 253). Mais l’introduction est d’une briéveté toute relative : il y a 226 lettres qui
manquent avant …]DO EI CEIVI ROMANI, et 106 après MODV[m agri loci (Johannsen, p. 148).
Rudorff, Mommsen et Husche proposent des restitutions qui conduisent à une compensation après
déclaration (dans un cadre d’ager privatus uectigalisque, cf. Johannsen, p. 310).
1. Le formulaire était très probablement le même dans les deux cas, d’où ma proposition de restituer
homini[s nomine…].
2. Crawford a adopté l’adaptation qu’a faite Mattingly du supplément de Mommsen, sauf pour les lots des
pedites, auxquels il est probable, selon lui, qu’on ait alloué 100 jugères. Je ne vois rien qui me permette
d’entériner ces différences de traitement entre colons de la lex Rubria. Il n’est question, dans le texte, que
de « centuria » (l. 44, 66, 89) et de « iugera CC » (l. 60). À ma connaissance, il n’y a rien dans les sources
écrites concernant la colonie Iunonia Karthago qui puisse étayer cette conjecture.
3. Lintott (p. 192, p. 247) écrit « oportebit ». Mais la correction « oportuit » est nécessaire à cause de
« licuitue » (comme Huschke, Mommsen et Johannsen l’ont proposée). Le savant a d’ailleurs fait impli-
citement la correction en traduisant : « it was right and legitimate to give land in Africa »
(« legitimate » ne me paraît pas correspondre tout à fait à licuit, qui est plutôt du domaine de la
permission, de l’autorisation).
4. Il y a lieu de confronter cette obligation avec l’expression centuria supseciuumue qu’on rencontre deux
fois dans la partie africaine (l. 44 et 66). La centurie africaine a une superficie de 200 jugères. Le
supseciuum est donc ici la terre non cultivée qui est incluse dans l’intérieur de la centurie. La particule
enclitique –ue signifie que centurie et subsécive forment un tout indissoluble. Le subsécive, en effet, est
un élément dépendant de la centurie quand il y est inclus ou quand, extérieur à elle, sa surface est
inférieure à la moitié d’une centurie.
5. Appien (B.C. 1, 24, 106) nous apprend que Gracchus et Fulvius avaient prévu de déduire 6000 colons, ce
qui allait au-delà de ce qu’autorisait la loi, et, qu’effectivement, il y eut 6000 colons venus de toute l’Italie.
Il est possible que « ceux qui ont été inscrits dans le rôle du colon » (eiue quei in colonei numero scriptei
sunt) aient été ceux qui étaient en surplus. Dans ce cas, ils auraient été assimilés aux colons installés
légalement.
61-62 « […. (172) … En ce qui concerne la terre que les triumvirs avaient l’ordre et la
faculté de donner et assigner, en vertu de la loi Rubria abrogée, aux colons ou aux
inscrits comme colons de telle manière qu’elle leur appartienne] selon le droit romain
[pour la part qui a été donnée et assignée à un colon ou à un inscrit comme colon, pour
la part, encore, qui n’aura pas fait l’objet d’une vente, pour la part, enfin, que le duovir,
qui aura été fait et créé par la présente loi], a la faculté d’adjuger en vertu de la présente
loi ; pour tout ce qui est constaté être ainsi, que le duovir, qui a été fait et créé par la
présente loi, juge que cela a été assigné au colon ou à son héritier [… (33) …]1.
63 « …. que le duovir, qui, de par cette loi, a été fait et créé, examine2 sur quelle part
et à quel moment avant les calendes de j[anvier, sous les consulats de Marcus Livius et
Lucius Calpu]rnius3, s’est trouvé un acheteur] ayant acquis de celui de la part de qui la
vente de la terre et pièce de terre a eu lieu à titre d’homme privé4, sous la condition
que celui qui a acheté la terre et pièce de terre
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1. Le législateur établit ici le cas de confirmation de la propriété du colon ou de celui qui lui est assimilé. Il
porte sur le lot de terre donné et assigné dans le cadre de la lex Rubria abrogée, et, par extension, sur le
lot consenti à des colons en surnombre. Si ce lot n’a pas été vendu, le duumvir l’adjugera au colon ou à
son héritier. Lintott (p. 255) a adopté adsignato, transcrit ainsi par tous les copistes et lecture probable
sur l’inscription telle qu’elle se présente de nos jours. Il considère que nous devrions alors, peut-être,
admettre qu’aient été spécifiées deux actions auxquelles le duovir devait avoir recours, la confirmation
de la propriété du colon, esse iudicato, et l’assignation à quelqu’un qui n’avait pas encore reçu son propre
lot. Il propose la correction « adsignato <adsignatum> esse iudicato ». Crawford (p. 173) est franche-
ment favorable à la correction et n’envisage pas la possibilité de restituer publice, en s’appuyant sur le
contexte et le style. De toutes façons, il est question ici de la confirmation de la propriété du colon ou de
son héritier. Lintott, semble-t-il, penchait pour cette solution.
2. Ici était exprimé, ou sous-entendu, le fait qu’il était question de la même catégorie de terres, dans
l’hypothèse où le colon l’aurait aliénée.
3. Lintott (p. 255) rappelle que la restitution du nom est une hypothèse probable, mais non certaine. Si on
l’accepte, cette date de forclusion suggèrerait une répugnance (« reluctance ») à accepter comme des
achats valides ceux qui avaient été faits après la crise annonciatrice de la guerre de Jugurtha. En fait, le
législateur devait trancher dans un sens ou dans un autre, ce qu’il fait aux lignes suivantes. Lintott
poursuit en proposant de distinguer une terre quelconque vendue légitimement par un citoyen privé et le
lot colonial qui aurait probablement (« probably ») été inaliénable. Il s’appuie pour exprimer ce point de
vue sur un passage d’Appien (I, 27, 121) qui ne paraît pas permettre d’étayer son opinion. Je cite la
traduction, le texte original ne faisant pas difficulté : « Ce fut ainsi que se termina la sédition du second
des Gracques. Peu de temps après, on fit une loi pour autoriser les assignataires à vendre leur propre lot,
inaliénabilité sur laquelle on discutait et qui avait été décidée par le premier des Gracques » (op. cit.,
p. 65) (quant aux législations de Sylla et de César, il n’y a pas lieu d’en faire état ici). En admettant que les
lots aient été conçus comme inaliénables (cela même n’est pas sûr), une loi, antérieure à la présente loi,
avait supprimée cette clause pour ne pas laisser régner l’incertitude. De son côté, Crawford (p. 173)
observe que ces clauses en rapport avec la terre cédée en vente privée suivent les clauses en relation avec
la terre donnée et assignée. Il semble pour cette raison raisonnable d’en conclure que cette terre n’a
jamais été inaliénable, contrastant ainsi avec la terre italienne des lignes 16 et 23.
4. À mon point de vue, le législateur envisage, aux lignes 63-66, le cas de la terre qui a été achetée à un colon
(comme Crawford et de Ligt, je considère que le lot colonial n’était pas inaliénable). L’acheteur est, ou
bien citoyen romain, ou bien un allié italien ou un Latin. Dans le premier cas, l’acheteur bénéficie des
mêmes dispositions que le colon ; dans le second, il en est de même, sauf si le lot a été par ailleurs vendu
publiquement. Dans ce dernier cas, l’acheteur recevra une superficie équivalente, qu’il achètera un
sesterce et pour laquelle il paiera désormais le vectigal. Pour résumer mon opinion, l’immunité ou la
taxation dépend de la catégorie dans laquelle a été classée le lot de terre : la terre achetée à un colon est
franche, que l’acheteur soit un quirite, un Latin ou un allié italien, tandis que la terre concédée en
compensation demeure publique et, de ce fait, reste vectigalienne. Dans cette interprétation, l’achat
d’une terre d’un colon fait à titre privé par un citoyen romain ne saurait être remis en cause, tandis que si
cette même terre s’est trouvé avoir été mise en vente publiquement par un magistrat, c’est la vente
publique qui prévaut (malgré l’erreur qui est à l’origine de cette vente). Le bon droit de l’acheteur italien
ne lui est reconnu que par le fait qu’on lui concède une terre publique, laquelle n’est pas dégagée de
l’imposition qui pèse sur elle.
1. Il s’agit d’une fiction juridique. L’acheteur se trouve assimilé au colon originel. La restitution proposée ici
repose sur l’idée que l’achat privé d’un lot colonial est considéré par le législateur comme une propriété
originelle (cf. note précédente). Johannsen, suivi par de Ligt (p. 255) insiste sur le fait que « adsignare »
est en rapport avec les lots coloniaux. Il semble que ce soit plus précisément donare assignare qui signale
ces terres (ou leur achat privé par un citoyen romain). En effet, la cession aux Uticéens de terres
publiques romaines, lesquelles, à mon avis, demeurent la propriété de Rome, comporte le mot adsignare,
mais celui-ci est accompagné de relinquere : Uticensibus reliquerunt adsignauerunt (l. 81).
2. Cicéron (Ver. 5, 165) : cum haec omnia tuis proximis cumulate plana fecero, « quand j’aurai rendu tous ces
faits pleinement évidents aux yeux de ceux qui te touchent de plus près ». Pour Crawford, le sujet des verbes
est l’acheteur. Il sera aussi le premier de la liste des trois qui ne doivent pas avoir aliéné la terre, suivi par
heres eius, son héritier, et par quoi is heres erit. Le savant présume que la phrase décrit l’homme qui a la patria
potestas sur l’acheteur, la loi admettant la possibilité d’un achat effectué par un filius familias au moyen de
son peculium. Au contraire, Lintott (p. 256) suggère que l’acheteur et la personne qui planum faciet
fecereuitue étaient différents, mais Crawford pense que cette dichotomie n’est pas nécessaire (p. 173).
3. Crawford (p. 173) observe que l’implication de la clause des lignes 63-65 est que des ventes de terre ont
eu lieu avant 111 av. J.-C., conduisant à une succession ou à une revente, ou à une saisie de la part de
créanciers, renvoyant à la ligne 56. Des ventes, ajoute-t-il, ont pu débuter peu après l’époque de la lex
Rubria. Je suis d’accord avec cette vision des choses. Lintott (p. 256) pense que des ventes ont pu être
effectuées encore plus tôt, peut-être dès la création de la province. Mais ce dont est question ici est en
rapport avec les lots coloniaux.
66 « cette terre et pièce de terre soit achetée un sesterce par celui que la présente loi
en a fait le propriétaire, et que cette terre et pièce de terre soit privée et redevable du
vectigal, ainsi qu’il a été écrit plus haut dans la présente loi »1.
« Pour le colon ou pour celui qui a été inscrit comme colon, la terre et pièce de terre,
dans cette centurie et subsécive aura été donnée, laquelle centurie ou subsécive …
(19) … »2.
67 « [(.. 246 ..) … Concernant la centurie et subsécive situés hors de cette terre et
pièce de terre3, ou supérieurs à cette superficie de terre, le nombre d’hommes accordé
que les triumvirs chargés de fonder la colonie, de par la loi Rubria abrogée, étaient
autorisés et devaient donner ou déduire : que cette terre et pièce de terre qui fait
partie de cette] terre et pièce de terre qui est en Afrique, du fait qu’elle ne fait pas
partie de ce qui a été vendu publiquement, soit restituée à cet homme ou à son
héritier »4.
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1. Lintott (p. 257) propose infra au lieu de supra : bien que l’ager priuatus uectigalisque ait été mentionné à
la ligne 49, ce n’est qu’à la ligne 70 qu’est indiquée la manière de le percevoir. Il semble pourtant qu’il n’y
ait ici que l’indication du fait : la terre sera privée et vectigalienne, comme toute terre vendue
publiquement. Lintott explique que la vente pour un sesterce n’était pas une vente fictive, mais une
transmission authentique de propriété, tout comme lorsque la propriété était transférée en fidei fiduciae
causa, contre une somme symbolique. Il observe que c’est la première mention dans la présente loi d’une
telle forme de transmission, la partie italienne ne semblant pas l’avoir connue. Il semble, ajoute-t-il, que
le but ait été de distinguer ainsi ce type de propriété privée des assignations coloniales. Je suis d’accord
sur cette considération. Selon moi, ce n’est pas une distinction formelle : l’une des propriétés est
vectigalienne, l’autre non. Contrairement à Mommsen qui pensait que le vectigal était une taxe symbo-
lique, De Martino, Weber et Kaser ont avancé que cet impôt était une somme considérable. Quant au
débat sur le fait que cette terre ait été véritablement privée (« truly private ») tout en demeurant
fortement taxée au profit du Peuple romain, il me paraît, malgré l’autorité de nombreux savants, difficile
d’admettre qu’une terre frappée du vectigal ne demeure pas publique, fût-elle concédée à un individu en
tant que « privée ». Dans la présente loi, je ne vois aucune mention de cette terre vectigalienne dans la
récapitulation des extra, tandis que « tout le reste de la terre » (ceterum agrum) est déclarée publique
(l. 82). Or, il y est question de la perception du vectigal.
2. Je renvoie le lecteur à ce que j’ai écrit à propos de Carthage dans la présentation, I. La terre. Crawford
(p. 173) constate que beaucoup de choses sont très confuses (« much of it very muddled ») et observe
très justement que le point central de la colonie de César peut tout aussi bien se trouver à l’intersection
de deux limites de la zone rurale qu’à Byrsa. J’ajouterai que, comme je l’ai expliqué dans la présentation, il
n’est pas non plus possible qu’on ait utilisé comme point augural de la colonia Iunonia la limite de la ville
rasée. Peut-être serait-il bon de rappeler quelques réalités ? La limitatio ou centuriatio est originellement
réservée aux colonies de citoyens romains. Cette trame orthogonale est déterminée religieusement à
partir de la groma (qui ne saurait se trouver près de la limite d’un site maudit). Il y a donc lieu de penser
qu’elle a été implantée pour la première fois quand fut fondée la colonia Iunonia, et non pour « garder le
cadavre » en 146 ; la centurie de 200 jugères constitue le module de cadastration le plus courant, elle fut
employée pendant des siècles et il y eut encore, nous le savons par les écrits d’arpentage tardifs, des
assignations sur ce modèle dans les années 400 de notre ère, à Carthage et dans l’Africa. Ce qui est le plus
plausible, c’est donc qu’après une implantation augurale pour la colonia Iunonia, implantation dont on ne
connaît pas le lieu exact puisque c’est l’ancien territoire civique de la Métropole punique qui avait été
voué aux Puissances chthoniennes et non la seule ville de Carthage, on a employé cette trame, commode
parce qu’il suffisait de développer le système cadastral existant, pour constituer un cadastre provincial.
Pour aller plus loin, il faudrait fouiller des limites pour obtenir des éléments chronologiques.
3. qui était autorisée par la lex Rubria comme terre attribuée à la colonie.
4. Les lots cadastrés et distribués ont été plus importants que ce que la lex Rubria prévoyait. Si le lot a été
vendu publiquement, l’occupant doit l’abandonner ; en revanche, s’il n’y a pas eu vente publique, il se
voit maintenu définitivement sur cette terre, laquelle est transmissible. Je suis en désaccord avec l’analyse
de Lintott (p. 258), qui écrit qu’on peut présumer que l’attribution de la terre par le duumvir vient du fait
que le lot originel avait été perdu sans qu’il y ait eu une faute de la part du détenteur.
« Pour le colon ou pour celui qui a été inscrit comme colon, [la terre et pièce de terre,
dans cette centurie et le subsécive, aura été donnée , laquelle centurie ou subsécive …
(17) ..] ».
68 « [… (244) … La centurie et le subsécive situés hors de cette terre et pièce de terre,
ou supérieurs à cette superficie de terre, et le nombre d’hommes accordé que les
triumvirs chargés de fonder la colonie, de par la loi Rubria abrogée, étaient autorisés
et devaient donner ou déduire : en rapport avec la partie de cette terre et pièce de
terre qui a été vendue1 publiquement à Rome, que le] duovir restitue [alors une même
surface de terre à celui pour lequel] il a été prouvé [qu’il a eu et pos]sédé cette terre et
pièce de terre qui est en Afrique, ou à son héritier ; ce qu’il restituera ainsi, qu’il juge
que cela a été assigné2 (.. 15 ..) ».
« Concernant la terre, partie de cette terre qui est la terre qui est en Afrique, (laquelle
appartient) au colon ou à celui [qui est inscrit au nombre des colons … (15) …].»
69 « [… (242) .. En ce qui concerne la centurie et le subsécive situés hors de cette
terre et pièce de terre, ou supérieurs à cette superficie de terre, et le nombre
d’hommes accordé que les triumvirs chargés de fonder la colonie, de par la loi Rubria
abrogée, étaient autorisés et devaient donner ou déduire : il a été prouvé qu’il l’a
acheté. Le duovir adjugera alors une même surface de terre à celui pour lequel il a été
prouvé que cette terre a été acheté de cette manière. Que le duovir donne en
compensation de la terre en question, à l’acheteur, à son procurateur ou à son héritier,
de la terre qui est en Afrique3 ».
« Il donnera ainsi en compensation [la terre … (13) ..].
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1. Selon Lintott (p. 259), l’hypothèse de Mommsen suivant laquelle le chapitre concerne un individu qui a
acheté la terre, n’est pas justifiée. Mais la critique du savant repose sur des comparaisons avec des lignes
mal établies (39, 49, 51) et sur l’idée que les lots coloniaux étaient inaliénables.
2. En pleine propriété parce qu’il s’agit d’une assimilation à la propriété coloniale originelle.
3. Il est exproprié. Le duovir lui donne une terre en compensation. Crawford (p. 174) considère que
herediue quoius eorum doit se référer, malgré les apparences, seulement à l’héritier de l’acheteur originel
parce que l’héritier d’un tuteur ou d’un procurateur ne pouvait pas acquérir les droits qui sont ici en
cause.
70 « [À celui auquel le duovir, qui aura été fait et créé par cette loi, aura ainsi rendu
ou échangé une terre et pièce de terre prélevée sur le domaine public d’Afrique, que
cette terre et pièce de terre soit achetée un sesterce par celui que la présente loi en a
fait le propriétaire, et que cette terre et pièce de terre soit privée et redevable du
vectigal, ainsi qu’il a été écrit plus haut dans la présente loi] »1.
« [Celui qui aura acheté une terre et pièce de terre publique du Peuple romain en
Afrique, laquelle aura été faite terre privée et vectigalienne, et qui pour cette terre
devra payer une somme d’argent au Peuple ou au publicain,
…… du fait que] cette somme d’argent a été inscrite dans les tablettes publiques,
devra verser cette somme au Peuple aux prochaines ides de Mars qui suivront
l’échéance, après que les vectigals auront été mis en place, lesquels seront mis en place
pour la première fois après le vote2 de la présente loi,
71 [dans un délai de … jours (.. 235 ..)]3.
Il n’aura pas à payer à celui qui a affermé cette somme du Peuple à ce titre, avant la
date fixée par la présente loi ».
« Si cette somme a été exigée avant la date fixée par la présente loi, celui qui en est le
débiteur à l’égard du Peuple romain, ne devra pas la payer [à nouveau à celui qui en a
affermé la perception], à moins qu’il ne soit prouvé que ….] »4.
72 « Il est interdit à quelque magistrat ou promagistrat que ce soit d’ordonner et à
quelque sénateur que ce soit de décider que [la somme due] pour les terres, pièces de
terre et édifices soit exigée autrement qu’il est fixé par la présente loi »5.
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1. Il me paraît nécessaire que soit ici établie la situation de la terre indûment octroyée : elle sera privée et
vectigalienne. Les modalités du versement sont établies ensuite.
2. Rogatio : projet et vote se confondent.
3. La restitution tient compte de l’information donnée par la ligne 73.
4. L’interprétation est un essai de transmettre la signification de ce passage très lacunaire.
5. C’est la première fois que le législateur introduit les aedificia. L’emploi du trinôme agrei locei aedificia, au
lieu de l’ager locus habituel, est une référence à la loi censoriale de la ligne 85. Cette loi, intégrée dans la
présente loi, règle d’une manière exclusive ce qui concerne le paiement du vectigal, de la scriptura et des
dîmes.
70 [Quoieique agrum locum de eo agro loco quei in Africa est … IIuir, quei ex
h(ac) l(ege) factus creatusue erit, ita reddiderit commutaueritue, is ager locus ab
eo quoius in h(ac) l(ege) factus erit, h.s. n. I emptus esto, isque ager locus priuatus
uectigalisque ita utei in h(ac) l(ege) supra scriptum est, esto].
[Quei agrum locum publicum populi Romanei in Africa emit emeritue, quei ager
locus ex h. l. priuatus uectigalisque factus erit, pro quo agro loco pequniam populo
aut publicano dare debebit,
[.. (320) … quod eius p]ECVNIAE ADSIGNATVM DISCRIPTVM
ADSIGNATVMVE IN TABVLEIS PVBLICEIS EST ERITV[e, tantam
pequ]VNIAM POPVLO EX EID(ibus) MART(iis), QVAE, POSTEA QVAM
VECTIGALIA CONSISTENT, QVAE POST H(anc) L(egem) R(ogatam)
PRIMVM CONSISTENT, PRIMAE ERVNT, IN […]1
71 [diebus … dare debeto ( .. 235) ..)
neiue is eam pequniam ei quei eo nomine ab populo mercassitur, soluito propiore
die atque] VTEIQVE IN H. L. S(criptum) EST, NEIVE, QVOD PEQVNIAE
OB EAM REM PROPIORE{M} DIE EXACTVM ER[it atque uteiqu]E IN
H. L. S. E. , IS QVEI PEQVNIAM POPVLO DARE DEBEBIT, EI, QVEI EO
NOMINE AB POPVLO MERCASSITVR, OB EAM REM PEQVNIAM EI
NEI [iterum .. (14) …]2
72 [soluito …. nei …. nisi … pla]NVM FIAT –
- NEIVE QVIS MAG(istratus) NEI PROMAG(istratu) FACITO NEIVE QVIS
SENATOR DECERNITO, Q[uo ea pequnia] QVAE PRO AGREIS LOCEIS
AEDIFICIEIS, QVEI S. S. SVNT, POPVLO DEBETVR DEBEBITVRVE
ALITER EXSIGATVR ATQVE VTEIQVE IN H. L. S. EST ... (14)]3.
1.
70
[-‐-‐-‐
quod
eius
p]ECVNIAE
ADSIGNATVM
-‐
.
-‐
.
EST
ERITV[e,
tantam
pequ]NIAM
POPVLO
-‐
.
-‐
.
PRIMAE
ERVNT,
IN
Cr.
2.
71
[diebus
???
dare
debeto
-‐-‐-‐
neiue
quis,
quei
in
nomine
ab
populo
mercassitur,
ob
eam
rem
pequniam
propiore
die
exigito,
atque]
VTEIQVE
IN
H.
L.
S(criptum)
E(st),
NEIVE
QVOD
PECVNIAE
-‐
.
-‐
.
PEQVNIAM
EI
NEI
Cr.
3.
72
[propriore
die
soluito
-‐-‐-‐
pla]NVM
FIAT,
NEIVE
QVIS
-‐
.
-‐
.
IN
H.
L.
S.
EST.
Cr.
73 « [Celui qui aura acheté une terre et pièce de terre publique du peuple romain en
Afrique, - terre et pièce de terre qui aura été faite privée et vectigalienne en vertu de la
présente loi, - et pour laquelle il doit payer une somme au Peuple ou au publicain, - si,
dans les … jours qui suivront les Ides de Mars suivant l’échéance, la somme due au
peuple pour la terre qui aura été ou] serait vendue, n’était pas payée, - celui-là, pour
cette même terre et pièce de terre, dans les 120 jours les plus proches des dates
d’échéances susdites, qu’il donne caution sous l’arbitrage du préteur qui dira alors le
droit à Rome entre citoyens ».
« Le préteur, qui dira le droit entre les citoyens ... »
74 « [… (235) … Sauf dans le cas] où un gage foncier aurait été auparavant engagé
publiquement pour ce même terrain ou [qu’un garant aurait été donné]
publiquement, il (le duovir) mettra en vente au comptant la terre et pièce de terre
pour laquelle il n’aurait pas été suffisamment souscrit selon l’arbitrage du préteur ».
75 « […. « (A) Le duovir, qui, de par cette loi, aura été fait et créé, dans les (..) jours
qui suivront sa création, aura la faculté d’adjuger au citoyen romain] qui l’aura
achetée la terre de la terre publique d’Afrique vendue publiquement à Rome, ou d’en
faire une commutation, (dans le cas où) cette terre se trouverait être le bien, soit d’un
des peuples libres d’Afrique demeurés amis du peuple romain au cours de la guerre
punique1, soit de l’un de ceux qui
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1. Lintott (p. 264) avance que la terre en question n’est pas celle qui était comprise dans les frontières des
peuples libres, mais que, comme elle est associée à celle qui a été donnée aux perfugae, elle ne peut être
que celle qui a été assignée par les Romains en récompense. Le raisonnement est logique puisque la terre
accordée aux ralliés a été nécessairement prise au domaine public romain. Bien que la loi ne fasse
mention de cession de terres publiques qu’aux Uticéens (l. 81) et qu’il n’y ait, à cet endroit, aucune
possibilité d’inscrire d’autres noms dans une lacune, Appien (Lib., 136. 640), qu’il cite, lui donne raison :
« Et ils donnèrent des terres du territoire conquis à chacune des cités qui les avait aidés dans la guerre ».
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1. Saumagne (1963, p. 57) a proposé de remplacer la mention des transfuges de l’armée punique par une
seconde catégorie de peuples libres. Il y aurait eu dans ce cas, d’une part les sept peuples qui étaient
demeurés dans l’amitié du peuple romain, d’autre part les peuples qui étaient venus s’y réfugier, laquelle
action aurait pu être exprimée par la proposition populi qui in amicitiam perfugerunt. Cette façon de voir
permettrait de comprendre l’origine de certaines cités libres de la liste de Pline (H.N., V, 49), mais
l’asyndète de la ligne 85 ne permet pas de retenir cette hypothèse.
2. Le législateur laisse toute latitude au duovir de prendre la décision sur une question dans laquelle on
constate que le citoyen romain et deux catégories d’alliés africains (les peuples libres demeurés dans
l’amitié du Peuple romain et les ralliés qui ont rejoint le camp romain au cours de la guerre) sont mis sur
un pied d’égalité.
78 [au Peuple romain pour ce terrain, devra, dans les 150 jours qui suivront son
investiture, faire en sorte que la partie de ce terrain qu’un citoyen romain a achetée,
appartienne à ce citoyen romain, et que le duovir donne et assigne à ces stipendiaires]
autant de superficie [prélevée sur la terre publique d’Afrique qu’il aura été nécessaire
qu’il en appartienne au citoyen] romain au détriment de la terre donnée et assignée aux
stipendiaires, et que cela soit porté sur les registres publics de telle façon que cela soit
ainsi fait en compensation, en sorte qu’on voie que cela soit pour eux conforme au droit
et à la bonne foi »1. « Le duovir, qui aura été fait et créé de par cette loi, fasse dans les
250 jours qui suivront, après ratification de cette loi par le Peuple et la Plèbe, en sorte
que
79 [« en dehors de cette terre et pièce de terre, qui, en application de la loi Rubria,
abrogée, a été donnée et assignée au colon ou à celui qui a a été inscrit dans la liste du
colon … (163) … auquel, pour une terre et pièce de terre, une terre et pièce de terre
n’aura pas été échan]gée ou restituée, en dehors de la terre qui est et sera à l’intérieur
des limites territoriales des peuples libres d’Utique, d’H[adrumète, de Th]apsus, de
Leptis, d’Acholla, d’Uzali, de Theudalis2, telles qu’étaient ces limites quand ces
peuples, [lors de la récente guerre punique]
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1. Les stipendiaires sont les vaincus qui ont conservé leur liberté. Il est probable qu’ils aient appartenu à des
peuples qui s’étaient livrés aux armées romaines et qui n’avaient pas été vendus comme esclaves. Il n’est
nullement question dans le texte de ciuitates stipendiariae (ou de populi stipendiarii). Il y a donc lieu de
penser que les entités politiques avaient été juridiquement dissoutes. Les terres qui leur avaient été
attribuées faisaient partie du domaine public romain. Chaque exploitant payait un stipendium. La
position inférieure du stipendiaire explique qu’il ne soit pas question de lui restituer la terre qui a été
vendue publiquement à un citoyen romain.
2. Cette liste comprend : 1) le principal allié de Rome, Utique (cf. Appien, Lib., 135. 640, cité supra) ;
2) quatre peuples du Sahel tunisien, au sud de Carthage ; 3) deux peuples du nord de l’Africa. Les sites
urbains de cinq d’entre eux sont connus (cf. J. Desanges, dans Pline l’Ancien, Histoire naturelle, livre V,
1-46, L’Afrique du Nord, Paris, 1980).
En revanche, si Theudalis « est située plus loin du rivage » (qu’Hippo Diarrhytus) d’après Pline, Hist. Nat.,
V, 23, Ptolémée la situant entre Thabraca et le Bagrada (Medjerda), nous ignorons son emplacement exact.
Pour ce qui est d’Vzali, deux possibilités se présentent actuellement : ou bien il s’agit d’Vzali Sar ou bien de
l’Vzali proche de la côte. La découverte d’Vzali Sar dans le Tell nord-est tunisien, à l’ouest de Carthage, cf.
L. Maurin et J. Peyras, « Vzalitana, la région de l’Ansarine dans l’Antiquité », Cahiers de Tunisie, t. XIX,
n° 75-76, 1971, p. 11-103, 65 fig.) permettait d’écarter l’Vsilla du Sahel, la leçon Vsalitanorum de la loi étant
sans conteste plus proche de la première que de la seconde. Mais la redécouverte d’une inscription mal lue
par Ximénes au XVIIe siècle prouve définitivement qu’une Vzali existait à El Alia, au nord d’Utique
(A. Beschaouch, « Sur la fixation à El Aliya, non loin d’Utique, de l’emplacement d’Uzalis, cité d’accueil des
premières reliques, en Occident, du proto martyr saint Etienne, CRAI, 2001, p. 1225-1232, AE, 2001, 2078).
78 [pro eo agro populo Romano pendere oportet, utei, quod eius agri loci ceiuis
Romanei publice emit, id eius ceiuis Romanei siet ; tantumdemque modum agri, de
eo agro quei publicus populi Romanei in Africa est, quantum (modum) de agro
stipendiariis dato adsignato ex h(ac) l(ege) ceiuis] ROMANEI ESSE OPORTET
OPORTEBITVE, IS STIPENDIAREI<s> DET ADSIGNETVE IDQVE IN
FORMAS PVBLICAS FACITO VTE[i reparatur i(ta) u(tei) e i(ure)
f(ide)]Q(ue) E(is) E(sse) V(idebitur). (vacat)
IIVIR QVEI EX H. L. FACTVS CREATVSVE ERIT, IS FACITO IN DIEBVS
CCL PROXSVMEIS QVIBVS H. L. POPVLVS PLEBESQVE IVSERIT,1
79 [utei extra eum agrum locum, ex lege Rubria quae fuit, quem colono eiue quei
in colonei numero scriptum est herediue quorumue emptoreiue quorum
adiudicauerit quo pro eo agro loco ager locus redditus com]MVTATVS
REDDITVSVE NON ERIT,
EXTRAQVE EVM AGRVM, QVEI AGER INTRA FINIS POPVLORVM
LEBEIRORVM VTICENSIVM H[adrumetinorum t]AMPSITANORVM
LEPTITANORVM AQVILLITANORVM VSALITANORVM
TEV<d>ALENSIVM, QVOM IN AMEICITIAM POPVLI ROMANEI
PROXSVMVM [bellum2
1.
78
[pro
eo
agro
populo
Romano
pendere
oportet,
-‐-‐-‐
uteique
-‐-‐-‐
tantundem
modum
agri
de
eo
agro,
quei
ager
in
Africa
est,
quantum
stipendiarum
popule]I
ROMANEI
-‐
.
-‐
.
FACITO
VTE[i
referat
i(ta)
u(tei)
referat
e
r(e)
p(ublica)
f(ide)]Q(ue)
E(ius)
E(sse)
V(idebitur)
(vacat)
IIVIR,
IVSERIT
Cr.
2.
79
[extra
eum
agrum
locum,
quei
ex
lege
Rubria,
quae
fuit,
colono
eiue,
quei
in
colonei
numero
scriptus
est,
datus
adsignatus
est,
-‐-‐-‐
quo
pro
agro
loco
ager
locus
com]MVTATVS
REDDITVSVE
-‐
.
-‐
.
VTICENSIVM
H[adrumetinorum
T]AMPSITANORVM
-‐
.
-‐
.
ROMANEI
PROXVMVM
Cr.
_____________________________________________________________________________________
Malgré l’opinion inverse qui a été récemment soutenue (S. Aounallah (avec la collaboration de L. Maurin,
« Le statut d’Hadrumetum à la fin de la République et sous le Haut-Empire romain », Africa, XXIII, 2013,
p. 93-102), le territoire du peuple libre de la loi agraire n'est pas celui de l'Vzalis d'El Aliya parce qu'Appien
(Histoire romaine, livre VIII, Le livre africain, traduction P. Goukowsky, avec la collaboration de S. Lancel,
Paris, 2002, CXXXV, 640, p. 122), nous apprend que les Romains « donnèrent à Utique les terres s'étendant
jusqu'à Carthage même et, de l'autre côté, jusqu'à Hippo <Diarrhytos> ». Vsilla ne pouvant être retenue
phonétiquement à partir du moment où des Vzalis sont attestées, je suis conduit à placer le territoire du
populus leiber Vsalinorum sur l'Ansarine, où, d'ailleurs des opérations militaires eurent lieu (Orose,
Historiarum adversum paganos libri VII, IV, 22, 8, cf. Maurin et Peyras, « Uzalitana », p. 21, n. 41 et p. 89).
_____________________________________________________________________________________
1. Crawford (p. 121), s’inspirant de Mommsen, restitue « uenerunt ». La leçon manserunt est certaine. Les
sept peuples ne sont pas venus se réfugier dans l’amitié du Peuple romain, ils y sont demeurés (l. 75).
2. Des concessions de terres furent faites à Thimida Regia, dans la région de la Catada (oued Miliane), et à
Zama Regia, à la limite de la première province, dans le secteur où Vespasien fit pratiquer un nouveau
bornage (cf. H. Abed, « Le tracé de la fossa Regia, précisions et réflexions », Centres de Pouvoir et
organisation de l’espace, Actes du Xe Colloque International sur l’Histoire et l’Archéologie de l’Afrique du
Nord antique et médiévale, Caen, 25-28 mai 2009, éd. C. Briand-Ponsart, Caen, 2014, p. 401-418).
3. Je dérogerai ici exceptionnellement à la traduction de la locution ager locus par « la terre et pièce de
terre » parce que, concernant Carthage, « la terre et lieu » convient mieux à l’étendue et à la majesté de
la grande cité.
80 manserunt, est eritue ; extraque eum agrum locum, quei ager locus eis
hominibus, quei ad imperatorem populi Romanei bello Poenicio proxsumo ex
hostibus perfugerunt, (..49..) datus adsignatusue est de s(enati)] S(ententia).
EXTRAQVE EVM AGRVM QVEI AGER EX H. L. PRIVATVS FACTVS
ERIT QVO PRO AGRO LOCO AGER LOCVS REDDITVS
COMMVTATVSVE [non erit].
[extra]QVE EVM AGRVM LOCVM QVEM IIVIR EX H. L.
STIPENDIARIEIS DEDERIT ADSIGNAVERITVE QVOD EIVS EX H. L.
IN <f>ORMAM PVBLICAM RELLATVM [erit]1.
81 […. Extraque eum agrum locum quem P. Cornelius imperator lib]EREIS
REGIS MASSINISSAE DEDIT HABERE FRVIVE IVSI{I}<t>.
EXTRAQVE EVM AGRVM LOCVM VBEI OPPODVM CHAR[tago] FVIT
QV[ondam …. (21) …
[Extraque] EVM AGRVM LOCVM QVEM XVIREI QVEI EX [lege] LIVIA
FACTEI CREATEIVE FVERVNT VTICENSIBVS RELIQVERVNT
ADSIGNAVERVNT.
CE<t>ERVM2
82 [agrum locum quei in Africa est, in formas publicas referat adque aerarium
deferat, isque ager publicus esto. .. (150)3.
1.
80
[uenerunt,
fuit
-‐-‐-‐
extraque
eum
agrum
locum,
quei
ager
locus
eis
hominibus,
quei
ad
imperatorem
populi
Romanei
bello
Poinicio
proxsumo
perfugerunt,
datus
adsignatus
est,]
EX<t>RA<que>
EVM
AGRVM,
-‐
.
-‐
.
COMMVTATVSVE
[non
erit,
extr]AQVE
EVM
AGRVM
-‐
.
-‐
.
IN
<f>ORMAM
PVBLICAM
RELLATVM
Cr.
2.
81
[erit
-‐-‐-‐
extraque
eum
agrum
quem
P.
Cornelius
imperator
leib]EREIS
-‐
.
-‐
.
OPPVDVM
CHARTH[ago]
FVIT
QV[ondam,
extraqu]E
EVM
AGRVM,
QVEM
XVIREI,
QVEI
EX
{H}
L(ege)
LIVIA
FACTEI
-‐
.
-‐
.
ADSIGNAVERVNT,
CE[t]ERVM
Cr.
3.
(82)
[agrum
locum
omnem
-‐
.
-‐
.
ager
publicus
esto
…]
Li.
« En ce qui concerne ceux qui n’ont pas été à ce jour, en application de la loi
Sempronia, astreints de payer le vectigal, les dîmes, l’impôt sur les pâturages pour le
bétail sur cette terre et pièce de terre, tout individu possédant ou jouissant d’une terre
et pièce de terre dans cette situation, laquelle a été donnée, concédée régulièrement
ou accordée en échange à ces personnes en application de cette loi, ne devra pas être
tenu à payer le vectigal, les dîmes, l’impôt sur les pâturages pour cette terre et pièce de
terre en rapport avec sa jouissance après que cette loi aura été votée »1.
83 « [… (193) … Considérant la terre et pièce de terre à partir de cette terre et pièce de
terre qu’un ressortissant d’un peuple libre, ou un rallié, ou un membre des alliés ou du
nom Latin desquels ils ont coutume d’exiger des soldats en application du traité
d’alliance, possédera et dont il jouit, il sera tenu de payer le vectigal, la dîme] et le droit
de pâture, pour cette terre et pièce de terre, au Peuple ou au publicain dans les mêmes
termes qu’un citoyen romain est dans l’obligation de les payer pour cette terre et pièce
de terre que le Peuple romain afferme et qu’un citoyen possède de par cette loi ».
« Le préteur, sur l’arbitrage duquel pour cette terre et pièce de terre qui sera vendue à
Rome publiquement de par cette loi,
84 [devra avoir reçu suffisamment de domaines hypothéqués comme caution].
Il devra accepter des domaines en gage valant trois fois la terre et pièce de terre … de la
part du contractant. Si celui qui doit cautionner est réticent à s’exécuter, et assure que
des garanties suffisantes peuvent être prises de celui qui a fourni le domaine comme
gage en accord avec cette loi, [si personne ne veut s’opposer] à quiconque désire fournir
une garantie et verser la somme d’argent en application de cette loi, ni s’opposer à ce
que quelqu’un veuille servir de caution, qu’il soit possible de régler ainsi la question2.
_____________________________________________________________________________________
1. Lintott fait le rapprochement entre le statut de cette terre africaine et celui de la terre publique italienne
envisagée dans la première partie de la loi. Nous ignorons de quelle loi Sempronia il s’agit. Les
propositions qui ont été faites au sujet de cette lex Sempronia (mesures prises en faveur des possesseurs
de terre louée par les censeurs suivant Mommsen, Ges. Schr., 1. 153s., en faveur plutôt des colons de la lex
Rubria que des peuples libres et des perfugae selon Lintott, p. 272, dans lequel cas cette loi serait un
plébiscite de Caius complétant la lex Rubria) n’emportent pas totalement l’adhésion, l’hypothèse de
Lintott se heurtant au caractère public de la terre (il a pu s’agir, il est vrai, de la part du législateur, d’un
rappel destiné à lever toute ambiguïté). Tout bien considéré, la proposition de Lintott me semble la plus
plausible. Peut-être faut-il envisager que cette lex Sempronia soit celle de Tibérius concernant la cession
de terres en pleine propriété aux grands possesseurs de l’ager publicus, disposition qui aurait été
appliquée aux terres des colons de la lex Rubria, lesquels bénéficiaient du dominium optimo iure ?
2. Mommsen (Ges. Schr., I, 140), suivi par Johannsen, voyait dans ce passage un retour à ce qui avait
été envisagé aux lignes 73-74, c’est-à-dire à la prise de gages pour les acheteurs de terres qui n’avaient pas
85« [Quels qu’aient été le vectigal, les décimes ou la scriptura sur le bétail] qu’il était
approprié [pour une personne qui possédait une terre, une pièce de terre ou une
construction dans l’Africa] de payer au publicain, - [-- laquelle terre ] ou pièce de terre
ne doit pas avoir été celle des peuples libres ou des ralliés -, pour cette terre,
construction ou pièce de terre, en application de la « loi dictée » des censeurs
L. Caecilius et Cn. Domitius1, loi concernant : « La terre, édifice et pièce de terre ou
les vectigals publics de la terre, édifice et pièce de terre à affermer en jouissance, à
louer ou à vendre »2, cette personne doit payer
86 au publicain le vectigal, les dîmes et la [scriptura] sur le bétail [en application de
cette loi, quelle que soit la condition de celui qui possède une terre, une pièce de terre
ou une construction en Afrique ;] il n’est obligé de payer ni davantage, ni ailleurs, ni
d’une autre façon, et il ne doit pas faire paître le bétail sur cette terre [en un autre lieu,
ou autrement, ou sous d’autres lois3].
« … (235) ... En ce qui concerne les vectigals publics du Peuple romain qui sont en
Afrique, dont les censeurs Lucius Caecilius et Cnaeus Domitius [ont loué ou vendu]
87 l’exploitation, [dans le cas où (les modalités d’exploitation) ne se trouveraient pas
dans les conditions prescrites et ne seraient pas observées, conditions qui sont celles que
les censeurs L. Caecilius et Cn. Domitius ont prescrites pour la vente et la location de ces
vectigals, ou dans le cas où quiconque] devrait être dans l’obligation de payer et verser
[davantage] au Peuple, (qu’on sache) que rien de tout cela n’est ordonné par la loi4.
_____________________________________________________________________________________
85 [Quantum uectigal decumas scripturamue pro pecore eum quei agrum locum
aedificium in Africa possedit - - - Quei ager] LOCVS POPVLORVM
LEIBERORVM PERFVGARVM NON FVERIT, PRO EO AGRO
AEDI<f>{E}ICIO LOCOQVE E(x) L(ege) DICTA [quam L. Caecilius Cn.
Domitius cen]S(ores) AGRI AEDIFICII LOCI VECTIGALIBVSVE
PVBLICEIS FRVENDIS LOCANDEIS VENDVNDEIS LEGEM
DEIXERVNT, PVBLICANO DARE OPORTVIT1.
86 [tantundem post h(anc) l(egem) rogatam, quei agrum locum aedificium in
Africa possidebit --- publicano uectigal decumas scriptura]M PECORIS DARE
DEBETO, NEIVE AMPLIVS EA ALIVBEIVE ALITERVE DARE
DEBE<t>O, PEQVSQVE NE[i aliubei aliterue aliisue legibus] IN AGRO
PASCITO. (vacat) … (235)….. QVAE VECTIGALIA IN AFRICA PVBLICA
POPVLI ROMANI SVNT, QVAE L. CAECILIVS CN. DOMITI CENS(ores)
FRVENDA2
87 [locauerunt uendideruntue, ea quo minus ea lege sient pareantque, quam
legem L. Caecilius Cn. Domiti(us) cens(ores) eis uectigalibus fruendis locandeis
uendundeis deixerunt, quoue quis ampli]VS POPVLO DARE DEBEAT
SOLVATQVE, E(ius) H(ac) L(ege) N(ihilum) R(ogatur)3.
1.
85
[quantum
uectigal
decumas
scripturamue
pro
pecore
eum
quei
agrum
locum
aedificium
in
Africa
possedit
-‐-‐-‐
quei
ager]
LOCVS
POPVLORVM
LEIBERORVM
-‐
.
-‐
.
EX
L(ege)
DICTA
[quam
L.
Caecilius
Cn.
Domitius
cen]S(ores)
AGRI
AEDIFICI
LOCI
-‐
.
-‐
.
PVBLICANO
DARE
OPORTVIT
Cr.
2.
86
[tantundem
post
h(anc)
l(egem)
rogatam,
quei
agrum
locum
aedificium
in
Africa
possidebit
-‐-‐-‐
publicano
uectigal
decumas
scriptura]M
PECORIS
DARE
DEBETO,
NEIVE
AMPLIVS
EA
ALIVBEIVE
ALITERVE
DARE
DEBE<t>O,
PEQVSQVE
NE[i
aliubei
aliterue
aliisue
legibus]
IN
AGRO
PASCITO.
(vacat)
QVAE
VECTIGALIA
-‐
.
-‐
.
CENS(ores)
FRVENDA
Cr.
3.
87
[locauerunt
-‐
.
-‐
.
ampli]VS
-‐
.
-‐
.
H(ac)
L(ege)
N(ihilum)
R(ogatur).
Cr.
Tout magistrat ou promagistrat, ou qui que ce soit qui sera doté de l’imperium, du
iudicium ou [de la potestas, qui] louera ou vendra la jouissance des vectigals du Peuple
romain en Afrique, au moment où il louera ou vendra la jouissance des vectigals,
88 [qu’il ne dicte pas de loi pour ces vectigals qui ait pour résultat, contre la volonté
de ceux qui possèderont cette terre, de vendre ou de louer autrement que] selon la
« loi dictée » que les censeurs L. Caecilius et Cn. Domitius, quand ils ont vendu [ou
loué] l’exploitation des vectigals sur ces terres, ont dicté [pour la vente et la location
sur ces terres] ; et, en ce qui concerne le bétail qui sera mis en pâture sur ces terres, il
ne doit pas établir les conditions pour la scriptura sur le bétail, de telle façon que,
contre la volonté de quiconque doit posséder cette terre,
89 [rien ne soit vendu ou loué, contre la volonté de ceux qui posséderont la terre,
autrement que selon la loi que les censeurs L. Caecilius et Cn. Domitius ont dicté
comme cela a été écrit ci-dessus »]1 ».
« [En ce qui concerne … les vectigals publics du Peuple romain qui sont en Afrique,
dont le consul Cnaeus Paperius a proposé de louer ou de vendre la jouissance], qu’ils
soient nuls et non avenus et que les vectigals publics ne soient pas soumis à la loi que
le consul Cnaeus Paperius a donné pour la vente et la location, la loi étant sans
fondement »2.
_____________________________________________________________________________________
1. Je suis à nouveau la restitution de Crawford, à l’exception du premier eis quei, que je complète par eum
agrum posidebunt emprunté à la partie qui est conservée plus bas.
2. La restitution de Crawford (p. 151) conduit aussi à annuler les dispositions prises par le consul en 113.
Ma propre restitution signifie que la loi proposée par Cnaeus Papirius n’a pas été adoptée. La présente
loi s’en tient à la loi censoriale antérieure à la proposition du consul.
« En ce qui concerne [la terre qui est en Afrique, que les voies publiques et les
chemins publics qui] existaient dans cette terre avant la prise de Carthage,
90 soient tous publics et que les limites qui sont entre les centuries soient publics »1.
« Le duovir, qui a été désigné ou créé en application de la présente loi, dans le cas où
un individu, auquel a été assignée une terre en Afrique, aura déclaré cette terre dans
une catégorie de terre dans laquelle la terre déclarée par l’individu auquel elle était
assignée n’aurait pas dû être déclarée, ne devra pas lui donner ni donner en échange
une terre, ni adjuger cette terre »2.
« À celui qui aura livré l’information au sujet de ce bien, parce qu’il a donné
91 cette information, …. … (245) …3 ».
« Cela a été fait : en sorte que les biens-fonds qu’ils auraient dû avoir, et la terre qui
aurait dû leur être assignée publiquement, ils les aient, les possèdent et en jouissent …
(27) … Une surface de terre équivalente à la surface de terre vendue publiquement,
laquelle était une partie de la terre qui leur avait été donnée et assignée,
_____________________________________________________________________________________
1. La restitution des mots en rapport avec les voies de communication est probable. En effet, les limites
constituent une voie publique, régie par le principe de l’iter populo debetur qu’on lit dans les Libri
coloniarum, particulièrement dans les colonies. Les lots, constitués ici par les centuries, devenus privés
lors de la fondation de la colonie, le demeurent en 111, mais les voies qui les séparent demeurent
publiques.
2. Comme l’écrit Lintott (p. 276), suivi par Crawford (p. 179), cette phrase est en rapport avec les
déclarations déclarées obligatoires aux lignes 52-57. À son point de vue, ces déclarations concernaient la
terre achetée, désormais privée, et probablement les lots de la lex Rubria. Il est nécessaire d’élargir le
champ d’application de la sanction. En effet, si la ligne 52 concernait l’achat public à Rome, la ligne 53
s’appliquait au colon et à l’inscrit dans le rôle du colonat, tandis que la ligne 54 exigeait que soit déclarée
la terre achetée à un colon par acte privé. Dès la ligne 57, la sanction du duovir intervient. En cet endroit,
la lacune ne permettait pas de savoir, même après la restitution que je proposais ([Sei quis quid eius agri
locei edicto IIuiri ex h(ac) l(ege) profiteri oporteri]T, QVOD EDICTO IIVIR(ei) PROFESSVS EX H. L.
N[on erit … (177) … IIuiri(ei) eum agrum lo]CVM NEIVE EMPTVM NEIVE ADSIGNATVM ESSE
NEIVE FVISE IVDICATO [… (56) …]), si la déclaration était frauduleuse, ou faite en dehors des délais.
Ici, la sanction est claire : il n’y aura ni assignation ni adjudication. Or, comme la ligne 58 prévoyait un
arrangement, ce qui n’est pas le cas ici, il faut en déduire que la ligne 57 concernait une déclaration
erronée, mais non frauduleuse, ou non recevable par forclusion.
3. Lintott (p. 198) et Crawford (p. 123) complètent la phrase de telle manière que l’informateur soit récom-
pensé par une terre de surface égale à celle qui n’a pas été déclarée dans la catégorie qui lui convenait.
QVEI [ager in Africa est, quae uiae publicae itineraque publica in eo] AGRO
ANTE QVAM CARTAGO CAPTA EST FVERVNT, EAE
90 OMNES PVBLICAE SVNTO LIMITESQVE INTER CENTVRIA[s
publicos esto …]1.
[(.. 210 ..) IIuir, quei h. l. factus creatusue erit, sei apud eum is, quoi ager in
Africa adsignatus est, quem a]GRVM IN EO NVMERO AGRI PROFESSVS
ERIT, QVO IN NVMERO EVM AGRVM, QVEM IS, QVOI ADSIGNA[tus
est, professus erit, profiteri non oportuerit, eum agrum ei nei dato] NEIVE
REDDITO NEIVE ADIVDICATO.
QVEI EAM REM [ita] INDICIO FVERIT, EI EIVS AGRI, QVOD IS
INDI<c>IO EIVS2
91 [rei fuerit3, … (245)…] <<<<<<
FACTVM EST : VTEI BONA, QVAE HABVISENT, AGRVMQVE, QVEI
EIS PVBLICE ADSIGNATVS ESSET, HABERENT [possiderent, fruerentur,
eis --- quantus4] MODVS AGREI DE EO AGRO, QVEI EIS PVBLICE [datus
adsign]ATVS FVIT, PVBLICE VENIERIT, TANTVNDEM MODVM5,
1.
89-‐90
QVEI
[ager
in
Africa
est,
quae
uiae
publicae
itineraue
publica
in
eo]
AGRO,
ANTEQVAM
CARTAGO
CAPTA
EST,
FVERVNT,
EAE
OMNES
PVBLICAE
SVNTO
LIMITESQVE
INTER
CENTVRIA<s>.
Cr.
2.
90
[…
(210)
…
IIuir,
quei
-‐
.
-‐
.
EIVS.
Li.
Cr.
3.
91
[rei
fuerit,
tantundem
modum,
quantum
-‐-‐-‐
dato
adsignato.,
Li.,
Cr.
4.
fruerentur
…
(27)
…
quantus
Li.,
fruerentur
eis
-‐-‐-‐
quantus
Cr.
5.
91
..
(245)
..]
FACTVM
EST,
-‐
.
-‐
.
TANTVNDEM
MODVM
Li.
Cr.
que cette terre avait été concédée aux naviculaires transportant du blé à Rome, ce qui n’eut lieu que sous
l’Empire. Je suis en désaccord avec son affirmation suivant laquelle : « Allocation in accordance with a
decree of the senate does not occur elsewhere in the provincial section of the statute », du moins si l’on
accepte les restitutions de Mommsen et de Johannsen pour la ligne 80 : extraque eum agrum locum, quei
ager locus eis hominibus, quei ad imperatorem populi Romanei bello Poenicio proxsumo ex hostibus
perfugerunt, (.. 49 ..) datus adsignatusue est de s(enati)] S(ententia).
6. La lacune est de 40 lettres environ. Peut-être est-il possible de rattacher cette phrase à la précédente ?
Dans ce cas, il serait interdit à un juge de remettre en cause la donation acceptée par sénatusconsulte.
94 « [.. (280) ..] Qu’ils réunissent [les terres et pièces de terre] pour ceux auxquels la
terre et pièce de terre a été donnée, restituée, échangée ou assignée. [Ils auront et
posséderont [cette terre et pièce de terre] de la même manière qu’]un citoyen romain
de par cette loi l’aura et possédera1.
95 « [… (290) …]
le vin et l’huile produits dans cette terre et pièce de terre par la récolte et la vendange
pendant le consulat de Publius Cornelius et de Lucius Calpurnius ou postérieurement,
… (55) … que ces fruits soient alors à celui qui à ce moment-là aura et possédera cette
terre »2.
_____________________________________________________________________________________
1. Cette phrase résume les dispositions qui ont été prises à la ligne 83.
2. Cette phrase clôt la section africaine de la loi. Elle était nécessaire pour résoudre la question du bénéfice
des fruits de l’année du fait des octrois, échanges et restitutions dont il a encore été question à la ligne
précédente.
facere 47, 49, 52, 54, 64, 66, 67, 72, 75, 77, 78, lex Rubria quae fuit 59
80, 81, 84, 91, 95 lex Sempronia 82
facito 72, 76, 77, 78 liberi regis Massinissae 81
factus creatusue erit 52, 67, 75, 77 licet 60, 61, 62
finis 79 liceto 58
forma publica 78, 80 limes 89
frui 50, 81, 82, 85, 86, 87, 92 locare 85, 87
locus 44, 45, 47, 48, 50, 51, 56, 57, 73, 74, 75, 77,
habere 65, 81, 91 82, 83, 85, 92, 94, 95 (cf. ager locus)
habere fruiue 81
habere possidere frui 50 magister 57
h(ac) l(ege) 78 mag(istratus), 47, 72, 87
h(ac) l(ege) n(ihilum) r(ogatur) 87 mag(istratus) Romanus 47
heres 62, 64, 67, 68, 69 manceps, 46, 47, 48
homo 54, 59, 61, 63, 77, 93 mansere 75
homo priuatus 63 messis 95
HS N I 66 miles 50, 54
modus 58, 65, 91
idus Martis 70
in colonei numerum 45, 54, 61, 66, 68 nummus 65
indicium 90 nei 71, 72,
in h(ac) l(ege) 44, 71, 72, 74 neiue 47, 57, 59, 60, 71, 72, 86, 90, 92
inire 59 neque 54, 64
inperare 50 nomen, 46, 59
inperium 87 numerus, 45, 54, 61, 66, 67, 90
in publico 73
obligare, 47, 74
intra fines 79
oleum 95
ious dicere 73
iudicium 87 oportere 45, 61, 78, 83, 85
oppodum 81
ipse 54
optinere, 46, 60
ita 59, 62, 65, 66, 68, 69
item 56, 83 parere 89
in terra Italia 50 pascito 86
iubere 78, 81 pecor 86, 92
ioudicare 44 pequs 82, 86
iudicare 57, 59, 68 pequnia 47, 70, 71, 74, 84
iudicato 57, 59, 61, 62, 68 perfuga 76, 85
ius 62 planus 64
iugerum 60 plebes 78
plebiscitum 43
kalendae 63
populus 47, 70, 72, 78, 83, 87
leiber 75, 76, 79, 85 populus leiber 75, 76, 79, 85
lex, 44, 45, 57, 59, 62, 67, 70, 71, 74, 76, 77, 78, populus Romanus 75, 79, 86, 87
80, 82, 83, 84, 85, 87, 89, 93, 94 possesio 92, 93
lex Liuia 77, 81 possidere 50, 68, 82, 83
Index nominum
Africa 48, 60, 61, 67, 68, 69, 75, 77, 86, 87
Cn. Paperius cos 89
Aquillitanus (populus leiber) 79
Poinicium (bellum) 75
M. Baebius, tr. pl. IIIuir coloniae deducendae 43
Roma 48, 73, 75, 83
L. Caecilius censor 86 Romanum (ius) 61
L. Calpurnius cos. 54, 63, 95 Romanus (ceiuis) 58, 76, 78, 83
Cartago 89 Romanus (magistratus) 47
Chartago (oppodum) 81 Romanus (populus) 75, 79, 86, 87
P. Cornelius cos 95 Rubria (lex) 59