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HISTOIRE QUÉB E C VOLUME 16 NUMÉRO 1 2 0 10

par Jeannine Ouellet,


première vice-présidente, Fédération des sociétés d’histoire du Québec
(Source de la photographie : Mille Femmes, Pierre Maraval)

Il y a tout juste un an, notre magazine dévoilait une Quittons les rives de notre majestueux fleuve et
partie des secrets de la mystérieuse Côte-Nord, ce empruntons, grâce à la savante plume de Pierre
coin si charmant du Québec malheureusement Lambert, le transport public que fut la diligence, et
encore méconnu de plusieurs. Et pourtant, cette roulons sur le chemin de Chambly en l’agréable
région, magique par sa géographie et son histoire, a compagnie de Paul-Henri Hudon. Des faits sur des
marqué la Nouvelle-France et le Québec. moyens de transport plus récents nous sont aussi
racontés dans : « Survol historique de l’aviation
En effet, en cette année 2010, la Baie Saint-Laurent, québécoise», par Pierre Thiffault, et «The Montreal
sise à l’est des îles de Mingan, fêtera ses 475 ans. & Southern Counties Railway Company (1909-
Cette baie, nommée par Jacques Cartier le 10 août 1952)» par Thomas Grumley.
1535, a vu son toponyme s’étendre généreusement
au golfe à partir des années 1620, puis à l’estuaire et Les chroniques habituelles sauront tout autant
au fleuve long de 1197 kilomètres – appelé aussi au nous intéresser. Louise Chevrier nous soumet les
début du XVIIe siècle: rivière du Canada – et même « Confidences d’un historien », Michel Pratt, un
à des paroisses, municipalités, arrondissements, auteur très prolifique et, dans «Histoire de lire»,
etc., comme me le rappelait dernièrement Guy elle nous propose dix titres abordant des thèmes
Côté, de Havre-Saint-Pierre. des plus variés. «L’histoire en images» nous offre
deux photos, l’une de l’église de Saint-Hubert
Il existe des liens étroits entre ce cours d’eau d’une (Longueuil) et l’autre qui permet d’admirer le célè-
importance cruciale pour l’existence et la croissance bre dirigeable R-100, à l’aéroport du même endroit.
de notre pays, ainsi qu’avec bon nombre d’articles Dans «L’histoire sur Internet» François Gloutnay
à lire dans la présente édition qui rejoignent le nous informe comment découvrir des livres en
thème abordé par notre congrès 2010: les moyens ligne.
de transport.
Finalement, dans «Le mot de la Fédération», notre
Au fil des ans, l’homme s’est approprié les rives du dévoué président lève le voile sur le thème du
fleuve, a enjambé son cours et l’a mâté. C’est ainsi congrès 2011 : l’Amérique française, rencontre à
que furent construits ce chef-d’œuvre d’ingénierie laquelle il nous convie déjà.
qu’est le pont de Québec, au sujet duquel Michel
L’Hébreux nous sensibilise quant à l’urgence d’agir Un nombre considérable d’articles tous aussi inté-
dans ce dossier extrêmement important d’un point ressants les uns que les autres ayant été reçus, c’est
de vue patrimonial québécois et canadien, ainsi que à regret que le comité éditorial a dû partager ces
le pont tubulaire et ferroviaire Victoria, la « hui- textes. De ce fait, six autres auteurs verront leur
tième merveille du monde»! si bien présentée par article publié dans notre édition de l’automne 2010.
nul autre que Michel Pratt, organisateur du Vous pourrez alors découvrir l’histoire de quatre
congrès. autres ponts et un autre traversier, une partie du
chemin du roi et un rendez-vous manqué avec
Si les ponts permettent de franchir le fleuve, les tra- l’histoire ferroviaire canadienne...
versiers également ont rempli et remplissent encore
cette essentielle mission. C’est ce que raconte Guy Bon congrès et surtout, excellente lecture à tous!
Billard dans « Les traversiers entre Verdun et la
Rive-Sud ». Pour sa part, Bernard Hallé, de Parcs
Canada, nous fait connaître l’apport considérable
des voies navigables dans l’histoire du Québec.

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Michel Pratt
Pour un historien, c’est un rêve de publier un livre...
par Louise Chevrier

Professeur d’histoire à la retraite depuis peu, Michel Pratt est le président de la Société historique et culturelle du
Marigot, la société hôte du congrès 2010 de la Fédération Histoire Québec, dont il est aussi le secrétaire du conseil
d’administration. Homme d’engagement, Michel Pratt n’a jamais hésité à se lancer dans l’action sociale et commu-
nautaire: le syndicalisme, la littérature et l’histoire sont ses champs d’action. Il a été président de syndicat, prési-
dent de l’Association des auteurs de la Montérégie (1998-2002) et, depuis plusieurs années, il se consacre à sa société
d’histoire.
L’autre cause qui lui tient à cœur est celle des Éditions Histoire Québec, la maison d’édition de la Fédération. Cette
entité qui, par de modestes moyens, se dédie à la publication d’ouvrages produits par les sociétés d’histoire de diverses
régions est à l’image des causes qui sont chères au chercheur passionné et à l’auteur prolifique qu’il est. Convaincu
du rôle fondamental que doivent jouer les sociétés d’histoire pour la connaissance du Québec, Michel Pratt évoque
pour nous les souvenirs de ses débuts de professeur et d’écrivain.

Michel Pratt a d’abord commencé sa carrière d’en- le milieu universitaire. Les gens d’extrême-gauche
seignant comme chargé de cours en histoire : à se promenaient avec mon livre sous le bras »,
l’Université du Québec à Montréal, à l’Université ajoute-t-il en riant.
de Montréal, à l’Université du Québec à Trois-
Rivières et à l’Université de Sherbrooke. Il obtient Mais le désir d’écrire n’est pas toujours compatible
finalement un poste de professeur en sciences poli- avec la vie de famille. Le professeur d’histoire est
tiques au Collège de Saint-Hyacinthe. Puis, il entre aussi père de trois enfants et près d’une quinzaine
au Collège de Maisonneuve, à Montréal, où il d’années sépareront cette première publication de
enseigne notamment l’histoire américaine tout en la deuxième. « Pendant ces années-là, j’avais peu
occupant les fonctions de coordonnateur du dépar- de temps à consacrer à l’écriture.»
tement d’histoire et de géographie. Michel Pratt a
toujours été engagé socialement. Pendant ses pre- Puis un jour, en 1993, « par hasard », l’histoire
mières années d’enseignement, il est militant syn- locale se pointe le bout du nez dans la vie de Michel
dical. « J’ai même été président du syndicat des Pratt qui est issu d’une vieille famille lon-
professeurs, à Saint-Hyacinthe. » Plus tard, la gueuilloise. Un cousin vient de lui confier un trésor
Fédération nationale des enseignantes et ensei- familial. « Il s’agissait des archives de Paul Pratt,
gnants du Québec fera appel à cette double exper- mon grand-oncle, qui fut maire de Longueuil pen-
tise en réclamant ses services à titre de médiateur. dant 32 ans. J’ai donc écrit un livre sur lui.»
Longueuil du temps du maire Pratt : 1894-1967 est
Publier publié sous l’égide de la Société historique et cultu-
relle du Marigot. Mais cette fois, le ton est donné:
« Pour un historien, confie Michel Pratt, c’est un Michel Pratt poursuit ses recherches et publiera à
rêve que de publier un livre. » C’est ainsi qu’en un rythme régulier. En 1994, paraît Jacques-Cartier :
1980 paraît son premier livre aux Presses de une ville de pionniers, 1947-1969. «Ce qui correspon-
l’Université Laval : La grève de la United Aircraft. dait exactement à mon champ d’action, rappelle-t-
L’époque était celle de l’approche marxisante, se il, l’histoire sociale d’un quartier populaire.»
rappelle l’auteur, qui était à l’époque un sympathi-
sant de gauche, «mais sans dogmatisme, précise-t- L’année suivante, le Marigot lance le premier dic-
il. Aujourd’hui, je me qualifie plutôt de social- tionnaire historique consacré à une ville. Il s’agit du
démocrate. L’ouvrage a connu un bon tirage pour Dictionnaire historique de Longueuil, de Jacques-Cartier
le genre et a même eu une certaine influence dans et de Montréal-Sud, «le premier dictionnaire historique

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sur une ville», signé Michel Pratt et dédicacé «aux aider les sociétés d’histoire à publier, Michel Pratt,
organismes et aux personnes qui ont œuvré à la devenu le secrétaire du conseil d’administration,
recherche historique à Longueuil ». Pour cet riche d’une expérience qu’il a acquise au Marigot,
ouvrage impressionnant, l’auteur avait fait appel à figure parmi les fondateurs. En 2010, il est toujours
de nombreux collaborateurs, à qui il rend hom- le président des Éditions Histoire Québec.
mage dans ses remerciements. Le livre lui a permis
de regrouper l’ensemble de ses recherches. Entre- Dans la cour des grands
temps, il a joint le conseil d’administration du
Marigot et il sera élu président en 1998. Dans la foulée des grandes fusions municipales,
Michel Pratt et ses collaborateurs lancent l’Atlas his-
Histoire locale sur la sellette torique de la nouvelle ville de Longueuil, un ouvrage
qui méritera le prix Léonidas-Bélanger 2002,
«L’histoire locale et régionale est négligée, elle est décerné par la FSHQ. «Ce prix a été extrêmement
la laissée-pour-compte des universitaires, affirme important pour nous, souligne Michel Pratt,
volontiers Michel Pratt. Je n’ai pas peur de le dire. puisqu’il donnait de la crédibilité à nos ouvrages.»
Je suis moi-même issu de ce milieu qui commence
à peine à s’intéresser à l’histoire locale. Mais si les Il arrive aussi que l’histoire régionale soit à la fois
universitaires ne s’y intéressent pas, les gens du nationale et internationale. En 2003, paraît Les diri-
milieu comblent ce vide. Rien ne peut appuyer la geables R100 et R101, relatant l’histoire de ces
passion des gens d’une région, même s’ils n’ont pas fameux ballons dont celle, unique, du fabuleux
une bourse de recherche.Au Marigot, j’ai tenté de R100. Son atterrissage réussi à l’aéroport de Saint-
prouver que nous sommes capables d’avoir des Hubert reste à ce jour l’événement montérégien le
chercheurs de calibre et de publier.» plus grandiose de tous les temps. Le sujet de ce
livre intéresse de nombreux passionnés, et ce, par-
Lorsque, au tournant des années 2000, la tout dans le monde. En 2006, la traduction anglaise :
Fédération des sociétés d’histoire du Québec Airships R-100 and R-101 se vend comme des petits
(FSHQ) songe à fonder une maison d’édition pour pains chauds, par le biais d’Internet.

Michel Pratt. (Photo: Louise Chevrier)

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«Ce fut un immense succès. Un champ spécialisé le prix Cyprien-Tanguay, décerné par la Fédération
qui trouve des amateurs dans tous les pays. Nous québécoise des sociétés de généalogie, pour :
avons vendu 80 % des exemplaires dans le monde Longueuil sous le Régime français, un projet multimé-
entier, particulièrement en Angleterre, aux États- dia produit en 2005. En 2009, Histoire de Longueuil
Unis et en Allemagne.»«Mais pour nous, poursuit 1657-2007, remportait le Prix du Gala de la culture
le président du Marigot, le point tournant a été de Longueuil 2009, catégorie Patrimoine.
l’Histoire de Longueuil 1657-2007, un livre qui s’ins-
crivait dans le cadre du 350e anniversaire de De plus, Michel Pratt a aussi collaboré à des projets
Longueuil. La Ville de Longueuil nous a fait cinématographiques à titre de coscénariste : Le
confiance en nous donnant des moyens financiers. Québec est au monde (1979), Au clair de la lune (1983),
Nous avons eu droit à la couverture cartonnée, le Le Choix d’un peuple (1985) et Un pays à changer
papier couché, etc. La large diffusion du livre, qui a (2002) (également comme coréalisateur).
été réimprimé, nous a valu une série d’appels.»
En entrevue, il reste modeste et oublie de mention-
Depuis, Michel Pratt et le Marigot reçoivent des ner les prix qu’il a reçus pour son travail bénévole:
commandes d’organismes et d’autres villes qui Dollard-Morin 2001 (Québec), Honorius-Provost
demandent qu’on écrive leur histoire. Ainsi furent 2004 (FSHQ). En 2009, il est consacré Bénévole cul-
publiés, en 2008: Orchestre symphonique de Longueuil : turel au Gala de la culture de Longueuil.
son histoire de 1986 à aujourd’hui; De la paroisse Saint-
Georges à la paroisse Le Bon Pasteur. 100 ans de pré- «Les sociétés d’histoire peuvent faire de grandes
sence de l’Église; Brossard, 1958-2008 : un pont entre choses si elles en ont les moyens.Et la somme de
hier et demain; en 2009: Quartier Bellerive. 1959-2009 toutes les histoires locales donne la grande histoire
et, en 2010: La Chambre de commerce et d’industrie de du Québec », conclut notre collègue à qui nous
la Rive-Sud 1959-2009. levons notre chapeau.

La Société historique et culturelle du Marigot a éga-


lement remporté le prix Rodolphe-Fournier 2006,
décerné par la Chambre des notaires du Québec, et

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Le vieux chemin de Chambly


par Paul-Henri Hudon,
président de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly (SHSC)

Paul-Henri Hudon, enseignant retraité, fait de la recherche historique depuis plusieurs années et a publié, en 1972,
Rivière-Ouelle, 1672-1972. De plus, il est l’auteur de deux monographies concernant la famille Hudon dit
Beaulieu, de centaines d’articles dans des périodiques dont L’Ancêtre, où il a remporté des prix à quatre reprises,
dans L’Estuaire généalogique, Le Louperivois et d’autres. Il a collaboré avec quelques associations de famille en
publiant des faits d’histoire, entre autres dans Le Bé, La famille Berrubey. Il est responsable depuissept ans de la
publication annuelle des Cahiers d’histoire à la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly, dont il est prési-
dent. En 2007, Paul-Henri Hudon a été nommé membre de la corporation Richelieu – Champlain 2009, qui a
souligné, entre autres, le 400e anniversaire du passage de Champlain en 1609 sur le Richelieu.Paul-Henri Hudon
a obtenu lepremier prix de la Fondation Percy W. Foy, production 2006, pour Le chemin de fer à Chambly en
1873. Le rêve d’un essor industriel, un essai historique de114 pages.

Le présent raccourci historique LE PREMIER CHEMIN DU Quarante ans plus tard,


nous rappelle l’importance straté- ROI EN NOUVELLE-FRANCE après la Grande Paix de
gique du vieux chemin à barrières Montréal, il est à refaire: Sa
appelé Chemin Chambly, avec La route no 1, ce parcours qui Majesté approuve qu’on emploie
son trafic intense au cours des relie Longueuil et Chambly, ou les troupes cette année (1704) à
années et ses postes de péage route de portage entre le Saint- faire des chemins dans les bois
illustrés par Krieghoff. Ce che- Laurent et le Richelieu, serait le pour la commodité des habi-
min sert de débouché aux town- plus vieux et le premier chemin tants et qu’on commence par
ships de l’est et à une population du roi tracé en Nouvelle-France. celui de Chambly à Montréal,
très nombreuse en deçà. Il a En effet, c’est sur un coup de qu’ils estiment le plus pressé.3
traîné la mauvaise réputation tête du gouverneur de Courcelle
d’être négligé et en mauvais état. qu’on aurait ouvert ce trajet
dans la grande savane entre
«La grande quantité de voi- Chambly et Longueuil en 1665.
tures qui passe journelle- Le colonel de Salières écrit:
ment dans ce chemin [de
Chambly], tant celles du bas « Le même jour, M. le gou-
de la rivière Richelieu, que verneur me fit commander
celles à l’est de la rivière et 36 hommes avec 6 officiers
des townships, contribuent ou sergents pour aller tra-
à le rendre mauvais, vu qu’il vailler à faire un chemin de
y a une traversée régulière ce fort Saint-Louis à
sur le bassin qui y commu- Montréal à travers bois et
nique, lequel est fréquenté marais, quoique la plupart
par des habitants de l’est de fussent malades. Je lui
la rivière qui y passent tous représentai que ce chemin se
les jours avec des charges ferait mieux l’hiver, lorsqu’il
d’une pesanteur énorme, gèle. Bien qu’à présent les
qui sont la cause principale hommes auraient de l’eau Carte topographique de la Province du
Bas-Canada de Joseph Bouchette, 1815.
du mauvais état du che- jusqu’à la ceinture, il voulut (Source: Éditions Élysée, 1980, Archives
min.»1 qu’ils le fissent. »2 de la Société d’histoire de la
seigneurie de Chambly)

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vent témoigner du trafic intense


qui circule sur cette voie. Sans
compter tous les forgerons, les
selliers et les charrons qui y
gagnent leur vie.

Le député du comté de Cham-


bly, Louis-Michel Viger, est en
principe opposé à l’érection des che-
mins à barrières. Mais il dépose en
chambre en 1835 une pétition au
gouvernement. Des entrepre-
neurs demandent le droit d’opérer
un chemin à péage entre Chambly
et Longueuil. L’état est réticent à
investir dans les voies publi-
Illustration d’un chemin ponté. (Source: Canadian Heritage Gallery, Corduroy road in
Northern Ontario, www.canadianheritage.org/.../transportation0500.htm)
ques. Il s’en remet à l’initiative
privée. Louis-Joseph Papineau
UN CHEMIN PONTÉ, UN sur la largeur de la route for- déclare que dans les chemins
CORDUROY ROAD, MAL ment un travelage plus solide, impraticables, il faut consentir ou à
ENTRETENU. mais encore très raboteux. Ce payer un péage modéré ou à casser
corduroy road résiste mal aux sa voiture et à payer le médecin.5
Le chemin de Chambly – Lon- sabots des chevaux, aux roues
gueuil est couvert de madriers frettées des voitures et aux Ce n’est qu’en 1841 que l’État se
grossièrement « aplanis ». Des dégels printaniers. Le bois se préoccupe de cette route, mais
troncs d’arbres jetés de travers crevasse et s’effrite. Le madrier pour le confier à des entrepre-
pourrit. Les cochers s’y aventu- neurs privés. Cette année-là, le
rent lentement. Après cinq ans gouvernement unilingue du
d’usage, il faut réparer. Canada-Uni annonce qu’il rece-
vra des soumissions pour le
L’entretien est aussi très coû- Longueuil Chambly turnpike road:
teux. En 1831, on constate que To supply 1350 superficial feet of
les sommes données à différentes pine, hemlock and tamarack plank-
époques pour le chemin de ing of twelve feet long, three inches
Longueuil à Chambly ayant été thick and eight inches large, and
insuffisantes, une somme de mille sleepers.6
livres est considérée indispensable
pour la complétion du dit chemin, Un groupe de sept gestionnaires
lequel par son utilité mérite l’atten- anglophones formé, en 1841, du
tion particulière de la Chambre.4 colonel George Cathcart, de
John Glen, du négociant Augus-
À chaque extrémité de ce che- tus Hatt, de l’hôtelier John Bun-
min, des bacs privés assurent la ker, du marchand Louis Gareau
traversée du Saint-Laurent et du (le seul francophone), et de l’en-
bassin de Chambly. Des auber- trepreneur John Yule, tous de
Schéma montrant la construction sommaire gistes, comme Ansell Booth près Chambly, ainsi que de John
d’un chemin ponté. The evolution of a de la Petite rivière de Montréal Swail de Longueuil, établit qua-
plank road. (Source: Eric Sloan, Our
(rivière L’Acadie), des passeurs tre postes de péage et garantit le
Vanishing Landscape, bon entretien du chemin de
www.townshipsheritage.com/.../roads.html) comme James Wait et Édouard
Lespérance à Longueuil, peu- Chambly. En 1842, ces trustees of

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the Longueuil and Chambly turn- obtiennent du gouverne-


pike road accordent à la famille ment le droit de taxer le
Pierce de Saint-Jean le contrat de public. On a commis une
pavage.7 grande bévue en pavant ce
chemin de madriers.»10
Joseph Perreau, yeoman of Cham-
bly, signe un marché d’un an LES MUNICIPALITÉS
avec les syndics du chemin, to S’EN MÊLENT
keep in repair the first section of the L’escarmouche de Booth’s Tavern,
turnpike road together with the Les deux municipalités concer- 16 septembre 1837. (Source:
http://cgi2.cvm.qc.ca/glaporte/1837.pl?out
branch road from No -1 toll gate to nées, Longueuil et Chambly, =article&pno=n0090&cherche=IMAGES,
the horse boat ferry; the said first suppriment le pavage de bois et tiré de JULIEN, Henri, The Montreal Star,
section beginning from the termi- macadamisent la chaussée à vol. 19, no 217, 28 septembre 1887)
nus ot the turnpike road at the can- partir de 1858. Puis en 1889, la
ton of Chambly, near the English
church, to the half way between 3rd
and 4th mile post...8

En 1848, les syndics du chemin à


barrières sont l’honorable Fran-
çois-Pierre Bruneau de Saint-
Bruno, Thomas Campbell, sei-
gneur de Saint-Hilaire, John
Yule, entrepreneur de Chambly, L’escarmouche de Booth’s Tavern, 16
septembre 1837. (Source:
les marchands Joseph-Frédéric http://cgi2.cvm.qc.ca/glaporte/1837.p
Allard et Eusèbe-Hyacinthe Fré- l?out=article&pno=n0090&cherche=IM
chette de Chambly, avec Charles AGES, tiré de JULIEN, Henri, The
Sabourin, futur maire de Montreal Star, vol. 19, no 217,
Longueuil, et Edward Quin de 28 septembre 1887)
Longue Pointe. Ils baillent les
droits de péage à William Ryan
de Longueuil.9
KRIEGHOFF, Cornelius, La barrière de péage, 1863, huile sur toile. (Source: La Galerie
d’art Beaverbrook, beaverbrookartgallery.org/)
Après quinze ans de gestion pri-
vée au bénéfice de ces gens
d’affaires, le chemin de Chambly, Corporation du comté de municipal du comté de
toujours dans un état déplora- Chambly, chargée de l’entretien Chambly. Ces messieurs ont
ble, fait encore hurler les voya- de ce chemin par le gouverne- parfaitement réussi et ont
geurs. ment provincial, supprime les obtenu que les barrières
quatre postes de péage. soient abolies.»11
«Le chemin de Chambly est
dans un état affreux, depuis «MM Préfontaine et Roche- LES PATRIOTES SUR LE
seize ans sous le contrôle des leau, membres du parle- CHEMIN DE LONGUEUIL
commissaires de barrières. ment, avec MM. Louis-
Après avoir coûté au public Édouard Morin, maire de C’est sur cet historique chemin
plus de 100 000 £ pour sa Longueuil et Joseph Osti- que des résistants Patriotes déli-
confection, son entretien et guy, maire de Chambly, sont vrent le 18 novembre 1837 les
ses frais de péage sur quatre allés mettre une dernière deux prisonniers François-
lieues de longueur… Des main à l’œuvre du règle- Joseph Davignon et Pierre-Paul
requins du gouvernement ment de fonds d’emprunt Demaray. Cette escarmouche,

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de l’intersection chemin Cham-


bly et boulevard Wilfrid-Laurier,
à proximité de la voie ferrée. Ce
chemin de la Savane passe au
nord-ouest de l’aéroport de
Saint-Hubert.

Le troisième poste de péage était


bâti au coin nord de la montée
Sabourin (montée des Prome-
nades) et du chemin Chambly.
C’est près de l’autoroute 30
actuelle, sur le terrain d’une sta-
tion service Shell. La quatrième
barrière se trouvait dans la sei-
gneurie de Chambly, à l’inter-
section du chemin Bellerive,
La barrière de péage, peinture de C. Krieghoff, copie réalisée en 1865. William Notman avant de traverser le pont sur la
(1826-1891). 1865, XIXe siècle. (Source : www.mccord-museum.qc.ca/) Petite rivière de Montréal. Ce
péage s’effectuait à l’hôtel
d’Ansell Booth, situé à l’ouest
près de l’intersection actuelle
du chemin Chambly, aujour-
des rues Brodeur et chemin
d’hui faisant partie de la munici-
Chambly.12
palité de Carignan, sur le lot
123.13
Deux jours plus tard, le lieutenant
colonel Wetherall remontele che-
LE CHEMIN DE CHAMBLY
min de Chambly où sa troupe
AU XXe SIÈCLE
est harcelée par des embuscades
de Patriotes. Louis Mongeau et
L’arrivée de l’automobile oblige
son fils, de Chambly, qui l’atta-
le gouvernement à passer la loi
quent de flanc, sont faits pri-
des Bons Chemins en 1912. Cette
sonniers. Le détachement se
législation du gouvernement de
rend jusqu’à l’hôtel de Booth, à
Lomer Gouin répond aux
l’entrée de Chambly. Là, un
besoins de l’agriculture, du
autre attroupement, mené par le
commerce et du tourisme. On
docteur Timothée Kimber, tente
veut améliorer les déplacements
de bloquer le pont sur la rivière
routiers. Dix millions de dollars
l’Acadie.
sont mis aux services des muni-
cipalités. Le chemin de Cham-
LES QUATRE POSTES
bly, qui a longtemps porté le
Codex & Krieghoff, poste de péage. DE PÉAGE
numéro 1 (aujourd’hui la route
(Source: www.legacycanadians.com/)
112), reçoit son premier pavage
La première barrière de percep-
en 1913.
menée par Bonaventure Viger tion se trouvait à Longueuil, sur
de Boucherville et Joseph Vin- le chemin Chambly, au coin
En 1935, l’honorable Joseph-
cent de Longueuil, fait fuir les nord de l’intersection Gentilly.
Édouard Perrault, ministre de la
cavaliers britanniques pourtant La deuxième barrière était aussi
Voirie, annonce que le gouver-
bien armés. Cet échange de au coin nord des chemins de la
nement provincial entreprendra
coups de feu se serait produit Savane et Chambly, donc près
l’élargissement de la route

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Montréal-Sherbrooke entre Lon-


gueuil et Chambly. «Cet élargisse-
ment sur une longueur de 15 à 16
milles nécessitera l’achat ou l’ex-
propriation de plus de 145 lots. La
largeur de la route sera portée de
quelque 28 pieds qu’elle est mainte-
nant à environ 30 pieds permettant
ainsi à trois automobiles d’y circu-
ler de front librement [sic].»14

Ainsi ce chemin, d’abord mili-


taire, abandonné à l’entretien
seigneurial, confié ensuite à
l’entreprise privée, remis aux
municipalités puis transféré au
gouvernement, avait rivalisé
avec le transport fluvial et avec
les chemins de fer. Que dire de
l’entretien d’hiver et des rivières
à franchir, comme le Richelieu,
sur des ponts devenus fragiles
et étroits pour les véhicules
automobiles… Mais ça, c’est une
autre histoire.

Sites approximatifs des quatre postes de péage, de l’embuscade des


Patriotes et de l’auberge de Booth, sur le chemin de Chambly.
(Source: carte de Joseph Bouchette en 1815)

Notes
1
La Minerve, 28 novembre 1831.
2
ROY et MALCHEROSSE, Le régiment de Carignan, Ducharme, Montréal, 1925.
3
RAPQ, 1938-39, Mémoire du roi à MM. De Vaudreuil et Beauharnois, 14 juin 1704, page 31.
4
Lettre du 7 février 1831 dans La Minerve du 5 mars 1832, par le Comité de surveillance du comté de Chambly, auquel participent les
notaires René Boileau et Joseph Demers de Chambly.
5
La Minerve, 14 décembre 1835.
6
Montreal Gazette, 2 juin 1841.
7
Basile Larocque, notaire, 13 avril 1842, acte no 2354.
8
Basile Larocque, notaire, 3 octobre 1843.
9
Charles-Gédéon Scheffer, 10 avril 1848.
10
L’Avenir, 1er juillet 1857.
11
Le Franco-Canadien, 17 février 1888.
12
PRATT, Michel, Atlas historique, Société historique du Marigot, 2001, p. 79.
13
LACOSTE, Jacques, Saint-Hubert, Barrières à péage sur le Chemin Chambly, février 2003, manuscrit dactylographié, 15 pages, avec carte
de localisation des postes de péage. Archives de la SHSC.
14
Le Courrier de Saint-Hyacinthe, 19 octobre 1934.

17
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The Montreal & Southern Countries


Railway Company (1909 – 1956)
by J.R. Thomas Grumley

J.R. Thomas Grumley, the youngest son of a career CNR employee, was born and educated in Montreal. Riding on
streetcars to/from school in downtown Montreal and riding in the cabs of Central Vermont and CNR first genera-
tion diesel locomotives ensured that an avid interest in streetcars and trains was acquired at an early age. Now
semi-retired from a career in Telecommunications, he resides in Manotick, Ontario (near Ottawa). Tom has written
seven books and numerous articles on street and interurban railway systems in Quebec, one of which won the 2006
Canadian Railroad Historical Association (CRHA) Book of the Year award. As a life long rail fan, Tom, over the
years, had many of his photos published in major North American railway magazines. Tom is a member of the
CRHA, The Bytown Railway Society, The C. Robert Craig Memorial Library in Ottawa and the Ottawa Valley
Associated Railroaders.

Despite the fact that work on the In 1910, the company would sion took place in January 1926,
construction of the M&SC com- extend its reach to Longueuil to from Marieville to Ste. Angele.
menced in 1908, the St. Lambert a point just east of the present
taxpayers, on January 21, 1909 day Jacques Cartier Bridge. On At the initial inauguration of the
voted in favor of a new bylaw Saturday, May 28, 1910 a three- line in 1909, it was announced
granting the M&SC a franchise car train carrying special guests that a station and car barn
to operate an electric passenger departed at 2:30 pm from the would be built in St. Lambert,
and freight service between McGill St. terminal and proceed- thus making St. Lambert the
Montreal and St. Lambert. The ed to Longueuil. Led by Band- focal point of operations. The
company was incorporated as master Timon, music by the station and a three-track brick
far back as 1897. But it took more town band greeted the visitors structure accommodating nine
than twelve years for the dream as they took their position on 50-foot cars were completed in
of an electric service between the platform, erected for the mid-1910. But with the afore-
Montreal and the southern occasion in the municipal park mentioned expansion it soon
counties to come to fruition. at the corner of Chambly Road became necessary to enlarge
and Guillaume St. Mayor operations at St. Lambert. As
On a warm Saturday afternoon Geoffrion extended the best such, a new four-track section to
on October 30, 1909, cars 1 and 2 wishes of the town. Other spee- the original car barn was built in
carrying invited guests traveled ches followed and refreshments 1912. In addition, the new buil-
between Montreal and St. Lam- were then served, after which ding included general offices,
bert to mark the official inaugu- the party returned to Montreal. dispatcher’s headquarters, loc-
ration of service between the ker rooms for the crews and a
two communities. Speeches by Further expansion to Ranelagh store house. In 1924 final expan-
the Mayor of St. Lambert and occurred in 1911. In 1912, service sion of this site took place with
the President of the M&SC were would be extended to Green- the opening of the company’s
followed by a reception at the field Park, Mackayville and new office building, replacing
Brooklyn Park clubhouse. The M&SC Junction. It would be fol- the headquarters site on McGill
entourage returned to Montreal lowed by Chambly, Richelieu Street.
at 5 pm that afternoon, crossing and Marieville in 1913. In late
the more than 6,000-foot long 1915, service reached Abbots- The company’s initial order of
Victoria Bridge in three minutes. ford and finally Granby in 1916, equipment (cars #1-#8) came
Thus began a hot and cold love a distance of 47 miles from from the Ottawa Car Company
affair with interurban opera- Montreal. It would take another as single end passenger motors.
tions that would last 47 years. ten years before the final expan- The vast majority of passenger

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equipment was ordered from


the Ottawa Car Company with
other orders from the Grand
Trunk, National Car, Osgoode-
Bradley, and the Brill Company.
To serve the company’s subur-
ban operation to St. Lambert
and surrounding areas as well
as its interurban operation to
Granby, the company had 56
passengers’ cars. To comple-
ment this, the company at one
time or another also had 29
work cars comprising plows
and sweepers to combat the
harsh winters, locomotives and
express motor and trailer cars to
facilitate its successful freight
operation, including three
cabooses.

Although the M&SC reached its


zenith in January 1926, the
beginning of the end was about
to take place, albeit in small
steps. That year, service around
the Longueuil loop was discon-
tinued. With the official opening Corner of rue Guillaume and chemin Chambly.
of the Jacques Cartier Bridge in (Source : Société historique et culturelle du Marigot #2073)
1930, service was further cut
back in 1932 to Ste. Helene St. in Monday. For that purpose, four the early morning hours of
Montreal South where a loop coaches and two baggage cars Sunday, June 19, 1955 the light
was installed to turn the cars. had been completely refur- in the McGill St. station was tur-
The advent of the Second World bished as commuter cars. ned off for good. Car #326 with
War provided the M&SC with its full compliment of passen-
the impetus to continue operat- The next major cutback occurred gers maneuvered through the
ing for a few more years, despite on the evening of Saturday, June curve onto McGill St., then onto
the fact that the company had 18, 1955 when the link to the Common St. and over Black’s
been a money losing operation island of Montreal was severed Bridge along Mill St., then left
all through the thirties. As a forever. On that fateful evening, onto Riverside and, finally, onto
result, it wouldn’t be until 1951 Car #326 built by the Brill Co. in the Victoria Bridge. It was nea-
that further cutbacks in service 1917 for the Washington- ring 2:00 am and car #326 having
occurred. Virginia Railway was being completed its last run rested
readied. Train #826 to Brookline silently in front of the St.
With the acquisition of three completed its run; then trains Lambert shops. Work began
new diesel locomotives in late #438 and #442 and others made immediately on that Sunday
1951, electric service to Granby their final routes. It was near evening to remove the M&SC
ceased on Saturday, November midnight and the rail fans who tracks from the Victoria Bridge
24, 1951 and was replaced by arrived for this final run were as the electric cars made way for
diesel service the following getting restless and anxious. In automobiles, trucks and buses.

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It would take another year years of electric service came to final inbound suburban trip
before the final chapter of the an end. Earlier on that day, 45 from Greenfield Park and
company would be closed for- members of the Canadian Mackayville to St. Lambert,
ever. On the evening of October Railroad Historical Association entering the shops at 12:40 am
13, 1956 and early morning made a commemorative trip on on the Sunday morning. Earlier
hours of October 14, almost 47 a special. Car #101 made the on the Saturday evening, car
#609 with train #438 made the
final run to Marieville on the
Granby subdivision arriving
there at 8:00 pm. Car #608,
which had made the final run to
Ste. Angele earlier that day,
backed from the storage track to
join the waiting #609. With
motorman Y. Lefort at the con-
trols and conductor J. Pelletier
in charge, the final trip home
commenced. A stop was made
at M&SC Junction to advise Mr.
Lamoureau, Chief of the compa-
ny’s power department, to cut
the power from Granby up to
the junction. The cars then pro-
ceeded through Greenfield Park
Crossing Black’s Bridge over the Lachine Canal in June 1955. (Source: C. Robert Craig
and Mackayville, swung through
Memorial Library, Kenneth F. Chivers Collection C1-CS1280) the underpass on Riverside
Drive and entered the Water-
man siding in St. Lambert. Mr.
Pelletier removed the markers
while Mr. Lefort lowered the
trolley pole. Almost 47 years of
operation was over which today,
53 years later, is but a distant
memory.

Today, equipment from the


M&SC, some has been fortu-
nately preserved at Exporail, St.
Constant/Delson, Quebec (104
& 611); Halton County Radial
Railway Museum, Milton, Onta-
rio (107); Shoreline Trolley
Museum, East Haven, Connec-
ticut (9) and Seashore Trolley
Museum, Kennebunk, Maine
(504, 610 & 621).
On chemin St. Charles approaching chemin Chambly. (Source : Collection George Lulham.
Fonds Banque Laurentienne/Ville de Longueuil, déposé à la Societe d’histoire de Longueuil)

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Survol historique de l’aviation québécoise avant


la Seconde Guerre mondiale
par Pierre Thiffault,
auteur et chroniqueur du magazine Plein vol

Pierre Thiffault travaille depuis 1984 dans les services de la circulation aérienne. Il signe depuis 2000 une chro-
nique historique dans le magazine d’aviation Plein Vol. Il est l’auteur du livre Au temps des premières ailes -
petite histoire aérienne du Québec. En 2001, il a fondé avec la Fondation Aérovision Québec le Panthéon de
l’Air et de l’Espace du Québec, destiné à honorer nos pionniers.

Si l’année 2009 fut celle du cen- Mais la grande vedette fut sans Le passage de l’aéroplane subju-
tenaire de l’aviation canadienne, contredit le Français Jacques de gua les piétons du centre-ville.
2010 célèbrera celle de l’aviation Lesseps (1883-1927), représen- L’aviateur revint atterrir à
au Québec. C’est en effet à l’été tant l’organisation Blériot. À Pointe-Claire, devant une foule
1910 que les Québécois entendi- peine un mois auparavant, l’aris- stupéfiée.
rent pour la première fois le tocrate (fils du compte Fer-
vrombissement des avions, lors dinand de Lesseps, le bâtisseur Précédemment
d’une semaine de l’aviation à du canal de Suez) avait réussi la
Pointe-Claire qualifiée (exagéré- deuxième traversée de la Man- Le premier vol d’un avion au
ment) de « plus grand meeting che, aux commandes - tout Canada était survenu un an plus
d’aviation du monde ». Premier comme Louis Blériot un an tôt, le 23 février 1909. Ce jour-là,
événement du genre au Canada, avant lui - d’un avion Blériot XI un biplan baptisé Silver Dart
l’événement connu un succès baptisé Le Scarabée. Le 2 juillet, avait décollé de la surface gelée
retentissant. Une quinzaine d’avia- avec le même appareil, de du lac Bras d’Or, en Nouvelle-
teurs, aéronautes et parachu- Lesseps triomphait en survolant Écosse. L’appareil était le 4e pro-
tistes se présentèrent, dont cinq la ville de Montréal, en accom- totype de l’Aerial Experiment
pilotes de l’organisation des plissant une périlleuse boucle Association, un groupe de
frères Wright. C’est à l’un d’eux, d’une soixantaine de kilomètres, recherche aéronautique fondé
le réputé Walter Brookins (1888- très précisément en 49 minu- par Alexander Graham Bell. Le
1953), que revint l’honneur tes… et 3 secondes! célèbre inventeur du téléphone
d’exécuter la première envolée
d’un avion au Québec. Durant
dix jours, les pilotes s’affrontè-
rent en tentant de s’approprier
l’un ou l’autre des dix-sept prix
visant à récompenser à peu près
n’importe quelle action d’éclat :
vol le plus long, le plus haut, le
plus bas, le plus rapide, le plus
précis à l’atterrissage, avion pla-
nant le plus longtemps, trans-
portant le plus de passagers, etc.
À un certain moment, trois
appareils furent observés en vol
en même temps; vision surréa-
liste pour des spectateurs
n’ayant auparavant jamais vu
Le Scarabée de Jacques de Lesseps à Pointe-Claire en 1910.
un seul aéroplane de leur vie. (Source: collection Frank H. Ellis)

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composé de près de 4000 cellules mondiale. Américain d’origine,


triangulaires qui, le 6 décembre le garçon fit l’objet d’un repor-
1907, avait emporté un homme tage photo en octobre 1907 dans
dans les airs pendant sept le prestigieux magazine
minutes, tiré par une embarca- Scientific American. Invité en
tion-moteur. Toutefois, ce n’était novembre 1908 à s’exhiber
pas le premier vol d’un plus- devant 10 000 spectateurs lors
lourd-que-l’air au Canada. du premier meeting de
l’Aeronautic Society of New
En effet, au mois d’août 1907, un York, Laurence s’y fractura la
adolescent de 14 ans du nom de cheville lorsque son planeur
Laurence Jerome Lesh (1882- s’écrasa en raison d’un pro-
1965) avait déjà réalisé à blème avec le câble de traction.
Montréal une série de vols dans Lesh avait alors à son actif plus
un planeur biplan de sa fabrica- de 100 vols planés, la plupart à
tion… tiré par un cheval au Montréal. Il devint plus tard
galop! Le 20 août, Laurence (que ingénieur en aéronautique.
Lesh et son planeur tiré par un cheval au tout le monde appelait Larry)
galop en 1907. Noter le câble de traction. avait même réussi un vol de 24 Cartierville, premier
(Source: Scientific American, Oct. 1907) minutes au-dessus du fleuve aérodrome au pays
Saint-Laurent, remorqué par
expérimentait depuis plusieurs une embarcation-moteur, par- Le pageant de Pointe-Claire de
années diverses machines volan- courant une distance d’une 1910 servit de fort stimulant au
tes dérivées de cerfs-volants dizaine de kilomètres. Cette développement de l’aviation
géants; pensons au « Cygnet », envolée établissait une marque locale. L’année suivante, les

Jean-Marie Landry (debout à droite) en France sabrant le champagne à l’école de Louis Blériot (assis au centre) en 1914.
(Source: Collection Aérovision Québec)

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Montréalais Percival H. Reid


(1891-1938) et Ernest Anctil tes-
taient leurs propres prototypes
sur les terrains d’un club de
polo situé en bordure de l’actuel
boulevard Laurentien. Ce site
devint l’aérodrome de Cartier-
ville, premier du genre au pays.

Aucune école d’aviation n’exis-


tait alors au Canada (le brevet
de pilote ne deviendra obliga-
toire qu’en 1920). Ceux qui vou-
laient apprendre dans un cadre
plus formel devaient s’expatrier.
À l’automne 1912, Frederick A.
Wanklyn (un militaire montréa-
lais en affectation en Angleterre)
et Percival Reid (inscrit à la
Sloane School of Aviation de Curtiss HS-2L La Vigilance en route pour le Lac-à-la-Tortue en 1919.
Long Island) décrochaient les (Source: Collection Robert Graham)
premiers brevets octroyés à des
citoyens québécois. En 1914,
Jean-Marie Landry, un mécani-
cien de Québec, partait pour la
France apprendre à voler à la
fameuse école Blériot. Le 20 juin,
Landry recevait des mains de
Louis Blériot en personne le bre-
vet numéro 1659 de la Fédé-
ration Aéronautique Interna-
tionale, devenant le premier
Canadien français (et seulement
le septième Canadien) officielle-
ment breveté de l’histoire.

La naissance de l’aviation
commerciale canadienne
HS-2L de la Canadian Airways employé pour la photographie aérienne.
(Source: Collection Louis Patrault)
Si l’aviation était un phénomène
marginal avant la Première
Guerre mondiale, l’après-guerre les campagnes en proposant des La naissance véritable de l’avia-
inonda au contraire le pays de baptêmes de l’air, des combats tion commerciale canadienne sur-
plus de 2000 pilotes à la recher- aériens simulés, des courses vint à l’été 1919, à l’initiative d’un
che de travail. Mais en 1919, contre les automobiles, etc. On homme particulièrement vision-
l’aviation civile n’était encore appelait ça faire du barnstor- naire, Ellwood Wilson (1872-
qu’un secteur récréatif, et son ming, expression signifiant - au 1952), ingénieur forestier en chef
potentiel commercial restait à propre comme au figuré: frôler à la papetière Laurentide Com-
imaginer. Pour gagner leur les granges. pany de Grand-Mère. Dès 1906,
croûte, les aviateurs sillonnaient Wilson avait envisagé – sans

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succès – de recourir à un ballon brousse au pays. Pour souligner régulière au pays, reliant
pour effectuer l’inventaire des sa nouvelle vocation, le premier Angliers à Rouyn trois fois par
territoires de coupe. En 1915, appareil fut baptisé La Vigilance. semaine, synchronisée avec
Wilson eu vent qu’on utilisait un Cela se passait en juin 1919. l’horaire des trains. Les pre-
hydravion dans le Wisconsin mières bases d’aviation étaient
pour la patrouille des feux de Trois ans plus tard, en 1922, le d’ailleurs souvent établies aux
forêts. À la tête d’un regroupe- service devenait indépendant, points limites du réseau ferro-
ment de papetières désigné adoptant le nom Laurentide Air viaire, l’avion prenant en
St. Maurice Forest Protective Service. Première compagnie quelque sorte le relais sur le
Association, Wilson entreprit aérienne d’envergure au pays, train. C’est au cours d’une de
des démarches pour organiser sa flotte compta bientôt une ces envolées que fut découvert,
un service aérien de patrouilles douzaine d’hydravions. Quel- le 3 novembre 1924, le premier
forestières à partir du Lac-à-la- ques Québécois faisaient partie passager clandestin de l’histoire
Tortue, non loin de Grand-Mère. du personnel de mécaniciens, canadienne! Un ouvrier des
Faisant jouer ses contacts, dont les frères Roméo (1898- mines de Rouyn s’ennuyant de
Wilson mit la main sur deux 1954) et Irénée (1894-1977) sa famille…
hydravions Curtiss HS-2L du Vachon, de même que Wilfrid
surplus de guerre. Conçus pour Thibault (1903-1976). En plus de D’autres papetières imitèrent
la patrouille anti-sous-marine, la patrouille des feux de forêts et l’initiative de la Laurentide
ces appareils avaient été laissés l’inventaire photographique des Company, notamment la Price
à la base navale de Dartmouth territoires de coupe, la Lau- Brothers de Chicoutimi en 1920.
(Halifax) par les forces améri- rentide Air Service effectuait le Son service aérien, dirigé par
caines après l’Armistice. Pour transport de travailleurs, provi- H.S. Quigley (1888-1929), fut à
les convoyer jusqu’au Lac-à-la- sions, courrier privé, ballots de l’origine de la Canadian Air-
Tortue, on recruta le pilote vote et autres marchandises vers ways de Montréal.
Stuart Graham (1896-1976) et le les camps miniers d’Abitibi, du
mécanicien Walter « Bill » Kahre nord de l’Ontario et même Pour palier l’absence d’équipe-
(1892-1964), qui devinrent de jusqu’à la Baie James. Elle inau- ment radio dans les avions, les
facto les premiers aviateurs de gura en 1924 la première liaison aviateurs de brousse avaient
parfois recours à un système
ingénieux de communication :
les pigeons voyageurs! Typi-
quement, l’équipage montait à
bord avec une cage contenant
deux pigeons voyageurs. En cas
d’avarie, un message (révélant
aux secouristes l’emplacement
de l’avion en panne, etc.) était
introduit dans une petite cap-
sule en aluminium attachée à
l’oiseau. Il n’y avait plus qu’à
espérer que le pigeon retrouve
son chemin ou ne se fasse pas
intercepter par un oiseau de
proie...

De larges portions du territoire


canadien demeuraient à cette
époque non cartographiées. Sou-
Avion Fairchild FC2 sur flotteurs. (Source: Collection Pierre Thiffault) haitant développer le secteur de

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la photographie aérienne, mier contrat, inauguré à l’au- C’est Roméo Vachon qui se
Ellwood Wilson (encore lui!) tomne 1927, visait à accélérer révéla le principal artisan de ce
fonda en 1922 une deuxième l’acheminement du courrier vaste réseau, lui qui occupera
compagnie aérienne, toujours transatlantique, selon un horaire dans les années 1930 - véritable
au Lac-à-la-Tortue, désignée synchronisé avec l’escale des exploit pour un francophone - le
Fairchild Aerial Surveys Co. (of paquebots à Pointe-au-Père, poste de surintendant chez
Canada). Plus tard, la compa- près de Rimouski. À cet endroit, Canadian Airways et gérant de
gnie-mère de New York, insatis- les sacs étaient échangés et le sa filiale Quebec Airways. Les
faite des aéronefs sur le marché, courrier arrivant d’Europe était Canadiens français faisant alors
se lança dans la conception de immédiatement acheminé par la carrière dans l’aviation se comp-
ses propres avions, donnant voie des airs vers Cartierville taient en effet sur les doigts de la
naissance en 1927 à la célèbre (bientôt Saint-Hubert). De là, main. Heureusement, grâce à un
lignée des Fairchild FC-2. Le FC- d’autres avions prenaient le programme gouvernemental
2 devint rapidement l’avion relais vers Ottawa, Toronto et d’aide aux aéroclubs, plusieurs
standard des compagnies cana- ailleurs, permettant de retran- écoles d’aviation virent le jour
diennes. En 1929, une usine cher plus de 48 heures à la dis- en 1928-29. Le bassin de pilotes
d’assemblage Fairchild fut tribution habituelle par voie de francophones commença à aug-
implantée à Longueuil, à peine terre. menter. Les frères Joseph (1907-
un kilomètre à l’est du motoriste 1939) et Arthur (1910-1987)
Pratt & Whitney Canada (dont L’hiver, les opérations se trans- Fecteau, Louis Bisson (1909-
le nouveau moteur WASP avait portaient sur la Côte-Nord pour 1997), Lucien Gendron (1907-
révolutionné le marché par sa la distribution du courrier de 1942), Achille Vanhee (1909-
fiabilité et sa puissance). Avec village en village durant les 2009), Donat Vachon (1903-
Canadian Vickers (ancêtre de longs mois où la navigation 2001), J.-Léon Blondeau (1901-
Canadair, impliqué dans la maritime était interrompue par 1972) et plusieurs autres compo-
construction aéronautique les glaces et pendant lesquels les seront les premières cohortes
depuis 1920) et Curtiss-Reid habitants, coupés du reste du issues de ces écoles, venant prê-
Aircraft (fondé en 1928), l’indus- monde, étaient contraints d’atten- ter main forte aux pionniers de
trie aéronautique de la région dre la venue occasionnelle de la première heure, tel que Hervé
montréalaise était donc très traîneaux à chiens. Pour éviter St-Martin (1897-1939), Adélard
active dès les années 1920. En les inconvénients d’une escale à Raymond (1889-1962), Hervé
1935, Noorduyn Aviation y chaque communauté, les sacs Simoneau (1903-1930) et quel-
débutera la production du étaient simplement largués du ques autres.
fameux avion de brousse haut des airs. Au début, fascinés
Norseman. Suivront Héroux par ce moyen de transport révo- L’aéroport de Saint-Hubert
Aviation (1942), CAE (1947) et lutionnaire, les villageois voit le jour
plusieurs autres fabricants aéro- avaient tendance à observer le
nautiques. passage de l’avion... en oubliant En 1928 fut inauguré en grandes
de regarder où tombait le sac de pompes l’aéroport de Saint-
La poste aérienne courrier. Celui-ci se perdait Hubert. Construit pour la venue
alors dans la neige poudreuse. du dirigeable anglais R-100,
En 1927, le ministère des Postes Pour corriger cette situation, le c’était le premier aéroport cana-
octroya une série de contrats directeur des opérations fit dien administré par le Dépar-
autorisant la mise sur pied de transmettre un télégramme à tement de l’aviation civile. Il
plusieurs lignes aéropostales. chaque village survolé, exhor- devait servir de base canadienne
Ces lucratifs contrats devinrent tant : « Regardez l’oiseau passer en vue d’établir un service régu-
vite - avec ceux de la photogra- mais regardez la crotte tomber! ». lier de dirigeables avec l’Angle-
phie aérienne - la plus impor- On songea à planter un drapeau terre. L’aéroport fut rapidement
tante source de revenus des dans la neige, fournissant une doté d’une infrastructure le
compagnies aériennes. Le pre- cible au pilote. situant parmi les plus modernes

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Les années 1930 et la guerre

L’aviation fut évidemment


ralentie par la crise des années
30, quoique la prospection
minière continua à occuper acti-
vement l’aviation de brousse
dans le nord. Les compagnies
canadiennes transportaient alors
plus de cargo que toutes les
compagnies américaines réu-
nies. Ces activités contribuèrent
Personnel de la Continental Aero Corporation à Saint-Hubert en 1929 devant un avion au succès d’entreprises appelées
Travel Air 6000. De gauche à droite: J. White, Roger Smith, n/a, Robert Lacroix,
à marquer l’aviation cana-
le président J. M. Alexander, le chef-pilote Hervé St-Martin, Irénée Boisvert, n/a,
Hervé Simoneau. À noter à l’arrière-plan le mât d’amarrage du R-100. dienne, telles A. Fecteau Trans-
(Source: Collection J.-C. Marcoux) port Aérien, Wheeler Airlines et
Québecair.
au monde : phare rotatif, balisage ble R-100 ne vint qu’une seule
lumineux, radiophare, hangars fois, à l’été 1930. La tragédie en La Deuxième Guerre mondiale
permanents, station de radioté- France du R-101 quelques mois stimula la mise en place d’une
léphonie, bureaux de poste, de plus tard (en route pour les infrastructure sans précédent,
météo et de douanes (en 1939 la Indes) mit fin prématurément avec la construction d’une mul-
première tour de contrôle au pays). au programme impérial de diri- titude d’aéroports et la forma-
Autre caractéristique « d’avant- geables. Le gouvernement fédé- tion de milliers d’aviateurs dans
garde » : le site fut le premier ral conserva l’aéroport de Saint- tous les corps de métier. Inau-
aéroport canadien à prélever Hubert pour l’aéropostale et guré en 1941, l’aéroport de
des frais d’atterrissage et à l’aviation générale (le grand mât Dorval (aujourd’hui Pierre-
imposer une taxe de 10 sous par ayant servi à amarrer le R-100 Elliot-Trudeau) servit de base
passager… Toutefois le dirigea- sera démoli en 1938). pour le RAF Ferry Command,
organisation qui convoya plus
de 10 000 avions de guerre par
delà l’Atlantique. De même
durant la guerre, le Canada fut
en charge de l’entraînement des
aviateurs du Commonwealth,
dans le cadre du BCATP (British
Commonwealth Air Training
Plan). Plus de 130 000 pilotes,
navigateurs, opérateurs radio,
mécaniciens, mitrailleurs, etc.,
furent ainsi formés dans plus de
70 écoles civiles et militaires au
pays (dont plusieurs au Qué-
bec). En bonne partie, cette
infrastructure resta en place au
terme du conflit, permettant à
l’aviation moderne de prendre
sa forme définitive.
Vue des hangars permanents nos 1 et 2 à l’aéroport de Saint-Hubert vers 1929.
(Source: Archives de l’Escadron 438)

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L’importance des voies navigables dans l’histoire du Québec


par Bernard Hallé

Bernard Hallé est titulaire d’un baccalauréat en géographie et d’une maîtrise en muséologie. Il œuvre depuis 29 ans
au sein de Parcs Canada. Il a consacré les 18 dernières années à faire connaître l’histoire des canaux de navigation
par tous les moyens possibles : expositions, panneaux d’interprétation, reportages, formation de guides, développe-
ment de partenariats, activités d’interprétation, émissions de radio et de télévision, publications et conférences.
Pour rédiger cette synthèse de l’histoire des voies navigables du Québec, monsieur Hallé s’est inspiré de résumés
existants, de livres rares et de travaux inédits que des chercheurs lui ont aimablement permis de consulter.

Alors que la Fédération des surtout le fleuve Saint-Laurent, le canal de Lachine,500 hommes
sociétés d’histoire a choisi les et deux de ses principaux afflu- besognent pendant 5 ans, entre
transports comme thème de son ents, l’Outaouais et le Richelieu, 1821 et 1825, et pour celui de
congrès et qu’Histoire Québec en qui ont davantage été exploités Chambly, les travaux sont exé-
a fait le fond du présent numéro, et développés. cutés en deux temps, soit de
il m’a semblé opportun de trai- 1831 à 1835 et de 1840 à 1842,
ter des voies navigables. Bien Des travaux colossaux avec une force de travail qui
que je travaille depuis 18 ans à peut atteindre près de 1000
faire connaître l’histoire des Avant 1760, Amérindiens et hommes. Quant aux canaux de
canaux du Richelieu et de Français sautent ou contournent l’Outaouais (Grenville, Chute-à
l’Outaouais, l’histoire de ces les rapides à bord de leurs canots Blondeau et Carillon), ils ont
passages maritimes m’étonne d’écorce. En utilisant l’Outaouais nécessité en tout 15 ans de
toujours. Il me semble égale- et la rivière des Français, les construction entre 1819-1834.
ment que plusieurs aspects fas- voyageurs établissent des routes Selon Robert Legget, il s’agit des
cinants des voies navigables de fourrure jusque dans l’Ouest premiers grands ouvrages de
sont méconnus. Par exemple, canadien. Les Français construi- génie civil du pays (les autres
parmi les livres les plus docu- sent des chaînes de roches à plu- grandes œuvres avant cela relè-
mentés sur les canaux de sieurs endroits et tentent d’éri- vent du génie militaire). Au
l’Outaouais et du Richelieu, ger un canal à Lachine. Puis, Haut-Canada, de 1826 à 1832,
deux ont été écrits par un ingé- entre 1779 et 1783, les Bri- on construit le canal Rideau,
nieur ontarien (Robert Legget) tanniques aménagent un pre- une voie navigable de 202 kilo-
et un historien américain mier système de canaux à voca- mètres comportant 45 barrages
(Henry Muller), des auteurs qui tion militaire sur le Saint- et 47 écluses. De telles entre-
n’ont jamais été traduits. Laurent, dont le premier canal à prises créent des chantiers gigan-
écluses en Amérique du Nord, à tesques : des milliers d’hommes
LE RÉSEAU Coteau-du-Lac, entre les lacs creusant au pic et à la pelle, 12
HYDROGRAPHIQUE Saint-Louis et Saint-François. heures par jour; des centaines de
chevaux transportant les maté-
Le Canada possède un réseau Au cours de la seconde moitié riaux et un grand nombre de
hydrographique remarquable. du XIXe siècle, on assiste au Bas- charrettes, de grues et de méca-
Selon Robert Legget, il coulerait Canada, comme dans une ving- nismes ingénieux, probable-
dans l’Outaouais plus d’eau que taine d’états américains, à une ment toujours dépourvus de
dans toutes les rivières du véritable fièvre des canaux. Au moteurs. La construction des
Royaume-Uni. Bien qu’on ait Bas-Canada, on construit ceux canaux en Amérique, c’est la
utilisé des bateaux à vapeur sur de l’Outaouais, du Saint-Lau- « baie James » de la première
le lac Saint-Jean et jusque sur les rent et du Richelieu. Ce sont des moitié du XIXe siècle.
lacs du Témiscamingue, c’est chantiers impressionnants: pour

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d’augmenter. Certains canaux Rideau, ont été construits par


sont agrandis deux, trois et l’armée britannique pour créer
même quatre fois. En 1867, on une route alternative au Saint-
établit la Confédération, dont Laurent, que les militaires consi-
un des objectifs est d’améliorer déraient vulnérable en cas de
les voies de transports pour conflits avec les États-Unis.
développer un axe économique
Est-Ouest. En 1870, le nouveau DES ASPECTS POLITIQUES
Parlement crée la Commission
des canaux afin de proposer des Les canaux ont suscité plusieurs
améliorations au réseau de navi- débats dans différentes cham-
gation. De nouveaux canaux bres d’assemblée. Selon Legget,
sont creusés sur le Saint-Laurent un projet de canal reliant
et l’Outaouais, alors que l’agran- l’Outaouais à la baie Georgienne
dissement des voies du Riche- a généré près de 400 pages dans
lieu ne sera pas complété. On le Journal des débats. Selon
améliore la navigabilité au Muller, la canalisation du
Voici les deux outils qui ont permis de
creuser des centaines de kilomètres de moyen de différentes tech- Richelieu a donné cours à des
canaux. Travailleurs au canal de niques: barrages, dragage, nou- discussions secrètes qui auraient
Sainte-Anne-de-Bellevue, détails, 1920. veaux passages… pu faire rattacher le Vermont au
(Source: Parcs Canada/160/00/1c-35) Canada plutôt qu’aux États-
LA STRATÉGIE MILITAIRE Unis. Mais les débats les plus
LES AGRANDISSEMENTS houleux concernaient la ferme-
Les canaux ont aussi joué un ture de ces passages maritimes
Dès 1850, la structure du réseau rôle important dans la stratégie le dimanche « afin de ne pas
est établie et la plupart des militaire du Canada. C’est ainsi déplaire au seigneur d’où vient
grands passages sont déjà que ceux de Carillon, Chute-à- toute richesse ». Motion qui a
construits. Mais les bateaux ne Blondeau et Grenville, sur d’ailleurs été adoptée.
cessent de grossir et le trafic l’Outaouais, ainsi que le canal

Agrandissement du canal de Lachine, en 1874. (Source: Bibliothèque et Archives nationales du Canada/061471, estampe de W. Scheuer)

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LES IMPACTS SOCIAUX ET


ÉCONOMIQUES

Les voies navigables et les


bateaux ont fait travailler de
nombreuses personnes. D’abord,
celles qui les ont construits, puis
entretenus et fait fonctionner;
ensuite, les marins qui ont
sillonné ces cours d’eau et sur-
tout, les gens qui ont produit les
biens et les matières premières
qui les ont traversés. On peut
ajouter à cette liste tous les gens
qui ont fourni des services,
autant aux travailleurs qu’aux
navigateurs.
Le premier canal de Carillon a été construit par des militaires. (Source: Bibliothèque et
Les canaux, cela représente Archives nationales du Canada, Carillon vers 1850, C-005388)
aussi les produits convoyés; des
tonnes et des tonnes de pro-
duits. À l’apogée du canal de
Chambly, en 1910, on y trans-
porte 600 000 tonnes de mar-
chandise; au canal de Lachine, en
1875, on déplace un million de
tonnes; au canal de Soulanges, en
1959, on en calcule 11 millions de
tonnes et, en 1994, la Voie mari-
time du Saint-Laurent permet le
passage de 200 millions de
tonnes de biens divers. Ce sys-
tème de transport maritime a
contribué à la colonisation et au
développement de régions impor-
tantes. Les canaux du Richelieu
L’écluse no 1 du canal de Lachine, en 1924. Les deux premières écluses du canal étaient plus
(Chambly et Saint-Ours) ont vastes et pouvaient accueillir des océaniques dont on transbordait les produits dans des
joué un rôle clé dans les débuts bateaux plus modestes. Ce transbordement favorisa le développement d’entreprises de trans-
du commerce entre le Canada et formation et stimula l’essor du secteur manufacturier à Montréal. (Source: Bibliothèque et
Archives nationales du Canada, collection Andrew Merrilees, PA 202453, 1924)
les États-Unis, alors que ceux du
Saint-Laurent (Lachine, Beau-
harnois, Soulanges…) ont favo- tiers de la force ouvrière de DES VOLETS
risé l’essor d’un axe de transport Montréal. La quête d’énergie ENVIRONNEMENTAUX
Est-Ouest, la base même de (lire énergie hydraulique
l’économie du Canada. directe) peu chère et d’eau bon Les canaux ont à la fois des
marché compte parmi les princi- effets positifs et négatifs sur
Enfin, au canal de Lachine, on paux facteurs de localisation de l’environnement. Dans ces cours
assistera, entre 1846 - date de ces établissements industriels d’eau artificiels vivent un nom-
l’octroi des premiers baux aux abords de ce canal qui est bre surprenant de poissons et
hydrauliques - et 1946, à l’im- perçu comme le « berceau de d’amphibiens. Leurs berges recè-
plantation de centaines d’entre- l’industrialisation manufactu- lent une grande variété d’arbres
prises qui mobiliseront jusqu’au rière au Canada». et elles sont d’agréables endroits

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de détente. Cependant, les unique en Amérique, car elle ont marqué le territoire, ils ont
canaux présentent aussi des vise le passage de plusieurs créé des habitudes qui se sont
aspects plus sombres. Par exem- espèces, dont des poissons de transformées et ont perduré.
ple, les biologistes ont démontré fond, ce qui nécessite un plus Encore maintenant, les chemins
que le barrage qui est associé au grand nombre de bassins. de fer et les grandes autoroutes
canal de Saint-Ours empêchait empruntent souvent des tracés
certains poissons d’atteindre LES IMPACTS INDIRECTS semblables aux premières routes
leur zone de reproduction. C’est navigables. Des villes nées de
pourquoi Parcs Canada et une Les plus grands impacts des l’eau se sont trouvées d’autres
dizaine de partenaires ont voies navigables sont peut-être vocations et se sont développées.
construit une passe migratoire les plus indirects. Les canaux Si, à l’origine, elles étaient de
bons ports ou des escales avant
les rapides, des entreprises et
des services s’y sont aujourd’hui
développés simplement parce
qu’il y avait déjà une population
établie. C’est le cas de Saint-Jean-
sur-Richelieu, Sainte-Anne-de-
Bellevue, Sorel et même d’une
grande partie de Montréal.

LES CANAUX
AUJOURD’HUI

Au Québec, seule la Voie mari-


time du Saint-Laurent continue
d’avoir une vocation de naviga-
tion commerciale importante et
La passe migratoire du canal de Saint-Ours. (Photo: Parcs Canada/Jean Mercier) elle est même considérée comme
un des plus grands canaux navi-
gables au monde. En 2009, on
fêtait son 50e anniversaire. En un
demi-siècle, plus de 2,5 milliards
de tonnes de marchandises, d’une
valeur estimée à 375 milliards
de dollars, ont transité par la
Voie maritime entre le Canada et
une cinquantaine d’autres pays.

Aujourd’hui, au Québec, six


canaux relèvent de l’Agence
Parcs Canada laquelle assure la
conservation et la mise en
valeur de ces lieux historiques
nationaux (Coteau-du-Lac, le
seul fermé à la navigation,
Chambly, Lachine, Saint-Ours,
Sainte-Anne-de-Bellevue,
L’entrée sud du canal de Chambly, vers 1960. On peut y percevoir les interactions entre Carillon). Ces voies constituent
l’industrie et l’ancien port. (Source: Collection Parcs Canada) un important réseau qui donne

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accès aux canaux américains


ainsi qu’à deux passages mari-
times en Ontario, aussi gérés par
Parcs Canada : le canal Rideau,
reconnu comme site du patri-
moine mondial, et la voie mari-
time du Trent-Severn, construite
entre 1833 et 1920, qui serpente
sur 386 kilomètres. Les plaisan-
ciers ont donc accès à un gigan-
tesque ensemble de routes navi-
gables. Aujourd’hui, au canal de Sainte-Anne-de-Bellevue, des bateaux de croisière modernes rap-
pellent l’époque où des dizaines de vapeurs sillonnaient l’Outaouais.
D’autres canaux (Grenville, (Photo: Parcs Canada/ James Powis)
Beauharnois, Soulanges) sont
sous la responsabilité de munici-
palités ou de corporations inter-
municipales. Les berges des
emplacements historiques reçoi-
vent chaque année des millions
de promeneurs, de cyclistes, de
patineurs, de passionnés d’his-
toire et de participants à une
multitude d’activités estivales
dans un décor splendide.
Randonnée pédestre ou cycliste,
observation d’oiseaux et de Les canaux navigables du Québec et du Canada. (Source: Agence Parcs Canada)
bateaux et croisières patrimo-
niales ne sont que quelques acti- ment de nombreux mécanismes. des programmes scolaires nous
vités possibles. Les canaux fonc- Les travailleurs des passages rappellent l’ingéniosité et la
tionnels sont des sites de patri- historiques éclusent des dizaines détermination de nos ancêtres.
moine vivant où les éclusiers de milliers de bateaux de plai- Les canaux historiques en
perpétuent les gestes d’antan : sance, ce qui permet aux naviga- constituent des exemples pro-
accueillir les capitaines, les aider teurs d’aujourd’hui de goûter à bants qu’il faut présenter aux
à s’amarrer, les conseiller dans un mode de vie ancestral. Des étudiants pour les sensibiliser à
leurs manœuvres et, au canal de expositions, des activités d’inter- la science, à la technologie et à
Chambly, actionner manuelle- prétation, des sites Internet et l’environnement.

Bibliographie
CARTIER, François, Bernard HALLÉ, Daniel BEAUDIN, Karine LA FLÈCHE et Yvon DESLOGES, Les canaux ou l’eau apprivoisée, Continuité,
no 93, été 2002.
GELLY, Alain, Historiographie du canal de Chambly. Document présentement en rédaction, 400 p.
HUDON, Paul-Henri, Le barrage Fryer - Draguer et harnacher le Richelieu, décembre 2007, Prix Percy-Foy, document non publié, disponible à
la Société d’histoire de la Seigneurie de Chambly, 82 p.
LAFRENIÈRE, Normand, Le canal de Carillon et le réseau de canalisation de l’Outaouais, Parcs Canada, 1980, 225 pages, no 2794 et no 281.
LEGGET, Robert, Ottawa River Canals and the Defense of British North America, University of Toronto Press, 1988, ISBN 0-8020-5794-2, No 2410,
308 p.
MULLER, Henry N. The commercial history of the lake Champlain-Richelieu river route, 1760-1815. Ph. D., University of Rochester, 1969, 347 p.
SÉVIGNY, P.A., La main-d’œuvre des canaux du Richelieu 1843-1950, ministère de l’Environnement, Ottawa, 1983, 136 p.
SÉVIGNY, P.A., Commerce et navigation sur le canal Chambly : aperçu historique, Parcs Canada, 1983, 90 p.
SÉVIGNY, P.A. La construction du canal de Chambly, quelques précisions (1831-1842), septembre 1988, document non publié, 70 p.
Sites Internet de Parcs Canada, www.pc.gc.ca.

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Une merveille du monde


Le pont de Québec
par Michel L’Hébreux,
président de la Société d’histoire de Saint-Romuald

Michel L’Hébreux est président de la Société d’histoire de Saint-Romuald. Tout en oeuvrant dans le domaine de
l’éducation à titre d’enseignant, puis de directeur d’école, M. L’Hébreux a effectué des recherches pour retracer,
écrire et raconter l’histoire passionnante de ce pont reconnu depuis 1987 comme Monument historique internatio-
nal du génie civil. Il a d’ailleurs prononcé plus de 1 500 conférences sur le sujet et a participé à plusieurs émissions
de radio et de télévision. Il a rédigé des articles pour bon nombre de revues importantes ainsi que pour
l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, en plus de collaborer à la réalisation de
quelques films documentaires. Membre fondateur du Comité pour la sauvegarde et la mise en valeur du pont de
Québec, M. L’Hébreux a publié Une merveille du monde, le pont de Québec etCe sera le plus grand pont
du monde. Ce dernier volume a même été traduit en anglais.
En 2002, le travail de Michel L’Hébreux a été reconnu à l’échelle nationale lorsque la Société canadienne de génie
civil lui a décerné le Prix W. Gordon Plewes pour sa contribution à l’étude de l’histoire du génie civil au Canada.
En avril 2009, il a aussi été récipiendaire du Prix du Patrimoine dans la catégorie Interprétation et diffusion pour
la grande ville de Lévis, en appréciation de l’ensemble de ses réalisations en rapport avec le pont de Québec.

La ville de Québec, berceau de libre entre ses piliers principaux. tion que ce projet attendu pen-
l’Amérique française, marque Le pont de Québec dépasse de dant plus de cinquante ans fut
aussi l’histoire des transports et 30 mètres son plus proche rival, enfin réalisé, le 20 septembre
du génie canadien en étant le le fameux pont Firth of Forth 1917, après quelques tentatives
site du plus grand pont cantile- situé en Écosse et parachevé en infructueuses qui ont causé la
ver au monde avec ses 549 1890. Or, ce n’est pas sans de mort d’une centaine d’ouvriers.
mètres (1 800 pieds) de portée nombreuses difficultés d’exécu- Ce pont est aujourd’hui consi-
déré comme un chef-d’œuvre
mondial d’ingénierie, ayant reçu
au fil des ans plusieurs titres de
noblesse importants.

Un premier projet …

Le 2 octobre 1900, Sir Wilfrid


Laurier et Simon-Napoléon
Parent donnent le coup d’envoi
à la construction du pont de
Québec qui doit être érigé par la
Phoenix Bridge Co. de Phoenix-
ville, Pennsylvanie. Au cours de
l’érection, des problèmes se
multiplient dans la structure; les
ouvriers rencontrent des diffi-
cultés à aligner des pièces et
constatent même que plusieurs
Écroulement du pont de Québec survenu le 29 août 1907, causant la mort de 76 ouvriers. se courbent, ce qui aurait dû
(Photo: E.M. Finn, St. Lawrence Bridge Co.)

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Seconde catastrophe à survenir au pont de Québec, le 11 septembre 1916, en tentant de hisser la travée centrale.
(Photo: St. Lawrence Bridge Co.)

éveiller des inquiétudes. Le 29 sortium entre la Dominion Bridge deux bras cantilever. Pendant
août 1907, alors qu’une centaine Co. de Lachine, au Québec, et de l’ascension de la travée qui pèse
d’hommes travaillent sur l’ar- la Canadian Bridge Co. de Wal- 5 200 tonnes, on entend soudai-
mature et qu’il leur reste une kerville, en Ontario. Des normes nement un craquement épou-
vingtaine de minutes à faire extrêmement rigoureuses sont vantable et l’on voit cette der-
pour terminer leur journée de suivies afin qu’aucune erreur ne nière se tordre, se ployer, puis
travail, toute la partie sud du se glisse lors de l’exécution de s’engouffrer dans les profon-
pont, d’une longueur de 391 l’oeuvre. On double la quantité deurs du fleuve. Cette deuxième
mètres (1 284 pieds), s’écroule d’acier par rapport au premier tragédie, qui cause la mort de 13
comme un château de cartes. pont et, même si le principe de personnes et en blesse 14 autres,
Cette première catastrophe, qui construction demeure le même, sera attribuée cette fois-ci à un
sème la consternation dans le plusieurs changements impor- défaut dans le moulage d’un
pays tout entier, cause la mort tants sont apportés dans les support cruciforme de la travée.
de 76 personnes, dont 33 plans. Ce pont cantilever aura
Mohawks de Kahnawake, 17 987 mètres de long, avec une tra- Le pont … enfin terminé !
Américains et 26 Québécois. vée centrale suspendue de 195
Lors d’une commission royale mètres, et une portée libre de L’année suivante, le 20 septem-
d’enquête par la suite, des 549 mètres entre ses piliers prin- bre 1917, devant une foule de
erreurs fondamentales dans la cipaux. Une fois réalisé, il 125 000 personnes, on installe
conception des plans, ajoutées à deviendra le plus long pont au avec succès une autre travée
un manque de jugement de la monde, toutes catégories con- centrale identique à la première.
part de Theodore Cooper, l’ingé- fondues. Plusieurs manifestations de joie,
nieur responsable de la cons- dans une ville de Québec toute
truction, viennent expliquer la Les bras d’ancrage et cantilever pavoisée, viennent alors souli-
cause de cette tragédie. nord et sud sont érigés entre gner l’heureux parachèvement
1913 et 1916. Le 11 septembre de cette grande merveille du
La reconstruction du pont 1916 s’annonce un jour de fête à génie civil dans le monde.
Québec, car on prévoit terminer
L’année suivante, c’est le gou- la construction du pont. Il ne La ville voit alors réaliser un
vernement fédéral qui prend le reste plus qu’à procéder à l’ins- rêve qu’elle caressait depuis
projet en main et confie la tallation de la travée centrale qui longtemps, soit de devenir le
construction du deuxième pont a été construite dans l’anse de véritable carrefour de transport
à la St. Lawrence Bridge Co., con- Sillery et qui viendra réunir les d’envergure nationale. À partir

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qui vint inaugurer le grand pont


de Québec qui soudait le dernier
chaînon du ruban d’acier, reliant
ainsi les rives de l’Atlantique à
celles du Pacifique.

Même s’il fut classé parmi les


chefs-d’œuvre du génie civil à
l’époque de son parachèvement,
l’histoire récente nous démontre
que le pont de Québec a conti-
nué d’accumuler des titres de
noblesse au fil des ans. En 1987,
il a été désigné Monument histo-
rique international du génie civil
par l’American Society of Civil
Engineers et la Société cana-
Ouverture de la première voie carrossable sur le pont de Québec, le 22 septembre 1929. dienne de génie civil. À l’échelle
(Photo: Mme Hortense Plante) mondiale, pareil honneur
n’avait été décerné qu’à quatre
de 1917, le pont met la ville et de cet ouvrage exceptionnel œuvres de cette branche d’ingé-
la région en communication qualifiaient leur projet de 8e nierie, ce qui vient confirmer
directe avec la rive sud du Saint- merveille du monde, tant l’œu- toute la considération que les
Laurent et les États-Unis, et rend vre représentait un défi colossal ingénieurs du monde entier ont
ainsi possible l’entrée dans la pour l’époque. Au moment de la toujours manifestée à l’endroit
ville de Québec de nombreuses fin des travaux, en 1917, des de cette construction. Encore
compagnies de chemin de fer gens venant de partout au plus récemment, à la fin de jan-
qui sillonnaient jusqu’alors la Canada et même des États-Unis vier 1996, le gouvernement
rive sud. se sont massés sur les deux rives canadien déclarait le pont de
du Saint-Laurent afin d’être des Québec Lieu historique national,
En 1929, une voie carrossable de témoins oculaires de cette reconnaissant ainsi cet ouvrage
4,57 mètres de largeur permet prouesse d’ingénierie. Aujour- comme le plus important de
aux automobiles de traverser; elle d’hui encore, le pont de Québec l’histoire du génie civil cana-
s’ajoute aux deux voies ferrées est cité dans tous les ouvrages dien.
que l’on retrouve sur le pont. Un de génie publiés à travers le
kiosque de perception recueille monde; on le cite pour illustrer Des problèmes d’entretien
l’argent des automobilistes et un la technique des ponts cantile-
système de signaleurs dirige la ver et, bien sûr, comme le plus Au cours des trois dernières
circulation lorsqu’un véhicule long en son genre. S’il a encore décennies, le pont de Québec a
plus large tente de passer. Cette le rayonnement international connu de sérieux problèmes d’en-
voie sera portée à 9,15 mètres en qu’on lui connaît, cet honneur tretien. Avec la réduction des
1951 alors que l’une des deux revient au courage et à la téna- budgets consacrés à cette fin, on
voies ferrées sera enlevée. cité des Québécois qui sont allés a assisté d’année en année à un
jusqu’au bout de ce grand pro- envahissement accéléré de la
Une prouesse d’ingénierie jet, malgré les nombreuses rouille de plus en plus visible sur
embûches rencontrées. la structure. En 1995, une coali-
À l’époque de sa construction, le tion formée de citoyens et d’or-
pont de Québec a bénéficié d’un Un objet de fierté ganismes a réussi, après quel-
rayonnement important, puis- ques années d’effort, à amener
que cette initiative québécoise En 1919, lors de l’inauguration les trois principaux partenaires
dépassait largement les fron- officielle, c’est le prince de impliqués, soitle Canadien Natio-
tières du pays. Les promoteurs Galles, le futur Édouard VIII, nal, le gouvernement fédéral et le

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ministère des Transports du


Québec, à renégocier les termes
d’une nouvelle entente pour
défrayer les coûts d’un pro-
gramme de restauration du pont
échelonné sur dix années. Mal-
heureusement, ces travaux furent
interrompus à l’automne 2005
alors que seulement 40 % de la
structure avait été repeinte et le
budget prévu à cet effet épuisé.

En 2008, la firme Delcan a été


mandatée par le gouvernement
fédéral pour procéder à une ins-
pection des travaux réalisés par
le CN dans le cadre de ce pro-
gramme de restauration du pont. Inauguration officielle du pont de Québec par le prince de Galles (futur Édouard Vlll),
Puisque la compagnie refusait le 22 août 1919. (Photo: St. Lawrence Bridge Co.)
d’honorer le contrat, le gouver-
nement fédéral a intenté une La corrosion a déjà attaqué plu- En terminant, il faut espérer que
poursuite en justice en 2007 pour sieurs pièces secondaires qui ce nouvel épisode dans l’histoire
forcer le CN, privatisé depuis sont amincies et perforées comme mouvementée du pont de
2005 et propriétaire du pont le démontrent plusieurs photos Québec connaisse un dénoue-
depuis 1993, à respecter l’entente apparaissant dans le rapport. ment heureux. Cette œuvre de
convenue au moment de la trans- Elle a aussi commencé à toucher
génie civil jouit de tout le poten-
action. Les données recueillies des éléments critiques du pont.
IL DEVIENT DONC URGENT
tiel nécessaire pour redevenir
par la firme Delcan devaient ser- une attraction d’envergure et un
DE PRENDRE LES MESURES
vir à étayer la preuve du gouver- joyau de l’industrie touristique
NÉCESSAIRES LE PLUS TÔT
nement au cours du procès qui se POSSIBLE SI ON DÉSIRE PRO- régionale, s’il est préservé et mis
poursuit toujours. Le rapport LONGER LA DURÉE DE VIE en valeur comme il le mérite.
publié au début de l’année 2009 UTILE DE CE PONT HISTO-
arrive aux conclusions suivantes. RIQUE.
Plusieurs réparations recomman-
dées lors des inspections précé-
dentes (1994 et 1995) n’ont pas
été exécutées ou exécutées par-
tiellement. Aussi, depuis ces
inspections qui datent de plus
de 15 ans, la dégradation du pont
s’est poursuivie à un rythme
accéléré.
Même si le pont ne présente
pas de danger immédiat, des
travaux doivent débuter à court
terme pour éviter une dégrada-
tion irréversible.
La nouveau produit pour repein-
dre le pont (côté nord) présente
déjà après 4 ans des signes
démontrant une usure prématu-
rée et ne respecte pas la garantie Photo prise en 1995 montrant le pont de Québec envahi par la rouille qui se fait de plus en
plus présente sur la structure. (Photo: Michel L’Hébreux)
annoncée par le fabricant.

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HISTOIRE QUÉB E C VOLUME 16 NUMÉRO 1 2 0 10

Les traversiers entre Verdun et la Rive-Sud


par Guy Billard,
vice-président de la Société d’histoire et de généalogie de Verdun

Guy Billard est vice-président de la Société d’histoire et de généalogie de Verdun (SHGV). Il s’intéresse aux
recherches en histoire, en particulier à l’histoire de Verdun où il est né en 1930. Le Verdunois adore scruter les livres
de sa société qui en compte 20 000. Il rédige des textes pour la revue Les Argoulets, publiée quatre fois l’an, et pour
le journal Le messager de Verdun qui peut être consulté sur http://www.messagerverdun.com/ - section SOU-
VENIRS. Parfait bilingue, M. Billard possède son site Internet, http://shgverdun.multiply.com/photos, un site
anglophone qui contient plus de 400 photos sur son coin de pays. Quelques photos de sa collection peuvent aussi
être visionnées sur le site de la SHGV: www.ville.verdun.qc/shgv. Photographe amateur, Guy Billard est respon-
sable des albums photos et des cartes anciennes.

Les anciens traversiers de pour le bénéfice des gens de La Catherine. Il s’agit d’un permis
Verdun à Laprairie et à la Côte Tortue (Laprairie) et de Saint- de transport accordé pour 5 ans
Sainte-Catherine sont aujour- Constant. Verdun accède à la sur le Saint-Laurent, entre la
d’hui presque légende. Seuls les demande, mais répond en y Côte Sainte-Catherine et Verdun,
petits voiliers de plaisance et les mettant ses conditions. au coût de 5 $ par an payable en
chaloupes motorisées se bala- - Pour une voiture simple, juin de chaque année. Le règle-
dent dans la grande baie. Avant chargée ou vide, avec ment contient la condition qu’au-
que Verdun se soit constitué conducteur, une traversée: 40 cune liqueur spiritueuse ne soit
officiellement Village, de nom- cents. vendue sur le traversier et que
breux traversiers ont librement - Aller/retour: 60 cents. nulle municipalité ne soit res-
donné du service aux riverains, - Voiture double, chargée ou ponsable des problèmes pouvant
transportant personnes et mar- vide, aller : 60 cents; aller- y survenir. À Verdun, les con-
chandises. Le 13 décembre 1879, retour:1$. seillers Crawford et Hadley pro-
MM. Louis Laurin et Henri - Personne à pied, aller : 15 posent des modifications au
Pigeon demandent au conseil de cents; aller-retour: 25 cents. règlement : ce permis sera donné
Verdun d’instituer un tel service - Enfants de moins de 12 ans: quand le conseil de Verdun aura
demi-tarif. reçu un tarif de 50 $ pour cha-
- Cheval seul ou personne à cune des deux premières années
cheval : 25 cents; aller-retour: et 75 $ pour chacune des trois
40 cents. années subséquentes.
- Chaque vache, boeuf, bête à
cornes : 20 cents. Le Lovells Montreal Directory de
- Chaque mouton, cochon, 1883-84 affirme au sujet de
veau : 10 cents. Verdun qu’un bateau transpor-
teur est maintenant en activité à
Le 4 décembre 1882, le secrétaire- La Tortue, pour passagers et voi-
trésorier de Verdun lit au conseil tures, au rythme de quatre voya-
une lettre de M. J.A. Roberge, ges par jour.
secrétaire-trésorier de Laprairie,
lettre datée du 25 novembre Un permis similaire est accordé,
1882; elle se réfère au règlement le mercredi 4 avril 1883, à la fois
13 de cette paroisse qui accorde par Laprairie et Verdun à la
Traversier St Louis accosté à Verdun. à M. Louis Barbeau et Fils un Compagnie de Navigation de
(Source: le Guardian, ancien journal de permis de traversier, susceptible Laprairie; il est valide pour 5 ans,
Verdun qui n’existe plus depuis une d’être transféré à la Compagnie à compter du 1er janvier 1883.
quarantaine d’années)
de navigation de la Côte Sainte- Au cours des quelques années

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HISTOIRE QUÉB E C VOLUME 16 NUMÉRO 1 2 0 10

Traversier Richelieu accosté au quai La Tortue à Laprairie. (Source: Archives de la Société d’histoire et de généalogie de Verdun (SHGV)

qui suivent, les demandes se aux mêmes conditions que pour l’appelaient aussi La Tortue.
renouvellent à Verdun, que ce les compagnies semblables, sauf Pour les anglophones, c’était le
soit par la même petite compa- que le tarif à payer à Verdun ne Torchy Wharf. De l’autre côté de
gnie (12 mai 1888, Sainte- sera que de 25 $ pour l’année la rivière était situé le quai La
Catherine) ou par une nouvelle, courante. Tortue à Laprairie.
comme elle de la Côte Saint-
Louis (12 mai 1890) et de la Les quais Le nom La Tortue
Compagnie de Navigation de
Verdun (24 août 1894). La même Un des quais d’où abordaient Le nom La Tortue fut donné par
réponse se répète, et aux mêmes les traversiers à Verdun était les Mohawks qui ont demeuré
conditions. Chose remarquable, situé au bout de la Deuxième dans le secteur durant la
des profits plus grands sont reti- avenue et était encore en usage période de 1667 à 1675. Des
rés de Verdun que ceux prove- en 1915. Il desservait de nom- nombreux emplacements por-
nant de la Rive-Sud. Ainsi, les breux fermiers de Laprairie, de taient le nom de La Tortue dans
permis coûtent 5 $, payables à Saint-Constant et des environs le territoire, tous étant situés sur
Laprairie et 100$ à Verdun. qui se rendaient avec leur voi- les bords de la rivière La Tortue.
ture au Marché Bonsecours ou
Une autre demande dont il est chez les épiciers pour vendre a) Le quai de la Deuxième ave-
question dans le procès-verbal légumes et viandes. Les gens le nue qui sera plus tard
du 2 mai 1898 est celle de Casi- nommaient le quai de La Tortue, nommé le quai Leblanc.
mir St. James (Saint-Jemme) qu plus tard renommé le quai b) Le quai de la rue Riverview,
veut mettre en circulation un Leblanc. aussi désigné Torchy Wharf
bac entre Verdun et Laprairie. par les anglophones.
Un permis lui est accordé pour Un autre quai était situé au pied
c) Le chenal La Tortue, aussi
un an à compter du 1er mai 1898 de la rue Riverview et certains
appelé la traverse La Tortue,

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HISTOIRE QUÉB E C VOLUME 16 NUMÉRO 1 2 0 10

utilisé par les traversiers j) La station La Tortue, la gare


entre les deux rives. Il est du CNR, à 0,6 mille (1 kilo-
identifié sur une carte de mètre) au nord-est de la
Public Works Canada datant jonction à Delson Station.
de 1921, dont nous avons
copie dans nos archives. Le Capitaine P. McLean
d) Le quai La Tortue à Laprai-
rie. En 1908, le capitaine P. McLean
devient propriétaire du vapeur
e) La rivière La Tortue sur la
Saint Louis qui fait le service
rive sud. (Cette mention me
entre Verdun et La Tortue. Il
semble inutile étant donné
était auparavant aux services de
que, plus haut, on dit que
la Cie Richelieu et Ontario. Le
les endroits ont été baptisés
nouveau bateau fera quatre
parce qu’ils étaient sur les
voyages tous les jours de la
bords de la rivière…)
semaine et six le dimanche.
f) Le village La Tortue qui sera
renommé Saint-Mathieu de En 1920, le bateau à vapeur Riche-
Lapraire en 1919. lieu fait la navette entre les deux
g) La côte La Tortue (La rives, de 4 h du matin à 20 h le
Seigneurie de la Prairie, soir. Sans être encore obsolète, le
1697). transport par traverse perdra de
h) Le moulin La Tortue, nom son importance au cours des
original du moulin Sei- années 1930, avec l’amélioration
gneurie à La Tortue. des ponts Jacques-Cartier à
i) Le chemin La Tortue, nom Montréal et Honoré-Mercier à
de la vieille route 3 qui lon- LaSalle.
geait le bord du Saint-
Laurent de Caughnawaga
(Kahnawake) à Laprairie via
Baurette (nord de Delson) à
l’embouchure de la rivière
Capitaine P. McLean. (Source: La Presse, La Tortue.
édition du 24 juin 2008)

Bibliographie
DÉZIEL, Julien, Essai d’histoire de Verdun, 1665, 1876-1976, Édition Comité du Centenaire, 1976, 237 p.
GRAVEL, Denis, Verdun: 125 ans d’histoire 1875-2000, Société historique archiv-histo, 2000, 318 p.
Lovell’s Montreal directory for 1883-84, Canadian Institute for Historical Microreproductions, Ottawa, 9 microfiches.

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HISTOIRE QUÉB E C VOLUME 16 NUMÉRO 1 2 0 10

Le pont tubulaire et ferroviaire Victoria


par Michel Pratt,
président de la Société historique et culturelle du Marigot

Michel Pratt est historien, scénariste, professeur et spécialiste de l’histoire de la Rive-Sud de Montréal. Depuis
1998, il est président de la Société historique et culturelle du Marigot. Il a enseigné au Collège de Maisonneuve, où
il fut coordonnateur du département d’histoire et de géographie. Alors qu’il était professeur de sciences politiques
au Cégep de Saint-Hyacinthe, il accepta la présidence du Syndicat des enseignants en 1985. Il a été chargé de cours
en histoire à l’Université du Québec à Montréal, à l’Université de Montréal, à l’Université du Québec à Trois-
Rivières et à l’Université de Sherbrooke. Auteur de scénarios de films, il fut également président de l’Association
des auteurs de la Montérégie de 1999 à 2002, et c’est sous sa présidence que sera fondé le Festival de la littérature
de la Montérégie. De plus, Michel Pratt est secrétaire du conseil d’administration de la Fédération Histoire Québec
depuis 1998 et président-fondateur des Éditions Histoire Québec.

La décision de construire le pont amoncellement spectaculaire de et de Samuel Morton Peto, Tho-


tubulaire Victoria avait été prise glaces. La construction d’un mas Brassey et Edward Ladd
dès 1853, l’année même des pont était donc devenue impéra- Betts de Londres. L’ingénieur en
achats de compagnies de che- tive. chef du chantier de construction
mins de fer effectués par la était James Hodges (1814-1879);
Grand Trunk Railway, laissant L’idée originale du pont fut c’est grâce à son dynamisme qu’un
ainsi croire que cette compagnie attribuée au marchand montréa- monument de quelque 30 tonnes
savait déjà que les installations lais John Young, alors que la fut érigé à proximité du pont
de Longueuil seraient tempo- localisation et les premiers plans Victoria, à Pointe Saint-Charles,
raires. À preuve, en 1854, elle seront accordés à Thomas C. à la mémoire d’environ 6 000
avait déjà fait l’acquisition des Keefer, un ingénieur canadien. Irlandais immigrés au Canada,
terrains à Pointe-Saint-Charles. Quant à la conception finale, elle décédés en 1847 et 1848, vic-
sera confiée par le président de times de la Grande Famine.
À cette époque, si Montréal vou- la Grand Trunk Railway Com-
lait conserver son titre de métro- pany of Canada, John Ross, aux Il appert que 3 040 personnes
pole, elle se devait d’améliorer ingénieurs Robert Stephenson travaillèrent à la construction du
le transport des marchandises de Londres, et Alexander pont et qu’on y utilisa 144 che-
en provenance du Sud. Or l’hi- Mckenzie Ross de Montréal. En vaux, 6 bateaux vapeur et 72
ver, lorsque le froid n’était pas cas de désaccord, Robert Ste- barges. La tâche fut monumen-
trop intense, l’approvisionne- phenson était celui qui, par tale. Il a fallu:
ment se faisait par un moyen contrat, avait le mot final dans
très rudimentaire de transport les décisions. Stephenson avait
sur la glace; pendant les autres conçu le pont tubulaire Bri-
saisons, les bateaux vapeur tannia, ouvert en 1850, dans la
étaient limités dans leurs dépla- région d’Anglesy, au Pays de
cements. De plus, il arrivait à Galles; son père, George Ste-
chaque année, autant à l’au- phenson, était considéré comme
tomne qu’au printemps, que la l’inventeur du transport ferro-
circulation fut complètement viaire en Angleterre. Le 29 sep-
fermée pendant une semaine ou tembre 1853, le contrat de la
deux à cause des mauvaises construction du pont fut accordé
conditions climatiques sur le pour la somme de 1400 000 £ à la
fleuve. Au printemps, la débâcle firme britannique composée de Premier pont Victoria. (Source: Collection
provoquait à elle seule un William Jackson, de Birkenhead, Société historique et culturelle du Marigot)

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HISTOIRE QUÉB E C VOLUME 16 NUMÉRO 1 2 0 10

Pour les besoins de la construc- largeur de 6,7 mètres à la fonda-


tion, on exploita la carrière de tion. On comptait 25 ouvertures
Pointe-Claire qui offrait des pour la navigation; chacune
pierres de qualité. Cette activité mesurait 73,76 mètres de lon-
permit d’engager plus de 450 gueur, à l’exception de celle du
travailleurs. Une autre carrière, centre qui faisait 100,58 mètres.
bien que de moindre impor- Les piliers avaient été conçus
tance, fut utilisée au Vermont. pour servir en partie de brise-
Les pierres étaient transportées glace; leur bout épousait un
sur des barges. De puissants angle incliné de 45 degrés. La
bateaux vapeur neufs étaient largeur des tubes rectangulaires,
également mis à contribution dont les plaques de fer prove-
Premier pont Victoria. (Source: Collection
pour acheminer du matériel de naient de Birkenhead, en Angle-
Société historique et culturelle du Marigot)
toutes sortes. Le transport n’était terre, était de 4,87 mètres; la
pas toujours facile puisque le hauteur, de 5,79 mètres aux
« (…) concevoir, fabriquer et
courant sur le fleuve en face de extrémités, atteignait progressi-
apporter sur place des caissons
Montréal atteignait environ vement jusqu’à 6,7 mètres au
étanches grâce auxquels il
onze kilomètres à l’heure. La centre. Le plancher du tube cen-
deviendra possible, après les
première pierre du premier tral était à 18,28 mètres du
avoir vidés de travailler en
pilier fut déposée le 22 juillet niveau le plus bas du fleuve au
cale sèche pour creuser le lit
1854, lors d’une cérémonie pro- cours de l’été. Un tube, recou-
du fleuve jusqu’au roc et y
tocolaire. vert de quatre couches de pein-
déposer la pierre des piliers;
ture, s’étalait au-dessus de deux
faire fabriquer les pièces du
Le pont mesurait 2,76 kilomè- ouvertures et s’appuyait au cen-
tube où circulera le train [...]
tres de long, dont 2,01 kilomè- tre d’un pilier. Le plafond en
et les apporter sur le site;
tres pour le tube en fer, et com- bois, posé par la firme de J. Mar-
dessiner et construire un pont
prenait 24 piliers (en excluant tineau, représentait alors le plus
roulant en vue de l’assem-
les deux aux extrémités) d’une long toit au monde. Le pont
blage du tube. »1
tubulaire Victoria, ne compor-
tant qu’une seule voie ferrée,
était alors considéré par plu-
sieurs observateurs comme la
huitième merveille du monde.
Les coûts furent estimés à
7000000 $, soit 1000 000$ pour
les entrées et les extrémités,
4 000 000 $ pour la maçonnerie
des piliers et 2000 000 $ pour les
tubes rectangulaires en fer.

Le 13 décembre 1859, un train tra-


versa le pont Victoria; pour cette
occasion, le Longueuillois Fran-
çois Saint-Mars (1827-1908)
était seul à bord de la locomotive.
M. Saint-Mars a été conseiller
municipal de Longueuil en
Le prince de Galles activa le mécanisme de la pose de la dernière pierre, de 3 mètres de long 1880-1881. Du 15 au 17 décem-
sur 1,8 de large, du pont Victoria. L’estrade avait été construite sur le toit du pont. (Source: bre 1859, d’importants tests du
London Illustrated News, 6 octobre 1860, collection Société historique et
culturelle du Marigot) pont Victoria furent effectués.

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Samuel Keefer, l’inspecteur des en or, fabriquée par la compa- lumières éblouissantes au
chemins de fer mandaté par le gnie Wyatt de Londres. Des gaz, de telle sorte que, pen-
Receveur général raconte, dans répliques en argent de cette dant trois heures, on peut
son rapport du 19 décembre, décoration furent fabriquées à dire que Montréal souligna
que deux locomotives jumelées Birmingham. En soirée, un feu l’arrivée du prince de Galles
tiraient 18 plates-formes rem- d’artifice clôtura la fête. par un interminable flam-
plies de pierres à pleine capa- boiement de lumières - de
cité, alors que des rapports de « La ville était remplie de l’horizon au zénith tout scin-
journalistes en mentionnent visiteurs américains et de tillait, surpassant toutes les
trois. Le train, mesurant alors touristes venus d’outre-mer splendeurs et magnificences
158,5 mètres de long, soit l’équi- et, de l’avis de tous, jamais de l’Orient... Tous les jardins
valent de deux tubes, transpor- les illuminations de la Great publics étaient décorés avec
tait en fait deux fois la charge St. James (une partie de l’ac- goût de transparents et, dans
maximale normale. Le test tuelle rue Saint-Jacques), du les feuillages, il y avait profu-
s’avéra un grand succès. Le 17 square Victoria à la place sion de lanternes colorées...
décembre, un train, activé par d’Armes, n’avaient été éga- Le dôme de l’hôtel de ville
trois locomotives, faisait la tra- lées. La vision du port était était brillamment éclairé par
versée en transportant 600 invi- féerique; les navires de 3000 becs de gaz, et les fenê-
tés. Une réception eut lieu du guerre, le navire postal et le tres du grand bâtiment
côté de Pointe-Saint-Charles. United Kingdom de Glasgow étaient diaprées de transpa-
étaient illuminés; de tous les rents et de lanternes chi-
C’est le 25 août 1860 que le ponts partaient des salves de noises. »2
prince de Galles, fils de la reine fusées et les hublots étaient
Victoria, inaugura officiellement tous brillamment éclairés. Le prince assista par la suite à de
l’ouvrage en activant un méca- Des fusées et des feux de nombreuses cérémonies diplo-
nisme qui mettait en place la Bengale furent tirés de matiques, sans la présence du
dernière pierre du pont. La céré- Sainte-Hélène; du grand pont concepteur du pont, Robert
monie se poursuivit du côté de la vue était unique. Chaque Stephenson, décédé à Londres à
Saint-Lambert où le prince reçut rue apporta sa contribution : l’automne 1859.
une médaille commémorative lueur de chandelles ou

Le prince de Galles enfonça le dernier rivet du pont Victoria. (Source: London Illustrated News, 6 octobre 1860,
collection Société historique et culturelle du Marigot)

Notes
1
Montréal par ponts et traverses, Pointe-à-Callière, 1999.
2
The Montreal Witness, le 29 août 1860.

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par Louise Chevrier

Canada, une immense déception;


Une équipe du tonnerre: les CTTC
(Colbert, Tracy, Talon, Courcelle).
L’information «internationale»
est prétexte à donner le ton du
contexte historique: La Terre est
ronde, affirme le numéro de l’année
1524; Le cardinal de Richelieu meurt
à Paris, annonce celui de l’an 1642.
Le Boréal Express tient aussi des
chroniques servant à glisser une
foule de détails sur l’époque: Le
petit naturaliste, renseigne sur la
faune et la flore. Fabriquez-vous
une paire de raquettes, propose le
numéro 1543 dans sa chronique
Colle et bricole. Des rubriques
LE BORÉAL EXPRESS (fort amusantes) avec Vie et
Journal d’histoire du Canada Religion, Littérature, arts, specta-
1524-1760 Régime français cles, une Page féminine (et même
Gilles Boulet, Jacques Lacoursière, un courrier du cœur) révèlent
Denis Vaugeois les diverses facettes de la vie Mirabel est née de la fusion de
Septentrion sociale: Radisson épousera-t-il une sept paroisses dont le cœur est
Anglaise ? Une bande dessinée Sainte-Scholastique. «Rares sont
Au début des années 1960, de qui met en vedette Pee Wee, le les villages du Québec qui ont
jeunes historiens de Trois-Rivières petit Indien, et la caricature, apporté une aussi grande contri-
qui ne manquaient pas d’audace l’inévitable orignal Kanadâ. La bution à la société. En 1895, à
décident de trouver un moyen section Nos anniversaires assure Sainte-Scholastique, le chef-lieu
original de faire aimer l’histoire. le suivi de la chronologie histo- du district judiciaire de Terre-
Il s’agissait de la raconter au pré- rique entre les numéros. bonne, il n’y avait que 800 habi-
sent, «comme si vous y étiez », La formule du Boréal Express tants. (…), [mais] on pouvait y
sous forme de journal. Le Boréal s’est révélée une idée géniale prendre le train pour Montréal,
Express était né. qui a permis au grand public et pour Ottawa et même Winni-
à plusieurs générations d’éco- peg», explique l’historien Gilles
Septentrion vient de rééditer le liers (absolument ravis, j’en ai Boileau, un enfant du pays.
premier volume du Boréal fait partie) d’apprendre à aimer
Express (1524-1760). Le volume l’histoire. À la veille de ses 50 Pour raconter l’histoire de Mira-
II (1760-1810) est prévu pour le ans, Le Boréal Express, journal bel, Boileau a choisi une série de
printemps 2010 et le volume III d’histoire du Canada connaît personnages rattachés à des «faits
(1810-1840), pour l’automne. encore un succès retentissant, saillants », un peu à la manière
Chacun des numéros adopte bien mérité. d’une fresque cinématographique,
une date charnière et présente plutôt qu’une approche pure-
une documentation vivante qui, ment chronologique. L’histoire
encore aujourd’hui, étonne par MIRABEL EN HISTOIRES se déroule entre 1717 et 1969, soit
sa variété, sa précision et sa Gilles Boileau de l’établissement des premiers
diversité. Septentrion seigneurs, les Messieurs de
Québec, 2009 Saint-Sulpice, jusqu’aux jours
À la manière d’un journal, le sombres de la tragique expro-
Boréal Express fait ses gros titres Sur un territoire riche de 200 ans priation de 1969, «la grande tri-
avec des faits historiques : Le d’histoire, la municipalité de cherie».

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HISTOIRE QUÉB E C VOLUME 16 NUMÉRO 1 2 0 10

La « distribution des rôles» est il était clair que les actions entre-
excellente. Après avoir fait la prises par le chef patriote, dans
connaissance des seigneurs «en les mois précédents les événe-
soutane », le lecteur-spectateur ments, étaient un appel à la
admire la générosité du notaire révolte, voire, aux armes : «Con-
patriote Jean-Joseph Girouard venez donc, Monsieur, que,
qui fonde un hospice, assiste au quoique vous en disiez, le pays
retentissant procès de l’affaire a dû croire que vous vouliez la
Cordélia Viau ou, encore, revit le révolution…», soutient-il devant
« temps des Sauvé », Arthur, le le déni de Papineau.
père et Paul, le fils, deux
hommes politiques marquants, L’histoire d’un curé pas ordi-
originaires de Mirabel. Ce même naire, à lire par tous ceux qui
lecteur reste aux premières loges s’intéressent à cette période de
pour assister à la bataille du rébellion.
train au XIXe siècle, et à la pitoya-
ble tragédie qui marque le XXe
siècle, celle des expropriés de
Mirabel. Avant d’embrasser la prêtrise, il DÉCOUVERTE ET PEU-
a été d’abord avocat, journaliste, PLEMENT DES ÎLES DE
L’auteur ayant délibérément instituteur. Plus tard, il devient LA MADELEINE
choisi d’éviter notes et renvois le premier directeur du collège Pauline Carbonneau
en bas de page, le tout se lit aisé- de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Humanitas
ment… comme une histoire. Pendant qu’il sera titulaire de la Rosemère, 2009
Mais chaque ligne révèle la pas- cure de Saint-Benoît, éclateront
sion de Gilles Boileau pour ce les troubles de 1837. Le curé
coin de pays et son plaisir évi- Chartier adhère à la cause
dent à nous en raconter les évé- patriote et doit s’exiler aux
nements marquants. États-Unis.

Cette biographie bien fouillée


ÉTIENNE CHARTIER d’un prêtre engagé est la bienve-
La colère et le chagrin d’un curé nue. Elle nous apprend que cer-
patriote tains de nos curés d’autrefois
Gilles Boileau, avec la collaboration étaient parfois, à la manière des
de Léo Chartier prêtres-ouvriers, des hommes
Septentrion hors du commun, adhérant à
Québec 2010 des causes qu’ils considéraient
justes, soutenant leurs parois-
Celui qui fut longtemps le rédac- siens dans les heures difficiles et
teur principal du magazine jusque dans la tourmente,
Histoire Québec semble avoir comme c’est le cas en 1837-1838.
repris son rythme d’écriture Pour le curé Chartier, le prix à
puisque nous venons de rece- payer sera fort élevé; il devra
voir un nouvel ouvrage, qu’il s’expatrier, puis plier l’échine Après une carrière d’enseignante
signe cette fois en collaboration pour assurer son retour au pays. à l’Université du Québec à
avec Léo Chartier. Montréal, Pauline Carbonneau a
Léo Chartier a colligé la corres- repris les recherches de son père,
Personnage étonnant et avant- pondance du curé Chartier. Pierre-Cornélius Carbonneau,
gardiste, le prêtre Étienne Char- Quelques lettres sont publiées sur l’histoire des Îles de la Made-
tier croyait fermement que « c’est intégralement, notamment celle leine, sa région natale. Une partie
par l’éducation donnée par les adressée à Louis-Joseph Papi- de la documentation de M. Car-
collèges que nous allons nous neau, en novembre 1839, dans bonneau avait été léguée au Cen-
épanouir et nous libérer de l’em- laquelle Étienne Chartier le cri- tre d’études acadiennes de l’Uni-
pire des Bretons (Anglais). » tique sévèrement. Pour le curé, versité de Moncton et au Musée

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de la Mer des Îles de la Made- « Alimentation populaire, gas- septembre 2010. Un excellent
leine, mais le reste du fonds tronomie et traditions alimen- complément à ce livre plein
appartenait toujours à la famille. taires dans la vallée lauren- d’intérêt.
Mme Carbonneau a poursuivi les tienne avant l’avènement des
travaux de son père. restaurants», tel est le sous-titre
de ce petit livre qui offre une fas- POURQUOI J’AI FONDÉ
Premiers habitants, présence cinante incursion au cœur des LE DEVOIR
amérindienne, toponymie, peu- habitudes alimentaires colo- Henri Bourassa et son temps
plement français avec l’arrivée niales. Ces coutumes à l’époque Mario Cardinal
des premières familles, le tour de la Nouvelle-France sont beau- Libre Expression, 2010
d’horizon est complet dans l’ou- coup plus complexes et diversi-
vrage de la madelinienne qui fiées qu’on pourrait le croire. Biographie destinée au grand
explore l’histoire de ses îles public, Pourquoi j’ai fondé Le
natales, de la préhistoire jusqu’à Certes, à leur arrivée, les Fran- Devoir se lit avec grand intérêt.
nos jours. Les textes de Jacques çais empruntent à la culture Elle plonge le lecteur dans le
Cartier constituent le point de amérindienne pour leur survie, Québec du début du XXe siècle,
départ qui permet à l’auteure de mais le phénomène d’accultura- rappelant les luttes d’Henri
retracer les différents itinéraires tion culinaire a plutôt fonc- Bourassa, le fondateur du jour-
de tous ceux qui ont abordé les tionné dans l’autre sens. Si les nal dont on célèbre le centenaire
îles d’une manière ou d’une Amérindiens apportent les en 2010.
autre. Les Micmacs, les pêcheurs citrouilles, le maïs et la dinde
français, basques et autres en aux Français, c‘est sous l’in-
ont fait leur port d’attache pour fluence de ces derniers que les
des activités de pêche. Certains premiers habitants du pays
finiront par les habiter définiti- adoptent des ustensiles comme
vement. le chaudron en fer, la culture du
blé et du seigle, et apprennent à
Escapade rafraîchissante et inté- faire de la soupe, à manger du
ressante dans l’histoire locale bœuf ou du mouton.
d’une région, Découverte et peu-
plement des Îles de la Madeleine est Bien sûr, les Amérindiens ont
un excellent ouvrage qui fera le montré aux Français quel parti
bonheur des généalogistes et exceptionnel on pouvait tirer de
des historiens. la sève de l’érable. Mais les
élèves dépassent les maîtres en
fabriquant le sucre d’érable.
Chacune à sa façon, les cultures
française, amérindienne et bri-
tannique apporteront leur con-
tribution, ce qui fera évoluer les
pratiques en des coutumes ali-
mentaires propres au pays.
Digne petit-fils de Louis-Joseph
Et pour passer de la théorie à la Papineau, Henri Bourassa a
pratique, le livre comprend de donné au Québec un journal de
nombreuses recettes et menus. combat, libre et indépendant
Yvon Desloges, historien à Parcs qui, au fil du siècle, est devenu
Canada, est un spécialiste de l’éminence grise du Québec.
l’alimentation d’autrefois. Il a Quel premier ministre, depuis, a
coécrit Goûtons à l’histoire, livre pu se targuer d’ignorer Le
de recettes anciennes introuva- Devoir? En le boycottant, Mau-
À TABLE EN bles aujourd’hui et a été le prin- rice Duplessis confirmait du
NOUVELLE-FRANCE cipal conseiller de l’exposition À coup la liberté de pensée du
Yvon Desloges table ! Traditions alimentaires au journal. Cet esprit d’indépen-
Septentrion Québec qui se tient au Château dance, Le Devoir le tient évi-
Québec, 2009 Ramezay, à Montréal, jusqu’au 6 demment de son fondateur.

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Personnage paradoxal, Henri gré au Québec en 1782 : John dants de John Molson poursui-
Bourassa est à la fois journaliste, Molson. Les Molson et le Qué- vre l’ascension sociale amorcée
politicien, mais fortement bec, une histoire d’amour depuis par l’ancêtre, acteurs des cou-
trempé dans le catholicisme 200 ans? Gilles Laporte, histo- rants sociaux de chaque époque
ultramontain. Cet homme bril- rien spécialiste du XIXe siècle au et fidèles à leur terre d’accueil.
lant fut un grand orateur, à l’ins- Québec, professeur d’histoire à
tar de son illustre grand-père. l’Université du Québec à Mont- Québécois, les Molson ? Pour
Bourassa a su soulever les pas- réal et au cégep du Vieux- l’apprendre, il faut absolument
sions et faire siennes les luttes Montréal, a remonté l’histoire lire cette saga familiale, la pre-
des Canadiens français de son de cette famille. mière écrite en français par un
époque. Prônant l’affranchisse- Québécois (des biographies en
ment du Canada de l’impéria- anglais existent). Plus qu’une
lisme britannique, il a été l’ar- simple histoire de famille, c’est
dent défenseur de tous les fran- aussi un merveilleux survol, un
cophones du pays. cours vivant de l’histoire du
Québec. On comprend pourquoi
«Ce livre n’a pas de prétention les cours du professeur Laporte
historique, » affirme au départ le sont si populaires.
journaliste Mario Cardinal qui
veut surtout rendre hommage
au fondateur d’un journal où il a HISTOIRE DE LA
passé une dizaine d’années. CARICATURE AU QUÉBEC
Mais Pourquoi j’ai fondé Le Robert Aird et Mira Falardeau
Devoir, sous-titré Henri Bourassa vlb éditeur
et son temps, reste un ouvrage Montréal, 2009
biographique et le lecteur averti
remarquera certaines incongrui- Même aujourd’hui, on n’ima-
tés, notamment au sujet de la gine pas la page éditoriale d’un
famille Papineau. La recherche journal sans sa caricature.
historique a progressé depuis L’opinion publique, l’histoire poli-
Rumilly et Groulx, principales Le fondateur de la dynastie des tique et la caricature sont intime-
sources de Cardinal. célèbres brasseurs débarque ment liées. C’est pourquoi exa-
sans-le-sou au Canada, mais doué miner les événements histo-
Henri Bourassa, tout comme d’un esprit d’entreprise; il ne riques sous la lorgnette des cari-
d’autres personnages de l’his- manque pas de s’épanouir dans caturistes constitue un exercice
toire du Québec, attend un bio- ce pays encore neuf. Molson intéressant, voire essentiel pour
graphe à sa mesure: une Hélène s’installe à Montréal et décide la compréhension de la vie poli-
Pelletier-Baillargeon (Olivar de se lancer dans la fabrication tique et sociale du Québec.
Asselin) ou un Pierre Godin de la bière, même si, au départ,
(René Lévesque). Mais le livre il n’y connaissait pas grand-
de Mario Cardinal rappelle à la chose. Une fois brasseur, il s’in-
mémoire du Québec que ses téresse à la navigation fluviale et
grands bâtisseurs ne doivent sera le premier à construire un
pas sombrer dans l’oubli. bateau mue par la vapeur,
l’Accomodation, en 1809. Par la
suite, Molson développe une
MOLSON ET LE QUÉBEC flotte importante de steamboats
Gilles Laporte et s’impose comme principal
Les éditions Michel Brûlé transporteur.
Montréal, 2009
John Molson, le père, et ses trois
Les frères Andrew T., Geoffrey fils s’intéressent également à la
et Justin Molson, nouveaux pro- politique, aux affaires bancaires,
priétaires du club de hockey Le au théâtre, à la construction du
Canadien, sont les descendants chemin de fer: ils sont partout.
directs d’un Anglais qui a immi- Par la suite, on verra les descen-

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La caricature naît avec l’arrivée Amérique, dont 10 000 d’entre RÉCIT
de l’imprimerie et des premiers eux au Canada. De ce nombre,
journaux, au début du Régime 2 400 choisissent d’y rester. Les NOUS ÉTIONS LE
anglais. Si le brigadier général Besré, Jomphe, Maheu, Payeur NOUVEAU-MONDE
de l’armée britannique George ou Wilhelmy, pour ne nommer Le feuilleton des origines
Townshend est le premier à que ceux-là, sont des descen- Jean-Claude Germain
l’exercer en sol canadien, cet art dants de ces soldats allemands Hurtubise
populaire donnera au Québec qui ont fait souche au pays. Montréal, 2009
de nombreux artistes d’enver-
gure : songeons à Hector Ber- Écrivain et dramaturge, Jean-
thelot, Henri Julien, Albéric Claude Germain s’est toujours
Bourgeois, Robert La Palme et passionné pour l’histoire, parti-
Normand Hudon, pour n’en culièrement la petite histoire.
nommer que quelques-uns. Grand collecteur d’historiettes, il
s’en donne à cœur joie dans Nous
Robert Aird, historien de forma- étions le Nouveau-Monde, une
tion, enseigne l’histoire de l’hu- série de courts récits relatant cer-
mour et Mira Falardeau est une tains épisodes de l’époque de la
spécialiste de l’animation. Ces Nouvelle-France qu’il se plaît à
deux auteurs forment le duo raconter avec toute la verve et
idéal pour réaliser un ouvrage l’espièglerie qui le caractérisent.
remarquable qui contient plus Sous la plume de cet écrivain,
de 200 illustrations. Madeleine de Verchères, Vau-
dreuil, Ramezay, Jeanne le Ber,
Montcalm et d’autres revivent,
LES MERCENAIRES offrant à l’occasion quelques
ALLEMANDS AU QUÉBEC répliques colorées ou bien senties.
1776-1783
Jean-Pierre Wilhelmy Même si Nous étions le Nouveau-
Septentrion Monde relève d’une certaine fan-
Québec, 2009 taisie et que la version proposée
est parfois subjective, les récits
La recherche de Jean-Pierre proviennent de sources histo-
Wilhelmy sur l’apport des mer- Le mythe d’une race française riques solides que le lecteur
cenaires allemands demeure à au «sang pur» est tombé depuis averti reconnaîtra. Une autre déli-
ce jour la plus importante étude longtemps au Québec. «En cinq cieuse manière de faire découvrir
québécoise sur le sujet. Pour- ou six quarts de siècle, écrivit l’histoire du Québec.
tant, la première édition, publiée Benjamin Sulte (cité par
modestement à la Maison des Wilhelmy), nous avons absorbé
mots, date de 1984. Par la suite, des masses d’Écossais, d’An-
Septentrion l’a rééditée en 1997. glais et d’Allemands dont la
En 2009, le dévoilement d’une descendance est aujourd’hui de
plaque commémorative sur les langue française et catholique.»
plaines d’Abraham, à Québec, Pour en connaître plus sur les
souligne la contribution impor- souches germaniques québé-
tante des mercenaires allemands coises et sur ce que les immi-
à la sauvegarde du pays. grants allemands ont apporté à
notre société (ne fut-ce que l’ar-
Rappelons les faits. Lorsque les bre de Noël de la baronne
treize colonies américaines se Riedesel), les «mercenaires» de
rebellent contre le roi d’Angle- M. Wilhelmy demeurent incon-
terre, l’armée britannique fait tournables.
appel aux régiments de merce-
naires allemands. Près de 30000
soldats seront envoyés en

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Saint-Hubert (Longueuil)
par Michel Pratt,
président de la Société historique et culturelle du Marigot

Trois éléments classiques de la formation d’un village : le couvent des Sœurs du Bon-Pasteur (à gauche), l’église
de la paroisse de Saint-Hubert et le presbytère (à droite). Les bâtiments sont très en retrait du chemin de Chambly.
Le clocher de l’église est intégré dans la tour centrale. Les plans de l’église ont été conçus par Victor Bourgeau.
(Source : Collection Société historique et culturelle du Marigot)

Le dirigeable R-100, dont les moteurs vrombissaient depuis plusieurs minutes, procède au délestage d’eau avant
de s’amarrer à la tour de l’aéroport de Saint-Hubert. (Source : Collection Société historique et culturelle du Marigot)

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Livres en ligne
par François Gloutnay,
chroniqueur Web auprès de plusieurs médias,
administrateur de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly

Je reconnais volontiers tout le plaisir qu’un cher- Il est vrai que plusieurs documents ne sont accessi-
cheur éprouve à fréquenter, en personne, les biblio- bles que par un abonnement payant - c’est bien
thèques et les centres d’archives. Ces endroits dommage - mais on peut toujours consulter sans
regorgent de livres, de documents, de journaux frais un grand nombre de livres anciens. J’ai pu affi-
anciens et de photographies d’autres époques. cher à l’écran de mon ordinateur des titres comme
Suffit alors de parcourir les tables des matières des Histoire de Longueuil et de la famille Longueuil,
bouquins ou de scruter les répertoires de docu- d’Alexandre Jodoin, les statistiques des recense-
ments pour effectuer ses choix et noter tous les ren- ments du Canada de 1665 à 1871, et cette Histoire du
seignements nécessaires à la recherche menée. Canada depuis sa découverte jusqu’à nos jours, de
François-Xavier Garneau. L’édition en ligne était
Mais aujourd’hui, comment ne pas conseiller à un celle de 1883, publiée chez Beauchemin & Valois,
chercheur d’avoir recours aux ressources documen- libraires-imprimeurs de la rue Saint-Paul à
taires en ligne? Montréal.

Bibliothèques publiques et universitaires ont créé le Tous les écrits anciens n’ont pas été numérisés, bien
site Canadiana.org. C’est là qu’ont été déposées les évidemment. Ne vous privez pas alors de fréquen-
numérisations de milliers de livres et de documents ter votre bibliothèque ou le centre de documenta-
anciens. Bien plus rapide qu’à la bibliothèque, on a tion de votre société d’histoire ou de généalogie.
qu’à insérer un nom (une personnalité, une ville,
un événement) dans un moteur de recherche pour Adresse:
que toutes les pages de tous les livres de cette collec- www.canadiana.org
tion numérique soient examinées.

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L’Amérique française à l’honneur au congrès de 2011


par Richard M. Bégin,
président de la Fédération des sociétés d’histoire du Québec

Du 20 au 22 mai 2011, la Fédération Histoire Québec des exposants, tandis qu la FQSG travaillera étroi-
(FHQ) tiendra un congrès sur l’histoire, le patri- tement avec la FHQ à mettre en place un pro-
moine et la généalogie de l’Amérique française. gramme intéressant et dynamique.

Comme nous le savons tous, c’est à partir de 1604 Le thème choisi veut rejoindre tous les francophones
(en Acadie) et de 1608 (au Canada) que des Français ou descendants de francophones en Amérique, ou
ont commencé à vraiment s’établir en Amérique.Par tout au moins en Amérique du Nord. Ce congrès,
la suite, ils ont exploré et découvert cet immense qui aura lieu à Montréal, un endroit beaucoup plus
territoire qu’est l’Amérique du Nord, d’est en ouest facile d’accès que tout autre pour une première,
et du nord au sud et, grâce à un réseau remarquable veillera à faire découvrir à qui voudra bien y partici-
d’alliances avec les Amérindiens, ils sont parvenus, per (car ce congrès est ouvert non seulement aux
aux meilleures heures de la Nouvelle-France, à sociétés membres des trois fédérations, mais aussi
contrôler près des deux tiers du territoire mainte- au grand public) la richesse qu’ont apportée la cul-
nant occupé par le Canada et les États-Unis. Même ture et la civilisation françaises en Amérique. Il veut
après 1760, ces francophones d’Amérique ont conti- aussi amener les francophones de divers horizons à
nué à essaimer à travers toute l’Amérique du Nord : se redécouvrir, à mieux se comprendre, à se rappro-
en Nouvelle-Angleterre, en Louisiane, en Californie cher et éventuellement à travailler plus étroitement
et dans l’Ouest. Encore aujourd’hui, on retrouve ensemble pour mieux préserver ce riche héritage
plus d’un nom d’origine française, tant sur le plan que nous ont légué nos ancêtres, qu’ils soient
toponymique que sur le plan démographique. Québécois de souche, Acadiens, Franco-Canadiens
hors Québec, Franco-Américains, Louisianais, ou
Alors que l’on se soucie beaucoup de patrimoine, autres.
d’identité culturelle, de survie même, notamment au
Canada français, il semblait tout à fait approprié de L’histoire, le patrimoine et la généalogie seront évi-
se pencher sur ce vaste héritage et de le redécouvrir demment à l’honneur pendant ces réunions qui se
avec fierté. C’est donc le thème qu’a choisi la Fédé- tiendront principalement au Palais des congrès de
ration Histoire Québec pour son prochain congrès Montréal; mais on y traitera aussi d’archives, de
de 2011. patrimoine immatériel comme de patrimoine maté-
riel, de réseaux fluviaux, de toponymie et de bien
Depuis des décennies, les congrès annuels de la d’autres sujets que tous les francophones issus de la
FHQ sont organisés par une société membre ou un Nouvelle-France peuvent avoir en commun.
groupe de sociétés membres œuvrant dans une
région donnée. Ainsi, en 2008, le congrès eut lieu à Ce sera en fin de compte une expérience agréable et
Québec; en 2009, à Baie-Comeau; en 2010, ce sera à instructive de redécouverte de l’Amérique française
Longueuil. Chaque congrès tend à mieux faire par l’ensemble des participants et conférenciers, une
connaître la région hôte ou encore, se concentre sur expérience pouvant contribuer à un rapprochement
un thème particulier, comme celui de Longueuil des passionnés de cette histoire riche et variée, tout
portant sur l’odyssée des transports. comme des descendants de ces pionniers qui ont
marqué de leur empreinte un continent tout entier...
Le congrès de 2011 innovera donc à cet égard, ou presque.
puisqu’il sera géré directement par la FHQ et, plus
encore, il sera le résultat d’une collaboration avec Nous comptons donc sur tous nos lecteurs et toutes
les deux autres regroupements les plus importants nos sociétés membres ainsi que sur les associations
du Québec dans le domaine de l’histoire, de la de familles, dans les trois fédérations, pour diffuser
généalogie et du patrimoine, soit la Fédération qué- le message et inviter quiconque s’intéresse à cette
bécoise des sociétés de généalogie (FQSG) et la histoire glorieuse à venir se joindre à nous du 20 au
Fédération des familles souches du Québec (FFSQ). 22 mai 2011. C’est un rendez-vous à ne pas manquer!
Cette dernière aura un kiosque important au Salon

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