Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Chaque congrès est différent. L’élaboration des thèmes, L’apport des communautés ethniques à Montréal se
la conférence d’ouverture, la recherche du bon conféren- devait de paraître dans nos pages. Jeannine Ouellet,
cier et les formations pertinentes à offrir semblent par- lauréate cette année du prix commémoratif Gordon
fois des évidences, parfois des casse-tête. Chaque région Atkinson remis par la St. Andrew’s Society of Montreal
est aussi différente. Les sociétés participantes, l’équipe et Milady du 78e Régiment Fraser Highlander, retrace
de bénévoles en place, les installations hôtelières, la l’histoire des Écossais de Montréal. Laurent Busseau
structure économique régionale représentent autant nous propose pour sa part un texte sur la mythologie
d’éléments dont il faut tenir compte pour assurer la réus- gréco-romaine dans l’œuvre profane de Guido Nincheri,
site tant populaire que financière de l’événement. Mais cet artiste florentin qui a introduit l’art de la fresque en
quand il s’agit d’un congrès à Montréal, on a affaire à Amérique du Nord et qui a trouvé refuge à Montréal
une bête étrange. La Fédération y avait tenu un congrès dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.
en 2011 ayant pour thème « L’Amérique française ». On
s’en rappelle encore… Qu’est-ce que la toponymie nous raconte de l’histoire de
Montréal? Diane Archambault-Malouin a lu pour nous
À la fois ville et région avec ses 19 arrondissements ces milliers d’affichettes qui parsèment la ville. Lumière
sous la gouverne d’autant de maires ou mairesses et sur la vie de quartier à Montréal, un portrait de Pointe-
son organisation aux allures de labyrinthe, Montréal Saint-Charles vers 1930, un texte de Gilles Lauzon.
donne l’impression que tout est possible et il arrive que Rappel d’une pratique toujours actuelle, « L’œuvre de
ce soit vrai. Avec 48 sociétés membres de la Fédération la Soupe », de Rose-Hélène Coulombe et Michel Jutras.
sur son territoire, Montréal peut aspirer à devenir une Et finalement, pour souligner l’entrée de Montréal dans
ville où l’implication citoyenne contribuera de façon le monde et la modernité, deux propositions, soit « De
remarquable à la préservation de son patrimoine cultu- la coupe à glace au réfrigérateur », d’André Laniel et
rel. Nous y veillons. « Expo 67 », de Michel Pratt.
Ce numéro présente, comme à l’habitude, le contenu Vous retrouvez nos chroniques habituelles d’Histoire de
de quelques-unes des conférences données lors du con- lire, en images et sur Internet.
grès de mai dernier. L’histoire de Montréal vous y est
offerte sous différents thèmes débutant dès sa fondation Bonne lecture!
avec des textes portant sur les Montréalistes, de Marcel
Fournier; la triste histoire de la maison LaFontaine-
Baldwin, de Michael Fish; et les tanneries de Saint-Henri,
de Guy Giasson.
NUMÉROS : Dossier sur les « Histoires de familles » – Date de tombée : 15 octobre 2017,
parution en janvier 2018.
Vous pouvez soumettre en tout temps des textes pour parution dans le magazine.
Consultez le guide rédactionnel au www.histoirequebec.qc.ca,
sous l’onglet MAGAZINE HQ. Contactez-nous! ehq@histoirequebec.qc.ca
Historien, auteur, conférencier et généalogiste émérite, Marcel Fournier est l’auteur d’une trentaine de publications et d’une
centained’articlesenhistoireetengénéalogie.Membretitulairedel’Académieinternationaledegénéalogieetofficierdel’Ordre
des arts et des lettres de la République française, il a reçu de nombreux prix et distinctions pour l’ensemble de son œuvre. Il est
le coauteur du livre sur l’histoire du régiment de Carignan-Salières publié aux Éditions Histoire Québec en 2014.
Historienne et maître généalogiste agréée, auteure de plusieurs essais et d’innombrables articles publiés dans diverses revues
québécoisesaccessiblessurÉrudit,JeannineOuelletestaussiconférencièreenAmériqueetenEurope.Depuisdenombreuses
années, elle œuvre auprès d’organismes nationaux voués à l’histoire, à la généalogie et aux archives à titre de présidente,
vice-présidente et secrétaire-trésorière. Parmi les nombreux prix et distinctions qu’elle a reçus, notons l’Ordre des franco-
phones d’Amérique et les titres de milady du régiment historique 78e Fraser Highlanders et de gouverneure de la Fédération
Histoire Québec.
Dès le début du XVIIe siècle, quelques Les trafiquants et les marchands conservant le nom de la Compagnie
Écossais arrivent au Canada. Au fil de fourrure de la Baie d’Hudson, le gouverneur
des ans, ils s’installent autant dans Dès leur arrivée en Nouvelle-France, Sir George Simpson est de nationalité
les Maritimes que dans l’Ouest et les premiers Européens s’intéressent écossaise. Le dernier des gouverneurs
au Québec. Des marchands écossais à la lucrative traite des fourrures. impériaux de la compagnie, l’Écossais
prennent en main l’économie et le En 1682, la Compagnie de la Baie Donald Alexander Smith, y a consacré
commerce de la fourrure. Pendant du Nord souhaite commercer dans 75 années, un record. En tant que
la première moitié du XIXe siècle, la baie d’Hudson sur le modèle de fonctionnaire supérieur, il a dû trans-
des immigrants loyalistes écossais ce que les Anglais ont créé en 1670, former celle-ci en une société d’exploi-
s’ajoutent à la population canadienne la Compagnie de la Baie d’Hudson, tation foncière et de colonisation.
française. Amorcée vers 1840, une composée majoritairement d’Écossais
bourgeoisie, majoritairement anglo- audacieux. Entre-temps, d’autres, seuls Comme en Écosse, les affaires sont
écossaise, vivant dans les somptueuses ou en sociétés, font la traite. fondées sur l’organisation familiale,
demeures de Montréal, devient l’élite plusieurs trafiquants écossais se
économique du Canada. Majoritai- Fondée en 1779, la Compagnie lancent dans la traite des fourrures
rement anglophone jusqu’en 1866, du Nord-Ouest est administrée à avec un parent. C’est le cas, entre
Montréal compte 2 795 Écossais en Montréal par des négociants d’origine autres, pour les McDougall, Ellice,
1901 et 94 705 en 2001. Qui sont ces écossaise et, dans les postes éloignés, McTavish, Robertson, Sutherland.
Écossais qui ont contribué au déve- par des Écossais et des Anglais. En En 130 ans, 22 hommes du nom de
loppement de Montréal? Faisons leur 1821, quand le gouvernement bri- Mackay et bon nombre de McKenzie
connaissance ainsi que celle des sec- tannique force les deux compa- font preuve d’esprit combatif dans
teurs d’activité qu’ils ont privilégiés. gnies concurrentes à fusionner en le secteur de la traite des fourrures.
En 1783, les effectifs engagés dans le
commerce des pelleteries atteignent
3 069 hommes. En 1795, on évalue
la main-d’œuvre à 2 540 hommes,
soit 40 guides, 1 100 hivernants et
1 400 engagés, parmi lesquels se
trouvent des autochtones et des
engagés canadiens-français dont
un certain nombre s’intéressent de
plus en plus à l’industrie du bois et
à l’agriculture.
Note
Le Dictionnaire biographique du Canada,
de même que les archives de l’état civil,
recèlent une multitude de détails relatant
les faits et gestes des premiers Écossais.
Natif et toujours résident de Saint-Henri, à Montréal, Guy Giasson assume les fonctions de président de la Société historique
de Saint-Henri depuis 1995.
Durant sa carrière de journaliste et rédacteur en chef de magazines de construction, il a reçu 13 prix de journalisme spécialisé.
Communicateur et bénévole impliqué, il siège notamment aux comités consultatif d’urbanisme, des demandes de démolition
et de toponymie de l’arrondissement Le Sud-Ouest, à Montréal, depuis 2002. Il y défend avec acharnement la conservation
dupatrimoinedesonquartier.Ilareçuleprestigieuxprixd’excellencedel’OpérationpatrimoinearchitecturaldeMontréal
en 2004.
Plusieurs textes situent à 1686 la date 1665 et 1672. Il persiste donc un écart paroisse Saint-Henri des Tanneries.
de l’établissement de la première de plusieurs années entre le départ de L’auteur cite comme source l’archi-
tannerie de l’île de Montréal, soit Talon et l’implantation de la tannerie viste Édouard-Zotique Massicotte
sur le territoire de l’actuel quartier à Saint-Henri. D’autant plus qu’il qui disait :
Saint-Henri. Mais à la lumière de est connu que l’établissement d’une
quelques vérifications, nous devons première tannerie en Nouvelle- « Un document judiciaire, du 27 novem-
aujourd’hui revoir cette date. France s’est fait à la Pointe-Lévy bre 1686, nous apprend que, à cette date,
(Lévis) en 1668. “il y avait une manufacture ou tanne-
On a toujours admis que celle-ci rie de cuir sur le bord du coteau de la
fut la deuxième tannerie établie en Pourquoi alors parler de 1686 comme rivière Saint-Pierre”, c’est-à-dire là où
Nouvelle-France, sous l’instigation la date de l’installation de cette tan- sont situées les paroisses Saint-Henri,
de l’intendant Jean Talon, qui voulait nerie? L’explication provient d’un Saint-Zotique et Sainte-Clotilde. »
augmenter l’autonomie de la colonie. ouvrage écrit en 1942 par l’abbé
Or, Jean Talon a été intendant entre J.-Élie Auclair sur l’histoire de la Cet extrait nous apprend donc que
la tannerie existait AVANT 1686.
Il devient plausible d’affirmer que
la tannerie a été établie pendant le
passage de Jean Talon en Nouvelle-
France. Comme il a quitté définiti-
vement en 1672, on peut croire que
la tannerie de cuir du coteau Saint-
Pierre date de bien avant 1686. Sur-
tout que Jean Talon raconte lui-même
en 1671 qu’il a pu se vêtir de la tête
aux pieds de produits du Canada.
La tannerie du cuir est d’ailleurs
l’une des rares industries à survivre
au départ de Talon vers la France
en 1672. Ces faits nous portent donc
à dater la création de cette tannerie
vers 1670.
Pourquoi à Saint-Henri?
Nous devons aussi nous demander
pourquoi la tannerie a été établie à
La plus ancienne image de Saint-Henri date de 1839. Cette aquarelle de James Duncan l’endroit qui deviendra Saint-Henri.
est faite du haut du chemin du coteau Saint-Pierre, aujourd’hui le chemin Upper
Lachine. On y voit en bas de la côte le village des tanneries, s’étendant de l’actuelle
Trois raisons militent en faveur du
rue Saint-Rémi à la rue De Courcelle. L’église qu’on y voit a été construite en 1810.
À gauche, le bâtiment est la taverne First and Last Chance, qui a survécu jusqu’en
site. Premièrement, un édit royal
1971. Les maisons sont celles dont les fondations ont été mises au jour lors des interdisait l’établissement des tanne-
fouilles de 2015. (Photo : Bibliothèque municipale de Montréal, collection Viger) ries à l’intérieur des murs fortifiés,
en raison des fortes odeurs qui se Les Lenoir dit Rolland Il a obtenu une concession à l’ouest
dégagent du tannage des peaux. Le La tannerie du coteau Saint- de Lachine en 1669 et y a construit
lieu choisi du coteau Saint-Pierre Pierre sera revendue en 1695 à un le Fort Rolland. L’histoire a retenu
était donc situé suffisamment loin marchand de cuir de la rue Saint- plusieurs anecdotes judiciaires à son
de Ville-Marie pour se conformer Paul, Charles de Launay, associé au sujet parce qu’il a trafiqué avec les
à l’édit. tanneur Gérard Barsalou. En 1706, le « indiens », et les payait en alcool,
duo se sépare et un jeune apprenti malgré une interdiction du clergé. Il
Deuxièmement, l’endroit choisi se âgé de 18 ans entre au service de la a aussi accompagné d’autres explora-
trouvait sur la route des fourrures tannerie : Gabriel Lenoir dit Rolland. teurs, probablement pour l’appât du
entre Ville-Marie et Lachine, qui a été Comme son père trafiquait les four- gain de la vente des fourrures.
fondé en 1667. Cette route en ligne rures, il était fort probablement en
droite contournait le lac aux loutres contact avec ce riche marchand de Ce trafiquant de fourrures a épousé
et grimpait en haut du coteau Saint- cuir. Gabriel, né en 1688, est le plus Marie-Magdeleine Charbonnier, une
Pierre, où elle a pris plus tard le nom jeune enfant de François Lenoir et « fille du Roy » envoyée par Louis XIV
de Upper Lachine Road. Marie-Magdeleine Charbonnier. à la demande de l’intendant Talon
afin de peupler la jeune colonie.
Troisièmement, la transformation Son père était un soldat du régi- Les origines de Saint-Henri doivent
des peaux en cuir exige beaucoup ment de Carignan-Salières venu donc beaucoup à Jean Talon. En plus
d’eau. Or le site est traversé par un défendre la colonie à la demande de d’avoir suscité l’installation d’une
important ruisseau descendant du l’intendant Talon. Ce soldat arrivé tannerie, on lui doit la venue des
Mont-Royal vers le lac aux loutres en 1665 est resté au Canada comme deux parents de Gabriel Lenoir dit
et la rivière Saint-Pierre. On situe 400 autres soldats une fois leur mis- Rolland, le premier apprenti tanneur
aujourd’hui l’endroit au coin des rues sion terminée en 1667. Il s’est alors né en Nouvelle-France.
Saint-Jacques et De Courcelle. converti en trafiquant de fourrures.
Rose-Hélène Coulombe est experte-conseil en agroalimentaire et en tourisme gourmand. Michel Jutras est expert-conseil en
gestion culturelle et touristique. Les deux auteurs sont des coauteurs d’une collection de trois livres édités par GID. La trilogie
comprend : Femmes engagées à nourrir le Québec, 2012, Histoires de gourmands / Culture culinaire, 2014, ainsi que
Histoires de gourmands / Des produits et des hommes (titre provisoire) dont la parution devrait avoir lieu en mai 2017.
Lesauteursonttiréletextedecetarticledupremierlivredeleurtrilogieetsontfiersdecontribueràpréserveretàfairerayonner
le patrimoine agricole, alimentaire et culinaire du Québec, ainsi que leurs artisans!
Marie-Charles Le Moyne, Baronne raison de l’hiver très rude qui sévit de viande et de pommes de terre.
de Longueuil, est l’instigatrice de cette année-là. Dès 1830, Émilie Les Sœurs de la Providence y pos-
l’Œuvre de la Soupe. Elle est la Gamelin et ses Dames de la charité sèdent aussi un dépôt où elles don-
fille du baron Charles-Jacques Le hébergent l’organisme dans leur nent des vêtements, des chaussures
Moyne, dernier baron de la lignée refuge d’indigents pour finalement et des emplois pour « les chômeurs de
ayant vécu sous le régime français. l’installer dans les nouveaux bâti- bonne volonté ».
Sa mère, Marie-Anne-Catherine ments de l’Asile de la Providence
Fleury Deschambault, déjà veuve à en 1843. Parmi les sœurs de la congrégation
la naissance de sa fille en 1755, se qui se sont investies dans cette œuvre,
remarie en secret avec William En 1889, de 100 à 200 pauvres par on reconnaît le travail exceptionnel
Grant, homme d’affaires écossais. jour utilisent les services de l’Œuvre de sœur Jean-du-Crucifix (Augustine
Cette union permet d’assurer la de la Soupe. En 1927, plus de Blagdon). Elle en est la directrice pen-
descendance du titre à sa fille sous 45 000 repas sont offerts dans l’année. dant 32 ans, de 1931 à 1963. Fille de
le nouveau régime anglais. Marie- Le journal montréalais La Minerve du médecin, bien éduquée, Augustine
Charles épouse à son tour, en 1781, 29 octobre 1832 nous renseigne sur entre chez les Sœurs de la Providence
David Alexander Grant, neveu de les quantités de produits nécessaires en 1915. Elle enseigne à l’Institution
son beau-père. Elle sera la seule chaque jour : 200 livres de bœuf, des Sourdes-Muettes, s’occupe des
femme à porter le titre de la baronnie 6 pains, 2 minots de pois et 200 gallons finances de certains établissements de
de Longueuil. Aujourd’hui, leurs d’eau. On dépense 25 « cheling » par la congrégation ainsi que des quêtes
descendants, aînés de famille, jour pour les provisions, le combus- pour les œuvres des Sœurs, puis fait
portent toujours le titre de Baron tible et le salaire des domestiques. La les visites à domicile aux pauvres et
de Longueuil. soupe a toujours été servie à tous, sept aux malades. Elle travaille aussi, dès
jours sur sept, sans discrimination de 1927, pour l’œuvre des camps d’été
Très impliquée dans les œuvres race ou de religion. Chaque personne pour enfants défavorisés et, après
de charité, Marie-Charles fonde a droit à une pinte de soupe par jour, 1963, pour l’œuvre des Foyers pour
l’Œuvre de la Soupe en 1827 en trois fois par semaine, accompagnée personnes âgées nécessiteuses.
Diane Archambault-Malouin détient une maîtrise en études des arts de l’Université du Québec à Montréal. Consultante en
patrimoine bâti et en histoire sociale, elle a réalisé des études et collaboré à diverses publications. Spécialiste de la toponymie
montréalaise, elle est l’auteure principale de l’ouvrage Les rues de Montréal, répertoire historique paru aux Éditions du
Méridien en collaboration avec la Ville de Montréal.
À l’occasion du 350e anniversaire de Montréal, elle a présenté des causeries publiques sur ce sujet et rédigé des chroniques pour
le quotidien La Presse. Parallèlement, elle poursuivit une carrière dans le milieu muséal montréalais à titre d’éducatrice et de
commissaired’expositions.ElleestlaprésidentefondatricedelaSociétéd’histoireduDomaine-de-Saint-Sulpice.
Montréal, par rues et par ruelles1 principale ainsi placée sous la protec- puis, en « avenue du Parc », un peu
reprend le titre de causeries que j’ai tion de la Vierge Marie, la patronne plus loin encore en montant vers le
présentées à l’occasion du 350e anni- de la ville. nord de la ville.
versaire de Montréal, il y a déjà
vingt-cinq ans. J’invitais alors ainsi À ces premières rues s’en ajouteront En 1832, la Ville de Montréal obtient
les Montréalais de tous âges à lever d’autres, tant à l’intérieur des murs de son incorporation. Pour marquer la
la tête et à retrouver leur histoire fortifications que dans les faubourgs. toute première élection d’un maire et
en interrogeant les mots posés sur Elles aussi seront dénommées des de conseillers, le 3 juin 1833, Louis-
les plaques de rues, de parcs et de saints patrons des personnalités de Benjamin Berthelet (1796-1847) intè-
ruelles. Aujourd’hui, cette invitation l’époque. Les plaques des rues du gre les rues « Mayor » et « Conseillers
tient toujours. Cette causerie présente Vieux-Montréal d’aujourd’hui, beau- de Ville » au plan du lotissement de
quelques clés pour décoder ce patri- coup plus vaste que le Ville-Marie son terrain. C’est l’usage de l’an-
moine collectif que sont les noms des d’alors, témoignent de cet univers glais au comité exécutif qui avec le
rues, ruelles et parcs de Montréal, religieux tout en payant tribut aux temps a transformé ce toponyme en
car les toponymes font bien plus que premiers grands personnages de « City Councillors ».
nous orienter dans l’espace, ils com- Montréal.
mémorent notre histoire2.
Avant la fin du XVIIIe siècle, les limites
L’aventure toponymique de Montréal de la ville sont étendues vers le nord
commence officiellement en juillet jusqu’à la rue Duluth et la ville est
1672, trente ans après la fondation de divisée en deux quartiers, est et
la ville. Depuis 10 ans, les Messieurs ouest, de part et d’autre du boule-
de Saint-Sulpice sont les seigneurs de vard Saint-Laurent. Là donc où se
l’Île de Montréal. La ville se nomme trouve l’origine de la mention « Est »
toujours « Ville-Marie en l’isle de et « Ouest » de nombreuses voies
Montréal » quand le supérieur, actuelles traversant cet axe.
Monsieur François Dollier de Casson
(1636-1701), entreprend de la doter À compter de 1801, on amorce le
d’un plan d’urbanisme. Il opte pour démantèlement des murs de fortifi-
un plan orthogonal de 10 rues à par- cations de pierres qui avaient rem-
tir du sentier quelque peu sinueux placé les structures de bois en 1740.
existant entre les quelques maison- En 1817, la démolition complétée,
nettes et l’hôpital construit par made- la ville compte 132 voies dont la
moiselle Jeanne Mance (1601-1673). Il « ruelle des fortifications » qui
nomme ce sentier « rue Saint-Paul », marque l’emplacement de l’ancienne
d’après le saint patron du premier enceinte. Plusieurs des rues « hors
gouverneur de la colonie, Paul les murs » sont alignées en conti- Depuis le 19 septembre 2001, un parc du
Chomedey, Sieur de Maisonneuve nuité avec les rues de l’ancienne Vieux-Montréal dans l’arrondissement
(1612-1676). Il fait de même pour ville. De cette expansion, nous avons Ville-Marie rend hommage à François
l’ensemble des rues, rendant ainsi hérité du pittoresque changement Dollier de Casson, qui a dessiné le
hommage aux fondateurs. Enfin, il de « rue Saint-Pierre » en « rue de premier plan des rues de la ville.
nomme « rue Notre-Dame » la rue Bleury », au-delà du mur d’enceinte (Photo : Diane Archambault-Malouin)
À cette période, plusieurs villages se On entreprend alors de démocra- Les noms propres sont cependant
créent en marge de la grande ville. tiser l’exercice toponymique, ce qui les plus nombreux. Pour la plupart,
C’est l’occasion pour quelques pro- conduira ultimement aux comités ces dénominations rappellent, on le
priétaires fonciers de faire leur entrée de toponymie d’aujourd’hui. Des devine, de grands personnages de
dans la toponymie. Lotissant leurs citoyens sont choisis pour statuer l’histoire. Noms d’hommes, pour la
terrains à des fins résidentielles, ils y sur l’ouverture, la fermeture ou la plupart, grands hommes politiques,
ouvrent des voies de communication dénomination de nouvelles voies écrivains, musiciens célèbres, héros de
qu’ils cèdent ensuite à la Ville à la et places publiques. Le travail leur temps. Ces personnages qui ont fait
condition qu’elles soient dénommées ne manque pas lorsqu’au début l’objet de dénominations politiques,
de leur propres noms. On assiste à du XXe siècle Montréal procède à commémoratives voire éducatives ne
une laïcisation des toponymes et à l’annexion de nombreux villages se trouvent cependant pas toujours
une appropriation personnelle de la et municipalités de l’île, soit qua- en lien avec l’histoire montréalaise,
toponymie. De cette époque, nous tre avant 1900 et 24 avant 1910. Ces québécoise ou même canadienne. Ces
conservons de petits ensembles annexions conduisent à des change- dénominations qui n’utilisent sou-
familiaux comme autant de fiefs des ments de noms afin d’éviter la vent que le seul nom de famille sont
familles Aird et Bennet, Casgrain et confusion et faciliter l’orientation. difficiles à dater, puisqu’elles peuvent
Beaubien, ou encore les dénomina- avoir été adoptées lors d’un décès,
tions de Rachel, Napoléon, Roy et L’expansion de Montréal et les d’un anniversaire ou encore exprimer
Cadieux par la succession du notaire annexions se poursuivent et condui- l’estime de la population ou de l’élite
Jean-Marie Cadieux au moment du sent à un total de quelque 2 200 odo- envers un personnage marquant. Elles
lotissement du terrain en 1834. nymes à la fin du XXe siècle. En 2006, ont parfois lieu en cours même d’un
la fusion d’une centaine de munici- mandat public. C’est le cas du topo-
En 1850, Montréal compte 200 rues palités du Québec dont 19 sur l’île nyme Sherbrooke apparu vers 1817
et un peu moins de 58 000 habi- de Montréal porte ce nombre à plus durant le mandat à titre de gouver-
tants. Dix ans plus tard, les voies de 6000 toponymes. Le grand séisme neur en chef de l’Amérique du Nord
et parcs sont au nombre de 300. La toponymique appréhendé n’a pas britannique du très apprécié Sir John
ville s’étend alors au nord jusqu’au eu lieu et la toponymie montréalaise Coape Sherbrooke (1764-1830). Ces
nouvel Hôtel-Dieu sur l’avenue des compte toujours plusieurs doublons. toponymes avec seul patronyme sont
Pins, à l’ouest du chemin de la Côte- généralement antérieurs au XXe siècle,
des-Neiges et à l’est jusqu’à la rue On le voit, Montréal compte plusieurs puisqu’il est maintenant d’usage de
Parthenais. En 1871, la population types de toponymes, adoptés au dénommer du nom complet, prénom
dépasse 107 000 habitants. fil du temps. Cette variété reflète et nom.
André Laniel a pratiqué le journalisme durant une quarantaine d’années au sein de la presse locale tout en exploitant une
entreprise. Ses parents, issus de familles souches de la côte Sainte-Geneviève, ont tissé sa toile de fond de connaissances sur son
patelin.Ilsevoueàpleintempsàl’histoiredepuisqu’ilestàlaretraite.En2016,ilasuiviavecsuccèslecours«Introductionà
l’histoire politique du Québec » offert par l’Université TÉLUQ et donné par l’historien Éric Bédard. Depuis quelques années, il
incarnele«conteuxduvillage».Ensacompagnie,l’histoire,lespersonnalitésetlesanecdotesprennentunetoutautreallure.
De nos jours, il s’agit d’ouvrir la porte Un marché à exploiter et jusqu’à la fin mars pour autant que
du réfrigérateur pour se prendre un En Europe, le goût pour les boissons la surface des cours d’eau atteigne
petit boire ou pour choisir les denrées froides et les friandises glacées incite au moins l’épaisseur de 20 pouces
nécessaires pour la préparation d’un la population à se procurer de la (50 cm). La surface glacée doit
succulent repas. Et peut-être d’ouvrir neige et de la glace dans les régions supporter au moins le poids des
le compartiment du congélateur pour nordiques. Mais il faut trouver des chevaux, la charge des traîneaux et
prendre un glaçon afin de rafraichir manières de faire pour transporter des hommes.
sa limonade préférée. Et de surcroit, il et conserver ces matériaux frileux
y a des appareils qui fabriquent auto- devant la chaleur. Avec le temps, des La coupe
matiquement de ces glaçons lorsque entrepreneurs découvrent qu’il y a là Un des hommes du village prend la
nous présentons notre contenant. une bonne affaire. tâche de déterminer le secteur de la
C’est donc merveilleux. coupe sur l’étendue d’eau. Durant les
C’est un dénommé Frédéric Tudor, semaines précédentes, on fait l’entre-
Mais au début du siècle dernier, c’était un Américain, qui se lance dans tien de cet espace balisé de sapins ou
une toute autre histoire, surtout pour l’aventure de ce commerce au de piquets afin de sécuriser les lieux.
les ménagères, de pouvoir conserver début du XIXe siècle. Il développe sa Pour épaissir la glace et en amélio-
les denrées au frais. Les appareils clientèle dans l’élite de l’Europe, rer la qualité, la surface est dénei-
étaient modestes et singuliers. La gla- la Martinique, Cuba, l’Inde, l’Aus- gée à l’aide d’une gratte tirée par les
cière domestique était un meuble de tralie et le sud des États-Unis. Avec chevaux et on y creuse des trous à
bois placé de préférence près de la le temps, il construit des glacières quelques endroits pour faire monter
porte donnant sur la galerie arrière. géantes dans les pays et les régions l’eau à la surface. On enlève la neige
Le livreur avait moins de pas à fran- où il s’implante. Ses bateaux à vapeur parce que c’est un isolant. En faisant
chir dans la cuisine avec ses grosses transportent à chacun des voyages monter l’eau à la surface, ça permet
bottes sales. de retour des fruits et légumes exo- d’égaliser la glace et de lui donner de
tiques. Les Américains ont alors accès la consistance.
Je vous invite un instant à reculer à de nouvelles denrées.
dans le temps... Un ancien âgé de plus de 90 ans,
Une première glacière monsieur Latour, raconte : « Un bon
En Nouvelle-France, une première matin que le fret a ben fait son tra-
glacière est construite au château vail, on s’amène avec les chevaux et
Saint-Louis sous le gouverneur géné- nos outils. Il faut s’habiller ben chau-
ral Louis Buade, comte de Frontenac. dement, à savoir un gros capot, des
La glace sert essentiellement à rafrai- chandails, des chaussons de laine, de
chir les boissons des convives lors bonnes mitaines en cuir doublées en
des grandes réceptions mondaines. laine, eh ben oui, un casque avec des
Au long des années, les habitants de oreilles. Un fret de -30° et des fois de
la colonie découvrent les bienfaits -40° ne doit pas nous empêcher de
du froid pour la conservation des travailler, et surtout avec les grands
aliments. Alors, nos braves ancêtres vents du nord. Aujourd’hui, vous
s’aventurent sur les rivières, les lacs dites l’effet éolien. Le travail com-
et le fleuve pour y extraire de beaux mençait à la barre de la journée pour
blocs de glace. se terminer à la brunante. Le midi,
on arrêtait un moment pour manger
La petite histoire de Lachine, La coupe de la glace s’effectue et surtout pour boire quelque chose
hiver 1991-1992.
quelques jours après la fête des Rois de chaud. »
Règlementation à Montréal
À Montréal, la première compagnie
à s’aventurer dans le domaine est la
Lamplough & Campbell, en 1859. Les
gens en ville ont besoin que l’entre-
prise de la coupe et de la distribution
de la glace soit organisée étant donné
que les hommes sont occupés dans
les usines.
Sources
Archives municipalité de Montréal
BEAUDET, Pierre (dir.). Les Dessous de la terrasse à Québec, Septentrion, 1990.
BIZIER, Hélène-Andrée. À chacun son métier, Fides, 2010.
FOURNIER, Martin. Jardins et potagers en Nouvelle-France, Septentrion, 2004.
« Le commerce de la glace », Magazine Harper’s Weekly, 30 août 1884.
www.gaetanebreton.com – mgervais@lesprosmg.com
Gilles Lauzon, titulaire d’un baccalauréat en architecture et d’une maîtrise en histoire, travaille depuis de nombreuses années
dans le domaine du patrimoine. De 1997 à 2007 il a coordonné un projet de recherche et de diffusion sur le Vieux-Montréal, ce
qui a notamment donné lieu à la création d’un site Web et à la publication en 2004 de l’ouvrage L’histoire du Vieux-Montréal
à travers son patrimoine.Chercheurindépendantdepuis2007,ilaréalisédesétudespatrimonialesportantsurdiversédifices
et sites paysagers de Montréal. Il s’intéresse aussi depuis longtemps aux quartiers ouvriers. Son mémoire de maîtrise portait
sur Saint-Henri au XIXe siècle et il est l’auteur de Pointe-Saint-Charles : l’urbanisation d’un quartier ouvrier de Montréal,
1840-1930, réalisé en lien étroit avec la Société d’histoire de Pointe-Saint-Charles.
On évoque généralement les quar- Les Turnbull entier, et en 1889, un duplex contigu
tiers ouvriers de Montréal comme David Turnbull et Jane Neilson, à celle-ci, dont les deux logements
ayant été des lieux de pauvreté, voire mariés en 1854, sont arrivés à sont bientôt occupés par un de leur
de misère. On parle le plus souvent Montréal peu après, David ayant fils et une fille mariés.
de maisons mal construites et de été vraisemblablement recruté par
logements surpeuplés et insalubres. la compagnie ferroviaire du Grand Les Turnbull ont l’eau courante dès
On associe par ailleurs tout particu- Tronc pour travailler sur les trains de la construction, mais en 1872, suivant
lièrement les francophones et des son réseau, dont le cœur est à Pointe- un document municipal, ils n’ont
catholiques d’origine irlandaise à Saint-Charles. Le jeune ménage loue pas encore de cabinet de toilette à
cette pauvreté ouvrière, par opposi- successivement plusieurs logements, chasse d’eau; ils en feront certaine-
tion aux protestants, que l’on associe puis achète un terrain en 1871. Il y fait ment installer un avant longtemps.
plutôt à la bourgeoisie. À notre avis, construire la même année une mai- La présence de water closets dans les
cette vision doit être grandement son de deux étages qu’il occupera en maisons et logements semble encore
nuancée, voire franchement corri-
gée, sans nier que la misère ait été
présente dans les quartiers ouvriers.
Bien au contraire.
Les Mullins
Arrivés d’Irlande séparément,
Patrick Mullins et Catherine Tolan se
sont mariés dans la paroisse Sainte-
Anne. Comme les Turnbull, ils ont
loué plusieurs logements au fil des
années, jusqu’à ce qu’ils achètent un
lot en 1882. Ils ont fait bâtir en 1884
un duplex comprenant deux loge-
ments superposés de quatre pièces
chacun, disposant de l’eau courante
et de water closets. La famille occupe
un des deux logements et met l’au-
tre en location. Patrick, d’abord
journalier pour le Grand Tronc, est
devenu inspecteur de wagons. Après
le décès de Catherine en 1887, il a
épousé sa sœur Margaret Tolan, avec
qui il a d’autres enfants.
Immeuble de la rue de Châteauguay où habite la famille Galarneau de 1890 à 1894, en bas, à droite. Il a été construit en 1885-1886
par François-Xavier Berthiaume, épicier prospère de la paroisse Saint-Gabriel. Sitôt après la construction et dans les années qui ont
suivi, on y trouve des hommes de métier et des journaliers francophones.
* 31 ménages irlandais dans l’échantillon de base, plus 31 ménages ajoutés à des fins d’analyse du sous-groupe.
Métropole
Découvrir la
LHPM
Laboratoire d’histoire et
de patrimoine de Montréal
Michel Pratt est un historien spécialisé sur l’histoire de la Rive-Sud (Montréal). Il a enseigné l’histoire au niveau universitaire
et collégial. Il a écrit une vingtaine d’ouvrages dont certains ont été primés. Il est le président fondateur (2002) des Éditions
Histoire Québec et le secrétaire général de la Fédération Histoire Québec depuis 1999. Il est médaillé de l’Assemblée nationale
du Québec et a remporté le prix Dollard-Morin (2001) et le prix d’excellence Honorius-Provost (2004).
Jusqu’aux années 1950, le Québec très tendu de la guerre froide, l’URSS Le logo
vivait en vase clos. La censure se retira, laissant la porte grande Le logo fut conçu par le Montréalais
régnait dans les bibliothèques, le ouverte au Canada. L’Exposition Julien Hébert, à la suite d’un concours.
clergé catholique avait la mainmise aurait lieu à Montréal. Le dessin part avec le pictogramme
sur l’éducation et une bonne par- déjà existant depuis l’Antiquité et
tie des affaires sociales. À la fin des Le site qui représente l’homme avec les bras
années 1950, on sentait qu’un mouve- Après avoir envisagé différents sites élevés. Il en joint deux qui symbo-
ment de renouveau prenait place. comme les quartiers de Pointe-Saint- lisent alors la thèse de la solidarité
Charles et de Maisonneuve, c’est et de l’amitié, puis il en dispose huit
L’Exposition universelle de 1967 sur l’île Sainte-Hélène qu’on arrêta dans un axe circulaire suggérant la
s’inscrit parfaitement dans le contexte le choix. Il fallut cependant la relier forme de la terre. Son logo remporta
de la Révolution tranquille. à l’île Ronde. On décida également le concours et devint celui qui figura
de construire de toutes pièces l’île sur presque tous les objets reliés à
La candidature Notre-Dame sur la minuscule base l’événement : cartes postales, com-
C’est en 1958, année de l’Exposition de l’île Moffat également connue muniqués, etc.
universelle de Bruxelles, que le séna- sous les noms d’île Molson et d’île à
teur Mark Drouin déposa la candi- la Pierre. La chanson
dature du Canada pour l’année 1967; La chanson Un jour, un jour, fut com-
cette activité devait s’inscrire dans le Les transports posée par Stéphane Venne à la suite
cadre des festivités du centenaire de la Les autorités politiques accélérèrent d’un concours et elle fut interprétée
création de la fédération canadienne. les projets de construction de par Donald Lautrec, Michèle Richard
l’autoroute 20, de l’autoroute 132 et les Cailloux. En anglais, la chanson
Deux ans plus tard, le vote résulta (aujourd’hui l’autoroute René- s’intitule Hey Friend, Say Friend, come
dans l’égalité entre l’Union sovié- Lévesque), du boulevard Décarie on over. Soulignons que le maire de
tique et le Canada, soit 15-15. Lors et l’échangeur Turcot, du tunnel Montréal, Jean Drapeau, n’apprécia
d’un second vote, la Grèce changea Hippolyte-LaFontaine, et on ajouta la pas outre mesure la chanson, car elle
son vote, ce qui permit à l’Union construction du pont de la Concorde. ne faisait pas mention de Montréal.
soviétique de remporter la mise. Les stations de métro de l’île
Sainte-Hélène et de Longueuil virent
Cependant, en 1962, dans le contexte Les passeports
le jour principalement pour répondre
Les organisateurs ont eu l’idée
aux besoins de l’accessibilité au site
géniale de considérer les pavillons
de l’Expo.
comme des ambassades et de déli-
vrer des passeports dans lesquels on
Le nom estampillait le sigle approprié lors de
L’Exposition porta le nom d’Expo 67 l’entrée dans un pavillon.
malgré la résistance de certains anglo-
phones qui faisaient valoir qu’en Il y avait un passeport de couleur
anglais on parlait d’Exhibition. rouge, à 35 $, qui couvrait l’ensemble
de la saison et un bleu à 12 $ (adultes)
Le thème retenu fut celui de Terre et 6 $ (enfants) pour une durée de
des Hommes, inspiré de l’œuvre sept jours consécutifs. Il y avait aussi
d’Antoine de Saint-Exupéry et, en un passeport d’une journée, à 2,50 $,
anglais, Man and His World. et ceux de couleur blanche pour les
enfants, à 1,25 $.
Bibliographie sommaire
Compagnie Canadienne de l’Exposition
Universelle de 1967. Expo67:guideofficiel.
Montréal, Maclean-Hunter Limitée, 1967,
350 p.
JASMIN, Yves.Lapetitehistoired’Expo67:
l’Expo67commevousnel’avezjamaisvue,
Montréal, Éditions Québec/Amérique,
1997, 461 p.
La Patrie 1967
Le Petit journal 1967
Photo 003_P123_1P029 archives Ville de Montréal.
Historien consultant sous le label Historien sans Frontière, Laurent Busseau possède une maîtrise en histoire et un certi-
ficat en journalisme (Université de Montréal). Il est conférencier auprès des Belles Soirées de l’Université de Montréal et
présente Histoire des Cantons-de-l’Est et Histoire du lac Champlain à l’UTA de l’Université de Sherbrooke. Il a publié
récemmentencollaborationaveclaSociétéd’histoiredeMissisquoi(StanbridgeEast)auxÉditionsHistoireQuébec,unlivre
historique sur les invasions irlandaises féniennes entre 1866 et 1870 au Québec. Passionné par la culture amérindienne, il
présente l’histoire iroquoise en conférence sous l’angle diplomatique et anecdotique.
Les commémorations du 375e anni- Nincheri a négocié un mécénat sous concurrence, la déesse Aphrodite
versaire de la création de Montréal forme de donation immobilière des provoque le destin de son fils, le
(1642-2017) s’avèrent l’occasion de frères Dufresne pour créer le Studio dieu grec Éros (Cupidon chez les
rappeler que la métropole était une Nincheri, son futur atelier de travail Romains) en l’envoyant décocher une
cité d’art et d’histoire québécoise proche de leur résidence familiale flèche magique à Psyché pour qu’elle
bien avant la Révolution tranquille. dans Hochelaga-Maisonneuve, entre tombe amoureuse d’une créature
Principalement reconnu pour son art 1920 et 19382, en échange d’un contrat misérable sur terre. Voyant la beauté
religieux au Québec, le maître-verrier de décor intérieur peint pour celle-ci. pure de Psyché, le divin Éros tombe
et artiste peintre Guido Nincheri amoureux et décide de trahir sa mère
(1885-1973) a également produit La légende de Psyché et du en prenant secrètement la jeune fille
un art profane (non religieux), avec dieu Éros : la mutation de l’âme pour la posséder lors de noces noc-
plusieurs murales et vitraux liés à par le désir turnes sans pour autant lui révéler sa
la mythologie gréco-romaine. C’est Aujourd’hui, le château Dufresne véritable identité.
durant la décennie 1920, période possède dans ses murs et ses pla-
de la prohibition américaine, que fonds une composition de l’artiste De son côté, Psyché est devenue
Nincheri va concevoir plusieurs florentin, exposant la légende des amoureuse de l’inconnu qui la
peintures murales à Montréal, ayant noces secrètes de Psyché3 (« L’âme visite chaque nuit dans l’obscurité.
parfois des caractéristiques érotiques, humaine » chez les Grecs antiques) Curieuse et intriguée, elle décide
montrant une nudité féminine dans et du dieu grec Éros (« L’amour » lié d’éclairer le visage de son amant à
des thèmes très particuliers de la au désir sexuel). La narration de cette l’aide d’une lampe à huile5 provo-
mythologie antique. légende symbolise l’union de l’âme quant son réveil par accident, en lui
humaine avec les désirs humains. brûlant l’épaule avec l’huile. Éros, se
Artiste verrier et peintre décora- sentant trahi dans son amour et dans
teur à Montréal depuis 1914, Guido Le sujet est tiré du récit du philosophe sa chair, maudit Psyché et retourne
Nincheri a obtenu plusieurs com- platonicien romain Apulée4 (IIe siècle vers l’Olympe, où sa mère Aphrodite
mandes de décors muraux pour des après J.-C.) dans L’Âne d’or évoquant découvre à la fois la trahison du fils et
lieux privés et publics montréalais, l’histoire de Psyché qui, séduite par le crime de Psyché. Aphrodite-Vénus
comme le cinéma du Belmont Palace le dieu Éros, doit passer par bien des décide de faire de la jeune fille son
ou le restaurant Venus Sweets de la épreuves imposées par Aphrodite esclave, mais l’amour profond d’Éros
rue Sainte-Catherine Ouest, malheu- (Vénus chez les Romains), jalouse pour Psyché touche les autres dieux
reusement disparu aujourd’hui1. de sa beauté, pour rejoindre son bien- de l’Olympe, qui décident de trans-
L’une des rares murales profanes aimé. Hymne à la beauté féminine former (métamorphoser) Psyché
ayant survécu à la destruction des de l’âme, cette fable connue depuis en véritable divinité pour qu’elle
projets immobiliers de Montréal l’Antiquité n’a cessé d’inspirer de nom- puisse épouser son amour Éros. De
est la commande de décoration breux artistes musiciens, sculpteurs ou cette union mythologique est née
intérieure faite par les frères Oscar et peintres comme Guido Nincheri. leur fille Hédona, soit « volupté », si
Marius Dufresne, hommes d’affaires chère aux hédonistes. (Belfiore, Grand
de l’élite canadienne française de la En résumé, la princesse humaine Dictionnaire de la mythologie grecque et
Ville de Montréal. Psyché avait une grande beauté si romaine, p. 541-542)
parfaite que les hommes l’admiraient
sans vouloir l’épouser. Jalouse de cette
Notes
1 Le restaurant Venus Sweets était situé au 440-442 de la rue Saint-Catherine Ouest. Il est disparu en 1940, mais il en subsiste
quelques illustrations colorisées sous forme de cartes postales publicitaires datant de 1922 à 1925, qui permettent de retrouver
quelques œuvres de Guido Nincheri, thème d’une prochaine étude historique sur le sujet.
2 Cette résidence construite entre 1915 et 1918 est aujourd’hui le musée du Château Dufresne-Nincheri qui a intégré en 2012 l’an-
cien atelier de vitrail de Guido Nincheri, le « Studio Nincheri » du 1832 boulevard Pie-IX à Montréal. (Paul LABONNE, Guido
Nincheri,unartisteflorentin, 2001). Pour connaître les détails historiques du Château Dufresne : https://fr.wikipedia.org/wiki/
Château_Dufresne
3 En grec antique Psukhê signifie à la fois « l’âme » et « le papillon », symbole de l’immortalité de l’âme humaine qui doit surmonter
des épreuves pour atteindre le bonheur.
4 De son vrai nom latin Lucius Apuleius, Apulée est né vers 123 après J.-C. à Madaure, en Afrique du Nord, près de l’ancienne
cité de Carthage, où il décède vers 170 après J.-C. Le mythe de la princesse Psyché (l’âme humaine) et du dieu Éros (l’amour au
sens de désir sexuel) a été connu depuis l’Antiquité par le chef-d’œuvre littéraire d’Apulée, le roman L’Âne d’or (en latin Asinus
aureus), plus connu sous le titre original « Onze livres de métamorphoses » (Metamorphoseon libri XI) ou les « Métamorphoses ».
5 Dans une chambre sud-ouest située dans les appartements d’Oscar Dufresne, on trouve une peinture sur toile marouflée peinte
par Nincheri sur le plafond, représentant Psyché tenant la lampe à huile antique, simplement vêtue d’une robe voilant légère-
ment une transparence du corps dans la lumière qui rayonne toute la scène.
6 Aurore est la déesse romaine équivalente à la déesse grecque Éos qui est dépeinte entourée d’un voile flottant en arrière, symbole
de la nuit fuyante, car Aurore ouvre les portes du jour, après avoir attelé les chevaux au char du soleil Hélios. Éos était condam-
née par Aphrodite (Vénus) à connaître de multiples amours sans rencontrer l’âme sœur, symbolisant les amours infidèles.
Michael Fish graduated from McGill’s school of architecture in 1956. He ran a general practice for thirty-seven years under his
own name. He became involved with social and historical preservation issues in the late sixties and remains committed to their
causes. He retired from the profession in 1993 to take up a career as a volunteer builder and developer of important buildings.
Hehelpedfoundandadministerseveralpreservationinstitutionsandhasservedonseveralofficialdevelopmentcommittees.
He is presently helping to stop a Skytrain public transit project in Montreal. He has been awarded enough distinctions to last
a lifetime.
Continuous efforts to have the of this effort in the city, province and building is situated on a large city
Federal Government acquire the across the country over many years, block that had been collected by spe-
LaFontaine House in Montreal Canada has always refused to do its culators for a large multi-skyscraper
have lasted since 1985. Despite that evident duty. This will be examined residential and commercial develop-
it is the most important monument by this conferencee. ment. Efforts to save some of the
to Canada’s nineteenth century older sound buildings on the site that
political, social and constitutional Discovery and early efforts had undeniable economic, social and
history and the right place to com- The 1986 announcement that a grey heritage values were finally defeated
memorate our country’s unique stone building on a quiet street in after fierce resistance by the specula-
spirit as a sharing caring nation of downtown Montreal had been, tor owners. This happened despite
many peoples, religions, and ide- for about fifteen years, during the agreements between the city and the
als. It is also the right place to com- mid-nineteenth century, the home of owners, after socio-environmental
memorate the preservation of the Louis Hippolyte LaFontaine, the first hearings, that the older buildings
French language in North America, Prime Minister of United Canada, would be preserved and incorpora-
and second languages everywhere. was a big surprise to history minded ted into the new plans for the block,
Despite unanimous massive support people across Canada in 1986. The and that particular attention would
be paid to the LaFontaine house’s
important heritage status.
For those of us familiar with what It will celebrate their personal friend- be better armed to work better in
all countries do to develop a sense ship and kindnesses, their political the future, based on what has to be
of the history of their countries, the visions. We will examine the fight seen as this signal failure in Canadian
refusal of Canada in this case, was to preserve French as an official social and historical preservation.
simply devastating. Mr. Fish will language of the country after the
expand on the failure of this most Durham Report, the story of the Lastly, the speaker will also address
recent effort, the heavy support that Rebellion Losses Bill, the burning of some shortcomings : in the efforts of
it had, and criticize his own part in Parliament, and the subsequent riots both himself and the local conserva-
this failure. He will also speak to including the critical standoff of the tion community over the last forty
the importance of LaFontaine for Chateau de Ramezay. The character years. There were two main efforts
the fact that French has survived in of the Union which LaFontaine and made. One was social in character,
Canada as an official language and Baldwin accepted and managed will to save good buildings that housed
the suggestion that a museum of be outlined. Its development and suc- people of limited means who had
the French Language had been an cess will be shown in simple terms rights in Canadian law to go on
integral part of the several recent that reverberate today, unfortunately living in their homes. The other to
efforts to have the house in Federal in too few of the world’s nations. save what was left on the block which
Hands as an important Federal his- had a high Heritage value. Both were
toric monument. This conference will refer to some insufficiently promoted in the cir-
other actions of recent Canadian cumstances. Not for a lifetime will
This conference will illustrate the governments that speak to endemic the LaFontain-Baldwin house pro-
relationship between LaFontaine and problems confronting the heritage perly honoured.
Baldwin and the events which they movement in our country in the hope
affected both separately and together. that professionals and activists will
Source : Héritage Montréal et Guy PINARD, Montréal, son histoire, son architecture, Tome 2, Éditions du Méridien, Montréal, 1988,
pages 350 à 356.
Marché Maisonneuve (4375, rue Ontario Est, face au boulevard Morgan), vers 1936.
(Source : Archives de la Ville de Montréal – VM94,SY,SS1,SSS17,D100)
Pour faire connaître un événement, on a longtemps eu boutiques, salles sportives et églises de la ville. Une
recours à la criée sur les perrons d’église. Depuis 1960 et application pour tablette et téléphone intelligent doit
jusqu’en l’an 2000, ce sont des poteaux d’Hydro-Québec forcément avoir été créée afin de proposer des éphémé-
et des palissades de bois installées devant les chantiers rides et rappeler les événements qui ont profondément
de construction qui ont accueilli d’innombrables affi- marqué l’histoire montréalaise.
chettes de spectacles, de manifestations et de célébra-
tions de toutes sortes. Disons-le tout de suite. On a déniché moins de sites Web
que le nombre de chandelles qui seront déposées sur le
Aujourd’hui, c’est sur le Web qu’on affiche ses primeurs. gâteau d’anniversaire de Montréal. Beaucoup moins.
Une adresse, souvent simple à retenir, fait obligatoire-
ment partie des outils promotionnels déployés par les Les passionnés d’histoire apprécieront par contre ces
promoteurs d’un nouveau film. Préoccupation environ- trois adresses. D’abord celle de la Société des célébra-
nementale aidant, on ne feuillette plus la programma- tions du 375e anniversaire de Montréal (www.375mtl.
tion des festivals. On la consulte dorénavant en ligne. com) qui offre une liste - non exhaustive - d’activités
à ne pas manquer. Sa section « Célébrer l’histoire » se
Voici que Montréal célèbre cette année son 375e anniver- nourrit toutefois d’éléments tirés de deux autres sites,
saire. On imagine déjà le grand nombre de sites, vitrines Montréal en Histoires (www.montrealenhistoires.com)
et applications qui ont été planifiés, dessinés et bâtis au et Archives de Montréal (archivesdemontreal.com).
cours des derniers mois. Dans ce dernier site, ouvrez rapidement le « Catalogue
en ligne » puis cliquez sur le bouton « Documents numé-
Une adresse doit bien avoir été réservée afin de rendre riques ». Voilà Montréal en 80 000 photos et 14 000 docu-
hommage à quelque 375 hommes et femmes qui ont ments et rapports. Vous n’aurez pas le temps, d’ici la fin
marqué l’histoire de cette municipalité. Un autre des célébrations du 375e anniversaire, de tous les admi-
site Web doit sans doute nous permettre de pénétrer rer et les feuilleter.
virtuellement à l’intérieur des 375 plus belles demeures,