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Duruy Victor. Mémoire sur les tribuni militum a populo. In: Mémoires de l'Institut national de France, tome 29, 2ᵉ partie, 1879.
pp. 277-304;
doi : https://doi.org/10.3406/minf.1879.975
https://www.persee.fr/doc/minf_0398-3609_1879_num_29_2_975
SUR
PAR M. DURUY.
M-HOLCONio-m-/
RVFOTl-VIR-i-d
FLAMINI • CAES
QVINTIO-L
M(arco) Holcon[io., M(arci) f(ilio)], Rufo, duumviro [j(ure) d(icundo)] quinq(uennali ) , tr(ibuno)
mi [l(itam a p(opulo)] , flamini Caes(aris A[ug(nsti)] , Quinlio ][ibertas (?) ]
Pompéi, inscription trouvée au forum en 1861. Fiorelli, Cotai, del mus. di Nap., I,
1298. — Elle est brisée adroite, mais se restitue facilement à l'aide des numéros suivants
N° 2.
M-HOLCON1O-RVFO • D • V- T D-IIII • QVINQj.
TRIB • MIL • A • POPVLO • AVGVSTl• SACERDOTl
EX-D-D
278 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE.
M(arco) Holconio Rufo , d(uum v(iro) i(ure) d(icundo) quartum , quinquennal! , trib(uuo) mil(i-
tum) a populo, Augusti sacerdoti, ex d(ecreto) d(ecurionum).
Pompéi, Mommsen, Inscr. regni Neap., 223 1.
N° 3.
M • HOLCONIO • M • F • RVFO
trib-mil- a- popvl-tl-vir-i • d -v
qvinq-iTer
avgvstl • caes aris • s acerd
patrono • coloniae
M(arco) Holconio, M(arci) f(ilio) , Rui'o, trib(uno) mil(itum) a popul(o), duumvir(o) i(ure) d(i-
cundo) quintum , quinq(uennali) iter(um) , Augusti Gaesaris sacerd(oti) , patrono coloniae.
Pompéi, sur le piédestal d'une statue, trouvée près du forum en i853. Fiorelli, Des-
criz. di Pompej (1876, in-8°), p. 167.
N° 4.
A-CLODIVS-A-F
MEN • FLACCVS • II • VIR • I • D • TER
TRIB-MIL- A -POPVLO
A(ulus) Clodius, A(uli) f(ilius), Men(enia tribu) Flaccus, duumvir (iure) d(icundo) ter, quinq(uen-
nalis) , trib(unus) mil(itum) a populo.
Pompéi, Mommsen, 1, iV. , 2378. — C'est une longue inscription funéraire; nous ne
donnons ici que les trois lignes dans lesquelles sont rappelés les titres du défunt.
N° 7.
M • LVCRETlO • DECIDIAN
RVFO-D-V-fH- QVINO_
■PONTlF • TRIB ■ MILlTVM
APOPVLO • PRAEF • FABR
M • PILONIVS • RVFVS
M(arco) Lucretio Decidian(o) Rufo, d(uum) v(iro) ter, quinq(uennali ) , pontif(ici) , trib(uno) mi-
litum a popuio, prsef(ecto) fabr(um), M(arcus) Pilonius Rufus (posuit).
Pompéi, sur la base d'une statue, Mommsen, /. N., 2193; cf. 2192 et 2299.
280 MEMOIRES DE L'ACADÉMIE.
N° 8.
SEPTIMIAE • L • F • SILvanae
M ■ ALLIO • M • F • MEN • RVFo
PRAEF • FABR • CEN • Q • TR • MIL • A • P • E • Qj R
HVNC • DECVRIONES • GRATIS • IN • ORDINEM • SVum
ADLEGERVNT • D VVMVIRALIVM • NVMERO
ORDINEM-ADIIT-PETIITQVE'VT-DECRETO
QyOQVE- VOLVNTATEM-ESSE • ASCKIBerent
Septimiae, L(ucii) f(iliae), Sii[uanae].
M(arco), Aîlio , M(arci) f(ilio), Men(enia tribu), Ruf[o] , praef(ecto) fabr(um) , cen(sorip), q(uaes-
tori), tr(ibuno) mil(itum) ap(opulo)\ e[<j(mti)R(omano)]. Hune decuriones gratis1 in ordinem su[um]
adlegerunt duumviralium numéro ; ordinem adiit petiitque ut decreto quoque voluntatem esse.
ascribferent].
Abellino, Mommsen, /. iV., 1888.
N° 9.
T • POMPVLjLIVS • L • F • LAPPA
ÏÏ VIR • QVINQ • TRIB-MIL • A.POPVLO
PRAEF • FABR ■ EX • TESTAMENTO • ATRIVM
AVCTIONARIVM • FIERI • ET • MERCVRIVM
AVGVSTVM • SACRVM- PONI • IVSSIT
ARBITRATV-EPAPHRAE-LIBERTI
T(itus) Pompullius, L(ucii) f(ilius), Lappa , duumvir quinq(uennalis) , trib(unus) mil(itum) a po«
puio , praef(ectus) fabr(um) , ex testamento atrium auctionarium fieri et Mercurium Augustum
sacrum poni jussit, arbitratu Epaphrae liberti.
Galliano, près de Castel-Vecchio, i'anc. Superœquum , MorCelli, De stilo inscr. , vol. i;
p, i^3 , d'après le manuscrit de Gxovenazzi; voy. la note d'Henzen, p. 3^7, sur le n° 343g
d'Orelli.
Gratis , c.-à-d. sans qu'il fût obligé de payer la somme honoraire , sutnma honoraria ;
cf. Plin., Ep. X, ii2 et zi 3.
SUR LES TRIBUNI MILITUM A POPULO. 281
M(arcus) Manlius, C(aii) f(ilius) , Poliio, tr(ibunus) mil(itum) a populo, praef(ectus) fabr(um) ,
cens (or) perp(etuus).
Cervetri, l'anc. Cœre, Henzen, 708^.
N° 11.
M • MaNATVLEIVS -M- F
«NI • MaRCELLVS
tr ' mil ' A POPVLO
M(arcus) M[u]natuleius , M(arci (filius), [A]ni(ensi tribu), Marcelius, [ir(ibunus) mil(itwnj] a
populo.
Près d'Olevano, Borghesi, Œuvres, t. VII, p. 3^7.
N° 12.
P • BAEBIO • P • FIL •
POB • TVTICNO
TRIB • MIL • A • POPVLO •
PRAEF. • EQj PRO ' LEG •
PONTIFICI-ÏÏÏÏ-VIR-
PLEBS-VRBAN-
PERMISS • DEC •
P(ublio) Baebio, P(ublii f(ilio) , Pob(lilia tribu) , Tuticano, trib(uno) mil(itum) a populo, prae-
f(ecto) eq(uitum), pro leg(ato), pontifia, quattuorviro , plebs urban(a), permiss(u) dec(urionum).
Vérone, au Musée, Mommsen, C. I. L., t. V, 3334.
Q_ • GAVIVS • O_ • F
AQJ/ILA • DECVRIO
TR • MIL • A • POPVLO
HORTIA • C • F • SECVNDA
VXOR
GAVIA • Q_ • F • FILIA
Q(uintus) Gavius, Q(uinti) f(ilius), Aquila, decurio, tr(ibunus) mil(itum) a populo; Hortîa,
C(aii) f(ilia) , Secunda, uxor; Gavia, Q(uinti) f(ilia), filia.
Aquilée, Mommsen, C. I. L. , ï. V, 916.
tome xxix, 2e partie. 36
282 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE.
N° 14.
. . .NORE • AB • DECVRJONIBVS • POPV. . .
...CVR • TR • MIL • ÂPOPVLO
Corfmium, Mommsen, /. N. , 5370.
1 Mommsen /. N. /1/187. 11 nous reste dans les municipes italiens et aux portes
de Marius deux autres inscriptions, mêmes de Rome. Si leur charge eût été la
trouvées l'une à Arretium, l'autre à Rome même que celle que Marius avait exercée,
[C. I. L. I, p. 290, n. xxxiii et xxxn), on ne s'expliquerait pas pourquoi le
et qui sont probablement du temps tribunat de ce vieux cbef du parti populaire ,
d'Auguste. A cette époque, on ne s'inquiétait dont Auguste , son petit-neveu , était
plus du tribunat électif; mais il y avait l'héritier, n'avait pas été caractérisé par le même
bon nombre de tribuni militum a populo titre.
SUR LES TRiBUNI MILITUM A POPULO. 287
buns. Il n'est pas probable que , durant la lutte sanglante de
Marius et de Sylla, les chefs qui levaient des armées en Italie
ou dans les provinces sans l'ordre du sénat, même, comme
Marius, des armées d'esclaves, aient respecté le droit populaire,
et attendu, pour compléter leurs cadres, les élections du forum
romain. Cependant il est encore fait mention du tribunat
électif en l'année 70 l, mais c'est pour la dernière fois.
Quelques années plus tard se formaient le premier et le second
triumvirat. César, Pompée et Crassus d'abord, Antoine,
Octave et Lépide ensuite, se partageaient les provinces, les
du*
armées, les droits du sénat et peuple. Les derniers s'étaient
même donné le pouvoir constituant : tnumvin rei publicœ con-
stitnendœ. Se représente-t-on ces chefs militaires recevant de
ceux qui les proscrivaient à Rome une partie de leurs
commandants de légion, alors qu'il n'y avait plus, comme dit
Tacite, d'armée du peuple romain : nullajam pablica arma'1}
Auguste, proclamé imperator, devenu le chef suprême et jaloux
de toutes les forces de l'empire, ne pouvait permettre qu'il
restât l'ombre d'un doute sur son droit exclusif de nommer
à tous les grades par lui-même ou par ses légats. L'armée faisait
sa sécurité, il lui importait qu'on n'y vît, qu'on n'y sentît aucun
autre pouvoir que le sien. L'élection de chefs militaires par le
peuple, même avec la discrétion que le peuple mettait alors
à user des droits qu'on lui avait laissés, était absolument
incompatible avec la nouvelle organisation des armées et avec
le principe même du gouvernement. Aussi, après avoir été
suspendue en fait durant les longues années des guerres
civiles, dut-elle être virtuellement supprimée; c'est certainement
ce que fit Auguste quand il prit, dès les premiers jours de son
principat, le titre et les fonctions à'imperator.
1 Cicéron, ira Verr. act. I, x, 3o. — ~ Annal., I, h.
288 MÉMOIRES DE L'ACADEMIE.
III. Lorsque l'on compare toutes nos inscriptions entre
elles, il est difficile de résister à la conviction que le
tribun des soldats dont elles parlent était un dignitaire
municipal et non pas un fonctionnaire de l'Etat? Comment
expliquer que Pompéi à elle seule, et dans un court espace de
temps, ait fourni quatre de ces officiers supérieurs? Si le peuple
romain était allé chercher tant de chefs de ses légions dans ce
petit municipe, combien n'avait-il pas dû en demander à
Naples, à Pouzzoles, à Bénévent, à Tarente, à Brindes, à toutes
les grandes cités de l'Italie où l'on n'en trouve pas? Un tribun
légionnaire était un personnage considérable: Gaton, ancien
consul , conquérant de l'Espagne et triomphateur, servit ensuite
dans ce grade durant la guerre contre Antiochus. Cependant
on ne voit aucun de nos tribuns, un seul excepté , arriver à une
fonction d'Etat. «Nous ne le voyons pas, dit M. Mommsen,
parce que l'usage de mettre dans les inscriptions son cursus hono-
rum était encore rare. » Mais nos monuments, qui mentionnent
le nombre des duumvirats obtenus et jusqu'à cinq dignités ou
honneurs municipaux décernés à la même personne, auraient
certainement rappelé les charges d'Etat gérées par les titulaires
de nos inscriptions, si le peuple romain leur en avait donné.
Dans les plus anciennes inscriptions, on ne marquait pas,
à la suite du titre de tribun militaire, dans quelle légion cet
officier avait servi, mais on le mettait habituellement sous
l'empire. Or cette désignation manque dans tous nos textes,
dont plusieurs, sinon tous, sont évidemment postérieurs à la
chute de la république. Ce n'est pas une preuve directe, mais
c'est une présomption en faveur de notre interprétation. Enfin
il est étrange qu'après avoir rempli une fonction qui pouvait
donner accès dans l'ordre équestre, au sénat et aux plus hautes
magistratures, tous nos tribuns se soient arrêtés, dans la car-
SUR LES TRIBUN! M1LITUM A POPULO. 289
rière des fonctions d'État, à ce grade qui était si plein de
promesses.
Le caractère de fonctionnaire municipal se montre, au
contraire, avec évidence dans tous nos monuments; car on n'y
trouve mêlés, à ce titre de tribunus militum a populo, que des
noms de charges municipales, tels que ceux de décurion,
questeur, duumvir ou quatuorvir, quinquennal , censeur
perpétuel, prêtre d'Auguste, pon.tife, augure ou patron de la cité.
D'ailleurs, s'il s'était agi de fonctionnaires d'Etat, les mots a
populo auraient été suivis du qualificatif romano, parce que, toutes
les fois que, dans les inscriptions des colonies et des municipes,
le mot populus se rencontre seul sans déterminatif, ce n'est
jamais le peuple romain qu'il désigne, mais toujours le peuple
de la colonie ou du municipe1. Tel est le sens du mot populo
dans le titre dont nous nous occupons, et ce titre doit se traduire
par les mots « tribun des soldats du peuple (de la colonie ou du
municipe), » de même que les mots II-VIR-AB-AERARIO dans
une inscription de Lyon2 et dans une inscription de Sens3,
doivent se traduire par « duumvir du trésor (de la colonie ou
de la. civilas) k. » En résumé, le tribunus militum a populo était
le chef du service militaire dans la colonie ou dans le
municipe.
Quelques-uns de ceux qui sont mentionnés dans nos
inscriptions ont été prœfecti fabrum, c'est-à-dire chefs d'ouvriers
civils attachés au service d'un gouverneur de province. Leprœ-
Voyez, sur les prœfecti fabrum, le mé- 2 Voy. plus haut, inscr. n° 12. *
1
moire de Borghesi sur V inscr. de Junius 3 Voy. Bullett. dell' Instit. arch. , i85i,
Silanus, dans ses Œuvres, t. V, p. 20/4- p- i36 et suiv. ; on pourrait en citer beau-
20g. coup d'autres exemples.
SUR LES TRIBUN! MILITUM A POPULO. 291
dément, et, réciproquement, qu'une ville ait confié son service
de police à celui qui avait dirigé une troupe nombreuse
d'ouvriers.
Enfin cette fonction était habituellement donnée aux
personnages les plus considérables de la ville, puisqu'on la voit
attribuée à des citoyens qui furent ensuite jusqu'à trois et
quatre fois duumvir, quinquennal, augure, censeur perpétuel,
même patron de la cité.
Voilà ce que les inscriptions, interrogées sans idée
préconçue, répondent d'elles-mêmes.
1 Familia publica Ameriœ (Orelli, 2/128) ; 4 Kelîermann, Vigiles Rom. page 33,
Venafri ( Henzen, 6265) , Brundusii , I . N . n° 24-29.
45o; Cordubœ, C.I.L II, a644; Servi 5 C. I. L., II, 4i38, 4217, 422/1,
pullici coloniarum et municipiorum. , passim. 4225 , 4226 , 4264 et 4266. Au n" 4202 ,
2 Henz. , 7161. Henzen dit cependant le préfet des murs était flamine de la
de ce soldat : « miles , ni fallof, est muni- province , et c'est le conventus provinciœ qui
cipalis pobïicae securitatis caussa deiectus, » érige un monument au prœf. orœ maritimes
3 Orelli, n" 4g83, range ces hastiferi dun° 4i38.
inter officia municipalia minora. 6 Orelli, 2 544-
L'inscription est de l'année 236. 7 Dig., XLVIH, vi, 1 : «Lege Julia de
296 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE.
n'atteignait que les individus. Il n'y est pas question des cités,
dont les armes, suivant un usage général dans l'antiquité
gréco-latine, étaient enfermées en des dépôts publics, comme
l'étaient, même dans les camps romains, celles des
légionnaires1, et, au moyen âge, celles de nos milices urbaines;
comme le sont encore de nos jours celles de la Landwehr
allemande, des régiments suisses et de notre armée territoriale.
Le texte de Tacite, au sujet des Viennois publiée armis mulclati,
confirme cette interprétation. Un fonctionnaire municipal
avait certainement la garde de Y armamentarium. Les inscrip-
« v-i publica tenetur qui arma, tela domi Notre savant confrère, M. A. Maury veut
«suse, agrove in villa, praeter usum vena- bien me communiquer la note suivante :
«tionis, vel itineris, vel navigationis ce- «Quand, sous Philippe le Long, les dé-
« périt. » Pompée avait déjà interdit le port « pûtes des villes demandèrent à être au-
d'armes dans la ville. Plin, H. iV.,XXXlV, « torisés à repousser par la force les len-
xxxix; et Pétrone, Sut., 82, montre que « tatives faites pour troubler la paix pu-
cette interdiction subsistait de son temps. « blique , le roi autorisa les bourgeois des
1 II y avait dans les camps un arsenal, « villes à organiser une milice. Ces milices
armamentarium , où les armes des soldais « furent placées sous les ordres d'un capi-
étaient tenues sous clef, et des custodes ar- « taine que le roi nommait dans chaque
morun.Voy. Henzen, Index, p. i43. Lorsque «ville, et les armes furent déposées dans
Othon souleva les prétoriens contre Galba , « des arsenaux. » Voy. Ordonnances des rois
il ordonna aperire armamentarium. (Tacit. , de France, 1. 1, p. 635 (ordon. du 12 mars
Hist., I, xxxviii et lxxx.) Tacite remarque 1 3 1 6). A Paris, les armes étaient aussi
que, même chez certains barbares, chez placées dans un dépôt, et la milice n'allait
les Suiones par exemple, les armes étaient les prendre que lorsqu'elle était
clausa sub custode. (Germ., 44-.) Sous commandée de service. Cela se pratiquait encore au
Tibère, le gouverneur d'Egypte fit enlever XIVe siècle. Les maillets de fer ou de plomb
et porter à l'arsenal toutes les armes des qui servaient à armer ceux de la milice qui
Alexandrins. (Philon, in Flaccum, p. 23i ne portaient pas l'arbalète , étaient
de la traduction de M. Delaunay.) Tous les déposés à l'arsenal , où les émeutiers de 1 38 1 ,
trois ans , les gouverneurs d'Egypte les maillotins, allèrent les prendre de force.
passaient la revue des armes apportées dans Au xve siècle, on négligea le plus souvent
la province, afin d'empêcher les cette précaution et on permit aux
préparatifs séditieux. [Ibid. , p. 232.) Des villes bourgeois de garder leurs armes chez eux, à
importantes avaient des armorum ojjîcinœ. raison de la fréquence des convocations
(Tac, H., II, Lxxxii.) Sur V d'armes.
armamentarium, \oy. ce mot au Die. des ant. , p. A3 1 -2.
SUR LES TRIBUNI MILITUM A POPULO. 297
tions de Nîmes nous donnent son nom, prœfectus armorum;\e
(TTptXTrjyoç des villes grecques, le tribunus militum a populo des
cités italiennes, remplissaient sans doute la même charge.
Il est certain en effet qu'au premier siècle de notre ère il y
avait des armes dans les villes : témoin la bataille entre les gens
de Pompéi et ceux de Nucérie, non pas un tumulte, mais un
vrai combat, à la suite duquel on ramassa beaucoup de morts
et de blessés1, témoin encore les continuelles hostilités entre
Lyon et Vienne, qui étaient des opérations de guerre; les
armées que Sacrovir et Vindex purent lever en Gaule; les armes
livrées en grande quantité aux Vitelliens par les villes de ce
pays, celles que Modène offrit aux Othoniens, etc.2; Vienne se
racheta du pillage et du massacre à prix d'argent, mais on lui
ôta, dit Tacite, toutes ses armes de combat3.
Vers le temps de la bataille de Bédriac, un fou se fait passer
pour dieu chez les Edues et réunit jusqu'à huit mille hommes.
Autun arme aussitôt sa jeunesse pour le combattre4. Quelques
semaines après, ce sont toutes les villes de Campanie qui
prennent part à la guerre, les unes pour Vespasien, les autres
pour Vitellius, et les montagnards de la Ligurie qui
soutiennent un combat contre les Othoniens5. A la même époque,
deux grandes cités africaines, Leptis et Oea, se firent une
véritable guerre6, et, plus tard, la première de ces villes soutint
bravement un siège contre les Austuriani1.
Les cités libres et fédérées, qui étaient en si grand nombre,
avaient gardé leurs coutumes; et, dans les arsenaux de ces
vieilles républiques batailleuses, se conservaient certainement
1 Tacit., Annal, XIV, xvn : «probra, ibidem, lxiv. — 4 Tacit. , ibidem, II, lx
«deindesaxa.postremoferrumsumpsere. . . 5 Tac, ibid., II, xn.
«multi. .. trunco per vulnera corpore. 6 Tac, ibid., IV, l.
2 Tacit., Hist, II, lu. 7 Amm. Marc, XXVIII, lxi.
" Tacit. , Hist. , I , lxvi ; pour les Edues ,
tome xxix, 2e pai'tie. 38
298 xMÉMOIRES DE L'ACADÉMIE.
quelques-unes des armes dont elles s'étaient servies aux jours
de l'indépendance. Nous savons par Ovide1 que les gens de
Tomi avaient des armes; Juvénal dit que les provinciaux en
gardaient : spoliatis arma supersunt^, et Philostrate, que la
jeunesse de Tarse s'exerçait à lancer le javelot3; Apulée nous
montre des pagani courant en armes après des voleurs qu'ils
arrêtent, enchaînent et jettent dans leur Tullianum. Où les
habitants de Coptos et de Tentyra trouvèrent-ils « ces glaives
et ces flèches» qui leur servirent à s'égorger4? Où s'armèrent,
au milieu du ine siècle, les gens de Sides, qui repoussèrent si
vaillamment une attaque des Goths 5; les Athéniens, qui, sous
Dexippos, chassèrent les Hérules de l'Attique en leur tuant
trois mille hommes6; et comment chaque ville de l'empire
put-elle envoyer à Marc-Aurèle les hommes tout équipés qu'il
leur demanda pour son expédition contre les Marcomans'?
Enfin, un peu plus tard, Didius Julîanus arrêta une invasion
des Cauques dans la Belgique, avec la seule assistance des
provinciaux tumultuairement réunis8; plus tard encore, en
363, les habitants de Nisibe refusèrent une garnison se faisant
fort de défendre seuls leur ville contre les Perses 9.
Certains territoires paraissent avoir été organisés
militairement; des peuples, établis au cœur même des provinces,
avaient des troupes nationales, commandées par leurs propres
Fr. H. G., l. III, p. 681, édit. Didot. l'Ephébie athénienne avait été imitée en
" Ihid. , 666. L'éphébie subsistait encore d'autres cités grecques,
à cette époque à Athènes et continuait ses 7 J. Capil., in Marc, 21.
exercices militaires; chaque année, les s Spart. , Did. Julian. I.
éphèbes venaient jurer dans le temple 9 Amm. Marc., XXV, ix , 2.
SUR LES TR1BUNI MIL1TUM A POPULO. 299
officiers et entretenues à leurs frais. Ainsi les décuries des
Dalmates1, les stratégies de la Thrace, de la Cappadoce et
de la grande Arménie2, ont bien l'air de divisions
territoriales où des précautions militaires avaient été prises.
Lorsque Paul-Emile organisa la province de Macédoine, il
autorisa les habitants de certains districts à entretenir un
corps de troupes pour la sécurité de leurs frontières, et
nous savons que cette province était encore, au second siècle
de notre ère, régie par la formule qu'elle avait reçue du
vainqueur de Persée3. Les Helvètes avaient une forteresse où une
troupe de leur nation tenait à leurs frais garnison, pour les
défendre contre les maraudeurs germains4; de même chez
les Rhètes, dont la jeunesse avait l'habitude des armes et des
exercices militaires : meta armis et more militiœ exercita5. Une
cohorte de Ligures veillait sur le pays qui entoure Fréjus, vêtus
loci auxilium6; et il n'est pas sûr que cette cohorte fît partie
de l'armée romaine. Elle semble bien avoir été, avec la
permission, ou plutôt par l'ordre de Rome, une troupe nationale
levée et entre lenue par les Ligures pour défendre d'une
manière permanente les approches de l'arsenal maritime bâti sur
leur territoire. On a vu qu'il se trouvait des corps semblables
en Macédoine, chez les Rhétiens, les Helvètes et les Espagnols
de la Tarraconaise. En Afrique, quantité de chefs maures
étaient chargés d'assurer la tranquillité des frontières contre
les nomades7, et l'histoire de Firmus, dans Ammien Marcellin,
montre la puissance de ces chefs et les habitudes militaires
des indigènes : Firmus mit en ligne vingt mille hommes, sans
1 Plin. , H. N., III, cxlii. « fibus ac stipendiis tuebantur, » (Tac,
%Ibid., IV, lxxiii; Ptol., III, xi, S 8, Hist.,1, lxvii).
9, 10. 5 Tac, Hist. , I, Lxvm
3 Justin, XXXIII, n. 6 Tac, Hist, II, xiv.
' < Castellum quod. .. Helvetii suis miii- 7 Hist. des Rom., t. V, p. 2o3.
38.
300 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE.
compter de puissantes réserves qu'il avait laissées en arrière1.
Déjà, au temps de Galba, un gouverneur des deux Mauré-
tanies avait pu réunir une force indigène considérable : ingens
Maurorum numerus2.
En Orient, le corps lyciaque avait de grands privilèges.
« Autrefois, dit Strabon3, il délibérait sur la paix, la guerre et
les alliances; maintenant il ne le fait qu'avec une autorisation
des Romains, quand ceux-ci y trouvent leur avantage. » Or
ceux-ci avaient intérêt à ce que la sécurité régnât dans leurs
provinces, et ils ont dû autoriser souvent les Lyciens à
repousser les brigandages continuels de leurs incommodes
voisins, les montagnards de la Pamphylie. Mais, pour combattre,
il faut des armes, des cbefs, une organisation, et les paroles
de Strabon nous obligent de croire que les Lyciens avaient
tout cela.
A Palmyre'4 et en Egypte5, les cbefs du pouvoir exécutif
dans la cité portaient le nom de stratège, et le NvxTsptvos
ôs d'Alexandrie avait sous ses ordres un corps de vvx-
enrôla aussi des brigands , auxquels sans comme celles de Rome, avec les mêmes
doute ilpromitle pardon pour leurs méfaits. grades et les mêmes dénominations.
1 Les Italiens avaient copié les Lorsque , la paix venue , ils n'eurent plus besoin
institutions de Rome, ou, ce qui est plus que d'un fonctionnaire chargé de veiller
probable et revient au même, Rome avait à la sécurité du municipe et de son
pris les institutions de l'Italie. Ainsi , même territoire, ils lui auront conservé l'ancien titre
sous l'empire , on trouve , dans les cités de militaire depuis des siècles en usage parmi
la péninsule, des consuls, dictateurs, eux, peut-être avec le double caractère
préteurs, interrois, édiles, censeurs, tribuns reconnu à Rome aux tribuns électifs, de
du peuple. Durant la guerre sociale, les chefs militaires et de magistrats. (Voy,
légions des Italiens étaient organisées p. 282 et n° 5.)
302 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE.
ce fonctionnaire tribun des soldats en Italie, préfet des armes et
des cohortes dans les cités provinciales de l'Occident, comme
à Nîmes et à Tarragone, GTpaTriyds èiri twv ôtïXwv, dans les
villes de la Grèce et de l'Asie qui avaient conservé leurs
vieilles institutions?
A Alexandrie, le commandant des gardes de nuit, appelé à
vvxTSpivos (TTpoLT7]yos, tenait la quatrième place parmi les
magistrats de la ville, et, suivant une leçon, il est vrai,
controversée , cette organisation existait dans les autres cités égyptiennes \
En résumé, les iribuni mihtum a populo me paraissent le
débris italien d'une coutume générale et nécessaire, dont les
préfets de l'Occident et les stratèges de l'Orient étaient le
débris provincial.
Strab. , XVII, t. V, p. 3/»7 de l'édit. même sur des monnaies; sur celles de
de Letronne. Le titre de stratège se trouve Cyzique par exemple. Cf. Perrot, Inscr.
dans quantité d'inscriptions grecques, inédites de l'Asie Mineure, p. i3.
SUR LES TRIBUNI MIL1TUM A POPULO. 303
« mêmes droits et le même pouvoir disciplinaire que ceux qui
« sont accordés au tribun militaire dans l'armée romaine l. .. »
II y a plusieurs remarques à faire sur ce texte :
i° Le droit incontesté pour le sénat de Genetiva d'armer
les citoyens et de les mettre en campagne, lorsque la défense
du territoire l'exige;
2° L'attribution régulière et permanente d'un pouvoir
militaire faite aux premiers magistrats de la cité qui tiennent leurs
fonctions de l'élection populaire;
3° La mise en action de ce pouvoir par la déclaration de la
majorité des sénateurs municipaux, qu'il y a lieu d'armer les
citoyens et de faire une expédition;
/\° La délégation que le duumvir peut faire de ce pouvoir
à un autre citoyen ;
5° Enfin l'autorité du tribun légionnaire dans l'armée
romaine donnée à ce magistrat municipal ou à son suppléant.
On a dit que cet article GUI était une faveur particulière
accordée à Genetiva à raison de sa situation exceptionnelle au
milieu d'un pays insurgé de la veille2. Mais, à cette époque
de la dictature de César, mille cités étaient dans la situation
de Genetiva, c'est-à-dire entre les guerres pompéiennes qui
finissaient et les guerres triumvirales qui allaient commencer.
Rien donc ne justifierait une si étrange exception en faveur
d'une colonie relativement obscure 3.
« Eique Ilviro , aut ei quem Ilvir armatis dant MM. Momrnsen et Hubner font une
1
« praefecerit , idem jus eademque animad- réserve : « Sed etsi hoc praeferas , certe
« versio esto , uti trïbuno militum populi Ro- 1 quae eodem loco essent colonias munici-
« mani in exercitu popuh Romani est. » « piaque provinciarum longinquarum eo
Remarquez ces mots populi Romani deux fois «jure non magis caruisse consentaneum
répétés, qui confirment notre « est. »
observation de la p. 288. 3 Ces droits exercés par les duumvirs
2 Giraud, Les bronzes d'Osuna, et YEphe- de Genetiva Julia étaient si naturels et si
mens epigraphica , t. II, p. 127, où nécessaires, qu'on les retrouve dans beau-
304 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE.
Les lois espagnoles contiennent quantité de dispositions qui
appartiennent à des lois ou à des coutumes de Rome1. Pour
n'en citer qu'une, celle qui est relative à la conservation des
bornes et limites est identique dans la loi de Genetiva et dans
la lex Mamïlia, qui fut aussi rédigée par César. Ces emprunts
ne permettent-ils pas d'en supposer d'autres? Et aujourd'hui
que nous savons combien , aux deux premiers siècles de
l'empire, le régime municipal était libre et vivant, sera-t~il
téméraire de penser que <:et article CIII, si étrange, si inexplicable
tant qu'il reste isolé, n'est lui-même qu'un débris de quelque
coutume commune aux provinces latines.
Si l'on objectait que ce droit de faire militairement la police
sur le territoire parfois très-vaste de certaines cités, aurait
constitué un droit anarchique, nous répondrions que, dans
l'empire romain, à la différence de ce qui se passe chez nous, la
responsabilité pour les actes publics était rigoureuse et
sévèrement appliquée. Les sénats municipaux savaient qu'ils
auraient à répondre, devant l'autorité supérieure, de
l'opportunité et des suites d'une prise d'armes, comme il arriva pour
Vienne et Pompéi. En punition d'un désordre sans
importance, une partie des décurions et des citoyens de Pollentia
fut mise aux fers et n'en sortit jamais2.
coup de villes du moyen âge, «où la mi- «mandement.» (A. Maury, la France au
« lice constituait une sorte de garde civique xive siècle.)
« que les magistrats municipaux pouvaient ' Voy. mon Hist. des Rom. , t. V, p. 77-8.
«convoquer, et dont ils prenaient le com- 2 Suét., Tib., 37.