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Revue des Études Anciennes

Le génie du castellum d'Olbia à Hyères


H. De Gérin-Ricard

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De Gérin-Ricard H. Le génie du castellum d'Olbia à Hyères. In: Revue des Études Anciennes. Tome 12, 1910, n°1. pp.
73-77;

doi : https://doi.org/10.3406/rea.1910.1613

https://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1910_num_12_1_1613

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LE GÉNIE DU CASTELLUM D'OLBIA

A HYÈRES'

Le colonel de Poitevin de Maureillan, conservateur des


Musées d'Hyères, a signalé par un mémoire à la Société
archéologique de Provence, la découverte, faite le 20 octobre dernier,
au quartier de La Manarre3, d'une base de statuette en marbre
blanc avec inscription.
La statuette a été cassée en oblique au-dessous des genoux.
L'inscription, en petits caractères de un centimètre et demi de
hauteur, très serrés, occupe tout le devant du socle qui mesure
omi55 sur omo75. Je viens de voir ce texte et j'y ai lu :

GENIO VICINIAE +
CASTELLANAE-OL
BIENSIVN· L · RVPI LVS
IACGHVSDDCS

Genio vicinix castellanas, Olbiensium* L[ucius] Rupil[i]us Iacchus


d[ono] d[edi] c[avit] ou d[ono] d[edit et] c[o/i]$[ecrai>i7] 4 .
« Lucius Rupilus Iacchus a dédié ce monument au Génie du
castellum d'Olbia et le lui a donné. »
Cette lecture ne diffère de celle du colonel de Poitevin que

1. Mémoire communiqué à l'Académie des Inscriptions et Belles - Lettres par


M. Camille Jullian, dans la séance du 3 décembre 1909.
3. L'orthographe courante est « l'Almanarre ». M. Mireur, archiviste du Var,
m'écrit à ce sujet : « Je ne puis vous cacher mon agacement de la forme créée par
A. Denis (Hist. tWyères) et vulgarisée aujourd'hui par les guides et les horaires, de
l'Almanarre pour La Manarre, qui est celle des textes, de la logique et de la
grammaire. Si ai est l'ancien article, l'Almanarre est un pléonasme absurde. » — [Le
quartier a depuis longtemps fourni des monnaies marseillaises et des débris romains;
cf. C /· L., XII, 6678, 10; 5679, i5, 38, 86; 5694, 5; Diet. arch, de la Gaule, II, p. 33.]
3. [N pour M, comme dans la forme etian pour etiam.]
A. Il n'existe pas de point sépara tif entre le c et l's finale de l'inscription. —
[M. Cagnat préfère cam Sais. — On a songé à voir dans le prolongement de la
première. traverse du deuxième V de Rupilus l'équivalent de ΓΙ. La vue de la
photographie ne me permet pas d'accepter cette hypothèse, au surplus ingénieuse et
naturelle. Je crois à une omission de ΓΙ, comme dans les formes aspicet, quêtas, etc.]
ηίχ REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
dans les trois dernières lettres de l'inscription (DG S) auxquelles
mon érudit collègue a donné la signification d'une date, celle
de l'an 600 de la fondation de Rome.
Je crois, du reste, cette inscription d'une date bien
postérieure à l'an i54 avant notre ère et tout au plus du ier ou du

Inscription d'Htères.

11e siècle après1, parce qu'elle n'est pas en caractères grecs et


parce que la forme Olbiensiam est une latinisation du nom
grec Olbia, Olbiœ comme Massiliensis pour Massalia. De plus,
les Génies sont d'importation italienne et leur culte ne pénétra
en Gaule que postérieurement à la conquête.
D'autre part, la statuette brisée qui surmontait l'inscription
— dont il ne reste que les deux pieds, une portion des jambes
et la partie inférieure du vêtement — devait représenter,
1. [Du m' siècle au plus tôt, d'après M. Gagnât.]
al*

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comme l'indique M. de Poitevin, un personnage debout, la
main droite appuyée sur un cippe cylindrique (peut-être un
tronc d'arbre) entouré d'un serpent dont on voit la queue et
une partie du corps, mais je ne partage pas l'opinion de
l'heureux inventeur de la découverte quant au sexe de la divinité
représentée. Au lieu d'Hygie ou de la Volupté, proposées à
cause de la présence du serpent, je crois à une divinité mâle,
à cause des membres inférieurs et des pieds qui n'ont rien de
la gracilité féminine, notamment la proéminence du muscle
extenseur qui se trouve au point d'attache antérieur à la
cheville. De plus, l'inscription porte Genio, c'est-à-dire le datif
de Genius, qui est du genre masculin. Les hommes avaient
d'ailleurs pour protecteurs les Génies qui appartenaient au sexe
mâle, tandis que les femmes avaient les Junones (Tibulle, IV,
6, 1 ; Sénèque, EpistoL, ι io). Les Génies locaux étaient supposés
prendre la forme matérielle <i'un serpent (Virgile, Enéide, V, 95 ;
Serv., ad hc.) et ils sont ainsi couramment représentés,
notamment dans les larario, domestiques de Pompeï, mangeant
de la viande ou des fruits sur un autel.
Quoi qu'il en soit, la découverte d'Hyères est fort intéressante
parce qu'elle vient confirmer que la plupart des villes, même
petites, de la Gaule avaient leur Génie propre1; elle nous
apprend que celui d'Olbia avait comme attribut le serpent,
accompagnant déjà en Provence des divinités mâles (je compte
revenir sur ce point dans quelque temps); enfin et surtout,
elle fixe le point géographique de l'Olbia de S trabón, de
Pomponius Mela et de Ptolémée, discuté jusqu'à maintenant3.
Je sais bien qu'étant donnés les dimensions et le poids si
réduits du monument, on pourra ergoter qu'il a pu être
transporté en ce lieu d'un autre point de la côte où se trouvait
Olbia; mais à cela je répondrai qu'aucun point de cette
partie du littoral n'offre des vestiges de casteUum avec enceinte
à appareil cyclopéen comparable à ce que l'on peut voir au
1. Cf. C. Jullian, Gallia, p. an. — [Vicinia me parait désigner ici l'ensemble des
habitants du casteUum; comparez l'inscription suivante de Trêves (XIII, 365a) que
me signale M. Cagnat : I. O. M. ET. NVM. AVG.ET. GENIO. VICINIAE.M. M ANNI VS.
ET. COSSIA. NERTA. ET. SVI. D. D.]
a. Strabon, Géogr.,1. IV, ch. I, $5; Mêla, 1. II, ch.V; Ptolémée, Géogr., 1. II,
ch. IX; Etienne de Byzance, V, ai5-ai6.
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quartier de La Manarre où a été trouvée l'inscription1. En
outre, celle-là a été rencontrée au cours des défoncements
faits en octobre à une quarantaine de mètres à peine au
couchant du castellum dont on aperçoit les ruines importantes,

Tout

HYERBS

Carte du quartier de La Manarre (commune d'Hyères) 3.

non pas isolée, mais dans les restes d'une construction


rectangulaire de 3 mètres sur 3m5o environ et dont le sol
se trouvait à im5o de profondeur. Les dimensions exiguës
de cette pièce font penser aux vestiges d'un fanam ou petit
1 . [Il est probable qu'il faille distinguer du castellum d'Olbia, à La Manarre, un
autre groupe habité, à Hyères même, cf. C. I. L., XII, n" 385-8, 3go. — L'enceinte de
La Manarre serait à étudier de près, site, tracé et appareil. Je la crois inspirée des
Grecs; cf. Justin, XLIII, 4, i.] — Ses murs ont été décrits et figurés dès 18A8 par mon
bisaïeul d'alliance l'avocat Audiffret, membre de l'Académie de Marseille (Mémoires
de Guebhard
Dr cette Académie,
a aussi 1848-1880)*,
reproduit l'appareil
sous le titre
de l'enceinte
de Monument
danseyclopéen
le II' Congrès
en Provence. Le
préhistorique de1 France (Vannes, 1906, pi. I et p. i65).
3. Le point où a été trouvée l'inscription est surmonté de la lettre A.
LE GÉNIE DU CASTELLUM d'oLBIA 77
temple, demeure de la divinité qui a dû être renversée et brisée
sur place1. Gela aussi m'engage à croire que le monument a
été trouvé in sita, si l'on peut ainsi dire.
Il reste maintenant à examiner s'il ne pourrait être tiré
aucun parti de l'identification d'Olbia avec La Manarre pour le
repérage sur la côte des autres stations de l'Itinéraire maritime
et notamment du castellum de Tauroentum.
Il est vrai que les Itinéraires ne font pas mention d'Olbia ;
mais, si Pomponiana (qui s'y trouve citée) et Olbia étaient un
seul et même point, la question se trouverait simplifiée. C'est
ce que je me propose d'examiner dans une prochaine occasion
et, sans rien préjuger, il ne paraît nullement impossible
d'identifier l'Olbia des Phocéens avec la Pomponiana des Romains.
Ces deux points sont, dans tous les cas, assez voisins.
Je compléterai la description déjà donnée par M. de Poitevin
en indiquant que le côté du socle opposé à l'inscription est
arrondi en demi-cercle ou arc dont la corde est représentée
par le plan de l'inscription et dont la flèche mesure omi2.
(J'ai donné plus haut les autres dimensions du socle.) Quant
aux extrémités inférieures du Génie, qui adhèrent au-dessus,
leur mensuration donne om io du côté le plus haut, c'est-à-
dire à la jambe gauche et omo45 de l'autre côté, où se trouve
l'arbre ou l'autel entouré par un serpent. En calculant d'après
la partie restante de la statuette et en tenant compte des
proportions du corps humain, la représentation du Génie d'Olbia
devait avoir, complète, 3o centimètres environ de haut.
Enfin, en ce qui concerne les noms du dédicant portés par
l'inscription, il y a lieu de -remarquer que les nomina Lucius et
Rupilus sont romains, tandis que le cognomen, le nom de
famille Iacchus est grec et semblerait indiquer qu'au n° siècle
le castellum marseillais d'Olbia renfermait encore des habitants
originaires de la Métropole et portant des prénoms romains3.
33 novembre 1909. H. DB GERIN-RICARD.

1. Ce renseignement, qui est nouveau, m'a été fourni par M. Vénissian, jardinier
de la propriété de M. Uhde, qui a suivi. les défoacements, exécutés devant son
habitation, lesquels ont amené la découverte du socle de statuette.
a. [L'inscription laisse en suspens la question si Olbia avait été laissée à Marseille
par César ou rattachée à Arles bu à Fréjus. J'incline encore pour Arles.]
Rtv. ÉL anc. G

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