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Dix-huitième Siècle

Les éclats de rire du public de théâtre


Dominique Quéro

Abstract
Laughing out loud at the theatre.
Despite the fact that indiscreet and indecent laughter was long banned, it seems that in the 18th Century this did not
prevent theatre audiences from laughing out loud, either to condemn a complete flop or on the contrary to confirm a
success that believers in "high comic" considered unjustified. For this immoderate and involuntary laughter was not simply
"laughing with the mouth" and the whole moving body, but also escaped the control of reason and was considered to be
an offence to good taste and manners as it was too close to the people. Theatre audience laughter, considered from the
physiological, psychological and sociological points of view, would seem to be the strongest proof of a true theatre
comedy, a risible comedy, whose noisy outbursts, rather than worrying eclipses of reason, are in fact joyous shafts of
madness.

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Quéro Dominique. Les éclats de rire du public de théâtre. In: Dix-huitième Siècle, n°32, 2000. Le rire. pp. 67-83;

doi : https://doi.org/10.3406/dhs.2000.2338

https://www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760_2000_num_32_1_2338

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LES ECLATS DE RIRE
DU PUBLIC DE THÉÂTRE

jamais
réglementation
préface
rire
p.
de
les
creuse,
Lumières.
Bertrand
sité
et
raisonneur
qui
«
se l'admirable
443-444).
«une
sont
l'éclat
réactions
nous
Il
de
estserait
raison,
mise
contentés
ou
Provence,
de
une
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fait
de
On
L'Enfant
semble
d'examiner
peut-être
en
Aussi
du
de
rire
Molière
rire,
sait,
et
le
de
sourdine
public
ces
sans
d'exciter
rire
àen
que
1995),
plus
paraît-il
se
la
prodigue,
choses
particulier
àet
àcreuser,
dire
comédie
l'on
de
l'âge
ici
en
propos
les
de
que
en
théâtre,
leur
plus
quelle
auteurs
difficile,
se
plus
ce
classique,
nous
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propose
avant
au
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secret
et
rire
grâce
stricte
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conforme
écrit
senties
est
afin
18e
ce
de
«a
d'ajouter
plaisir,
siècle
»indiscret
cette
tant
siècle,
aux
fortiori
Voltaire
de
du
Publications
(O.C.,
d'envisager
que
travaux
de
mesurer
rire
sorte
est
au
sans
jolies
entre
,éd.
que
connues
et
»goût
de
marqué
en
et
de
nous
Moland,
de
«petites
rendre
l'écart
le
1738
ici
de
«de
la
plaisanterie
Dominique
la
indécent
rire
en
l'Univer¬
»
cause
àce
raillerie,
par
dans
travers
et
rendre
pièces
raison
qui
et
siècle
t. une
que
III,
les
du
se
la
»

qu'est, plus que tout autre, l'éclat de rire. Le siècle suivant ne


fait que renforcer cet interdit qui pèse sur le rire immodéré et
involontaire, conçu comme une scandaleuse atteinte à la raison,
et étend ainsi au théâtre en général la proscription de l'éclat de
rire. Mais cette condamnation ne reste-t-elle pas plus théorique
qu'effective ? Car, dans « la pratique du théâtre », le public ne
s'interdit pas toujours de rire ni même d'éclater de rire. Du moins
peut-on le soupçonner, à l'examen des témoignages dont on
dispose sur la réception des pièces comiques par les spectateurs
— témoignages au demeurant difficiles à rassembler, dans la
mesure où l'on ne trouve guère d'échos, chez les gens de lettres,
d'une abondante production dramatique que souvent ils ignorent
ou méprisent par principe. C'est dire les limites de la présente
étude, qui ne fait que poser les jalons d'une recherche à poursui¬
vre. Car si l'on a maintes preuves que le public du 18e siècle
pleure au théâtre, et y verse des larmes en abondance, il semble
beaucoup moins évident de mettre en lumière la part effective

DIX-HUITIÈME SIÈCLE, n° 32 (2000)


68 DOMINIQUE QUÉRO

du rire et de l'éclat de rire. On verra ainsi, pour commencer,


que les témoignages rassemblés présentent le plus souvent l'éclat
de rire sous un jour dépréciatif, et que la typologie à laquelle
àonassocier
peut se ce
livrer,
rire deimmodéré
manière empirique
à des chutes
et non
éclatantes
exhaustive,
ou à tend
des

succès immérités. Mais que l'on ne parle guère en bonne part


des éclats de rire du public de théâtre n'empêche pas que l'on
puisse s'interroger, plus en profondeur, sur la réalité effective
d'un théâtre comique qui fait rire. Ainsi pourra-t-on envisager
selon une triple perspective (physiologique, psychologique et
sociologique) ces éclats de rire du public, à travers lesquels
s'exprime, au siècle des Lumières, une véritable défense et illus¬
tration des droits du rire et du comique.

Si La Critique du Légataire universel (Comédie-Française,


1708) met en scène un jeune poète dont les « tragédies font rire
à gorge déployée » (se. 4), la petite comédie des Souhaits \ du

eu
pleurer,
deux
que
de
rire
même
«
amène
dont
Callisthène
tuit
maintenant
circonstances.
«adu
prennent
du
l'effet
exemples
contribué
Regnard,
àparterre
/crédit
conclure
Et(Comédie-Française,
manqué
chacun,
le
parfois
jadis
cothurne
se
2àfait
: la
(se.
Piron
trouve
peut
chute
dans
intervenir
vous
les
10)nous
tragique
éclats
tenir
mise
: le
de
voyant,
« Le
comique
rapporte
sa
encore
en
deux
de
métier
1730),
pièce,
Ȏvidence
rire
(se.
s'est
acteurs
à»du
5),
ainsi,
d'un
comment
en
un
et mais
éclaté
public
suscitant
malheureux
désireux
latragique
de
dans
valeur
de
dont
campagne
un
d'une
rire.
lales
incident
la
de
de
est
préface
prestation
»concours
éclats
tragédie,
chausser
sanction
de
Par
ayant
faire
for¬
ces
de

percer,
Lysimaque
se Le
de cette
sépara
tenir
poignard
se
main,
lede
trouva
tout
à façon
la
il du
qu'on
déclamait
sienne,
[...]
mieux
queprésentait
enl'acteur
le qu'il
si
pompeusement
manche,
mauvais
put
reçut
alors
àlapleine
état,
l'arme
poignée,
à mon
nombre
qu'en
main,
pièce
héros,
lapassant
de
garde
tandis
à vers
et
pièce,
dont
et
que
qui
dela
etprécédaient
il
la
gesticulant
lame,
fut
se
main
obligé
devait
tout
de

universel,
Libraires
1. Non associés).
représentée,
au tome IV cette
de l'édition
comédie defigure,
1778 comme
des Œuvres
La Critique
de Regnard
du Légataire
(Paris,

2. Œuvres complètes d'Alexis Piron, publiées par Rigoley de Juvigny (Paris,


Lambert, 1776), 1. 1, p. 176-177. Il est fait mention de ces rires dans les Anecdotes
dramatiques de La Porte et Clément (Paris, Duchesne, 1775, 1. 1, p. 168) auxquel¬
les on renvoie désormais par Anecdotes, suivi de la pagination de l'édition
Slatkine (Genève, 1971).
LE RIRE DU PUBLIC DE THÉÂTRE 69

la catastrophe.
contretemps
déclamateur ;deet[...]
ce
si les
On ricanements
maudit
peutpoignard
juger sisurent
la
en meute
bloc
bienenfermé
éveillée
souleverdans
tira
le bon
rire,
la main
parti
et faire
du

éclore, par degrés, la risée générale, au fatal instant où le comédien se


poignarda d'un grand coup de poing, et jeta au loin l'arme meurtrière
en quatre ou cinq morceaux. Il n'y eut que le fameux moribond et moi
qui ne rirent point : et je fus le seul qui n'en eut point, ou du moins
qui ne dut point en avoir envie.
Associée à la rupture de l'illusion théâtrale, la surprise explique
sans doute encore pour une large part l'effet manqué du spectre
d'Eriphile (Comédie-Française, 1732), dont la nouveauté même
semble avoir fait rire. Au reste, Voltaire n'a guère plus de chance,
lorsqu'il renouvelle l'expérience dans Sémiramis (Comédie-Fran¬
çaise, 1748) : à la première représentation, les spectateurs « se
pressaient si nombreux, debout au fond de la scène, qu'ils provo¬
quèrent un incident burlesque. Au moment de son apparition, le
fantôme de Ninus ne parvint pas à percer la foule. Le soldat
de garde dut intervenir : "Messieurs, place à l'ombre, s'il vous
plaît !" 3 ». Ces propos peuvent d'ailleurs être rapprochés du bon
mot lancé à la création de Childéric de Morand (Comédie-Fran¬
çaise, 1736) par un jeune moine déguisé, «venu accompagné
de sept ou huit jeunes gens qui lui avaient donné à dîner, unique¬
ment dans le dessein de faire tomber la pièce nouvelle » : « Dans
une des plus belles scènes de la pièce, apercevant un acteur qui
venait avec une lettre à la main, et qui tâchait de se faire jour
à travers la foule qui remplissait le théâtre, il se mit à crier :
place au facteur. L'éclat de rire qu'il excita coupa tout l'intérêt
de cette scène » (Anecdotes 56). La première de Sémiramis
n'échappe pas à un tel « sabotage » puisque, selon Collé, malgré
les précautions de l'auteur qui avait fait distribuer à ses amis
quatre cents billets d'entrée pour soutenir sa pièce, «deux ou
trois jeunes gens de ce parterre acheté avaient battu des mains
en bâillant tout haut, ce qui avait fait beaucoup rire tout le
monde, excepté Voltaire » (cité dans Best. D 3737, note 1). Il
suffit, en outre, que retombe le tumulte de la première, pour que
l'on s'en prenne directement au texte même de la pièce, en
particulier à un passage du cinquième acte. « On ne s'aperçut
pas, à la première représentation, du ridicule que ces deux vers
répandaient sur la pièce ; mais à la seconde, il en résulta un
éclat de rire en chœur dans le parterre. L'auteur n'a eu garde
de les laisser à la troisième » (Anecdotes 197).

p. 336.
3. R. Vaillot, Avec M"'e du Châtelet (Oxford, Voltaire Foundation, 1988),
70 DOMINIQUE QUÉRO

ces
conduisez-les
gardés
dans
pièce
par
tragique
encore
f°599):
Artémire
rire
Vous
son
des
ridicule
sur
théâtre,
n'est
les
détruit
conséquent
la
1720)
L'épreuve
première
gens


la
deux
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Avec
quelques
endroits
pas
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»,
désamorcé,
pour
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Tragédie,
séparément,
»,
Paris,
Le
escomptée
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sensés,
/«Sur
vers,
àPrête
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comme
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Il
pathétique
l'impression
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quelque
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est
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scène
d'un
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faisant
cet
par
dans
l'occasion
ce
l'exécuteur
;temps
dit
"pendre
d'une
et
Réveillez-vous
1730,
du
appartement,
l'auteur
par
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ces
rire
fait
qu'elle
le
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La
moins
des
d'une
«
arrêter
les
l'illusion
mots.
rire
donc
1.
réplique
Sur
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séparément,
manuscrit
l'auteur
Motte
1)
le
bourreaux
Macchabées,
des
et
devrait
/la
qu'elle
:plaisanterie
leur
public
/prendre
«Car
les
Antigone
Consolez-vous
tragédie
«Macchabées
La
dans
/
..."
de
ou
plaisir,
acteurs,
».
Et
pour
situation
faire.
spectacle,
de
d'une
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excita
//qu
qui,
conscience
réveilla
son
Le
En
dl'Arsenal
se
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quand
il
et
'Artémire.
déconcerte
ou
»Parterre
comme
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Premier
situation
livrer
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C'est
Misaël
pensa
la
de
soient
mademoiselle
n'entraîne
plus
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et
une
quelque
vous
(Œuvres
àanéantit
ainsi
le
àéclatant
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la
:touchante
tous
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l'émotion
l'écrivain
(5
Discours
se
prouvent
l'acteur,
Gardes,
prouver
pauvre
février
trouve
qu'«
2961,
autre
deux
folle
àpas
par
dit
de
la
à/

Si la composition de tels vers semble postérieure aux éclats


de rire qui les ont suscités, il est vraisemblable que, dans le
cours même de la représentation, avaient dû jaillir de ces bons
mots dont le parterre était si friand. Que l'on pense par exemple
à V Adélaïde du Guesclin de Voltaire (Comédie-Française, 1734),
où « il y avait, dans sa nouveauté, un personnage nommé Coucy,
à qui [un] autre disait emphatiquement après une tirade : Es-tu
content, Coucy ? Le parterre répondit en écho, Coussi, Coussi ;
et cette mauvaise plaisanterie pensa faire tomber la pièce » (Anec¬
dotes 11-12). De même ne manque-t-on pas d'évoquer l'« aven¬
ture singulière » arrivée à une tragédie de l'abbé Abeille, Argélie
Reine de Thessalie (1673), où, l'une des actrices ayant trop tardé
à répondre à cette question « Vous souvient-il, ma sœur, du feu
roi notre père ? » : « Un plaisant du parterre prit la parole, et
dit tout haut : Ma foi, s 'il m 'en souvient, il ne m 'en souvient
guère. Ce qui causa de si grands éclats de rire, qu'il ne fut pas
possible aux comédiens de continuer » (Anecdotes 30).
Non moins tumultueuse semble avoir été la « chute divertis¬
sante » d'Ajax (Comédie-Française, 1762), tragédie de Poinsinet
LE RIRE DU PUBLIC DE THÉÂTRE 71

dont « la platitude des expressions a fait rire le parterre depuis


le commencement jusqu'à la fin4» (Grimm, Correspondance

Il
rale
même
vous
et
lui
22).
littéraire,
d'ailleurs
Dufaut
extrême
renaissants
ri,
est
petite
vie
médiocrement
la
guejouait,
mortification
sila
toute
donna
de
qu'il
des
la
n'êtes
défaite
pièce
:plaisanteries
pièce
(Comédie-Française,
"Amazones,
dans
ridicule.
la
Eh
avait
s'appliquer
:éd.
de
«
salle
un
qu'un
des
eût
bien,
sifflée,
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Tourneux,
celui
la
àrire
Amazones
été
la
pièce,
débiter,
retentit
turbulente
Les
Monsieur
sot".
plus
bonne
qui
et
fou
qui
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de
le
en
cruelle
la
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après
rôle
des
t.était
une
bons
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rejette
V,
{Anecdotes
gaieté
Maître
1759)
de
gaieté,
applaudissements
étaient
sa
p.
mots,
l'objet.
tout
que
Maître
àfut
déclaration
158).
avec
une
qui
du
puisse
Robert,
le
des
(Comédie-Française,
pris
qui
interrompus
«parterre.
Il
comédie,
monde
Robert.
dédain,
1Le
amusa
éclats
arriva
19).
durent
au
éprouver
même
[...]
Tout
d'amour
mot
de
même,
»beaucoup
Dans
ilOn
pourtant
ironiques
tel
vous
(Anecdotes
rire,
se
par
aussi
reproche
par
L'Indécis
aurait
disait
un
un
et
àle
voyez
les
Legrand,
éclatante
la
monolo¬
poursui¬
auteur
public
par
amuser
1727),
moins
Géné¬
qu'on
éclats
à peut
que
lui-
son
21-
de
5.;

un Pareil
succèstumulte
retentissant.
peut On
encore
trouve
êtrealors
occasionné,
la même au
mention
contraire,
d'éclats
par

de rire, en mauvaise part, mais sous la plume d'un commentateur


scandalisé par un triomphe jugé démesuré et indu. C'est ainsi
qu'au début de la « Querelle des Bouffons », dans sa Lettre à
une dame d'un certain âge sur l'état présent de l'Opéra (« En
Arcadie, Aux dépens de l'Académie Royale de Musique »),
d'Holbach:
Padrona stigmatise les réactions suscitées par La Serva

Nous avons vu, à la honte de la nation et de notre siècle, le théâtre


auguste de l'Opéra profané par d'indignes bateleurs. Oui, Madame, ce
spectacle si grave, si vénérable, dont l'immortel Lully son fondateur
semblait avoir pris soin d'écarter les ris insensés et la gaieté indécente,
a été abandonné à des histrions ultramontains : sa dignité vient d'être

vrier,
que5.
du
la
arrivait
Tout
4.
fin.
monde.
VLa
le
Ernestine
son
Rien
pour
parterre
Harpe
Revue
auteur,
Paroles
n'a
faire
note
des
de
mis
s'est
les
leLaclos
etThéâtres
dans
lerires
dénouement,
musique,
mis
parterre
saà(1777)
cinglants
Correspondance
crier
(Comédie
tout
deest
ohé
etmeilleure
adu
qui
«!été
tombée
Italienne
»parterre
criait
huélittéraire
humeur
depuis
en
aux
(Anecdotes
1753)
claquant
Italiens
le
qu'un
(Paris,
attire
commencement
son
lecertain
189).
anplus
de fouet,
IX,
mêmeridiculement
t. ohé,
courrier
II,sur
jusqu'à
p. ohé
Che-
133)
qui!
72 DOMINIQUE QUÉRO

plus
voile
aviliefolâtre
de
parceles;temple.
une
représentations
joie[...]
bruyante
On ritlesàet plus
l'Opéra,
des burlesques
éclats
onimmodérés
y ritetà par
gorge
ont
la musique
déployée
déchiré le
la!

Les Anecdotes dramatiques rapportent en termes analogues


l'effet produit la même année à l'Opéra par Le Joueur, autre
opéra bouffon italien (p. 259-260) :

français
excessive,
d'un
des
n'était
C'était
la
qui
rues
n'a
les
pourquoi,
le
sions,
si juste
Cet
divin
bêtise.
excès
étouffe
mieux
sons
étaient
discernement
excita
ouvrage,
plus
cette
; des
Lully,
cette
italiens,
outrés
àOn
qui
ressemblé
les
cette
le
une
mouvements
des
espèce
avait
voyait
jugement
assemblée,
démonstrations
son
frénésie
dans
des
applaudissements
joie
etexquis,
l'air
ancienne
d'admiration
liqueurs
ànotre
son
aimable,
peut-être
lade
etplus
qui
genre
extravagants,
qui
lala
sel'fortes.
parterre
folie.
idole.
égarait,
raison.
n'avait
livra
honteuses
grossière
qui
àassez
cette
lourde,
Ainsi
qui
fait
[...]
sans
saisi
Ces
laissait
connu
médiocre,
tenaient
partie
sorte
qui
Tout
ce
farce
du
ménagement
qui
de
éclats
juge
ressemblaient
plaisir
de
cet
encore
Paris
traîner
tient
dud'au-delà
du
impartial,
délire
caractère
enthousiasme
bruyants
causa
transport,
de
des
endans
que
l'ignorance
proie,
spectateurs.
qui
àdans
l'extravagance
les
la
àdes
et
national
suit
des
boue
jusqu'alors
sans
impulsions
et
Monts.
lefêtes
ridicule,
une
toujours
parterre
convul¬
savoir
Lully,
ou
Rien
joie
[...].
des
Ce
de

On se souvient que ce même sentiment d'un succès injustifié


inspire au marquis de La Critique de l'École des Femmes un

jugement
faut
Je
rien.
spectateur
le
terre
de
et
qu'il
fois
éclats
spectateurs,
Bocage
Surprise
les
sans
« Aregardant
chacun
ne
notre
épaules,
bienséances
spectacles,
ce
contre
que
»retenue
! fit.
veux
de
ris
mouvement
Et
dans
dès
voir
ami.
»rire
méprisant
donc
demeura
«Dorante
Ainsi
celui
point
et
telle
du
avec
son
et
sa
les
du
Il
regardait
et
!bel
»,
sans
la
Lettre
»arrivée
qui
public
continuels
les
cette
d'autre
principalement
dépit,
et
tout
Ce
donna
air
d'accord
de
sur
s'en
pudeur,

éclats
fut
»le
de
«répondre
le
de
la
il
à:des
honnête
monde
chose
plaignait.
en
«Madame
une
parterre
ce
lui
comédie
théâtre
A
de
éclats
galant
jeunes
qu'on
théâtre
elle
disait
tous
seconde
rire
pour
jeta
en
sur
femme
quitte
de
en
prennent
les
homme
Car
ne
***
redoublent-ils,
de
tout
gens
des

évoquant
témoigner
pitié
rire
l'Opéra
pouvait
éclats
comédie,
Molière
il
l'on
àbrusquement
éclats
haut
»courtisent
que
n'est
une
; que
àet
pour
ne
de
toute
: de
le
quelquefois
de
Comique
le
pas
«pas
«décrit
(se.
qu'elle
rire,
parterre
Ris
que
rire.
cible
respecte
ses
ridicule
dirigés
l'assemblée,
mieux
rare
les
5)
donc,
il»amies
le le
Mme
:Lorgnée
l'un
haussait
ne
actrices
chagrin
que
(1745).
«foyer
yjouer
point
Il
aussi
cette
d'un
vaut
par¬
fait.
des
sur
les
du
ne:
LE RIRE DU PUBLIC DE THÉÂTRE 73

sans discrétion une fois dans sa loge, elle suscite maints commen¬
taires, et « on rit beaucoup en [la] regardant. »
Le spectacle est donc autant dans la salle que sur scène, où
il arrive en outre que les comédiens ne puissent réprimer un
éclat de rire. L'Histoire et recueil des Lazzis, constitué de petites
pièces données en société en 1731-1732, et publié en 1996 par
David Trott et Judith Curtis {Studies on Voltaire, 338), mentionne
ainsi comme une performance le fait que, dans une « tragédie
burlesque », les comédiens (dont certains ne sont que des ama¬
teurs) aient pu garder leur sérieux — « La pièce fut représentée
avec le feu et la convenance nécessaires, et ce qu'il y a de plus
étonnant, c'est qu'elle fut jouée sans qu'il échappât le moindre
éclat de rire aux acteurs » (p. 249) — , cependant qu'un person¬
nage d'opérateur vénitien déclare « en riant » à propos de son
Arlequin : « Quand il est de bonne humeur, c'est le plus plaisant
corps que l'on puisse voir, pour moi, je ne sais si tout le monde
me ressemble, mais il me fait crever de rire quelquefois au point
que je ne saurais jouer avec lui » (p. 205).
Ainsi le « plaisant corps » d'Arlequin provoque-t-il l'hilarité
des spectateurs, dont les éclats manifestent au plus haut point
la nature instinctive de ce rire qu'il convient d'envisager, tout
d'abord, dans une perspective physiologique. Les Notices sur les
œuvres de théâtre du marquis d'Argenson 6 évoquent d'ailleurs
de manière récurrente un type de pièce qui, telle la « farce »
d'Arlequin poli par l'amour, « ne va qu'aux sens et ne s'adresse
point à l'esprit » (N. 656) : « C'est des Italiens que nous vient
une gaieté extraordinaire au théâtre, où ces acteurs, plus bouffons
que joyeux et spirituels, ressemblent plus à des singes et à des
chats qu'à des hommes amusants par leur esprit. Des saillies,
des disparates amusent nos sens et ne rient point à l'esprit » (N.
1 15-116). « Certainement on y rit plus des sens que de l'esprit »
(N. 155). De même Voltaire écrit-il à Mme de Bernières, le
20 août 1725 (Best. D 246) : « Le peuple n'est pas content quand
on ne fait rire que l'esprit. Il faut le faire rire tout haut. »
Généralement associé au « bas comique », le fait de « rire tout
haut» (tout comme, on l'a vu, celui de bâiller «tout haut»)
représente donc une entorse aux règles de la civilité et de la
bienséance, la répression du rire bruyant allant de pair avec le

seront
6. Publiées
désormais
par abrégées
Henri Lagrave
en N.enpour
1966les
( Studies
références
on Voltaire
paginées.
42-43), ces Notices
74 DOMINIQUE QUÉRO

répression
rejet
des
moment
et
tères
que
déployée
physionomie
« voyantes
sourire
lafêtes
»,«
des
qui
gaieté
à de
autres
avaient
des
tel
! de
de»»lal'âme
indécente
point
Ceci
rues
et
de
Querelle
cesonorités
du
depuis
«l'émotion
»rire
heurte
»que
corps,
sont-ils
(préface
de
des
»si
l'«on
malséantes
viennent
la
longtemps
évidemment
et
Bouffons,
âprement
se
bouche
la
detraduit,
rit
censure
L'Écossaise
«à déconcerter
7>>.l'Opéra,
l'étiquette
lorsque
dénoncés,
Ainsi
auquel
au
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retenue
premier
les
manifestations
la
).Voltaire
on
«au
par
des
joie
éclats
yThéâtre
exigée
chef,
exemple,
visages
rit
bruyante
préfère
bruyants
à par
gorge
de
Lyri¬
aus¬
trop
au
la
le
»

En outre, le propre du rire éclatant est de se propager, à partir


de la bouche grande ouverte, à travers tout le corps ainsi mis
en mouvement, ce qui explique le nom de « secoueur » que lui
donnent les Grecs, et la réprobation dont il fait l'objet, depuis
La République de Platon jusqu'aux Maximes et réflexions sur
la comédie de Bossuet, qui, à la suite de saint Basile, condamne
« ces grands éclats et ces secousses du corps, qui tiennent de la
convulsion » (ch. 33). Ce dernier terme se retrouve, de fait, de
façon très récurrente, pour caractériser le rire, et plus particulière¬
ment ce rire réflexe qu'est l'éclat de rire. Ainsi en use par exemple
Louis Poinsinet de Sivry dans son Traité des causes physiques
et morales du rire relativement à l'art de l'exciter (Amsterdam,
Rey, 1768 ; rééd. University of Exeter, 1986), entre autres déno¬
minations telles que : « mouvement », « transport », « ébranle¬
ment du diaphragme », « commotion sensible des organes »,
« convulsion universelle de la machine ». Démultiplié par les
« éclats renaissants » d'un rire qui « redouble », ce « plaisir
machinal » s'étend non seulement à l'ensemble du corps du spec¬
tateur individuel, mais à tout ou partie du public que gagne une
le
« explosion
note encore
du Marmontel
sentiment »à particulièrement
l'article « Parterre
contagieuse,
» de ses Éléments
comme
de littérature ( Œuvres complètes, t. IV-2, Paris, Belin, 1819,
p. 830) :

1.339
campagne,
accompli
ces
Il
chantait
deuxIII,
7.
esttrois
: Voir
ch.
couplets
«charmant,
Dans
un
60
jours
: l'anecdote
iltout
matin
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le
lavrai
ilromance,
dans
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gaieté,
monde
est
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nous
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été
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satire,
ne
enchanté
très
héros
femme
le
;Grétry
aimable,
nous
brillants
connaissions
du
se d'un
rire
lui
nous
dans
croyant
avec
répondait,
pour
immodéré
jeune
ses seul,
cachâmes
laquelle
que
Mémoires
lui.homme
depuis
Quand
lâcha
et
aupour
involontaire),
je
moins,
(Paris,
qui
un
me
trois
notre
l'entendre.
vent,
nous
trouvais
mon
jours
anen
hôte
semblait
V),
p.; forme
ami.disait,
Entre
mais
338-
t.à II,
la
Il
LE RIRE DU PUBLIC DE THÉÂTRE 75

Qu'on se figure cinq cents miroirs se renvoyant l'un à l'autre la


lumière qu'ils réfléchissent, ou cinq cents échos le même son ; c'est
l'image d'un public ému par le ridicule ou le pathétique. C'est là surtout
que l'exemple est contagieux et puissant. On rit d'abord de l'impression
que fait l'objet risible, on reçoit de même l'impression directe que fait
l'objet attendrissant ; mais de plus, on rit de voir rire, on pleure aussi
de voir pleurer ; et l'effet de ces émotions répétées va bien souvent
jusqu'à la convulsion du rire, jusqu'à l'étouffement de la douleur. Or
c'est surtout dans le parterre, et dans le parterre debout, que cette espèce
d'électricité 8 est soudaine, forte et rapide.
Aussi intense qu'inattendu, ce rire « qu'on ne peut arrêter, et
qui suscite dans les flancs, dans la gorge et dans toute la personne
une convulsion dont nous ne sommes plus les maîtres » (Poinsi-
net, éd. 1986, p. 51), échappe donc au contrôle de la raison. De
sorte que les mécanismes mis à jour nous permettent de passer
de la physiologie à la psychologie des éclats de rire, dont le
caractère déraisonnable et irraisonné se trouve exemplairement
développé par Poinsinet de Sivry. Car son Traité se propose
précisément de rendre raison d'un éclat de rire inexpliqué * Et

une
si,sa
de
la
second
principe
ment
nos
de
à(p.
discernement.
Nous
[L'être
troisième,
20).
dans
cette
saison,
efforts
éclipse
raison
de rions
lieu,
la
«raisonnable]
le
dupour
convulsion
soit
;première
faire,
de
rien
rire
le
de
Ce
privilégie
par
jugement
éviter
plus
développer
raisonnement
»
et
n'étant
rapport
: quand
souvent
partie,
ledes
ne scandale
?rira
plus
l'orgueil,
Faut-il
organes
d'intelligence
aux
quand
jamais
Destouches
l'idée
contraire
nelieux,
qui
mène-t-il
d'autre
notre
»,selon
que
il
résulte
soit
alors
appartient
au
par
raison
avec
fait
preuve
par
rire
laquelle
pas
une
quelquefois
quede
elle,
rapport
ànous
que
sorte
Montesquieu,
croire
que
laànous
lablâme
joie
« Fontenelle,
de
la
ce
réflexion
aux
que
d'un
surprise
faisons
folie
le
mouvement
intérieure¬
personnes
le
principe
rire
rire
est
dans
et
faite
hors
tous
est
en
le

de rire,
ritournelle
en voulant
: Et homo
nous factus
retenir. est,
» dit quelqu'un, et nous faillîmes à étouffer
8. L'image est reprise par Grétry (ouvr. cité, t. II, p. 327) : « C'est dans les
assemblées nombreuses, où tous les corps se touchent par le fluide qui les
environne, qu'une seule volonté, une seule sensation est ressentie par tout le
monde
au même : c'est
instant.
là qu'une
» étincelle électrique allume la foudre qui éclate partout
9. « Quelqu'un de la compagnie s'étant mis à rire, sans aucun sujet apparent,
fut des
un comme
convives
le signal
releva d'une
malicieusement
guerre ingénieuse,
cette espèceet d'inconséquence.
tout le monde s'étant
Sa remarque
réuni
contre le rieur, on fit une ligue offensive pour l'obliger à convenir des raisons
cachées de cet éclat indiscret. » (éd. 1986, p. 4).
76 DOMINIQUE QUÉRO

prend
rit
soi,tous
et sa
même
lessource
jours
desdans
sans
choses
la
sujet,
folie
dontqu'on
queréflexion
la cette
rit à contretemps,
observation
nous afflige
déjà
qu'on
? (p.
faite
rit
28).: malgré
qu'on

Subit et subi, incontrôlé et incontrôlable, ce rire par lequel on


se laisse (sur)prendre semble donc aussi injustifié qu'injustifiable,
et par là même honteux. Le Beaumarchais de Y Essai sur le genre
dramatique sérieux , s'en prenant au « tumulte général » et aux
« éclats de l'assemblée », note ainsi avec regret que « le rire
bruyant est ennemi de la réflexion », non sans avouer s'y être
laissé aller à l'occasion : « Si la gaieté des scènes a pu m' entraîner
un moment, bientôt humilié de m' être laissé prendre au piège
des bons mots ou du jeu théâtral, je me retire mécontent de
l'auteur, de l'ouvrage et de moi-même » (Œuvres , Pléiade, 1988,
p. 127). Tel est surtout, aux yeux de La Harpe (Correspondance
littéraire, t. IV, p. 128), le type de réaction suscité par la parodie,
« genre de plaisanterie un peu froid et le plus souvent de mauvais
goût : il n'excite guère que cette espèce de rire dont on est tout
honteux un moment après. » Comme le souligne bien d'Argenson
à propos d 'Œdipe travesti (Comédie-Italienne, 1719), «l'esprit
se repose et se délasse à de pareilles farces » et « cela excite
les rires sans savoir pourquoi » (N. 746). Cette dernière formule
se retrouve textuellement dans le texte cité plus haut à propos du
Joueur, qui évoque les « mouvements extravagants » du parterre,
ressemblant à « cette sorte de délire qui suit toujours les excès
outrés des liqueurs fortes » — image à rapprocher de celle figurant
dans le Discours sur la comédie grecque de Brumoy, qui note
au sujet de « la muse de Molière » que « si quelquefois en faveur
du peuple elle s'émancipe à admettre la mascarade, ce sont des
moments de joie folle dont elle revient bientôt, et qui durent
aussi peu que ceux d'une légère ivresse » ( Théâtre des Grecs,
t. X, Paris, Cussac, 1787, p. 208).
La mention du peuple amène à prendre en compte également
ce qu'on peut appeler une sociologie de l'éclat de rire, dont la
proscription théorique, sinon effective, ne tient pas seulement à
l'interdit qui frappe aussi bien le corps que la folie. Infraction
aux convenances et aux bienséances, l'éclat de rire passe pour
être le lot du « peuple » et de la « populace », par opposition
aux « honnêtes gens » qui savent le réprimer. Partisan de ce
« haut comique » où « l'honnête homme sourit de ce sourire de
l'âme préférable au rire de la bouche » (préface de L'Écossaise ),

Voltaire
ont
tés » accoutumé
(Best.
remarque
D 246)
le ainsi
parterre
: « Le
à propos
peuple
au bas
de
n'est
«comique
Dancourt
pas content
etetaux
Legrand
quand
grossière¬
on
[qui]
ne
LE RIRE DU PUBLIC DE THÉÂTRE 77

fait rire que l'esprit. Il faut le faire rire tout haut, et il est
difficile de le réduire à aimer mieux des plaisanteries fines que
des équivoques fades, et à préférer Versailles à la rue Saint-
Denis. » La Vie de Molière du même auteur déplore en outre
que le « chef-d'œuvre » du Misanthrope ait été soutenu, à sa
création, par Le Médecin malgré lui, « farce très gaie et très
bouffonne, et dont le peuple grossier avait besoin» ( O.C. , éd.
Moland, t. XXIII, p. 111). De même, d'Argenson relève dans
Sganarelle ou le Cocu imaginaire un « comique obscène et gros¬
sier, du trivial, du populaire, grand sujet de gros rires du parterre »
(N . 251-252), ce «bas parterre» dont il reconnaît qu'il «doit
bien rire » (N. 215) aux « farces » d'un Legrand ou d'un Dancourt.
Encore peut-on douter que le succès de ces petites pièces soit
le seul fait du « peuple grossier », puisque dans Le Malade imagi¬
naire, par exemple, « les grandes choses sont mêlées de beaucoup
de farce, pour divertir le Roi et attirer le public, qui aimait alors
à rire » (N. 246). Et d'Argenson d'exprimer, à l'occasion, ses
regrets du « bon vieux temps, où on n'était point en garde contre
ses plaisirs ! Ce qui faisait rire était souffert ; un acteur enfariné
à la farce faisait accourir les plus honnêtes gens » (N. 390). Ces
derniers peuvent donc partager le goût du parterre qui, lorsqu'il
« veut rire », et même « bien rire », n'en reste pas moins le tenant
de ce « bon sens » dont Molière fait faire l'éloge à Dorante
dans La Critique de l'École des Femmes, n'en déplaise à « ces

Messieurs
sens
On trouve
commun,
d'ailleurs
du belet qui
air,
dans
seraient
quiles
neÉléments
fâchés
veulentd'avoir
pas
de littérature
queri le
avec
parterre
de
lui Marmon-
» (se.
ait 5).
du

tel un même éloge du parterre, « composé communément des


citoyens les moins riches, les moins maniérés, les moins raffinés
dans leurs mœurs ; de ceux dont le naturel est le moins poli,
mais aussi le moins altéré ; de ceux en qui l'opinion et le sentiment
tiennent le moins aux fantaisies passagères de la mode, aux
prétentions de la vanité, aux préjugés de l'éducation ; de ceux
qui communément ont le moins de lumières, mais peut-être aussi
le plus de bon sens, et en qui la raison plus saine et la sensibilité
plus naïve forment un goût moins délicat mais plus sûr » (ouvr.
cité, p. 830).
Ainsi, en dépit, voire à travers ses éclats de rire, dont le même
article de Marmontel analyse bien la propagation, le parterre
n'apparaît pas dénué de sens commun, mais exprime au contraire
une conscience aiguë du comique. En se laissant « prendre aux
choses » ou aller « de bonne foi aux choses qui [le] prennent
78 DOMINIQUE QUÉRO

par
bien
de
terre
cœur
ment
véritable
« peuple
rire
les
les
libre
»
», entrailles
«àne
droits
»,
de
garant
«»,par
la
tout
reste-t-il
qui
convulsion
du
und'une
son
»ne
rire
raccourci
(Lacœur
boude
pas
que
Critique
comédie
durablement,
» défend
dupas
et
essentiellement
rire
«de
son
qui
de
» l'École
letoutes
et
fait
plaisir
parterre
à au
rire
« ses
des
l'explosion
et
18e
polémique.
? forces
identifié
se
Femmes
siècle
livre
»,même,
),du
«ce
àCapable
ce
de
tort
«senti¬
sont
par¬
bon
au
le

La sociologie de l'éclat de rire ouvre ainsi sur une apologie


du comique, qui trouve un ardent défenseur, par exemple, en la
personne du marquis d'Argenson. Car son goût d'homme cultivé,
attentif au respect des règles et des bienséances, n'étouffe pas
en lui cette « sensibilité ingénue » (propre au parterre selon Mar-
montel) qui « vient se livrer aux impressions qu'elle recevra du
spectacle »conscience
mauvaise (ouvr. cité,de
p. rire
832).sans
Quand
le vouloir
bien même
ou «ilsans
peut savoir
avoir

pourquoi », il n'en reste pas moins attaché au plaisir de rire.


Aussi se réjouit-il du projet d'un auteur de sa connaissance de
« rétablir à notre théâtre le comique risible » (N. 426), tout comme
il déplore « l'assoupissement de Thalie, la muse de la comédie.
Autrefois, nos comédies étaient fort gaies, on plaçait même du
bouffon dans les sujets les plus sérieux ; à force de s'en dégoûter
et de le bannir du théâtre, à force de ne plus parler qu'à l'esprit,
à la raison et à la plus saine philosophie, on est parvenu à ce qu'on
appelle le comique larmoyant ; on s'en aperçoit aujourd'hui et
l'on voudrait revenir au comique ; on le trouve réfugié à la
troupe italienne » (N. 707). « Peut-être sommes-nous devenus trop
sérieux en nos comédies », reconnaît d'Argenson pour lequel,
« quand on veut bien rire, l'on va au Théâtre Italien » (N. 155).
Ce qui n'empêche d'ailleurs pas d'en revenir aux petites pièces
de Thomas Corneille ou de Montfleury, dont Le Comédien Poète
(1673) est «plein de choses triviales, mais amusantes; nulle
vraisemblance, encore moins de mœurs ; mais cela est gai, et il
faut être sans goût pour n'y pas bien aller une fois et y bien
rire » (N. 254). « Cela fait rire, et c'est beaucoup, mais c'est
tout » (N. 151). « On est à ces pièces pour rire uniquement, car,

sansmême
cela
(Comédie-Française,
fait
(N.
du 213).
tolérer
? »cette
remarque-t-il
Quant
auteur-acteur
les
nécessité,
défauts
au Roiencore
1707)
du
de
qu'il
oùforcé
Cocagne
deà est
«propos
Legrand,
regrette
etladu
(Comédie-Française,
devraisemblance
»,
trop
La« ilgenre
Femme
de
y trouve
bouffonneries
defille
farce
«de
et
un1718)
veuve
[qui]
tout
bon»
LE RIRE DU PUBLIC DE THÉÂTRE 79

sujet bien trivial, bien bas, nombre d'ordures, de la joie, ripaille,


quolibets de cabaret, propos de b., et au fond un naturel naïf et
ingénieux. Ce naturel-là est prisable dans les ouvrages de théâtre ;
à nos auteurs modernes tout sent le guindé, on découvre le sourire
dire
secret,
» lequand
cède ils
donccroient
au « bien
avoirrire
bien
», dit
comme
» (N. le217).
montrent
Le « aussi
bien
les Notices sur Dancourt, dont les petites pièces ne sont que des
« farces » : « un composé de goût italien, de naturel et de popu¬
laire, peu digne de notre théâtre si vous voulez, mais quelle
sottise que cette dignité histrione ! » (N. 1 82) ; et si, au lieu de
sentir « le guindé », « cela sent [trop] la farce » (N. 185 [183]),
« voilà de quoi plaire au parterre plutôt qu'au lecteur » (N. 182).
Et tant pis pour le « raisonnable et régulier comique français.
Les gens de goût regrettent aujourd'hui ce vrai comique où les
acteurs brillent davantage, et les spectateurs rient autant qu'ils
s'attristent au comique larmoyant » (N. 179). Nul doute que ce
« vrai comique » qui fait rire et « bien rire » fasse aussi éclater
de rire, même s'il n'en est guère fait mention explicitement sous
la plume d'un amateur éclairé comme le marquis d'Argenson,
chez qui la réhabilitation du « comique risible », pour rester
mesurée ou voilée, n'en est pas moins réelle.
Ainsi le rire semble-t-il être le critère le plus pertinent pour
l'évaluation de ce type de « petite pièce », généralement en un
acte, qui ne mérite pas le nom de « comédie », mais qui « sauve en
France l'honneur du théâtre comique » 10, perpétuant la tradition
gauloise de la farce et l'esprit italien de la commedia dell'arte,
à moins qu'il ne faille plutôt parler avec d'Argenson du « genre
italien-français » dont « Lesage a été un des meilleurs auteurs »
(N. 545). De fait, au moins autant qu'au Nouveau Théâtre Italien,
et plus encore qu'à la Comédie-Française, à travers la vogue
durable des pièces en un acte données en complément des grandes
comédies ou des tragédies, c'est sans doute à la Foire que se
trouvent le mieux sauvegardés les droits du « vrai comique ».
C'est d'ailleurs bien comme dieu du rire que Momus préside
aux destinées des « petits spectacles » forains n, dont les acteurs
l'invoquent
de l'Ennui (cet
par exemple
ennui qu'il
danss'agit
un prologue
précisément
de 1716,
de conjurer
Le Temple
par

(Paris,
littéraire
222.10. Voir
11. G.
Librairie
Attinger,
du sur
18ece
théâtrale,
siècle
L'Esprit
point(Paris,
notre
1950),
de Champion,
Momus
la p.commedia
432.philosophe.
1995),
dell'arte
plus
Recherches
dans
particulièrement
le théâtre
sur unefrançais
p.figure
197-
80 DOMINIQUE QUÉRO

/des
8« ;L'Amour
Momus,
Théâtre
éclats de
fais
fait
de
rire,
éclater
la
pleurer
seuls
Foire,
tavéritables
l'Opéra,
gloire
t. II, Paris,
/ /Lorsqu'
garants
Toi,
Ganeau,
fais
Arlequin
d'un
rire
succès
1721).
la se
Foire»
éclatant)
Comédie-
montrera.
(se.:

Française et Comédie-Italienne ne valent pas mieux que l'Opéra,


à cet égard, et lorsqu'en 1722, dans Le Mariage de Momus,
Piron imagine de faire épouser au bouffon des dieux la Muse
de son choix, Momus, qui veut « rire », ne peut se décider ni
pour Melpomène, « qui sans cesse pleure et grogne », ni même
pour Thalie, « si vieille, qu'elle en est décrépite, et qu'elle
radote.»,» autrement
Muse Ce qui oblige
dit la
Apollon
Foire : à «envoyer
c'est une
chercher
Muse encore
la « dixième
toute
neuve, gaie, badine, amusante». Et Momus, qui n'a «jamais
rien vu de si riant », de s'avouer aussitôt conquis, tandis que
l'Olympe chante en chœur : « Chez Melpomène l'on soupire, /
Lire, lire, lire, / Et chez Thalie on s'endort ; / La Foire seule
fait rire » (acte III, se. 4 ; Œuvres complètes de Piron, éd. citée,
t. VI).
Cette revendication d'un privilège exclusif du rire, qui va
marquer si durablement l'histoire mouvementée des petits théâtres
non officiels, permet de mieux apprécier la faveur dont ont joui
ces derniers auprès d'un large public, au sein duquel on compte
bien des « honnêtes gens » avides de « s'éclater de rire ». Collé
mentionne ainsi, dans son Discours sur la parade, la présence
des comtes d'Argenson, de Maurepas et de Caylus « dans les
préaux des Foires Saint-Germain et Saint-Laurent » où, « déguisés
en redingote », ils « avaient le plaisir incognito de voir représenter
les parades » ; or, « ces scènes croustilleuses, la manière dont
elles étaient rendues, la franche gaieté qu'ils y mettaient, les
ordures gaillardes, enfin jusqu'à leur prononciation vicieuse et
pleine de cuirs, faisaient rire à gueule ouverte et à ventre débou¬
tonné tous ces seigneurs de la Cour, qui n'étaient pas tout à fait
dans l'habitude d'être grossiers et de voir chez le roi des joyeuse-
tés aussi libres » 12 ; ainsi est-ce à une « farce grossière et faite
pour la populace et pour les gens de qualité » que l'on doit
attribuer « l'origine des parades de société », nées de « l'idée de
contrefaire ces bouffonneries pour servir de divertissement après
des soupers d'honnêtes femmes qui aiment ça» (ibid., p. 385,
383).

et 12.
de cocasse
Collé,
Magnière
publiée
de la de
nature
par
discours
Honoré
dénaturée
approfondi
Bonhomme
de lasuperficiellement
parade,
(Paris, Pion,
dans 1864),
Correspondante
sur l'origine
p. 382-383.
originale
inédite
LE RIRE DU PUBLIC DE THÉÂTRE 81

Tout aussi grossières peuvent paraître, à maints égards, les


parodies dramatiques, dont le succès même, auprès d'un public
non moins mêlé, présuppose généralement une bonne connais¬
tout
sancecomme
du modèle
ceuxparodié.
du Nouveau
On sait
Théâtre
combien
Italien,
les auteurs
ont usé
deet
la abusé,
Foire,

à seule fin de « faire rire », des parodies d' œuvres sérieuses,


tragédies ou opéras. Or, une telle pratique ne se trouve-t-elle pas
définie, précisément, comme « le secret de changer les larmes
en éclats de rire » 13 ? Ainsi l'œuvre parodique peut-elle causer
« autant d'éclat de rire » que l'œuvre parodiée « fait verser de
larmes » 14, si bien que, par exemple, « le public, qui avait versé

plainte
Agnès
beaucoup
des
dans
ces
nappes.
burlesque
mécides
raire
du
On
peuple
fois
qu'elles
honnêtes
« Tous
prince
termes
creusait
larmes
en
la
(éd.
;de
des
«car
les
bonne
On
de
étaient,
gens
scène
citée,
rire
Aménor,
Chaillot
spectacle.
Barmécides,
l'effet
acteurs
àles
La
peut
une
Inès
en
la
compagnie.
t.petites
des
Harpe,
ont
mais
populace,
II,
fosse
juger
comique
de
»tirent
mouchoirs
p.
le
été
»(Anecdotes
Castro,
269-270)
quoique
fils
animosités
Non
qui
et
si
«facilement
espèce
révoltés
de
on
Ces
du
écrit
et
irrésistible
moins
leurs
ymême
calife,
venait
»,
platitudes
je
: de
jetait
dans
dont
221),
«que
littéraires
ne
poches
On
que
parodie
hilarante
des
qui
en
la
m'en
Desboulmiers
une
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82 DOMINIQUE QUÉRO

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p. 59). De fait, c'est bien « aux Boulevards » qu'est représentée


La Complainte des Barmécides. Car, surtout après 1774, ce sont
les « petits spectacles » des Boulevards qui prennent le relais des
Foires Saint-Germain et Saint-Laurent, et qui assurent la relève
en matière des
illustration de sauvegarde
droits du rire.
du «Ainsi
vrai les
comique
« éclats
», renaissants
et de défense
de la
et

turbulente gaieté du parterre » se retrouvent-ils au Théâtre des


Grands Danseurs, à l'Ambigu Comique, ou aux Variétés Amusan¬
tes où triomphe, en particulier, l'acteur vedette Volange, surtout
dans le rôle du niais Janot, si propre à susciter les éclats de rire,
même dans la bonne société, et jusqu'à la Cour...
Autant dire qu'il n'est pas si facile, et peut-être pas possible,
d'en finir avec ce rire immodéré et involontaire qui, à l'instar
des scènes théâtrales qui lui laissent le plus libre cours, suscite
une réprobation à la mesure de sa puissance effective, au grand
dam de la raison. Car le « vrai comique », le « comique risible »
continue d'avoir des adeptes dans tous les milieux et dans toutes
les classes de la société, qui ne perdent pas le goût de l'éclat
de rire, si décrié soit-il. Au reste, lorsqu'il bâille à l'Opéra, qu'il
s'endort à la Comédie-Française, qu'il ne rit plus guère chez les
Italiens, et de moins en moins à l'Opéra Comique en quête de
reconnaissance et de respectabilité, le public mondain ne se livre-
t-il pas encore au plaisir des parades, jouées en privé sur les
théâtres particuliers des grands seigneurs et des financiers, « asile
du rire déchaîné et des libertés les plus indécentes » (F. Gaiffe,
Le Rire et la scène française, Paris, Boivin, p. 142) ? Tel est le
rire débridé provoqué par ce « théâtre en liberté » dont on trouve
finalement, au 1 8e siècle, bien des manifestations, certes plus ou
moins réussies et accomplies, mais toutes caractérisées par ce
même besoin
viscéral de faire
naturel,
rire et
et éclater
pas forcément
de rire. honteux, besoin vital et

N'en déplaise aux critiques, on rit donc au 18e siècle et, même,
on éclate de rire, fût-ce avec mauvaise conscience et en dépit
qu'on en ait. Tant il est vrai qu'auteurs et acteurs comiques ne
renoncent pas si facilement au désir de plaire au public, à un
LE RIRE DU PUBLIC DE THÉÂTRE 83

public qui, quoi qu'on en dise, aime à rire et à « bien rire » ;


public dont la cohésion n'apparaît sans doute jamais mieux que
dans l'instant euphorique et magique d'un éclat de rire universel¬
lement partagé, « par cette communication mutuelle et rapide
[d'une] commune émotion » (Marmontel). Du moins semble-t-
il, au terme provisoire d'une enquête qui reste à poursuivre, que
les éclats de rire, et plus particulièrement ceux du public de
théâtre, aident à appréhender la notion problématique de « rire
des Lumières » ; rire dont les éclats intempestifs sont moins
d'inquiétantes éclipses de la raison que d'heureux éclairs de folie,
bien dignes d'un siècle dont l'auteur du Barbier de Séville se
proposera précisément de restaurer « l'ancienne et franche
gaieté ».

Université
Dominique
de ParisQuéro
IV-Sorbonne

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