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Publications de l'École française

de Rome

De la céramique pour les mercenaires


Juliette de La Genière

Résumé
Grecs en milieu non grec, non-Grecs en milieu grec, le jeu des influences réciproques fait souvent de la deuxième
génération des Mixhellènes ou des Mixo-barbares. Il n'en va pas de même lorsqu'il s'agit de mercenaires, qu'ils soient
grecs ou non. Transplantés dans une région inconnue, les mercenaires s'efforcent de préserver leurs usages, ne
renoncent pas aux objets de la vie quotidienne, ne s'ouvrent guère aux cultures étrangères.
Ainsi, le mobilier céramique du fortin-garnison de Meşad Hashavyahu en Palestine illustre la présence de Grecs qui
versaient du vin dans de fines coupes ioniennes avec des œnochoés décorées du style de la Chèvre sauvage, propres au
nord de l'Ionie ; c'est la région d'où provenaient les «hommes de bronze» (Her. II, 152-154) qui permirent à Psammétique
Ier de conquérir le pouvoir en Egypte. Il serait donc possible d'identifier des mercenaires grâce à la céramique qu'ils
utilisent. L'exemple sicilien de Gela peut être proposé. On y a découvert un nombre considérable de vases attiques du Ve
siècle dont les formes servent normalement la région de Nola en Campanie. On peut en déduire que les mercenaires
recrutés par les Deinoménides dans la première moitié du Ve siècle étaient en majorité des Campaniens.

Citer ce document / Cite this document :

de La Genière Juliette. De la céramique pour les mercenaires. In: La colonisation grecque en Méditerranée occidentale.
Actes de la rencontre scientifique en hommage à Georges Vallet organisée par le Centre Jean-Bérard, l'École française
de Rome, l'Istituto universitario orientale et l'Università degli studi di Napoli «Federico II» (Rome-Naples, 15-18 novembre
1995) Rome : École Française de Rome, 1999. pp. 121-130. (Publications de l'École française de Rome, 251-1);

https://www.persee.fr/doc/efr_0223-5099_1999_act_251_1_5393

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JULIETTE DE LA GENIÈRE

DE LA CÉRAMIQUE POUR LES MERCENAIRES

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pro¬
col¬
par
et
il

les colonies grecques qu'ils observaient avec un grand angle, c'est-à-


dire dans le cadre plus vaste de la Grande Grèce, et dans leurs rap¬
ports avec les populations non grecques. L'un des derniers colloques
qu'il ait organisés est celui de la Villa Kéiylos qui faisait le point des
relations entre les Grecs et les populations d'Occident2.

Je voudrais aujourd'hui, dans le sillage de ses recherches, explo¬


rer une forme de juxtaposition entre Grecs et non-Grecs qui a été re¬
lativement peu examinée jusqu'à présent. C'est celle qui est créée par
la présence de mercenaires, qu'il s'agisse de Grecs en milieu non hel¬
lénique, ou au contraire de barbares en milieu grec. Et en effet les
guerres incessantes qui occupent le quotidien des Anciens im¬
pliquent des levées de mercenaires et sont en conséquence créatrices
de nouvelles relations d'échange entre cultures. Toutefois, avant

(Coll.21 de
G.
Lesl'École
Vallet,
Grecs fr.
Rhégion
et l'Occident.
de Rome,
et Zancle,
208).
Actes Paris,
du colloque
1958. de la Villa «Kérylos», Rome, 1995
122 JULIETTE DE LA GENIÈRE

d'interroger les mouvements des soldats dans ce qui sera un jour le


royaume des Deux-Siciles, il me paraît nécessaire de faire un détour
par
content
la Méditerranée
ces aventuriers.
orientale
Cela nous
où aidera
des textes
à définir
et descertaines
inscriptions
caracté¬
ra¬

ristiques du mode de vie des mercenaires.

Un exemple célèbre est celui des «hommes de bronze» qui ont


secondé le pharaon Psammétique Ier dans sa conquête du pouvoir.
Le récit d'Hérodote (II, 152-154) présente l'arrivée des Ioniens et
des Cariens casqués et cuirassés comme la conséquence d'un coup
de vent, et l'aide qu'ils apportèrent à Psammétique pour établir son
autorité sur l'Égypte comme purement providentielle. Diodore de
Sicile en revanche (I, 66, 67) rapporte que Psammétique avait appe¬
lé à l'aide des mercenaires de Carie et d'Ionie. À ces soldats qui lui
avaient prêté leur concours le pharaon donna des terres, les Strato-
peda. Il leur confia, écrit Hérodote, de jeunes Égyptiens pour qu'ils
soient instruits dans la langue grecque; et même, selon Diodore de
Sicile, son admiration pour les Hellènes était telle qu'il fit donner à
ses propres fils une éducation grecque. Un précieux document té¬
moigne de la gratitude du pharaon envers l'Ionien Pedon; celui-ci a
dédié dans un sanctuaire d'Ionie sa propre statue-bloc de type
égyptien, en basalte, sur laquelle il a fait graver une inscription en
grec : il rapporte que, pour prix de sa valeur, le pharaon lui a don¬
né une décoration sous la forme d'un bracelet, et aussi «une ville»3.
On a là un exemple de l'adoption par un Grec d'Ionie d'une pra¬
tique égyptienne consistant à dédier dans un sanctuaire une sta¬
tuette à sa propre image.
À cet exemple de dédicace à une divinité grecque d'un objet rap¬
porté d'Égypte par un mercenaire, l'on doit peut-être ajouter la sta¬
tuette du dieu de Kom Umbo, Sobek, que nous avons découverte
dans une strate profonde du sanctuaire de Claros, sous un autel cir¬
culaire,
av. J.-C.4.
vraisemblablement dédié à Apollon et datable du VIIe siècle

Cependant des objets moins prestigieux permettent parfois d'ap¬


procher la vie quotidienne de ces soldats du pharaon.

Inschrift
tique
metico
p.
d'une
été
Égypte
237-253,
1-2.
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43 Ier,
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J.O.
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Anat.
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1995
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Cahiers
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1988,
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1993,
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171-179.
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Mercenaires
397,
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fig.
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«Kérylos»,
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C.2.
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Égypte,
Oriente,
Bresciani,
29-36.
(HER,
Anat.,dans
Archaische
L'offrande
XI,
Psammé¬
II,
10, Psam-
159)
Entre
1987,a
1988,
Fig. 1 - Vases à boire de Me§ad Hashavyahu d'après Israël Expl. Jour., 12, 1962, p. 107.
124 JULIETTE DE LA GENIÈRE

Fig. 2 - Fragments de céramique du style de la Chèvre sauvage, ibid. p. 113.

Aux portes du Sinai, à proximité d'Ashdod, l'antique Azotos qui


fut assiégée pendant 29 années par Psammétique Ier (HER, II, 157),
se trouve la petite fortification de Me§ad Hashavyahu, mise au jour
Pl. I

b) Stamnos de Géla, n. 523, peintre de la Villa Giulia. Ibid., p. 23, pl. XXVIII, 1-4.
Pl. II

b) Amphore de Nola, de Géla, peintre de Berlin. ARV p. 202, n. 86.


DE LA CÉRAMIQUE POUR LES MERCENAIRES 125

en 1960 par l'Israël Exploration Society 5. Cette construction en L, de


100 χ 80 m environ, était probablement un lieu de garnison; on y a
découvert près d'un four des pointes de flèches en fer, sans doute fa¬
briquées sur place. Les occupants étaient des Grecs qui, pendant
près d'une vingtaine d'années, jusque vers 610 d'après les fouilleurs,
burent du vin dans des coupes ioniennes, utilisèrent pour le verser
des œnochoés décorées des motifs «de la chèvre sauvage». Ce mobi¬
lier, caractéristique des centres ioniens proches de Milet6, confirme
la provenance des «hommes de bronze» d'Hérodote; en même
temps il illustre l'attachement des mercenaires aux objets qui
servent leur quotidien, notamment pour la consommation du vin.
Enfin on a là un point d'ancrage précis pour la chronologie, souvent
discutée, du style de la Chèvre sauvage.
Une observation analogue peut être faite à propos de la garnison
de mercenaires de Tell Defenneh sur la branche pélusienne du Delta
égyptien, aux 2e et 3e quarts du VIe siècle. Si l'on en compare la céra¬
mique, comme l'a fait J. M. Cook7, avec celle de la même période à
Naucratis, on constate d'importantes différences dans les catégories
représentées. On a trouvé là des situles, dont la forme originale n'a
pu être rattachée à aucun centre, mais dont la technique assez
pauvre suggère, pour certaines d'entre elles, un lieu de fabrication
proche de Tell Defenneh; ces récipients ne sont pas représentés à
Naucratis8. Par ailleurs la proportion, beaucoup plus forte à Tell De¬
fenneh qu'à Naucratis, de céramiques de Grèce de l'Est suggère que
la garnison recevait sa vaisselle quotidienne par des circuits in¬
dépendants de ceux de Yemporion. Très largement représentées sont
les séries dites de Fikellura et celles de Clazomènes qui pourraient
indiquer
ta orientaldes
aunavigations
service des régulières
soldats cantonnés
entre le nord
là. de l'Ionie et le Del¬

Il apparaît ainsi qu'une des caractéristiques du mercenaire dans


sa vie quotidienne est sa fidélité, son attachement presque maniaque
à des usages alimentaires ou de boisson, comme à certains objets fa¬
miliers de sa patrie d'origine. Ces traits ne sont pas exclusifs des
mercenaires d'Égypte ; une enquête dans l'Occident grec peut, à mon
avis, le démontrer.

5 J. Naveh, The Excavation at Me$ad Hashavyahu, Preliminary Report, dans


Israël Exploration Journal, 12, 1962, p. 89-113.
6 Je dois au Professeur Von Graeve, directeur des fouilles de Milet, de savoir
que l'exploration récente de Kalabak Tepe a livré en abondance des céramiques
du style de la Chèvre sauvage ainsi que de Fikellura.
236. 7 J. M. Cook, Amasis and the Greeks in Égypt, dans JHS, LVII, 1937, p. 227-
8 R. M. Cook, dans CVA, Br. M. 8, p. 29-37 et p. 57-60.
126 JULIETTE DE LA GENIÈRE

L'époque des tyrannies a été dans la Grèce de l'Ouest, et tout


particulièrement en Sicile, agitée par de nombreuses guerres et dé¬
placements de avaient
Deinoménides populations.
certainement
Pour leursrecruté
campagnes
de nombreux
victorieuses,
merce¬
les

naires, et l'on est fondé à croire que, parmi les 20 000 hoplites et les
2 000 cavaliers proposés par Gélon aux ambassadeurs de Grèce ve¬
nus lui demander son concours contre les envahisseurs perses (Hé¬
rodote, VII, 158), beaucoup étaient sans doute des misthophoroi.
Diodore de Sicile rapporte (XI, 72, 3) que Gélon avait octroyé le droit
de cité à 10 000 soldats étrangers, dont 7 000 auraient été encore en
vie après la chute de Thrasybule, au début de la période qualifiée par
M. Finley de «democratic interlude»9. C'est probablement à l'un
d'entre ces étrangers qu'appartenait, comme l'a suggéré G. Colon¬
na10, la statuette de bronze du dieu Mars trouvée à Adrano et datable
dans les premières décennies du Ve siècle, c'est-à-dire au temps de
Gélon ou de son prédécesseur, Hippocrate de Géla (498-491).
Cependant les soldats recrutés par les tyrans de Sicile n'ont pas
laissé, comme ceux qui ont servi les pharaons, des inscriptions, des
signatures qui permettraient de connaître leur lieu d'origine11. Pour
tenter de le déterminer, on interrogera la céramique dont on a vu, en
Israël
lité descomme
habitudes
à Telltraditionnelles.
Defenneh, qu'elle servait avec une certaine fidé¬

Et en effet, dans la première moitié du Ve siècle, on observe en


Sicile méridionale, et surtout à Géla, des originalités tout à fait re¬
marquables de la vaisselle de luxe, que F. Giudice et moi-même
avions soulignées dans deux études parallèles publiées en 1979 12 . Les
mêmes
sions très
observations
différentes.cependant nous avaient conduits à des conclu¬

Un regard sur les nécropoles de Géla fait apparaître en effet que


certaines tombes se distinguent des autres par la nature de leur mo¬
bilier. Les Grecs de Sicile, on le sait, n'attachent guère de prestige à
l'abondance ni à la qualité des objets déposés auprès des morts in-

Arch.,
Louvre,
122,79.pl.
1957,
Inscription
d'une
dans
p. 121110Kadmos,
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p.n.s.
G.
Inscriptions
F.
M.I.
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Colonna,
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L.20,
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(Bernand
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p. p.354/355,
et75-80
I, Masson,
dans
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354,
(J.
etMusée
358/359).
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leD.p.REG,
note socle
Ray,
121-
du
16,
di
DE LA CÉRAMIQUE POUR LES MERCENAIRES 127

humés : quelques lécythes, d'abord à figures noires, puis à figures


rouges, quelques coupelles, coupes ou cotyles répondent au souci
que le mort soit parfumé et puisse étancher sa soif. Cette austérité se
retrouve dans les lois somptuaires de Gélon évoquées par Diodore
de Sicile (XI, 38). En revanche les populations barbares de la pénin¬
sule ont des traditions tout à fait différentes; en Étrurie comme en
Campanie ou en Basilicate on a pu constater que, depuis la phase
orientalisante, l'importance qui a été celle du défunt dans son exis¬
tence est souvent rappelée par son costume funéraire, comme par le
degré de richesse du mobilier qui l'accompagne; en même temps
certains objets reflètent des usages particuliers ou des traditions ré¬
gionales.
À Géla, bien que l'on déplore la presque totale absence de
fouilles régulières jusqu'au temps de P. Orsi13, on dispose pourtant
d'un matériel qui peut être rapporté sans aucun doùte à l'un ou
l'autre secteur des nécropoles de la cité. Or on remarque, dans la
première moitié du Ve siècle, une quantité importante de formes de
vases attiques presque étrangères au reste de la Sicile grecque.
L'une est le stamnos, qui est une imitation attique d'une forme
traditionnelle étrusque14. À partir de la fin du VIe siècle on en trouve
de nombreux
ont absorbé plus
exemplaires
de 90% chez
des stamnoi
les Étrusques
connus.
et les
Parmi
Campaniens,
les stamnoi
qui
présents à Géla, l'un fait partie du groupe désigné du nom de «Le-
näenvasen»15 dont tous les autres exemplaires connus, sauf un16, ont
été découverts en Étrurie et en Campanie, et notamment à Vulci et à
Capoue. L'imagerie de cette série très particulière célèbre une céré¬
monie accomplie par des femmes en l'honneur de Dionysos sans
rapport, à mon avis, avec la fête attique des Lénéennes, mais liée
plutôt à des rituels dionysiaques pratiqués par des Étrusques et des

Campaniens17.
cette
noniques;
souvent,
L'autre
amphore
sur
son
forme
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43-61.
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Mon.
Ber¬
l'A¬
Ti¬
128 JULIETTE DE LA GENIÈRE

gure occupant l'autre côté du vase. Sir John Beazley avait dénombré
34 amphores de ce type à Géla, ce qui correspond à 22% de l'en¬
semble des amphores de Nola recensées dans ARVl&. Rappelons à
titre d'exemple que, parmi d'autres vases attiques, quatre amphores
de Nola étaient présentes dans la tombe 30 du Predio Fratelli di Bar¬
tolo, qui se présentait comme une «cella ipogeica19». Or ces am¬
phores doivent leur nom au fait qu'elles ont été découvertes en Cam¬
panie, et tout particulièrement dans les nécropoles voisines de Nola
ou de Capoue qui ont livré plus de 70% des séries connues. Il appa¬
raît donc que les ateliers d'Athènes façonnaient ce vase pour servir
une clientèle bien déterminée; si les Campaniens appréciaient cette
forme, c'est qu'elle prenait apparemment le relai des petites am¬
phores utilisées en Campanie depuis le VIIIe siècle. Or les chiffres in¬
diquent qu'une proportion importante des amphores qui n'ont pas
été envoyées en Campanie ont été achetées à Gela20.
Ainsi plusieurs tombes de Géla ont livré des vases étrangers aux
usages des Siciliotes mais très présents au contraire en Campanie.
Une conclusion s'impose : il y avait à Géla une clientèle pour ces
formes, c'est-à-dire des résidents campaniens; ces étrangers étaient
intégrés à la cité grecque au point de pouvoir enterrer leurs morts
dans les nécropoles helléniques21. Et, si l'on rappelle la phrase de
Diodore de Sicile évoquant l'octroi par Gélon de la citoyenneté à
10 000 mercenaires, on est fondé à croire que les Campaniens enter¬
rés à Géla avaient fait partie des armées de Gélon.
Ces mercenaires n'étaient pas tous des simples soldats. Parmi
les mobiliers funéraires publiés par P. Orsi, outre celui de l'hypogée
déjà cité, on remarque celui de la tombe 9 du Predio romano22 qui

voisins,
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362-364).
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1964,
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centres
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des
ilsa-
Ly¬
44,
dey
DE LA CÉRAMIQUE POUR LES MERCENAIRES 129

renfermait, à l'intérieur d'un cratère verni à colonnettes, une situle-


ossuaire en bronze; celle-ci a une lèvre en anneau fondue à part qui
rappelle la technique utilisée pour une hydrie et pour deux am¬
phores de bronze de l'héroon de Paestum23; ces traits, outre la pré¬
sence sur le couvercle d'une statuette de chien accroupi, suggèrent
des rapprochements avec des œuvres campaniennes ou étrusques24.
Dans la même tombe, P. Orsi signalait la présence, au milieu des os
brûlés, d'une demi-douzaine de «verghette rettangolari in bronzo,
alcune con foro ad un'estremità» qu'il faut identifier à des fragments
d'obeloi ; leur présence révèle l'observance d'un rituel propre aux
élites barbares d'Italie, qui reflète une idéologie du symposion, bien
étrangère àà la
conduisent identifier
tradition
le défunt
funéraire
de lagrecque.
tombe 9 Tous
comme
cesunéléments
notable
italique résidant à Gela sous la tyrannie de Gélon.
Arrêtons-nous enfin sur un vase attique assez curieux de la col¬
lection Navarra, signalé par F. Giudice25. C'est un lécythe à figures
rouges, attribué au peintre de la Gigantomachie de Paris et datable
vers 480/470; une Niké vole, tenant de la main gauche une lyre et de
la droite une phiale sur laquelle on lit une série de lettres en alpha¬
bet attique, appliquées avant la cuisson du vase : A 5 A ÎA· Il paraît
difficile d'admettre qu'une inscription placée avec autant de soin sur
le champ limité de la phiale soit dépourvue de sens, et cela d'autant
plus que les «nonsense inscriptions», nombreuses sur les vases à fi¬
gures noires, ne sont guère fréquentes par la suite26. F. Giudice, en¬
couragé dans cette opinion par M. Pallottino, a pensé que le céra¬
miste aurait pu transcrire en grec le nom de la Lasa étrusque, éta¬
blissant ainsi un lien entre la figure de la Niké grecque et la divinité
étrusque qui, elle aussi, a des ailes27. Même si elle laisse sans explica¬
tion les deux lettres finales de l'inscription, cette hypothèse n'est pas
invraisemblable; et si l'on rappelle que ce lécythe provient d'une
tombe de Géla, l'inscription désignerait l'occupant de la tombe, et
donc le destinataire du vase, comme un Étrusque ou un Campanien
assez En
delà. hellénisé
revanche
pour
j'excluerais
désirer qu'un
pourlécythe
ma partl'accompagne
toute intervention
dans l'au-
des

Naples,
remplissages
Maîtres
tic
among
rence,
Script,
2425
26
27
23 Art.
Ibid.,
C.
M.
Une
1974.
VIth
1982,
(Epigrafica
Rolley,
Guarducci
cit.
Aétude
century
p.Survey,
p.
essentiellement
à28,n.
27.
Les
den.
12,
greca
Athenian
laconsidère
29.
vases
Oxford,
fig.
Lasa
III,
1 et
de
étrusque
Rome
vase
2.les
décoratifs,
1990,
bronze
inscriptions».
inscriptions
1974,
p.: de
A.
44,p.Rallo,
l'archaïsme
liés
ces
493-95).
surtout
dépourvues
inscriptions
Lasa,Pour
iconografia
récent
à la
H.de
période
sont
R.ensens
Immerwahr,
Grande
e«conspicuous
esegesi,
comme
des Grèce
Petits
Flo¬
des
At¬,
130 JULIETTE DE LA GENIÈRE

tyrans de Syracuse qui auraient détourné vers la Sicile, comme le


suggérait F. Giudice28, des lots de céramique attique dont la destina¬
tion primitive était la Campanie.

Ainsi, qu'ils soient grecs ou barbares, les mercenaires laissent


des traces de leur passage. Lorsqu'on ne dispose pas d'inscriptions,
ni de trouvailles spectaculaires, ni de monnaies, une étude attentive
des rituels funéraires, des mobiliers qui accompagnent les morts,
permet parfois de déceler les étrangers dans la cité. Au-delà des
exemples présentés
reconstitution du mobilier
aujourd'hui,
funéraire
la tombededuCanosa
guerrierrenfermant
de Lavello29,un
la

casque celtique30, ou encore le casque «phrygien» d'une tombe de


Ciro31, tous ces éléments, aujourd'hui isolés, sont autant de preuves
qu'une exploration systématique des nécropoles, trop souvent li¬
vrées au pillage qu'encouragent les collectionneurs et certains
grands musées, permettrait d'approcher, à travers l'archéologie des
mercenaires, l'histoire du mercenariat.

Juliette de La Genière

28 Art. cit. à n. 12, p. 9. L'hégémonie des Syracusains sur la mer Tyrrhénienne


facilite au contraire les navigations entre la rive ionienne et la Campanie. Sur le
passage du détroit de Messine dans la première moitié du Ve siècle, C. Ampolo, in
ACT, 1986, Tarente, 1987, particulièrement p. 59-67.
29 A. Bottini, Uno straniero e la sua sepoltura : la tomba di Lavello, dans Dial.
di arch., 1985, p. 59-68.
30 A. Oliver Jr., The reconstruction of two Apulian Tomb Groups, dans 5. Bei¬
heft AK, 1968.
31 Information E. Palopoli.

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