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Bulletin Hispanique

A propos de Ramón de la Cruz


Annette Bertaux

Citer ce document / Cite this document :

Bertaux Annette. A propos de Ramón de la Cruz. In: Bulletin Hispanique, tome 38, n°2, 1936. pp. 166-172;

doi : https://doi.org/10.3406/hispa.1936.2720

https://www.persee.fr/doc/hispa_0007-4640_1936_num_38_2_2720

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A PROPOS

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1. Charles E. Kany, Life and Manners in Madrid (1750-1800). University of


California Press, Berkeley, California, 1932; in-i°, 483 p.; § 7,50.
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N. B. A. E., faisait connaître 88 saínetes nouveaux pour la
plupart, et 2 zarzuelas inédites. M. Kany voulut à son tour
faire connaître quelques-uns des nombreux saínetes qui
restaient inédits. En 1924 il en publia cinq dans la Revue
Hispanique (t. LX), dont trois se trouvent aujourd'hui au
2e volume édité par M. Cotarelo dans la N. B. A. E., en 1928.
En 1925, M. K. fit paraître en un petit volume Ocho saínetes
inéditos de D. Ramón de la Cruz (six d'entre eux trouvèrent
place également dans le 2e volume de la N. B. A. E.). Enfin en
1919 la Rev. Hisp. donnait Más saínetes inéditos de D. Ramón
de la Cruz (il y en a neuf). Entre temps, en 1926, M. K. avait
mis à la portée de ses étudiants Five saínetes of Ramón de la
Cruz, parmi les plus célèbres, accompagnés d'une
introduction et de notes explicatives. Aujourd'hui M. Cotarelo
prépare deux nouveaux volumes de saínetes pour la N. B. A. E.;
ajoutés aux 162 saínetes et loas déjà publiés dans cette
collection, ils porteront le total des saínetes mis désormais à
la portée du public à un nombre assez voisin des 450 saínetes
connus. Il restera une infinité de Idas, de zarzuelas, et
combien de tonadillas ! dont nous ne saurons jamais lesquelles
sont de Ramón de- la Cruz, puisque l'usage voulait alors qu<»
dans ce genre le nom du poète s'effaçât devant celui du
compositeur.
M. Kany aura contribué pour une part à faire connaître
l'œuvre du grand sainetista... Il s'est laissé guider, la
plupart du temps, dans le choix des œuvres, par les indications
dont M. Cotarelo accompagne le catalogue complet et
critique des œuvres de Cruz à la fin de son D. Ramón de la Cruz
y sus obras. A cette biographie dont quelques points restent
encore obscurs il est à peu près impossible aujourd'hui
d'ajouter le moindre complément. Les documents manquent.
La bibliographie de M. Cotarelo est on ne peut plus claire
et complète. Mais toute l'étude critique de l'œuvre de Ramón
de la Cruz reste à faire. Ce qui a toujours frappé le
spectateur ou le lecteur, c'est la valeur documentaire et historique
de son théâtre. Ce n'est pas aujourd'hui que l'on a dit « El
que quiera conocer a fondo las costumbres españolas en el
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s. xviii estudie el teatro de Don Ramón de la Cruz, las poesías


de Iglesias y los Caprichos de Goya » (Somoza). Et depuis, Fitz-
maurice Kelly lui rendit justice en affirmant : « il a rédigé
des documents historiques (Lit. Esp., 1913, p. 399-400); nous
sommes mieux renseignés sur la vie de l'Espagne par El
Prado por la Noche et Las Tertulias de Madrid que par un
monceau de chroniques sérieuses ». Point n'est besoin de tels
jugements d'ailleurs. Ces réflexions sont spontanées et
inévitables. Avant M. Kany, un de ses compatriotes, M. Arthur
Hamilton, eut l'idée d'écrire A study of Spanish Manners
(1750-1800) ¡rom the plays of Ramón de la Cruz. (August
1926.) Il est évident que c'était là une conception étroite et
peu critique du sujet. Si Ramón de la Cruz nous le fait
concevoir et donne même la plupart des éléments nécessaires pour
le traiter, on sent tout de suite qu'il ne peut y suffire, qu'on
ne peut d'après lui seul brosser un tableau de la vie et des
mœurs à cette époque; que tout au moins la nécessité
s'impose de vérifier chez d'autres écrivains pour la plupart
satiriques comme lui, dans les récits de voyage si nombreux
dans les journaux du temps, dans les archives historiques
enfin, la véracité de ses peintures.
Ce sont bien là les trois sources auxquelles a puisé M. Kany
pour faire ce livre, si attrayant par sa présentation et ses
illustrations. Il s'est même si bien laissé séduire par le côté
historique de son sujet que Ramón de la Cruz est devenu
simplement une source parmi les autres. Après la Préface, on
l'abandonne presque totalement, à travers les chapitres qui
décrivent le Madrid des Bourbons... aussi est-on un peu
surpris par la suite de rencontrer de si longues citations de lui.
A-t-on affaire à un ouvrage historique ou littéraire ? On ne
sait plus. Mettant en avant dès le début D. Ramón de la Cruz,
M. Kany permettait au lecteur de s'attendre à tout autre
chose. Tel qu'il est, ce livre est, avons-nous dit, des plus
attrayants, grâce à la très grande abondance, au choix
exquis, à l'éloquence des gravures en grande partie inédites
dont il est orné, ainsi qu'à la finesse de leur reproduction.
Les premiers chapitres qui décrivent la ville, ses anciennes
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limites, ses alentours, ses promenades, ses monuments, les


endroits les plus fréquentés, sont passionnants pour qui
connaît et aime Madrid, pour qui est curieux de son histoire.
Trois plans les illustrent : l'un, d'Alvarez Baena, représente
les anciennes limites de la ville et ses portes (1786); un autre,
do 1706, de la collection du Musée Municipal, est un peu
ancien pour l'époque qui nous intéresse; et le dernier, tiré
des Voyages en Espagne de Bourgoing (1789), est
malheureusement trop petit. Nous avons cependant vu, au Musée
Municipal, un plan daté du règne de Charles III, de grandes
dimensions : la ville y est divisée en barrios 'diversement
coloriés et l'on voit s'y détacher nettement les barrios bajos
et altos immortalisés par tant de saínetes ! Nous félicitons
d'autre part M. Kany de nous avoir donné un schéma très
suggestif de l'ancienne Puerta del Sol," avec l'emplacement
exact des.Gradas de San Felipe et autres lieux célèbres, ainsi
qu'un pointillé indiquant le contour actuel de ce. cœur de
Madrid. Pour illustrer son livre, M. Kany a largement
exploité les trésors du Musée Municipal, présenté avec tant
de goût et qui n'avait encore-que deux ans d'existence
lorsque parut le livre. Nous y retrouvons divers aspects du vieux
Madrid, gravés ou peints, que nous y avons admirés, les
peintures de Bayeu, les petits personnages de la collection
anonyme des Pregones de Madrid. Nous y trouvons aussi des
Goyas du Musée du Prado et de nombreux emprunts faits au
recueil de Juan de la Cruz, frère de Don Ramón, Colección de
Trajes de España. Vraiment le goût des types populaires était
un apanage de la famille. M. Kany n'a-t-il pas remarqué au
Musée Municipal la collection, si curieuse aussi et saisissante,
des types plus spécialement madrilènes peinte par un certain
Manuel de la Cruz, qui, sans que l'on sache de quelle manière,
passe pour un neveu du graveur Juan de la Cruz ? Serait-ce
un fils de Ramón ? Mystère qui mériterait d'être scruté. En
tous les cas, ses légères et malicieuses aquarelles
illustreraient délicieusement les saínetes. A côté des marchands des
rues, on y voit la petimetra; on y voit aussi Chinita, le
fameux gracioso, interprète et personnage préféré du saine-
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tista, et telle actrice alors applaudie, tous deux dans un de


leur rôle. Nous ne les trouvons pas dans ce livre. Peut-être
n'ont-ils que récemment enrichi le Musée Municipal. —
Puisque nous parlons de ce Musée, disons que l'on y peut voir
aujourd'hui la fameuse Mariblanca, c'est-à-dire la statue qui
ornait autrefois la fontaine de la Puerta del Sol, laquelle se
trouvait encore à la Casa Panadería de la Plaza Mayor
lorsque M. Kany écrivit son livre. Il affirme que c'est une Vénus,
et il a sans doute raison, mais il eût dû défendre son
opinion contre la croyance populaire qui y voit une allégorie de
la Foi.
Les sources les plus sérieuses auxquelles M. Kany ait fait
appel sont fes Libros de Gobierno déposés aux Archives
Historiques, les Archives de la Villa et de 1' Academia de la
Historia : lois, décrets relatifs à la police, à l'administration,
aux mœurs, à l'organisation des fêtes et réjouissances
publiques, à l'urbanisme; tout y a été exploité et mis en œuvre.
Là-dessus, une lumière plus pittoresque est projetée par les
récits des voyageurs, les polémiques des journaux et les
écrivains satiriques. M. K. s'est servi très abondamment aussi,
et on ne saurait le lui reprocher dans un livre qui est surtout
de vulgarisation, des travaux antérieurs à lui, portant sur les
mœurs du xvine siècle. Ceux de Desdevizes du Dezert, de Morel-
Fatio y sont parfois résumés. Le reproche que l'on peut lui
faire n'est pas l'absence de documentation : on le consultera
souvent avec succès, que l'on veuille se renseigner sur
l'histoire de la Plaza Mayor ou celle du Buen Retiro, sur les
théâtres et représentations au xvme siècle ou les corporations
ouvrières, les fêtes religieuses, les danses ou les courses de
taureaux, les aveugles, la propreté de la ville... nous
saurons dans tous, les détails comment se pratiquait alors le
balayage des rues. Mais nous aimerions peut-être en savoir
un peu plus sur la cuisine ou le costume; bien des termes
rencontrés chez Ramón de la Cruz et qui éveillent notre
curiosité ne nous sont pas expliqués ici. De même qu'un chapitre
est consacré à la Plazuela de la Cebada, on aimerait en
trouver un sur le Rastro et quelques mots sur les quartiers popu-
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leux de Lavapiés, Maravillas et Barquillo. M. K. prétend que
le rétablissement des bals masqués par le comte de Aranda
convint à tous, même aux moralistes sévères. Cependant,
Ramón de la Cruz, qui n'était pas ennemi des
divertissements, critique vivement ceux-ci, dans El Baile de Máscaras,
traduisant sans aucun doute l'opinion de certains.
M. K. ignore-t-il l'œuvre de Calderón pour prétendre
(p. 317) que le déclin du drame commença en Espagne peu
après la mort de Lope (1635) ? Jusqu'à 1681, date de la mort
de Calderón, il s'écoule cependant près d'un demi-siècle.
Nous sommes surpris de voir si fréquemment cité le Marquis
de Langle, voyageur dont le témoignage est plus que suspect
quoique fort curieux..., en tout cas bien superficiel.
L'auteur de Life and Manners exagère la division de la société en
deux groupes opposés : les « bons Espagnols », ennemis de
tout ce qui est français, et les Espagnols « gallicized » qui
auraient voulu être Français. Il connaît cependant les Cadalso
et les Jovellanos, si fervents patriotes, si pénétrés pourtant
de l'esprit de l'Encyclopédie et si modérés dans la façon
dont ils auraient voulu l'appliquer : deux esprits éclairés
parmi d'autres, à coup sûr, puisque Ramón de la Cruz lui-
même, champion du nationalisme, apparaît plus d'une fois
pénétré de l'esprit nouveau. A propos de Cadalso, nous
faisons remarquer que la Óptica del Cortejo est citée ici à
plusieurs reprises comme étant son œuvre; or rien n'est moins
certain. Enfin, p. 278, à propos de la danse appelée Meona,
C. E. K. dit que cette contredanse fut représentée sur la
scène avec le saínete Los Currutacos chasqueados,
probablement vers 1795. Or Ramón de la Cruz mourut en 1794. En
note, il rappelle que -M. Cotarelo, dans son Ramón de la Cruz
y sus Obras (p. 285), cite ce saínete comme postérieur à 1790.
Quel besoin de préciser une date arbitraire et
invraisemblable ?
Dernier reproche enfin : le désordre qui règne derrière
l'ordre apparent (Jes chapitres de son livre. A propos de la
Plaza Mayor et des marchés de Noël il se laisse entraîner à
une longue digression sur les « collations » de Nochebuena et
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les repas de Noël, puis sur les visites et souhaits d'usage à


cette époque de l'année. Nous voilà bien loin de la Plaza
Mayor, et tout ceci eût mieux trouvé sa place en venant
étoffer le chapitre des réceptions. Puis il nous parle des types
de marchands que l'on y rencontre : vendeurs d'huile,
rémouleurs, marchandes de châtaignes... tout cela est bien, mais
ces mêmes personnages réapparaissent au chapitre des types
sociaux. A propos de la Plazuela de la Cebada et de la foire
annuelle qui s'y célébrait, voici des détails sur les chaises à
porteur. Pourquoi ici et non ailleurs ? On en rencontrait, je
suppose, aussi, bien au Prado ou à la Puerta del Sol. Le
Cortejo vient après le petimetre, la petimetra et la modista, et
avant V abate. Pourquoi cela ? Et est-ce vraiment un
personnage distinct du petimetre ? Ajoutons que la petite étudo
d'Arthur Hamilton présentait cette galerie de portraits d'une
façon plus complète et plus pittoresque.
M. K. a le mérite, comme nous l'avons dit, d'une
documentation abondante, de gravures nombreuses et suggestives.
C'est un bon guide. On le consultera avec profit. Les notes
de la fin ne laissent dans l'obscurité aucune des sources; et,
ainsi placées, elles n'alourdissent pas le texte; une
bibliographie très complète peut rendre de grands services et un
index alphabétique permet de trouver facilement ce que l'on
désire.
A. BERTAUX.

P. S. — Depuis que cet article est imprimé, nous avons eu le


grand regret d'apprendre la mort subite de M. Cotarelo, sur l'œuvre
et les mérites duquel nous renvoyons à l'article publié par M. Menén-
dez Pidal dans le numéro de mars 1936 du Boletín de la Academia
española, lequel contient la suite de son Ensayo histórico sobre
la zarzuela.

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