Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Abstract
Parodic laughter : between Freud and Bergson.
Theatrical parody, a genre which defined its forms in the 18th Century, occupies a place in the theatrical landscape. Its almost
instantaneous composition, sometimes in complicity with the object of attack, means that it is as much advertisement (albeit
buffoon-like) as criticism. It familiarizes audiences with the noble genres, brings out the criteria of well-crafted theatre and
teaches the spectator to be inside/outside. The parodies by Parisau, La Veuve de Cancale, Richard, Le Roi Lu, are here studied
as examples of this procedure, through themes, language and direct or indirect ways of addressing the public. Is parodie
laughter made of exclusion and condemnation or of almost affectionate familiarity which undermines the authority of great
literature ? Parisau seems closer to Freud than to Bergson.
de Rougemont Martine. Le rire et la parodie. Freud ou Bergson ?. In: Dix-huitième Siècle, n°32, 2000. Le rire. pp. 51-66;
doi : https://doi.org/10.3406/dhs.2000.2337
https://www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760_2000_num_32_1_2337
FREUD OU BERGSON ?
de 1.M.D.L.M.
1738
Voirchez
les Parodies
sur
Briasson
les Parodies
;duici,
Nouveau
de», Fuzelier,
PNTI,
Théâtre
I, «Discours
p.Italien
XIX-XXXV.
(désormais
à l'occasion
PNTI),
d'undans
discours
l'éd.
tique
àtragi-comédie
parodie
part
la de
parodie
» au
parodie,
sans
senssa
non
»moliéresque,
au
part
c'est-à-dire
théâtrale,
même
de critique
théâtre
ainsi
sur
sansla
que
qu'il
la
rire.
même
scène
len'y
fait ilaannée.
dès
n'y
delecritique
titre
aContrairement
pas
« Parodie,
plus
sans de
sa
de 2.l'Isle
« Catalogue
(Petite Bibliothèque
des pièces dedes
de Théâtres,
1' Isle » dans
1783),
Chefs-d'œuvre
p. 9-10. de La Drevetière
LE RIRE DE LA PARODIE 53
ras
Petite
A
parodie
mais
moyen
noble,
pour
satire
spécialiste
contrario,
: rire
exigeant
le
burlesque,
Iphigénie
prise
de
mot
anglaise
»la5.
de
en
simple
"jecible
Dryden
« de
citerais
général
une
: mais
« incongruité
"Favart,
La
est
parodie
l'analyse
son
ou
ou
cible
peut-être
en
de
objet
« particulier.
de
Ce
dans
ses
que
Fielding
fine
n'est
est
trompeur.
successeurs
la
les
plutôt
de
vraie
pas
formes
Robert
On
est
dérision
une
un
n'a
Tom
tout
divertissement
des
»,
vraie
D.
pasàThumb
ilde
Hume
fait
besoin
années
récusait
parodie
laévidente,
tragédie
sur
est
d'être
1720
une
»La
au
4.
qu'une construction
spectateur du 19e siècle.
du spectateur,
La parodiepeut-être
parle dans
en préfiguration
un théâtre plus
du
Palimpsestes
les
Daniel
Pascal
p.
(1895),
au
(Oxford,
1994).
3.public,
4.
5.
253.
6.parodies
Robert
Jeéd.,
Fréron,
Gustave
Sangsue,
p.renvoie
Clarendon
261-293
qui
L'Autre
théâtrales,
(Seuil,
D.
L'Année
Lanson,
neHume,
évidemment
Las'en
; notamment
1982
Press,
Parodie
«Iphigénie»
«ch.
littéraire
doutait
La
Henry
; xxiv,
éd.
1988),
parodie
au
(Hachette
citée
pas
p.
Fielding
texte
p.
(1758),
273,
p.
(Presses
non
coll.
192-201.
dramatique
70de
laplus,
Supérieur,
Points
(c'est
vol.
base
and
parodie
universitaires
Sur
l'apprentissage
V,
Essais
moi
sur
the
aules
p.«18e
les
coll.
London
qui
sans
267-271,
théories
n°siècle
parodies,
traduis).
257).
«s'en
Concours
de»,
Theatre
du
d'un
douter,
En
d'après
Perpignan,
Hommes
genre,
Gérard
ceart
qui
littéraires
faisait
1728-1737
Jean-Noël
réaliste.
voir
concerne
Genette,
et 1997),
livres
aussi
faire
»,»
54 MARTINE DE ROUGEMONT
intérêt
Au
raire
ridicule,
Et
de
18epour
tout
siècle,
sacrifice
: cela
puis-je
cela
déplacer.
quand
lesme
il
d'une
révolutions
n'est
prendre
jefait
le
jeune
pas
beaucoup,
mesure
même
à princesse
d'Athènes
la à
mort
nécessaire,
l'aune
cela
d'un
en etme
Aulide
de
detyran
la
n'en
Rome
fait
commune
? du
», ?etc.
horreur,
déplaise
Quel
Péloponnèse
8.humanité.
àAu
véritable
ou
Fréron,
cont¬
c'est
?
l'Université
7. Je
8. Beaumarchais,
reprends
de Saint-Étienne,
cette
«Essai
phrase
surColl.
à lema
genre
«Lire
préface
dramatique
le 18e
de siècle»,
Paradrames
sérieux»
1998),(1767).
(Publications
p. 13. de
LE RIRE DE LA PARODIE 55
est imprévisible.
Je me suis donné un corpus très modeste, les trois parodies
imprimées de Pierre-Germain Parisau, qui sont à la fois typées
Romulus,
Beaumarchais
notamment,
York,
un 9.
12.
10.
11.
répertoire
JeInstitute
Très
Voir
Valleria
cite
dans
utile
Félix
etqui
successivement
(Nizet,
Jacques
B.
lenotion
of Gaiffe,
sera
Grannis,
Théâtre
French
1954),
diffusé
Scherer,
proposée
Le
Studies,
de
Dramatic
Rire
Pirame
la
ch.
surDramaturgies
Foire.
IV.
par
et
le1931).
la
réseau.
Parody
Jacques
etscène
Thisbé,
David
française
inScherer,
duthe
Trott
PNTI,
vrai-faux
18th-Century
est
dans
(Boivin,
III,
enLa
(P.U.F.,
train
p. Dramaturgie
362,
1931),
France
de 1994).
etconstituer
p.Pierrot
24-25
(New
de
56 MARTINE DE ROUGEMONT
publiées
Cette
qu'il
de
(de
même
des
la
factums
le
92),
un
aux
et Théâtre
Danse
comédie
Nicolet
aux
Comédie
assez
1783
pantomimes
Comédiens
puis
dirigeait,
aventure,
temps
livrets
en
large
de
disparaît.
se
àde
(de
depuis
1785),
1789,
l'Opéra],
sont
qu'il
Française.
Monsieur,
éventail,
1781
Parisau
pour
1779-1780,
Italiens
en
jouées
ilapparaît
puis
quelques
Les
àtrois
écrit
la1783),
par
va
trente-quatre
des
musique
aux
bientôt
Pendant
jusque
(de
une
actes
fournir
la
plus
compliments
finit
Variétés
fureur
années
puis
1780
série
(sa
sporadiquement
rebaptisé
mal.
sous
de
àdes
la
Sophie
l'àqu'il
de au
Ambigu-Comique
œuvres
Paisiello.
Révolution,
Après
Amusantes
textes
1788),
la
comédies
théâtre
d'ouverture
Révolution.
avait
Théâtre
decinq
aux
répertoriées
et
Brabant
contractée
de
Ses
même
Grands
dans
et
pièces
(1785-1786),
Popincourt
Feydeau
après
de
trois
ou
le
livrets
est
une
d'Audinot
de
au
répertoire
Danseurs
quelques
couvrent
parodies
de
célèbre)
théâtre
clôture
(1790-
fois
jouer
pour
» en
13.à
Parisau
List
nés,
Pierre
37
1947),
(1789-1792)
1998),
its
1782),
13.
14.
;repertory,
le
ofPerchellet
les
Le
En
que
et
apporte
même
que
plays
chiffres
pour
Désœuvré,
ce
complète
leurs
(Genève,
qui
1716-1793
ouvrage,
in
lade
, pour
L'Héritage
Comédie
cibles),
the
concerne
nouveaux
ouFrench
André
Droz,
la l'Espion
repris
je(Berkeley,
Comédie-Française
Italienne,
m'appuie
Tissier,
les
classique
1992).
détails,
Language
sous
œuvres
du Pour
Les
boulevard
le
de
University
p.
sur
:titre
Clarence
Spectacles
La
146,
etClarence
les
(1700-1789)
Tragédie
Le
leurs
nombres
sont
intégrés
du
Chroniqueur
ofD.
représentations
Temple
tous
àD.
California
Brenner,
entre
Paris
de
Brenner,
ici.
(Berkeley,
tirés
représentations
(Londres,
1680
pendant
de
désœuvré
The
Press,
Aet
laBibliographical
(tant
1815
Théâtre
thèse
chez
la1782),
1961).
Révolution
(Londres,
(Paris
celles
mention¬
l'auteur,
de Italien
p.
Jean-
20-
III,
de
LE RIRE DE LA PARODIE 57
Shakespeare
François
15. Le Ducis
relevé
for 1769-1792,
des
the représentations
Age ofStudies
Reasonaon:ététhe
Voltaire
faitearliest
par n°295
John
stage
Golder
(1992),
adaptations
dans
p. 151.
son of
précieux
Jean-
60 MARTINE DE ROUGEMONT
vous n'êtes point mon père » (III, 8). L'acte IV prépare la guérison
du roi fou, mais tous sont arrêtés. A l'acte V, un discours d'Edgard
prisonnier fait mutiner l'armée de Cornouailles, et Léar sort d'un
dernier délire pour abdiquer en faveur d'Edgard et d'Helmonde
qu'il marie.
Parisau condense ces quarante-six scènes (nombre considérable
pour l'époque) en vingt-cinq plus petites, sans changer les person¬
nages et les circonstances et en simplifiant à peine l'action (mais
il renonce aulapathos
château-fort, forêt et
de la111,8).
caverne.
Son Ses
décor
alexandrins
unique juxtapose
sont assez
le
proches
à la manière
de ceux
de...de: Ducis, qu'ils déforment à la manière... d'un
Ces trois parodies ont des cibles assez semblables : des tragé¬
dies modernes, à sujets historiques, remplies d'événements et de
discours, comportant chacune un changement de lieu et autant
de figurants qu'à l'Opéra, malgré une unité de temps ostentatoire.
Seule, La Veuve du Malabar délivre un message idéologique
— violemment anticlérical — , et seule elle fait l'objet d'un
travestissement complet. Parisau ne se risque pas plus sur ce
terrain que sur celui du patriotisme, qu'il efface aussi du
Richard III parodié. Dans Richard et Le Roi Lu, le travestissement
social n'est fourni que par les niveaux de langage : le vaudeville,
globalement, dans Richard, avec ses tournures et ses refrains
grotesques, un ton direct, un vocabulaire concret. Ducis inspire
particulièrement Parisau : « Je mangeais mal et tard, jamais cuit,
toujours froid », se plaint le roi Lu (sc. VIII), où Ducis avait
osé : « Seul et dans l'ombre assis, confus, humilié, / Je mangeais,
en pleurant, le pain de la pitié. » (III, 4) Et quand le roi Léar
dit à Kent : « Cher ami, tu le vois, / La Nature en fureur n'épargne
pas les rois » (III, 6), Lu amplifie :
LE RIRE DE LA PARODIE 61
Brisefer : : Que
Elisabeth Melpomène
En
Le
Nul Parodiste
les
ne
celui
travestissant,
saitUn
qui
mieux
àrit,
auteur
son
s'occupe
mais
tour
priser
j'admire
jamais
doit
à les
chercher
m'
beautés
ses
ilaccorder
n'outrage
héros,
ses
d'un
défauts.
ma; ouvrage,
grâce ;
TropCelui-ci
heureux si
N'est point un censeur
Quand sa main Vous fait passer un moment
Lance un trait badin, Gaîment ;
Il peut user, Car on n'a bien fait,
Sans abuser, En effet,
Du droit de vous amuser : Que du jour où l'on vous plaît.
Remonde Soyez Lu bien longtemps.
Lu : Lu ? Non ; mais écouté.
Desegards On peut défigurer plan, caractère et style
(i au Public ) : Sous les traits d'un pinceau badin :
Ce travestissement
Du ridicule, hélas ! n'est
le sublime
jamaisestdifficile
voisin :;
Sans fiel, sans amertume, et sans dessein
de nuire,
Le Parodiste ici n'a rien à désirer,
Si le Roi Lu fait autant rire
Que le Roi Lir a fait pleurer.
Quel rire donc pour la parodie, ou quels rires ? Si j'appelle
« Bergson » un rire d'exclusion, qui dénonce l'inadaptation
sociale et conforte le groupe normal face à la déviance, la parodie
Bergson condamnerait une forme qui durcit dans un moule 16,
et quele la
ainsi rirevie
adressé
naturelle
aux du
reconnaissances
théâtre rejette.théâtrales
On peut etcomprendre
aux effets
16. Reboux et Muller concluent la dernière note de leur Racine : « Les chefs-
d'œuvre du théâtre classique sont tous fondus dans le même moule. Au théâtre, le
public applaudit toujours les moules. Les spectacles contemporains en fournissent
maints exemples ». Voir la réédition récente de A la manière de... (Grasset (Les
Cahiers Rouges), 1998) vol. I, p. 187.
LE RIRE DE LA PARODIE 63
tragédie
bien
d'effets
par spectaculaires
une
moderne,
mixtureà assez
la(que
findétonante
lede19e
l'Ancien
siècle
de redistribue
culte
Régime,
de « l'humanité
entre
se caractérise
théâtre
» et
à
amertume,
Mais un et
riresans
amer,
dessein
celui de
denuire,
la parodie
» déclarait
? « Sans
Parisau,
fiel, «sans
Le
p. 18.
le 17.
150
drame
Henri
Les
à 153.
bourgeois
analyses
Bergson,
présentes
et Le
le drame
Rireconfirment
(1906,
terrible.
1924)
celles(P.U.F.,
des Paradrames
coll. «Quadrige»,
(voir note 1985),
7) sur
64 MARTINE DE ROUGEMONT
plausibles
d'égards
ton
l'industrie
de
â'Hernani
Duvert,
est peut-être
pour
: théâtrale,
en
celle
le 1830),
vaudeville
deplus
d Rozoi,
'Harnali
siencore
âpre
l'ondont
final
àcompare
ou
assez
l'époque
la
de bonhomme
tragédie
contrainte
Richard
à romantique,
celles n'a
de
montre
par
: Parisau
pascor
quand
réussi.
assez
(parodie
lesrègne
fins
peu
Le
QUASIFOL : La
Dieu,
L'auteur
Le
Et s'il
temps,
raison
que
change
est
reviendra...
l'Académie
le jeune
temps
de route,
encore
viendra
(Elle
estavec
: près
son
tombe.)
pour
quelques
de
talent
corriger
Charenton
est
efforts,
fertile
le style,
! ;
trad.
(1971),
Favart,
20.
21.
19. M.Bonaparte
Un
Théâtre
Sigmund
ici,La
exemple
p. Petite
194.
choisi
Freud,
: et
Iphigénie
D'un
En
«deM.Nathan
ParTrop
Leles
F.
des
mot
-A.
mérite
parodiant,
heureux
talents
(1757),
Duvert
d'esprit
si(Gallimard,
égaux
rare
le(Charpentier,
dans
etnous
théâtre
ses
admirateurs
charment
J.-N.
ramassons
rapports
1930);
oùPascal,
l'auteur
1877),
leavec
modestes,
éd.
leurs
spectateur
ouvr.
citée,
vol.
l'inconscient
et restes.
l'acteur
cité,
I, coll.
p.! p.»120154-155.
«Idées»
(1905),
et 312.
LE RIRE DE LA PARODIE 65
L'« esprit », sans aucun doute, va plus loin, et dans ses formes
les plus tendancieuses il « ébranle le respect dû aux institutions
et aux vérités auxquelles l'auditeur croyait jusqu' alors » (p. 202).
C'est que « l'esprit est, pour ainsi dire, au comique, la contribu¬
tion qui lui vient du domaine de l'inconscient» (p. 321, c'est
Freud qui souligne). Il permet de rire de contraintes qui ont été
intériorisées : les sentiments honnêtes, les manières polies, le
langage millimétré, les obligations dues à la naissance et à l'édu¬
cation, le contrôle de soi dans l'ostentation, le public privilégié
des théâtres privilégiés pourra en rire « à ventre déboutonné »,
comme dit Collé ou Beaumarchais. A ce public il faut un alibi
de « sens dans le non-sens » pour accéder au « caractère primor¬
dial de l'élaboration spirituelle, qui consiste dans la libération
du plaisir par la levée des inhibitions » (p. 203). Termes savants
pour dire que l'enfant proteste contre tous les apprentissages, et
que l'adolescent puis l'adulte, qui ont été dressés à ne plus
protester, ne peuvent le faire qu'en simulant une complicité avec
leurs dresseurs. Ainsi fonctionne donc l'esprit : « Raison — juge¬
ment critique — répression, voilà les puissances qu'il combat
tour à tour ; il ne renonce jamais à son plaisir primitif de jouer
avec les mots, et, dès le stade de la plaisanterie, il fait jaillir de
nouvelles sources de plaisir en levant les inhibitions » (p. 208).
Les alibis intentionnels de la critique sont-ils la vérité de la
parodie ? Est-ce nous, aujourd'hui, parce que notre formation
66 LE RIRE DE LA PARODIE
général,
la dernière
l'humour
phrase des
du auto-parodies,
livre de Freudet: nous
« Carpourrons
cette euphorie,
reprendreà
laquelle nous nous efforçons par là d'atteindre, n'est rien autre
que l'humeur d'un âge où notre activité psychique s'exerçait à
peu de frais, l'humeur de notre enfance, temps auquel nous
ignorions le comique, étions incapables d'esprit et n'avions que
faire de l'humour pour goûter la joie de vivre » (p. 366).
Martine de Rougemont
Université de Paris III
22. Sarcey dans Théâtre choisi de F. -A. Duvert, vol. VI, p. XXV. On trouve
dans cette notice de Sarcey des informations très curieuses sur les fonctions
de la parodie dans
rétroactivement la situation
le dispositif
au 1 8ethéâtral
siècle. autour de 1830, qui peuvent éclairer