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Montesquieu, Lettres persanes, 1721

LETTRE XXVIII

RICA A ***.

/Je vis hier une chose assez singulière, quoique elle se passe tous les jours à
Paris.

Tout le peuple s'assemble sur la fin de l'après-dînée, et va jouer une espèce de


scène que j'ai entendu appeler comédie. Le grand mouvement est sur une estrade,
qu'on nomme le théâtre. Aux deux côtés on voit, dans de petits réduits, qu'on
nomme loges, des hommes et des femmes qui jouent ensemble des scènes
muettes, à peu près comme celles qui sont en usage en notre Perse. /

// Tantôt c'est une amante affligée qui exprime sa langueur; tantôt une autre, avec
des yeux vifs et un air passionné, dévore des yeux son amant, qui la regarde de
même: toutes les passions sont peintes sur les visages, et exprimées avec une
éloquence qui n'en est que plus vive pour être muette. Là les acteurs ne paraissent
qu'à demi-corps, et ont ordinairement un manchon, par modestie, pour cacher leurs
bras. Il y a en bas une troupe de gens debout qui se moquent de ceux qui sont en
haut sur le théâtre, et ces derniers rient à leur tour de ceux qui sont en bas.//

/// Mais ceux qui prennent le plus de peine sont quelques jeunes gens, qu'on
prend pour cet effet dans un âge peu avancé pour soutenir à la fatigue. Ils sont
obligés d'être partout; ils passent par des endroits qu'eux seuls connaissent,
montent avec une adresse surprenante d'étage en étage; ils sont en haut, en bas,
dans toutes les loges; ils plongent pour ainsi dire; on les perd, ils reparaissent;
souvent ils quittent le lieu de la scène, et vont jouer dans un autre. On en voit même
qui, par un prodige qu'on n'aurait osé espérer de leurs béquilles, marchent et vont
comme les autres./// ////Enfin on se rend à des salles où l'on joue une comédie
particulière: on commence par des révérences, on continue par des embrassades.
On dit que la connaissance la plus légère met un homme en droit d'en étouffer un
autre: il semble que le lieu inspire de la tendresse. En effet, on dit que les
princesses qui y règnent ne sont point cruelles; et si on excepte deux ou trois heures
par jour, où elles sont assez sauvages, on peut dire que le reste du temps elles sont
traitables, et que c'est une ivresse qui les quitte aisément.////

[…]

De Paris, le 2 de la lune de Chaval, 1712.


Biographie :

Charles-Louis de Secondat, baron de Montesquieu. Montesquieu est né en 1689 à


Bordeaux, et il va mourir en 1755 à Paris. En 1727 il décide de commencer à voyager pour
l’Europe pendant quatre années où il observe les institutions et mœurs de chaque pays. Il
était particulièrement attiré par le modèle britannique, il a trouvé dans ce modèle des vertus
que le modèle français n’avait pas, c’est pour cela qu’il a critiqué la monarchie absolue qui
régnait en France. Aussi, Montesquieu critique la religion, non seulement la religion
chrétienne, le roi, le papa… Dans le livre. La vie française, en fait.

Montesquieu devient célèbre avec la publication de son œuvre « Lettres Persanes » en


1721. Elle s’agit d’une œuvre publiée anonymement en 1721, mais la réalité était que tout le
monde était conscient de qu’il était l’auteur.

La structure du texte est descriptive et chronologique, décrivant les différentes parties du


spectacle en détail.

STRUCTURE:
Le texte de Montesquieu se compose d'une seule longue phrase, qui décrit les spectacles
de rue à Paris au XVIIIe siècle.

La première partie décrit l'événement lui-même, où les gens se rassemblent pour regarder
une "comédie" sur une estrade appelée "théâtre". On voit des hommes et des femmes dans
des "loges" de chaque côté, jouant des scènes muettes comme en Perse.

La deuxième partie décrit les acteurs, qui ne montrent que la moitié de leur corps et portent
souvent des manchons pour cacher leurs bras. Les visages expriment toutes les passions
avec une éloquence muette, et les spectateurs se moquent les uns des autres.

La troisième partie décrit les jeunes hommes qui sont utilisés pour courir partout et aider à la
représentation. Ils sont très agiles et capables de monter et descendre les étages avec
aisance. Certains sont même capables de marcher sans béquilles.

Enfin, la dernière partie décrit une salle où se déroule une comédie particulière, où les gens
se font des révérences et des embrassades. Les "princesses" qui y règnent sont
apparemment traitables, bien qu'elles soient sauvages pendant quelques heures par jour.

ISOTOPIES
-le mouvement: c’est la principale isotopie qui représente le texte parce qu’il a un caractère
chronologique. Un exemple: le grand mouvement est sur une estrade.

-lieux: aux deux côtés, là, en bas, ceux qui sont en haut sur le théâtre, ils passent par des
endroits, d’étage en étage, ils sont en haut, en bas, dans toutes les loges, le lieu de la
scène, on se rend à des salles, il semble que le lieu inspire.
-l’espace théâtral: jouer, ils quittent le lieu de la scène, comédie, estrade, théâtre, loges,
scènes muettes, acteurs, révérences, étage, salles où l’on joue une comédie particulière, se
moquer.

-l’affection: affligée, un air passionné, les passions sont peintes sur les visages, éloquence,
plus vive pour être muette, modestie, peine, fatigue, tendresse, ivresse.

-la société: tout le peuple, des hommes et des femmes, les acteurs, une troupe de gens,
quelques jeunes gens, un prodige, les princesses qui y règnent.

FIGURES DE STYLE
L'hyperbole : lorsqu'il est dit que l'éloquence est "plus vive pour être muette", c'est
une exagération pour souligner l'expressivité des acteurs.

La métaphore : lorsqu'il est question des jeunes gens qui "plongent pour ainsi dire",
cela crée une image mentale de plongeurs qui se jettent dans l'eau.

L'ironie : lorsque l'auteur dit que la chose qu'il a vue est "singulière, quoique elle se
passe tous les jours à Paris", c'est une ironie qui souligne l'habitude des Parisiens de
se rendre au théâtre.

L'antiphrase : lorsque l'auteur dit que les princesses qui règnent sur les salles de jeu ne sont
"point cruelles", c'est une manière ironique de dire qu'elles sont en fait très cruelles.

La personnification : lorsque l'auteur parle de l'estrade qui est "le grand mouvement",
c'est une personnification qui donne une vie et une importance à cet objet inanimé. Et
“scènes muettes”

Comme : comparaison

Répétition : On peut remarquer la répétition du mot "tantôt" pour décrire les


différentes scènes jouées par les acteurs : "Tantôt c'est une amante affligée qui
exprime sa langueur; tantôt une autre, avec des yeux vifs et un air passionné,
dévore des yeux son amant, qui la regarde de même..." et anaphore parce que c’est
la répetition d’une structure syntaxique.

Antithèse : L'auteur utilise l'antithèse pour souligner la contradiction entre les deux
groupes de personnes qui assistent au spectacle : "Il y a en bas une troupe de gens
debout qui se moquent de ceux qui sont en haut sur le théâtre, et ces derniers rient
à leur tour de ceux qui sont en bas."
La métonymie: l'utilisation d'un terme pour désigner un objet ou une personne par
un élément qui lui est associé, comme "une espèce de scène que j'ai entendu
appeler comédie" pour désigner une représentation théâtrale.

L'hyperbole : le narrateur décrit les jeunes gens qui participent aux jeux comme des
êtres surhumains, capables de monter avec "une adresse surprenante" d'étage en
étage et de "plonger pour ainsi dire".

Personnification "toutes les passions sont peintes sur les visages" : ici, la passion
est personnifiée en étant attribuée à des visages humains. Cela permet de donner
vie et de l'expression à la passion.

Comparaison et métaphore : "il semble que le lieu inspire de la tendresse" : ici, le lieu
est personnifié en étant attribué une capacité d'inspirer des sentiments humains, en
l'occurrence de la tendresse. Cette personnification permet de donner une dimension
poétique au lieu en question.

CONCLUSION NO ME VA EL WIFI

Le style d'écriture de ce fragment est typique de Montesquieu, qui était connu pour
son style élégant et ironique. Dans cet extrait, il décrit avec beaucoup de détails une
scène de la vie quotidienne à Paris à l'époque de l'auteur, mais il le fait de manière
humoristique et satirique. Il utilise des comparaisons avec la Perse pour souligner
les différences culturelles entre les deux pays et pour critiquer la superficialité de la
société française de l'époque. Le style est aussi caractérisé par une certaine
distance critique, qui permet à l'auteur de décrire les événements avec un regard à la
fois objectif et ironique. En somme, le style d'écriture de Montesquieu dans ce
fragment est élégant, ironique, critique et plein de détails. De plus, on considère que
la “comédie particulière” dans la dernière partie du texte fait référence à l’Opéra de
Paris. Parce que quand on continue la lecture on peut voir l’apparition de ce mot
“opéra”

“Tout ce que je te dis ici se passe à peu près de même dans un autre endroit,
qu’on nomme l’Opéra”

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