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philippe.bourmaud@univ-lyon3.

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Une partie de commentaire de document : rédiger l’introduction, introduire le plan d étailler et


rédiger la conclusion.

CONSTRUCTIONS ETATIQUES DE L’EMPIRE OTTOMAN AUX ETATS POST-OTTOMANS

Confits et crise se multiplient au Moyen-Orient. Souvent expliquée en sens politique avec


l’expression « d’Etat failli ». Les états de la région ne se seraient pas conformés au modèle de l’état
moderne tel qu’il s’est construit en Europe occidentale à partir du XVe-XVIe siècle. Les états du MO
seraient nés sur les ruines d’Empires et ce seraient les principes de ces empires qui empêcheraient
les états actuels de « bien fonctionner ». Les constructions étatiques du MO ont-elles conservés des
éléments du système impérial ottoman, et si oui, lesquels ? Quelles en ont été les conséquences ?

CHAPITRE 1 : La construction d’un empire islamique (XIVe-XVIe siècle)


A lire : Frédéric HITZEL, L’Empire ottoman XVe-XVIe siècles, Paris, Les Belles Lettres, 2010, chapitre 1
et 3.

BIBLIOGRAPHIE :

- Juliette DUMAS, « Des esclaves pour époux…stratégies matrimoniales dans la dynastie


ottomane (mi-XIVe – début XVIe siècle) », Clio. Femmes, genre, histoire, 34, 2011, p.255-275
- Benjamin LELLOUCH, « Puissance et justice retenue du sultan ottoman. Les massacres sur les
fronts iranien et égyptien (1514-1517) », dans David El Kenz (dir.), Le Massacre, objet
d'histoire, Paris, Gallimard, 2005, p. 171-182
- Elisabeth MALAMUT, “La complexité de la guerre et de la paix entre Turcs et Byzantins (XIVe-
XVe siècle)”, Actes des Congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques, 136/1,
2012, p. 19-33

Soliman le Magnifique (r. 1520-1566) et François Ier font alliance pour lutter contre leur ennemis à
savoir Charles Quint. Cette alliance n’est pas très populaire. Ne l’envisagent pas de la même
manière. François Ier : défense au sein de ses frontières qu’on étend progressivement. Pour Soliman,
il considère que François Ier lui fait allégeance. Pour lui son empire est formé d’un certain nombre de
territoire qui lui ont fait allégeance. En 1539, François Ier adopte l’édit de Villers-Cotterêts, qui édicte
que le français est la seule langue de référence de la France. Pour les ottomans le turc ne devient
langue officiel qu’en 1876 quand il est inscrit dans la constitution. On est dans un empire avec des
populations diverses qui n’ont pas toutes le même statut. Comment ont-ils réussi sur ces bases à
construire une puissance politique et militaire ?

I- La formation d’un « empire de la poudre »


A- Un empire islamique
 Un émirat turc islamique
Frederick Cooper et Jane Burbank, Empire. De la Chine ancienne à nos jours, Paris, Payot,
2011.

L’EMPIRE OTTOMAN AUX ORIGINES

Commence dans l’ouest de l’Anatolie (Turquie actuelle) vers 1300. A cette époque se consolide un
pouvoir autour d’une famille de langue turque, qui se fait reconnaitre sur une frontière physique.
Nait sur un point de contact entre les principaux islamiques anatoliennes (en particulier le sultanat
seldjoukide de Konya) et l’Empire Byzantin. Nait sur une frontière religieuse, entre des puissances
politiques de régions différentes, mais pas sur une frontière ethnique ou culturelle, car les
populations sont très mélangées de part et d’autre.
La principauté ottomane s’affirme peu à peu comme un empire islamique, comme on peut le voir à
travers le songe d’Osman. Le nom ottoman vient d’Osman, fondateur de la dynastie.
DOC1. On insiste sur le fait qu’Osman est un musulman et que son père est converti. L’état qu’il
fonde est présenté comme un bon gouvernement, car il y fait produire de la verdure, considérée
comme faveur divine. Nous montre l’idéal politique de bon gouvernement et justifie l’expansion
ottomane. Gouvernement à base religieuse, assuré par le mariage d’Osman avec la fille d’Edebali.

 Expansion de l’empire et expansion de la charia

La charia, ou loi islamique tire son contenu  :

- Des corpus textuels qui fondent l’islam :


o Coran (« récitation » donnée à Muhammad).
o La Sunnah : tradition prophétique, contenant les hadiths : propos du prophète
Muhammad et de ses compagnons.
- La coutume antérieure à l’Islam.
- Le consensus des juristes.
- Les écoles du droit islamique et la jurisprudence.

Parmi ces sources, la place du Coran est éminente : la loi islamique est donnée par Dieu. Il en découle
une obligation pour tous les musulmans : la répandre à travers le monde pour le bien de tous. C’est
un aspect du djihad (effort de croyance pour aller vers l’unité avec Dieu), que l’EO utilise pour
justifier son expansion.

B- Un empire expansionniste
 Le djihad

Le djihad est la justification de l’expansion initiale des Ottomans. Cette expansion se fait au
détriment des Byzantins et des royaumes chrétiens des Balkans : Jalonné de conflits.

- 1361 ou 1369 : prise d’Edirne, aujourd’hui en Turquie d’Europe. L’expansion ottomane dans
les Balkans s’accélèrent.
- 1453 : prise de Constantinople, « la pomme rouge », objet principale des entreprises
militaires ottomanes. L’Empire Byzantin disparait (mais survit jusqu’en 1461 à travers
l’Empire de Trébizonde, en mer Noire).
- 1515-1517 : prise de la Syrie, de l’Egypte et de l’Arabie sur les sultans mamlouks (donc cette
fois sur un Etat musulman).

 Administrer la pluralité

L’EO manifeste dans ses conquêtes les caractéristiques des empires expansionnistes :

- L’expansion est une dynamique auto-entretenue. Les conquêtes fournissent des ressources…
pour de nouvelles conquêtes.
- L’expansion crée des problèmes structurels car il faut ensuite gouverner des peuples aux
normes et aux lois différentes. Le conquérant doit trouver un moyen de faire tenir ensemble
cette pluralité.
C’est encadré avec un régime qui a connu beaucoup de controverses ultérieures : celui de la
protection des population non islamiques. Les musulmans ne doivent pas imposer la conversion,
les laisser pratiquer leur culte et pratiquer leurs propres lois. Les sujets non-musulmans se voient
appliquer la dhimmah (protection). C’est une protection de leur culte contre une taxe, la djizya. Il
y a un certain nombre de règles en retour, comme pour le mariage (apostasie considérée très
grave). La dhimmah interdit en théorie aux non musulmans de porter des armes etc. Avec le
temps, la pratique de la dhimmah change, les non musulmans sont prêts a beaucoup d’effort
pour qu’elle soit abrogée car certaines règles sont vécues comme des discriminations. Des
populations coexistent chacune avec leur lois mais sous la coupole d’un empire islamique où les
musulmans sont réputés la population privilégiée et où chacun doit rester à sa place. Elle n’est
généralement plus strictement appliquée après le XVIIe s, et les tentatives pour y remédier sont
source de conflit. L’Empire ottoman est un empire islamique qui laisse subsister les pouvoir
antérieurs et laisse exister pour chacun sa loi religieuse. Il fonctionne par alliances et s’allie avec
des territoires auxquels il demande un tribut. Les liens d’allégeance supposent qu’un impôt est
payé, que des soldats sont fournis en temps de guerre et que le maintien des institutions est
assuré. En contrepartie le sultan veille à la sécurité des habitants. Les sultans vont donner l’image
d’un empire universel, idéal. Les sultans financent des œuvres à leur nom, pour qu’on se rappelle
d’eux.

DOC 2 : Portrait de Mehmet II : image de propagande voulue par le sultan, peint dans le style
occidental.

II- Assurer la stabilité du pouvoir : allégeances et successions


A- Allégeances personnelles et « patrimonialisme » (Max Weber)

Un moyen d’obtenir l’allégeance de quelqu’un à l’époque est d’épouser une de ses filles. Les sultans
épousent des filles de grand dignitaires. Le sultan reconnait à des notables locaux, des anciens
combattants ou des serviteurs de l’Etat le droit de prélever les impôts sur un ou plusieurs villages
(système du timar). Ou bien on vend la concession de la perception des impôts (système de l’iltizam).
Celui qui a l’iltizam ou le timar est celui qui commence à prêter pour tous les achats des habitants. En
échange, ces notables doivent fournir au sultan des troupes en cas de guerre, faire régner l’ordre
public, économisant ainsi au sultan les frais d’une police qui du reste risquerait de ne pas parler la
langue locale ; veiller à ce que la communauté locale paie les impôts. Il en résulte des relations
sociales très verticales et cette différence de statut entre ceux qui paient les impôts et ceux qui les
perçoivent est aussi une différence politique. La population se divise entre les asker, serviteurs de
l’Etat (y compris les bénéficiaires du timar et de l’iltizam), exemptés d’impôts, responsables sur leur
vie devant le sultan ; et le « troupeau » des contribuables, soumis au joug de l’impôt (re’aya). Cela va
rester une distinction essentielle jusqu’au début du XIXe siècle.

III- L’islamisation de la loi


A- L’orthodoxie sunnite

Le rôle des oulémas (spécialiste des sciences islamiques) est essentiel : ils vont être envoyés partout
à travers l’empire. Nommés pour 3 à 7 ans, dans une ville qui ne doit jamais être leur ville d’origine.
Vont faire appliquer la loi de l’état central, c’est-à-dire d’abord et avant tout la loi islamique. Consiste
plus à islamiser plus qu’à ottomaniser. Il fournissent à l’Empire :

- Un système de valeur qui enjoint les fidèles à accepter la domination du sultan et à respecter
la loi ;
- Des lois et des normes similaires à travers l’Empire.

L’empire ottoman est sunnite.

Islam sunnite / islam chiite :

Origines sunnisme et chiisme : après la mort de Muhammad, le principal problème est sa succession.
Dans les années 656-661 s’opposent :

- Ali, 4e calife et genre de Muhammad, convaincu d’être le seul hériter direct et légitime du
prophète et un modèle de piété -> chiisme.
- Mou’awiya, qui prône une forme de pragmatisme et d’accommodement avec les normes de
l’islam au nom de l’intérêt collectif supérieur des musulmans. Il défend l’idée qu’il vaut mieux
avoir un gouvernement compétent plutôt que chercher un gouvernement absolument
légitime et vertueux -> sunnisme.

La communauté se divise entre les deux.

CONCLUSION

Les sultans ottomans vont jeter les bases d’un système politique où il faut garantir le caractère
expansionniste de l’empire, et où il faut maintenir les pouvoir en place. Il est décentralisé mais avec
une colonne vertébrale : une armée dont le pouvoir offensif repose sur les mousquets et les canons,
dont sur un financement centralisé de ces armes ; une fiscalité dont la collecte est décentralisé et
privatisée, mais dont le trésor assure le contrôle centralisé de l’utilisation ; un pouvoir judiciaire qui
unifie la législation et le marché ottomans par en bas. C’est par le sultan qu’il est le plus vulnérable,
mais il est pour le reste assez fort.
Chapitre 2 : Une puissance pragmatique (1603-1774) ?

Introduction : Robert Mantran décrit l’EO comme une puissance ayant une conception pragmatique
du pouvoir. Peut vouloir dire que l’EO s’adapte. Pas tout le temps vrai. Il y a des hiérarchies, des
principes. Conserver l’esprit islamique de l’empire est fondamental car c’est ce qui commande la
fidélité de la masse des troupes, dont la plupart sont musulmans. Officiellement, les soldats
combattant pour le djihad ne peuvent être que musulmans, en pratique, et surtout dans la marine,
ce n’est pas le cas. Il peut s’agir d’alliés, ou de spécialistes. En général, l’état se comporte comme si
tous les soldats étaient tous musulmans. En revanche, d’autres dimensions de la loi islamique
paraissent désirables mais plus négociables. La loi islamique est interprété au XVIe/XVIIe comme
interdisant la consommation d’alcool. Quand le sultan veut se faire bien voir, il peut comme Murad
IV interdire toute la consommation et production d’alcool. Mécontentement dans l’armée : les
janissaires ont l’habitude de boire pour s’entraîner. Une raison pour laquelle Murad IV met en œuvre
cette prohibition, c’est parce qu’il a besoin du soutien du peuple et de l’armée. A prendre avec un
regard critique car il mourut d’alcoolisme.
Prohibition : symbolique, loi islamique : centrale.
« Un état pragmatique » : pragmatique par rapport à ce qu’on veut faire de l’état, et à comment on
l’envisage. Max Weber a cette phrase célèbre selon laquelle l’état accède à la prétention de la
violence légitime : l’état considère que seul lui, en vertu des lois, a le droit d’utiliser la violence
(contraire à un système où une partie des grands peuvent exercer leur propre autorité). Dans le cas
de l’Eo, l’état accepte de léguer le droit de lever des impôts. Il fonctionne grâce à des arrangements,
dictés par des observations réalistes.

I- Préserver les allégeance personnelles : fiscalisme et décentralisation

Fiscalisme : idée que l’EO tient debout grâce à la délégation des impôts : tant qu’il récupère ses
fiscalités, il peut déléguer la charge de les prélever. Le fiscalisme suppose de déléguer à des
individus. Ceux-ci ont le soutient de l’Empire et cherchent à faire régner l’ordre. Il ya donc une
organisation avec des régions plus ou moins autonomes, et cette autonomie est plus ou moins
menaçante pour le mouvoir central. Cette décentralisation est déjà en place dès le début de
l’Empire car il n’a pas les moyens de s’imposer dans les provinces.

A- L’effacement des sultanats

Il s’agit d’un changement de répartitions des pouvoirs au sein de l’EO. Jusqu’au XVIIe, on compte sur
l’armée ottomane dans les relations internationales. L’idée de déclin désigne l’évolution au XVIIe et
XVIIIe durant laquelle l’autonomisation des provinces s’accélère. Le modèle de l’EO doit être celui
d’un état moderne. L’autonomisation des provinces constitue souvent un moyen de garantir la
permanence de la domination ottomane et une bonne capacité à mobiliser des ressources et des
troupes, en plaçant dans ces provinces des gouverneurs militaires. La décentralisation entraîne le
déclin -> des groupes rivaux s’affrontent autour du sultan, des provinces s’opposent au
gouvernement central.

A partir de 1603, la loi du fratricide cesse d’être appliquée automatiquement -> reste plusieurs
héritiers au trône au moment de la succession. On va donc établir une règle de succession : le
principe de l’ancienneté s’impose. Le sultan qui succède au sultan précédent est normalement le plus
âgé. Pour éviter la guerre civile, on évite de donner au potentiel sultan des outils, des hommes et des
troupes qui leur permettraient de combattre pour le trône (ancien système dans lequel les futurs
sultans se voyaient dotés de terres ) administrer et donc de troupes). Les sultans étaient donc formés
militairement et s’affrontaient pour le pouvoir. Si on veut pouvoir conserver plusieurs héritiers
vivants, alors il faut éviter la situation ou les aspirants au trône vont avoir les moyens de combattre,
de nuire à l’empire. Il faut donc leur retirer leur gouvernance. Il vont donc à partir de 1603 tous
rester enfermés dans la palais impérial jusqu’à leur montée au trône.
-> effet politique : ils ne sont pas formés politiquement et militairement ;
-> effet psychologique : va entraîner des problèmes psychologiques et sociaux car ils ne sortent pas
et ne sont au contact de personne.
En 1688, le sultan est remplacé par son frère, Soliman II.

Le sultan n’exerce donc plus de pouvoir personnel et la famille impériale augmente grandement. Le
pouvoir se déplace du sultan vers les ministres, en particulier le grand vizir. Le terme « sublime
porte » est employé pour faire référence à l’EO, et il désigne en réalité la résidence du grand vizir, qui
devient le lieu de pouvoir de l’Empire. Comme le pouvoir des ministres est beaucoup moins stable
que celui des sultans, une compétition s’impose pour le sultanat. Osman II, qui obtient la défaveur
des janissaires en exécutant son père, se retrouve condamné à mort par les Oulémas et se fait
exécuter par les janissaires. Désormais, la possibilité de se débarrasser du sultan apparait, et il
apparait comme un métier dangereux, en plus de perdre de sa grandeur.

B- Pouvoir ministériel et décentralisation

Si le sultan n’est plus sacré, et n’a plus de responsabilité, sa personne devient plus fragile. Les
révoltes de palais visant les ministres ou les sultans s’enchainent au milieu du XVIIe/XVIIIe. De la
mort d’Osman II à Ibrahim Ier (r .1640-48), la pouvoir se caractérise par des affrontements et
concurrences pour occuper les pouvoirs ministériels prédominants.

Sous Ibrahim Ier, la guerre est menée, poussée par la marine, avec succès mais n’instaure pas de
stabilité politique. Les révolutions de palais se multiplient et cette situation qui n’était pas motivée
par des raisons militaires, mais par des raison économiques. La mort d’Ibrahim Ier consacre
l’éloignement du sultan du pouvoir. Jusqu’à l’échec du IIe siège de Vienne, le pouvoir est disputé
entre des grands notables gouverneurs de province ou de puissantes familles de ministres à Istanbul
(dynastie ministérielle).

En 1658, Abaza Hasan Pacha monte une armée de 30 000 hommes et décide de se rebeller et
menace de marcher sur Istanbul si la dynastie de ministres n’abdique pas. S’ensuit ensuite une
répression de la part du sultan qui exécute de nombreux gouverneurs. Le pouvoir de la dynastie
Köprülü Mehmet Pacha de ministres va cesser suite à un échec militaire. L’autonomisme des
provinces persiste même après une sanglante boucherie.

La paix de Carlowitz , qui met fin à la guerre avec l’Autriche en 1699, va se caractériser par des
concessions territoriales.

Règne de Ahmet III (1703-1730) -> réticence à utiliser la guerre comme moyen de relations
internationales, et volonté de transformer l’EO sur le modèle des nouvelles puissance économique
comme les Pays-Bas, avec un politique d’exportation. Pratique une politique d’ouverture culturelle et
envoie des ambassadeurs en Europe (1720/21 en France). Ibrahim Muteferrika publie de nombreux
ouvrages européens traduits en ottoman. La bureaucratie ottomane se sent menacée suite aux
développements de l’imprimerie.
C- Fiscalisme et autonomie

Apparition de soulèvements de pouvoirs locaux qui revendiquent leur autonomie face au pouvoir
ottoman qualifié de trompeur. C’est le cas de Tunis et Alger, dans lesquelles les dirigeants contrôlent
leur région et guerroient dans les régions alentours. Ailleurs, comme en Egypte, on retrouve des
castes militaires héréditaires qui occupent les postes de pouvoirs.
Zahir al Umar, marchand devenu militaire se fait reconnaître par l’EO comme gouverneur, installé à
Acre et étant indépendant. A la suite de la guerre face à la Russie, celui-ci hésite à garder son lien
d’obédience envers l’Empire. En 1775, le sultan demande paiement d’impôt.
La bonne santé politique intéresse les gouverneurs de provinces, le versement de l’impôt signalant la
continuité de la fidélité envers le sultan. La guerre contre la Russie montre une crise du système et
montre l’incapacité de l’Empire à prélever ses impôts et la colère de son armée (à cause du traité de
paix).

II- Entretenir l’armée et l’administration : djihad et cercle de la justice


A- Le djihad, un moyen de préserver la paix civile

Sur tout le long de la période, l’Empire montre sa capacité militaire aux puissances européennes et
durant ces conflits, le djihad montre un rôle certain. Il motive les entreprises guerrières. Les sultans
et les ministres s’efforcent de montrer leur fidélité au djihad.
La victoire en Crète vient contrebalancer le siège de Vienne et se trouve investi d’une ferveur
religieuse : le djihad change de sens et se transforme en un patriotisme musulman. D’abord car
défendu par une armée entièrement musulmane, et ensuite parce qu’il vise à permettre aux
musulmans de vivre sous la loi islamique.

Au XVIIe, changement de recrutement des corps d’élite de l’armée : le ramassage dans lequel on
prend des enfants, on les converti puis on les sélectionne au sein des écoles de formation change.
Leur progression au sein de l’armée était permise grâce au sultan -> dépendance vis-à-vis de celui-ci.
Cette formation va changer, les places au sein de l’armée vont pouvoir se monnayer -> augmentation
du nombre de révoltes. Création d’une forme de contre-pouvoir.

B- Un ordre moral traditionnel : le cercle de la justice

Les révolutions de palais sont respectueuses de l’ordre politique traditionnel, généralement elles se
réfèrent à la tradition et à la justice, et renvoient à une idée de philosophie morale : le cercle de la
justice.

III- Maintenir la paix civile : provisionnisme et pragmatisme communautaire


A- Le provisionnisme

L’Empire ottoman organise l’économie par le contrôle des prix. Ce contrôle des prix vise à
remplir deux fonctions:
- assurer le caractère abordable des denrées dans les villes: un moyen pour le sultan
d’assurer la paix civile en remplissant son devoir de faire vivre ses sujets;
- assurer la circulation des denrées qui, en raison des différences de fertilité et de
pluviosité à travers l’empire, sont produites très inégalement selon les régions. Il faut
donc donner un avantage à la circulation des denrées.
Pour assurer le mouvement des denrées, les prix fixés sont gradués d’une manière qui
rende avantageux aux marchands d’aller encore un peu plus loin pour vendre. Le système
des khan, les entrepôts le long des routes impériales, assure la sécurité des marchandises;
en revanche, il ne suffit pas à rendre intéressant la circulation des denrées: le bénéfice
d’aller vendre à distance par rapport aux risques est réduit par le contrôle des prix. D’où
l’établissement d’un niveau gradué des prix, calculé de façon à orienter les marchandises
des régions de production, le long des principales routes, vers les principaux centres de
consommation.

B- L’ordre communautaire

Dans l’Empire ottoman, tout le monde est identifié par son appartenance à une communauté
religieuse. Cela répondait au début de l’islam à la nécessité d’éviter le risque de mariages
contraires à la loi islamique, qui interdit à une musulmane d’épouser un non-musulman.
Mais dans l’Empire ottoman, la différenciation entre communautés religieuses remplit
d’autres fonctions.
Le maintien des différences entre communautés contribue à maintenir chacun à sa place
dans l’ordre social, conformément au cercle de la justice. La loi islamique crée une inégalité
formelle selon la religion, par l’impôt, le vêtement, et le droit: le témoignage de moralité des
non-musulmans vaut deux fois moins au tribunal que celui des musulmans… mais de fait ce
sont toujours les mêmes notables musulmans qui présentent ces témoignages au tribunal.
Du point de vue du gouvernement impérial, en tout cas, les musulmans sont réputés
occuper une place sociale et politique supérieure aux non-musulmans.
De plus, le gouvernement impérial maintient une hiérarchie implicite entre les communautés
religieuses: les Grecs orthodoxes sont les plus éminents parmi les non-musulmans, devant
les Arméniens, puis les Juifs.
Le rôle de ces distinctions est de rappeler à chacun sa place dans la société. Elles s’effacent
généralement dans la pratique quand l’ordre social n’est pas en jeu.
Mais du coup, le maintien ostensible de ces différences est une manière de maintenir l’ordre
social contre le risque des soulèvements populaires.
Document 6: Murad IV rétablit les mesures discriminatoires contre les non-musulmans de
façon à réaffirmer qu’il remplit son rôle de sultan contre le risque des insurrections et des
révolutions de palais.
Inversement, ces mesures sont l’objet d’un très vif ressentiment de la part des
non-musulmans. Et notamment parce que le rétablissement ponctuel de ces mesures est
souvent une façon de percevoir un impôt déguisé: les communautés non musulmanes sont
généralement prêtes à payer pour leur suspension. Ce qui est un bon moyen de renflouer
les finances d’une province ou de l’empire…
Mais ce ressentiment est porteur de risques structurels pour l’empire: il peut amener les
non-musulmans à se détacher de l’empire. C’est ce qui arrive en 1770 quand la flotte russe
arrive en Méditerranée et persuade les Grecs de certaines régions des Balkans de se
révolter. Ce qui accroît la pression sur l’armée ottomane, et hâte sa défaite.

CONCLUSION
Aux 17e et 18e siècle, les circonstances imposent plusieurs mutations dans le
gouvernement de l’Empire ottoman:
- politiquement, l’affaiblissement du rôle personnel du sultan; la tension pour le pouvoir
entre pouvoirs locaux ou provinciaux d’une part, et le divan de l’autre; la rivalité entre
les factions au sein du divan; mais ces tensions, pendant longtemps, ne représentent
pas un péril crucial pour l’empire, qui se maintient quoique de plus en plus
décentralisé;
- militairement, l’évolution d’un régime de recrutement très volontariste et violent, vers
un système fondé sur la vénalité et l’hérédité des fonctions au sein des corps
d’armées; cette évolution militaire change peu le fonctionnement de l’armée en tant
que telle, mais elle change beaucoup le rapport entre la société et le pouvoir
sultanien; elle impose au sultan et au divan de composer avec les demandes du
menu peuple urbain, et crée un contre-pouvoir informel au divan;
- l’allégeance des communautés religieuses non musulmanes commence à s’effriter;
mais les sultans se voient obligés de maintenir les discriminations formelles entre
musulmans et non-musulmans pour ne pas provoquer de protestations des
musulmans au nom de la défense de l’ordre social.
CHAPITRE 3 : Cataclysmes et tentatives de réformes (1774-1839)

Introduction :

A partir de 1774, on observe dans l’EO un enchainement de crises graves d’ordre militaire (guerres
qui se soldent par de lourdes défaites), mais aussi le contrecoup de ces guerres : l’état n’est plus en
mesure de maintenir l’ordre, et se multiplient les révoltes internes. Le pouvoir suprême (sultan)
apparait de plus en plus menacé, et ce qui le déstabilise sont des conflits entre groupes de pression
dans son entourage immédiat, le divan (le gouvernement, conseil des ministres). Ces crises
superposées sont perçues de l’extérieures comme vitales car l’EO semble sur le point de s’effondrer
(comme la Pologne, l’Empire Perse et Mongol). Vu d’Europe, il ne constitue plus une grande
puissance. Mais que va-t-il advenir de ses territoires ? Période vu dans l’historiographie comme les
début de la « question d’Orient » : problème international, EO semble condamné. Ces difficultés
semblent appeler un éclatement, qui semble appeler un expansionnisme des états voisins, qui rabat
les cartes en terme de puissance entre les état européens -> donc pas acceptable pour certains états,
et amènerait une guerre généralisée en Europe. L’éclatement de l’EO semble devoir se faire par la
constitution d’états-nations. Ce problème international va rester un des thèmes récurrents de la
diplomatie européenne jusqu’à l’éclatement de l’Empire. Période de tentatives de réformes, de
modernisations, et pas simplement de déclin. Les hommes d’état se posent de plus en plus la
question de l’origine de ces crises : interne ou externe.

Les mouvements séparatistes sont souvent appuyés par des puissances européennes, qui tirent parti
de leur avantage militaire pour faire pression sur l’EO, ce qui entraine des protestations à l’intérieur
de l’EO. Ces violences servent de prétexte à des nouvelles interventions européennes.

I- Diagnostiquer un déséquilibre militaire

Série de quatre guerres, qui se soldent par des défaites cuisantes des ottomans.
Première : 1768-74 face à la Russie, puis rejointe par l’Autriche.
1778 à 91 contre la Russie et l’Autriche.
1798 à 1801 : les troupes de Bonaparte occupent l’Egypte. L’EO la récupère avec un envoi massif
de troupes.
1806 et 1812 : contre la Russie qui tire prétexte d’une insurrection en Serbie dans les Balkans
pour intervenir contre l’EO.

Ces 4 conflits sont révélateurs de problèmes structurels, qqch dans l’armée ne suffit plus à
résister aux européens. Ces guerres se sont soldées par des crises économiques, pas très
durables et souvent antérieures à la guerre elle-même. Pour les hommes d’état ottomans il est
impossible de résoudre les problèmes militaires de l’empire indépendamment de ses problèmes
économiques.
L’état apparait incapable de remplir ses fonction de bases comme garantir la sécurité : beaucoup
de brigandage fait par des soldats majoritairement musulmans -> la population chrétienne est
mécontente.

A- Une série de guerres extérieures qui affectent de plus en plus la cohésion interne de
l’Empire
1774 : point de bascule historique. Jusque-là, les relation EO/états européens étaient relativement
égales, de puissance à puissance. A partir de là, les européens vont de plus en plus entrer dans les
affaires intérieures de l’EO, sous divers prétextes.

Guerre 1768/74 : guerre menée entre puissances. Origine de la guerre : le sort de la Pologne, qui est
à cette date frontalière de l’EO. Depuis le début de XVIIIe, la Pologne connait une crise politique
récurrente, liée à son système politique (monarchie élective). En 1768, l’éclatement de la Pologne
apparait une possibilité très probable. Pologne alliée de l’EO, qui se lance dans une guerre contre la
Russie, pour défendre l’autonomie de leur alliée, reconnue assez rapidement comme une erreur
stratégique par les dignitaires ottomans. Les armées européennes sont devenues redoutables en
imposant une discipline de fer à des effectifs massifs.
Drill  : transformation du soldat en moelle épinière. Ce modèle permet d’assembler des volumes de
soldats immenses. Ce n’est pas le cas de l’armée ottomane, organisée sur la polyvalence des soldats
et une approche en mode commando.

Ahmet Resmi Efendi fait un rapport sur la conduite de la guerre : leur technique va les conduire au
désastre et ils n’ont pas ce qu’il faut pour bloquer les armées Russes. Personne ne voit comment
sortir de la guerre sans une contestation massive des troupes. Il propose dans son rapport une vision
de l’histoire qui doit faire accepter l’armée et l’opinion publique la défaite. Le différentiel de
puissance militaire durant le conflit lui donne aussi une dimension intérieure. Révèle des conflits
politiques. L’EO n’arrive pas à s’assurer la fidélité des populations non-musulmanes. Révèle des
problèmes administratifs : on n’arrive plus à recruter assez de troupes, à lever les impôts (qui sont
levés sur place mais n’arrivent pas à Istanbul). Les états voisins s’aperçoivent de ces faiblesses.

Nouveau sultan en janvier 1774 : Abdul Hamid Ier, qui va entamer des pourparlers, qui finissent avec
le traité de Küçük Kaynarca et la cession à la Russie de la Crimée. Cette annexion pose un problème
de légitimité de l’EO : un état majoritairement musulman passe sous domination chrétienne.
Répercussion stratégiques : la Russie voulait avoir un port de guerre en Mer Noire, pour menacer
Istanbul, et un commerce rival s’installe donc. Le traité impose la création d’une ambassade Russe à
Istanbul -> outils d’espionnage. Ils demandent aussi des églises russes dans l’empire, qui à terme
vont servir à légitimer le droit de protéger les droits des chrétiens dans l’empire. L’empereur de
Russie impose au sultan de signer personnellement le traité, en qualité de calife (commandeur des
croyants), et il affirme donc par là continuer à protéger les musulmans passés sous tutelle russe. Le
sultan ottoman est amené à endosser officiellement le statut de calife, pour protéger les musulmans
passés sous tutelle russe. Conditions extrêmement lourdes, et leur acceptation est pour les état
européens un signe de faiblesse, et montre qu’il ne tient plus que grâce aux états européens.

Le Russie multiplie des guerres qui contribuent au grignotage du territoire ottoman. Catherine II agit
en 1768 et 1787, avec son projet grec, principalement pour démanteler l’Autriche, et en faire
plusieurs principautés. Projet mort-né car il engage des projets stratégiques d’autres puissances.

B- Les débuts de la menace coloniales : l’Expédition d’Egypte (1798-1801)

Différences religieuses jouent un rôle important. Pour Napoléon, la cocarde est juste un symbole
politique, non religieux. Il voit le refus des notables musulmans de la porter comme une rébellion
politique. Pour eux, c’est un symbole religieux. Après la défaite française en 1801, ils se retirent, et le
corps expéditionnaire envoyé par les ottomans va être envoyé et prend le dessus. Mehmet Ali Pacha
Kavalla se fait élire gouverneur ou vice-roi d’Egypte de 1805 à 1848.

C- Un Etat mis à nu par les guerres


Les guerres ont désorganisé l’état. Face à ces guerres, l’EO peine à centraliser ls ressources. La
bureaucratie administrative des européens nous donne à l’inverse l’exemple d’une structure stable
pour alimenter les armées tout au long des conflits. Levend : troupes irrégulières ottomanes.

L’Empire, du fait que beaucoup de gouverneurs de province soient devenus virtuellement


autonomes, est devenu centré autour du divan, qui mène le jeu. Fortes luttes de pouvoir, en
particulier entre les généraux d’infanterie et les amiraux de la flotte. Objectifs stratégiques rivaux qui
se traduisent par des guerres de factions autour du sultan. Cette guerre de faction au sommet de
l’état rend l’EO impuissant à encaisser de nouvelles protestations.

II- Le cercle brisé de la justice : rébellions et insurrections nationales

Les réformes invalident la manière de faire carrière, et c’est considéré majoritairement comme une
injustice par la population ottomane.

A- Des sultans réformateurs

Le sultan réaffirme un pouvoir personnel qu’il avait perdu, et la contestation va se tourner vers le
sultan en cas d’échec. Contestation motivée à la fois par le fait que le pouvoir s’exerce par faction. De
larges tranches de la société contestent les réformes de justice en cours. En 1783 est fondée une
école navale, qui vise à incorporer la tactique européenne dans la façon de faire ottomane. Soldats
ottomans sont polyvalents : ils ressentent ça comme une perte de compétences et donc une
injustice. La création d’écoles spécialisée repose sur la décentralisation. Crées dans l’entourage du
sultan. Selim III est entouré de réformateurs qui veulent créer une armée de conscription de masse,
qui impose des conditions préalable : il faut un corps d’officiers -> se pose la question de la
spécialisation des officiers et de la déqualification des soldats. Il faut nourrir l’armée et la munir, donc
réorganiser la fiscalité. Il faut donc centraliser la perception des impôts, mais on s’aperçoit vite que
c’est impossible car les notables entreront en conflit avec le sultan. IL faut donc créer une
administration centralisée de perception du trésor public, et donc créer des écoles pour former une
masse de fonctionnaires compétents et développer un système d’éducation de masse.
Pour créer une armée de masse, il faut donc créer de nombreuses institutions.

Les opposants se font entendre. Les janissaires s’opposent à ce qu’ils voient comme une réforme qui
dévalorise leur compétences : ils font suspendre le Nizam-i-Djedid et déposent le sultan en 1807.

Les réformes suscitent des hostilités d’ordre professionnel. Ceux qui s’y opposent le plus sont les
janissaires car ils y voient leur déqualification. En 1826, dernière grande révolte, suite à a une
réforme de l’entrainement.

B- Le temps des révoltes

Deux changements surviennent à la fin de la guerre. Mouvement de révolte des Serbes en 1804
derrière Kara Georges Pétrovitch : prise de conscience nationale des Serbes, exacerbée par les
diasporas. Ce modèle de révolution française va influencer les grecs et les serbes.

Dénonciation des exactions faites par les soldats. A l’époque, souvent insurrections chrétiennes. Ces
mouvements ne rencontrent pas tous le succès, les serbes obtiennent en 1812 une autonomie et les
grecs l’indépendance en 1830, grâce à l’aide des Russes. Idée pour la Russie et l’Autriche de créer
des nations-clientes.

C- Une crise du pouvoir redoublée par une crise économique


Les routes ne sont plus sûres, donc le provisionnisme n’est plus assuré. Dettes à cause des guerres,
mais les réformes fiscales entreprises dans les années 1790 fonctionnent.

III- La fin du « Deuxième Empire » (Baki Tezcan) : réformer sans contre-pouvoir


A- La tentative constitutionnaliste des notables

Les sultans reprennent la main politiquement et exercent un pouvoir personnel, qui s’exerce après
1826 sans contre-pouvoir apparent. La situation territoriale est assez préoccupante pour que les
notables de province s’en mêlent. Ils vont prendre le parti des réformes car ils ont peur de perdre
leur territoires si occupation russe.

Ils vont vouloir imposer au sultan un système constitutionnel en échange de leur soutien au sultan : il
devra consulter les gouverneurs de province pour l’adoption de politiques générales -> réunion dans
une chambre parlementaire : début de pouvoir constitutionnel qui affaibli le pouvoir du sultan.
Début 1810, Mahmoud II se débarrasse des gouverneurs trop puissants pour lui.

B- « l’événement heureux » et l’élimination des contre-pouvoirs

En Epire du Nord, l’ordre public failli, ce qui va conduire à l’adhésion aux revendication nationales.
L’état musulman a choisi de piloter une renaissance grecque : promeut le grec moderne et joue un
rôle central dans la renaissance culturelle. En 1819, Mahmoud II estime que Tepeleni Ali Pacha lui fait
de l’ombre alors il veut l’éliminer. Guerre d’indépendance grecque en Février 1821. Elle va jouer un
rôle cruciale dans l’histoire de l’EO car premier mouvement nationaliste qui va aboutir à une
indépendance avec le traité de Londres en 1827. Cette guerre est menée avec les troupes réformées
de l’Egypte, car les troupes ottomanes ne sont pas mobilisables à cause du désordre dans l’empire.

Le 15 Juin 1826 : fait proclamer un entrainement à l’européenne au janissaires, qui ne l’acceptent


pas et se font donc éliminer. Suppression du dernier contre-pouvoir organisé.
Chapitre 4 : L’Etat réformateur (1839-1876)

BIBLIOGRAPHIE :
• Frederic HITZEL, Le Dernier siècle de l’Empire ottoman, Paris, Les Belles Lettres,
2014, I (“L’histoire”), p. 23-46; III, (“L’organisation politique et sociale”), p. 83-118.
• Marc AYMES, ‘Un Grand progrès - sur le papier’ Histoire provinciale des réformes
ottomanes à Chypre au XIXe siècle, coll. “Turcica”, Louvain, Peeters, 2010.
• Francois GEORGEON, “L’Empire ottoman: retour sur la gestion politique d’un
espace pluriel”, Confluences Méditerranée, no 105/2, 2018, pp. 13-22.
URL: https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2018-2-page-13.htm
• Philippe PETRIAT, “D’une histoire locale a une histoire mondiale du massacre de
Djedda (1858)”, Hypothèses, 17/1, 2014, pp. 115-128.
URL: https://www.cairn.info/revue-hypotheses-2014-1-page-115.htm

Introduction :

Période des réformes : tanzimat (réorganisation). Importance de l’échec du Tanzimat pour l’EO :

- Cet échec a créé un état moderne fonctionnel puisque l’EO a fini par éclater,
- C’est un échec immédiat à garantir la paix publique qui s’achève dans des conflits,
- Echec de l’adoption d’un système constitutionnel qui établirait les responsabilité
respectives de tous les membres des institutions, du moindre fonctionnaire jusqu’au sultan.
L’objectif est que l’état n’abuse plus de son pouvoir et gouverne mieux.

Réformes en flux tendu, mais élaborent progressivement un édifice d’état : des institutions, des
ministères, des administrations publiques et même un Parlement. Elles vont dans un sens clair :
construire un état ottoman inspiré des états qui marchent à l’époque (la France et la Grande-
Bretagne). Longue période d’insurrection et d’opposition à ces réformes, venant de toutes les
communautés. On peut donc se demander si ces réformes ont accompli leur but. Quels sont les
objectifs de ces réformes ? Qui sont les réformateurs ? Comment vont-ils s’y prendre ? Ces
institutions sont restées solides car on les retrouves encore de nos jours à certains endroits.

Le manque de personnel va rendre l’application de ces textes progressive et au cas par cas. Les
réformes prises à la période étudiée vont s’appliquer seulement dans les décennies suivantes, même
après l’EO. Ces réformes sont donc appliquées dans la durée, et sont en réalité très solides car on
retrouve des organisations au Liban et en Turquie actuels qui ont été adoptés durant cette période.

3 objectifs :

- consolider l’empire en forgeant un sentiment national/patriotique ottoman (dirigé contre les


mouvements séparatistes) ;
- Donner à l’état les moyens d’agir de façon centralisée et donc de créer une chaîne
administrative qui aille partout dans l’EO, et des instruments de transmission ;
- Discipliner et rendre productive la population ottomane.

Cause des réformes : risque d’éclatement de l’EO -> nécessité de réagir en essayant de créer un
sentiment d’appartenance commun.
Acteur, principal réformateur : administration de + en + centralisée.
Conséquences : l’Eo devient de plus en plus uniforme.
I- La concurrence des « communautés imaginées » : ottomanisme contre nationalisme

Thèse de Benedict Anderson. Théoricien important du nationalisme au XXe s qui se demande


comment des gens qui au quotidien n’avaient pas d’attaches communes pouvaient se sentir
citoyens et se mobiliser au nom d’une nation. Pour lui cette idée de nation va se construire au fil
du temps, elle n’existe pas depuis toujours et va parfois être produite délibérément. On ne se
sent pas automatiquement sujet ottoman, faire naître le sentiment que l’on partage des intérêts
essentiels avec des inconnus est un processus historique. La presse, le travail des historiens, les
institutions/mouvements politiques ont été les instruments selon lesquels les gens se sont sentis
citoyens. Construction d’un espace public commun : possibilité de débattre en commun sur les
idées -> médias, récit commun qui puisse donner une compréhension au fait que l’on
appartienne à un dessin historique commun. Difficile de surmonter la conscience de différence.
Pour cela, les ottomans prennent en compte les différences de langues et de religions dans
l’Empire, et vont regarder ce qui se fait ailleurs, notamment en Autriche. L’Autriche accepte que
les Hongrois, Tchèques et Slovènes aient leurs propres royaumes, écoles, provinces, etc, à
condition d’être des sujets loyaux de l’empereur qui leur amène des fonctionnaires, des chemins
de fer, le télégraphe, etc. Il faut donc les convaincre que faire partie de l’état apporte un certain
nombres d’avantages.

A- Un Empire menacé de l’intérieur ou de l’extérieur ?

L’EO s’engage en 1839 dans des réformes qui ne se feront pas tout de suite les armes à la main. On
va d’abord essayer de convaincre les habitants de respecter les nouvelles lois avant d’envoyer
l’armée. On va éviter de diviser la population à travers ces réformes :
-> passe par un édit de réformes, adopté en Novembre 1839 (édit du tanzimat). Il dit que la sécurité
des habitants de l’Empire est sacrée (on ne va pas gouverner en envoyant l’armée partout). Le droit
des personnes suppose qu’elles soient égales en droits (on applique pas la loi de manière différente)
et en devoirs (tout le monde doit contribuer à l’armée, à l’impôt).

Les réformateurs ont senti un péril immédiat intérieur : il fallait éviter que l’adversaire intérieur
(l’Egypte) puisse recruter des soutiens chez les ottomans déçus par les réformes.
La menace extérieure ne disparait pas mais les conquêtes extérieures deviennent plus rares. Elle
passe par l’intermédiaire des mouvements séparatistes intérieurs. Désormais, elle est plus la Russie
ou l’Autriche soutenant le nationalisme serbe que l’armée russo-autrichienne occupant une partie du
territoire ottoman.

Ce qui déclenche les réformes : différence de personnel.


Abdül Medjid Ier (r. 1839-1861) : essaie d’afficher une image plus acceptable, moins autoritaire du
pouvoir sultanais. Il s’entoure immédiatement de hauts fonctionnaires conscients des échecs des
réformes autoritaires antérieures.

Autres menaces extérieures :


Guerre égypto-ottomane (1839-1841)
-> 24 Juin 1839 : EO se fait battre à la bataille de Nezib. Le gouverneur d’Egypte (Mehmet Ali Pacha)
est considéré comme la menace principale, la menace intérieure : c’est un ottoman qui veut
réformer l’Empire de l’intérieur. Suite à une expédition européenne en 1840-41, il va être réduit au
gouvernant autonome et héréditaire de l’Egypte (indépendante en 1840, effective en 41), et l’EO
récupère la Syrie. Période de troubles.
2 guerres civiles au Liban (1842 & 1845).
EO affaibli aussi dans les Balkans : insurrections, tentatives d’affirmation d’états nationaux.
En Serbie : le ministre Garasanin explique en 1844 que deux forcent tendent vers la destruction de
l’EO :
- Le principe de la conquête : la Russie et l’Autriche voyant l’EO affaibli commencent à avoir des
objectifs de conquêtes dans l’EO.
- Le principe de la nationalité : volonté des populations intérieures ottomanes de former des état-
nations.

DOC1 :

Idées de Garasanin : les Serbes doivent compter sur eux-mêmes et pas sur le soutien de le Russie
pour réaliser leurs objectifs politiques.
En réalité : les nationalistes serbes vont appliquer exactement l’inverse : ils vont fournir un modèle et
pousser les ottomans à la répression -> scandale en Europe qui va justifier une intervention
européenne et donc réaliser les objectifs nationaux serbes.

A l’époque, les puissances européennes sont très hostiles à ce principe de nationalité car elles y
voient un principe de déstabilisation européenne qui va menacer les empires européens. On ne peut
le laisser exister dans l’EO sans qu’il ait de répercussion dans les autres empires.

B- Les égalités en droit et ottomanisme

Les réactions ottomanes aux insurrections sont de trois ordres :

- Réaffirmer la justice de l’ordre ottoman : égalité à la fonction : abolition


- Créer un contrefeu au mouvement nationaliste (l’EO va garantir l’égalité en droit donc pas
besoin de le quitter)
- Forger un patriotisme ottoman commun : l’ottomanisme.

L’édit de réformes de 1839 et le rescrit impérial de 1856 (qui réaffirme les principes de l’édit de
réformes de 1839) :
But central : réaffirmer la justice de l’ordre ottoman.
Principes : la réforme se fait au nom de la justice islamique traditionnelle : le sultan défend la loi
islamique qui est une loi de justice, en se démarquant de tout usage de la violence pour faire
appliquer les réformes.

L’édit de 1839 affirme des principes nouveaux sous couvert de tradition :

- Egalité d’accès à la fonction publique qui passe par la suppression de la distinction politique
entre le peuple (re’aya) et les serviteurs de l’état (asker).
- Egalité en droit et devoirs de toutes les communautés religieuses.
- Egalité dans la conscription qui doit être pratiquée de manière égale entre tous les
territoires de l’EO et les musulmans.

Le rescrit impérial de 1856 vient au terme de la guerre de Crimée, qui opposait à l’origine l’EO à la
Russie. Au moment du traité de paix en 1856, on demande à l’EO, en échange de l’intégrité
territoriale, des réformes qui prévoient une réaffirmation de l’égalité en droit indépendamment de
religion :

- Plus de perception d’une taxe spécifique sur les non-musulmans : abolition de la djizya.
- Interdictions vestimentaires ou culturelles abolies, comme par exemple faire sonner les
cloches au moment de la messe.
- En contrepartie, les non-musulmans doivent être eux aussi conscrits dans l’armée. Les
chrétiens vont préférer payer un impôt du même montant que la djizya pour continuer à être
exemptés du service militaire.

Puis, de couper l’herbe sous le pied des nationalistes : on va présenter la continuation de l’ordre
impérial ottoman comme avantageuse pour tous car il garanti l’égalité en droit. Est mis aussi en
avant le fait que l’EO peut proposer des services beaucoup plus performants que n’importe quel
autre état naissant.

MAIS l’égalité en droit n’est pas perçue par tout le monde comme un principe juste. La tradition
islamique créé des hiérarchies : le témoignage d’un juif ou d’un chrétien vaut par exemple moins que
celui d’un musulman. Cela a à la longue créé le sentiment que chacun a une place et doit y rester.
Pour beaucoup de musulmans dans les années 1850, l’égalité en droit est perçue comme un
avantage de plus pour des gens déjà vus comme privilégiés (protégés par les puissances
européennes. Cela conduit à des émeutes dès la suite de l’édit de 1839 et surtout après le rescrit de
1856, surtout contre les chrétiens liés économiquement à l’Europe : à Alep en 1850, à Naplouse en
1854 et à Djedda en 1858.
Pour les non-musulmans, l’égalité en droit et en devoir est embarrassante car ils doivent aller à
l’armée.

L’égalité en droit ne réduit pas les inégalités de fortune. Or, les nationalistes sont souvent motivés
par une volonté égalitaire et s’en prennent aussi bien aux autorités ottomanes qu’aux élites locales.
Exemple du Liban.

Les nationalistes serbes et roumains affirment l’égalitarisme de leur nationalisme ; il est beaucoup
plus difficile à l’EO de proposer quelque chose contre ça. Il y a l’affirmation d’un patriotisme ottoman
qui repose sur un certain nombre de réformes :

- Edit de réformes de 1839 + rescrit impérial de 1856 -> principe d’égalité en droit.
- Création d’une nationalité commune en 1869 : l’égalité se trouve sur la base des origine et
non plus de la religion.
- Loi d’instruction publique (1869) qui vise à généraliser l’éducation. En réalité, juste une
mince minorité est concernée par les écoles publiques créées. Instruction publique = moyen
d’inculquer un sentiment d’appartenance commune.

DOC 2 :

Explique qu’en Europe on voit les insurrections comme des réactions de non-musulmans à une
oppression ottomane alors que les insurrections viennent de partout. Les musulmans sont solidaires
de l’EO car ils n’ont nulle part ailleurs où aller. Pour Mustafa Fazil Pacha, les réformes doivent aussi
aboutir à une réforme du système politique pour mettre fin à cette oppression. Le terme logique des
réformes doit être un régime constitutionnel qui représente tout le monde.

II- Les administrations, avant-garde et moteur de la réforme


A- La continuation des réformes centralisatrices par en haut

Il y a une continuation des réformes par le centre et par en haut, forte continuation du
programme de réformes élaborées dès les années 1790. Les reformes des années
1839/1876 continuent essentiellement à appliquer le programme du Nizam-i Djedid de la
dernière décennie du XVIIIe siècle.
Idées du Nizam-i Djedid : à partir de l'idée qu'il fallait consolider militairement l'EO, on
s'apercevait que les besoins de l’armée entrainent le besoin d'une réforme globale de
l’Etat pour financer l’armée, lui donner des cadres, des officiers compétents dans les
différentes spécialités nécessaires à l'armée, instruire les soldats, etc... Il fallait
développer massivement le périmètre de l’État. C'est ce à quoi s'emploient les
réformateurs du milieu du XIXe siècle. La différence est qu'ils le font désormais en
copiant des méthodes des administrations européennes.

DOC 3 :

B- Des réformes empruntées

On emprunte des techniques qui marchent. On va emprunter des principes d’organisation à la


France et la Grande-Bretagne. Exemple de la loi des Vilayet : applique le principe du découpage en
départements de la France révolutionnaire. Dans chaque vilayet, il y a un territoire avec un
gouverneur qui a exactement le même pouvoir qu’un préfet, il est là pour faire appliquer les
décisions de l’administration centrale. Seulement, dans l’EO les surfaces étant plus grandes, l’état est
beaucoup moins accessible.

C- Des réformes « sur le papier »

Ces emprunts extérieurs posent parfois un problème politique. Mais, le plus souvent, les réformes
ne font pas l’objet de résistances aussi violentes que celles qu’à rencontré le rescrit de 1856 ou celles
que la loi des vilayet rencontre à Bagdad. Les réformes sont largement inapplicables, se sont des
réformes sur la papier. Exemple des nizamiyes : pour appliquer les nouvelles lois, on créé en 1877 de
nouveaux tribunaux, qui vont rester vides des années car personnes n’est formé pour les faire
fonctionner -> la population va alors retourner dans les tribunaux islamiques.
Ainsi commence à s’opérer le passage à un état territorial, qui va durer beaucoup plus longtemps que
cette période de réformes.

III- De l’Etat patrimonial à l’état territorial

Etat patrimonial = pas de territoire homogène sous l’autorité du pouvoir politique mais des bouts
de territoires qui chacun font allégeance à une même autorité politique centrale
indépendamment des uns les autres.
Etat territorial = sous la force de la centralisation de l’état, il applique la même politique partout,
état « unifié ».

A- L’objectif de l’Etat territorial

Objectif = unifier le territoire ottoman pour éviter qu’il ne se divise. L’objectif de l’état territorial est
poursuit de manière délibérée. Ce n’est pas un processus historique inconscient mais un but.

Conséquence de la centralisation : effort de l’EO pour réaliser cet état territorial en remplaçant le
personnel dirigeant. Il va y avoir une administration de province qui va répondre devant une
administration centrale, elle n’est pas autonome. Cela passe notamment par la développement des
capacités militaires pour intervenir et désarmer ces notables. Cela passe aussi par une capacité de
contrôle en temps réel : arrivée et expansion du télégraphe. Il va permettre à l’administration
centrale de récolter des rapports sur l’ordre et la santé publics, la situation militaire, etc. Cela permet
aussi d’envoyer des moyens s’il y a besoin en urgence -> réagir de manière efficace. En 1878, le
réseau télégraphique ottoman est par la longueur le 7 ème au monde =
effort d'investissement dans cette technologie pour contrôler le territoire.

Former un état territorial passe par la création d’un organigramme des administrations publiques..

PB des hommes d’État ottomans :


• L'image de répression violente face au mouvements armés nationalistes va dépasser dans
l’imagination la valeur des services nouveaux fournis par l 'EO. Il investit, il développe le télégraphe
mais aussi les chemins de fer, sécurise les routes mais par rapport à la répression des mouvements
nationalistes c'est finalement peu de chose et il ne réussit pas à remporter la concurrence politique
avec les nationalistes.
• Ce manque de personnel dans les administrations publiques. Que faire ? Essayer de pousser les
gens a s'auto-discipliner, à faire des actions qui vont leur permettre à terme de ne pas avoir besoin
de certains services. Cette idée a été résumée par les historiens comme la politique des populations.

B- La politique des populations

Il poursuit aussi un autre but : discipliner sa population, pour lui inculquer des notions d’hygiène, la
rendre plus saine et plus productive, autocontrôlée, et par là mieux à même de soutenir l’effort de
défense de l’empire. Nouvelles institutions : service militaire, extrêmement disciplinaire. IL n’est pas
encore universel mais touche de plus en plus de monde. C’est déjà un moyen de former les gens à
être efficaces et hygiéniques.

La discipline passe aussi par l’école. Les écoles ottomanes vont avoir des règles très strictes sur les
horaires, les activités…D’autant plus vrai que la plupart sont des écoles militaires. Cependant, ces
écoles offrent peu de place : elles sont concentrées dans les villes, ce qui renforce une opposition
entre villes et campagnes sur le plan éducatif. Loi d’instruction publique : 1869.

Réforme du droit foncier en 1858 (code foncier) : étend le domaine de la propriété privée, facilite
leur acquisition. On essaye de discipliner les gens par la concurrence commerciale, de rendre leur
propriété productive pour faire fortune et devenir des citoyens pleinement productifs.

La politique des populations passe aussi par la meilleure connaissance des habitants de l’EO ->
recensements. Cela va susciter de fortes résistances, notamment car beaucoup ont peur de devoir
aller au service militaire et payer les impôts. Au début, il a véritablement une visée de connaissance
de la population, puis il va peu à peu désigner la connaissance des populations à exclure, qu’il faut
discriminer, ce qui arrivera dans les décennies suivantes.

Conclusion : continuité des objectifs premiers des réformes. On s’approprie des techniques venant
de l’extérieur qui fonctionnent. Plus appropriation qu’imitation, qui est valide dans la longue durée.
L’Europe devient le modèle principal, ce qu’elle n’était pas. Les hauts fonctionnaires veulent
transformer l’EO en un état centralisé en employant des techniques britanniques et françaises. Cet
objectif est poursuivi par tous les moyens, y compris la violence : l’Etat en a besoin pour survivre et
se transformer.
CHAPITRE 5 : Réaction ou consolidation ? Empire hamidien (1876-1908)

BIBLIOGRAPHIE :

Olivier BOUQUET, Les Pachas du sultan. Essai sur les agents supérieurs de l’Etat ottoman (1839-
1909), Louvain, Peeters, 2007
François GEORGEON, Abdülhamid II. Le sultan calife, Paris, Fayard, 2003

Introduction :

La période hamidienne divise les opinions. Abdülhamid II (1842-1918 r : 1876-1909 ). Perceptions de
lui très contrastées. Il y a d’un côté ses successeurs immédiats qui le diabolisent en en faisant
l’incarnation d’une réaction autocratique et étroitement religieuse dans l’histoire des réformes de
l’EO du XIXe s. Désigné comme réactionnaire. Image du sultan boucher qui va finir par s’imposer
suite aux « Massacres hamidiens » (1893-1897).
A l’inverse, pour des mouvements politiques contemporains, il représente un certain retour à une
authenticité islamique et une lutte contre la colonisation du monde musulman. Ils lui font dans ces
cas-là crédit de son ingéniosité diplomatique pour éviter à l’empire de passer sous tutelle.
Le règne a été agité car le personnage du sultan suscite des passions contradictoires car il est
complexe, mais aussi parce que son règne est caractérisé par une période à la fois de stabilité et
d’accumulation de tensions. La fin de son règne s’est traduite par un déchaînement de violences,
notamment parce qu’il n’a pas laissé exister les moyens de tempérer les conflits, qui peut être
auraient remis en question l’unité de l’empire, mais de manière moins violente. Il a voulu préserver
l’unité et l’autonomie de l’empire ce qui ne l’a pas empêché après sa déposition d’être en proie à des
tension et ambition coloniales.

Les massacres hamidiens explosent en 1894 . Evènements de Crète (1866-1868 ; 1897) : vague de
violence qui va conduire à une présence militaire européenne dans l’ile jusqu’à son rattachement à la
Grèce. Dans les Balkans, en Macédoine, on retrouve des nationalistes qui persuadent une partie de
l’armée que le sultan est responsable de cette instabilité. Cette période est rejetée par les laïcs, car
l’idéologie dominante : panislamisme : défense de l’autonomie des états musulmans, et en interne
une forme de chauvinisme musulman, qui accusait le gouvernement de favoriser les chrétiens.

Dans le monde arabe : rejet de la période hamidienne, vue comme tyrannique. Revalorisation du
règne hamidien depuis les guerres récentes dans le mone arabe.
Juste après sa déposition, il est peint comme le méchant. S’impose alors l’idée qu’il a été entouré par
un nombre de conseillers qui l’ont amenée à prendre des décisions au détriment de l’intérêt collectif
de l’empire. Idée difficile à effacer car c’est vrai : il s’est entouré de conseillers pour contourner les
mécanismes de l’état ottoman tel qu’il avait été réformé les années précédentes : les conseillers sont
là pour contourner les actions des ministères.

Notre but est de nous interroger sur son influence sur les constructions étatiques ultérieures:
consolidation de l’appareil étatique, en poursuivant les réformes? Ou bien affaiblissement par
obsession de maintenir l’unité territoriale de l’Empire, rendant impossible les transactions qu’aurait
permises un régime constitutionnel?

I- Enrayer le morcellement

Période de troubles, on ne sait pas ce qu’il s’est passé lors de la mort de son prédécesseur. 7
première années : années de crises récurrentes, caractérisées comme « un épuisement progressif
des solutions alternatives au pouvoir personnel du sultan », donc au retour à l’autocratie
sultanienne. La puissance de l’état réside dans la capacité de coordonner le pouvoir de nombreux
individus. Pour n’importe quel pouvoir il faut des fidèles prêts à soutenir celui qui incarne le pouvoir.

A- Crise d’orient et tentative constitutionnelle (1876 1883)

Crise multiforme. Abdülhamid II arrive sur le trône en 1876 dans une période troublée, début de ce
qu’on va appeler la « crise d’Orient » : crise économique et alimentaire, violences à caractère
nationaliste, succession rapide sur le trône.
Crise économique mondiale (1873) : krach de Vienne, qui va se répercuter à travers le monde, car de
nombreux états s’étaient unifiés et investissaient dans leurs administrations. Va entraîner une crise
de la dette souveraine et alimentaire en 1875 : manque de blé dans les Balkans. L’état ne réussit plus
à payer ses fonctionnaires : menace d’une banqueroute et mise sous tutelle (comme Egypte). Des
nationalistes profitant du manque de moyens et du désordre, voyant leurs intérêts facilités par le
mécontentement de la pop, se révoltent : Bosnie en 1875 et Bulgarie en 1876 : actions massives,
pour déclencher une grosse réaction militaire et ensuite une intervention internationale. Révolte
bulgare écrasée dans le sang.
Succession rapide au trône: les protestations à Istanbul fin mai 1876 amènent la déposition du
sultan Abdül Aziz, “suicidé” trois jours plus tard. Son successeur et neveu, Murad V, incarne le
pouvoir des partisans d’un système constitutionnel. Mais il tombe bientôt dans la dépression
nerveuse et est remplacé par son frère Abdülhamid II. Toute la crise d’Orient articule ces trois
facteurs: crise économique, qui fait courir le risque de la mise sous tutelle financière; une crise
intercommunautaire liée à l’influence grandissante des nationalismes à travers l’empire, des Balkans
en Syrie et en Egypte, et à la peur de la colonisation chez les musulmans de l’Empire; une crise
politique de l’exécutif qui recentre le pouvoir autour de la personne du sultan.

Etapes de la crise :

- Juin 1876 : mise sous tutelle financière de l’Egypte


- Décembre 1876 : conférence de la corne d’or pour éviter la guerre et proclamation de la
constitution ottomane. Création d’un parlement, d’un gouvernement nommé par le sultan,
et le sultan a des responsabilités financières et doit séparer son budget personnel du budget
impérial. Abdülhamid a fait son possible pour moderniser l’économie, et en retirer les profits.
- Février 1877-Mars 1878 : guerre russo-turque
- février 1878 : suspension du parlement et de la constitution par le sultan, qui devient une
tribune pour les nationalistes, et mise à l’écart des hauts-fonctionnaires et réformateurs du
Tanzimat.
- Mars 1878 : traité de San Stefano imposé par la Russie. Il va transformer la Turquie d’Europe
en Bulgarie liée à la Russie et quasi indépendante, ainsi que le Monténégro et la Serbie. Il
laisse la marine de guerre russe passer librement les détroits.
- Mai-Juillet : congrès de Berlin. La Serbie et la Roumanie sont transformées en états
indépendants. Chypre cédée à la Grande-Bretagne en protectorat et Bosnie-Herzégovine
occupée par l’Autriche-Hongrie.
- Août 1881 : décret de Mouharrem, qui instaure l’Administration de la Dette Publique
ottomane, administrée comme une société anonyme par des délégués des principaux pays
créditeurs et de l’Empire. Le sultan va passer un accord avec les principaux créditeurs
d’Europe : il va transformer les bons du trésors en actions d’une « compagnie privée » qui va
gérer les administrations de l’état. Devient un instrument de modernisation de l’économie
ottomane.
- Octobre 1881 : révolte nationaliste en Egypte sous un militaire, Urabi Pacha
- Juin-Septembre 1882 : occupation coloniale de l’Egypte par la Grande-Bretagne ; mise à
l’écart de la famille vice-royale d’Egypte comme concurrents du sultan.
- 1883 : pouvoir personnel du sultan. Son office, le Mabeyn, supplante les ministères.

B- Une chappe de plomb sur les divisions de l’empire

Règne d’Abdülhamid II marqué par un souci de contrôler les tendances à la division et de valoriser
l’islam comme religion de la “nation souveraine” de l’Empire. Plusieurs
manifestations:
- La répudiation du constitutionnalisme: la constitution ottomane était le grand espoir des
réformateurs du milieu du siècle pour populariser l’ottomanisme, le patriotisme unitaire
ottoman. Le bref épisode constitutionnel en 1876-1878 s’est révélé désastreux aux yeux du
sultan: il n’a pas empêché la guerre et la défaite; il a fourni une tribune aux critiques les plus
virulents du sultan, et surtout aux nationalistes balkaniques.
Après 1878, Abdülhamid II et le Mabeyn s’arc-boutent contre sa restauration, demandée par
tous leurs opposants. Mettent en avant que le rétablissement du parlement amènerait avec
certitude la partition de l’Empire.
Cependant, Abdülhamid II ne rejette pas entièrement l’expérience: il continue à nommer des
sénateurs, calqués sur la chambre des lords anglais. Le sénat ne se réunit pas, mais ces
nominations montrent que le sultan cherche à trouver une formule institutionnelle
permettant le débat sur les orientations politiques.
- Le panislamisme: un patriotisme musulman imprègne le régime. Il comporte trois
aspects:
1/ une relative mise à l’écart des non-musulmans, nommés moins nombreux que
naguère dans la haute fonction publique;
2/ une politique extérieure qui valorise le sultan comme calife, et donc défenseur des
musulmans contre la colonisation; Abdülhamid II exerce régulièrement un bluff face
aux conquêtes coloniales européennes dans le monde musulman, en menaçant
d’appeler au djihad; ce qui sème l’inquiétude dans les administrations coloniales
françaises, britanniques, néerlandaises et russes;
3/ l’affirmation d’un patriotisme et d’un moralisme islamiques à l’intérieur de la société
ottomane. Abdülhamid II fait observer publiquement le ramadan et l’interdiction de
l’alcool dans les administrations, même s’il ferme les yeux sur le comportement privé
des fonctionnaires. Le régime se traduit aussi par le retour d’expressions de
supériorités des musulmans face aux “dhimmis”.

C- Le retour de la « politique des notables » (Albert Hourani)

Le troisième volet de la politique de consolidation du territoire de l’Empire est le retour à un système


traditionnel d’allégeance au sultan. Des notables influents dans les provinces remplacent aux plus
hautes fonctions les fonctionnaires du Tanzimat. L’objectif de ces recrutements, notamment dans les
provinces arabes, est de consolider la loyauté de leurs régions d’origine en jouant sur leur influence,
et leur capacité à canaliser vers ces provinces les financements publics. A charge pour eux de veiller,
aussi par la violence, à l’ordre public par leurs réseaux : ce que l’historien Albert Hourani a appelé
« la politique des notables ».
L’autre aspect est le maintien des l’ordre dans les provinces par des notables représentant des
groupes ethno-communautaires, généralement musulmans. En particulier les notables des
populations musulmanes réfugiées : vagues de réfugiés à partir de 1858 depuis le Caucase, et de
1878 pour les Balkans.
Abdülhamid II s’appuie aussi sur les population kurdes, musulmanes, dont les chefs jouissent
souvent d’une autonomie ancienne à l’intérieur de l’Empire ottoman. Ne pouvant les recruter dans
l’armée face à leur résistance violente, il décide de les intégrer tels quels, en conservant
l’organisation hiérarchique de leurs tribus, dans des régiments à part : les régiments Hamidiye. Ces
régiments sont organisés verticalement comme l’armée ; mais leurs hiérarchie est celle qui vaut à
l’intérieur des tribus. Les conflits de voisinage ente Kurdes et Arméniens sont transposés dans ces
régiments, qui jouent un rôle funeste dans les massacres des années 1893-1897.

Document 1 : illustration noire de cette politique des notables, les notables musulmans anatoliens
jouent un rôle majeur dans les massacres. Rôle souligné ici par Paul Cambron. Causes sociales
multiples des massacres, en plus de l’influence du panislamisme. Mais pour le sultan, ils facilitent la
marginalisation des mouvements nationalistes révolutionnaires arméniens, et la remise à leur place
de Arméniens dans une position de dominés. Mais pas clairement piloté par l’état, qui s’en défend et
prétend réprimer les auteurs. En réalité, répression factice : la justice ottomane protège les notables,
militaires et fonctionnaires qui sont identifiés comme les instigateurs des massacres. Et ce, bien que
sur le moments, les fonctionnaires provinciaux soient conscients du risque d’une intervention
européenne. Qui n’a pas lieu, car Abdülhamid réussit en définitive à opposer les puissances
européennes entre elles. Comment ?

II- Neutraliser les ingérences et les intérêts extérieurs


A- Le « système pénétré » (Leon Carl Brown)

La principale difficulté pour l’Empire ottoman ne consiste pas encore à résister à la


colonisation mais à conserver une marge de manœuvre intérieure. Celle-ci est limitée par
ce que Leon Carl Brown a appelé le “système pénétré”: à savoir, le haut degré d’influences
extérieures tant politiques qu’économiques. On peut le décliner comme ceci:
- Le parrainage par des puissances européennes de toutes les options à l’intérieur de la
sphère politique ottomane:
1/ Les nationalismes séparatistes, balkaniques et plus tard arméniens, sont cooptés
par la Russie et l’Autriche-Hongrie qui cherchent, sinon à s’étendre, du moins à
former des Etats-tampons qui soient leurs clients, entre eux et l’Empire ottoman;
mais la France et la GB appuient discrètement les mouvements nationalistes dans le
Levant arabe;
2/ L’ottomanisme, soit le maintien d’un empire multiconfessionnel et le
développement d’un Etat de droit et constitutionnel, était parrainé par la France et la
GB avant 1878, moins ensuite; cette option a largement été enterrée par l’Allemagne
au nom du réalisme des rapports de force régionaux en 1878; elle demeure
cependant une tendance diplomatique durant le reste du règne d’Abdülhamid II;
3/ L’autocratie ottomane, appliquée par Abdülhamid II après 1878, est encouragée
par la Russie tsariste: celle-ci a très mal pris le bref épisode constitutionnel ottoman,
dans un empire qu’elle estime bien en retard sur elle-même.
- La captation des principales sources de valeur ajoutée liée au commerce
international et à la construction d’infrastructures dans l’empire:
1/ Les capitulations: la protection européenne sur des ressortissants européens et
sur des sujets ottomans non musulmans protégés, permet à ces derniers de capturer
le commerce avec les pays industrialisés et de profiter de l’économie interlope. Le
panislamisme se nourrit du ressentiment contre les protégés capitulaires, assimilés
aux communautés non musulmanes dans leur ensemble; le nationalisme turc fera de
même après 1908;
2/ L’exportation d’experts et de capitaux pour construire les infrastructures de l’Etat
moderne: e.g. le télégraphe, instrument de gouvernement dont la construction
accélérée donne à l’Empire ottoman le 7e réseau mondial par la longueur en 1878.
C’est le résultat d’une volonté et d’un investissement national ottoman. Pour les
postes et les chemins de fer, en revanche, les compagnies nationales se forment en
fonction de la nationalité de l’investisseur principal: plusieurs postes coexistent, et le
réseau ferroviaire change de nationalité d’une région à une autre. Pas seulement
une affaire d’argent, mais aussi de savoir-faire: les Ottomans ne peuvent encore
aligner les ingénieurs susceptibles de mener à bien ces travaux. La ligne de chemin
de fer Damas-La Mecque vise précisément à montrer que la formation du personnel
technique est en cours; mais même après sa réalisation, les ingénieurs occidentaux
dominent les secteurs de pointe.
- La dette souveraine: celle-ci a mis fin à l’autonomie réelle de l’Egypte en 1876,
transformée en condominium dominé par des experts français et britannique, puis en
colonie après 1882; dans un contexte international de rareté du crédit, la dette
souveraine préexistante permet aux Etats européens de peser directement sur la
politique ottomane, d’exiger certaines transformations - mais surtout d’empêcher la
mise en œuvre des réformes. Une forme de strangulation à long terme.
Pour toute décision politique et fiscale, le sultan doit faire face à l’opposition d’un pays
représentant un intérêt étranger contrarié. D’où l’impression en Europe, au début des
années 1880, que l’Empire ottoman va être incapable de réagir, et est donc condamné à
l’éclatement.

B- Le stand-off permanent

Irrédentisme : revendication territoriale reposant sur une référence originaire ou historique à


caractère nationaliste.

La politique d’Abdülhamid II est de neutraliser ces influences extérieures en les opposant: il instaure
un stand-off permanent. Pressé de tout côté, il peut en effet faire valoir les concession à un pays
comme une menace potentielle pour les intérêts de tous les autres: ce sont alors les pays européens
qui s’opposent le plus efficacement aux projets européens. Et la même chose vaut des mouvements
nationaux et des Etats balkaniques derrière eux. 3 formats:

- La neutralisation réciproque des critiques: ce que réussit le sultan après les derniers
massacres d’Arméniens en 1896-1897: tour à tour, GB, France et Russie poussent au
démantèlement de l’empire pour résoudre la question arménienne; en proposant des
avantages politiques aux deux autres puissances, Abdülhamid II réussit à étouffer tout projet
de réforme des provinces habitées massivement par les Arméniens; peu après, le sultan
récompense la France pour son soutien diplomatique contre toutes les autres puissances
européennes lors de la crise politique de 1897 en Crète, par la reconnaissance des diplômes
de la Faculté française de médecine de Beyrouth: coup de pied de l’âne aux autres
puissances qui ont investi dans le secteur éducatif dans l’Empire;
- La mise en concurrence des irrédentismes: les revendications territoriales de la Serbie, de la
Grèce et de la Bulgarie dans ce qui reste des Balkans ottomans sont inconciliables. Chaque
nouvelle attaque de mouvements nationalistes est suivie d’un rapprochement ostensible
avec le pays protecteur d’un des mouvements rivaux. Le sultan avantage les intérêts bulgares
à Salonique quand la Grèce se montre offensive dans ses revendications territoriales; mais
favorise les investissements grecs en Macédoine quand le nationalisme serbe s’enhardit. Etc.
- L’Administration de la Dette Publique Ottomane: celle-ci est gérée comme une société
anonyme pour administrer et optimiser une série de taxes dédiées par le décret de
Mouharrem au remboursement de la dette publique. Les membres du CA sont en effet
responsables, non devant leurs gouvernements respectifs, mais devant les porteurs de titres
d’emprunts ottomans.

Document 2: il en résulte un souci de rentabilité financière, au bénéfice conjoint du budget ottoman


et des porteurs de titre. Les représentations des Etats créditeurs mettent en sourdine les intérêts de
ces derniers, et valorisent les intérêts ottomans comme l’adduction d’eau à Bursa. La DPO se montre
une gérante impitoyable des revenus d’Etat tels que le tabac ou les timbres; mais la contrepartie de
cette rationalisation brutale de l’activité est une modernisation de celle-ci. Longtemps la DPO a servi
à illustrer la face noire du système pénétré, conduisant à l’exploitation brutale des paysans. Les
historiens s’accordent aujourd’hui sur un bilan nuancé.

III- Contrôler pour moderniser


A- Un état policier

La rançon du pouvoir personnel d’Abdülhamid II est la multiplication des oppositions; et des


complots ou attentats. Ceux-ci constituent la hantise du sultan, en particulier pour leurs
répercussions internationales: en 1905, un Belge tente de l’assassiner lors d’une sortie
publique, et le procès de l’homme est l’occasion d’une expression massive de solidarité
avec lui et sa cause, celle de la défense des Arméniens.
Il en résulte une censure grandissante, qui devient systématique dans les années 1890: à
titre d’exemple, le mot devrim (révolution) est biffé à l’époque des dictionnaires, y compris au sens
des révolutions des planètes autour des étoiles. L’intelligentsia d’opposition s’exile, en Europe ou en
Egypte, où il lui est loisible de publier des journaux d’opposition.

Surtout, Abdülhamid II développe, sur ses ressources propres, un Etat policier sophistiqué.
Sophistiqué par son financement: il passe par-dessus le budget, grâce à un mécanisme qui permet au
sultan de récupérer de nombreuses terres, les mettre en valeur, et former des fermes modèles à hauts
revenus. Sophistiqué par ses moyens techniques: la police et les renseignements se forment à cette
époque à la criminologie; le sultan utilise un réseau massif de mouchards lui envoyant des rapports
quotidiens, tâche facilitée par le télégraphe; et le sultan, passionné par la photographie, s’en sert aussi
comme d’un moyen de récolter des informations.

B- Le développement continu des instruments administratifs de la souveraineté

Le sultanat d’Abdülhamid II voit aussi l’organigramme des différents services publics


impériaux et provinciaux se remplir enfin. Si le sultan a mis à l’écart les hauts-fonctionnaires
réformateurs, il a conservé la fabrique de ces fonctionnaires: l’éducation primaire et
secondaire s’étend; les écoles supérieures commencent à avoir un vivier de recrutement.

Document 3: Dans cet effort, le sultan s’appuie surtout sur les institutions étatiques, et se
méfie des institutions scolaires modernes rivales, celles qu’entretiennent les missionnaires
chrétiens. Contrôler l’éducation des futurs diplômés est un moyen d’affirmer la souveraineté
ottomane, à travers les programmes; mais aussi d’assurer une cohérence au sein de l’administration.
Le propos de Cambon ici est cependant d’indiquer que 1/ cette conception de la
souveraineté, les Etats européens l’ont réclamée de longue date: en faisant régner un Etat
de droit impartial, l’Etat ottoman protègerait au mieux ses minorités religieuses. 2/ Les
institutions privées missionnaires contribuent elles aussi à fournir le futur personnel de l’Etat,
malgré les suspicions politiques et religieuses qui pèsent sur leurs diplômés, majoritairement
des non-musulmans.

C- La concurrence des élites

La consolidation de la souveraineté ottomane sous Abdülhamid II a trois limites principales:


- Elle n’empêche pas la continuation des actions violentes des nationalismes, surtout dans les
Balkans. Le cycle exaction nationaliste - violence répressive disproportionnée - scandale
en Europe et intervention semble destiné à se perpétuer: il fonctionne en Crète en 1897,
avec une occupation occidentale de l’île, toujours sous souveraineté ottomane mais avec un
régime autonome.
- La défense de la souveraineté est vue comme un échec au sein de la population vue comme le
cœur de l’empire: les musulmans turcophones, qui dominent les écoles militaires et le cadre
des officiers, et qui sont aux premières loges des exactions dans les Balkans. L’impuissance
du sultan sur ce terrain le délégitime aux yeux des officiers.
- Deux élites s’affrontent : l’une, traditionnelle, généralement pas diplômée quoiqu’éduquée,
se fonde sur le parrainage sultanien et la loyauté personnelle au sultan. Elle est vue comme
illégitime elle aussi, car choisie pour ses origines ethniques et géographiques, non pour son
mérite. Et une autre qui se veut issue du mérite: les diplômés des écoles supérieures, en
particulier militaires. C’est cette élite qui prend le pouvoir contre la première, à la faveur
d’un soulèvement militaire dans les Balkans, en juillet 1908.

Conclusion:
Affrontement des élites qui est un affrontement politique et social à la fois: une élite
traditionnelle défend l’Empire dans sa pluralité et son étendue géographique; une élite
moderniste a l’impression de porter tout le fardeau de la défense militaire des frontières, et
d’être seule qualifiée à sauver l’empire face aux impasses du régime. Rapidement, en 1908,
cette opposition des élites se politise. D’un côté, des conservateurs attachés au régime
autoritaire et islamique du sultan, finalement déposé en 1909 et remplacé par son frère
Mehmet V. De l’autre, l’élite de l’armée, spécialisée et professionnalisée, imprégnée d’idées
nationalistes turquistes exclusives, centralisatrice et généralement laïque. Mais les conflits
qui s’inaugurent en 1908 ont des enjeux beaucoup plus larges et complexes, que cet
affrontement d’élite va simplifier à outrance, et de façon souvent catastrophique.
Chapitre 6: Fonder l’Etat-nation dans la violence? (1908-1923)

BIBLIOGRAPHIE :

- Hamit BOZARSLAN, Vincent DUCLERT et Raymond H. KEVORKIAN, Comprendre le Génocide


des Arméniens. De 1915 à nos jours, Paris, Taillandier, 2022
- Michel BRUNEAU, “L’expulsion et la diasporisation des Grecs d’Asie mineure et de Thrace
orientale (1914-1923)”, Anatoli, 3, 2012, pp. 57-83
- Vincent DUCLERT, La France face au génocide des Arméniens, Paris, Fayard, 2015
- François GEORGEON, ‘L’Ivresse de la liberté’: la Révolution de 1908 dans l’Empire ottoman,
Louvain, Peeters, 2012
- Catherine HOREL, Les Guerres balkaniques (1912-1913): Conflits, enjeux, mémoires,
Frankfurt-a.-Main, P.I.E. Peter Lang, 2014
- Odile MOREAU, La Turquie dans la Grande Guerre: de l’Empire ottoman à la République de
Turquie, Paris, Editions SOTECA-14-18, 2016

Phase d’éclatement de l’empire avec la formation de territoire, d’état qui ressemblent aux état
actuels. Une illusion populaire : un Moyen-Orient redessiné à coup de « lignes dans le sable » (James
Barr). L’eo a été découpé de manière coloniale, mais il ne faut pas dire que les puissances coloniales
se sont contentées de tracer des lignes dans le sable pour se partager les territoires de l’EO. LE tracé
a été fait en connaissance de cause.

Entre 1916 et 1923, les tracés varient beaucoup. Amène a une carte avec des zones d’influence
française, anglais. Ces zones ont été faites par des empire coloniaux.

L’idée de lignes dans le sable est pensée par le fait de créer des frontières artificielles. Traduit
l’expression de revendications nationalistes. Tous ces mouvements avaient des revendications
territoriales, susceptibles de passer à l’intérieur de nationalité, parce qu’elle étaient incompatibles.
Toue frontière en la matière aurait avantagé une nationalité ou une autre.

I- Des nationalismes voilés d’unanimité ottomane : le rétablissement de la constitution


A- 1908 ou l’illusion de l’unanimisme ottoman

23 juillet 1908, une série de corps de l’armée ottomane provenant de la Turquie d’Europe arrive vers
Istanbul et menace d’occuper le palais impérial. Le sultan va choisir de proclamer la constitution de
1876, sous pression, moyennant qq changements. Joie à travers l’empire, qui dépasse la religion.
Triomphe du pluralisme ottoman qui a eu lieu avec le rétablissement de la constitution.

Nombreuses manifestations, affirmation de la fierté d’appartenir à un ensemble


intercommunautaire. Fin de la censure, loi sur la presse en 1910.

B- Une société politique fracturée

Dès l’automne 1908, les problème politiques s’accumulent. Fin du régime d’opposition des
irrédentismes. Les militaires affirment leur patriotisme ottoman. Fournissent un prétexte à des
décisions de leurs voisins : annexion de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche -> la Bulgarie déclare
son indépendance le lendemain. L’unanimisme se fissure. Réapparaissent des divisions entre les
élites, les traditionnelles ont été mises à l’écart en Juillet, et les nouvelles élites éduquées.

Opposition entre les communautés pour sa représentation au sein des institutions. Les plus riches
ont le plus de sièges. Mise en concurrence des communautés non-musulmanes.
Apparait en 1910 : CUP : comités Union et progrès (ou jeunes turcs) : nationalistes et centralisateurs ;
modernisation de l’état et promeuvent la langue turque dans les institutions et l’école. Apparition et
reconnaissance de nouveau mouvements au sein de l’empire. Les arméniens craignent les nouvelles
élites qui sont responsables des massacres des arméniens.

12 Avril 1909 : « Evènements du 31 Mars ». Adoption du calendrier grégorien. Les opposants au


régime constitutionnel réclament la suspension du gouvernement, instaurent un nouveau régime qui
va durer 15 jours. Les jeunes turcs lèvent une armée et les massacrent.

Fin avril, ont lieu les massacres d’Adana : entre 10 et 30 000 morts. Affrontements entre les
révolutionnaires arméniens et les nationalistes turcs. Terrifie les communautés non-musulmanes du
pays, et pousse les communautés des Balkans à vouloir sortir de l’EO.

C- Nationalisme turquiste et « économie nationale »

Être turc n’était pas vraiment défini, était utilisé par les européens pour parler des musulmans. Au
début du XXe , des intellectuels de langue turque réfléchissent au concept de nationalité au sien de
l’Europe. Emergence des nationalismes or, certaines élites ne le sont pas. Donc, redistribution des
richesses et création d’une bourgeoisie musulmane et turque.

Emergence d’un racisme non voilé. Utilisation d’une revue pour porter des discriminations. Karagoz
(revue) ; qui instrumentalise la peur du choléra et qui le laisse s’installer dans sa boutique du fait d’un
manque d’hygiène.

II- L’engrenage guerrier


A- Une guerre coloniale qui déstabilise l’empire.

Automne 1911, éclate un conflit avec l’Italie, l’enjeu étant la tripolitaine et cyrénaïque (libye). Guerre
coloniale. L’Italie cherche à s’établir en Méditerranée . « guerre du banco di roma » puisque pression
du milieu d’affaire italien qui cherche à y établir ses activités.

Bombardement des grands ports de l’empire et occupe le dodécanèse = montre la faiblesse de la


flotte navale ottomane en mer égée.
DONC elle mène à la première guerre balkanique

B- Des irrédentismes sanglants.


- Des aspirations irrédentistes des pays de la ligue balkanique
- Nationalismes albanais et serbe qui revendiquent les territoires de la Yougoslavie.

Première guerre balkanique : 8 octobre 1912 – 30 mai 1913 : déclenchée au lendemain de la guerre
italo-turque, avec une ligue balkanique (serbie bulgarie Grèce), un peu organisés entre elles, mais
armées par la France. Tourne au désavantage des ottomans. Méfiance à l’égard des populations
grecques et arméniennes.

Deuxième guerre balkanique (16 Juin 1913 – 18 Juillet 1913) : fait suite au traité de Londres.
Massacres au sein de la population, pour les pousser au départ. Impression de trahison pour les
albanais.

C- U engagement à reculons dans la première guerre mondiale

Coup d’état qui mène à l’instauration d’une jeune génération de militaires et de civils du CUP. Enver
Pacha, Talaat Pacha et Djémal Pacha. La zone des Balkans est l’enjeu de revendication des états
nation lors de l’effondrement des empires.
Ces empires laissent place aux états-nation. Dans la dynamique des empires, les minorités de
population sont disputés par les empires et des offres pour les attirer ou les garder. Or, à la création
d’états-nations = recherche d’une pop unique mais que les empire les considèrent toujours comme
faisant partie de leur empire qui devient une puissance de contrôle.

Les effondrements des empires e,trainent la disparition de cette puissance de contrôle et donc une
grand violence.

III- La fabrique meurtrière des états-nation


A- Le génocide des chrétiens anatoliens et l’ingénérie démogrpahique ottomane

Par les exactions et les orientations politiques de l’Etat ottoman puis de la nouvelle
République de Turquie, il y a une nette continuité d’avant l’éclatement de la Première guerre
mondiale jusqu’au traité de Lausanne qui scelle la pacification du Proche-Orient en juillet
1923.
A la suite des guerres balkaniques, les responsables des CUP considèrent que la situation
stratégique met en danger la survie de la nation turque, et décident de mettre en application
des plans dont nous avons vu qu’ils étaient déjà dans les cartons, en vue de l’élimination
des populations chrétiennes du coeur de l’Empire, l’Anatolie et la Thrace orientale:
- dès le début de l’année 1914, les CUP de la côte égéenne organisent les actions de
violence “spontanées” pour faire partir les Grecs de la région; on est en temps de
paix, donc pas question d’en faire une politique officielle, mais les exactions sont
coordonnées;
- dès l’entrée en guerre de l’empire, des prisonniers de droit commun sont libérés en
nombre et chargés de constituer des milices: officiellement, pour lutter contre les
déserteurs arméniens qui déstabilisent l’intérieur du pays, tout comme les nombreux
déserteurs turcs et kurdes; il est manifeste, vu leur rôle ultérieur, qu’il s’agit de former
ces unités au meurtre;
- à partir de février dans l’armée, et de mars dans les provinces les plus à l’Est, des
massacres de grande ampleur ont lieu, initialement seulement d’Arméniens: prétexte
est donnée d’une grande révolte à Van, à la frontière persane, pour réprimer une
communauté installée dans des régions stratégiques près des frontières orientales.
Le dispositif est augmenté d’un ordre de déportation de tous les Arméniens de trois
provinces, annoncé en mai 1915. Ce qui suit n’est pas tant une déportation vers la
vallée de l’Euphrate, où rien n’a été préparé pour les accueillir, que l’envoi de convois
de civils progressivement éclaircis par les massacres organisés par les milices et des
tribus voisines;
- dans le même temps, commence des massacres d’Assyriens dans la région du
Hakkari, et de Syriaques autour de Mardin: ce ne sont pas seulement les Arméniens,
réputés séparatistes sous l’influence de leurs mouvements révolutionnaires, mais
tous les chrétiens qui sont visés;
- les survivants arrivent, pour le plus grand nombre, dans la vallée de l’Euphrate, où ils
sont progressivement éliminés à leurs tours en 1916-1917; ou en Syrie et en
Palestine, dont le gouverneur, Cemal Pacha, cherche surtout à les assimiler:
conversions forcées des orphelins, placement des jeunes filles dans des familles
arabes musulmanes, envoi des jeunes dans des écoles turcophones. Ce qui
n’empêche pas que Cemal Pacha soit en accord complet avec la politique
d’élimination.
Dans cette extermination, ce qui est particulièrement incriminant, ce sont les éléments
indiquant une volonté systématique de réduire démographiquement les communautés non
musulmanes pour éviter que celles-ci servent de prétexte à un éventuel morcellement
territorial:
- l’ordre de déportation de mai 1915 est accompagné de télégramme imposant de
limiter le nombre des Arméniens à 10% de la population de chacune des provinces;
- les déportations sont appliquées de manière massive dans des provinces non
concernées par l’ordre d’évacuation;
- dans ce qu’on a appelé son “carnet noir” (tableaux 1, 3, 4), Talaat Pacha fait un
décompte par rapport au recensement de 1914: dans ce décompte, fait en 1916 ou
1917 d’après les spécialistes, apparaissent un million d’Arméniens manquants à côté
de ceux enregistrés généralement dans de nouvelles provinces; vu le faible nombre
d’Arméniens ayant pu gagner la Russie ou la Perse, il est clair que ces “manquants”
sont connus comme disparus pour de bon. Preuve que Talaat Pacha suivait de près
l’opération en cours de réduction du poids démographique des minorités non
musulmanes.

Ceci nous amène à évoquer la qualification de ces actions. Les historiens, dont Sigalas et
Toumarkine que vous avez lus, mettent en avant les objectifs démographiques des CUP,
manifestes dans le carnet noir de Talaat Pacha: pour eux, les Ottomans puis la République
de Turquie naissante appliquent une “ingénierie démographique” ou “ingénierie des
populations”, utilisant la violence en temps de guerre ou la discrimination et les pogroms
téléguidés en temps de paix pour transformer la démographie, et éliminer les risques que la
distribution territoriale des minorités chrétiennes faisaient peser sur le territoire ottoman.
Ce type d’action systématique rentre dans les critères de ce que le droit international a
dénommé à partir de 1949 génocide.
Les opposants à cette qualification, aujourd’hui, veulent faire valoir que les circonstances
des guerres balkaniques ont renforcé l’idée, chez les CUP, que Turcs et Arméniens étaient
dans un conflit pour la survie. Et donc que les dirigeants CUP voyaient l’élimination des
Arméniens et des chrétiens comme une nécessité, notamment en fonction des risques
d’intervention des Etats voisins. Sauf que cet argument achoppe sur les documents
montrant que le projet d’élimination existe depuis 1911. Et que l’élimination physique a
touché également femmes, enfants, et Arméniens convertis à l’islam pour se sauver.

B- Traités, guerre et migrations forcées

L’armistice de Moudros voit la victoire des puissances de l’Entente, qui dénonçaient


l’élimination des chrétiens anatoliens depuis 1915. En pratique, cependant, la volonté des
pays de l’Entente d’indemniser politiquement les victimes se heurtent aux conditions
diplomatiques de l’après-guerre.
Les années 1918-1923 voient le tracé de frontières à l’intérieur de l’empire: des frontières
entre Etats coloniaux pour les territoires sous mandat, d’Etat indépendant pour la Turquie.
Mais ces frontières déclenchent de fortes résistances militaires. Surtout après l’arrivée des
Grecs à Smyrne/Izmir en 1919, et la guerre lancée par la Grèce contre les nationalistes
turcs au lendemain de la signature du traité de Sèvres, le 10 août 1920.
Les opérations sont indécises jusqu’à l’été 1922; mais là encore, les opérations militaires
servent de prétexte à des migrations forcées, de musulmans chassés par les Grecs et de
Grecs et Arméniens chassés par les nationalistes turcs conduits par Mustafa Kemal.
Face à cette violence, et après la victoire kémaliste en septembre-novembre 1922, les
puissances européennes se résignent à accepter, dans le traité de Lausanne (1923), un
échange forcé de populations entre musulmans de Grèce et Grecs de l’Empire ottoman. Cet
échange de population vient officialiser bien des migrations forcées des années
précédentes, dont les victimes se voient interdire le retour.
Toute cette séquence a des effets à longue portée, car elle montre qu’il est possible de faire
accepter, voire entériner internationalement, des migrations forcées de populations vues
comme indésirables. Et de redistribuer leurs biens - et ainsi de consolider son pouvoir
politique en se créant des clients - à des fidèles. Les grandes fortunes de Turquie se forment
largement grâce aux investissements de l’Etat, financés sur les biens des expulsés. On
s’assure ainsi que l’ingénierie des populations fera se produire ces migrations forcées
encore et encore.
Conclusion:
Effacement de l’unanimisme de 1908 attribuable principalement à la chape imposée par le
régime d’Abdülhamid II sur les problèmes nationaux; et par les arrangements trouvés entre
les réseaux de clientèles de notables, réactivés sous Abdülhamid, et les élites modernisées
formées dans les écoles supérieures. Pour les nationalistes non musulmans, il est clair que
les hommes du règne d’Abdülhamid II se maintiennent au pouvoir, et qu’on ne peut en
attendre que la même violence.
Mais les CUP sont rapidement préoccupés par le monopole du pouvoir et l’imposition de leur
nationalisme centralisateur: eux-mêmes conçoivent une ingénierie des populations bien plus
systématique que les massacres antérieurs. Des massacres explicables, non par des
concurrences économiques et ethno-religieuses, mais par des opérations pilotées par des
hommes tels que Talaat Pacha qui sont au coeur de l’Etat.
Les CUP se recyclent en masse comme kémalistes: il y a continuité entre les exterminations
de masse de la Première guerre mondiale, et les violences massives et migrations forcées
de la période qui lui fait suite. Et qui voit des Etats en devenir s’affronter autour du tracé de

Chapitre 7 : Les constructions étatiques entre nationalisme et colonialisme.


Intro :

Traité de Lausanne (24 Juillet 1923)  reconnait un état de fait après la guerre entre
« les nationalistes turcs » et […]
= Stabilisation militaire du MO + régime colonial dans la région (sauf EO et Arabie
Saoudite avec Ibn Seoud et Turquie avec Mustafa Kemal
TL n’introduit pas la colonisation pcq déjà fauit mais entérine le nouvel état
ottoman  plus d’Empire islamiques mais d’états indépendants ou aspirant à la
devenir.
La période coloniale est din aussi celle de l’émergence des ambitions
nationalistes.
Toutefois, les tracés cartographiques dissimulent incertitudes et contradictions.
 Incertitudes : EO n’apparait pas comme un passé révolu mais c’était une forme
d’organisation plus efficace que l’organisation coloniale.
Les puissances arabes et européennes sont hostiles à l’EO, mais des politiques
formés sous l’EO et qui s’estiment solidaires de ce passé.

La Turquie républicaine tourne toutefois le dos auw états arabes.


Sous Mustafa Kemal, la Turquie républicaine se tourne vers l »Europe
Dans quelles mesures la nostalgie et de l’EO contribuent-ils à la construction des
états coloniaux ?
Après la Première Guerre mondiale, l’espace apparait aux pops contemporaines
comme un espace à reconstruire (politiquement, économiquement et
matériellement) et donner l’impression que c’est mieux que sous l’empire.
Gérer l’urgence  grande famine (sous-alimentation), réfugiés …
= Construction d’Etat Nation  fonctionnaires = création d’emploi mais ce sont des
états coloniaux, donc faut que ça soit le moins cher.
Le manque de moyen = mène à accepter l’intervention de moyens internationaux
(caritatives, planification d’aide aux réfugiés, philanthropie et mouvement politique
(sioniste)
I- Un modèle turc? Nostalgie ottomane et exemple pour les nationalistes
A- Une indépendance acquise dans la violence : la Turquie Kémaliste
 Maintien de l’influence des puissances coloniales après les indépendances
(Egypte)

Formation de mini-états avec une classe politique responsables de l’ordre dans les
nouvelles frontières. Ces élites politiques nouvelles ont un crédit assez faible.
Toutefois, les puissances coloniales ont encore bcp d’influence.
Les accords Sykes-Picot 1916 = zone coloniales française et britannique
Turquie, après le traité de Sèvres 1920 (répartition en zones d’influences
étrangères (FR,USA,GB,Italie, Grèce) avec une hostilité en fonction des pays
d’influence.
Une ambiguïté pcq ces territoires sont tjs réputés ottomans et sous influence du
sultan. Mais est obligé d’arrangements inacceptables pour les pops musulmanes.
Mustafa Kemal en 1917 envoyé par le sultan hors du contrôle de l’Entente pour
former une armée Ottomane.  Lance un mouvement politique opposé à la tutelle
coloniale = Nationalistes islamiques.
= Rompt avec le Sultan et s’installe à Ankara avec un gvt formé de seulement des
musulmans  lance des offensives sur des zones qu’ils pensent à eux.
- Silicie occupé par les Français au sud de la Turquie
Traité de Sèvres abandonné d’emblée et jamais ratifié.  Roi de Grèce occupe
l’Ouest de la Turquie actuelle et rencontre les troupes Kémalistes
Armistice en 1922 = frontières actuelles/massacres des pop grecques de la côte de
la mer Noire./ Cités brulées par l’armée grecques (terre brulées) = purification
ethnique des deux armées
La SDN supervise la négociation de cette sortie de guerre : Traité de Laussane =
échange forcé de pop entre les musulmans de Grèce (à part la Thrace Orientale)
et expulsions de toutes les pops chrétiennes grecques de la nouvelle Turquie sauf
Istanbul, Ténédos, Imbros.
En échange de l’accès au détroit des Dardanelles.
Mustafa Kemal peut imposer un régime laïc et républicain.
 Laïc pcs « Grâce à Dieu, nous sommes tous musulmans » donc plus obligé à
promouvoir ce caractère religieux
 République pcq peur du retour du Sultan
Femmes qui entrent petit à petit au sein de la vie politique et citoyenne.
- Ecole mais dévoilées
- Administrations dévoilées
= Volonté de séparer le fait religieux du fait administratif.
Suppression des lois à caractère islamique de la loi
Eg, héritage = entre hommes et femmes.

 Contestations : Cheikh Saïd islamique et monarchiste contre certains aspects du


volontarisme Kémaliste. (Imposer le turc, supp des disposition islamique)
DOC1 : Nutuk 15-20 octobre 1927
 // adversaires de MK = CUD qui l’ont soutenu lors de la guerre contre la Grèce.
 Imposer une vision nationaliste volontariste // CUD
 Sous-couvert d’une affirmation d’une indep nationale : plus aucunne dette
publique jusqu’au plan Marshall
= Contre l’EO qui s’est laissé pénétré par les puissances étrangères.
Plus dur à dire qu’a faire pcq besoin de « talents étrangers ».
B- Des indépendances en trompe-l’œil : Egypte, Syrie-Liban et Irak
Les autres pays cherchent aussi à obtenir leurs indépendances.
 Egypte (aller voir conditions) >> GB
Saad Zaghloul (1858-1927) leader nationaliste egyptien civil
Volonté de créer un gvt indépendant, mais les britanniques maitiennent leur
conseillers dans les ministères. (Laisser le pouvoir aux locaux pcq – cher mais
veulent garder leurs avantages structurels (économiquement).
 Syrie >> FR
Général veut reconquérir le territoire pour la mémoire des Croisés.
1925 = révolte massive (SUD vers centre) avec répression importante pour
reconquête.
Etablissement d’un gvt local. En 1936, ils essaient de gouverner par l’intermédiaire
de notables clients.
Front Populaire = indep de la Syrie (gvt Syriens dominés par les Indépendantistes)
mais entente entre les deux.
1938 = décident de ne pas ratifier le traité due à l’angoisse de Munich.
1940 = administrateur Vichiste pro allemand, sans laisser les Allemands occuper le
territoire.
1941 = forces Gaullistes (Fr et des GB). Mais le Major Spears fait tt pour faire partir
les FR.
1946 = les Britanniques voulaient prendre leur place mais idep.
= La concu entre forces coloniales = idep
 Irak >> GB
Gouvernement mandataire qui doit faire face aux insurrections (nationalistes arabes)

Britanniques voudraient une démo parlementaire après avoir maté les révoltes. Mais
ça marche pas , dcp une sorte de monarchie dictature.
- Nouri Al-Said Pro-britannique
- Yasin-al-Hashimi nationaliste
= Veulent distendre les liens avec les britanniques durant la guerre.
1932 : indep théorique de l’Irak par traité. Mais, les Britannqiues veulent maintenir
leur intérêts. ( Route des Indes , il faut des bases en Irak)
= Les deux pays pourront utiliser les bases militaires réciproquement.
Mais à chaque fois, = gvt par le Notables

II- L’ordre colonial : concurrence intercommunautaire et constructions


étatiques
A- L’ère du nationalisme
Palestine : politique de notables désignés par les Brits
Deux familles qui tirent leur puissance du foncier et du religeux.
 Clientèles politiques qu’elles établissent et négocient avec les puissances
coloniales.
Husseini qui jouent les intermédiaires plutôt favorables à la puissances coloniale. =
Coopération puisqu’elle contrôle tt les leviers de pouvoirs du pays.
Bcp de militaires parmi les nouvelles élites.
Ibrahim Hanano (Syrie) // FR
Jemil Mardam Bey Syrie  Transition hors de l’ordre colonial. Nationalisme
moderne sans les FR
Perre Gemayel (Liban)  Propose de sortir du colonialisme pour un état fasciste.

Lors de la WWII  génération + jeune, + radicale et qui envisage une rupture


complète de l’ordre colonial (Plus de parlementarisme et éco soit fasciste soit
socialiste ap G)
Or, le nationalisme arabe se confronte à la multitude des pays arabes aspirant à
contrôler l’ensemble du MO arabe.
Emir Abdellah de Jordanie// Roi d’Egypte lors de la guerre isarelo-arabe en 1948
après le partage de l’ONU.
= Une guerre d’influence entre les pays arabes qu’une guerre // le nouvel état
d’Israël.
Volonté d’un grand état arabe ( Syrie, Palestine, Jordanie ?)
B- La concurrence des communautés.
Document
 Mise en concurrence des communautés dans les nouvelles colonies (liban)
 Clientèles partisanes en Egypte
Cette concu des communautés a un nouveau ressort, celui de la démographie.
Les recensements permettent de désigner la communauté qui va exercer le pouvoir.
= illégitimation des nvx arrivés en intégrants les Arméniens au sein des
communautés.
Syrie = stigmatisation des Arméniens mais aussi déséquilibres avec les Sunnites et
le Chiites. Les euros jouent sur ces communautés pour défaires les alliances
nationalistes.

III- La persistance rétinienne du colonialisme : traités et réseaux.


A- Nationalisme et internationalisation au Proche-Orient
Pas assez de ressources pour stabiliser les pays après la WWI = appel d’air pour les
org et inst internationales
 Fondation Rockefeller = assistance aux réfugiés. Near East Relief > Near East
foundation.
- Caractère d’urgence
- Le besoin de recinstruction
= Choix des investissements = philanthropie scientifique.
 Office Nansen  aide alimentaire aux réfugiés et passeport Nansen aux
apatrides.

Or, les plans d’installation des réfugiés vont être victimes des conc communaitaires
Affaire Sandjak d’Alexandrette (1936-1939)  revendiqué par les Turcs et donc
installation de pop chrétiennes (Arméniens) par les FR
En Juin 1939 : France laisse la Turqui reprendre ce territoire pour ne pas qu’ils
entrent dans le conflit.
Les pays comme la Syrie et le Liban ont étés des structures pour accueillir les
réfugiés des différents conflits.

Chapitre 8 : Nationalismes et islamismes (1952-2001)

Introduction  :
Le départ très progressif des puissances coloniales du MO laisse au pouvoir des régimes
dont le plus petit des dénominateurs communs est le nationalisme. La question pour ces nouveaux
venus sur la scène internationale est de savoir comment réaliser leurs objectifs nationalistes. Est-il
possible de réaliser l’objectif de l’État-nation rassemblant une même nationalité à l’intérieur d’un
unique territoire  ? Jusque-là, l’État-nation était très exclusif. Par exemple, la Turquie essaye de
construire un État homogène turc et exclue les populations non-musulmanes de son territoire.
Le problème du nationalisme peut aussi être le fait que plusieurs États-nations se revendiquent la
réalisation d’un même objectif national commun. Par exemple, 22 États se revendiquent tous
arabes et animés par un nationalisme arabe, lequel va porter le projet nationaliste arabe  ?
Nombreux questionnements : l’État-nation est-il seulement exclusif ou a-t-il un contenu positif  : soit
réaliser une unité, soit afficher que l’État nation est un vecteur puissant pour fournir aux besoins du
peuple, d’une nation qui a souffert dans l’effort de libération nationale  ? L’indépendance jette les
projecteurs sur des questions que les mouvements nationalistes ignoraient afin de conserver leur
unité. Ces questions peuvent être qu’est-ce que la nation  ? Quel est son territoire de référence, sa
base  : va-t-elle être l’islam, le monde arabe, un territoire obtenu dans des circonstances lié à la
conjoncture (ex  : militaire) ou défini par un passé  ?
Si des débats internes sur ce qui va constituer la Nation comme territoire ou population, on va vers
des dissensions internes. Ces dissensions ont pour point de départ un désaccord sur ce qu’est un
groupe. Est-ce que c’est une base culturelle, religieuse  ?
Aussi, quel type de régime politique et économique est le mieux placé pour réaliser la volonté de
nation ? On peut avoir un régime volontariste socialisant et qui va apporter des avantages sociaux à
la population et réaliser ainsi une des promesses du nationalisme : l’amélioration des conditions de
vie de la Nation. On peut aussi, pour des raisons militaires, rester dans le camp occidental qui a au
moins l’avantage de fournir une protection au régime car les États occidentaux ont besoin de la
stabilité pour subvenir à leurs besoins de ressources.

Un des 1ers résultats de l’indépendance, c’est une construction étatique accélérée dans la
plupart des États de la région. On entend par construction étatique la construction nécessaire de
programmes, de services publics à la nation = développer des administrations publiques qui
répondent à une demande sociale (justice, police, prêts bancaires, avoir des installations culturelles)
et apporter de l’emploi, des revenus et ainsi fidéliser des familles entières au régime. Au MO, les
États nationalistes des années 50-60 tentent de sortir du modèle des recrutements clientélistes et
instaurent une forme de justice sociale. Le nationalisme des années 50-60 se pose comme un
moyen de réaliser la justice sociale. Mais a des limites car on se méfie de populations : celles à la
frontières, les autres nationalités… et ces régimes vont donc avoir un aspect discriminatoire. Certains
vont être discriminés au moment de la remise de la citoyenneté par exemple, certains dénationaliser.
Des populations vont être vues comme des immigrés que l’on refuse. On les exclut par la nationalité
mais aussi par l’emploi. Par exemple, pour les chrétiens de l’Égypte, la fonction publique est fermée
dans les années 50 par défiance car considérés historiquement comme les agents de la puissance
coloniale britannique. Comme l’empire ottoman, l’État nationaliste peut être inclusif et proposer
des services pour les membres de la nationalité dominante mais exclusif à l’égard des personnes
considérées comme secondaires à l’organisation de l’État = des minorités nationales.
Un 2nd résultat aux nations est le développement de courants irrédentistes qui se doublent
en opposition d’une contestation séparatiste de gens qui vont demander leur propre État. Par
exemple, les Palestiniens finissent par s’apercevoir que les États arabes n’ont pas les moyens ni la
volonté de récupérer la Palestine et que la revendication palestinienne va être celle de la constitution
d’un État palestinien arabe. Les Kurdes sont quant à eux des séparatistes par rapport à la Turquie,
l’Iran, l’Irak et la Syrie et qui se retrouvent à avoir ces 4 États contre eux.
Dernier résultat des indépendances est l’échec marqué de ces régimes nationalistes à
remplir leurs objectifs et une insatisfaction grandissante à l’égard de l’État. Celle-ci explique
l’éloignement des mouvements religieux à l’égard des nationalistes. Ils avaient soutenu la lutte
nationaliste au mouvement de la lutte contre la colonisation. Mais avec l’installation de régimes
politiques qui mettent en avant l’ordre légal qu’eux promulguent, les religieux vont considérer que
ces régimes s’écartent de la charia en laissant des influences de ce monde se substituer aux
influences de Dieu.

I/ Entre nationalisme laïc et nationalisme musulman   : une concurrence pour


les principes de l’État (1952-1967)
1952 : prise de pouvoir par les officiers libres au Caire ; 1967 : 3ème guerre israélo-arabe qui
redistribue les rapports de force régionaux. Ère ou les régimes indépendants et militaires portent les
promesses du développement.

1) Les promesses du développement

L’ère des indépendances est l’ère des grands projets, et le mode de financement s’appelle
le développement. Le mouvement de décolonisation globale s’accompagne d’une nouvelle forme de
politique publique internationale : les programmes de développement.
Programme induit un horizon de temps : on mène des programmes dans un horizon donné. Ces
programmes se présentent comme la réalisation d’un progrès politique, économique et social (=
apporter le progrès) qui se fait sur des bases empiriques à partir de travails d’experts, de
financements et de méthodes testées par des scientifiques. En pratique, il s’agit de programmes
d’investissement à fort coefficient d’expertise préalable. Avant de lancer le programme,
nombreuses études de faisabilité pour déterminer les résultats attendus, et on s’inspire de ce qui se
fait ailleurs. Les investissement consentis doivent permettre aux PVD (pays en voie de
développement) de se débarrasser de problèmes structurels entrainant pauvreté et instabilité
politique. On veut éviter le retour du nazisme ou l’émergence de régimes communistes. On veut
éviter l’analphabétisme, le manque d’infrastructures, de voies de communication (commerce), etc.
Vu du point de vue des pays industrialisés, le développement sert plusieurs buts affichés  :
-stabiliser les pays que la pauvreté peut rendre sensible à des idéologies radicales.
-trouver des marchés de matières premières. On cherche à les rendre productif pour qu’ils
s’autofinancent mais les experts affirment que les pays du Nord ont des besoins de MP. On
modernise donc les infrastructures existantes et l’agriculture pour satisfaire la demande
mondiale.
-démanteler l’exploitation coloniale, démanteler une économie des territoires colonisés
qui étaient instrumentalisés aux bénéfices des métropoles. Ces territoires n’avaient que peu
d’investissements et limités dans l’espace. Ces investissements n’avaient lieu que dans
« d’étroites vallées de développement » (Frederick Cooper) = on avait des régions qui étaient
assez semblables à des villes industrialo-portuaires d’Europe. Mais le reste de la colonie
restait sans investissement dans un État de pauvreté chronique.
=> Pour les États indépendants, le développement porte la promesse d’un enrichissement général
et promet aussi la création de services sociaux, éducatifs et sanitaires. Les objectifs sont des
objectifs de rattrapage. Pour les nouvelles autorités nationalistes du MO, le développement est un
instrument de légitimation, il doit permettre de rompre avec l’organisation sociale hiérarchique
des sociétés.

Les élites capitalistes sont sur la sellette et incriminés pour la débâcle des armées arabes de 1948
(ex : scandale d’accaparement de ressources pour l’armée en Égypte revendu plus cher). L’armée
est désormais vue comme le fondement de l’État car institution populaire dans un pays où la
tradition parlementaire est élitiste et ne permet pas à des personnes de s’élever socialement. Les
élites des pays arabes sont accusées d’avoir causées la débâcle de 1948 et de continuer d’accaparer
les ressources nationales. On leur reproche de développer une économie productive mais d’une
manière à renforcer les inégalités. En Syrie, les capitalistes de la ville d’Alep investissent
massivement dans la vallée de l’Euphrate pour développer la culture du coton mais le régime de
production réduit les paysans qui deviennent des ouvriers agricoles surexploités par les capitalistes.
Les paysans soutiennent donc le pouvoir socialisant qui se met en place dans les années 60.

La centrale hydro-électrique est l’idéal type du développement. Elle est le centre névralgique de
tout un réseau d’approvisionnement qui permet d’apporter l’énergie de manière démocratique
dans tous les foyers et de financer l’industrie. Les projets de barrage se multiplient. Au sud-Liban, les
Américains financent à partir de 1952 des barrages sur le fleuve Litani. Ce projet permet de
sécuriser la région, alors convoitée par Israël : installer des gros-œuvres signifie installer du
personnel et de l’armée pour gérer l’installation et donc signifie protéger le régime. Ce projet était de
développer le sud du Liban et apporter de l’énergie. Problèmes, Israël n’apprécie pas car puise des
ressources en eau qui pourraient aller dans la nappe phréatique et donc être partagées. Ce projet
oppose aussi l’État libanais à la notabilité locale pour qui l’attribution des droits d’irrigation est un
moyen de se conserver une clientèle politique. A la place du plan Litani, les habitants préfèrent
creuser des puits sauvages et pomper individuellement leur ressource en eau. Le résultat est que les
ressources en eau de la région sont sous exploitées et la pauvreté est renforcée du fait que le sud
continue à n’offrir que peu de ressources en eau à ses habitants dans un pays qui a le plus d’eau au
MO.
En Égypte, le barrage d’Assouan est un projet démesuré avec des conséquences écologiques non
anticipées ou volontairement négligées. Il entraine le recul de la ligne de côte dans le delta du Nil,
zone pourtant la plus productive d’Égypte. Projet mené par Gamal Abd al-Nasser.

D’un point de vue macroscopique, le développement signifie surtout la rupture des systèmes du
confinement des économies coloniales. A la place, les différents régimes insèrent les économies de
matières premières du MO dans une économie mondialisée. Ils encouragent l’introduction de ces
pays aux traités généraux sur le commerce et les transactions, le GATT, et donc à un régime de
libéralisation commerciale. Mais on voit déjà une différence se faire entre ceux bénéficiant du
pétrole et ceux n’ayant pas ou peu de ressources pétrolières et étant obligés de développer une
économie fondée sur l’agriculture et une industrie de transformation de cette agriculture. Ces
différences vont se démultiplier à partir de la baisse des prix du pétrole dans les années 1970.

2) Militarisme et autoritarisme

Deuxième caractéristique des régimes nationalistes est la prépondérance des régimes


militaires. Même quand un régime est républicain comme Israël, l’armée est un élément majeur de
recrutement des élites politiques et économiques. L’indépendance amène au pouvoir des militaires
et un certain autoritarisme lié à des circonstances politiques internes et géopolitiques qui amènent à
un régime qui promet la stabilité, en suspendant une partie des libertés et des droits. On a un troc
entre moins de négociations avec le pouvoir mais en échange la stabilité avec les avantages
économiques qu’elle procure. Les nouveaux régimes nationalistes du MO peuvent avoir une base
démocratique réelle mais sont généralement autoritaires. Ces régimes autoritaires sont souvent
dominés par des militaires comme Nasser en Égypte qui arrive au pouvoir avec le coup d’État des
officiers libres en 1952 et qui prend un pouvoir plus personnel en 1953. C’est aussi le cas d’Adib al-
Chichakli en Syrie au pouvoir entre 1949 et 1954 et d’Abdel Karim Kassem au pouvoir en Irak entre
1958 et 19663.
Ces militaires revendiquent leur autorité car se veulent proche du peuple à la différence des
régimes de notables auxquels ils succèdent. Les militaires se veulent soucieux par leur pouvoir de
mettre les réalisations du régime au service du peuple. A défaut de victoires militaires en Palestine, le
développement va remplir cette fonction. Les régimes font face à l’impatience des citoyens (pauvreté
qui perdure) et à une inquiétude face aux changements rapides de la société. L’exode rural est
intense et nombreux tensions autour des questions de l’urbanisme.

Ceci est surtout claire en Turquie. Depuis la fin des années 40, nombreuses migrations de
l’Est du pays vers les villes de l’Ouest : Izmir, Ankara, Istanbul. Se posent alors de gros problèmes de
logements. Ces villes voient apparaitre des quartiers informels sans permis de construire. Ces
habitats sont des gecekondu (= posé la nuit). Il devient compliqué d’expulser les gens et les
municipalités renoncent à les expulser. Le gecekondu devient un élément structurant de l’urbanisme
car échappe à la volonté d’organiser la ville et aux plans d’urbanisme. Il est le produit d’une
pauvreté structurelle. La Turquie de 1923 à 1950 joue sur l’objectif d’autosuffisance et
d’autofinancement. L’État ne contracte aucune dette à l’étranger jusqu’à l’arrivé d’un nouveau
régime dirigé par le parti démocrate en 1950 mais dont les chefs sont essentiellement issus du
régime kémaliste. Ce nouveau parti fait le choix clair de se positionner pro-occidental et la Turquie
accepte l’aide Marshall = financement d’investissement pour le développement d’une agriculture
moderne et d’une industrie, elle rentre dans l’Otan et envoie des troupes dans les guerres de Corée
aux côtés des Américain, elle fait le choix d’un régime plus libéral pour satisfaire les Américains. Mais
dans ce contexte l’immobilier reste une pomme de discorde car la propriété de l’immobilier change
très lentement dans un pays qui a connu des mouvements démographiques vastes et rapides. A
Istanbul en 1955, 40% du foncier bâti appartient à des non-musulmans lesquels ne représentent plus
qu’une minorité de la ville. Face à cela, de nombreuses émeutes sont organisées par les services de
renseignement en association avec les syndicats, des émeutes dont le but était de faire partir le
plus possible de non-musulmans pour libérer de la propriété immobilière. Le gouvernement a
décidé de chasser massivement aux moyens d’émeutes des personnes vues à la marge de la
communauté nationale dans le but de reloger des migrants d’Anatolie. Ces émeutes ont lieu les 6 et
7 septembre 1955. Opération menée par le MIT, service de renseignement turc, qui organise déjà,
en confiant la tâche à un étudiant, un attentat dans la maison natale de Mustafa Kemal à
Thessalonique et qui s’en prend à un symbole national. Grecs et Turcs sont encore rivaux pour la
possession de Chypre encore sous protectorat anglais. Résultat, annonce dans la presse et
nombreuses manifestations dans le cœur d’Istanbul et ces manifestants vont casser les magasins des
minorités. Cette manifestation fait entre 11 et 15 morts, des conversions forcées et des viols. Et des
destructions de magasins non musulmans par milliers. Dès le lendemain, de nombreux Grecs
istanbuliotes et des Juifs et Arméniens s’enfuient. Traumatisme pour les minorités qui se plaignent
d’une stratégie de blanchissement par les intellectuels turcs.
Ces émeutes montrent l’ampleur des problèmes urbains qui accompagnent les politiques de
développement et que les gouvernements tentent à essayer de réguler de manière autoritaire en
chassant une partie de la population et en menant dans les villes de grands projets urbains comme la
construction d’autoroutes à travers les faubourgs (ex : Damas) et la planification de vastes quartiers à
la périphérie. Dans ce contexte, l’autoritarisme suscite des mécontentements, y compris au cœur
de la population supposée au cœur des régimes.

3) L’émergence des islams politiques : identité, anticolonialisme et


anticommunisme

Comme le montre les émeutes de 1955, la réalisation des programmes de développement


est facilitée par l’autorité des régimes. Les nouveaux régimes se retrouvent sous le feu des critiques
de la gauche et des religieux conservateurs. La gauche critique l’autoritarisme et les conservateurs
que la puissance de l’État soit souveraine et placée au-dessus de la loi islamique.
La difficulté est que les régimes du MO ne sont pas antireligieux mais ont pu manipuler le religieux
au nom de l’autonomie nationale et se présenter comme les représentants de l’unité nationale. La
religion a longtemps été mobilisée pour les revendications nationalistes. Nationalisme turc
strictement musulman mais éloigné des règles strictes de l’Islam et se laïcise progressivement. Les
sionistes ont aussi joué sur l’ambiguïté. Avant la guerre de 1948, la plupart des leaders étaient
éloignés du judaïsme comme pratique religieuse mais utilisent l’héritage partagé du judaïsme et de
la bible dans les discours politiques pour susciter les soutiens au sionisme. Après 1948, l’ambiguïté
demeure, le régime est laïc mais soutien plusieurs types d’écoles (religieuses et laïques) et ne
reconnait aucun mariage civil mais seul ceux célébrés par le rabbinat.
Le nationalisme arabe est un nationalisme qui entend ouvertement ignorer les différences
religieuses entre les chrétiens et les musulmans. Un des slogans des nationalistes arabes : «  La
religion appartient à Dieu et l’État appartient à tout le monde  ». Le nationalisme essaye d’effacer les
différences confessionnelles, du point de l’État, ces différences ne doivent pas faire une différence. Il
s’agit de surmonter les faiblesses qui avaient été celles de l’égalitarisme de type ottomaniste.
L’ottomanisme prônait le même slogan mais en réalité, la nationalité de l’État était les Turcs
ottomans => faux égalitarisme. Les nationalistes arabes font une place importance à des leaders
politiques chrétiens et des juifs. Mais le nationalisme arabe est aussi un nationalisme implicitement
musulman car la culture arabe est imprégnée des mœurs dérivées de la tradition islamique. On a
un nationalisme tantôt exclusif, tantôt inclusif. Le nationalisme arabe est inclusif auprès des
chrétiens arabes mais exclus ceux des autres nationalités comme les Kurdes de Syrie et d’Irak
(considérés comme des immigrants turcs et finissent avec un statut d’apatride). Il affirme aussi les
droits de la majorité, la majorité religieuse étant importante aux nationalistes arabes. De ce fait, les
chrétiens sont susceptibles d’être marginalisés comme les Coptes en Égypte dans la fonction
publique. Jusqu’en 1967, ces années sont marquées par une ambiguïté consensuel. Pour les
musulmans, le nationalisme arabe est arabe et musulman sans que cela crée une contradiction
sérieuse tandis que pour les chrétiens, le nationalisme ne doit pas être spécifiquement musulman.
La valorisation des coutumes partagées de l’Islam permet de tempérer les confits qui
peuvent aisément renaitre entre les communautés. A la fin de l’année 1958, l’Égypte de Nasser
s’est unie à la Syrie dans une République Arabe Unie (RAU) qui va durer 3 ans. Cette République
séduit beaucoup et des gens au Liban, principalement dans les grandes villes, demandent à y
adhérer. En effet, le gouvernement libanais a favorisé des régions où les chrétiens étaient très
majoritaires donc en favorisant certaines régions, on favorise certaines populations. Le Liban des
années 1946-1958 a donc creusé les écarts économiques entre chrétiens et musulmans en créant des
inégalités d’abord géographiques mais en réalité confessionnelles. Ces écarts ont entrainé un rejet
de l’État libanais par des musulmans pour qui ce rejet s’exprimait dans la volonté d’intégrer le
Liban à la RAU. Mini guerre civile à l’été 1958. Les partis sunnites et chiites prennent les armes pour
essayer d’imposer que le président sortant n’ait pas la capacité d’embringuer un deuxième mandat
et vouloir que la Liban intègre la RAU. Le résultat est une intervention américaine et une politique
de rééquilibrage des allocations de fond.
Les programmes de développement ont ainsi des effets non anticipés. L’idée de développement
repose sur une volonté de maitrise de la nature. Mais les projets de développement connaissent des
échecs, des catastrophes (ex : barrage d’Assouan), des conflits. Le rééquilibrage de l’allocation des
fonds publics au Liban n’entraîne pas la paix sociale mais entraine le développement des forces
révolutionnaires (surtout des minorités chiites). A partir de 1966, multiplication de grèves, la
création de mouvements de lutte armée. Les grèves visent essentiellement à fonder un filet de
sécurité de type sécurité sociale (pour des effets redistributifs) mais le patronat dominé par la
bourgeoisie sunnite ou chrétienne ne bouge pas, il refuse toute transformation qui tendrait à
l’égalisation des conditions par peur de perdre leur clientèle et leur électorat et donc de devoir céder
le pouvoir. Le développement amène la multiplication des mouvements révolutionnaires et la
rétractation du patronat et des élites sur toute forme de politique redistributive. C’est la
« modernité réflexive » (Ulrich Beck). Il explique qu’une des caractéristiques de la modernité est que
ça ne marche pas forcément, les projets rencontrent des problèmes et risques de déraillement. On
est conscient désormais que l’on ne peut pas dominer totalement le monde ou la société. => Cette
prise de risque traduit des équilibres grandissants qui risquent parfois de renverser l’ordre régional
au MO.

État pas forcément mieux que la puissance coloniale comme en Égypte. Remise en cause du
soutien de la population qui y voit toujours l’incarnation d’un pouvoir patriotique local et donc
implicitement musulman. Sayyid Qutb (1906-1966) est condamné à mort à la suite de ses
publications et sa critique radicale d’un État qui ne serait plus au service de Dieu et de la loi
islamique. Critique poursuivie par ceux qui vont échapper au pouvoir nassérien pour aller en Arabie
saoudite où le régime saoudien est clairement musulman et fondent des organisations
missionnaires et de propagande. Ils fondent la Ligue Islamique Mondiale en 1961 (officine de
propagande anti-communiste dans les pays musulmans) et l’Université Islamique de Médine en
1962 (répandre l’islam wahhabite). Ils injectent dans l’islam wahhabite un élément révolutionnaire
anti-impérialiste. La prédication wahhabite doit insister sur la justice sociale et combattre
l’impérialisme qui subsiste aux régimes coloniaux dans les régimes nationalistes. Va naitre de ce
milieu-là la mouvance que l’on retrouve en Afghanistan dans les années 80 et passer à un djihad
militaire et militant contre les soviétiques et en 2001 contre les Américains.
Entre-temps, le nationalisme arabe subit de nombreux revers, à commencer par la guerre de 1967.

II/ Les revers des nationalismes (1967-1979)

1) 1967 : la défaite des nationalismes militaires arabes

La défaite des armées arabes lors de la guerre de juin 1967 contre Israël est très rapide et
massive : elle laisse les régimes militaires arabes dans l’impuissance.
Jusque là en effet, les régimes arabes avaient oscillé entre des alliances occidentales vues
populairement comme une reddition à l’impérialisme, et un nationalisme dont les objectifs étaient
coordonnés à l’espoir de réoccuper la Palestine et de mettre fin à l’État d’Israël. Les régimes
nationalistes arabes se revendiquaient tous de l’unité arabe, donc de l’objectif d’unifier tous les
États arabes ; mais la RAU avait été un échec. Faute de pouvoir unifier les États arabes pour
reprendre la Palestine, les États arabes se faisaient une concurrence feutrée, tout en affirmant tous
avoir pour priorité la Palestine et le retour des réfugiés palestiniens.
Après 1967, cet objectif apparaît nettement irréaliste au sein des gouvernements. Il est récupéré
par les organisations révolutionnaires gauchistes, dont beaucoup sont formées par les partis et
organisations armées des Palestiniens. Mais pour les États, la fin de l’objectif réaliste de reprendre la
Palestine signifie que tous les leaders arabes sont en concurrence pour unifier un espace découpé.
Et donc, les rivalités s’intensifient, notamment entre l’Irak et la Syrie, dirigées toutes les deux par
deux branches rivales d’un parti nationaliste arabe socialisant, le parti baathiste. De même, Syrie et
Jordanie sont dans une lutte à mort l’une contre l’autre jusqu’à la 1e guerre du Golfe en 1990.
La montée des mouvements révolutionnaires palestiniens et de soutiens aux Palestiniens traduit
non seulement l’imprégnation massive du nationalisme arabe, un nationalisme plus politique,
comme le dit Khaled Ziadé. Mais aussi les impatiences socio-économiques suscitées par le
développement : au Liban, les grèves se multiplient après 1967. En Jordanie, non seulement les
factions armées palestiniennes lancent à partir de 1966 des opérations commandos contre le
territoire d’Israël ; mais elles encouragent la fondation de coopératives de production, et même d’un
éphémère soviet à Irbid en 1970.
Entre les groupes révolutionnaires et les pouvoirs d’État, militaires (Syrie, Irak, Égypte) ou civil
(Liban, Jordanie), la lutte qui se livre est une lutte pour l’État. Il en va de même en Turquie où les
mouvements gauchistes de l’époque poussent à la révolution, à la faveur de politiques de
développement qui ont permis l’éclosion d’un secteur industriel notable. Là, les gauchistes voient
dans l’État et l’armée les instruments de l’émancipation de la nation vis-à-vis des influences
extérieures (l’OTAN, dont la Turquie fait partie ; les partenaires commerciaux occidentaux de la
Turquie). Jusqu’à ce que l’État et l’armée se retournent contre eux et éliminent les principaux leaders
de la gauche révolutionnaire en 1971.

2) 1970 : Un « tournant correctif » pour sauvegarder les États

1970-1971 marque en effet le point d’orgue de cette lutte pour l’État entre une caste de militaires
et de fonctionnaires qui mènent les politiques de développement, et une gauche qui veut rendre le
développement plus égalitaire. Cette lutte marque aussi le début d’une réaffirmation de la
puissance américaine et de l’hégémonie d’Israël, un temps contesté dans l’opinion publique
internationale par d’audacieuses opérations de lutte armée bien médiatisées par les factions
palestiniennes.
Le processus s’opère en 4 temps :
-1°) A partir du 12 septembre 1970, guerre civile entre l’État jordanien et les factions de
l’Organisation de Libération de la Palestine (organisation regroupant les principales factions
palestiniennes), généralement appelée “Septembre noir”. Depuis 1966 en effet, l’OLP opère contre
Israël depuis le sol des États voisins, qui subissent les représailles israéliennes. Quelques combats
bien menés popularisent la résistance palestinienne. Cependant, malgré le soutien officiel du
gouvernement, ces opérations coûtent très chers, et d’autant plus que les factions de l’OLP
encouragent les États arabes voisins à la révolution. La Jordanie est-elle un État-enjeu (disputé entre
d’autres acteurs étatiques) ou un État-acteur (ayant une politique autonomie) ? Pour la monarchie
jordanienne, les opérations palestiniennes réduisent la Jordanie au rang d’enjeu : un terrain de
bataille entre Palestiniens et Israéliens. Comme le montre le document 4, avec le soutien US et des
livraisons d’armes israéliennes, le gouvernement jordanien élimine la résistance palestinienne et
chasse l’OLP au Liban.
-2°) Septembre noir est une catastrophe pour Nasser, qui meurt dans la foulée. Son
successeur Anwar al-Sadat souhaite un recentrage pro-occidentale, et engage immédiatement une
politique de libéralisation économique : il met fin aux grands plans d’investissement étatiques de
développement, et suspend de nombreuses subventions aux classes populaires, préférant créer
une économie de marché compétitive. Dans le même temps, Sadat est intransigeant sur les
revendications territoriales, à savoir la restitution du Sinaï ̈ : tout en multipliant les ouvertures
discrètes aux Américains, il menace ces derniers de se rapprocher de l’URSS si Washington ne fait pas
pression sur Israël pour négocier un retrait du Sinaï .̈
-3°) Novembre 1970 : Le général d’aviation Hafez el-Assad prend le pouvoir en Syrie. Le
parti baathiste reste au pouvoir, mais Assad élimine la faction la plus proche des révolutionnaires
gauchistes, partisans de la guerre à outrance contre Israël. L’aviation avait en effet été l’arme la plus
touchée durant la guerre de 1967.
Dans le même temps, Assad utilise certains mouvements palestiniens (Al-Sa’iqah, “La foudre” (à ne
pas confondre avec les forces armées du Fatah, “al-3Assifah”, la tempête) ; et dans une certaine
mesure le FPLP) et des mouvements révolutionnaires locaux au Liban et en Jordanie pour y exercer
une influence et affirmer l’autonomie de la Syrie comme acteur. Le “terrorisme international”
auquel participent ces organisations doit de ce point de vue être lu comme un moyen d’affirmation
d’État comme la Syrie, l’Irak et la Libye contre les ingérences extérieures. Cette capacité d’influence
extérieure de la Syrie est particulièrement visible à partir de la guerre civile libanaise qui éclate en
avril 1975 : en 1976, la Syrie est en effet invitée par le gouvernement libanais à mener une opération
“panarabe” de pacification contre les opérations des factions palestiniennes ; elle en profite pour
installer une occupation qui dure jusqu’en 2005.
-4°) Le 12 mars 1971, l’armée turque prend brièvement le pouvoir pour éliminer les
mouvements gauchistes, et certains mouvements islamistes qui continuent de contester les
fondements du régime républicain : à savoir, l’autonomie de l’État par rapport au clergé musulman.

3) 1979 : Une victoire des États et des islams politiques sur les mouvements
révolutionnaires de gauche

Fast–forward : l’année 1979 voit s’effondrer le moment révolutionnaire gauchiste au Moyen-


Orient, dont nous venons de voir qu’il résultait davantage d’une concurrence pour le contrôle de
l’État menée par des mouvements à racines populaires, plutôt que comme une contestation réelle
des États existants. 1979 voit successivement la prise de pouvoir révolutionnaire en Iran par un
pouvoir qui ne se veut plus ni pro-occidental, comme le régime précédent, ni communiste, mais
d’inspiration religieuse. La révolution iranienne fait des émules parmi les mouvements de l’islam
politique, tant chiites (comme le pouvoir iranien) que chiite).
Décembre 1979 voit aussi l’invasion de l’Afghanistan par l’armée soviétique. Celle-ci vient soutenir
un pouvoir socialisant contre de multiples guérillas monarchistes, d’influence islamique et autre. La
réislamisation de l’Afghanistan n’a pas encore eu lieu : il s’agit alors surtout d’un nouveau théâtre de
l’affrontement Est-Ouest. Mais il signale au Moyen-Orient que le communisme est lui aussi
impérialiste, près à occuper des pays musulmans. Les prétentions des mouvements gauchistes à
promouvoir l’émancipation et la libération sortent très grandement affaiblies.
Et dans le même temps, les États-Unis organisent immédiatement avec l’Arabie saoudite et
notamment la Ligue Islamique Mondiale (qui était pour l’essentiel une officine anti-communiste)
l’aide à la résistance : des fonds sont levés dans les pays pétroliers, enrichis depuis 1973, pour
soutenir la cause des moudjahidin (combattants / combattants du djihad) contre le régime vu comme
“athée”. Un des plus actifs à prêcher le djihad et à lever des fonds est l’enfant d’une famille
saoudienne enrichie par les contrats pharaoniques de construction au service de l’État saoudien :
Oussama Ben Laden.
Ceci et l’émergence d’un État révolutionnaire chiite persuade l’Arabie saoudite de mener une très
active campagne missionnaire de critique des idées socialistes décriées comme athées, et de
promotion d’un islam wahhabite teinté d’anti-impérialisme.

III/ Autoritarisme et stabilité (1979-2001)

1) L’autoritarisme, ou la promesse de la stabilité

Les évènements de l’année 1979 provoquent un durcissement des régimes en place. Ces derniers
voient dans la révolution un risque crédible : après le précédent iranien, un islamiste égyptien
assassine le président égyptien Sadat en octobre 1981. Et en Turquie, la contestation grandit de
divers côtés, signe des déceptions à l’égard d’un modèle de développement qui s'essouffle : le 12
septembre 1980, les militaires prennent le pouvoir, traquent les milices gauchistes et nationalistes
qui se livraient de meurtriers combats de rue depuis plusieurs années, ainsi que les principaux
mouvements de l’islam politique.
Jusqu’en 2001, l’ordre autoritaire qui s’installe privilégie la stabilité. Il ne s’agit pas de dictatures
totalitaires, complètement conduites par l’État : l’État reste une institution sociale au sein de
laquelle négocient et se font concurrence différents groupes sociaux, les élites et les classes
populaires en particulier. Les États autoritaires portent la promesse de la stabilité : en échange de
l’élimination des modes de contestation susceptibles de menacer le régime, celui-ci assure la
stabilité, et notamment une certaine capacité à investir, s’enrichir... pour ceux qui sont prêts à
montrer leur loyauté. L’exemple achevé est l’Egypte de Hosni Moubarak, au pouvoir jusqu’en 2011 :
d’un côté, interdiction des manifestations et répression de la lutte armée de la “Jama’ah
islamiyyah” ; d’un autre côté, des marges de liberté, dans la presse et dans l’économie, qui
permettent jusqu’aux années 2000 le développement d’une nouvelle classe moyenne
d’entrepreneurs, et un enrichissement “islamiquement correct” pour leurs familles.
Ailleurs, en Syrie, la stabilité est assurée par la violence : le régime d’Hafez el-Assad, issu d’une
famille alaouite (musulmans hétérodoxe), favorise massivement les membres de sa communauté
pour tous les hauts-rangs de l’armée et de l’administration. En 1980, une organisation issue des
Frères musulmans attaque de façon sanglante une promotion de cadets de l’armée à Alep : la
revendication des attaquants se réfère certes au début à l’islam, mais toute son argumentation porte
sur l’injustice que 90% de cette promotion de cadets soient des alaouites (qui ne font que 13% de la
population). Assad compte sur la solidarité communautaire pour s’assurer la loyauté de la haute
administration. Par ailleurs, il réprime les soulèvements des Frères musulmans dans le sang,
dénoncés comme des ingérences jordaniennes : un bombardement à Hama, en 1982, aurait fait
30000 dans cette ville très majoritairement sunnite, qui abrite notamment les propriétaires des
terrains que travaillent traditionnellement les alaouites. Le bombardement est à la fois un
avertissement aux contestataires, et un moment de vengeance communautaire. Mais par la suite, le
régime coopte la bourgeoisie sunnite de Damas et d’Alep, tout en la confinant à l’action caritative :
construction d’écoles, d’hôpitaux... et surtout de mosquées, sous-taxées par rapport à tout le reste.

2) Le moment américain

Après la chute du Mur de Berlin en 1989, les Américains affirment leur hyper-puissance mondiale.
Le Moyen-Orient est le premier lieu où ils vont affirmer cette hyper-puissance, de façon
démonstrative. La 1e guerre du Golfe, en 1990-1991, est un avertissement: les Etats peuvent avoir
des différends avec les EU (comme la Syrie) mais pas s’en prendre à ses intérêts stratégiques et aux
principes de droit international qu’entendent défendre les US (comme l’a fait l’Irak en occupant le
Koweït). L’Irak, maintenu sous embargo jusqu’en 2003, est censé être le repoussoir pour tous les
“États voyous” ne respectant pas les règles du jeu et du droit international.
La guerre débouche sur une entreprise d’affirmation de la paix américaine au Moyen-Orient : 1993,
Déclaration de Principe marquant le début du “processus de paix” israélo-palestinien ; dans la
foulée, 1994 : traité de paix israélo-jordanien. Cette paix se fait sur le modèle de l’administration
Clinton, qui préfère soutenir des régimes acquis à l’économie de marché, que des régimes
démocratiques. Les nouvelles autorités autonomes palestiniennes sont ainsi invitées à administrer
les territoires sous leur contrôle comme une entreprise, en conformité avec les principes du néo-
libéralisme.

Conclusion  :
Années 1967 et 1979 vont être des tournants majeurs pour la politique des États de ce qui était
naguère l’empire ottoman. L’Etat-nation était l’objectif des nationalistes, qui donnait lieu à des
mesures exclusives mais était porté par la promesse d’une redistribution des ressources par
l’intermédiaire de l’État. Cette promesse est progressivement emportée par les échecs militaires
des régimes militaires, politiques des mouvements révolutionnaires, et stratégiques des
mouvements de l’islam politique qui jusqu’en 2001 font face à une répression massive. Cette
dernière devient d’ailleurs un prétexte pour les États autoritaires à se maintenir : l’alternative n’est
en effet pas “nous ou le communisme” ou “nous ou la démocratie”, mais “nous ou les islamistes”, ce
qui suffit à emporter le soutien des régimes occidentaux. L’État développementaliste a cédé la
place à l’État autoritaire dans de nombreux pays. Dans le même temps, par la force ou par un
processus légal, l’ordre néo-libéral a commencé à se mettre en place dans la région : même en
Syrie, la mort d’Hafez el-Assad se traduit par une phase de libéralisme économique. Mais nulle part
ce libéralisme économique ne vient contraindre l’action de l’État : le plus souvent, le secteur privé
est confié par le biais des ventes d’actifs d’État aux hommes d’affaires loyaux au pouvoir. De sorte
que la libéralisation économique n’a pas du tout l’effet d’accroissement de la concurrence dans la
société, au contraire : elle consolide les élites issues des régimes nationalistes.

Chapitre 9 : Fin des hégémonies, révolutions et contre-révolutions (2001-2022)


Attentats du 11 septembre 2001 : arqué par une expansion limitée dans le temps des formes
d’intevention ext au MO et par un retrait progressif des usa. Usa ont jugé bon d’abandonner les
projets d’inteventionisme direct et les projets de transformation du MO. Retrait des usa ouvre la
porte a une période qui semblait être de changement politiques intenses, révolution, conflits civils de
grd ampleur. Cette période s’est soldée par bcp de plus ça change plus c la même chose. Forte
amertume politique. A la suite des soulèvement de 2011 (printemps arabes) = comapraison avec
printemps des peuples (enchanement rapide de soulèvements ayant des revendications
comparables). Règne des autoritarismes semble ancré. Les états du golfe mutliplient les ouvertures
vers la Russie et la chine. Comment rendre compte de la continuation des régimes et ce alors que la
configuration géopolitique a changé ?

I- Les états faillis, prétexte à intervention ou réalité ?

Stratégie : discipline hybride.

A- La guerre contre le terrorisme au MO

Le terrorisme est impossible à définir, notion politisée qui sert à incriminer, mais est une référence
historique à partir de Bush qui l’emploie pour la première fois.

Les prémices intellectuelles de la guerre contre la terrorisme viennet des néo-conservateurs,


partisancs du multilatéralisme, qui en sont venus à l’idée que pour imposer leurs progressisme, il
faudrait les moyens tels que la violence. Ces néo conservateurs sont dans la partie républicaine
depuis 90 et son renforcés à partir de l’écaltement de la deuxième intifada avant même les attentats
de septembre.

Première expérimentation : catégorisation de terroristes qui permet de passer par-dessus certaines


règles juridiques et donc se de protéger contre une menace.

Bcp d’inttelecteuels américains vont discuter d’une stratégie occidentale commune face à une
« menace terroriste unifiée ».

Avec le 11 sept 2001 : affranchissement du droit international devient possible. Propagation d’une
« menace unifiée » à combattre sous toutes ses formes et partout où il existe : au mépris de la
souveraineté d’autres états. Ce thème rejoint la guerre contre la drogue.

Pour les gens comme oussama ben laden, la présence militaire usa est une nouvelle colonisation. Les
usa identifient assez rapidement leur adversaire : ben laden et al-quiada. Les usa décident de
militariser la lutte contre le terrisime -> porter la lutte contre des organisation inter à caractères
religieux islamique (et non pas comme un concept généralisé à travers le monde). Cette guerre est
menée aussi contre les états soupconnés de les abriter, diabolisés, comme l’irak et l’afghanistan.

Cette action contre les états se fait au risque de viser trop large (viser des pop entières ou les occuper
et donc assurer une administration coloniale) et donc faire face à une résistance continue. Les usa
ont également négligé l’influence du pouvoir charismatique. A la mort de saddam hussein : pop
sunnites protestent contre les ambassades américaines car vu comme une attaque des usa contre le
sunnisme .

B- La dénonciation des états faillis

La dénonciation des action usa en afghanistant et Irak justifiée par bush par raison pol et militaire.
Usa accuse Irak de posséder des armes de destruction massives (nucléaires, chimiques). Irak a du
autoriser inspection de ces installation pour recevoir des médicament et de la nourriture dans les
années 90. Pour tolérer ces organisations terroristess, il faut que l’état soit failli et donc représente
une menace réelle dans la société internationale.

Le terrorisme international a généralement pour base des états structurés comme la Russie. Ils sont
armés par des états forts sur le plan international.

Les usa se renddnt compte que leur ennemis sont des gens ve,us de partout réunis en réseau, grâce à
internet. Guerre contre le rterrorisme vu coomme guerre contre une b=nébuleuse.

Etat failli : ne remplit plus ses fonctions (régaliennes, centralise les ressources, sécuritaires, etc). il ne
contrôle plus son état et sa population et n’est plus en mesure de s’opposer à l’intervention
d’acteures extérieurs, qui risquent soit de radicaliser les rapports de force au sein del l’état soit de le
privatiser. Afghnistant : alquaida polarise le régime et état privatisé car ils ont éta amenés à déléguer
un certain nombre de fonctions.

Cependant l’enquête montre que 11 des 15 criminels des attentats étaient souadiens, arabie
saoudite étant un pays allié des usa, la décision a été de fermer les yeux sur le fait que soit l’arabie
est accpetée voir piloté et financer l’opération et d’ignorer la possibilité que le pays soit défaillant.

C- Les limites de la construction étatique américaine

Les usa décident de faire un véto avec une coalition contre l’avis de l’onu pour débarquer en Irak et
décident d’appliquer leurs projets de construction étatique pour construire une société
démocratique.

Dès fin 2003, la politique menée en Irak commence à voir apparaitre des contestations.

Effet inverse -> l’ordre publique s’effondre dans les villes et les institutions doivent être protégées
(très peu l’ont été). Sur le plan politique, les 6 premiers mois, privatisation intensive, on vire les
membres du parti baath au pouvoir et de toutes les personnes compétentes (aussi profs, officiers,
etc). produit un état minimal porté =par les américains.

Les usa se sont en réalité fait mener par un certain nombre de groupes d’affaires proches du pouvoir
républicain.

II- Le délitement de l’ordre américain


A- Un cout économique exorbitant

La guerre coute énormément (environ 2 000 MM de $) ce cout a été poussé à la hausse par

Déléguer les taches les plus sales aux mercenaires, privatisation de certaines branches de l’armée aux
sociétés proches du pouvoir comme KBR.

Ils ont utilisé les dépenses sociales pour rembourser la guerre et limiter le déficit. nath

B- De l’occupation de l’irak à la guerre civile irakienne comme configuration conflictuelle


régionale

Illustre une tendance des conflits régionaux : la capacité de pays entiers à s’enliser dans une config
militaire et pol où la sortie vers la paix apparait impossible sans chagement géopo majeur. C’est l’irak
entier qui est pris dans une config de guerre civile dont tenants aboutissant ne semblent pas près de
changer. Idée de config conlfictuee régio : il s’agit de conflits qui peuvent avoir un cœur et qui étant
localisés dans des états ont privilégié de acteurs nationaux, qui luttent pour de sressources ou le
pouvoir. Acteurs voisins ont aussi des intérêts dans le conflits, ainsi que les puissances inter.
C- Le discours du caire et les reclassements régionaux

En 2009, obama annonce que les usa n’intervidenrai plus contre la souveraineté des étas de la
régions

III- Révolutions, contre-révolutions et guerres régionales


A- Une « concaténation de soulèvements » (perry anderson)

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