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Introduction

Le Moyen-Orient :
Histoire, conflits et sociétés de 1774 à 2013

Le terme Moyen-Orient fait référence au concept britannique de middle east qui désignait pour les
britanniques la zone qui commande l'accès à l'east, c'est à dire l'accès à l'Inde qui était alors la perle
de l'empire britannique. L'Inde est à l'époque la grande puissance moyen-orientale.

Le Moyen-Orient est une zone qui débute en Égypte et se déporte jusqu'en Afghanistan.

Avec le percement du canal de Suez en 1869 le Moyen-Orient représente toute cette zone qui va de
l'Égypte à l'Iran, qui inclue l'actuelle Turquie appelée aussi Anatolie et les détroits du Bosphore qui
commandent pour la Russie l'accès à la mer méditerranée et donc à l'Afrique du Nord.

Le Moyen-Orient inclue bien entendu le golfe arabo-persique qui commande l'accès à l'océan indien
et l'accès aux zones pétrolifères actuellement situées en Irak et en Iran dont on commence à
découvrir l'utilité au début du XXe siècle.

On superpose souvent au Moyen-Orient le Proche-Orient, ce que les britanniques appellent le near


east. Cela correspond à ce que les français appellent au même moment le Levant, c'est à dire le
pourtour oriental de la méditerranée sur lequel se porte les intérêts géo-stratégiques français en
raison de leur possessions en Afrique du Nord.

Tout au long de la guerre froide entre 1948 et 1990, c'est ce Proche-Orient qui concentre l'essentiel
des tensions de la région. Le conflit entre Israël et ses voisins arabes représente alors le terrain
privilégié de l'affrontement géopolitique et idéologique entre les deux super-puissances USA-URSS
avant que la révolution iranienne de 1979 puis la guerre d'Afghanistan ne déplacent
progressivement l'épicentre du Moyen-Orient vers le golfe arabo-persique et que l'islamisme plus
que l'arabisme s'impose comme la matrice idéologique des conflits de la région.

À partir de 1990, la guerre américaine contre l'Irak, rendue possible par la fin de la Guerre Froide et
le démantèlement de l'URSS place durablement le Moyen-Orient dans le zone de contrôle direct des
USA (qu'on peut faire aller jusqu'en 2013).
Le contrôle des productions pétrolifères et gazières de même que les enjeux pour le contrôle de ces
zones énergétiques se superposent aux enjeux des trois puissances montantes comme la Turquie,
l'Arabie Saoudite et l'Iran.

On constate aussi à cette période la montée en puissance des BRICS dans les années 2000, celle de
la Russie au grand dam des américains qui continuent de lui opposer les stratégies de containment
héritées en fait des rivalités russo-britanniques du XIXe siècle.

Cette rivalité croissante entre ces différentes puissances a pour effet de renvoyer progressivement le
conflit israélo-arabe et les pays du Proche-Orient – Égypte, Syrie – vers la périphérie du Moyen-
Orient, ramenés au rang d'acteurs dominés contrairement à Israël.

Plan du cours
Partie I : De l'Empire ottoman à la domination européenne (1774-1948)
Partie II : Le Moyen-Orient dans la guerre froide (1948-1990)
Partie III : Le Moyen-Orient « à l'heure américaine » (1990-2013)
Première partie : De l'Empire ottoman à la domination européenne (1774-1948)

Il s'agit de revenir sur le XIXe siècle et sur l'ordre politique européen dont l'empire ottoman est le
centre.
L'empire ottoman est est à son apogée au XVIe et XVIIe siècle après la chute de Constantinople en
1453, qui est alors la capitale de l'empire byzantin (c'est à dire l'empire romain d'orient) et la
conquête de l'Égypte et de la Syrie.
L'empire a pour capitale Istanbul, (aussi appelée Byzance et Constantinople).

L'empire ottoman débute en 1299 et dure officiellement jusqu'en 1923.


→ Il couvre donc plus de 600 ans.

A son apogée il correspond à ce que fut l'empire byzantin à son apogée.


L'empire byzantin correspond à l'empire romain d'Orient issu du partage du pouvoir impérial entre
deux empereurs : l'un régnant sur la partie occidentale de l'empire et ayant pour capitale Naples et
l'autre régnant sur la partie orientale de l'empire et ayant pour capitale Constantinople.
L'empereur de la partie occidentale disparaît en 476 à la chute définitive de Rome mais l'empire
romain d'orient continue à exister : il dure jusqu'en 1453.
C'est la raison pour laquelle sous l'empire ottoman on utilise le terme de « roum » pour désigner les
sujets de l'empire romain d'occident.

A son apogée c'est un état musulman sunnite de type monarchie absolue. Il est fondé par un clan
turcique oghouze en 1299 dont les possessions se sont accrues de manière croissante par la suite.
Il entame du déclin à la fin du XVIIe siècle.

Chapitre 1 – L'Empire ottoman : Un État musulman, pluri-ethnique et pluri-


confessionnel

A l'origine les souverains ottomans ne revendiquent pas la fonction califale mais avec la conquête
de l'Égypte et de la Syrie donc des lieux saints (La Mecque, Médine) les souverains sont perçus
comme étant ceux qui ont réunifiés la communauté musulmane face aux dangers qui la menaçaient :
d'un côté l'Europe chrétienne et de l'autre la poussée persane chiite avec la fondation de la dynastie
Séfévide en Perse en 1501.

La conquête de l'Égypte fait des souverains les protecteurs des villes saintes et fait des ottomans les
protecteurs des pèlerinages, l'un des piliers de la foi musulmane.
Cela leur confère un grand prestige dans le monde musulman.
Cela les autorise à s'attribuer la fonction califale à partir du XVIe siècle.

Calife veut dire successeur du prophète. À l'origine, le califat correspond à un titre à la fois
temporel et spirituel sur l'Islam et les musulmans. C'est un titre d'abord attribué aux compagnons du
Prophète : c'est ceux que l'on appelle les califes bien guidés ou les califes orthodoxes, puis attribué
aux empereurs Omeyyades et Abbassides.

Sous la férule des empereurs Abbassides, le califat prend une fonction plus directement religieuse
qui dépasse le cadre des territoires effectivement contrôlés par le titulaire de la fonction. Tandis que
le pouvoir de gouvernement et le pouvoir militaire repose plus directement sur le sultanat, qui
revient à des groupes multiples et en rivalité les uns avec les autres.

Le titre de calife continue de revenir aux Abbassides après la chute de Bagdad en 1258 et après
qu'ils se soient réfugié en Égypte.
Le calife, de même que les souverains temporels - les sultans, n'a pas autorité pour interpréter ou
définir le dogme.
Ce pouvoir d'interprétation de la loi religieuse revient aux oulémas c'est à dire aux spécialistes des
sciences religieuses qui évoluent dans le cadre d'institutions telles que les grandes mosquées ou les
universités religieuses du Caire et de Médine. Les souverains quant à eux ne sont que les garants de
l'application de la Loi.
→ C'est la réalité de cet état qui garantit l'autonomie des oulémas.

Il n'en demeure pas moins que l'empire ottoman constitue une immense entité pluri-ethnique et
pluri-confessionnel.
Dans la partie occidentale de l'empire, l'actuelle Roumanie (?), les chrétiens représentent la majorité
de la population (jusqu'à l'indépendance des Balkans au XIXe siècle) tandis que les chrétiens du
croissant fertile représentaient moins de 20 % de la population à la veille de la 1ere GM.

L'organisation du pouvoir est fondé sur une base clanique. Le pouvoir du souverain repose sur
l'allégeance que lui prêtent les différentes élites territoriales en l'échange du respect par l'empire et
de la préservation de l'ordre institutionnel, social et religieux.

I. Églises chrétiennes et communautés juives :

D'où remontent les communautés prises dans les conflits du Moyen-Orient ?

La diversité religieuses est le produit des conflits géopolitiques et religieux qui caractérise le
Moyen-Orient depuis ses origines.

Depuis le IVe siècle la chrétienneté est organisée autour de 5 patriarcats :


– Le patriarcat d'Alexandrie (apostolique),
– Le patriarcat d'Antioche (apostolique),
– Le patriarcat de Rome (apostolique),
– Le patriarcat de Jérusalem,
– Le patriarcat de Constantinople dont la prééminence est liée à l'empire romain.

Les patriarcats désignent des centres religieux qui ont autorité sur les évêchés de la région, ce sont
des lieux dans lesquels se sont développés des manières de penser.

Dans les premiers siècles, l'Église n'est pas centralisée autour d'un personnage central mais autour
de ces 5 patriarcats en rivalités pour la prééminence des uns sur les autres, pour le droit de faire de
leur propre rite le rite dominant de la chrétienneté.

Ces rivalités sont particulièrement fortes entre Constantinople et Alexandrie jusqu'en 1431, puis
entre Constantinople et Rome jusqu'au schisme entre les orthodoxes et les catholiques.

Ces rivalités s'expriment dans le cadre des conciles oecuméniques qui se présentent comme des
conférences réunissant les délégués des différents évêchés et patriarcats. Ils sont destinés à
harmoniser le dogme et l'ensemble des croyances et des rites qui définissent la chrétienneté.

Les deux premiers conciles se tiennent à Nicée en 325 et à Constantinople en 381. Ce sont ces deux
premiers conciles qui actent ce qu'on appelle la consubstantialité des trois éléments de la Trinité
chrétienne.
La mythologie chrétienne est fondée sur l'articulation entre ces trois notions qui incarnent le Dieu
unique en 3 personnes qui sont à la fois différentes et similaires : le Père (l'Éternel), le Fils (le
Verbe) et le Saint Esprit (le Souffle).
Les deux premiers conciles actent également la condamnation des thèses d'Arius : l'arianisme, qui
considérait que le Fils et le Père étaient de deux natures différentes.

Le troisième concile et le Concile oecuménique d'Ephèse en 431.


Ce concile acte l'unicité du Christ mais aussi la reconnaissance de la vierge Marie comme la mère
de Dieu et non seulement comme mère de son fils Jésus.

Cette théorie est incompatible avec la doctrine défendue à cette époque par Nestorius qui est à
l'époque patriarche de Constantinople. Selon lui, il existe en fait deux personnes dans le Christ :
l'une divine, l'autre humaine.
La thèse de Nestorius refuse le culte de Marie comme la mère de Dieu. Et par ailleurs il refuse l'idée
selon laquelle le Christ serait mort sur la croix : seul le Christ l'aurait été.

Le concile d'Ephèse acte donc la condamnation de Nestorius comme hérétique.


Il quitte Constantinople et va s'installer auprès de ses fidèles, à l'Est de l'empire byzantin.
C'est comme ça qu'une grande partie des chrétiens orientaux s'organisent de manière autonome à
l'Est de l'empire romain. C'est ainsi qu'est fondée l'Église Assyrienne (aussi appelée Perse ou
Chaldéenne).
Ces chrétiens forment la première des Églises orientales : l'Église des deux conciles (c'est à dire
ayant rompu au 3e).

Le quatrième concile est le concile de Chalcédoine en 451.


Ce concile acte l'unicité de la double nature humaine et divine du Christ en la personne de Jésus
Christ.
Ce sont alors les patriarcats d'Alexandrie et d'Antioche qui sont marginalisés et qui refusent de
suivre les conclusions de ce concile.

Les polémiques entrainées sont à l'origine de la création de 3 autres Églises orientales :


– l'Église copte orthodoxe autour du Patriarcat d'Alexandrie (copte fait référence au nom
donné en grec ancien à l'Égypte antique),
– l'Église syriaque dite aussi Église jacobite ou église syrienne fondée autour du patriarcat
d'Antioche dont le siège actuel est à Damas,
– l'Église arménienne dont le siège actuel est à Erevan. Elle est dite aussi Église grégorienne.
Ses fidèles ont été très présent dans toute l'Anatolie, ce sont eux qui ont été l'objet du
génocide de 1915.

Ces trois Églises dites aussi Églises des 3 conciles sont également dites Églises monophysites c'est
à dire selon lesquelles la nature divine du christ absorbe la nature humaine.

Ces 4 Églises fondent les Églises orientales dites non-chalcédoniennes c'est à dire qui refusent le
concile de Chalcédoine
→ Ces Églises ont été déclarée hérétique et ont subi de nombreuses persécutions.

Ces Églises orientales ont eu tendance à considérer les conquérants musulmans comme des
libérateurs en ce que les musulmans vont reconnaître l'autonomie des communautés chrétiennes leur
permettant d'échapper à la persécution.

Les églises dites chalcédoniennes :


Parmi les Églises chalcédoniennes on trouve l'Église appelée aujourd'hui l'Église orthodoxe.
Cette Église a rompu avec l'Église catholique en 1054 après le 7e concile [Tandis que les
catholiques de Rome suivent les enseignements des 21 conciles, le dernier en date étant celui de
Vatican II dans les années 1962-1965].
L'église orthodoxe est de rite grecque : on en parle comme de l'Église grecque orthodoxe ou Église
melkite en arabe.

Elle s'est réorganisée autour des patriarcats régionaux de l'empire byzantin puis autour de patriarcats
nationaux. Ce sont des patriarcats autonomes mais qui reconnaissent une prééminence au patriarcat
de Constantinople.

Parmi ces Églises on trouve aussi l'Église maronite du nom des disciples de Saint Maroun qui a
rompu avec Byzance au VIIIe siècle et qui s'est réunie avec Rome au XIVe siècle.
Entre le XIIIe et le XVIIIe siècle, une partie des fidèles de ces Églises orientales vont rejoindre
Rome et vont se rattacher à l'autorité du Pape. Les fidèles acceptent la théologie catholique tout en
conservant leurs rites orientaux et quelques spécificités notamment sur la question du mariage des
prêtres.
On les appelle les Églises uniates.

L'ensemble des groupes cités précédemment se sont donc dédoublés.


En somme on trouve :
– l'Église chaldéenne catholique et l'Église assyrienne orthodoxe,
– l'Église copte catholique et l'Église orthodoxe,
– l'Église syrienne catholique (ou syriaque) et l'Église syriaque orthodoxe,
– l'Église arménienne catholique et l'Église arménienne orthodoxe.

Toutes les Églises chalcédoniennes se dédoublent aussi mise à part l'Église maronite.

A cela s'ajoute les Églises protestantes issues de la Réforme :


→ c'est à dire les Églises luthérienne, calviniste, anglicane et évangéliques.

Au total au Liban il existe 12 communautés chrétiennes différentes, officiellement reconnues dont


une protestante.

Chacune de ces églises va créer des liens plus ou moins importants avec les dirigeants occidentaux.

Dès les origines, la diversité religieuse en terre d'Islam est très forte : on voit qu'il faut se garder de
toute représentation caricaturale de l'histoire des rapports entre les religions.
Si les conquêtes musulmanes ont été aussi rapides, entre 632 et 650, c'est en grande partie parce que
les populations locales en majorité chrétienne – mais hérétique du point de vue de l'Église romaine
– ont bien accueillies les nouveaux concurrents : leur domination étant jugée préférable par rapport
à la domination byzantine ou perse.

L'islamisation a suivi un rythme inégal, les conversions ont été rapide et massive (pas forcées) car
au moment de la conquête le christianisme se perdait en conjonctures compliquées. L'islam offre
alors une religiosité simple, similaire à la religiosité chrétienne ou juive : monothéisme,
reconnaissance d'un messie ou prophète.

Au total au XVIe siècle, les chrétiens constituent 7% du monde arabe et les juifs 1% du croissant
fertile.
Entre le XVIe siècle et 1914 les chrétiens passent de 7 à 20% dans le croissant fertile.
Les populations juives passent de 1 à 2%

→ Le dynamisme démographique des chrétiens et des juifs n'est pas lié à des conversions mais à
des conditions favorable de développement démographique et économique.
L'islamisation a suivi un rythme inégal.
Le christianisme représente dans le Moyen-Orient un groupe très hétérogène qui tranche avec le
regard qu'on lui porte d'habitude. Le tableau est contrasté et conflictuel entre les différentes églises
(orthodoxe et église orientale etc..).

Patriarcat : siège qui a autorité sur les évêchés qui l'entourent.

Au début de l'ère ottomane le déclin numérique des chrétiens est signe de leur insertion dans le
contexte arabo-musulman.
Sous l'empire ottomans, ces communautés connaissent des développements importants.

Youssef Courbage et Philippe Fargues notent en 1992 que « trois quarts de siècle après sa chute,
l'empire ottoman possède ses défenseurs dans l'Orient arabe, des chrétiens, des juifs continuent de
voir dans l'alchimie impériale la seule chance de multi-confessionnalité car elle dissociait le statut
des personnes de celui du territoire ».

→ Les zones de peuplement étaient très inégales mais les chrétiens pouvaient représenter une part
non négligeable de la population.

Sous les califats Omeyyades et Abbassides, les non-musulmans font l'objet d'un statut spécifique :
les dhimmis.
Ce statut assure une autonomie religieuse et civile en échange du paiement d'un impôt et en échange
d'un ensemble de restrictions qui leur confère un statut plus ou moins infériorisé dans la société
selon la période et la rigueur plus ou moins forte du pouvoir en place.
Ce sont ces statuts qui contribuent au lent déclin des populations chrétiennes et juives dans le sens
où en particulier les populations les plus pauvres préféraient se convertir plutôt que de payer l'impôt
bien que les empereurs n'avaient pas tellement intérêt à ces conversions : les impôts étaient une part
non-négligeable du trésor de l'empire.

→ Il ne faut pas voir ces statuts comme des structures d'enfermement.

Sous l'empire ottomans, ces statuts vont prendre le nom de millet et ces millets deviennent
nettement moins défavorables aux minorités religieuses tout en les solidifiant de l'intérieur.
Les millets correspondent à des contrats par lesquels le sultan délèguent à des chefs de
communautés une véritable autonomie civile et pénale en échange de leur allégeance.
Le principe de l'ordre politique est l'allégeance.

L'empire ottoman s'est appuyé sur les minorités qu'il a véritablement associé au pouvoir.
C'est la raison pour laquelle le patriarche de Constantinople retrouve avec les conquêtes ottomanes
la prééminence qui était le sienne sur la chrétienté orientale.

Le système des millets est superposé au système des capitulations. Les capitulations sont des
traités concédés à l'origine par le sultan ottoman Soliman le Magnifique à François Ier pour le
remercier de son soutien lors d'une guerre de l'empire face aux Habsbourg.
Ce sont des concessions douanières doublées de concessions juridiques sur les ressortissants
européens qui vont s'étendre aux habitants ottomans de l'empire de même religion que la puissance
partenaire.

Ces capitulations vont permettre de reconnaître à certaines puissances un statut de protecteur des
minorités religieuses dans l'empire ottoman.
Les millets se prolongent dans ces capitulations, dans ces rapports commerciaux et juridiques avec
les civilisations occidentales.

→ Ces capitulations sont l'un des canaux par lesquels s'organisent les échanges entre états
européens et minorités chrétiennes notamment de l'empire ottoman.
De ces échanges historiques sont issus tout un ensemble d'institutions éducatives en particulier
toujours très active au Moyen-Orient comme l'université Saint Joseph de Beyrouth.

→ Ces capitulations vont faire sortir ces minorités religieuses de la société ottomane.

Si les millets consolidaient de l'intérieur les communautés, les capitulations en revanche attirent les
minorités vers l'extérieur, facilitant l'entrisme des puissances européennes, et suscitant
progressivement la méfiance des autres sujets de l'empire surtout lors des confrontations militaires
avec les puissances européennes.

C'est au XIXe siècle que se produisent les premiers massacres et conflits inter-confessionnel.

Dans les Balkans dans les années 1820, entre chrétiens et musulmans au moment de la guerre
d'indépendance de la Grèce, c'est le cas aussi en Syrie et en Liban entre maronites et Druzes et les
chrétiens de Damas en 1860.
En 1890 ont lieu les premiers massacres contre les arméniens qui vont dégénérer dans les massacres
de 1915.

Ces conflits confessionnels sont liés à plusieurs processus :

→ D'abord ils sont liés aux tensions entre gouverneurs de province et autorité centrale qui vont
jouer sur l'exacerbation des tensions communautaires.

→ Deuxièmement, ces tensions sont liées aux appétits européens pour l'empire ottoman parce que
l'intrusion européenne, en s'appuyant sur les minorités, a pour effet de lier la question religieuse aux
enjeux de contrôle des territoires. Cette dynamique européenne va casser précisément ce qui faisait
la base du multi-confessionnalisme ottoman liée à la dissociation des questions religieuse et
territoriale.
Tout cela découle de l'instrumentalisation des minorités religieuses.

→ Ces tensions sont aussi liées, notamment en Syrie, aux différenciations croissantes entre groupes
communautaires dans un contexte d'affaiblissement de l'autorité ottomane.

C'est l'émir Abdel Kader qui vivait à Damas qui s'oppose au massacre des chrétiens à Damas dans
une ville précisément soumise à ces tensions économiques et sociales.

Cette politisation de l'appartenance religieuse va trouver son point de paroxysme en Anatolie, c'est à
dire dans la Turquie actuelle.

II. Les différents groupes religieux musulmans :

Ce constat de l'hétérogénéité des Églises chrétiennes est aussi vrai dans le cas des ressortissants
musulmans.

La principale division entre musulmans est fondée sur la différenciation sunnite - chiite même si
chacune des deux notions désignent des groupes très divers.
Cette distinction est la conséquence des rivalités autour des rivalités politiques pour le contrôle de la
communauté musulmane au lendemain de la mort du Prophète qui survient en 632 après JC ou en
l'an 10 de l'ère musulmane, et au lendemain de la mort des deux premiers califes, successeurs du
Prophète Abu-Bakr et Omar.
Le troisième calife est Othman, il appartient à l'aristocratie de La Mecque de l'époque. Ce troisième
calife est contesté et assassiné en 656.
La fonction revient alors à Ali, le quatrième calife qui se trouve être le cousin et le gendre du
Prophète (Ali est marié à Fatima, la fille du Prophète).

→ Les conflits politiques sont alors très forts et se cristallisent sur les questions relatives à la
succession : qui peut succéder au premier calife ?

Les partisans d'Ali prétendent que le Prophète l'aurait désigné pour le succéder et que le califat doit
revenir à la famille du Prophète, à la suite d'un long processus de sédimentation théologique les
partisans d'Ali fonde le chiisme.

Ali était opposé aux partisans de la maison d'Othman, menés par un homme nommé Muawiya, lui
même gouverneur de Damas, nommé par Othman.
Ali voulait le relever de ses fonctions, il a refusé.
Ses partisans formeront les sunnites, « ceux qui suivent la tradition ».

La rivalité entre Ali et Muawiya conduit à un conflit armé.


Ils décident de recourir à un arbitrage pour trancher leur conflit ce à quoi vont s'opposer une partie
des partisans d'Ali qui font sécession et constitue un groupe autonome.

Ces sécessionnaires forme le 3e groupe de l'islam originel : les kharédjites.


Ils assassinent Ali en représailles à la bataille de 658.

Les kharédjites défendent une vision puritaine et vigouriste de l'islam, condamnant tout luxe et
proclamant l'exemplarité.
Ils offrent une base théorique aux contestations contre la dynastie des Omeyyades.
Il existe aujourd'hui une version pacifique du groupe appelés les ibadites.
Ses adeptes forment la quasi majorité des habitants du sultanat d'Oman.

Après la mort d'Ali c'est Muawiya qui prend le pouvoir et qui fonde depuis Damas la première
dynastie impériale : les Omeyyades
Les partisans d'Ali entrent en dissidence depuis la ville de Koufa dans l'actuel Irak.
Ces partisans sont menés par Hassan puis Hussein les fils d'Ali.

L'anniversaire de la mort de Hussein en 680 est l'objet d'une importante cérémonie : l'Achoura au
cours de laquelle on célèbre le don de soi pour le Salut du monde.

Dans les premiers temps de l'islam, les partisans d'Ali ont été rejoint par tous les laisser-pour-
compte du nouvel empire et vont trouver dans le chiisme naissant une idéologie susceptible de
porter leur revendications à l'ordre dominant.

Parmi ces nouveaux convertis, beaucoup sont imprégnés des messianismes juifs et chrétiens ainsi
que du zoroastrisme qui fait référence à l'ancienne religion perse qui va influer certaines dissidences
du chiisme.
De cette opposition des nouveaux convertis va naitre à la suite d'une longue cristallisation des
lectures spécifiques de l'islam.
A- Le chiisme et ses dérivés :

Comme les autres musulmans, les chiites ont pour fondement le Coran mais ils se distinguent par le
fait qu'ils fondent son interprétation sur l'enseignement d'un certain nombre d'imams, de maîtres
spirituels dits infaillible, les trois premiers sont Ali, Hassan et Hussein. Ils ne sont pas considérés
comme des Prophetes ou des messagers mais comme porteur de l'enseignement du Coran.

1- Les chiites Duodécimains :

Pour les chiites Duodécimains, les imans infaillibles sont au nombre de 12 dont Muhammad ibn Al
Hassan Al Madhi est le dernier, il vit caché.

Au cœur de la mythologie chiite se trouve une dimension messianique le retour du Madhi. Il incarne
une espérance religieuse.

Après 668, les chiites Duodécimains admettent passivement l'ordre politique et attendent le retour
de celui qui viendra restaurer la justice. En attendant il faut vivre conformément à la Loi. C'est la
raison pour laquelle certains chiites Duodécimains ne reconnaissent pas l'autorité religieuse du
guide iranien parce que l'autorité religieuse a prétendu rétablir l'ordre juste avant le retour du
Madhi.

→ Le chiisme Duodécimains rappelle en ce sens le messianisme chrétien mais aussi judaïque.

Dans la seconde partie du XXe siècle, l'islam politique chiite, dont est issue la révolution iranienne
et le Hezbollah libanais, va monopoliser ce messianisme au service d'une volonté d'émancipation
politique entendue comme la lutte contre l'ordre injuste auquel sont confrontés les contemporains.

Le chiisme Duodécimains représente la religion d'État en Perse sous le règne des Séfévides.
Ce qui fait que historiquement la différenciation religieuse est en grande partie liée au rivalité
territoriale entre l'empire ottomans et les Séfévides.

Les chiites Duodécimains sont présent en Iran, dans le sud de l'Irak et au Liban où ils représentent
la majorité de la population.
Les chiites représentent 10% des musulmans dans le monde.

2- Les chiites Septimains :

Les chiites Septimains (ou ismaéliens) reconnaissent 7 imams infaillibles.


Le dernier serait Ismael Ben Jafar d'où le nom d'ismaélien qui leur est nommé.
Ils ont été à l'origine du califat fatimide.
Ils sont essentiellement présent en Inde et au Pakistan.

3- Les Zaydistes :

Les Zaydistes ne reconnaissent que 5 imams.


Ils sont présent au Yémen.
Ils constituent le cœur des combattants du groupe des Houtis contre lequel se bat la coalition qui
réunie l'Arabie Saoudite et certaines puissances occidentales.

Les Zaydites ne reconnaissent que 5 imams et ne croient pas aux imams cachés. Ils sont assez
éloignés des branches du chiisme et plutôt proche du sunnisme.
Les Druzes sont un groupe religieux particulier, dérivé de l'ismaëlisme dont la croyance repose sur
l'occultation d'un propagandiste ismaëlien du nom de Da Renzi qui prétendait être une incarnation
divine.
La doctrine Druze se fonde sur une vision ésotérique du Coran.
Pendant longtemps ces membres ont pratiqué leur culte de manière cachée afin d'éviter les
persécutions.
C'est un groupe politique important, en particulier en Liban à travers deux familles.
On trouve aussi les Druzes au sud de la Syrie et en Israël (c'est d'ailleurs le seul groupe arabe
parfaitement intégré en Israël).
→ c'est lié à une posture fondée sur une forme de loyalisme vis-à-vis du pouvoir dominant sous
réserve d'une protection.

Les Alaouites sont liés de loin au chiisme. Ce sont des gens qui reconnaissent les 12 imams mais
qui se fondent sur une interprétation très ésotérique du Coran et sur certaines formes de
syncrétisme.
Comme les Druzes c'est une communauté très longtemps persécutée et qui s'est réfugiée dans les
montagnes.
Leur doctrine repose sur le secret et une forte fidélité clanique.
Comme les autres minorités de l'Empire ils ont été l'objet de tentatives d'instrumentalisation par les
puissances françaises et britanniques.
Ils sont désignés de manière méprisante sous le terme de Nosaïris.

→ Les Druzes et les Alaouites sont des groupes qui ont développé des systèmes fondés sur
l'initiation, le secret et une forte solidarité clanique.

Les Alévis sont présents essentiellement en Turquie, ils sont aussi bien de langue turque que kurde.
Ils ont été historiquement proche des chiites Duodécimains.
Ils ont été persécuté par les ottomans.
Comme les Druzes et les Alaouistes, les Alévis ont des croyances marquées par un fort syncrétisme
qui emprunte aussi bien au christianisme, au judaïsme qu'au mazdéisme ou zoroastrisme.

Pour les mêmes raisons que les Druzes et les Alaouites ce sont des personnes qui en Turquie sont
très liées au partis de gauche laïques.
C'est l'une des raisons pour laquelle le discours pansunnite adopté par Recep Tayyip Erdogan a
accru des conflits et des tensions dans une société turque très hétérodoxe.

→ Quelque soit leur obédience, les chiites en général ont longtemps subi les persécutions des
musulmans sunnites.

2- Le sunnisme et ses écoles juridiques :

C'est la version majoritaire de l'Islam : 85% des musulmans dans le monde y sont rattachés.

Le sunnisme est fondé sur le Coran mais il est spécifiquement fondé sur la Tradition : la Sunna,
c'est à dire sur la prise en compte et l'imitation des actes des premiers musulmans, des compagnons
du Prophète dont la mémoire est conservée par le biais des Hadiths.
Les hadiths sont des recueils constitués au cours du premier siècle de l'Islam et qui sont classés
selon un degré d'authenticité établi par la transcription des chaînes de transmissions.

Ce corpus a été progressivement travaillé par les oulémas qui sont des savants en science religieuse.
Ils ont progressivement établi les dogmes caractéristiques du sunnisme et ont élaboré en particulier
le droit islamique proprement désigné sous le terme de Charia.
La place de la Tradition s'est imposée progressivement.
À l'origine, le recours à la tradition comme modalité d'interprétation du Coran a été sollicité par le
fondateur de la dynastie Omeyyade pour contester précisément les interprétations de ses rivaux les
imams issus du parti d'Ali.

Par la suite, sous le califat Abbasside de Badgad, la Tradition a été comprise comme un moyen de
protéger le dogme islamique.

Le droit islamique s'est construit entre le VIIe et le Xe siècle par le biais de l'activité de plusieurs
générations d'oulémas qui ont mis en forme et précisés tout un ensemble de règles juridiques et
normatives.
Règles qui étaient à l'origine d'autant plus incertaines que les dispositions proprement normatives du
Coran sont à la fois peu nombreuses et incertaines.

Dans l'espace aussi complexe que sont les empires musulmans de l'époque, ce travail de fixation et
de construction du corpus islamique s'est déroulé dans le cadre de plusieurs chemins institutionnels
qui ont fini par constituer des traditions juridiques différentes.
→ Cela s'est institutionnalisé sous le forme d'écoles juridiques différentes.

Cela veut dire aussi que l'institutionnalisation progressive de ces traditions juridiques s'est
accompagné de l'autonomisation de professionnels, les oulémas.
→ C'est la constitution d'un corps de spécialistes qui se sont autonomisés du pouvoir politique et
militaire.
Contrairement aux idées reçues, il y a donc bien la constitution d'un appareil religieux spécialisé et
autonome vis-à-vis du pouvoir.

Ces écoles juridiques reposent toutes sur les mêmes sources : le Coran et la Tradition mais elles
accordent des places différentes aux différents modes de raisonnement : raisonnement par analogie,
interprétation littérale etc..
Ces écoles juridiques se reconnaissent les unes les autres mais elles sont plus ou moins rigoureuses
et libérales en fonction des sujets.
Elles ont une vision plus ou moins homogène du corpus religieux et sont plus ou moins en
concurrence.
Il y a donc plusieurs manières de vivre le sunnisme.

Il existe 4 écoles juridiques :


– Le hanafisme : fondé par les disciples du théologiens Abu Hanifa mort en 767 c'est le
système légal chez les ottomans. Il s'agit de la plus libérale des écoles, elle est désignée
comme une école rationaliste,
– Le malékisme : fondé par les disciples du théologien Malik Ibn Anas mort en 795. C'est
une école dominante en Afrique du Nord.
– Le chaféisme : fondé par l'imam Al Shafi mort en 820. Cette école domine en Égypte et
dans le Golfe
– Le hanbalisme : fondé par Ahmed Ibn Handal, école traditionaliste par exemple, elle
domine dans une forme accentuée en Arabie Saoudite notamment.
L'école juridique du hanbalisme se fonde sur l'imitation stricte du Prophète et de ses compagnons :
les pieux Ancêtres appelés les Salaf Salih (Pieux Prédécesseurs) d'où le terme de salafiste.

C'est de cette école qu'est issu le penseur de référence des mouvements djihadistes aujourd'hui : Ibn
Taymiya.
Ibn Taymiya est un personnage qui est connu pour avoir justifié la guerre contre des dirigeants
musulmans, notamment des Mongols en considérant qu'en raison de leur conversion récente, leur
appartenance à l'Islam était superficiel, de fait on pouvait les combattre légitimement.
Il associe les Mongols à des gens extérieurs à l'Islam, il leur jette l'anathème et les considère comme
des hérétiques.

L'école hanbaliste trouve un prolongement à partir du XIXe siècle dans le wahhabisme qui est une
forme très rigoriste de l'islam sunnite promu par un théologien du nom de Ibn Al Wahhab mort en
1791 et longtemps considéré comme sectaire par les institutions officielles de l'islam sunnite sous
les ottomans.
Il permet la redécouverte du théologien précédent, Ibn Taymiya en reprochant à ses contemporains
de retomber dans la période pré-islamique faute de connaître leur religion : il les considère comme
des hérétiques.

Ibn Al Wahhab s'allie avec un chef tribal local, Al Saoud ancêtre d'Abdelhaziz Ibn Saoud fondateur
de l'Arabie Saoudite moderne.
→ En professant une vision du sunnisme considérée comme trop radical, il est rejeté par les
oulémas rivaux et s'allie avec un chef d'un tribu qui cherche à étendre son domaine et qui va trouver
dans la prédication d'Al Wahhab la justification religieuse de ses conquêtes.
Dans l'autre sens, lorsque que grâce aux profits du pétrole il étend son royaume, Al Saoud étend en
même temps le champ d'influence du wahhabisme.

Les salafistes condamnent ce qui relève de la culture islamique inscrite dans des siècles de
développement pour se référer uniquement au mode de vie des premiers musulmans.
Cela disqualifie les autres oulémas.

La loi islamique de l'école hanbaliste est fondée sur les Hadiths parfois contre des dispositions
coraniques.
→ il est donc vain de chercher des éléments extrémistes dans le Coran.

Le Wahhabisme est un monothéisme fort : seul Dieu peut bénéficier de marques de dévotion.
Le Wahhabisme condamne les marques traditionnelles de la religion populaire et soufis car il
considère le culte des saints comme contraire au monothéisme strict qu'il défend.

L'alliance entre Al Saoud et Al Wahhab est fondée sur la constitution par Ibn Al Saoud d'une milice
religieuse qui considère que les autres musulmans sont susceptibles d'opérations militaires : cela
justifie la soumission des autres tribus. Il s'agit de poursuivre la lutte et de s'attaquer aux royaumes
de transjordanie.

La théorie du takfir c'est à dire de l'anathème, considère les musulmans qui ne suivent pas
préceptes du handalisme comme des hérétiques.

Le salafisme contemporain est en lien direct avec le wahhabisme.

Le salafisme notamment en Occident est majoritairement piétiste mais il se concentre sur la


religiosité personnelle et communautaire en vivant isolé de ceux qui ne partage pas la même
doctrine et en cherchant éventuellement à rallier à leur cause les autres musulmans sans violence.

Il doit être distingué du salafisme djihadiste issu de la radicalisation d'une partie des salafistes qui
vont intégrer une dimension révolutionnaire et guerrière consistant à vouloir restaurer l'ordre par les
armes et le haut.

→ On comprend l'ambivalence du wahhabisme Saoudien vis-à-vis du salafisme djihadiste.


Théorie du takfir : excommunication, anathème, fait d'exclure un musulman de la communauté
musulmane.

Le deuxième et le troisième royaume saoudien se fondent aussi sur une alliance entre une tribu, une
milice religieuse et un représentant religieux avec des motivations révolutionnaires.

La conquête d'Al Saoud menace les intérêts de l'empire britannique, Ibn Al Saoud obtient alors de
ces milices le principe que seul le roi peut déclencher la guerre, une partie des milices refusent.
C'est une idéologie conquérante : rétablir l'islam des origines.
Le wahhabisme redevient une théologie légaliste reconnaissant l'autorité du roi à partir du moment
où le roi garantit la prédominance du wahhabisme sur le royaume.

→ On voit comment s'organise ce rapport ambivalent entre la famille saoudienne et le salafisme


qui, dans certains contextes, peut prendre des formes armées en réactivant cette théorie du takfir.

Après sa prise de pouvoir en 1924, Ibn Saoud fait reconnaître le wahhabisme comme une école
théologique à part entière : à ce moment-là le wahhabisme redevient légaliste et piétiste.

Le salafisme à ce moment devient essentiellement piétiste. Il va renouer avec une perspective


armée, militaire à partir des années 1960 sous l'effet de la radicalisation d'une partie des frères
musulmans fondés dans les années 1920 par un intellectuel égyptien, indépendamment des
dynamiques propres à l'Arabie saoudite.

Le soufisme et les confréries soufis :

Le soufisme désigne un mysticisme musulman, lié à l'origine à des pratiques ascétiques d'isolement
du monde similaire à ce qu'on trouve au moyen-âge dans le christianisme ou le bouddhisme en Asie.
Il a pour but d'accéder à la connaissance directe de Dieu au-delà de la seule révélation contenue
dans le Coran.

Le soufisme a d'abord été considéré comme hérétique puis réintégré dans le giron de l'islam officiel,
il est organisé en confréries qui sont fondées sur des chaines de transmission historiques et qui
structurent bon nombre de formes de solidarité communautaire et traditionnelle dans le monde
musulman.
Ces confréries sont différentes et plus ou moins interconnectées dans l'immense territoire contrôlé
en tout ou partie par des États musulmans.

Elles reposent sur des guides spirituels dont les mausolées donnent lieu à des formes de vénération
dans le cadre de cultes qui sont précisément condamnés par les tenants du rigorisme islamique tel
qu'il est incarné par le wahhabisme ou le salafisme.
→ Les guides sont comparés à des saints.

Ces formes de cultes populaires sont condamnés car ils sont associés à une sorte de remise en cause
du monothéisme dont le caractère très stricte est au fondement de l'islam.
D'où les destructions dont ces mausolées font l'objet dans les périodes de troubles intenses comme
c'est le cas actuellement.

Le soufisme fut très structurant à l'époque ottomane : l'émir Abd el-Kader, meneur de la lutte contre
les français en Algérie, est considéré comme l'un des grands soufis de son époque, il a été franc-
maçon à Paris.
Deux cas particuliers :
Les yézidis :
Les yézidis sont un groupe devenu célèbre en raison des persécutions qu'ils ont subies de l'État
islamique.
Les Yézidis sont adeptes d'une religion perse issue du mazdéisme qui a intégré des éléments des
trois religions monothéistes.
Ils sont de langue kurde, ne sont pas musulman. D'où leur présence comme les Alaouites et les
Druzes dans les zones montagneuses et difficiles d'accès.

Les bahaïs :
Les bahaïs sont issus de Baha Allah au XIXe siècle. Il est le successeur d'Ali Mohammad fondateur
d'un mouvement milénariste en Perse.
Baha Allak a produit un livre qui abroge les livres antérieurs, qui cèle les révélations monothéistes
antérieures et sur la base duquel a été construit cette religion que l'on considère parfois comme une
secte par les représentants religieux. Ils sont aussi persécutés.
Ils sont présents en Iran, en Inde et en Amérique.

III- La diversité ethnico-religieuse :

L'Empire ottoman est aussi un empire multi-ethnique et multi-langue.

Ces pratiques linguistiques et religieuses vont servir de fondements à la création d'identités


culturelles puis nationales non pas de manière automatique mais dans un contexte politique et
intellectuel qui est celui de l'Empire ottoman au tournant des XIXe et XXe siècle.

Dans les Balkans c'est la langue et la religion orthodoxe qui vont servir de fondement à l'invention
des identités nationales, c'est le cas aussi pour les arméniens, et pour les turcs.

Ce sont ces différences qui vont conduire à des échanges massifs de populations lorsque les non-
musulmans sont expulsés de Turquie et que les musulmans sont expulsés de Grèce.

Dans le monde arabe en revanche, les identités nationales - quelque soit le niveau aussi bien la
panarabisme que la nationalisme national - vont se fonder essentiellement sur la dimension
linguistique, cette fois-ci dans une acception pluri-confessionnelle du corps national.
Chapitre 2
Vers l'occupation franco-britannique du Moyen-Orient

L'Empire ottoman est un Empire immense, il est géré par le biais de provinces confiées à des
gouverneurs, provinces qui sont plus ou moins autonomes vis à vis du pouvoir central.

La structure du pouvoir n'est ni confessionnelle, ni nationale mais plutôt clanique et féodale. Les
confréries tiennent une place importante dans les allégeances.
Ce n'est que sous influence européenne que progressivement cette diversité ethno-linguistique et
religieuse va structurer des rivalités internes qui vont aboutir à la création des États contemporains.

I- Les dynamiques centrifuges de l'Empire ottoman au XIXe siècle :

A la fin du XVIIIe siècle, l'Empire ottoman connaît des dynamiques centrifuges qui poussent à son
éclatement sous l'effet croisé de deux processus :
– d'une part une hégémonie européenne croissante qui se manifeste :
→ par l'occupation de la Crimée par les Russes en 1774
→ mais aussi par l'occupation de l'Égypte en 1798 qui obtient son autonomie à partir de
1801,
→ par l'indépendance de la Grèce en 1829,
→ par les conquêtes russes dans le Causase,
→ par la conquête de l'Algérie par la France en 1830,
– d'autres part, les logiques propres à l'empire lui-même, l'autonomie croissante de certaines
provinces dont les dirigeants nommés par le sultan tentent de prendre la tête et de conquérir
une sorte d'indépendance de fait.
Les Balkans connaissent des révoltes confessionnelles chroniques, une de ces révoltes
aboutit à l'autonomie de la Grèce puis à son indépendance en 1832.

Le traité d'Andrinople en 1829 qui met fin à la guerre entre l'Empire ottoman et la Russie dans le
Caucase et les conférences de Londres de 1827 à 1832 vont consacrer ces années 1830 qui vont
structurer tout le XIXe siècle : on appelle cela la question d'Orient.

Si l'Empire connait un effet de désagrégation sous l'effet de la poussée russe, les autres puissances
européennes cherchent à préserver l'Empire de sorte à éviter que les territoires tombent sous le
contrôle d'une puissance rivale et que par conséquent l'éclatement de l'Empire ne suscite une guerre
entre les États européens.
Cette logique caractérise tout le XIXe siècle.

Les britanniques interviennent pour limiter les pertes ottomanes face aux Russes au moment des
luttes pour l'indépendance de la Serbie et de la Bulgarie.
La création de la grande Bulgarie en 1978 va être vécu comme une extension de l'influence russe
qui obtient avec l'indépendance de la Bulgarie le contrôle du détroit du Bosphore et donc l'accès à la
mer méditerranée

→ Les britanniques s'inquiètent de la poussée russe à la fois sur la méditerranée par le biais des
Balkans mais aussi sur le Caucase. Ils s'inquiètent aussi de la poussée des Russes en Asie centrale
c'est à dire non loin de l'Inde qui à partir de 1856 devient une colonie britannique sous gestion
directe.

Cette stratégie britannique consistant à utiliser l'Empire ottoman pour repousser l'influence
territoriale russe sur les Indes d'une part, sur le Golfe arabo-persique d'autre part et sur le Canal de
Suez : c'est ce que l'on a appelé le Grand Jeu dont le Moyen-Orient est l'enjeu.
Par ailleurs, le Moyen-Orient d'une certaine façon est toujours l'enjeu de ce grand jeu consistant
pour les puissances occidentales à contenir l'accès russe aux mers chaudes, à la mer méditerranée et
à l'océan indien.
L'empire britannique repose en effet sur le contrôle de l'océan.

C'est la révolution russe qui met un terme à la politique d'expansion de la Russie bien qu'elle soit
reprise sous le règne de Staline.

En même temps qu'elles cherchent à préserver l'Empire, les puissances occidentales veulent y
marquer leur présence. Ce qui se joue alors est la concurrence entre les anglais et les français :

Les britanniques :
Les anglais cherchent à contrer l'influence française en Égypte.
Après le départ des français en 1801, les britanniques vont conserver une influence importante sur
le vice-roi et vont renforcer leur influence sur l'Égypte après l'ouverture du canal de Suez en 1960.
Les anglais envahissent l'Égypte en 1882 et mettent en place un protectorat en 1914.
Ils prennent aussi le contrôle du Soudan.

À partir de 1890, le contrôle du canal de Suez devient l'un des axes majeurs de la politique
britannique de 1870 jusqu'en 1956 lorsque français et britannique en collaboration avec les
Israéliens cherchent à retirer le contrôle du canal des mains de Nasser.
→ 1956 marque par ailleurs la fin du contrôle britannique au Moyen-Orient.

Les anglais s'intéressent aussi à la Palestine, ils vont alors favoriser l'influence des sionnistes en
Palestine pour mieux contrôler le territoire en implantant une population qui sera dépendante du
pouvoir central.

→ Le contrôle de la Palestine est nécessaire pour contrôler l'Égypte, c'est à dire le canal de Suez.

De l'autre côté du croissant fertile, les anglais portent un intérêt important sur la Mésopotamie, sur
le Caucase, sur l'Iran aussi qui s'appelle encore l'Empire perse car il faut s'assurer du contrôle du
Golfe arabo-persique mais aussi de mettre suffisamment de distance entre les Russes et les Indes.

En 1889, les britanniques imposent un protectorat sur le Koweït qui leur permet le contrôle du
Golfe arabo-persique et des champs pétrolifères : alors que le pétrole devient à cette époque une
ressource stratégique.

Les britanniques imposent un protectorat au Yémen qui contrôle le détroit de la mer rouge.

Dans ces jeux de contrôle des territoires, les britanniques vont s'appuyer sur un certain nombre de
groupes internes à l'empire : les protestants (mais ils ne sont pas très nombreux).
En Irak les britanniques s'appuient sur les Assyriens pour leur influence en Mésopotamie.
Les britanniques s'appuient aussi sur les Druzes implantés au Liban, en Syrie et en Palestine.

→ Les maronites en revanche sont sous influence française.

Les britanniques s'appuient sur les juifs sionnistes en Palestine, c'est à dire ceux qui reviennent en
Palestine avec le but de fonder un foyer national juif, lui-même entendu comme la base du futur
État que les juifs espèrent construire en Palestine.
C'est à partir de 1880 que l'immigration juive depuis l'Europe commence à s'accélérer dans le
contexte de persécutions antisémites à l'est de l'Europe et notamment en Russie.
→ C'est l'origine de la déclaration Balfour.
Les Français :
Les français sont une puissance à la fois alliée et rivale des anglais.
Ils sont rivaux en particulier en ce qui concerne l'Empire.

Les français n'envahissent pas l'Égypte.


Ils concentrent leurs tentatives d'influence en Syrie, au Nord de l'Égypte et au Sud de l'Anatolie.

Ils s'appuient sur les communautés chrétiennes d'obédience catholique : les maronites, les Églises
uniates, et les Alaouites.

Les communautés grecques orthodoxes sont quant à elles très liées au pouvoir ottoman.

Les français vont profiter des massacres inter-communautaires au Liban et à Damas en 1860 pour
débarquer un corps d'armée humanitaire qui aboutit à l'imposition d'une autonomie du Mont
Liban, c'est à dire la montagne au nord de Beyrouth peuplé par des maronites alors que les villes
cotières sont plutôt sunnites à l'époque.

C'est au cours de cette période que Napoléon III caresse le projet de créer un royaume arabe de
Syrie indépendant des ottomans à la tête duquel il aurait placé l'émir Abd el-Kader qui réside alors à
Damas (il décline finalement la proposition).

Les influences impériales européennes s'appuient sur les minorités de l'Empire ottoman.

Les capitulations permettent aux puissances européennes de se faire les protectrices des minorités,
car elles leur permettent d'ouvrir des comptoirs commerciaux.
Les capitulations : système de facilités douanières, commerciales et juridiques concédées par
l'Empire ottoman aux puissances européennes.

Ces rivalités de puissance vont s'intensifier à partir de la fin des années 1870 à partir du moment où
les puissances impériales s'affirment.

Ces jeux d'influence prennent le nom de « Grand Jeu ».

Ces rivalités stratégiques se prolongent tout au long du XXe siècle à travers la stratégie du
containment qui en Asie prend la forme du Pacte de Bagdad signé en 1955 (entre l'Iran, la Turquie,
le Pakistan, le RU). Il est signé d'abord entre les anglais et les États. Ce n'est qu'en 1958 que les
États-Unis rejoignent ce pacte.

C'est ce terme que l'on va réutiliser à partir de 2002 sous l'influence de Brzeinski qui en 1997 à
travers son ouvrage Le Grand Échiquier réactualise la notion de Grand Jeu : un nouveau Grand Jeu
se dessine en Asie centrale en raison de la dislocation de l'URSS et donc des rivalités de contrôle
territorial.
Des conflits en chaîne sont générés par la dislocation de l'URSS notamment dans les Balkans, le
Caucase, l'Asie centrale :
→ La guerre d'Ossétie de 1991-1992.
→ La guerre d'Abkhazie et Kosovo en 1998.
→ Les conflits multiples en Asie centrale ex-soviétique (Ousbékistan, Kirghizistan, Tadjikistan,
Turkménistan..).

Ces rivalités sont accentuées par le retour d'une posture américaine entreprenante et néo-impériale
qui coïncide avec l'arrivée des néo-conservateurs au pouvoir dans le sillage de Georges Bush et qui
conduit notamment à :
– L'élargissement de l'OTAN aux ex-républiques soviétiques,
– L'invasion de l'Afghanistan en 2001 et de l'Irak en 2003,
– L'hostilité croissante à l'égard de la Syrie à partir de 2003 dans une logique de tentative de
déstabilisation du régime syrien. Suite à l'assassinat du Premier ministre Rafiq Hariri, la
Syrie est expulsée du Liban en 2005, la guerre contre le Hezbollah en 2006.

Samuel Huntington dans son ouvrage Le Choc des civilisations construit une théorie selon laquelle
le monde serait régulé par une rivalité entre les occidentaux et les autres aires civilisationnelles.
→ La vision élitaire du Moyen-Orient et de l'Asie apporté par cet ouvrage a contribué à imprégner
la vision des occidentaux sur ces pays.

Au tournant des années 1990 et 2000 les américains repositionnent leurs forces stratégiques au
Moyen-Orient autour d'États perçus comme des États rivaux.
Georges Bush parle « d'axe du mal ».

L'intervention des États-Unis et la mort de Saddam Hussein ont paradoxalement conduit à la


destruction de l'Irak ce qui va offrir un profondeur stratégique à l'Iran.

Cette logique va susciter une réaction russe de plus en plus déterminée à mesure qu'on s'avance
dans les années 2000 : cela conduit à ce que des spécialistes vont appeler le pessimisme
stratégique poutinien.

Ce rapport de force va se manifester de manière de plus en plus forte à la suite de :


→ Le création de l'Organisation de coopération de Shanghai en 2001 entre la Chine, le Kazakhstan,
le Kirghizistan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan.
→ La seconde guerre de Tchétchénie de 1999 à 2009.
→ La crise russo-géorgienne de 2006 et la guerre d'Ossétie de 2008.
→ Le crise de Crimée et d'Ukraine de 2014 à 2016.

On ne peut pas faire abstraction dans le conflit syrien de ces conflits géopolitiques globaux.
Le déroulé de la guerre en Syrie à partir de 2011 ne peut se lire indépendamment de ce contexte.

Le conflit syrien génère des représentations, des interprétations et des structures d'opportunités
différenciées de la part des puissances régionales et internationales.
Cela ne veut pas dire que chacune de ces représentations sont fausses.
- Pour les français la révolte en Syrie est une révolte qui s'inscrit dans les révoltes du Printemps
arabes.
- De l'autre côté, les Saoudiens et les Qataris perçoivent une révolte à fondement islamique et
religieux mais aussi la rivalité forte entre les franges Frères Musulmans et les franges plutôt
salafistes.
Cette tension entre l'Arabie Saoudite et le Qatar est très forte.

Ces différentes représentations du conflit syrien s'accordaient pourtant sur le fait que le régime de
Bachar Al Assad allait tomber rapidement.

De plus, chacune des puissances voient la crise syrienne comme une opportunité de faire évoluer les
rapports de force dans la région.
Ces structures d'opportunité vont déclencher des réactions inverses :
- Pour les Iraniens les conséquences de la chute de Bachar Al Assad seraient très lourdes : il s'agit
de leur dernier soutien dans la région.
- Le Hezbollah au Liban est très attentiste à la base, une partie de la base estime que le régime
syrien est une dictature sanglante.
Une autre partie de la base voit pourtant la chute du régime de Bachar Al Assad comme
préjudiciable à l'assise du Hezbollah dans la région : Si le régime de Bachar Al Assad chute la
profondeur stratégique du Hezbollah sera nulle

- La position des Russes est opportuniste : ils n'ont pas grand chose à perdre, ils ont perdu les liens
stratégiques qu'ils avaient avec des régimes disparus, avec le conflit désormais la position russe en
Syrie est considérablement plus importante.
Les russes sont les grands gagnants du conflit syrien : ils ont la main sur tout le littoral syrien, ils
ont des bases aériennes et des bases militaires, ils y ont gagné un gain de crédibilité et ont fait la
démonstration publique de la solidité de leur outil de défense.

→ il s'agit de remettre ce conflit dans une histoire longue.

II- Les évolutions politiques dans l'Empire ottoman et ses provinces arabes :

Sous l'effet de l'influence croissante des puissances européennes, s'installe un processus de


modernisation administrative, politique et religieuse. On est dans ce rapport ambigu à l'Europe : Il
s'agit de s'approprier les conditions de son hégémonie pour mieux lui résister.

A- Le libéralisme, le tournant absolutisme et le nationalisme Jeunes-Turcs :

Le mouvement des Tanzimat repose aussi sur l'idée selon laquelle on va reconstruire l'unité d'un
empire multi-ethnique et multi-confessionnel à partir des principes du libéralisme politique.

Le Tanzimat est une période qui désigne pour les minorités une période d'émancipation.
C'est la raison pour laquelle les élites sociales des minorités ne sont pas opposés à l'Empire : ils sont
partisans de cette transformation libérale du l'Empire ottoman

Le Tanzimat s'accompagne d'un courant constitutionnaliste qui s'incarne par l'adoption d'une
nouvelle constitution en 1876.
Le Tanzimat s'oppose néanmoins à de fortes résistances des élites traditionnelles qui finissent par
marginaliser les modernistes notamment avec l'arrivée au pouvoir du sultan Abdulhamid II.

Le Tanzimat accouche d'une rétablissement de la monarchie absolue : pour conserver l'Empire il


faut au contraire réactiver sa dimension autoritaire.

Abdulhamid II cherche à se présenter comme le garant de l'unité islamique face à l'influence


américaine.
On parle de panislamisme moderne.

Sous le règne de ce sultan absolutiste les idées libérales vont se radicaliser. Les libéraux-radicaux
considèrent que si l'objectif est de sauver l'empire il faut séparer le politique du religieux.
Les nouveaux réformateurs épousent une vision plus laïque et positiviste de l'histoire au sein de
laquelle le paradigme nationaliste va progressivement s'imposer.

En 1902 à Paris est fondé le Comité Union et Progrès : les jeunes ottomans laissent la place aux
jeunes turcs dans une vision plus nationaliste de l'empire ottoman.
Parmi ces jeunes turcs c'est la tendance la plus centralisatrice et nationaliste qui va s'imposer.
→ Cette tendance prend le pouvoir au moment du coup d'État de 1908.

Dans cette optique le CUP cherche à uniformiser la population diverse pour la faire entrer dans un
moule qui annihile les corps intermédiaires (religions, langues etc..).
Ce nationalisme Jeune-Turc va susciter la résistance de tout un ensemble d'élites qui appréciaient
l'ottomanisme décentralisateur et libéral qui promouvait le respect des langues et religion de
chacun.
Cela stimule le développement de l'arabisme, des doctrines nationales arméniennes, kurdes etc..

→ Le nationalisme accentue les tensions internes à l'empire.

Chez les arabes, cette poussée de l'arabisme vise autant les chrétiens que des musulmans arabes qui
eux vont voir le laïcisme turc comme une trahison des traditions religieuses.

L'opposition entre les pourfendeurs d'une unification de l'Empire et les libéraux va se faire dans une
logique de plus en plus répressive.
B- Le « réveil » arabo-musulman (Nahda) : réformisme musulman et naissance de l'arabisme :

Dans le sillage de la présence française en Égypte (1798-1801), des réformes ottomanes voient le
jour avec la diffusion de l'imprimerie, de la presse et des communications avec l'Europe.
→ C'est une renaissance linguistique et littéraire arabe.

Ce qui n'existait par au début de XIXe siècle s'impose par la suite : les minorités arrivent à se penser
différentes.

En ce qui concerne l'arabisme (= valorisation de la langue et des cultures arabes) essentiellement en


Égypte et en Syrie à l'époque :
L'arabisme est le produit d'un long mouvement lié aux dynamiques religieuses, aux évolutions de la
politiques ottomanes mais aussi à la diffusion de l'écriture, de l'éducation, à l'accélération des
moyens de communications et à la diffusion des modèles politiques de l'Europe.

Cette renaissance linguistique et littéraire prend appui en premier lieu sur la monarchie égyptienne
qui s'impose après la conquête de l'Égypte par Napoléon et qui va engager un processus de
modernisation de l'administration que Mohammed Ali (le vice-roi d'alors) va fonder sur une
tentative d'appropriation des savoirs européens en vue de réduire l'écart de développement dont les
élites égyptiennes ont pris conscience par la conquête de Napoléon.

La première imprimerie est lancée en 1821.


L'enseignement des sciences profanes est enseigné dans les universités.
Des missions d'études sont envoyés en Europe.
C'est de l'une de ces mission qu'est issue le premier chef d'œuvre de la Nahda : L'or de Paris de
Rifaa al Tahtawi en 1830.

Il y a deux ensembles sociaux investit dans ce processus de renaissance :


– Ce sont les chrétiens d'Égypte et de Syrie qui pour des raisons liées à des rapports
conflictuels avec les grecs de Constantinople sont dans une dynamique d'autonomie vis à vis
des autorités religieuses, en raison des liens qui les lient aux puissances européennes ces
chrétiens arabes sont en prises directes avec les évolutions intellectuelles européennes et
sont conduit à importer dans le monde arabe et en langue arabe ces évolutions. Un certain
nombre d'auteurs vont s'employer à moderniser l'arabe classique pour en faire le support du
développement d'une philosophie, à travers la redécouverte du patrimoine arabe classique et
sa réinvention, la redécouverte du patrimoine littéraire et philosophique et l'intense activité
de traduction et de discussions d'œuvres européennes
– Ce sont les penseurs arabes musulmans à travers le mouvement du réformisme islamique.
Ce réformisme marque le point de départ de tout un ensemble de courants intellectuels et
politiques qui vont s'imposer et structurer tout le XX siècle.
Le réformisme musulman :

Le réformisme musulman est un ensemble de courants intellectuels qui caractérisent des penseurs
qui s'engagent dans une entreprise visant à réformer la pensée islamique avec l'objectif de permettre
à l'islam et aux sociétés islamiques de s'adapter au monde moderne européen, de lutter contre la
marginalisation progressive du monde musulman, et permettre à l'islam de répondre aux défis posés
par l'hégémonie européenne et par les évolutions laïcisante et autoritaire des jeunes ottomans puis
des Jeunes Turcs accusés par certains de trahir la pensée religieuse.

Ce mouvement s'affirme à travers la personne de Jamal Al-Din al-Afghani, mort en 1897 c'est un
chiite originaire de Perse.
C'est un personnage qui a beaucoup voyagé dans l'Empire il passe plusieurs années à Istanbul en
Égypte et en Europe et il est étroitement lié à un autre penseur réformiste : Mohammad Abduh
mort en 1905 c'est un égyptien issu de l'université Al Azhar qui a été également à la fin de sa vie
grand Mufti d'Égypte.

Les principaux textes de ces penseurs paraissent en 1884 à Paris où ils sont exilés alors que l'Égypte
subit l'influence directe du RU

Pour ces penseurs il est nécessaire d'adapter les principes de la religion aux temps modernes sauf à
maintenir l'islam dans la stagnation. Cette adaptation de l'islam passe par un retour aux origines de
l'islam, un retour sur les premiers musulmans, un retour sur la vie les paroles et les actes du
Prophète et des premiers califes pour s'inspirer de leur conduite.
On parle aussi de Salaf : revenir sur les pieux ancêtres pour s'inspirer de leur conduite.

Ces réformistes qui prétendent qu'il est nécessaire de revenir vers les anciens prônent la réouverture
de l'interprétation des textes anciens, du Coran et des hadits, la réouverture de l'ijtihad : le
mouvement intellectuel visant à réinterpréter les textes fondateurs considéré comme close avec
l'institutionnalisation des 4 écoles juridiques.

L'idée est qu'avec les siècles la pensée islamique s'est un peu chosifié et qu'il faut mettre en cause
cette chosification pour revenir sur les origines et réadapter la pensée islamique à la période
moderne.

En ce sens, le réformisme musulman a été considéré comme proche du protestantisme.

Le deuxième mouvement de ces penseurs c'est que pour eux ce retour aux sources est nécessaire
pour assurer la lutte contre l'occupation et la domination occidentale, une occupation qui est
très sensible surtout en Égypte.
Pour eux la lutte contre l'hégémonie européenne doit passer par la réaffirmation de l'unité des
musulmans non pas par le biais d'un homme – le calife – mais par le biais d'un rassemblement
autour des préceptes de la loi islamique qui doit permettre le retour à la concorde, à la solidarité et
au dynamisme des sociétés musulmanes.

Ce faisant, les réformistes cherchent à dépasser les divisions internes à la société islamique et en
particulier les oppositions qu'ils jugent stériles entre les chiites et les sunnites, entre les chiites et les
druzes, entre les courants qui incarnent la pensée islamique.

Le troisième mouvement est que dans ce cadre là tout cela va conduire à la valorisation du
référent culturel arabe. C'est en ce sens que les réformistes vont être l'un des piliers du
panarabisme et de ce qu'on a appelé la Nahda.
Cette perspective de valorisation du référent culturel arabe est très marqué chez Kawakibi ou chez
Rashid Rida. Pour eux, renouer avec la grandeur des premiers siècles de l'islam c'est renouer avec
l'arabité.
Les réformistes associent la renouveau de l'islam à l'affirmation de la prééminence des arabes sur
les ottomans accusés de despotisme et de conduire la société islamique vers le déclin.

Pour Kawakibi il est nécessaire de restaurer un califat arabe avec la Mecque comme capitale.
→ On en vient à une pensée plus directement politique.

Ce courant qui voit le renouveau de l'islam par l'affirmation de la prééminence des arabes explique
en partie le ralliement d'une partie des réformistes aux Hachémites c'est à dire à la famille arabe de
la Mecque qui s'allie aux britanniques contre le Sultan pendant la première guerre.

On trouve dans ce mouvement des éléments analogues au protestantisme à ses origines tout en
assumant le fait que le réformisme se présente ou se pense comme une sorte de compromis entre
tradition et modernité en essayant à la fois d'intégrer les acquis de la modernité européenne tout en
conservant ce qui fait la spécificité de la pensée musulmane.
Il sera le socle de tout un ensemble de courants ultérieurs.

Le réformisme se prolonge dans un certain nombre de courants :


– Le réformisme se prolonge dans une orientation libérale en cherchant à concilier l'islam
avec la modernité, l'altérité etc.. Abduh autorise les caisses d'épargne, le prêts bancaire,
allège les interdits alimentaires, il engage tout un ensemble de réformes sur le plan religieux
pour adapter la pensée islamique aux temps modernes. Il était aussi lié à la pensée française,
convaincu que islam et occident pouvait s'enrichir, il était soucieux de la concorde entre les
différents courants musulmans,
– Le réformisme inspire Hassan Al Banna, fondateur des Frères musulmans il est considéré
comme étant à l'origine de l'islam politique moderne qui fait de l'islam un projet politique
d'organisation de l'ordre social et politique,
– le réformisme rencontre le wahhabisme par l'intermédiaire de Rashid Rida qui va se
rapprocher du wahhabisme et de la royauté saoudienne dans la dernière période de sa vie.
Cette rencontre va nourrir une sorte de revivalisme islamique caractéristique du salafisme
moderne qui considère que le déclin de l'islam est dû au fait que les musulmans se sont
éloignés de la pureté de leurs ancêtres.
→ La famille Al Banna incarne le spectre du réformisme islamique.
On comprend alors deux types d'erreurs :
– considérer que le réformisme islamique se réduit au franges extrêmes de l'islam,
– considérer que la pensée islamique moderne se réduit à des courants réactionnaires et
révolutionnaires.

Aujourd'hui, Steven Duarte distingue 3 courants du réformisme :


– un réformisme conservateur qui critique un certain nombre de traditions sans remettre en
cause l'essentiel de la tradition, c'est un courant incarné aujourd'hui par Tareq Oubrou (imam
de la mosquée de Bordeaux), ou encore Tariq Ramadan,
– un réformisme libéral qui intègre plus directement les acquis des sciences sociales et en
particulier des sciences issues du langage et de la sociologie. C'est à ce courant qu'est
consacré l'ouvrage Les nouveaux penseurs de l'islam de Rachid Benzine (2004),
– un réformisme coraniste incarné par Gamal Al-Banna qui opère un retour sur le Coran et
qui critique les hatiths qu'ils accusent de dérives.
Selon Steven Duarte, ces courants du réformisme ont 5 caractéristiques communes :
– la conscience d'une crise profonde des mondes musulmans,
– la maîtrise minimale du langage du patrimoine ancien, des traditions, des écoles juridiques,
– un horizon d'attente et une réflexion sociale et politique centré sur les populations
musulmanes,
– une ouvertures à l'altérité, aux apports extérieurs, à la citoyenneté,
– le maintien d'une normativité religieuse :
→ avec l'idée que l'islam en tant que religion a toujours son mot à dire, qu'elle peut coexister
avec d'autres traditions dans une société sécularisée et que comme d'autres traditions elle
peut satisfaire un certain nombre de questions existentielles.

Tout cela désigne un bouillonnement intellectuel qui fait que toute une vision de l'histoire se
réinvente fondé sur un nouvel arabo-centrisme porté à la fois par des penseurs musulmans et des
penseurs chrétiens qui vont se reconnaître les uns et les autres comme membre d'un même ensemble
culturel et bientôt national. Au tournant du XIXe et XXe la question nationale n'est pas encore
posée, c'est dans ottomanisme que s'inscrivent tous ces courants.
Tous refusent la séparation sur une base confessionnelle.

On voit qu'à l'origine, l'arabisme est étroitement lié à l'islamisme (au sens de l'ensemble des pensées
caractéristiques du monde islamique).

Par ailleurs, un certain nombre de courants politiques se tiendront toujours à la jonction du


panarabisme et du panislamisme.

Sur le plan politique, les traductions de l'arabisme demeurent floues au tournant du XIXe et du XXe
siècle : l'arabisme n'est pas pensé comme un mouvement en rupture avec l'empire ottoman, il
s'entend comme un produit de la réforme de l'empire et des nouvelles manières de penser
l'organisation de l'empire dans le sillage des réformes mises en place à ce moment-là.

Ce qui fait que ce n'est pas tant contre les ottomans que les arabes se soulèvent que contre les
Jeunes Turcs, c'est à dire le nationalisme turc.

l'arabisme est aussi engagé dans une dynamique contradictoire avec l'Europe puisqu'il est à la fois
en prise et la conséquence des évolutions intellectuelles de l'Europe et il est en même temps engagé
dans une dynamique de lutte contre l'hégémonie européenne particulièrement sensible en Égypte
après 1880.
Il y a trois mouvements qui vont stimuler l'expansion de l'arabisme et qui vont différencier les
différents courants qui incarnent l'arabisme :
– Le premier, en zone syrienne, libanaise et palestinienne, c'est le tournant absolutiste
ottoman et le jacobinisme Jeunes-Turcs qui va stimuler les nationalismes interne à
l'Empire.
→ Le jacobinisme se manifeste avec l'Affaire des placards de Beyrouth en 1870 et en 1880.
→ En 1905 paraît à Paris en français le livre de Nagib Azoury Le réveil de la nation arabe
qui est une réflexion sur la nation arabe, il alerte contre ce qui se présente comme les
dangers du projet sionniste, il appelle à la fondation d'un royaume arabe dirigé par les
Hachémites, il rejoint par ce biais la pensée d'un réformateur : Al-Kawakibi.
→ En 1913 est réuni à Paris le Congrès arabe composé de délégués syro-libanais. Ce
Congrès appelle à l'autonomie de la Syrie dans le cadre ottoman. La France a ce moment
appuie le développement du nationalisme arabe naissant dans la mesure où elle le perçoit
comme un instrument-relaie de sa propre influence dans cette région. Ce congrès rassemble
des chrétiens et des réformistes musulmans intégrés dans les courants autonomistes.
→ En 1916, les Jeunes-Turcs font arrêter les autonomistes accusés de trahison et pendus en
public, ils offrent ainsi les premiers martyrs de la cause arabe ce qui explique en partie le
ralliement des notables syriens à la révolte des Hachémites.
– Le développement du sionnisme à partir du début de XXe siècle, les habitants de
Palestine commencent à prendre conscience du danger que représente le projet sionniste qui
est de plus en plus perçu comme un mouvement cherchant à s'emparer de la souveraineté
politique en Palestine. Jusque dans les années 1930 ce n'est pas tant l'immigration juive en
Palestine qui pose problème que la particularité que cette immigration s'accompagne de
revendications politiques qui sont très claires depuis la publication du livre de H. qui appelle
à la fondation d'un État juif : L'État des juifs.
Tout cela est connu en Palestine et perçu comme dangereux pour l'évolution politique de la
Palestine. Ces craintes deviennent de plus en plus forte notamment après la déclaration
Balfour qui marque l'alliance entre la Grande-Bretagne et le mouvement sionniste qui voit
une occasion d'asseoir sa domination sur la zone en s'appuyant sur une population qui a
besoin du gouvernement britannique pour s'affirmer. Cette déclaration prend acte de la
bonne volonté britannique de l'installation en Palestine d'un foyer juif.
– L'occupation et l'impérialisme européen.
→ Cette lutte contre l'impérialisme est sensible dès 1880 en Égypte : le nationalisme
égyptien naissant va s'amplifier progressivement à travers des personnages comme Ahmad
Lufti al-Sayyid un nationaliste égyptien libéral ou Saad Zaghloul fondateur du Wafd le
plus ancien parti égyptien.
→ En Syrie c'est à partir des années 1920 que l'influence française devient problématique.
Le congrès syro-palestinien va porter les revendications autonomistes.

Ce n'est que dans les années 1930 que l'arabisme, l'islamisme, le panarabisme et les différents
mouvements nationalistes locaux vont se différencier.
Chapitre 3
La création des États du Moyen-Orient

I- L'éclatement final de l'empire Ottoman :

Sous le règne du sultan Abdülhamid, et en raison des grignotages franco-britanniques permanents


l'Empire ottoman s'est rapproché de l'Allemagne impériale de Guillaume II.

Dans ces rivalités Guillaume II se présente comme le protecteur de l'islam : il souhaite aider les
dirigeants ottomans à mieux gérer leurs territoires en aidant notamment à la construction du
chemin de fer Istanbul-Bagdad et ainsi favoriser le transport rapide des troupes.
→ le chemin de fer s'impose comme un élément de stratégie politique.

Tout cela est perçu par la GB comme une menace contre ses intérêts dans le Golfe persique où elle a
établit un certain nombre de protectorat et comme une menace envers son contrôle de l'Égypte.

Parallèlement, l'Empire ottoman continue à se désagréger :


– Conquête de la Libye par l'Italie en 1911,
– Guerre Balkaniques à répétition entre 1912 et 1913 sur fond de rivalités entre puissances
européennes et nations balkaniques.

Finalement les Jeunes-Turcs se rangent du côté de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie dans la


guerre qui les oppose à la France, à la GB et à la Russie à partir de 1914.

A- L'alliance entre le Royaume-Uni et la famille Hachémite du Hedjaz :

Il se trouve que les Britanniques ont des contacts aussi bien avec les Al Saoud qu'avec les
Hachémite.
Ces derniers se prétendent descendants de l'arrière grand-père du Prophète.

Chérif Hussein Ibn Ali a le contrôle des lieux Saints : il est en position de prétendre au Califat. Pour
cette raison il bénéficie d'une légitimité forte dans le monde arabe dans un contexte où les penseurs
arabes cherchent à réaffirmer l'unité des provinces arabes de l'Empire ottoman.
Il suscite l'intérêt en ce sens des britanniques :
→ Un mouvement de révolte permettra de créer un front intérieur qui fragilisera l'Empire.

En 1915, les britanniques s'entendent avec Hussein sur le principe d'une révolte contre l'Empire
ottoman pour la création d'un grand royaume sur la province arabe de l'Empire : ce sont les Accords
Hussein-MacMahon.

Les différents points des Accords Hussein-MacMahon :


→ Le futur royaume arabe promis aux Hachémites est entendu comme un ensemble à l'unité assez
lâche : c'est une sorte de confédération constituée d'entités liées les unes aux autres de manière
légère.
L'Égypte restera indépendante, la Mésopotamie sera l'objet d'une entité spécifique sous contrôle des
britanniques.

→ Si on s'entend là-dessus, Hussein considère que le futur royaume arabe doit comprendre
l'ensemble des territoires qui constituent le Levant : le littoral syrien jusqu'à la Palestine.

Il y a un certain nombres de malentendus !


Sur la base de cet accord c'est le 3e fils d'Hussein, Fayçal Ibn Hussein qui lance la révolte armée
en 1916.
Fayçal commande cette révolte avec l'aide d'un officier de liaison britannique : Thomas Edward
Lawrence dit Lawrence d'Arabie.
La révolte est destinée à ouvrir un front intérieur dans le but d'affaiblir l'armée ottomane.

→ C'est le premier mouvement de cette période.

Cela dit les habitants de Syrie, de Palestine et du Liban sont un peu distant de la famille
Hachémites : cette révolte est loin d'être évidente.
Notamment parce que le Chérif Hussein va combattre au nom de l'islam : il y a une dimension
religieuse loin de satisfaire tous les belligérants.
→ C'est finalement l'autoritarisme des Jeunes-Turcs qui va pousser les Levantins de la Grande Syrie
à s'engager avec Fayçal contre les autorités ottomanes.

Pour beaucoup c'est vécu comme un crève-cœur : on réfléchit davantage à un ottomanisme


décentralisé qu'à une franche rupture.

Le deuxième mouvement de cette période sont les accords Sykes-Picot.

B- Les accords Sykes-Picot entre la France et le Royaume-Uni :

Parallèlement aux négociations avec les Hachémites, les britanniques négocient secrètement avec
les français le partage des zones de l'empire prochainement vaincus.

Ces accords sont signés par François Georges Picot et Sir Marc Pykes tous les deux ministres des
Affaires étrangères : il s'agit de discuter du devenir des territoires orientaux après la chute de
l'empire ottoman.

Ces accords sont approuvés par la Russie et l'Italie et aboutissent à la division du territoire.

Ces accords satisfont les partisans de la colonisation : ils voient avec le contrôle de la Syrie le
pendant des possessions maghrébines de la France.

Cette négociation avec les français est le produit d'une certaine lecture des accords signés en même
par les britanniques avec Hussein.
→ Certains royaumes sont envisagés comme allant être gouvernés par des dirigeants autochtones
sous contrôle occidental.

C- L'alliance des britanniques avec l'organisation sionniste :

En 1917, les anglais annoncent par la voix de Lord Balfour que s'ils prennent le contrôle de la
Palestine ils faciliteront l'établissement d'un foyer national pour le peuple juif tout en voulant
préserver les droits civils et religieux des collectivités non-juives.

La Déclaration de Balfour est une lettre ouverte adressée par les autorités britanniques à Lord
Rothschild ordre important de la communauté juive britannique et qui finance le mouvement
sionniste.
Le mouvement sionniste est fondé au Congrès de Bale en 1897, il va fédérer et rassembler les
différentes organisations sionnistes dans une structure unifiée.
Pour les britanniques cette alliance a un double intérêt :
– les britanniques perçoivent le renforcement des communautés juives immigrées en Palestine
comme un outil en vue de contrôler ce territoire. C'est une logique coloniale : s'appuyer sur
une couche de population dépendante du contrôle occidental,
– les britanniques s'imaginent qu'en s'alliant avec les sionnistes qu'ils bénéficieront de relais et
de soutiens auprès du gouvernement américain dans leur entreprise coloniale future.

La situation devient problématique pour les arabes en Palestine.

Les Palestiniens découvrent que dans ce courrier ils sont réduits à des communautés religieuses et
non pas à un ensemble national.

Pendant la guerre, sur la base de cette triple alliance – avec les arabes du Hedjaz, avec les français,
avec les sionnistes – les britanniques envahissent dès 1914 la Mésopotamie, puis Bagdad en 1917 et
donc pénètrent profondément dans cette zone.

Parallèlement, les britanniques vont transformer l'Égypte en protectorat officiel.

En 1917, les britanniques prennent le contrôle militaire de la Palestine. Le général britannique avait
pour consigne d'offrir Jérusalem pour Noël au peuple britannique.

Les britanniques poussent Fayçal à prendre le contrôle de la Syrie intérieure afin de doubler les
français sur le partage des territoires.

Les français avec l'effondrement de l'empire ottoman prennent le contrôle du littoral syrien qu'ils
occupent dès 1916 et à partir duquel ils remontent jusqu'en Cilicie.

Les russes ont attaqué l'empire ottoman par le Nord via l'Arménie (ce qui va favoriser les massacres
qui durent de 1915 à 1917 et va occasionner une forte immigration des populations arméniennes
vers la Syrie arabe).

II- La mise en place des nouveaux États :

Les anglais sont en position de force : ils tiennent la Palestine, le Sud de l'Irak jusqu'à Bagdad.
Leurs alliés arabes tiennent la Syrie intérieure.
Tandis que les français ne tiennent que le littoral syrien.

Les britanniques vont chercher à stabiliser leur position malgré les accords passées en 1916 avec les
français.

À la fin de la 1ère GM s'ouvre la Conférence de Paris en 1919-1920 :


→ négociation du sort des trois empires disloqués à la fin de la guerre : l'empire allemand, l'empire
austro-hongrois et l'empire ottoman.
C'est de cette conférence que sort le traité de Sèvres qui pose les principes du partage des
territoires de l'empire ottoman.

Cette conférence abrite des luttes diplomatiques fortes entre les puissances.
Pour les français et les britanniques le but de la Conférence est d'entériner les acquis militaires.
Pour les USA il s'agit de faire reconnaître le droit des peuples à disposer d'eux-même.
Le consensus qui se dégage est :
– En particulier la création de la Société des Nations (SDN) chargée de veiller à la paix et à
la concorde entre les nations,
– L'attribution de mandats sur les possessions des puissances vaincues,
– Le fait que les populations locales seront consultées pour connaître leurs souhaits
d'organisation et leurs préférences de la puissance mandataire chargée de les amener vers
l'indépendance.

Deuxième élément à retenir de la conférence de Paris :


Fayçal à Paris est conseillé par Lawrence : les anglais le pousse à réclamer un contrôle de
l'ensemble de la Syrie tandis qu'il accepte parallèlement une sorte de protectorat souple sur l'Irak et
la Palestine.

En Irak en vue des négociations les anglais vont pousser leur contrôle militaire jusqu'à Mossoul :
une partie du territoire placée théoriquement sous influence française.
En même temps, les britanniques doivent faire face aux révoltes de la population irakienne.

Le troisième point de la conférence est que Fayçal s'entend avec Clémenceau sur le principe d'une
tutelle française souple sur la Syrie. Il reconnaît en même temps le principe d'un État libanais
spécifique dans le cadre de cette Syrie qu'il contrôlerait.
→ Se faisant il répond aux attentes fortes de maronites et des chrétiens catholiques de la montagne
libanaise.

En Syrie les populations sont partagées entre la revendication d'une pleine indépendance ou les
tutelles française et anglaise.
Il y a des tensions entre les anciens notables de Damas et les officiers de Faycal.

Le quatrième élément → à cette conférence la question de la Palestine est complexe.

D'un côté les anglais se sont engagés auprès des sionnistes sans préciser ce qu'ils entendaient par
« foyer national ».
→ Faycal et les notables refusent l'idée d'un État juif autonome.
→ les Palestiniens sont soutenus par les français.
→ les sionnistes plaident pour la constitution d'un Commonwealth juif qui s'accompagnerait de la
mise en place d'institutions organisant la construction d'une nation qui serait « aussi juive que la
nation française est française [...] ».
→ cela sonne comme un avertissement aux populations palestiniennes.

Il n'en demeure pas moins que Faycal confronté aux français et aux britanniques, ambitionne la
constitution d'un grand royaume arabe.
Il tente de négocier avec les sionnistes.
Parallèlement aux accords signés avec Clémenceau, Fayçal signe des accords avec l'organisation
sionniste dans le cadre desquels les arabes s'engagent à permettre l'immigration juive en Palestine
tout en protégeant les populations palestiniennes déjà présente sur ces territoires en vue de la
constitution d'un royaume arabe dont les juifs feraient partie.

Cette posture on va la retrouver plus tard lorsque son frère va négocier après 1948 avec les
institutions israélienne le partage de la Palestine.

Cependant la situation va évoluer rapidement : les britanniques se rendent compte que le contrôle
des territoires va leur coûter cher : ils font face à 3 révoltes :
→ révolte de la population chiite d'Irak, révolte en Irlande, révolte en Inde.
Les britanniques finissent par céder la Syrie à la France en plaçant Fayçal dans une situation de
faiblesse vis-à-vis des français.

En France, Clémenceau perd le pouvoir au profit de la droite en 1919. cette victoire va favoriser les
perspective du parti colonial qui encourage à l'occupation de la Syrie et à l'évincement de Fayçal.
Cela remet en cause les accords de Fayçal et Clémenceau.

La troisième évolution est que les USA refusent de signer le traité sur la SDN : ils ne vont pas
pouvoir appuyer les résultats de la Commission qu'ils dirigeaient et qui avaient été envoyé en Syrie
recueillir les avis des populations locales quant à la forme et la nature de la puissance mandataire
ainsi que des institutions nationales.

→ Ce sont les zones d'influence française et britannique qui sont consacrées sur les territoires de
l'ancien empire ottoman.

Dans la zone d'influence française, Fayçal qui revient à Damas en 1920 est pris entre plusieurs
feux :
– A Beyrouth les partisans du Liban indépendant défendent une présence française forte
sous l'impulsion de la bourgeoisie maronite.
– A Damas, les notables conservateurs, la bourgeoisie engagée dans l'ordre politique
ottoman, poussent un compromis avec les français dans le cadre des accords Fayçal-
Clémenceau. Ils supportent assez mal l'irruption dans l'entourage de Fayçal de tout un
ensemble d'intellectuels qui souhaitent affirmer plus directement l'indépendance d'un grand
royaume arabe sur l'ensemble du territoire dit de la Grande Syrie.
– Les nationalistes sont partisans d'une indépendance plus large.

Ces entités se retrouvent dans le Congrès syrien dès 1919 : les nationalistes y sont majoritaires. Ils
sont partisans de l'indépendance de la Grande Syrie.
Lorsque les mandats sont adoptés à Paris les nationalistes vont faire adopter par le Congrès une
Déclaration d'indépendance du Grand Royaume de Syrie sur lequel ils proclament la royauté de
Faycal.
Fayçal devient donc roi de Syrie et entre dans un conflit avec les français.
Les français ne peuvent l'accepter d'autant qu'ils sont repoussés en Cilicie.

À partir du littoral libanais les français lancent un ultimatum à Fayçal.


La frange la plus radical de l'armée de Fayçal refuse de poser les armes.

En 1920 c'est la fin du Royaume arabe de Syrie et la rupture de la France avec les nationalistes
arabes.

Fayçal est expulsé de Syrie par les français et se réfugie en Palestine. L'année suivante il est élu roi
d'Irak sur décision britannique.

Après cette conquête définitive de la Syrie par les français, ils s'engagent dans la création du Grand
Liban.
Ils commencent par séparer le Liban du reste de la Syrie sur des lignes qui correspondent à ce
qu'était l'autonomie libanaise dans l'empire.

Les français en 1920 tentent de diviser le reste de la Grande Syrie en 4 :


→ un État d'Alep, un État de Damas, un État des Druzes et un État Alaouites.

C'est une division fondée sur la base d'une logique confessionnelle.


Dès lors que les français s'emparent de la Syrie, ils constituent le Grand Liban qu'ils vont détacher
de la Syrie.
Ils adjoignent un certain nombre de régions.

Le fleuve Litani constitue un enjeu majeur : il s'agit du fleuve central en Israël.


→ L'ancienne zone militaire contrôlée par les Israéliens au sud du Liban se situe précisément au
point de jonction entre le Litani et le Jourdain.

En 1920, avec la constitution du Grand Liban, les français répondent positivement aux chrétiens
maronites mais ils vont le faire contre l'opinion dominante dans le reste de la Syrie : ce projet va
s'opposer aux souhaits de tout un ensemble d'autres leaders qui refusent de voir une partie de la
Syrie séparée du reste.

Le Liban est doté d'une constitution en 1926. Il obtient son indépendance en 1943.
Par la suite, la position politique du Liban vacille entre un nationalisme qui considère les libanais
comme des non-arabes et une conception du Liban comme un État indépendant mais arabe.
Une autre tendance plus étatiste envisage le Liban comme un État multi-confessionnel.

En raison de son positionnement géographique le Liban va vite concentrer le pluralisme religieux et


culturel.

Les français vont aussi tenter d'administrer la Syrie mandataire (division en 4 États).

Très tôt, les français se trouvent confrontés à la création d'un mouvement nationaliste à Genève qui
vont constituer le Congrès Syro-Palestinien de toutes confessions et qui regroupe notamment un
certain nombre de réformateurs musulmans et de notables issus du parti de la décentralisation.

C'est autour de ce Congrès que se développent les doctrines nationalistes propres au monde arabe.

Finalement, les français parviennent à faire adopter un traité en 1936 qui consacre une Syrie unifiée
(moins le Liban), qui consacre leur domination sur la Syrie.

Ce n'est qu'en 1946 que la Syrie arrache son indépendance à la suite d'un conflit entre les leaders
syriens et la France gaullienne qui se solde par la mort de 2 000 personnes.

Après 1946, la Syrie connait une période d'instabilité politique jusqu'à la prise de pouvoir par Hafez
el-Assad en 1970.

Les britanniques décident d'imposer des gouvernements autonomes qu'ils vont contrôler mais qui
décentralisera leur domination.
→ Ils créent l'Émirat d'Irak dont ils confient la gouvernance à Faycal en 1921 et un Émirat de
Transjordanie dirigé par Abdallah.

La situation en Égypte est un peu différente :

Les britanniques occupent l'Égypte depuis longtemps : depuis 1880.

En 1914 les anglais créent un protectorat en Égypte.


La situation pendant la guerre a été très difficile : la paysannerie en sort affaiblie.
Les élites égyptiennes ont mal vécu les promesses faites aux arabes.
Dès 1918, Zaghloul va trouver le consul britannique avec une délégation Wafd afin d'arracher leur
indépendance.
→ Cette délégation sera transformée en parti politique : c'est le premier parti nationaliste égyptien.

S'enchaîne une séquence de répression en 1919 : les arrestations déclenchent un mouvement


révolutionnaire.

Cela amène les britanniques à faire évoluer la situation : ils déclarent l'indépendance de l'Égypte en
1922 tout en gardant une domination militaire sur le pays.

Ils fondent une monarchie à la tête de laquelle est placé Fouad Ier.

La situation évolue aussi en Irak :


Fayçal est élu roi d'Irak en 1921 : très vite il est confronté à la poursuite des révoltes des paysans
chiites.
Le nouveau pouvoir fondé par Fayçal - pris entre de nombreuses contradictions - va s'appuyer sur
les notables sunnites de Bagdad au détriment de la paysannerie d'Irak ainsi que sur les officiers
nationalistes.
Ces officiers souvent formés à l'époque des Jeunes-Turcs vont tenter de construire un État moderne
et laïc sans pour autant éviter la marginalisation de la paysannerie chiite au Sud et des kurdes au
Nord contribuant à poser ce que seront les déséquilibres propres à la société de ce pays et qui vont
alimenter l'instabilité jusqu'à le prise de pouvoir de Saddam Hussein en 1979.

La monarchie est renversée en 1958.

Fayçal meurt en 1933.

La situation en Transjordanie :

La Transjordanie créée par les britanniques en 1931 est issue d'une division de la Palestine.

La frontière de cet État est imposée par les britanniques pour mettre un terme aux attaques des
groupes armés au service des troupes d'Ibn Saoud au Sud. Les milices d'Ibn Saoud qui vont lui
permettre de conquérir la péninsule arabique remonte tellement sur le Nord qu'ils viennent menacer
les positions britanniques.
Pour préserver leurs intérêts les britanniques vont imposer les frontières permettant de contenir
l'avancée d'Ibn Saoud.

Les britanniques placent à la tête de le Transjordanie Abdallah.


À partir de son investiture il envisage de refonder le grand royaume arabe projeté par son père à
partir de son trône en mettant en place une politique qui aura pour objectif d'absorber la Syrie au
Nord, l'Irak et la Palestine à l'Ouest.
→ C'est la raison pour laquelle Abdallah va chercher un accord avec les sionnistes.

En 1948, lors de la guerre qui suit la proclamation de l'indépendance d'Israël, Abdallah joue une
sorte de double jeu : son but n'est pas de lutter contre l'organisation sionniste mais de s'entendre
avec elle pour contrôler la Cisjordanie (la partie de la Palestine que les Israéliens étaient d'accords
de lui concéder).

En 1949 après la conquête de Jérusalem et de la Cisjordanie, la Transjordanie devient le royaume


Hachémite de Jordanie.

Abdallah va payer cher cette compromission avec les autorité Israéliennes.


→ Il est assassiné sur ordre du grand moufti de Jérusalem en 1951.
C'est son petit fils Hussein Ier qui lui succède, à sa mort en 1999 il est remplacé par son fils
Abdallah II.

La situation de la Turquie :

L'empire ottoman est vaincu en 1918.


Le partage des zones d'influence s'effectue aussi sur l'Anatolie selon les lignes prévues par le traité
de Sèvres.
Ce traité crée :
– une zone d'influence française sur le sud de l'Anatolie,
– une zone d'influence grecque à l'ouest de l'Anatolie (partie occidentale),
– un État arménien à l'Est,
– une zone kurde au Sud-Est.
→ tout l'empire ottoman est dépecé.

Ce partage est vécu comme une trahison envers la nation Turque qui depuis une dizaine d'années
commence à se définir en ces termes.

Une révolte armée est déclenchée par un officier ottoman : Mustafa Kemal, officier supérieur qui
combattait pendant la guerre pour l'empire.
Il se révolte contre son gouvernement après la signature du traité et se lance dans une guerre de
libération de son territoire en repoussant les Grecs à l'Ouest de la Turquie et en mettant un terme
définitif au projet de création d'un État arménien à l'Est.
Il met aussi un terme au projet d'autonomie kurde envisagé par les puissances mandataires.

→ La Turquie est issue d'une révolte amenée par Mustafa Kemal.

Mustafa Kemal proclame la République en 1922 : il n'a pu opérer cette reconquête qu'avec les
soutien des soviétiques.
Il met en place une république laïque.
→ Finalement c'est le traité de Lausanne de 1923 qui consacre la situation née de la reconquête de
Mustafa Kemal.

La situation de l'Arabie Saoudite :

C'est un ensemble de territoires un peu à part qui n'était pas sous domination ottomane.

L'histoire récente commence avec le début de la conquête de Ibn Saoud en 1902.

A partir de 1912, Ibn Saoud s'appuie sur une milice religieuse wahhabite : les Ikhwan.
C'est une stratégie de légitimation de la conquête des territoires.

À partir de 1918, Ibn Saoud rentre en conflit avec les Hachémites du Hedjaz dont il conquiert les
territoires en 1924 en mettant un terme à leur domination sur la région.

Il s'étend aussi au sud de la péninsule arabique sans menacer pour autant les intérêts britanniques,
sans menacer non plus les émirats britanniques le long du golf persique.

C'est pour arrêter les raids des Ikhwan que les britanniques décident de consolider les frontières de
la Transjordanie.
→ Les États contemporains ne sont pas que le produits des décisions des puissances mandataires
mais aussi des luttes internes de ces pays.

Ibn Saoud devient roi du Hedjaz, il contrôle alors La Mecque et Médine.


→ Il met ainsi un terme aux prétentions califales des Hachémites sans pour autant revendiquer cette
prétention pour lui-même.

En prenant possession du Hedjaz et des villes saintes, le roi et ses troupes font disparaître de ces
lieux ce qui donnent lieu à des formes d'idolâtries : inscriptions sur des tombes, décorations de
maussolées, etc..

Face aux protestations que suscitent ces destructions, Ibn Saoud réunit un Congrès qui acte de la
réintégration du wahhabisme dans l'islam officiel après deux siècles de bannissement pas les
ottomans.

Ibn Saoud est confronté à la nécessité - s'il veut obtenir la reconnaissance internationale - de
prendre en considération les intérêts britanniques qui passent par la reconnaissance des États
Hachémites : Transjordanie, Irak.
Il lui faussi aussi reconnaître et préserver les protectorats britanniques.

Ibn Saoud exige en 1929 alors des Ikhwans qu'ils arrêtent la guerre, et qu'ils acceptent que la
décision de guerre repose sur le souverain exclusivement.

Ibn Saoud fonde l'Arabie Saoudite en 1932 sur la synthèse de 3 éléments essentiels :
– la reconnaissance de l'ordre social et juridique bédouins,
– l'institutionnalisation du wahhabisme qui à partir de 1929 perd sa dimension révolutionnaire,
– la modernisation rapide du pays avec la découverte du pétrole en particulier.

La modernisation permet aussi d'offrir à Ibn Saoud des moyens financiers colossaux à partir
desquels il va pouvoir s'assurer de l'allégeance des autres groupes sociaux et tribus qui composent le
pays.
L'argent du pétrole va lui permettre d'entretenir de nombreux mariages politiques
→ il aura 53 fils, 36 filles, plus de 500 petits enfants et divorcera 12 fois.

1945 : Pacte de Quincy signé entre Roosevelt et Ibn Saoud, renouvelé pour 60 ans en 2005 par
Georges Bush.

La situation de l'Iran :

Avant 1935 il s'agit de la Perse.


La Perse va connaître une forte période de stabilité.
C'est un empire qui va connaître une forte modernisation au XIXe siècle qui aboutit à l'adoption
d'une constitution moderne en 1906 dans un contexte marqué par l'influence russe au nord et
l'influence britannique au sud.

En 1921 a lieu un coup d'État fomenté par l'officier Reza Khan qui devient roi en 1926 et fonde la
dynastie des Pahlavi.
Il modernise et laïcise le pays en s'inspirant de la politique de Mustafa Kemal en Turquie.
Cette dynastie sera renversé par la révolution de 1979.
III- Les évolutions politiques au Moyen-Orient :

C'est dans les années 1930 que les doctrines nationalistes vont se préciser et qu'arabisme et
islamisme vont connaître une différenciation plus marquée.

Dans le cadre de cette différenciation les doctrines nationalistes vont se préciser et s'autonomiser
dans un contexte marqué par 4 éléments :
– En Europe dans les années 1930 le nationalisme triomphe avec le fascisme. Cela va
avoir une influence sur les doctrines nationalistes du monde arabe. Le fascisme italien est
particulièrement attirant.
– Le Kémalisme en Turquie va avoir aussi une influence très importante auprès des penseurs
nationalistes notamment en Irak où Fayçal s'appuie sur des officiers qui tentent de gouverner
avec une politique centralisatrice et laïcisante.
– La progression des idéologies Tiers-mondistes.
– Le développement des idéologies impérialistes.

C'est au cours des années 1930 que se développe la doctrine panarabe qui prône l'unité
programmatique du monde arabe dans un ensemble sous forme de fédération.
→ Sur ce point, le penseur de référence est le syrien Sati al Housri.

La pensée de Sati al Housri est directement inspirée de la pensée allemande de l'État-nation dans le
sens où c'est la langue et l'histoire qui sont considérées comme le substrat de l'identité nationale.
Dans son idée, on doit travailler à l'unité arabe en modernisant les sociétés via l'éducation des
populations.
Mais Al Housri rejette la vision raciale. Il est anti-fasciste. Il s'oppose à tout un ensemble d'autres
penseurs attirés par les idéologies fascistes dans le monde arabe.

Il inspire les courants politiques dominants en particulier les fondateurs du parti Baas et conduit au
triomphe du panarabisme après 1945.

A- Nationalismes :

Différenciation progressive à partir des années 1930 :

– un nationalisme panarabe visant à l'unité du monde arabe du Maroc à la Mésopotamie


dans une perspective anti-impérialiste. Promotion de l'unité politique du monde arabe sous
des formes qui peuvent être assez souples.

Le Parti Baas est fondé par Michel Aflaq (grec-orthodoxe mort en 1989), Salah Eddine
Bitar et Zaki al-Arzouzi. Ce parti est très important dans l'histoire politique moderne du
Proche-Orient. Il associe un nationalisme arabe et un socialisme arabe. Il adopte une posture
laïque tout en insistant sur l'importance culturelle de l'islam dans l'identité arabe. Sa doctrine
est en partie vidée de sa substance après sa prise de contrôle et son instrumentalisation par
les militaires en Irak et en Syrie à la fin des années 1960. Le Parti Baas prend le pouvoir par
la force militaire à la fin des années 1960. Il se divise en deux branches : la branche syrienne
qui tombe sous le contrôle de la famille Assad et une branche irakienne dont Saddam
Hussein prend le contrôle.

Autres partis panarabes : les partis nassériens, le mouvement nationaliste arabe fondé par
George Habache avant la création du Front de libération de la Palestine (le FPLP).
– Un nationalisme arabo-islamique conservateur développé dans les années 1920-1930.
c'est un courant plus religieux, plus conservateur sur le plan social. Il est très structurant
dans les années 1920 et 1930 et incarné par un intellectuel druze libanais : Chakib Arslan.
Chakib Arslan insiste, dans le sillage des réformateurs, sur le lien entre arabité et islamité et
sur l'importance de l'unité du monde arabo-musulman sur un fondement doctrinaire différent
du nationalisme laïcisant. Il a été plus sensible à l'attrait que représentait l'Italie fasciste et
l'Allemagne nazie.

– Le syrianisme. À côté des courants panarabes se développe aussi un courant qui était
auparavant indifférencié : c'est celui du syrianisme. C'est l'idée selon laquelle la Grande
Syrie constitue une nation arabe spécifique au sein du monde arabe. C'est un projet mis en
forme par Antoun Saadé : il prônait l'unité de la Grande Syrie (comprenant le Liban, la
Palestine, la Jordanie, l'Irak, le Koweït et Chypre). Ce courant pan-syrianiste s'est incarné
dans le Parti populaire syrien (PPS) fondé par Antoun Saadé. Ce parti existe toujours – au
Liban notamment. C'est un parti qui reste très laïc, très actif pendant la guerre civile
libanaise.
Anecdote : C'est le Parti populaire syrien qui a revendiqué le premier attentat suicide réalisé
par une femme en 1985.
Une autre version du syrianisme s'est constituée autour du roi de Jordanie. À partir des
années 1920 : le roi Abdallah de Jordanie a le projet de réunir sous sa royauté l'ensemble de
ce qui est inclue dans la Grande Syrie.

– Le nationalisme régional c'est à dire le nationalisme fondé sur l'autonomie et la spécificité


des pays constitués. Il s'agit d'insister sur l'importance des nationalismes spécifiques aux
différents États.

Parallèlement aux développements d'idéologies unificatrices se développent des doctrines


nationales que les panarabes vont envoyer à des formes de nationalismes mais qui visent à insister
sur les spécificités de chacune des sociétés qui évoluent dans le cadre des structures étatiques créées
à partir de 1920.

Ce nationalisme spécifique des États vise à construite une identité spécifique à chacune de ses
populations dans le cadre de croisements ambiguës avec les idéologies panarabes.

→ Il s'agit de comprendre que ce qui était indifférencié dans les années 1920 se différencie : le
panarabisme se différencie du syrianisme tandis que les nationalismes régionaux se différencient du
nationalisme panarabe.

Cela a plusieurs conséquences :

On voit que les identités politiques sont multiples dans le monde arabe.
→ Les identités de références sont multiples dans cette région : elles sont issues d'une histoire
longue, complexe, tourmentée. Elles associent des dimensions transnationales via le panarabisme, le
pan-islamisme, des dimensions nationales, des dimensions religieuses, des identités claniques
notamment autour des liens de fidélité à certaines grandes familles, sans oublier le poids des
grandes idéologies politiques qui traversent le XXe siècle.

Ces différents univers d'identification ne sont pas exclusifs les uns des autres c'est la raison
pour laquelle certains partis peuvent se concevoir à la fois comme partis nationalistes locaux,
comme partis panarabes ou encore comme partis pan-islamistes.

Il s'agit d'éviter le simplisme avec lequel ils sont appréhendées par les pays occidentaux.
On a pu voir comment ce simpliste à l'œuvre en Irak en 2003 a pu faire exploser la société irakienne
au-delà des habituelles lignes d'appréhension du pays.

B- La naissance de l'Islam politique :

Comment les réflexions autour de la religion islamique vont prendre une dimension plus
politique à partir des années 1930 ?

Les années 1930 marquent le développement de l'Islam politique.

Comme on a pu le voir, le développement de l'arabisme et de l'islamisme puise l'un et l'autre aux


mêmes sources : la transformation de l'Empire ottoman et la diffusion des idéologies occidentales,
la réouverture des réflexions prospectives sur l'islam et la Nahda et la définition au tournant du
siècle d'un nouvel arabo-centrisme à travers lequel est perçu l'avenir des peuples arabes de l'Empire
ottoman.

Arabisme et islamisme vont progressivement se différencier l'un l'autre sans demeurer étranger l'un
à l'autre. Ce que l'on appelle aujourd'hui l'islam politique renvoie à la définition progressive de
doctrines selon lesquelles l'islam en tant que religion offre un modèle d'organisation des sociétés, de
régulation des rapports de pouvoir au sein de ces sociétés et un modèle de lutte contre
l'impérialisme européen dans les années 1930, et américain dans les années 1990 et 2000.

En cela l'islam politique est issu d'un triple mouvement :


– C'est l'un des sous-produits du réformisme islamique et de la mise en place des États du
Moyen-Orient,
– C'est un sous-produit de l'hégémonie européenne,
– Il s'inscrit en contradiction avec les dynamiques de modernisation qui s'impose via la
prise d'importance d'un nationalisme laïcisant.

Il y a trois éléments qui permettent de comprendre l'islamisme politique :


– La fondation de l'Arabie Saoudite : lorsque le salafisme devient un modèle d'organisation
politique et sociale,
– La fondation des Frères musulmans,
– La voie révolutionnaire et militaire de l'islamisme politique.

1- La Fondation de l'Arabie Saoudite :

C'est en 1924 que le roi Saoud conquiert La Mecque et Médine et en 1932 que l'Arabie Saoudite est
créée et que le wahhabisme devient la religion d'État.

Le salafisme ou wahhabisme est puritain est stricte sur le plan moral : interdiction de la musique et
de la poésie, séparation stricte des hommes et des femmes, condamnation des formes traditionnelles
de la religiosité populaire contraire au monothéisme strict défendu, intolérance vis-à-vis des
groupes musulmans qui ne suivent les préceptes prônés.
→ Cette posture à l'extrême peut prendre la forme de l'excommunication.

C'est une posture légaliste et non révolutionnaire. C'est le cas depuis que Ibn Saoud a mis au pas les
milices sur lesquelles il s'était appuyé pour conquérir l'Arabie Saoudite.
→ En Arabie Saoudite le salafisme n'a pas de dimension révolutionnaire.

C'est ce que l'on appelle le salafisme piétiste c'est à dire un salafisme qui prône de changer la
société par la religion et l'action politique ordinaire.
Le salafisme connaît une expansion importante avec la montée en puissance de l'Arabie Saoudite à
partir des années 1970-1980 dans le sillage de la révolution iranienne et de la guerre d'Afghanistan.

2- La fondation des Frères musulmans :

Les Frères musulmans désignent un vaste mouvement fondé en 1928 en Égypte par un instituteur :
Hassan Al Banna dans le contexte de développement de la société politique égyptienne.

Ce mouvement cherche à faire de l'islam une idéologie proprement politique en réaction à la


colonisation britannique et à ce qui est présenté comme les déviances de l'islam institutionnel
traditionnel, en réaction aux problématiques sociales de la société égyptienne de l'époque
confrontée à la pauvreté et au sous-développement et enfin en réaction aux partis qui se
revendiquent plus directement du libéralisme politique occidental.

La réflexion et le projet de Hassan Al Banna sont inscrits dans un contexte marqué précisément par
l'importance et la réouverture des réflexions sur l'islam via le réformisme musulman et sur la remise
en cause des oulémas traditionnels qui maintiennent la société dans une situation de déclin.

Il faut avoir en tête ces trois aspects fondamentaux pour comprendre ce mouvement :
– Ce mouvement est un mouvement religieux qui cherche et prône une nouvelle religiosité
plus prosélyte et conforme à ce qui est présenté comme les origines de l'islam. L'idée est de
redonner à la religion l'ampleur qu'elle avait aux premiers temps de l'islam. Il s'agit de sortir
l'islam des mosquées et d'en faire le centre du système social. C'est en ce sens qu'ils sont
opposés à l'islam institutionnel des oulémas et qu'ils s'opposent aux déviances de cet islam
traditionnel.
– L'aspect politique du mouvement : le but du parti est de fonder un ordre politique et une
société directement inspirée du modèle promu par le système islamique qui doit permettre
de recréer une société vertueuse, juste, équilibrée. En ce sens les islamistes récusent aussi
bien la monarchie ou les dictatures qui représentent le pouvoir d'un seul homme, le système
des partis uniques qui incarnent la captation du pouvoir au bénéfice d'un clan et rejettent par
principe la démocratie occidentale dans la mesure où ce n'est pas du peuple qu'est issue la
souveraineté mais de Dieu. En ce sens ce mouvement s'oppose aussi bien à l'autoritarisme
du monarque qu'à l'hégémonie européenne entendue sur les plans politique et culturel.
La posture des Frères musulmans vise à l'unification du mouvement, c'est la traduction du
projet fédérateur du monde musulman : la recréation du califat.
– L'aspect social des Frères musulmans : dans la mesure où ils se donnent pour objectif de
manière pragmatique de lutter contre la pauvreté et l'injustice sociale. Il s'agit d'assurer à
chacun la place qui lui revient dans la société. C'est une lecture conservatrice.

Un autre penseur qui émerge a dit : le « Coran est notre Constitution ».

L'âge d'or des Frères musulmans se situe dans les années 1970 lorsque Sadat, le successeur de
Nasser opère un retournement d'alliance et s'allie avec les États-Unis qui se traduit par une
explosion de la pauvreté après la libéralisation des échanges qui détruit le commerce.

La gauche au pouvoir se coupe des classes populaires et les Frères musulmans prennent en charge le
traitement de la pauvreté ce qui contribue à leur expansion politique.

Au même moment les États laïcs du Moyen-Orient (Égypte, Syrie, Irak) sont captés par les classes
des clans fermés sur eux-mêmes à travers les régimes de Partis uniques :
→ cela ruine les espoirs d'ascension sociale et produit des déclassements et des couches éduquées
mais déclassées qui prennent en charge la pauvreté.
On voit comment ces militants conçoivent l'islam comme solution politique à leur problèmes
sociaux.

Cela explique la contradiction apparente de ces mouvements : ils sont conservateurs et modernes.

Les occidentaux n'ont jamais compris pourquoi ces mouvements sont extrêmement féminisés : cela
montre la contradiction de ces mouvements qui défendent une vision morale vue comme
réactionnaire (port du foulard, séparation des hommes et des femmes) mais perçus comme
modernisateur en ce sens qu'ils défendent l'accès des femmes aux études et à une activité
professionnelle contrairement à l'islam traditionnel.

L'islam est perçu comme la solution aux maux de la société arabe des années 1930 (colonisation,
corruption etc..)
→ C'est en revenant aux fondements que l'on peut affronter les défis du monde moderne et que l'on
peut renouer avec la grandeur des temps anciens.

Si l'islam offre une solution globale c'est que ça leur offre la possibilité de construire une société en
rejetant des systèmes idéologiques, normatifs conçus comme exogènes.

L'État et la société islamique restent dans l'esprit du fondateur des idéaux et des objectifs lointains.
Le mouvement prône l'organisation d'actions sociales et politiques sur le long terme d'où
l'ambivalence du mouvement perçu à la fois comme conservateur et comme sensible à la question
sociale et donc acteur d'une forme de progrès social.

Cela traduit un rapport à la démocratie ambigu : d'un côté les lois religieuses sont intangibles, la
souveraineté vient de la Loi mais en même temps l'action démocratique et citoyenne est envisagée
comme possible et même souhaitable comme une des voies de la transformation.

Lorsque cette société islamique vertueuse sera créée elle organisera un gouvernement juste des
individus fondé sur la délibération des « bons musulmans ».
→ Du même coup le cadre institutionnel reste flou : les fondateurs des Frères musulmans ne
précisent pas clairement ce que sera cette société idéale si ce n'est qu'elle doit associer respect de la
Loi islamique et procédure de délibération qui sera entre les mains des « bons musulmans ».

Des questions demeurent :


Comment assurer la direction de la société et en choisir les dirigeants ?

Cette ambiguïté explique que ces mouvements donnent lieu à des courants politiques très diversifiés
allant d'un fondamentalisme très marqué à un conservatisme souple et pragmatique que dans
certains contextes on va associer à la « chrétienne démocratie ».

Cet islam politique dans certains contextes va prendre des formes légalistes :
→ Ils vont se transformer en partis politiques et tenter de remporter des suffrages lors d'élections
C'est le cas de la Turquie, de la Jordanie, du Maroc, de la Palestine, du Liban et de l'Algérie

Dans d'autres contextes l'islam politique va prendre des formes plus violentes et militarisé :
C'est le cas de l'Égypte, de la Syrie, et de l'Algérie après le coup d'état de 1991.

En France, l'Union des Organisations de l'Islam de France (l'UOIF) est issue des Frères
musulmans : c'est l'idée d'inscrire une pratique religieuse musulmane et conservatrice dans un
contexte minoritaire et sécularisé.
A ces mouvements de l'islam politique il faut adjoindre le chiisme politique qui suit une logique de
développement assez analogue et dont la montée en puissance atteint son apogée en 1979 au
moment de la révolution iranienne.

Les mouvements qui s'inscrivent dans cette perspective du chiisme politique se présentent plutôt
aujourd'hui comme des conservateurs pragmatiques assez bien insérés lorsque le contexte s'y
prête dans les dynamiques électorales et inter-communautaires comme c'est le cas au Liban
notamment avec le Hezbollah libanais qui hérite de la perspective révolutionnaire du chiisme
politique mais qui évolue ensuite de manière pragmatique.

Le chiisme politique a contribué à la redéfinition des rapports entre islam et politique.


→ Là où le chiisme traditionnel prônait une religiosité indifférente au politique et au pouvoir, le
chiisme politique met la symbolique religieuse au service d'une entreprise de transformation
politique et sociale par des voies violentes (années 1970-1980) ou pacifiques.

3 - La voie révolutionnaire armée : djihadisme (ou takfirisme) :

Les Frères musulmans sont créés à la fin des années 1920 : ils intègrent dès l'origine une dimension
clandestine.

Dans les années 1950 et dans le contexte de la répression du mouvement par Nasser, une partie des
Frères musulmans va chercher à mobiliser la doctrine religieuse au bénéfice d'une théorisation d'une
stratégie de renversement violent du pouvoir.

Le penseur de cette doctrine est Sayyid Qutb : il théorise la perspective d'un renversement par la
force du pouvoir lorsque ce pouvoir est considéré comme tyrannique et comme contraire à l'islam.

Sayyid Qutb est pendu en 1966 pour ces mêmes raisons.

Une partie de l'islam politique fait la jonction avec la pensée de Ibn Taymiyya issu du handalisme
qui permet de justifier le renversement d'un pouvoir considéré comment tyrannique au regard des
règles religieuses.
Sayyid Qutb se revendique de Ibn Taymiyya.

Sayyid Qutb mobilise la notion du Takfir : c'est à dire que tous les musulmans qui ne respectent pas
les principes de l'islam tels que définis par le mouvement sont des cibles militaires légitimes au
même titre que les ennemis de l'islam quand bien même ces pouvoirs se revendiquent d'autres
interprétations de l'islam.

Cela permet en outre de repenser le djihad (qui est un mouvement de défense de l'islam). En effet, à
travers la théorie du Takfir le djihad est tourné vers l'intérieur, vers les musulmans.

Le chiisme politique intègre une dimension un peu similaire.

C'est comme cela que naissent les premières organisations dites djihaddistes :
En Palestine, le djihad islamique est responsable de l'assassinat de Saddat.

On retrouve derrière ces mouvements révolutionnaires, des logiques que l'on connaissait déjà dans
les groupuscules marxistes ou anarchistes : les attentats contre des cibles politiques ou civiles
doivent déclencher un cycle de répression qui jettera les masses dans les bras du mouvement
révolutionnaire.
Cela vise à accélérer la lutte dans une confrontation généralisée entre le pouvoir et la population.
Autre logique retrouvée : ces groupes militaires sont instrumentalisés par les puissances locales ou
internationales qui vont les utiliser les uns contre les autres ou pour faciliter la déstabilisation d'un
pouvoir opposant.

En 1980 le salafisme d'inspiration saoudienne ou wahhibisme renoue lui aussi avec une
perspective militaire et milicienne en vue de soutenir la lutte armée contre les soviétiques et les
marxistes en Afghanistan ce qui permet au pouvoir saoudien d'éloigner les radicaux de son territoire
tout en les utilisant dans des cadres géopolitiques mais ça permet aussi au pouvoir saoudien de se
relégitimer sur le plan religieux en reprenant le flambeau de la défense de l'islam face à l'Iran et à
Khomeini.
Les combattants afghans sont appelés les Moudjahidin.

L'Égypte et l'Arabie Saoudite organisent le transfert de combattants vers l'Afghanistan. C'est Ben
Laden qui organise ces réseaux en tant qu'agent de liaison entre la CIA et les services saoudiens..

Ces réseaux de combattants arabes vont ensuite se retourner contre les américains au milieu des
années 1990 lorsque l'Union soviétique est vaincue et lorsque les américains en vue d'envahir l'Irak,
déploient 500 000 hommes dans la péninsule arabique.
→ C'est comme cela qu'émerge Al-Qaida : les réseaux de Ben Laden se retournent contre les
parrains saoudiens et américains.

La dynamique milicienne s'accélère dans les années 1970. Le Takfir et l'anathème viennent justifier
les pires atrocités.

Cette logique s'accélère après la deuxième invasion de l'Irak en 2003 au prétexte des armes
chimiques. Après la chute de Saddam Hussein, les américains vont confier le pouvoir en Irak aux
leaders chiites : ils privent ainsi les sunnites du pouvoir dans une logique de dé-baasification.

Les États-Unis favorisent l'accès au pouvoir des chiites irakiens perçus par les saoudiens comme
des « clients » de l'Iran.
Pour les saoudiens c'est ouvrir l'Irak aux Iraniens et ainsi étendre la sphère d'influence de l'Iran.
→ Cela conduit à l'accroissement de la rivalité entre l'Iran et l'Arabie Saoudite.

2005 marque le début de la guerre sectaire sunnite-chiite. C'est un contexte de guerre civile
alimenté par le ressentiment de la population chiite.
C'est cette dynamique qui alimente la guerre sectaire qui se développe particulièrement en Irak où
est fondé l'État islamique.

L'idéologie takfirie mobilise désormais contre les autres obédiences musulmanes. Le panislamisme
vire au pansunnisme et colle par ce biais aux visées stratégiques saoudiennes puis turques et
qatarie.
En Europe, les géopoliticiens parlent du « croissant chiite ».

→ Entre 2005 et 2011 on constate une multiplication des attentats de masse contre les civils à
Badgad : la ville est séparée selon une logique ethnique.
→ L'Iran et les organisations chiites maintiennent une perspective panislamique via l'alliance du
Hamas et du Hezbollah notamment.
→ En 2011 la guerre en Syrie a pour conséquence l'accroissement des tensions. Le sort du régime
syrien est un enjeu régional majeur car il est au centre territorial des tensions régionales et globale.

Il ne faut pas oublier que les musulmans figurent parmi les premières victimes de ces mouvements
takfiries c'est à dire de ces mouvements extrémistes révolutionnaires.
Examen :
Comprendre les logiques géopolitiques qui accompagnent le déclin de l'Empire Ottoman et la 1ère
GM.
Comprendre les logiques du multi-confessionnalisme et le pluralisme des courants évoqués.
Comprendre l'arabisme, le réformisme musulman, les nationalismes.

→ 1 question large obligatoire + choix entre deux questions plus précises.

III- Le développement d'un nationalisme juif et ses conséquences :

Il faut revenir ce qu'est le judaïsme.

Le judaïsme renvoie à l'univers culturel constitué autour de la religion juive (l'ensemble des
pratiques, des symboles et des rites).
Pourtant il existe une très forte diversité du judaïsme.

Cette diversité est accentuée par la nature diasporique du judaïsme.

La diaspora juive renvoie à des processus divers :


– aux migrations des populations juives à travers les siècles et en particulier sous l'empire
romain,
– le prosélytisme du judaïsme au Moyen-Age,

La présence des juifs dans le monde arabe est très ancienne et bien antérieure à l'apparition de
l'islam et de la chrétienté.
Le plus grand foyer de peuplement était au Irak au XIXe et au XXe siècle.

La diversité du judaïsme :

Le judaïsme ashkénaze désigne les communautés juives d'Europe de l'Est qui parlaient avant le
génocide le yiddish.
Il désigne un ensemble religieux rituel implanté en Europe de l'Est.

Le judaïsme sépharade renvoie aux rites qui se sont développés dans l'Espagne ancienne avant
l'expulsion des juifs d'Espagne vers le Maghreb.

Les Mizarhim sont les juifs originaires du Moyen-Orient.

La religiosité juive est basée sur deux ensembles :


– la Torah : l'ensemble de livres qui relatent l'histoire du peuple juif et l'histoire des différents
Prophètes et Patriarches qui assurent le lien entre le Dieu unique et le peuple juif,
– la Torah orale : l'ensemble de coutumes, de traditions et de commentaires de la Torah
écrite, c'est la Halakha. Cet ensemble a ensuite été mis par écrit dans le Talmud.

Les juifs orthodoxes désignent les personnes qui suivent les coutumes et les traditions.

Les juifs ultra-orthodoxes sont les juifs qui suivent au sens strict la tradition. On les appelle les
Haredim (au sein desquels se trouvent les Hassidim, les Loubavith, les Neturei Karta, etc..).

Le judaïsme libéral ou réformé apparait en Allemagne au XIXe siècle.


Au cœur de la tradition religieuse juive il y a l'idée selon laquelle le Dieu unique a conclu un
alliance avec les descendants d'Abraham qui doit conduire les hommes à une observation stricte de
la Loi divine qui est révélée aux hommes par l'intermédiaire des Prophètes et en particulier par
Moïse qui dans la légende a délivré les Hébreux de l'esclavage en Égypte.

Cette alliance conduit Dieu à offrir à son peuple une Terre promise qui se trouve être dans la Bible
le pays de Canaan c'est à dire la Palestine actuelle. Cette promesse dans la Bible est matérialisée
par la fondation du royaume de David et de Salomon et la construction du Temple de Jérusalem
(détruit en 70 par les Romains) dont le mur des Lamentations seraient le vestige archéologique.

La Bible compile l'ensemble de ces récits qui sont dans une large mesure mythique ou légendaire :
il y a peu de traces archéologiques du royaume de David.

Sur le plan religieux les juifs ne tirent aucune supériorité de cette promesse mais un sentiment de
responsabilité. C'est l'idée selon laquelle il incombe aux fidèles de faire connaître aux hommes
l'intérêt que Dieu porte aux humains et ses enseignements.

Parmi les juifs orthodoxes se distinguent les ultra-orthodoxes : les Haredim se caractérisent par une
pratique particulièrement stricte de la Loi juive et par un rejet partiel de la modernité sociale et
idéologique. Pour ces raisons ils vivent dans des communautés en marge de ces sociétés notamment
à Jérusalem.
Jusqu'aux années 50 ils sont opposés au sionisme.

Pour les Haredim si les juifs ne résident plus dans la Terre promise et s'il en ont été chassé en 70
c'est parce qu'ils auraient fauté et se seraient détournés des enseignements de Dieu. Dès lors la vie
consiste à étudier la Loi pour se conformer aux enseignements, connaître Dieu et ainsi espérer
accélérer le retour en Terre promise étant entendu que dans ce judaïsme religieux seul le Messie
conduira ce retour.

→ Dans la religiosité traditionnelle la Terre promise est entendue dans un sens spirituel.

Mais il existe aussi tout un ensemble de personnes non pratiquantes ou athées se reconnaissant
comme juif pour des raisons historiques ou familiales.

A- Logique de développement du sionisme en Europe :

Il faut revenir sur le contexte des populations juives en Europe à la fin du XIXe siècle.

Ces populations sont confrontées à deux processus de discriminations massives dans un contexte où
se développe par ailleurs un ensemble de théories politiques qui vont offrir aux intellectuels juifs
des outils pour penser l'émancipation et la lutte contre les discriminations :

– l'antisémitisme se comprend comme un processus d'infériorisation sur une base ethno-


culturelle,
Qui a pour base :
- l'antijudaisme chrétien qui se fondait sur l'idée que les juifs non-convertis sont ceux
qui refusent le Salut individuel offert par le Christ et la conformité aux enseignements du
christianisme. La conversion était la seule manière d'échapper aux discriminations.
- l'antisémitisme racialiste : les juifs sont persécutés pour ce qu'ils sont en tant que tel,
qu'ils se convertissent ou non ne change rien à leur situation. C'est le début d'un
antisémitisme qui change de nature et devient racialiste. Il se théorise avec le
développement des théories raciales : le Darwinisme impérial qui fonde en nature la
domination des européens sur d'autres ensembles humains.
Cet antisémitisme va trouver son paroxysme sous le nazisme.
- Le développement du nationalisme : qui consiste à appréhender les groupes humains
comme des ensembles homogènes sur le plan culturel, linguistique ou religieux. Dans ce
cadre les juifs constituent la marque même de l'étranger, de l'autre, de ceux qui menacent
la cohésion nationale. L'émancipation des juifs après la Révolution française va
accentuer ce fantasme du fait de l'invisibilité qui en résulte.

– La discrimination socio-économique des populations juives touche particulièrement les


populations pauvres. Elle est liée au développement du capitalisme mais aussi à la
persistance du féodalisme terrien en Europe de l'Est.

Ces deux formes de discrimination se développent dans un contexte où par ailleurs se développent
de nouveaux outils idéologiques qui constituent des réponses à l'antisémitisme :

Première réponse : l'émancipation socio-culturelle des juifs doit se faire dans le cadre plus large du
mouvement révolutionnaire ouvrier visant à renverser les logiques sociales et économiques de la
domination. Elle donne lieu au Bund (l'Union générale des travailleurs juifs).

Deuxième réponse : il s'agit de considérer que la réponse réside dans l'assimilation républicaine et
l'approfondissement d'une conception laïque de la Nation consistant à offrir à chaque citoyen une
égalité de droit indépendamment de son appartenance communautaire. Cela passe par une
distanciation du particularisme religieux.

Troisième réponse : il s'agit de répondre par le renforcement de l'identité communautaire et


religieuse. Cette idée est portée par tout un ensemble de rabbins. Cela fonctionne comme une forme
de résistance symbolique (retournement du stigmate) et par une reconquête du respect de la société
globale en accentuant ce qui est perçu comme une image rassurante du judaïsme profondément
pacifique contre l'imagerie antisémite de l'époque.

Quatrième réponse : l'émancipation socio-politique des juifs passent par leur émancipation
nationale. C'est considérer qu'il faut offrir aux juifs un territoire indépendant. C'est l'idée au cœur du
sionisme.

Dans ces réponses à la discrimination se trouvent toutes les grandes théories qui traversent le champ
politique et idéologique en Europe (le marxisme, le nationalisme, le libéralisme entre autre..).

Le sionisme opère un retournement fondamental : le concept religieux, spirituel, ahistorique de la


Terre Promise est transformé en concept politique territorial et historicisé.

La réponse nationale à l'antisémitisme et à l'aliénation économique n'est pas exclusive des


mouvements juifs européens qui existent à cette période.
Elle s'oppose à une multitude de réponses religieuses à la persécution.

→ Le sionisme ne découle pas spécifiquement du judaïsme. Il s'est même construit contre le


judaïsme religieux traditionnel.

Le sionisme était accusé de concevoir le judaïsme sans Dieu et de méconnaître une pensée
fondamentale au judaïsme religieux selon laquelle c'est le Messie et lui seul qui conduira le peuple
juif en Palestine à condition que le peuple juif se rapproche précisément de Dieu par la pratique
stricte des pratiques religieuses.
Le sionisme fait du judaïsme une dimension culturelle et nationale.
Le sionisme comme mouvement nationalitaire passe par une réinvention de la judéité et du
judaïsme.

De manière logique dans ce contexte les mouvements sionistes se développent surtout en Europe
orientale et en Russie en particulier là où la situation des juifs est le plus dramatique en raison des
pogroms et d'un antisémitisme d'État.

Le sionisme va progressivement gagner l'Europe de l'Ouest dont l'affaire Dreyfus est l'une des
illustrations.

L'Etat des juifs de Théodor Herzl (1896) conduit au Congrès de Bâle en 1897 et à la création de
l'Organisation sioniste.

3 éléments inspirateurs du sionisme :


– Le nationalisme,
– Le libéralisme politique hérité des Lumières,
– Le socialisme et le marxisme : la lutte pour l'émancipation nationale passe par une lutte
contre l'aliénation économique et la réappropriation du travail de la terre d'où la fondation de
communautés agricoles en Palestine,
– La posture coloniale propre à la fin du XIXe siècle se retrouve dans la perception de
territoires d'Afrique et d'Asie comme des territoires à civiliser.

Cet état des choses se résume dans le slogan « La Palestine : une terre sans peuple pour un peuple
sans terre ».

Le sionisme n'est pas un mouvement religieux à proprement parler mais un mouvement national qui
repose sur la nationalisation et la politisation du judaïsme.
→ Le judaïsme ne forme plus seulement une religion mais surtout une nation entendue au sens de
ce que les sociologues de la nation appellent « une communauté imaginée ».
→ La Torah devient un livre d'histoire nationale. On peut parler de roman national.
→ La langue liturgique du judaïsme devient une langue moderne à la suite d'un processus de
réinvention par les linguistes.
→ L'homogénéité de la population juive en Palestine est progressivement construite par l'État à
travers des institutions qui imposent à la société la vision de son unité : l'école, l'armée mais aussi
les commémorations etc..

Pour les arabes palestiniens, ce mouvement national prend la forme d'un mouvement colonial c'est à
dire d'un mouvement qui porte en lui-même la promesse de leur propre dépossession.

Cette nature coloniale du sionisme se donne à voir dans 3 processus :


– dans les rapports entretenus aux populations autochtones avec l'idée qu'ils sont sous-
développés, incapables d'exploiter les richesses du territoire et de présider à leur propre
destinée.
– dans les rapports entretenus avec la puissance impériale (la Grande-Bretagne) le soutien
de la GB est un moyen d'accroitre son contrôle de la Palestine en vue de satisfaire ses
propres intérêts géo-stratégiques.
– dans les rapports à la terre et à son appropriation qui passe par trois processus : un
processus commercial par l'achat des terres à travers le Fond National Juif, des processus
militaires lors des conquêtes qui préside à l'établissement de l'État israélien, et un processus
juridique d'expropriation et d'expulsion.
Le processus au cœur du sionisme est le fait de construire une Nation passant par tout un ensemble
de dispositifs :
– un processus d'homogénéisation de la société passant par les institutions, une histoire
nationale, la construction d'un roman national, la reconstruction d'une nouvelle vision de
l'histoire des juifs dans le monde, et un processus visant à réduire les identités au sein du
collectif national.
→ Ce processus se fait contre une partie du collectif national.

Le mouvement israélien des « Black panthers » est investi par des fractions marginales de la
population juive.

Le mouvement sioniste est un mouvement spécifique il n'est pas réductible au colonialisme


français :
– remplacement et non pas exploitation de la main d'œuvre autochtones,
– le foyer national du peuple juif s'organise selon les normes de la démocratie libérale. Les
institutions en mai 1948 basculent sous une forme étatique qui prend d'entrée une forme
démocratique et libérale. Cela s'accentue avec l'accès à la citoyenneté des résidents arabes.

La situation change après 1967 : les Israéliens conquièrent la Cisjordanie et la bande de Gaza.
→ Avec la continuité de l'occupation, avec le développement des colonies juives on voit se
développer une gestion inégalitaire des populations vivant dans les territoires occupés.
On parle d'apartheid dans certains cercles scientifiques.

La deuxième dégradation est liée aux pratiques de guerre dans un contexte de conflit persistant.
→ on fait référence aux logiques de pacifications armées notamment fondées sur une absence de
distinction entre civils et combattants.

Cette situation induit une tension latente entre ces deux dimensions du sionisme :
– Un État juif qui offre la souveraineté et l'émancipation au peuple juif.
– Un État démocratique passant par une égalité des habitants contrôlés par l'État.

Cette tension donne à voir les polarisations politiques des habitants du Yishouv dans les années
1920 et 1930 mais dont on peut percevoir les prolongements aujourd'hui :
– Le sionisme majoritaire est central jusqu'aux années 1990-2000 : Le Mapaï est le Parti
des Travailleurs d'Eretz Israël. Il s'appuie sur deux dimensions : une politique socialiste et
l'acceptation de la Palestine mandataire et des tentatives d'accords avec les arabes (Fayçal et
l'émir de Transjordanie). En revanche le sionisme majoritaire a toujours refusé de
reconnaître le principe d'une nation Palestinienne. La reconnaissance d'un peuple palestinien
n'intervient qu'avec les accords d'Oslo (1993).
– Le sionisme révisionniste fondé par Zeev Jabotinski. Il est moins socialiste et plus
conservateur. Il refuse dès l'origine le principe de la Palestine mandataire au profit d'un
Grand Israël. Il est aussi opposé au compromis avec les arabes. Aujourd'hui, il trouve son
prolongement dans le Likoud qui représente la droite israélienne au pouvoir actuellement
(Ariel Sharon au début des années 2000, Benyamin Netanyahou l'actuel Premier ministre).
– Les partisans de l'État binational dans les années 1930 en particulier. Au sein du
sionnisme d'une part et au sein des partis communistes d'autre part. Ce sont les membres du
Hachomer Hatzaïr, et du Mapam.
– Les mouvements religieux antisionistes étaient majoritaire avant la création d'un État
d'Israël. Puis les mouvements religieux se sont accommodés du sionisme.
– Le développement du sionisme religieux à partir des années 1970 fait une lecture religieuse
du sionisme. Courant marquant chez les colons.
B- Dynamiques du sionisme en Palestine et création de l'État d'Israël :

Le mandat de la Société des Nations sur la Palestine prévoyait l'établissement d'un foyer national du
peuple juif en Palestine : le Yishouv.

Le mandat sur la Palestine prévoit la création d'une Agence juive qui est la base du développement
institutionnel en Palestine.

Le Yishouv s'organise sur le mode d'une démocratie parlementaire et libérale.

Les organisations sionistes se dotent d'une milice : la Haganah qui devient l'armée nationale en mai
1948.

David Ben Gourion membre du Mapaï prend la tête du Yishouv en 1935.

En mai 1948 la société juive n'a pas de difficulté à se transformer en État : dès les années 1930 il
existe en pointillé.

En revanche il n'existe pas d'organisation similaire du côté arabe : la SDN prévoyait une Agence
arabe mais elle a été refusé en ce qu'elle légitimait l'existence d'une Agence juive.

Des troubles civils surviennent dès les années 1920 :


→ Massacres contre les juifs à Jérusalem et Hébron en 1929.

Les juifs vivent ces tueries comme la continuité des pogroms et des discriminations qu'ils ont connu
en Europe et en Russie ce qui ne fait que renforcer leur volonté de construction d'un État juif.

La situation se radicalise en 1935 avec la création d'une structure arabe : le Haut comité arabe
présidé par Amine Al Husseini.

En 1936 débute une grande grève (désobéissance civile, refus de payer l'impôt). Elle cesse avec
l'intervention des royaumes armés de la Grande Bretagne.
→ L'émir de Transjordanie, le roi d'Irak et l'Arabie Saoudite invitent au retour au calme.

La GB décide de mener une enquête : le rapport Peel prévoie la division de la Palestine en 2 États
et d'associer à cette création un déplacement de la population afin d'obtenir une homogénéité
ethnique.

S'ensuit une reprise du mouvement de protestation. Cette fois-ci il s'agit d'une révolte armée des
palestiniens avec répressions par les britanniques et les sionistes.
Bilan de la révolte : 2 000 morts, destructions de maisons.

C'est une période marquée par une vague d'attentats menés par des milices sionistes dissidentes dont
l'Irgoun.

Cette situation affole les britanniques : la situation avec l'Allemagne nazie se tend. Les britanniques
sont soucieux de la stabilisation du Moyen-Orient : il ne faut pas que les arabes rejoignent la force
de l'Axe.

→ Les britanniques sont contraints d'écouter les palestiniens.


La publication d'un Livre Blanc en 1939 indique que les britanniques renoncent à la division de la
Palestine et plaident pour un État binational.
→ Le Livre Blanc est refusé par les sionistes qui commencent à envisager la lutte armée contre les
britanniques et par Al-Husseini et le Haut comité arabe qui se réfugie en Irak puis en Allemagne.

Les troubles reprennent rapidement après 1945.

Les britanniques sont confrontés au nationalisme arabe et donc à une menace pour la stabilité de
leurs intérêts.

Il s'agit aussi de permettre aux rescapés juifs des camps de venir en Palestine.

Les milices sionistes la Haganah mais surtout l'Irgoun engagent des opérations militaires contre les
britanniques.
→ Attentat contre l'hôtel King David en juillet 1946 fait 100 morts.

La GB transfert le problème à l'ONU qui met en place une commission d'enquête (UNSCOP)
boycottée par les arabes palestiniens.

UNSCOP rencontre les populations (sauf les arabes palestiniens) et les dirigeants de la communauté
juive, les partisans du Yishouv et les partisans d'un État binational.

Finalement l'UNSCOP propose un plan de partage de la Palestine en 2 États voté par l'Assemblée
générale de l'ONU le 29 novembre 1947.
C'est la résolution 181.

Cette décision est liée à la conjonction d'un certain nombre de facteurs :


– le drame des réfugiés (l'Exodus),
– la vision d'un sous-développement arabe,
– la pression des États-Unis lors du vote à l'Assemblée générale de l'ONU : les sionistes
bénéficient du soutien des américains et des soviétiques.

Le plan de partage se présente de la façon suivante :


– un État juif sur 55% de la Palestine appelé à être dirigé par les représentants du Yishouv
dont 40% est constitué du désert de Néguev. Cet État est dessiné de sorte à comprendre 500
000 juifs et 400 000 arabes ce qui assure aux juifs une supériorité démographique relative
(mais espoir de l'immigration des juifs d'Europe).
– Un État arabe sur le reste de la Cisjordanie qui comprendrait 800 000 arabes et 10 000
juifs.

Ce plan suscite tout de suite l'acceptation tactique des sionistes.


Pour eux c'est une grande victoire : c'est la première concrétisation internationale du projet
historique du sionisme même si c'est éloigné des perspectives idéales des sionistes.
Les arabes refusent le plan : pour eux c'est le début de la dépossession.

La guerre débute entre arabe et juif dès décembre 1947 comme un conflit civil.
Mais le conflit avait été préparé en amont par la signature d'un Pacte entre les sionistes et Abdallah
(émir de Transjordanie) dès novembre 1947 pour le partage de la Palestine.

Entre décembre et mars 1948, les israéliens conquièrent une partie des terres concédées
normalement à l'État de la Palestine et organisent une première vague d'expulsion des Palestiniens
résidant sur le territoire de l'État juif.
Avril 1948 : mise en place du plan Dalet visant à doter l'État juif d'une continuité démographique et
stratégique.
Ce plan contribue à accélérer les expulsions et les fuites des populations civiles face aux massacres
comme celui de Deir Yassine qui survient le 9 avril 1948 (250 villageois sont assassinés par
l'Irgoun).

Le 14 mai 1948 l'État israélien est proclamé par D. Ben Gourion. C'est une proclamation
unilatérale.

Le 15 mai 1948 les États arabes entrent en guerre contre Israël. Cette guerre dure 1 an et se solde
par la victoire de l'armée israélienne.

En juillet 1949 la signature de la dernière armistice (avec la Syrie) acte de la victoire d'Israël.

La vision d'Israël fragile face aux pays arabes est remise en question par les historiens :
– « le nettoyage ethnique de la Palestine » (terme de Ilan Pappé) a commencé bien avant 1948,
– Les forces en présence sont inégales : de 35 000 à 100 000 soldats bien armés du côté
israélien contre 25 000 soldats mal armés et mal coordonnés du côté arabe,
– Les israéliens bénéficient du soutien des soviétiques et des américains,
– Les forces palestiniennes sont quasi inexistantes : elles ont été laminés par la répression
britannique de 1938-1939.

La guerre se solde par :


– l'exil de 800 000 palestiniens,
– le début de la question des réfugiés palestiniens,
– l'augmentation des territoires de l'État israélien : 78% de la Palestine mandataire contre 55%
prévu par le plan initial,
– l'annexion de la Cisjordanie par la Transjordanie qui devient la Jordanie et de la bande de
Gaza par l'Égypte,
– lors de la conférence de Lausanne qui suit les armistices, les israéliens poussent leurs
avantages militaires en refusant les compromis qui auraient pu faciliter une solution
politique (comme le retour d'une partie des réfugiés),
– des conséquences très importants pour l'ensemble des États.

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