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L’EMPIRE ROMAIN

Présenté par
SOMMAIRE

INTRODUCTION

1. LE RÉGIME IMPÉRIAL, OU PRINCIPAT


1.1. Les pouvoirs impériaux
1.2. Des empereurs aux types variés
1.3. Les empereurs du Haut-Empire (27 avant J.-C.-192 après J.-C.)
1.4. Le culte impérial
1.5. Les cadres politiques
2. LA PAIX ROMAINE
2.1. Des frontières sécurisées
2.2. Diversité du monde romain
2.3. L'évolution religieuse
3. LE BAS-EMPIRE
3.1. La crise du IIIe siècle
3.2. La restauration du ive siècle

QUELQUES REPÈRES CHRONOLOGIQUES DE L'HISTOIRE DE LA ROME


ANTIQUE
INTRODUCTION

L'Empire romain (en latin : Imperium romanum) est le nom donné par les historiens à la


période de la Rome antique s'étendant entre 27 av. J.-C. et 476 apr. J.-C.. Pour la période
postérieure, de 476 à 1453 apr. J.-C., qui concerne surtout la partie orientale de l'Empire,
avec Constantinople pour capitale, les historiens modernes parlent aujourd'hui d'Empire byzantin.
Ce terme n'est toutefois apparu qu'au XVIe siècle, ses habitants de l'époque l'appelant
toujours « empire des Romains ». La distinction entre Empire romain et Empire byzantin, ainsi
que la date de naissance assignée à ce dernier sont d’ailleurs une question de convention entre
chercheurs modernes4. En Europe de l'Ouest et centrale, l'Empire d'Occident (800-924) des rois
carolingiens, puis le Saint-Empire romain germanique (962-1806), dont les souverains se
faisaient encore appeler « Empereur des Romains », se considéraient également comme les
successeurs légitimes de l'Empire romain en Occident.
L'année 27 av. J.-C. correspond à l'octroi par le Sénat à Octave du surnom
d'Augustus (« Auguste »), date traditionnellement considérée comme le début du principat.
Durant la période de cinq siècles allant de 27 av. J.-C. à 476 apr. J.-C., l'État romain s'est
agrandi au point d'englober un territoire allant de la Maurétanie tingitane (Maroc actuel) en
passant par la Mésopotamie, la Britannie (Angleterre et Pays de Galles actuels) jusqu'à l'Égypte,
créant ainsi l'une des plus grandes entités politiques de l'Histoire, qui influença profondément
le monde méditerranéen, sur le plan culturel, linguistique et finalement religieux, tout en assurant
la conservation de la civilisation grecque antique reçue en héritage.
La période impériale fut aussi un temps de développement des échanges économiques,
facilité par la construction d'un important réseau routier, d'aqueducs et ponts parfois encore
existant, et de nombreuses villes, devenues par la suite des métropoles d'Europe occidentale
(Paris, Londres, Lyon, Strasbourg, Barcelone, etc.).
L'Empire fut fondé par Auguste, qui mit fin à la Dernière Guerre civile de la République
romaine, au cours de la toute fin de la République romaine. Contrairement à la République, qui
était oligarchique, l'Empire fut une autocratie, tout en conservant durant le principat des
apparences républicaines : le pouvoir politique était principalement détenu par un seul homme,
l'empereur, qui s'appuyait sur une bureaucratie sans cesse plus développée, sur une administration
territoriale importante et sur une puissante armée. De sa fondation par Auguste jusqu'à la
déposition de son dernier empereur, Romulus Augustule, l'Empire eut une histoire intérieure et
extérieure complexe, caractérisée, au départ, par une certaine stabilité politique (période
du principat), puis, à partir du IIIe siècle, par une instabilité de plus en plus importante : crise du
troisième siècle et dominat. Les coups d'État et les guerres civiles se multiplient, et l'Empire avait
à affronter un nombre grandissant d'ennemis extérieurs.
En effet, à partir de la fin du IIe siècle, l'Empire est confronté à ce que l'historiographie
ultérieure a appelé les invasions barbares. Il s'agissait, en réalité, de mouvements de populations
de très grande ampleur, réalisés sur de longues durées. Les peuples dits « barbares », en se
déplaçant vers l'ouest, finirent par se heurter à la frontière romaine, militairement gardée, et,
poussés par d'autres peuples plus à l'est, tentèrent de la percer. Si l'Empire parvint, dans un
premier temps, à repousser les envahisseurs, la crise du troisième siècle vit les frontières céder
une première fois. En réaction aux périls extérieurs, le pouvoir romain, à partir de la tétrarchie,
chercha à se renforcer : les centres de décision politique et militaire furent multipliés,
l'administration développée et militarisée, et la taille de l'armée augmentée. Le IVe siècle fut
l'époque des guerres civiles entre les successeurs des tétrarques, et il fut dominé par la
personnalité de Constantin Ier, qui rénova profondément l'Empire romain, en lui donnant ses
caractéristiques définitives.
À cette époque, le pouvoir était devenu un régime absolu, avec une cour et un protocole
de type oriental. La fin de la proscription du christianisme par Constantin, puis son établissement
comme religion d'État par Théodose Ier est le fait le plus marquant de la civilisation romaine dans
cette période, l'Antiquité tardive. Appuyée sur l'appareil administratif romain, extrêmement
développé, l'Église acquit une place prépondérante dans tous les territoires romains avant d'être
chassée, par l'expansion de l'islam, d'une partie de ceux-ci.
Après la division de l'Empire en deux entités, l'Empire romain d'Orient (pars orientalis) et
l'Empire romain d'Occident (pars occidentalis), la partie occidentale est marquée, à partir
du Ve siècle, par un délitement continu de l'autorité politique au profit des royaumes
germaniques : la puissance militaire s'effondre, l'économie est exsangue et la domination
territoriale se réduit, jusqu'à ne plus dépasser l'Italie. L'Empire s'effondre d'une manière
progressive, et la déposition, par Odoacre, du dernier empereur Romulus Augustule, est
finalement un événement mineur, surtout symbolique.
Éteint en Occident en 476, l'Empire romain persista en Orient, autour de sa capitale,
Constantinople. À l'Est, il mêla, comme jadis à l'Ouest, des éléments de civilisation grecs et
latins, mais la part grecque est devenue prépondérante. Dans la seconde moitié du XIXe siècle,
l'appellation « byzantin » (qui date du XVIe siècle mais était peu utilisée) se généralise pour
l'Empire romain d'Orient, mais en fait, il n'existe pas de fondation ou de début de l'Empire
byzantin, qui n'est que la période médiévale et finale de l'Empire romain et prend fin en 1453.
I
LE RÉGIME IMPÉRIAL,
OU PRINCIPAT
L'Empire d'Auguste à Trajan
Auguste

Prétendu restaurateur de la République après sa victoire sur Marc Antoine et


Cléopâtre, Octave qui se fait décerner le titre d'Auguste par le sénat en 27 avant J.-C., est ce
qu'on appelle un empereur, du latin imperator, général victorieux, celui qui détient
l'imperium. Mais ce titre ne suffit pas à identifier le régime impérial, qu'il vaut mieux appeler
principat, dans la mesure où l'empereur se dit plutôt le premier (princeps) des citoyens que leur
souverain.

1.1. LES POUVOIRS IMPÉRIAUX


L'empereur se définit par une titulature qui donne l'énumération de ses fonctions et de ses
pouvoirs : imperator, avec pouvoirs proconsulaires sur les provinces, il détient aussi la
« puissance tribunitienne » dans Rome (il n'y a plus de tribuns de la plèbe) et le grand pontificat
(pouvoir religieux). Il s'octroie souvent le consulat. Il se dit Caesar et Augustus, et ces surnoms
deviennent eux-mêmes des titres. Mais cet ensemble est disparate et laisse les historiens
perplexes. On ne connaît pas très bien les formalités d'avènement : certains pouvoirs, d'origines
diverses, ne sont pas acquis d'emblée. Une lacune, en outre : le mode de désignation des
empereurs successifs. Le pouvoir résulte le plus souvent d'une acclamation par les soldats,
complétée d'une confirmation par le sénat, ce qui n'exclut pas une certaine hérédité, même quand
elle est créée par adoption.

1.2. DES EMPEREURS AUX TYPES VARIÉS

Caligula

Si le poids de l'hérédité se fait sentir chez certains des « douze Césars » (de César à
Domitien) évoqués par Suétone (→ Vie des douze Césars), les empereurs sont surtout classés par
l'historiographie antique en bons et en mauvais, en fonction de leur attitude repectivement
favorable ou défavorable envers le sénat. Il y a des cas pathologiques (→  Caligula, Commode)
et des parvenus grisés par le pouvoir (→  Vitellius). Il est aussi des personnages sans caractère
(Julianus, de mars à juin 193), portés à un pouvoir éphémère par la garde prétorienne, qui attend
d'eux une récompense. Les empereurs sont de plus en plus d'origine militaire et provinciale.
Parviennent ainsi des séries d'empereurs espagnols (→Trajan, Hadrien), syriens (les
Sévères) ou illyriens (de Claude II à Dioclétien). Cela peut donner de curieux résultats :
sous Élagabal (218-222), prêtre sémite d'un dieu-soleil oriental, un danseur est fait préfet du
prétoire, un cocher préfet des vigiles, un coiffeur préfet de l'annone, et l'empire échappe tout
juste à l'obligation d'adorer le dieu nouveau venu. Ainsi les empereurs se suivent et ne se
ressemblent pas.

1.3. LES EMPEREURS DU HAUT-EMPIRE (27 AVANT J.-C.-192 APRÈS J.-


C.)

 LES JULIO-CLAUDIENS (27 AVANT J.-C.-68 APRÈS J.-C.)

Claude Ier

D’abord appelé Octave, Auguste (27 avant J.-C.-14 après J.-C.) reçoit son titre après
sa victoire à Actium contre Antoine (31 apr. J.-C.). Son principat apparaît comme l’une des
périodes les plus brillantes de l’histoire romaine. Tibère (14-37), adopté par Auguste, lui succède
en tant qu’empereur et met en place une rigoureuse administration financière. En 27, malade, il se
retire à Capri et laisse le pouvoir à Séjan, préfet du prétoire. Il fait exécuter ce dernier pour avoir
convoité le trône (31). S’ensuit ce qui fut présenté par les partisans du sénat comme une époque
de terreur. Charismatique au début de son règne, Caligula (37-41) change brusquement de
caractère, gouverne en tyran et de se faire assassiner.

Néron

Claude (41-54) développe une forte administration centrale et tente de conquérir


la Bretagne. Il meurt empoisonné par sa femme, Agrippine. Quant à Néron (54-68) débute son
règne de manière prometteuse, mais fait bien vite assassiner le fils de Claude, Britannicus (55) et
sa mère, Agrippine (59). A la suite de la conjuration de Pison (65) visant à le tuer, l’empereur fait
de nombreuses condamnations à mort (dont Sénèque). Cette terreur le fait déclarer ennemi public
par le sénat : acculé par les armées de Galba et de Vindex, Néron se suicide.

 LES FLAVIENS (69-96)


Après la crise de l'année des quatre empereurs (68-69), Vespasien (69-79) mit fin à la
guerre civile et fonde la dynastie des Flaviens. Issu de la bourgeoisie italienne, il remet de l’ordre
dans l’administration et les finances de l’empire. Titus (79-81), fils de Vespasien, est connu pour
son règne marqué de grandes constructions (Colisée, arc de Titus) par le désastre qui suivit
l’éruption du mont Vésuve (79).Domitien (81-96) élabore le système défensif de l'Empire et
annonce déjà le « dominat », nom que l'on donne aujourd'hui à l'absolutisme sacré, qui fait des
progrès à mesure qu'avance l'Empire.

 LES ANTONINS (96-192)

Arc de Trajan, Bénévent

Après Nerva (96-98), Trajan (98-117) est un conquérant, un administrateur et un


bâtisseur : il soumet la Dacie, sur la rive gauche du Danube, annexe l'Arabie Pétrée et crée les
provinces d'Arménie et de Mésopotamie. Fin diplomate, il sait obtenir l'adhésion du sénat,
désormais totalement rallié à la monarchie impériale ; il dote également Rome du plus important
de ses forums.
Hadrien

Hadrien (117-138) entreprend d’unifier la législation et de défendre l’empire contre


les Barbares au moyen de fortifications continues. Le ralliement des élites grecques à
l'administration de l'Empire devient manifeste sous son principat.

Antonin le Pieux

Hadrien adopte comme successeur un sénateur respecté, Antonin (138-161), qui mène la


même politique et jouit d'une grande popularité en raison de sa bonne gestion des finances
publiques et de son accord profond avec le sénat.
Marc Aurèle

Commode
Marc Aurèle (161-180) succède à son père adoptif, Antonin. Il entreprend une politique
de centralisation administrative et de guerres contre les Barbares. Il est un fervent stoïcien. Son
fils, Commode (180-192), abandonne la politique militaire de l’Empire pour une politique de
terreur. Il mourut assassiné.

1.4. LE CULTE IMPÉRIAL


Malgré leurs défauts d'humanité, les empereurs sont déifiés de leur vivant ou, plus
sûrement encore, après leur mort, à moins que leur mémoire ne soit condamnée, leur nom martelé
sur les monuments et leurs statues décapitées. Le culte impérial provient de traditions orientales
et hellénistiques. Le culte de Rome et d'Auguste se célèbre dans le cadre des provinces, où il se
présente comme une manifestation de loyalisme, et les assemblées des notables de province sont
à la fois religieuses et politiques. À la fin du IIe s., les dédicaces relatives au culte impérial
n'émanent plus de particuliers, mais seulement de magistrats ou de collectivités, ce qui dénote
une relative désaffection. En revanche, le cérémonial de la Cour se précise et s'imprègne de
religiosité : tout ce qui touche à l'empereur devient sacré ; lui-même est adoré par des sujets
prosternés. Mais ce sont là des manifestations d'orientalisation d'époque tardive ( IIIe siècle
surtout) qui expriment le passage du principat au dominat.

1.5. LES CADRES POLITIQUES


Les cadres politiques de l'Empire ne sont plus ceux de la République. L'empereur observe
souvent de la déférence ou une apparence de déférence, à l'égard du sénat, laisse le sénat désigner
les magistrats qu'il a proposés, mais désigne des consuls en surnombre pour distinguer des
fidèles. Parmi les sénateurs, constitués en ordre héréditaire, l'empereur choisit des curateurs, à
qui sont confiées de hautes fonctions. Dans l'ordre équestre, où l'on entre sur acceptation
impériale, se recrutent des procurateurs, autres hauts fonctionnaires qui dirigent nombre de
services tant urbains que provinciaux, car une hiérarchie paperassière se développe. Le préfet du
prétoire, chef de la garde prétorienne, est un personnage de premier plan, chargé, entres autres
tâches, du ravitaillement de l'armée. L'administration des domaines impériaux, devenus
immenses grâce aux confiscations répétées, est aux mains de toute une hiérarchie. Elle comprend
les mines, qui étaient souvent propriétés privées sous la République.
II
LA PAIX ROMAINE
2.1. DES FRONTIÈRES SÉCURISÉES

Les voies romaines

L'armée est une armée de métier, recrutée un peu partout dans l'Empire. Mais les soldats
vont souvent opérer loin de leur pays d'origine. Les opérations de conquête se poursuivent
(Bretagne, Dacie). Au IIe siècle, la politique défensive, déjà sagement amorcée sur certaines
frontières, tend à se généraliser. L'Empire s'entoure de retranchements au nom significatif
de limes, frontière. Le limes n'est pas une ligne de défense impénétrable, et des échanges
économiques ont lieu avec les pays barbares, surtout après la conquête de la Dacie sous Trajan,
qui étend les possibilités du commerce.
Le danger du voisinage se fait pourtant sentir : les Barbares du Nord et de l'Est, qui
suivent les voies commerciales, sont souvent en mouvement. Sous Néron, Sarmates et Roxolans
bougent déjà aux abords du Danube. Sous Marc Aurèle, leur menace devient sérieuse. Mais la
population de l'Empire n'est pas encore concernée. Elle jouit de cette paix tant vantée, des
communications intérieures sûres, voies rapides ou mer sans pirates.

2.2. DIVERSITÉ DU MONDE ROMAIN

Caracalla

Les provinces, gouvernées les unes par les délégués de l'empereur, les autres par ceux du
sénat, bénéficient de régimes divers. Les cités ont des statuts non moins variés. Chaque cité
possède sa physionomie propre. Le monde romain est le cadre d'un vaste brassage de population.
Les Italiens sont partis pour l'Orient et l'Occident. Les esclaves orientaux se sont enracinés à
Rome. Affranchis, ils sont montés dans la hiérarchie sociale. L'attribution du droit de cité à tout
l'Empire, en 212, par l'édit de Caracalla, sanctionne le résultat de ce chassé-croisé. Mais tous se
sentent, en définitive, animés d'un patriotisme romain destiné à survivre longtemps.
 L'ORIENT
L'Égypte, considérée comme patrimoine impérial, et dont le pittoresque suscite une vague
d'égyptomanie esthétique et religieuse, est un grenier à blé qui jouxte ce foyer intellectuel,
cosmopolite et turbulent que demeure Alexandrie. La Grèce propre est un désert, mais Athènes
est un musée et une université. L'Asie Mineure prospère sous l'autorité d'une très riche
bourgeoisie hellénisée. La Syrie bénéficie des échanges caravaniers actifs avec un Orient lointain.
Tous ces pays de l'Orient romain ont adopté les institutions de Rome sans perdre l'usage
de la langue grecque et de maintes traditions hellénistiques. La vie intellectuelle y est active.
Seuls songent à se révolter les Juifs, qui se heurtent longtemps à l'incompréhension des
empereurs.
Aux Ier, et encore plus aux IIe et IIIe siècles, la place de l'Orient dans l'Empire est devenue
singulièrement importante. C'est de l'Orient lointain que des caravanes apportent des produits
exotiques. C'est sur les rives de l'Euphrate que les légionnaires vont monter la garde face
aux Parthes, puis aux Sassanides. C'est de Syrie que viennent les marchands, dont les colonies
sont établies dans chaque port de l'Empire. C'est d'Orient enfin que viennent les nouveautés en
matière religieuse.

 L'OCCIDENT
L'Occident s'est très vite romanisé, à l'exception des campagnes, où certains continuent à
parler punique ou gaulois. L'Espagne est fortement colonisée. Elle donne à Rome plusieurs
empereurs et des écrivains (Quintilien, Sénèque, Lucain, Martial). La Narbonnaise n'a rien à
envier à l'Italie sous le rapport de la romanisation. La Gaule chevelue, à première vue plus
sauvage, a été fortement pénétrée et mise en valeur. Elle voisine avec une Germanie romaine très
active, du fait de la présence des légions, et dont les villes, issues des camps, ont une
physionomie originale. La Sicile et l'Algérie sont des terres à blé, grandes pourvoyeuses de la
capitale impériale. En Afrique romaine, de vastes domaines existaient là où il n'y a plus
aujourd'hui qu'un désert. Partout, les élites participent pleinement à la civilisation et aux
institutions de Rome. Dans des cités bien bâties, honorées de subventions impériales, les notables
se disputent les fonctions publiques et dépensent avec vanité pour l'embellissement de leur patrie.
 L'ITALIE ET ROME
Au regard de ces provinces actives, l'Italie apparaît, dans sa plus grande partie, déserte ;
elle est découpée en grands domaines d'élevage extensif, que possèdent les sénateurs, obligés de
placer une partie de leur fortune en terres italiennes.
Rome est en quelque sorte le revers des provinces. Par la fiscalité, l'annone, elle se
nourrit, en parasite, du produit du reste de l'Empire. Le Ier siècle est celui de la « décadence » des
moralistes classiques. La convergence des richesses prises au monde, d'une monarchie de
parvenus et d'une populace désœuvrée fait de Rome le foyer d'un luxe délirant, d'une débauche
légendaire et d'un parasitisme sordide. Les enrichis, fiers de leur réussite, mènent la vie
caricaturée par Pétrone dans le Satiricon. Les pauvres ramassent les miettes, vont regarder
mourir les condamnés, les gladiateurs et les fauves à l'amphithéâtre, consacrent une partie de leur
temps à la relaxation que procurent les séjours dans les thermes publics ou privés. Ce tableau
prête le flanc aux descriptions mal intentionnées des historiens des empereurs (Suétone) et a
provoqué depuis lors maints commentaires sur le caractère primitif de ces comportements
plaqués de luxe plus que de civilisation.

2.3. L'ÉVOLUTION RELIGIEUSE

 PAGANISME ANCESTRAL ET CULTES ORIENTAUX


La religion traditionnelle n'est pas morte, mais elle est trop étroitement liée à l'État ; le
culte est trop officiel, et le rituel trop archaïque et incompréhensible, même pour les Romains de
l'Empire. Les classes cultivées ne lui accordent plus de crédit, tandis que les classes populaires se
sont tournées vers d'autres dieux, dont le culte présente des aspects mystiques. C'est en particulier
le cas des religions importées d'Orient, véhiculées par les marchands et les esclaves, adoptées par
les marins, les soldats, favorisées par certains empereurs. Le culte d'Isis et de Sérapis se propage
en colportant tout un folklore exotique venu d'Égypte. Le culte d'Attis est introduit officiellement
sous Claude, pour se joindre à celui de Cybèle. Mithra, originaire d'Iran, tient une place
étonnante dans les pays où sont casernés les soldats.
 ÉVOLUTION VERS LE SYNCRÉTISME
En outre, la variété des attitudes humaines se traduit par l'athéisme de quelques esprits
forts, par les tendances panthéistes ou monothéistes de certains, par les superstitions indéfectibles
de la masse. Les empereurs ont sévi occasionnellement contre les propagateurs des superstitions,
expulsant les astrologues et les charlatans, comme le furent aussi les « philosophes », assimilés
aux autres perturbateurs ou rivaux de la religion traditionnelle. La spéculation sur la nature des
dieux passionne les platoniciens et les gnostiques du IIe siècle. Les tendances syncrétiques qui
paraissent épurer le panthéon gréco-romain et oriental s'accentuent au IIIe siècle, et les préférences
personnelles des empereurs font presque apparaître un dieu officiel suprême, qui pourrait être
Jupiter ou le Soleil, ou la synthèse des deux : en pays grec, Zeus-Hélios-Sérapis est qualifié
de dieu unique.

 ORIGINALITÉ DU JUDAÏSME
Le judaïsme se situe en marge, bien que ses exégètes aient été contaminés par l'hellénisme
et la philosophie platonicienne. Son caractère national a été estompé par le prosélytisme des Juifs
auprès des païens, prosélytisme favorisé par leur dispersion même, leur diaspora, qui les a
répandus dans les villes. Après la révolte de Judée (66-70), réprimée par Vespasien et Titus, et
les révoltes juives de 115 et de 135, la dispersion s'accentue. L'attitude du pouvoir romain à
l'égard des Juifs est complexe : respect de principe pour une religion nationale, sanctions à la
suite des révoltes nationalistes. Les Juifs ont pu cependant édifier librement leurs synagogues, et
leur omniprésence a ouvert la voie à l'expansion du christianisme.

 LES DÉBUTS MODESTES DU CHRISTIANISME (IER-IIE SIÈCLE)


Le christianisme apparaît d'abord en pointillé. On a énormément écrit sur ses
manifestations à Rome et en Italie au Ier siècle. Mais existe une grande différence entre la vision
chrétienne de la question et l'optique des textes païens, qui se limitent à d'expéditives allusions à
une nouvelle secte. C'est en Asie Mineure que les chrétiens se multiplient en premier lieu. À
Rome, la persécution néronienne attire l'attention sur eux. Pline le Jeune, gouverneur de Bithynie
au temps de Trajan, se demande quelle attitude adopter à leur égard. Leur cas est embarrassant :
ils refusent de considérer l'empereur comme un dieu, ce qui est très grave, mais on les tient, au
demeurant, pour d'honnêtes gens. Dans la foule, les chrétiens ont des ennemis, qui les accusent
d'adorer un dieu à tête d'âne, de se livrer à des orgies secrètes et autres calomnies, car ils sentent
confusément la menace qu'ils font peser sur le paganisme ancestral. Juridiquement, leur position
est mauvaise : le seul fait d'être chrétien est, en soi, une faute.

 L'ESSOR DU CHRISTIANISME (IIE-IIIE SIÈCLE)


L'attitude des empereurs est variable, tantôt tolérante, en dépit de la législation (ce qui
explique que des lieux de réunion publiquement connus soient nombreux), tantôt persécutrice,
comme la population elle-même, occasionnellement coupable de massacres (Lyon, 177).
Au IIIe siècle, le christianisme est florissant. Il est présent dans toutes les régions peuplées
et civilisées de l'Empire. On bâtit des églises en nombre croissant. La théologie et l'apologétique
bénéficient de la plume agile de Tertullien et de Clément d'Alexandrie. Et tout cela à la veille
de persécutions nouvelles (Decius, 249 ; Dioclétien, 303), qui obligent les chrétiens à utiliser plus
que jamais le refuge des catacombes. Le siècle est d'ailleurs celui de la crise, des troubles, de la
terreur, et les chrétiens ne sont pas les seuls à en souffrir.
III
LE BAS-EMPIRE
3.1. LA CRISE DU IIIE SIÈCLE

 UNE CRISE QUI VIENT DE LOIN

Le Bas-Empire

Le tableau séduisant de la paix romaine, d'un Empire prospère où un commerce actif


ferait bénéficier les habitants des denrées de toutes les contrées se ternit très rapidement.
Au Ier siècle, l'Italie est malade de ses terres vides, de ses propriétaires endettés, de son
prolétariat urbain. Pline l'Ancien annonce que le mal gagne les provinces. Elles aussi pâtissent
des dévaluations, dont Néron est l'initiateur et qui ne font que commencer. Au IIe siècle,
l'industrie provinciale l'emporte : les vases de terre sigillée de Gaule s'expédient dans tout le
monde antique. Mais la production, dans son ensemble, stagne. Les dépenses de l'État
augmentent : l'administration, la défense des frontières, où les barbares se font plus nombreux et
offensifs, rendent la fiscalité plus oppressive. L'économie est en crise. Le manque d'hommes se
fait sentir là où ils seraient nécessaires.
 LES MANIFESTATIONS DE LA CRISE
Au IIIe siècle, la crise éclate : c'est l'anarchie, la révolte, la fuite généralisée. Cela résulte
d'un concours de faits que les historiens modernes, donnant d'ailleurs de plus en plus
d'importance à l'économie, ont du mal à hiérarchiser : le déséquilibre de l'Empire entre ses
provinces besogneuses et sa capitale parasite ; l'écart excessif entre la richesse de quelques-uns et
le dénuement de la masse ; la fainéantise de beaucoup, qui vivent de quasi-mendicité ; la pénurie
de soldats et de laboureurs ; le vide des campagnes et le rétrécissement des villes dépeuplées, qui
s'enserrent dans d'étroits remparts ; la dépopulation, qui explique en partie la situation ; les
invasions barbares, qui deviennent de plus en plus fréquentes et dévastatrices et prennent parfois
la forme de raids à longue distance, Rome devant combattre à la fois Perses et Germains et se
résigner à abandonner certains territoires, surtout les derniers acquis (Bretagne, Dacie,
Mésopotamie) ; la crise d'autorité, enfin, qui se manifeste à partir de 193.

 LES ALÉAS DU RÉGIME IMPÉRIAL


Le IIIe siècle est le siècle des armées, des coups d'État militaires, des empereurs issus des
camps pour un règne éphémère et qui se combattent les uns les autres.

Septime Sévère

L'époque des Sévères (193-235) accélère l'évolution du principat vers le dominat. Ces
empereurs d'origine libyenne et syrienne établissent un régime autoritaire, dans lequel une théorie
classique a vu la revanche des masses paysannes opprimées sur la bourgeoisie urbaine et les
grands propriétaires. Le pouvoir impérial affiche un caractère de plus en plus militaire.

Aurélien

Après 235, l'anarchie politique s'installe. La multiplication des empereurs rivaux fait
donner à une série d'entre eux le nom de « trente tyrans ». En Gaule, un empire indépendant,
fondé par Postumus en 258, se maintient même pendant quelques années et s'étend sur l'Espagne
et la Bretagne. C'est Aurélien qui y met fin en 274.
Quand l'anarchie s'atténue, comme c'est le cas sous les Sévères et sous les premiers
empereurs illyriens, après 268, toutes les décisions impériales semblent dictées par les nécessités
de l'état de siège que subit le monde romain. Les problèmes d'argent entraînent un dirigisme
accru. L'État s'arroge des monopoles, les métiers sont constitués en corporations, tandis que les
bureaux se militarisent. Le sénat, quant à lui, est devenu le simple conseil municipal d'une
capitale désertée par les empereurs.
 LES MUTATIONS DE LA SOCIÉTÉ
Dans son ensemble, l'Empire résiste bien, mais les provinces ont été localement ruinées
par les fréquents passages des armées romaines comme barbares.
L'armée se sédentarise sous la forme de soldats-paysans, prêts à la moindre alerte. Elle
joue aussi un rôle accru de police contre le brigandage, participe à la construction des remparts
des villes et finit par se charger de la collecte des impôts et d'une partie de la justice. La
population subit ce régime. Les riches sont victimes de confiscations et de réquisitions. S'ils sont
des notables dans leur cité (décurions), ils sont responsables de l'impôt et paient pour les autres.
Leur condition, de plus en plus ingrate est rendue héréditaire. Le commerce est bloqué :
au mont Testaccio, où s'entassent les restes d'amphores du port de Rome, aucune ne porte de date
postérieure à 255. En 252 enfin, la peste s'est mise de la partie. Après avoir payé tribut aux
Barbares, Rome se résigne à les accueillir : à partir de 276, l'empereur Probus établit des colons
goths et vandales en Pannonie. Ce n'est qu'un début.

3.2. LA RESTAURATION DU IVE SIÈCLE

 LA TÉTRARCHIE

Dioclétien
En 286, deux empereurs, Dioclétien en Orient et Maximien en Occident, gouvernent le
monde romain. En 287, ils prennent respectivement les titres de Jovius et d'Herculius. En 293,
pour faire face à l'extension géographique et économique de l'Empire, un système original de
partage quadripartite du pouvoir se met en place, la tétrarchie. Maximien prend pour césar
l'ancien préfet du prétoire Constance Chlore, chargé de la Bretagne et de la Gaule. Peu après,
Dioclétien fait de même avec Galère, qui devient responsable de la péninsule balkanique. La
défense de l'Empire s'appuie donc sur les quatre résidences impériales de Trèves (Constance),
Milan (Maximien), Sirmium (Galère) et Nicomédie (Dioclétien), tandis que Rome reste la
capitale officielle, toujours désertée par les princes.

 UN RÉGIME DE PLUS EN PLUS AUTORITAIRE


La paix règne sur toutes les frontières à partir de 298. Le nombre des légions passe de 39
à 60, mais leurs effectifs sont variables. L'administration impériale est renforcée et les impôts
(capitation et impôt foncier) sont augmentés. La bonne monnaie fait sa réapparition, mais elle est
faite de billon, et non plus d'argent comme ce fut le cas sous le Haut-Empire. Une flambée des
prix, combattue par un édit du maximum du prix des marchandises et des services applicable
dans tout l'Empire (301), accompagne cette politique monétaire. Dioclétien s'attaque aussi aux
croyances jugées dangereuses, d'abord au manichéisme, ensuite au christianisme (303-304), par
quatre édits successifs qui font des milliers de victimes, surtout en Orient, en Italie et en Afrique.

Constantin Ier le Grand


En 305, Dioclétien et Maximien abdiquent, leurs Césars Constance Chlore et Galère les
remplacent. Mais le système est déréglé dès 306 par la mort de Constance Chlore et la
proclamation par ses troupes de son fils Constantin (306-337), qui prend le contrôle des Gaules,
des Germanies, de l'Hispanie et de l'île de Bretagne.

 LA RÉORGANISATION CONSTANTINIENNE

Table de Peutinger, IIIe s. et IVe s.

Avec le règne de Constantin Ier, l'Empire subit une véritable mutation. Il s'empare de


l'Italie en 313 et de tout l'Orient en 324. Les institutions autoritaires qui sont nées de la nécessité
sont toujours en place. Mais la situation militaire et politique s'est clarifiée. Enfin, peu après les
dernières persécutions, l'Empire devient chrétien, officieusement par la conversion de l'empereur,
à une date indéterminée, officiellement par la proscription des sacrifices aux dieux païens,
amorcée en 341, mais rendue définitive en 394 seulement.
Survient alors une embellie dans l'histoire du Bas-Empire. Les lettres reprennent quelque
vigueur, les arts également, bien que marqués désormais au coin de la barbarie. L'Empire se
partage en deux parties, avec la naissance d'une nouvelle capitale, Constantinople, nouveau nom
de Byzance à partir de 330. La réaction païenne de l'empereur Julien (361-363) semble vouloir
amorcer un retour aux mœurs anciennes, vite enrayé.

 PERSISTANCE DES ANCIENS MAUX ET DÉCLIN DE L'EMPIRE


D'OCCIDENT
Mais les maux du IIIe siècle subsistent au IVe, et les Anciens, qui eux-mêmes en ont eu
conscience et ne savaient trop qui accuser, ont eu des réactions de défense, souvent malheureuses,
limitées, égoïstes : le corporatisme, le patronat, l'anachorèse (fuite dans le désert), la fortification
des villes, les pactes avec les Barbares.

Théodose Ier le Grand

Après le règne de Théodose Ier le Grand (379-395), dernier à réunifier brièvement


l'ensemble du monde romain en 394, rien n'empêche plus la rupture définitive entre deux
empires, celui d'Orient et celui d'Occident, puis, en 476, la disparition politique du plus exposé
d'entre eux aux barbares, l'Empire d'Occident.
Ce fait brutal n'empêche pas la persistance des traces matérielles ou culturelles de la
romanité qu'on retrouve à travers l'Europe. Cette notion même de Romania, de « romanité », est
l'expression posthume du patriotisme romain et de la nostalgie, chez les ex-Romains des
royaumes barbares, de la splendeur et de l'ordre passés.
QUELQUES REPÈRES
CHRONOLOGIQUES DE
L'HISTOIRE DE LA ROME
ANTIQUE

(DE 27 AV. J.-C. À 476 APR. J.-C.)


27 avant J.-C. Auguste accède au pouvoir Julio-Claudiens
14 Mort d'Auguste Julio-Claudiens
14-37 Tibère Julio-Claudiens
37-41 Caligula Julio-Claudiens
41-54 Claude Julio-Claudiens
54-68 Néron Julio-Claudiens
68-69 Galba  
69 Othon  
69 Vitellius  
69-79 Vespasien Flaviens
79-81 Titus Flaviens
81-96 Domitien Flaviens
96-98 Nerva Antonins
98-117 Trajan Antonins
117-138 Hadrien Antonins
138-161 Antonin le Pieux Antonins
161-180 Marc Aurèle Antonins
180-192 Commode Antonins
193-211 Septime Sévère Sévères
211-217 Caracalla Sévères
217-218 Usurpation de Macrin Sévères
218-222 Élagabal Sévères
222-235 Sévère Alexandre Sévères
235 Reprise de l'anarchie  
235-260 Grandes invasions de Barbares dans  
l'Empire
254-268 Les « trente tyrans »  
268-270 Claude le Gothique, premier empereur  
illyrien
270-275 Aurélien  
276-282 Probus  
284-305 Dioclétien  
306-337 Constantin Ier  
360-363 Julien l'Apostat  
364-375 Valentinien Ier en Occident  
364-378 Valens en Orient  
379-395 Théodose Ier le Grand  
395 Partage définitif de l'Empire  
476 Prise de Rome par Odoacre et fin de
l'Empire en Occident

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