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Cyril Magnon-Pujo
Partiel : 1h30, deux questions à traiter aux choix sur trois questions. Identifier
l’enjeu derrière la question et proposer des pistes de réponses articulées, construites,
de façon argumentée
Introduction
Une autre interrogation porte sur les effets réels du « régime de non-prolifération
nucléaire » mis en place en 1986 via le Traité de Non-Prolifération Nucléaire (TNP),
ratifié par la France en 1992. Ce traité ne dispose pas le désarmement des puissances
nucléaires mais la limitation du développement de nouvelles puissances, de nouvelles
armes : on voit qu’il est donc déséquilibré. Depuis qu’il est signé, l’Inde, le Pakistan,
Israël et la Corée du Nord se sont dotés. Cela amène à s’interroger sur ce qu’on
appelle un « régime » en Relations internationales (RI).
L’autorité dont disposent les États pour contraindre d’autres États à faire ce qu’ils ne
veulent pas faire est également une question pour les RI.
Autre cas, la guerre qui se déroule en Syrie montre qu’au-delà des évolutions
militaires sur le terrain, des avancées et reculades largement commentées
médiatiquement, nous devons nous interroger sur le lent pourrissement du conflit
syrien, dont le règlement semble si difficile. Il faut prendre en compte, pour répondre
à ces questions, le temps moyen et le temps long. Pour cela, il faut remonter au début
du XXème siècle pour comprendre la construction du « Grand Moyen-Orient », à
l’intervention et à l’échec de la guerre en Irak menée en 2003, qui a recomposé les
forces régionales et a déséquilibré la situation diplomatique, aux mouvements de
contestation contre les régimes autoritaires (Printemps arabes), qui ont inspiré
certaines fractions du peuple syrien mais a aussi crispé l’État syrien.
On doit analyser le rôle des puissances extérieures qui se sont ingérées dans ce conflit
(France, Turquie, Arabie Saoudite, États-Unis, Russie…), rôle qui pose la question de
l’interventionnisme dans le système international.
Le rôle des agents et des structures est aussi questionné : le décisionnaire est-il
prépondérant, ou doit-on affirmer le primat des structures ? Question typiquement
sociologique, elle conserve une grande pertinence pour les RI.
Les équilibres de puissances sont un autre sujet d’étude : à la bipolarité de la GF a
succédé l’unipolarité des EU (« gendarme du monde »), puis une nouvelle période,
plus difficile à caractériser : sommes-nous dans une période d’ « apolarité » qui
expliquerait un retour de certains affrontements, ou dans une période de
« multipolarité » où les puissances ne s’équilibrent pas, d’où des tensions. Certains
rejettent même toute notion de polarité, au profit de l’idée d’une multitude de lieux de
pouvoirs, locaux, transnationaux, notamment avec les grands organisations de la
« gouvernance mondiale », les firmes transnationales, etc. Une polarité impliquerait
des pôles en mesure d’organiser le reste du monde, mais il est possible qu’une telle
chose n’existe plus.
Aujourd’hui, on constate une multiplicité des lieux de pouvoir. Il faut, dès lors,
s’interroger sur l’existence d’un pouvoir structurant dans l’espace international. La
scène internationale est de plus en plus brouillée par la diminution de la souveraineté
des États et le brouillage des frontières.
Enfin, la question de l’anarchie, structurante dans les RI, ne signifie pas le désordre
ou le chaos, mais bien l’inexistence d’ordre supérieur aux États. La scène
international repose globalement sur la souveraineté des États. Dès lors, peut-il
exister un ordre dans un tel contexte ? L’ONU ne peut pas être considérée comme
support d’un ordre supranational, de dépassement des souverainetés nationales, mais
bien plutôt comme une organe fondé sur le multilatéralisme. L’ONU respecte la
souveraineté des États. L’Union européenne, quant à elle, semble reposer sur un
régime intermédiaire, inter-gouvernemental mais aussi supranational.
Bien sûr, les relations entre différents régimes sont bien plus anciens. Il existait par
exemple des accords formels entre groupes politiques depuis au moins l’antiquité
égyptienne, à l’époque sumérienne. On en trouve aussi dans la Grèce antique, entre
les cités-états.
Au MA, les cités-états italiennes posent les bases de la diplomatie, en créant les
ambassades et les lettres de créance.
Pour autant, on ne peut pas encore parler de relations internationales, parce que ces
relations ne sont pas durables. Les rapports sont fondés sur des accords au cas-par-
cas. Qui plus est, ces relations sont des exceptions bien plus que des règles. Les
grands empires ne se préoccupent que peu de la question de l’extérieur. Le principe
d’un Empire est plutôt de chercher à s’étendre et à centraliser le pouvoir.
Les Traités de Westphalie mettent fin à la Guerre de Trente Ans, qui se termine en
1648. Avant eux, des conflits religieux font rage en Europe, opposant notamment le
SERG (empire, donc) à la France de Louis XIII. La France défend alors l’idée
nouvelle d’un État souverain, donc indépendant, notamment vis à vis de l’Église.
Indépendance à l’origine du conflit.
La France et ses alliés l’emportent. Parmi les termes des traités, il y a la
reconnaissance du fait que l’Église n’a pas le droit de s’immiscer dans les affaires des
États. Il s’agit d’un moment clé, puisqu’on reconnaît aux États le droit d’être maîtres
de leurs territoires, de s’administrer de manière autonome mais aussi, en ce qui nous
concerne, de mener eux-mêmes leurs relations diplomatiques.
Ainsi, les États sont reconnus comme des autorités politiques légitimes. Cela
provoque un effet boule-de-neige : l’État va progressivement s’imposer comme LA
forme politique légitime au détriment des Empires. Aujourd’hui encore, même
l’ONU est un rassemblement d’États. Lorsque l’on débat du « droit d’ingérence », par
exemple, on continue de raisonner dans le cadre de la notion de souveraineté.
La particularité de la souveraineté est que la conduite des États ne peut être limitée.
On consacre un système où rien ne se met en travers de la route des États, ce qui les
contraint à nouer des relations entre eux. On parle « d’ordre » ou de « système
westphalien ».
On voit que le développement d’un ordre international est intimement liée à la figure
de l’État. Au XVIIIème siècle, on parle d’un « système interétatique », basé sur des
relations théoriquement d’égal-à-égal entre les États. C’est à cette période que les
principes fondateurs des relations internationales émergent, comme « l’intérêt
national », la « raison d’État » ou « l’équilibre des puissances ».
- Le Congrès de Vienne (Octobre 1814 – Juin 1815), qui se tient à la fin des Guerres
Napoléoniennes, et qui illustre l’ordre des nations ou le « concert des nations ». Les
quatre pays vainqueurs, l’Autriche, la Prusse, le RU et la Russie, décident de régler
entre États le sort de l’Europe. Au fur et à mesure des discussions, la France,
accompagnée de l’Espagne, du Portugal et de la Suède, parvient à s’imposer. L’idée
de « concert des nations » évoque l’harmonie, l’équilibre. Les États se mettent alors
d’accord pour dire qu’une hégémonie, en Europe, n’est pas souhaitable. Ils cherchent
alors un équilibre qui permettrait le développement d’un espace pacifique.
Cela a moyennement fonctionné du point de vue des événements du XXème siècle.
Cependant, ce congrès a contribué à mettre en place des relations relativement
structurées.
C’est donc bien entre le XVIIème et le XXème siècle que se met en place cet ordre
westphalien, l’ordre des États-Nations souverains. On parle de système international.
Le premier à s’être penché sur cette question est Hans Morgenthan (première moitié
du XXème, allemand immigré aux EU), théoricien majeur des RI, auteur de Politics
among nations. Morgenthan, comme théoricien dit « réaliste », parle de « scène
internationale ». Pour lui, c’est le meilleur moyen de caractériser l’idée de rivalités
permanentes entre les États. Les luttes sont au cœur des relations entre les États. Il
n’est donc pas question d’ordre, de système ou d’équilibre. Il insiste sur le caractère
anarchique (= pas de principe organisateur) de cet espace ; comme sur la scène d’un
théâtre, les équilibres, les acteurs changent en permanence.
Mais avec la Guerre Froide se diffuse l’idée non plus d’une « scène » mais d’un
« système international ». En effet, la GF met en place un ordre structuré et
structurant, bipolaire, où chaque action répond à une autre et où on peut observer une
forme d’équilibre. Un certain ordre se dégage, d’où la notion de « système », soit
d’un lieu immatériel où se concentrent les relations entre les acteurs des RI, qui sont
interdépendants. Pour Dario Battistella, un système correspond à « un ensemble
d’entités entretenant des interactions suffisamment régulières pour que le
comportement tout un chacun soit un facteur nécessaire dans le calcul présidant au
concours de tous les autres. » Cela signifie qu’on peut parler de « système » lorsque
les échanges sont suffisamment réguliers et amènent chaque État à réfléchir l’un par
rapport à l’autre. Il y a ici une notion d’interdépendance. Nos actions ont des
conséquences sur les autres, et les actions des autres ont des conséquences sur nous.
Chaque coup ne peut être isolé, il aura des répercussions sur les autres, qui vont elles-
mêmes produire des répercussions, etc. : tout le système bouge ensemble.
Mais il faut interroger cette notion de système. Elle s’oppose à une notion
communément admise, à savoir l’idée d’anarchie. Cette idée est reconnue par
presque tous les théoriciens, puisque la souveraineté des États, encore existante,
implique l’absence d’autorité supérieure au-dessus des États. Il n’y a pas d’ordre
supérieur, ce qui n’équivaut pas au chaos, mais à l’anarchie.
Toutefois, l’analyse en terme de « système » porte sur le système dans son ensemble.
L’absence d’autorité régulatrice centrale et stable n’empêche pas des rapports
réguliers affectant toutes les entités.
Dès lors, quels effets le fonctionnement en système a-t-il sur les États ? Autrement
dit, quels sont les effets de la structure sur les agents ? Kenneth Waltz, dans les
années 70 tenant du « néo-réalisme » et du « systémisme », affirme que l’espace
international n’est pas défini par l’action de chacun des États pris à part, mais
l’espace qui explique ce que vous pouvez faire, et ce que vous faites. Dans cette
perspective, on sort de l’analyse de la politique étrangère, puisque c’est l’ensemble
qui détermine les actions individuelles.
L’idée de système s’est développée, s’est consolidée depuis lors, mais reste débattue,
notamment du fait de nouveaux acteurs qui ne sont plus des États et qui sont plus ou
moins intégrés au système inter-étatique.
>>> Il existe donc des visions opposées en RI. On a tout de même intérêt à penser en
terme de système, pour articuler l’analyse d’un espace et l’analyse d’acteurs sans
pour autant supposer qu’il existe un « ordre ».
L’équilibre entre les États a varié dans le temps. On peut notamment revenir sur trois
grands équilibres historiques.
- L’entre-deux-guerres
- Le premier est l’entre-deux-guerres. Pour de nombreux analystes des RI, les formes
actuelles du système international trouvent leurs racines dans l’après-GM1. On
constate après la GM1 les limites des grandes puissances européennes (France,
Allemagne, RU) qui structuraient l’espace international. Elles n’ont plus les moyens
de leurs ambitions, contestées qu’elles commencent à être dans leurs empires.
On voit aussi émerger de nouvelles puissances, essentiellement les États-Unis et
l’Union Soviétique. Mais les EU refusent d’assumer ce statut de grande puissance en
1919. Ils en restent à la doctrine Monroe et à l’isolationnisme. L’URSS, elle, est
isolée par les grandes puissances européennes. Ces dernières tentent d’organiser le
monde selon leurs propres canon avec la création de la Société des Nations (SDN)
Mais cela ne fonctionne pas, puisqu’un second conflit mondial éclate.
- Mais en 1945, l’URSS est devenue incontournable, tandis que les EU assument leur
rôle dans la gestion des affaires du monde, notamment avec le Plan Marshall.
Parallèlement, les empires coloniaux des puissances européennes éclatent. Un
système international totalement inédit émerge alors. Il se caractérise par une
fermeture politique : les États s’organisent en une poignée de blocs (L’Est et l’Ouest,
essentiellement) qui gouvernent en partie leur manière d’agir. L’espace international
connaît aussi une gestion partagée et mondialisée, par opposition avec l’espace
monoculturel d’auparavant. Cet espace se met réellement à « faire système » : il est
très difficile de s’en exclure.
Malgré la logique de blocs, les États sont toujours les unités de base de la scène
internationale : chaque bloc tourne autour d’une grande puissance à laquelle
s’articule d’autres États. D’autres États, comme le « Groupe des non-alignés », formé
notamment avec la Conférence de Bandung en 1955 et une déclaration de 1956, où
les principaux pays non-alignés, regroupés notamment autour de Nasser (Egypte) et
Nehru (Inde), formalisant l’idée de non-alignement sur les deux blocs. Cependant, ils
ne sont pas suffisamment puissants et cohérents pour contester la bipolarité.
Des contestations internes aux blocs (France du Général pour l’Ouest, Chine pour
l’Est, notamment) se dessinent toutefois.
Même s’il est nouveau, cet ordre bipolaire conserve les caractéristiques de l’ordre
westphalien. Il y a un respect théorique de la souveraineté, de la territorialité, et on
recherche la sécurité. Les États peuvent être dominés par l’URSS et les EU, mais ils
ne disparaissent pas dans des Empires.
Dans l’ordre bipolaire, tous les États doivent se positionner par rapport à ces deux
blocs : il n’y a, en quelque sorte, pas d’espace vide. Tous les rapports, au sein du
système international, sont interprétés dans le cadre de cette bipolarité. C’est valable
dans le cas des conflits de la période, qui sont presque toujours interprétés sous le
prisme de la GF. Par exemple, le conflit lié à la décolonisation de l’Angola est
marqué par un regroupement d’indépendantistes, classique, sans rapport très évident
avec la GF. Mais ce conflit est rattrapé par la GF : les forces anti-coloniales sont
soutenus par Cuba et l’URSS, alors que le pouvoir en place est soutenu par le bloc
occidental. Même type de schéma pour Cuba.
Une autre logique est la dissuasion, qui revoit complètement le rapport des États à la
guerre. Cette logique est évidemment liée au développement de l’arme nucléaire,
détenue par les EU puis rapidement par l’URSS. Dès lors, la possibilité d’un conflit
« chaud », direct, entre EU et URSS, est réduite. En effet, on est en mesure d’anéantir
l’adversaire via l’arme atomique. On ne cherche donc plus à rentrer en conflit avec
l’adversaire : on cherche plutôt à dissuader l’adversaire d’attaquer. On parle souvent
« d’équilibre de la terreur », puisque la menace d’un conflit est jugée aussi importante
que le conflit lui-même. Jusqu’ici, la guerre était pensée comme une activité
régulatrice, dont ressort un équilibre. Mais désormais, on ne régule plus par la
guerre : on régule par la possibilité de la guerre. En même temps qu’on cherche à
éviter la guerre, on laisse toujours planer la possibilité d’une guerre.
Dans le cadre de la GF, tout le système international repose sur ce qu’on appelle
« l’équilibre des puissances », comme ce qu’on a pu voir au XIXème avec le Concert
des nations. Mais ici, on n’a plus que deux blocs qui cherchent à s’équilibrer. Les
conflits qui ont eu lieu ont eu lieu en marge des blocs, pour éviter que l’un ne prenne
le dessus sur l’autre. On parle souvent de la « théorie des dominos », principe
explicatif de la politique étrangère des EU pendant la GF : le but est d’éviter qu’un
pays basculant dans le communisme entraîne ses voisins avec lui, contaminant toute
la région. Dès lors, l’équilibre entre les deux blocs serait modifié en faveur de
l’adversaire. C’est aussi pour ça que les EU rentrent en guerre au Vietnam.
Cela montre que malgré la logique de pôles, l’État reste l’unité fondamentale dans la
GF. Pierre Grosser parle de « fétichisation du territoire » et « l’universalisation du
principe de territoire ». C’est pour ça que Grosser a parlé de la GF comme un mode
de coopération « à la fois tacite et imposé » entre deux États en compétition : ils
cherchent à équilibrer leurs forces sans anéantir l’autre.
L’effondrement de l’un de ces deux pôles a mis fin à l’équilibre bipolaire. Cet
effondrement est lié en partie à un processus interne de contestation du régime
soviétique et de ses États satellites, à l’évolution structurelle de l’économie. Il ne
découle pas d’un affrontement direct. Cet équilibre, certes précaire mais bien réel,
s’effondre. Une période d’incertitude s’ouvre, aussi liée à l’érosion des principes qui
structurent les relations internationales (changements économiques, dans le pouvoir
des États, etc.)
Dès lors, sommes nous arrivés dans un « système apolaire » ? Trois éléments
caractérisent la situation actuelle :
- Suite à l’unipolarité s’est développée une tendance réaffirmée au multilatéralisme.
Pendant la GF, l’ONU était paralysée par la logique de blocs. Mais depuis la fin de la
GF, on réaffirme le besoin d’un multilatéralisme à travers les organisations
internationales
- Une tendance à la régionalisation des rapports entre les États : les regroupements
régionaux se multiplient et se renforcent sur tous les continents. (UE en Europe, le
Mercosur et l’ALENA en Amérique, l’ASEAN en Asie, etc.) Se développe donc une
nouvelle forme de structuration du système international.
- Le développement d’une transnationalisation des rapports. Dans l’espace
international, des acteurs non-étatiques prennent de l’influence, agissant sans passer
par l’État.
- Malgré tout, le système international demeure anarchique : il n’existe toujours pas
d’autorité supérieure aux États.
> Au total, l’espace international, loin d’avoir toujours existé, s’est construit à partir
du XVIIème siècle, siècle depuis lequel les États restent la pierre angulaire des
rapports internationaux. Ces rapports doivent être analysés avec prudence dans la
mesure où les acteurs sont interdépendants. Cet exposé des faits permet d’aborder les
question des théorie des RI.
« Nous étions -où nous croyions être-, dans le monde de Locke, avec des ouvertures
sur le monde de Kant. Nous nous retrouvons sur le monde de Hobbes, avec des
ouvertures sur le monde Nietzsche et de Marx. »
- L’évolution du champ
D’une manière très différente, les transnationalistes suivent l’idée que l’État n’est
qu’un acteur parmi d’autres. On refuse également le stato-centrisme, puisqu’il
s’agirait de regarder également les ONG, les multinationales, etc. D’où l’idée de
parler de « relations transnationales », plutôt que de ri.
Dans les années 80, l’économie politique internationale, qui se développe avec
l’accélération de la mondialisation, étudie les interactions entre l’économique et le
politique. Elle montre qu’il existe une emprise croissante de l’économique sur la
sphère politique. Il s’agirait de revoir la vision d’un système international structuré
autour d’Etats qui chercheraient avant tout leur sécurité. En réalité, les États, mais
aussi les grandes entreprises, cherchent à satisfaire leurs intérêts économiques. Ainsi,
Susan Strange, a beaucoup écrit sur le dépassement État et sur le capitalisme conçu
comme une économie de casino.
Enfin, dans les années 90, une posture beaucoup plus critique, s’inscrivant dans le
mouvement constructiviste, s’attaque aux postulats positivistes (= il existe une réalité
sociale objective que l’on peut étudier de manière objective) des RI. Cette critique
dite « post-positiviste », tendrait à montrer que l’on crée la réalité lorsqu’on l’étudie.
Il faut prendre en considération cet effet du chercheur sur la réalité.
>>> Ainsi, si dans un premier temps, la discipline s’est réunie autour de quelques
présupposés très clairs, ces présupposés ont été critiqués au point que l’on a parlé de
« récits » plutôt que de science pour qualifier les premières théories. La vision très
critique des RI, si elle a prise en Europe, a connu peu de succès aux EU. Les concepts
que l’on a esquissé plus haut doivent être comprises dans le contexte de leur
apparition.
- La question de l’autonomie
Une science, pour pouvoir se développer librement, doit se détacher d’autres sciences
et du pouvoir. L’autonomie des RI n’est pas achevée.
D’une part, les RI sont limitées par la pluralité des méthodes et de la définition des
objets. D’autre part, à l’extérieur, des concurrences existent : d’autres disciplines,
comme le droit et l’histoire, cherchent à affirmer leur autorité à traiter des questions
internationales, tandis que les RI sont intégrée à la SP. D’où les difficultés des RI à
exister de façon autonome en France.
De plus, de très nombreuses recherches sont menées dans des centres rattachés aux
États, et notamment aux ministères des affaires étrangères. Il s’agit d’une limitation,
puisque la finalité des travaux doit servir les buts de l’État. De même, la Rand
Corporation américaine étudie le domaine militaire… mais est financée par le
militaire (On cite aussi la fondation Rockefeller, la fondation Ford...) Le MGIMO
russe est financé par le ministère des affaires étrangères russe, etc. Ainsi,
matériellement, les RI ne sont pas autonomes, ce qui constitue un enjeu propre de la
discipline.
Il faut garder à l’esprit que la scientificité des RI est questionné du fait de la posture
de départ des premiers chercheurs, post-GM1, les idéalistes. Leur but était avant tout
de produire des analyses favorisant la paix, de créer des règles en mesure de répondre
au besoin de paix : le terme de « besoin » devrait faire tiquer un esprit scientifique.
Cette vision est vite critiquée, puisque les tensions remontent dans les années 30. On
va dénoncer leur posture, plus morale que scientifique, qui les aurait empêchés de
voir la montée des tensions. On essaye d’abandonner le wishful thinking (= croire en
fonction de ses désirs/aspirations et non en fonction de ce qui est réellement) Pour
autant, cette vision instrumentale reste attachée aux RI. Très souvent, elles vont servir
le pouvoir politique, dans la mesure où les RI cherchent à identifier les facteurs de la
puissance, et on voit bien en quoi cela peut être utile à un État. Aujourd’hui encore,
de nombreux chercheurs sont toujours des « conseillers du Prince ». John Ruggie,
théoricien des ri, devient représentant spécial des Nations-Unies pour les droits de
l’homme.
Ce n’est en fait que très récemment, dans les années 80, que des approches critiques
en RI se développent.
Évoquons maintenant les quatre grands débats qui structurent les RI, quel que soit le
domaine et l’approche.
- Le deuxième débat date des années 50 et renvoie à la démarche d’analyse qui serait
la plus pertinente. Il oppose les traditionalistes et les behavioristes. Dans les années
50, le behaviorisme ambitionne d’améliorer la scientificité des sciences sociales. Les
behavioristes cherchent à développer des analyses systémiques, où on importe les
méthodes des sciences naturelles et on va envisager les faits sociaux comme des faits
objectifs que l’on peut étudier de manière objective. On utilise la théorie des jeux de
Thomas Schelling, et on étudie les guerres de manière quantitative, en cherchant à la
catégoriser, à les dénombrer, etc. Cette approche s’est imposée aux EU où elle reste
prédominante.
- Le troisième débat se développe dans les années 70, et porte sur les variables
indépendantes dans les RI. Certains chercheurs tentent de questionner ce qui était
conçu comme acquis, comme le caractère stato-centré de l’analyse, l’indépendance
des États, et la distinction entre High politics (politique noble) et Low politics
(politique sans importance) On critique ainsi les théories réalistes dominantes, et les
RI s’étoffent de nouvelles théories contradictoires avec le réalisme.
- Le quatrième débat porte sur des questions d’épistémologie. Dans les années 90,
une nouvelle génération de chercheurs questionne la pertinence du développement
d’un récit scientifique sur les ri. On s’interroge sur le positivisme et le post-
positivisme : on remet en cause le fait qu’il existerait des faits objectifs. Pour eux, le
chercheur produit toujours la réalité qu’il étudie.
« De nos jours, on entend par RI l’ensemble des relations qui se déroulent au-delà de
l’ensemble contrôlé par les États pris individuellement, quel que soit l’acteur,
étatique ou non, concerné par ces relations, et quelles que soient la nature (politique
ou autre) de ces relations. »
Dario Battistella
Cette citation d’Einstein permet de prendre toute la mesure de ce qu’est une théorie,
c’est à dire qu’elle n’a pas seulement pour effet d’ordonner le réel, mais fournit
également un cadre d’interprétation qui influence notre manière de percevoir et
d’analyser la réalité. Sans s’en rendre compte, nous sommes soumis à ces théories qui
ont sur nous des effets de contrainte, d’où l’intérêt de les connaître pour pouvoir
prendre une distance. Suivant les paradigmes suivis, on perçoit et on comprend
différemment l’espace international, ce qui a des effets sur les pratiques.
Il est difficile de rassembler ces paradigmes pour en faire des « écoles », mais ils sont
définis par relative homogénéité. Ils se sont définis les uns par rapport aux autres, le
premier par opposition au second, et le troisième face aux deux autres.
A. Du réalisme au néoréalisme
- L’anarchie : il n’y a pas d’autorité supérieure aux États, donc personne n’est à
même d’imposer des lois, des règles, des comportements aux États. Pour les réalistes,
en l’absence d’autorité régulatrice, le système international peut être comparé à un
état de nature, à un état où la guerre serait permanente puisque rien ne l’empêche. A
ce titre, les États sont amenés à lutter continuellement seuls pour leur survie. Dès lors,
la violence et la guerre sont un mode normal de régulation des rapports entre les
États, « normal » au sens statistique du terme et non au sens moral. Pour autant, les
États n’utilisent pas toujours la violence : les réalistes disent que face à l’incertitude,
on envisage toujours le recours à la violence. Autrement dit, les États ne peuvent
compter que sur eux-mêmes pour assurer leur propre sécurité. C’est ce qu’on appelle
la logique du self-help.
- La rationalité des États : les États agissent comme des acteurs rationnels. Leur but
est de maximiser leur puissance pour garantir leur survie, leur sécurité. Ils agiraient
selon un calcul coûts/avantages. La quête de puissance serait donc un élément
déterminant des RI. Pour autant, il y a débats sur les facteurs de la puissance.
- Il existe toutefois la possibilité d’un ordre : pour les réalistes, malgré l’anarchie, il
peut exister un ordre, mais qui est toujours précaire. Il n’est pas basé sur la paix mais
sur l’absence de guerre.
- Les États vont chercher toujours plus de puissance. Leur but est de se mettre à
l’abri face à l’instabilité du monde. Les États ne devraient donc s’intéresser qu’à la
high politics (sécurité, diplomatie, stratégie). Pour autant, cette recherche de
puissance a des effets contradictoires, puisqu’elle fait rentrer les États dans un cercle
vicieux qu’on a appelé le « dilemme de sécurité » (cf. John Herz, 1951) : cette
politique de puissance est menée par l’armement. Ce faisant, ils stimulent l’insécurité
de leurs voisins, qui vont s’armer à leur tour pour garantir leur sécurité, ce qui fait
baisser le taux de sécurité du premier, qui se réarme, etc. C’est donc une course aux
armements. Au fond, cette course à l’armement crée de l’insécurité.
- Les États vont faire preuve de prudence diplomatique. En effet, la guerre n’est
pas forcément le moyen le plus rationnel pour accroître sa puissance et sa sécurité. A
titre d’exemple, de nombreux théoriciens réalistes ont démontré très tôt qu’il était
incohérent pour les EU de mener une guerre en Irak en 2003, puisque cela
n’améliorerait pas la sécurité et la puissance des EU. Pour eux, il faut se garder de
faire des ri un champ de bataille moral. Conserver son intérêt national, ce n’est pas
non plus forcément chercher à imposer cet intérêt à échelle mondiale.
Les réalistes se sont en fait intéressés à trois niveaux d’analyse différents, qui montre
la diversité interne au paradigme réaliste :
- Pour certains réalistes, il faut s’intéresser à la nature humaine, aux individus (cf.
Mearsheimer). Pour eux, le comportement individuel expliquerait l’action des États,
en ce que les États suivraient des lois objectives qui sont celles de la nature humaine
(volonté de puissance, instinct de préservation…). Cette approche est souvent
critiquée pour ses généralisations psychologiques hatives.
- Pour d’autres, il faut s’intéresser à l’État, qui constitue l’élément explicatif central,
puisque c’est lui qui rendrait les ri particulières. (cf. Raymond Aron) Pour eux, ce que
font les États dépend de ce qui se passe au sein de ces États. Aron définit ainsi deux
systèmes internationaux :
Un système homogène, composé d’États ayant des visions identiques, partageant
certaines valeurs (démocratie…) et ouvrant donc la possibilité d’un dialogue.
Un système hétérogène, aux États ayant des valeurs différentes.
- Enfin, un autre niveau d’analyse repose sur l’analyse du système international lui-
même. C’est ce qu’on a appelé le néoréalisme structurel de Kenneth Waltz, qui a
refondé le paradigme réaliste. Waltz, répondant aux critiques adressées au réalisme,
affirme que l’action des États s’explique par leur position dans le système
international. L’organisation anarchique du système international déterminerait
l’action des États, en fonction des autres États, et non les intérêts des États pris
séparément. La structure interne des sociétés, comme la question de savoir si ce sont
ou non des démocraties, n’importe pas. Il s’agit surtout de connaître la répartition du
pouvoir dans le système international (bipolaire ? Multipolaire ? … )
Chez les précurseurs, comme Machiavel, on retrouve la question des rapports entre
États et des politiques qu’il faut que les États tiennent vis à vis de l’extérieur. Pour
lui, il faut partir du constat que la nature humaine est mauvaise, sauvage, agressive.
Le Prince doit donc se soucier avant tout de sa survie. Dès lors, la politique étrangère
doit être une politique offensive : elle doit assurer l’extension continue de la
puissance du souverain. En deux mots, la meilleure défense, c’est l’attaque.
Dès lors « la grande stratégie d’un Etat » (Morgenthau) doit reposer sur
l’augmentation constante mais prudente de sa puissance. Or, les instruments de cette
puissance ne sont pas que militaires. La politique étrangère doit donc chercher
l’extension du pouvoir dans différents domaines (économique, démographique…)
Kenneth Waltz a une vision très différente. Pour lui, il faut s’intéresser au système
international et à ses configurations. Autrement dit, la politique étrangère n’est pas
forcément sa préoccupation première. De plus, son but est exclusivement
scientifique : il ne cherche pas à prodiguer des conseils politiques à destination des
souverains.
Si on suit son analyse, cela permet de comprendre que la politique étrangère, chez
Kenneth Waltz, est contrainte par l’équilibre de l’espace international. Elle ne découle
donc pas des chefs d’État. Le système est plus important que les parties du système.
Dans le cas d’un système unipolaire, le système dicte aux États des politiques
étrangères visant à contrer cette prépondérance. C’est la raison pour laquelle un
système unipolaire serait fondamentalement instable.
A l’inverse, dans un système bipolaire, vu comme stable parce qu’il confronte deux
grandes puissances qui ne se défient pas directement, les États vont être poussés à
déterminer une politique étrangère conservatrice, une politique de stabilité.
Dès lors, il n’y a pas d’intérêt national en soi : il dépend directement du système
international.
La politique étrangère est souvent réduite, chez les réalistes, à une politique de
puissance aux mains des États. Les hypothèses réalistes (cf plus haut) structurent
encore beaucoup d’analyses en RI, parfois même sans que les théoriciens ne le
reconnaissent : c’est une analyse que l’on tend souvent à adopter spontanément.
Toutefois, cette théorie a été beaucoup critiquée au cours du XXème siècle : elle
serait simpliste, instigatrice de la « realpolitik » (= politique de puissance simple et
pragmatique), mais aussi parce qu’elle serait tout aussi idéologique que celle des
idéalistes, sans toutefois l’assumer.
On l’a aussi critiquée parce que le monde moderne serait caractérisé par la
mondialisation, le poids croissant de l’économie, autant de dimensions qui
n’intéressent pas les réalistes. Mais avec la guerre d’Irak (qui n’est pas validée par la
communauté internationale mais est quand même déclenchée par les EU), le 11
septembre, etc. on voit bien que les thèmes de la sécurité et de la guerre restent très
prégnants dans l’espace international, qu’on peut toujours comprendre comme un
espace anarchique.
Comme dans le cas du réalisme, la théorie libérale ne doit pas être vue comme un
paradigme codifié particulièrement cohérent.
Cette théorie est ancrée dans la philosophie libérale, et non au « dogme économique
contemporain ». Le libéralisme est ancré dans l’idéalisme et dans la philosophie
libérale des Lumières. Elle renvoie notamment à l’idée kantienne de « paix
démocratique ». Dans son essai de 1775, « Vers une paix perpétuelle entre les
nations », Kant cherche à identifier les conditions d’une paix durable (et pas
l’absence de guerre des réalistes). Il énonce les conditions souhaitables pour
permettre l’avènement de la paix. Pour lui, la paix pourrait exister si :
Ce sont donc des éléments moraux qui sont vus comme des facteurs de paix. La
morale fixerait la peur de la déviance, ce qui pousse à suivre les critères moraux et à
rapprocher les individus.Cette paix est cependant pensée uniquement entre des États
républicains, qui ont donc des valeurs proches. Elle n’est donc possible que dans un
cadre restreint.
On retrouve plus tard cette théorie chez Michael Doyle. Il en fait une « théorie de la
paix démocratique », ou « pax democratica ». Elle serait la seule véritable loi dans la
théorie des relations internationales : les démocraties ne se feraient pas la guerre entre
elles. Dès lors, le développement de la démocratie à échelle du monde favoriserait la
paix. Cela part d’un constat statistiquement vrai : les démocraties ne mènent pas la
guerre à d’autres démocraties, à de très rares exceptions. A l’intérieur de ces régimes,
les citoyens partageraient les mêmes valeurs, et auraient donc tendance à respecter le
choix démocratique des autres États. Les citoyens d’une démocratie ne s’estimeraient
donc pas légitimes à aller combattre un régime démocratiquement choisi.
Pour autant, si les démocraties ne se font pas les guerres entre elles, cela ne veut pas
dire que les démocraties ne font pas la guerre ! Elles font la guerre à d’autres régimes,
les régimes autoritaires. Souvent, ces démocraties font la guerre à un autre régime
dans le but de transformer ces régimes en démocraties. C’est ce qu’on appelle le
« regime change ». C’est souvent comme ça qu’on a analysé la politique étrangère
démocrate aux EU.
C’est sur cette base que Fukuyama développa sa théorie de la fin de l’histoire.
On retrouve aussi, dans la théorie libérale, les analyses de Locke et Rousseau. Quatre
grands principes en sont notamment tirés :
- La centralité du droit, et plus largement les règles et les institutions qui sont vues
comme des moyens de réguler les rapports entre les États.
- Les États ne sont pas prisonniers de rapports conflictuels entre eux mais sont
interdépendants. Cette interdépendance expliquerait l’intérêt des États à coopérer.
Pour les libéraux et néolibéraux, la poursuite de l’intérêt des États ne passe pas par la
recherche isolée de sa sécurité mais par un intérêt à coopérer, non pas au nom de
grands principes idéaux, mais parce que cela servira votre intérêt propre.
- Il faut articuler les espaces interne et externe. Ce qui se passe dans l’un influe sur
l’autre, et inversement. Par exemple, la politique étrangère américaine est
transformée par la réorganisation de la politique interne des EU.
Chez les libéraux, l’espace international est repensé autour de deux dimensions :
- L’unité de référence n’est plus l’État mais bien l’individu. Chez les premiers
penseurs libéraux, on a eu tendance à penser l’État comme une courroie de
transmission synthétisant les différents intérêts privés et les porter dans l’espace
international. Dès lors, on a réduit l’État à un rôle de mandataire entre différents
intérêts privés. Cela renvoie aux théories politiques dites « pluralistes » : l’État n’est
pas un acteur avec une identité propre mais comme le représentant des divers intérêts
privés. Il est la caisse de résonance des différents intérêts privés, idée qu’on retrouve
dans les conceptions anglo-saxonnes de l’État. Par conséquent, chez les premiers
libéraux, il n’y aurait pas « d’intérêt national » transcendant. L’intérêt qu’il défend va
donc varier en fonction des intérêts qui dominent à l’intérieur des pays. L’individu
n’agit pas directement sur la scène internationale mais à travers les États.
Par ailleurs, les libéraux pensent l’espace international différemment. Ils vont parler,
à ce titre, d’espace mondial. Pour eux, l’ordre international est bel est bien
anarchique. Mais cette anarchie n’est pas inéluctable, ce n’est pas un invariant. Elle
est le fruit des actions des individus. L’anarchie tend à créer des interdépendances :
dans la mesure où il n’y a pas d’autorité supérieure, les États et les individus sont en
interaction permanente. Ils sont dépendants des actions des autres, et sont donc dans
l’incertitude. Mais pour les libéraux, chacun peut tirer profit de cette situation, sans
forcément qu’il y ait lutte, notamment parce que les autorités sont multiples dans cet
espace. En conséquence, la politique n’est plus internationale mais mondiale : elle se
passe entre des individus qui sont interdépendants. L’espace mondial n’est donc pas
un espace unique mais un ensemble d’échiquiers superposés et non-hiérarchiques. Il
n’y a pas un seul espace avec un seul enjeu poursuivi par un seul type d’acteurs. Il y a
un échiquier politique, un échiquier militaire, économique, avec différents acteurs
dans chacun d’eux. Ils remettent donc en cause la centralité de la puissance militaire :
les différents acteurs sont intéressés par d’autres questions. La puissance a de
multiples composantes : militaire, économique, sociale, culturelle, etc. Il y a donc des
puissances diplomatiques, des puissances économiques, des puissances culturelles,
etc. On distingue alors le hard power et le soft power.
L’école libérale s’est imposée avant la GM2 mais est tombée, ensuite, en
désuétude. Ce n’est que dans les années 60 et surtout 70 que ces idées vont
réapparaître. On parlera de « néolibéralisme ». On constate en effet que le réalisme ne
permet pas d’expliquer toutes les situations ni de les améliorer (cf. Guerre du
Vietnam)
La perspective transnationaliste est enfin développée dans les années 70, et c’est elle
qui symbolise le mieux le renouveau des théories libérales en RI. Les
transnationalistes partent de l’hypothèse d’un monde sans souveraineté, d’un espace
mondial où la souveraineté de l’État, et l’État lui-même, seraient dépassés. D’autres
institutions organisent l’espace international, ainsi que d’autres organisations. Pour
ces théoriciens, les organisations internationales ne seraient pas nécessairement le
reflet de l’intérêt des États, mais sont des acteurs à part entière, avec une forme
d’indépendance/d’autonomie, qui sont à même de produire des règles s’imposant aux
États. Ces organisations permettraient de réduire l’incertitude, puisque ce sont des
espaces de dialogue qui permettraient de rendre les actions plus prévisibles. Cette
idée est développée notamment par Robert Heohane et Joseph Nye, dans Power and
interdependence, paru en 1977. Ils visent à répondre au néoréalisme de Kenneth
Waltz, qui expliquait la politique internationale par le système. Pour Heohane et Nye,
c’est le principe de l’interdépendance complexe qui l’explique. Il existerait trois types
d’acteurs :
- Gouvernementaux
- Sous-étatiques
- Non-étatiques
Cela amène trois formes d’acteurs et de relations entre acteurs. Il y a les acteurs
gouvernementaux, intergouvernementaux et trasnsnationaux.
Aujourd’hui, tous ces acteurs seraient en situation d’interdépendance complexe,
situation dans laquelle la puissance militaire n’a qu’un intérêt limité. Dans cette
dépendance, certains gagnent plus que d’autres : La France a besoin de l’uranium
nigérian, le Niger a besoin de la rentre pétrolière, mais la France est dominante. Les
États ne sont donc pas sur un pied d‘égalité. L’interdépendance peut donc engendrer
de la coopération mais aussi des conflits. Toutefois, les États ont intérêt à coopérer.
Mais on se trouve dans la situation du dilemme du prisonnier : en situation
d’interdépendance, tous les acteurs ne vont pas chercher la coopération. Mais si les
États se donnent la peine de coopérer, ils y trouveront le plus d’intérêt. La
coopération réduit l’incertitude, ce qui permet de réduire les coûts de l’échange, etc.
Les avantages sont multiples.
A partir de là, de très nombreux théoriciens néolibéraux vont étudier les formes de
cette coopération. Krasner va par exemple étudier le « régime de coopération » que
constitue le traité de non-prolifération nucléaire. Des « communautés épistémiques »,
comme le GIHEC (groupe intergouvernemental sur le climat) émergent pour parvenir
à des règles communes comme l’accord de Paris ou le protocole de Kyoto.
On aurait plus généralement une « déterritorialisation » : le territoire est moins
important que les idées et les coopérations.
Dans les années 80, on voit se développer des « théories radicales », c’est à dire des
théories critiques qui vont rompre nettement avec les précédentes théories. C’est sur
cette base que dans le courant des années 90 va être développé le paradigme
constructiviste, qui va reprendre en partie ces critiques, en adoptant toutefois une
posture plus modérée. Pour autant, il est important de revenir sur ces approches
radicales pour comprendre les bases du constructivisme actuel, qui s’est imposé au
détriment de ses origines radicales.
Au moment où les théories radicales se développent, dans les années 80, on les
retrouve partout dans les sciences sociales, notamment chez Michel Foucault.
Robert Cox est un exemple de ces théoriciens radicaux. Les théories n’existent pas en
elles-mêmes, il n’existe que des « problem-solving theory » : elles ne sont pas là pour
analyser objectivement le monde mais pour résoudre des problèmes politiques.
Ann Tickner, quant à elle, est à l’origine des théories féministes en RI. Elle montre
que toutes les théories des RI reflètent dans leurs objets, dans leurs formulations, dans
leur contenu, la vision et la domination masculine. Elle montre qu’on a fait exister les
ri uniquement comme un espace d’hommes, de sorte qu’on a facilité et légitimé le
recours à la force. Cette approche a été prolongée aujourd’hui, notamment avec des
recherches qui se focalisent sur le genre en ri, comme par exemple la domination de
l’ethos viril dans l’imaginaire et les pratiques des acteurs, notamment des diplomates.
Il faudrait donc dépasser les analyses qui asexualisent les agents
Ainsi, les théories classiques, sous couvert d’objectivité, vont construire la réalité,
engendrant des comportements qui font exister le monde tel qu’il est. Ces théories
s’intéressent donc beaucoup au langage et à son pouvoir.
2. Le principe constructiviste
Bien sûr, ces théories découlent du constructivisme des sciences sociales, démarche
d’analyse portée notamment par deux auteurs, Peter Berger et Thomas Luckmann,
auteurs de La construction sociale de la réalité, paru en 1966. Pour eux, l’idée que la
réalité est une donnée doit être remise en cause. La réalité serait construite,
consciemment ou non, par les agents, à travers leurs actions, discours ou pratiques.
On retrouve cette idée chez Nicholas Onuf (World of our Making, 1989) et Friedrich
Kratochwill (Rules, Norms and Decisions, 1989).
Ces théoriciens vont se détacher d’une conception de l’ordre international comme une
donnée invariable. Ils vont analyser les rapports sociaux à l’échelle globale, pour
analyser non pas la situation telle qu’elle est mais la construction de cette situation.
Dès lors, l’espace international est un construit social, c’est « ce que les États en
font ». Ce faisant, la réalité dépend de ce que l’on fait. (cf. Alexander Wendt,
« Anarchy is What States Make of It », 1992) L’anarchie n’est pas une donnée qui
s’impose aux États, mais quelque chose que les États construisent et entretiennent
avec leurs interactions. Il existe différents types d’anarchie en fonction des rapports
entre les États : lockéenne, hobbesienne ou kantienne. Ces anarchies sont plus ou
moins tempérées. Dès lors, le système international est déterminé par des croyances,
par des idées partagées, plutôt que par des forces matérielles. Dès lors, les
constructivistes proposent une vision centrée non sur l’individu, l’agent, ni sur la
structure. Ce qui est important, c’est de penser ensemble l’agent (l’État ou l’individu)
et la structure, ce que ne faisaient pas les théories réalistes et libérales. Ils vont
s’interroger sur l’autonomie des agents par rapport à la structure. L’agent crée la
structure par ses pratiques, mais est aussi contraint par la structure. Il y a co-
constitution de l’agent et de la structure. Dès lors, l’équilibre dans un système
découle des idées et des croyances partagées par les agents. Les constructivistes vont
donc s’intéresser à ces notions d’idée, de croyance, de principes partagés de deux
façons : en analysant leur formation, leur construction, et en analysant l’effet de ces
idées/croyances sur la pratique des États. On analyse par exemple l’idée des Droits de
l’Homme, et comment elle peut s’apparenter à une contrainte sur les États.
A la grande différence des autres théories, une place centrale est donc faite, chez les
constructivistes, aux idées, sans pour autant que les constructivistes soient idéalistes :
ils ne défendent pas des idées, mais montrent leur poids dans les pratiques des agents.
- La politique mondiale est déterminée par des structures cognitives, par des
idées, des croyances, qui s’imposent dès lors qu’elles sont partagées par les
acteurs.
- Ces normes partagées ont des conséquences sur le comportement des acteurs
puisqu’elles façonnent leur intérêt : la notion d’intérêt n’est pas évacuée par les
constructivistes, mais l’intérêt est défini par des croyances.
Dans cette deuxième partie, nous nous intéresserons non seulement aux acteurs
de l’espace international mais aussi aux dynamiques de l’action : autrement dit, la
question du « qui » et du « comment ». On doit donc s’interroger sur la répartition du
pouvoir dans le système international : qui domine le cours des événements sur la
scène internationale ?
Dès lors, nous pourrons mesurer les « dynamiques centrales de l’espace
international » : coopération ou opposition ? Privatisation ? Juridicisation ?
On a vu avec Dario Battistella que les ri sont les relations qui se déroulent au-
delà de l’ensemble contrôlé par les États, quel que soit l’acteur (étatique ou non)
concerné par ces relations. Les ri ne seraient donc plus uniquement caractérisées par
les relations entre États. Aujourd’hui, il n’est plus possible de réduire le système
international à un système d’États. Dès lors, si le système international n’est plus
inter-étatique, quel est-il ? L’État est-il concurrencé, transformé, ou encore dépassé ?
Le système international peut-il être fondé sur une autre entité que l’État ? La
souveraineté reste-t-elle l’élément organisateur du système international ?
Les relations entre les États se sont codifiées, jusqu’à organiser toutes les relations à
échelle mondiale.
Le premier exemple est la diplomatie, qui suppose la reconnaissance mutuelle des
États qui nouent des relations entre eux. La diplomatie est un des préalables pour
exister sur la scène internationale. Le statut de 2ème puissance diplomatique
mondiale, détenu par la France, accrédite son statut de grande puissance.
Second exemple, le droit international, qui correspond à des dispositions acceptées
par les États, qui les contraignent, mais que les États acceptent alors que cela enfreint
leur souveraineté parce que cela leur garantit une meilleure protection, une plus
grande stabilité des ri. De plus, l’existence de ce droit est en soi une reconnaissance
qu’il n’existe pas d’autorité supérieure aux États. Jusqu’à très récemment, le droit
international ne considérait que les États et non les individus. Cela a contribué à
rendre l’État incontournable et peut-être indéboulonnable.
Toutefois, malgré cette centralité de l’État, les RI n’ont qu’une définition réductrice
de celui-ci. On distingue deux principaux problèmes :
- On a tendance à concevoir l’État comme une entité purement rationnelle. Or, cette
vision consiste en une triple simplification
> On est conduits à voir l’État comme une entité unifiée et abstraite, au sein duquel
les acteurs seraient unifiés par l’objectif de l’intérêt général. Cette vision empêche de
concevoir la fragmentation de l’État (Ministre des affaires étrangères, corps
diplomatique, parlement, président de la République, pression des groupes
d’intérêt/de la société civile…). Cette fragmentation est déterminante dans
l’explication des actions des États.
> La politique étrangère est abusivement attribuée au seul chef de l’État/de
gouvernement. C’est d’ailleurs ce que font les journalistes et nombre de chercheurs.
En faisant cela, on personnifie à l’excès la politique étrangère, faisant abstraction de
son processus complexe d’élaboration. Par exemple, on parle de la « politique
étrangère de Trump », mais les corps diplomatiques sont en poste parfois depuis des
décennies, et peuvent même avoir une autonomie d’action.
> On limite la prise de décision du chef de l’État à un calcul rationnel, sur le mode
coûts/avantages. Or, les décisions de l’État renvoient certes en partie à un calcul, mais
aussi à des routines, à des procédures, mais également de calculs stratégiques
particuliers, de marchandage, ou en fonction de croyances et de prédispositions.
Graham Alison (Essence of decision, 1971) montre ce point avec l’analyse d’une
décision de Kennedy en 1962, lors de la crise des missiles de Cuba. Kennedy va
décider de mener un blocus par voie navale, empêchant les soviétiques d’acheminer
les pièces manquantes des missiles nucléaires.. Trois modèles pourraient expliquer
cette décision:
1 – La décision pourrait être rationnelle
2 – La décision résulte d’un processus organisationnel : une routine existait pour
mettre en place cette action, et c’est pourquoi elle a été menée. De même que les
soviétiques n’ont pas camouflé leurs missiles parce qu’ils n’avaient pas l’habitude
d’installer des missiles sur des territoires étrangers
3 – La décision pourrait bien résulter d’un marchandage politique au sein de
l‘administration. Dans ce cas, il faut abandonner la conception rationnelle et unifiée
de l’État. C’est ce modèle que privilégie Allison.
Si l’État est souverain en tant qu’entité, son fonctionnement n’est donc pas unitaire.
Or, cela joue dans l’arène internationale, cela ouvre le jeu politique.
a. Un modèle inadapté…
Une grande partie des critiques adressées à l’État portent sur son inadaptation
au monde contemporain. L’État est le produit des juristes et historiens de la vieille
Europe, puis a été exporté de façon globale. Or, cette généalogie en fait le produit
d’une époque particulière qui le limite, qui ne garantit pas l’adaptation de l’État dans
le temps, ni son caractère universel.
L’État, lorsqu’il a été diffusé, a été réapproprié. Les États sont donc des entités très
différentes, ce qui nuance d’autant plus l’idée d’universalisation de l’État.
Par ailleurs, l’État serait rejeté y compris dans les sociétés occidentales. On constate
ainsi de très nombreuses oppositions sub-nationales qui critiquent cette forme
d’organisation du pouvoir.
Mais la création d’un nouveau modèle pose question, n’allons pas trop vite en
besogne ! La critique de l’État est marquée temporellement et est considérée comme
idéologique, notamment par Sami Cohen, auteur de « La résistance des Etats »
(2003). Pour lui, les transnationalistes émettent une critique idéologique et non
scientifique. Cette critique renvoie à deux phénomènes différents, que les
transnationalistes connecteraient par un lien de causalité non démontré :
- L’émergence de phénomènes transnationaux
- Le déclin de l’État-Nation
Par ailleurs, les « nouveaux acteurs » sont décrits comme cohérents par les
transnationalistes. Or, cette catégorie est morcelée par des rapports à l’État très
différents, d’où une faible pertinence de la catégorie de « société civile ».
De plus, l’État conserve une emprise sur son territoire, et les États ont compris qu’ils
avaient intérêt à mettre en commun leurs souverainetés. Au surplus, les contestations
internes aux États visent bien souvent à créer… des États. (cf. Catalogne, Palestine,
etc.)
Ainsi, cette érosion partielle du pouvoir de l’État n’est pas forcément subie ! Elle
relève souvent d’un choix de l’État de limiter sa souveraineté. On l’a vu pour le droit
international, mais aussi pour la mondialisation : ce sont des États qui ont pris la
décision de réduire les droits de douane et de faciliter les échanges. Les États ne sont
pas les victimes, mais les auteurs de ces transformations.
L’État conserve quoi qu’il en soit une grande partie de son pouvoir. Les États ont la
possibilité de s’opposer aux décisions transnationales. Le protocole de Kyoto n’a,
par exemple, pas été ratifié par tous les États, notamment les EU
Comme on l’a vu, l’État n’apparaît plus comme le seul acteur de la scène
internationale. Nous allons examiner ce phénomène du point de vue des « nouveaux
acteurs », dans la période très contemporaine, depuis les années 70.
Les OI ont donc des organes permanents, une localisation (un siège) : c’est ce qui les
différencie des forums comme le G20/G8. Elles ont une matérialité. Elles sont
fondées à la suite d’un acte volontaire constitutif qui fixe les statuts de cette
organisation. Ce sont donc des institutions formelles, juridiquement définies, créées
par des traités internationaux qui doivent être ratifiés par les États. La ratification se
distingue de la signature.
Les OI ont une personnalité juridique : bien qu’elles soient composées d’Etats
membres, elles sont distinctes de ces États, elles existent par elles-mêmes. Elles ont
des droits et des obligations, peuvent entretenir des relations diplomatiques, elles ont
donc une forme d’autorité.
De plus, les OI fonctionnent selon un principe de spécialité, ce sont des construction
ad hoc : elles sont créées dans un but précis. Dès lors, les compétences des OI sont
des « compétences d’attribution », au sens où elles n’ont comme compétences que
celles que les États veulent bien leur donner. Les OI ne peuvent pas s’auto-saisir d’un
nouveau domaine d’action. Par exemple, la Cour pénale internationale a été fondée
pour s’occuper de certaines problématiques de droit international, comme les crimes
de guerre/contre l’humanité/de génocide. Elle ne peut pas décider, demain matin, de
mener des politiques de développement en Amérique Latine. Les OI ont donc des
compétences réelles, qui créent un pouvoir, mais ces compétences sont limitées.
La catégorie « OI » regroupe par ailleurs des organisations très différentes :
- Certaines ont une vocation universelle, comme l’OMS
- Certaines ont une vocation régionale, comme l’UE ou la South African Defence
Community.
Le rôle des OI est donc très variable. On peut identifier trois grands rôles :
- Le rôle normatif : on établit des règles s’imposant à tous, mais qui sont parfois
rejetées par les États, comme étant non techniques mais politiques.
- Le rôle opérationnel : l’OI mène des actions concrètes, comme l’intervention dans
un État pour garantir la sécurité d’une population (ONU) ou la mise en place d’un
plan d’ajustements structurels (FMI) Toutefois, cela nécessite largement l’accord de
l’État hôte. Les actions menées contre la volonté de l’État hôte sont rares et difficiles
à mettre en place. Il faut par exemple démontrer que l’État hôte n’assure pas la
sécurité d’une population, recueillir l’approbation des États membres, etc
- Le rôle de contrôle : vérifier la conformité de l’action des États avec les
engagements qu’ils ont pris. Cela peut mener à des sanctions.
Certes, les OI sélectionnent les nouveaux membres, et peuvent donc influer sur
les États en exigeant des prérequis à l’adhésion. On pense ici à l’UE et à ses rapports
à la Turquie et avec les PECO. L’État est incité à transformer ses actions.
Les OI créent des règles, donc des attentes « morales » voire des obligations. Par
exemple, le traité de non-prolifération permet de contraindre les États membres à
respecter les mesures prises, via des sanctions.
Du fait de leur spécialisation, les OI peuvent aussi avoir du pouvoir parce qu’elles
gèrent des thématiques délaissées par les États, venant donc pallier une forme
d’inaction gouvernementale. Par exemple, la gestion post-conflits n’a été reprise en
mains par les États que récemment.
Mais malgré la visibilité des OI, elles restent largement des instruments des
États. Par exemple, les États jouent sur les financements pour rappeler leur tutelle sur
les OI (Le « I want my money back ! » de Thatcher, qui visait à montrer l’autorité du
RU sur l’UE, ou la réduction du financement étasunien accordé à l’ONU sous la
présidence Trump). De plus, les États se servent des OI pour faire passer des
décisions d’intérêt national comme des décisions d’intérêt général. Un exemple
parlant est le FMI des années 90 : ayant une vocation universelle, il est repris en
mains par les EU et le RU pour diffuser la doctrine néolibérale. Pour cela, ils font
développer les « plans d’ajustements structurels », par exemple en Argentine, dont on
exige qu’elle réduise sa dette et mène des privatisations, non pas au nom des EU/du
RU mais au nom de la facilitation du commerce mondiale. Les OI apparaissent donc
parfois comme des sous-traitants des États. La mise en place des OI n’a donc pas
permis de renverser les grands équilibres sur la scène internationale. Elles ont plus un
pouvoir d’influence qu’un pouvoir de contrainte, pouvoir qui s’exprime souvent en
marge des États. Certains qualifient les OI « d’acteurs secondaires ».
Les ONG sont en quelque sorte le symbole des « nouveaux acteurs » des ri.
Aujourd’hui, il existerait plus de 38 000 ONG, dont le nombre a explosé ces 15
dernières années. Des analyses très divergentes sont développées quant à leur
influence et leur propension à être instrumentalisées par les États. On peut
comprendre les ONG comme une innovation du XXème siècle, même si elles sont
enracinées dans la philanthropie européenne et religieuse.
Leur principe fondateur est l’idée d’une forme de solidarité portée par un groupe
d’individus appartenant à plusieurs pays, et développant une activité sans but
lucratif. Elles se développent au nom d’enjeux dépassant les États, au nom de
l’humanité, notamment au nom des DDH.
Le terme d’ONG naît après la GM2, mais le principe est plus ancien. Trois grands
modèles se distinguent :
Il n’y a plus de modèles uniques des ONG. Ce sont plus des modèles nationaux. Mais
on peut les différencier selon plusieurs caractéristiques :
- L’aire d’action
- Caractère transnationale : est-ce qu’elles sont vraiment transnationales ?
- Rapport à l’Etat : en coopération avec l’Etat ou en opposition avec lui
o Revendication de causes dont l’Etat ne voudrait pas se saisir) ça
explique le développement des ONG dans le domaine environnementale
(Greenpeace) ou humanitaire.
a- Poids relatif
Poids de ces ONG relatif : à la fin ce sont les Etats qui signent ou non les traités :
les Etats consultent potentiellement ces ONG, peuvent les entendre mais ce sont les
Etats qui décident.
Toutes les ONG les plus influentes sont implantées dans les pays du Nord :
- Plus grande assise financière
- Structure administrative plus développée
- Capacité de mobilisation des médias plus importante
- Là que sont situés les Etats les plus influents et souvent les ONG passent par
leurs Etats d’origines pour porter leurs revendications, afin que ce soit l’Etat
lui-même qui porte les revendications.
Influence ponctuelle et limitée à leur domaine de compétence, le seul où on leur
reconnaît une légitimité.
Johanna SIMEANT : beaucoup travaillé sur le financement des ONG. Elle a montré
que même si elles se revendique transnationales, leur financement est très lié à l’Etat
d’origine. Elles sont donc très liées aux pratiques et aux modes de pensées de leur
Etat d’origine. Par ex pour MSF il y a des subdivisions nationales (MSF France, MSF
Suisse etc.) il faut donc nuancer le caractère international.
on peut donc avoir des ONG sur la scène internationale qui sont fictives et d’autres
qui ne sont pas forcément altruiste ou apolitique. Elles peuvent servir de politique
étrangère pour les Etats. Plein d’ex dans les années 90 : au moment de la chute du
mur Allemagne : vague de démocratisation. Or il a été montré après que le secrétariat
d’Etat USA a tenté de stimuler cette démocratisation en finançant des ONG
(notamment l’Open Society Institute)
Ce caractère autonome doit être relativisé car lorsque les ONG cherchent de
l’influence elles restent souvent limitées par leur capacité de financement. Leur
pouvoir d’influence existe mais ne peut pas réellement être détaché des Etats.
Finalement, malgré l’existence de nouveaux acteurs transnationaux, à vocation
universelle, malgré leur action de plus en plus visible dans ces espaces
internationaux. Malgré ça le pouvoir dans l’espace internationale reste concentré dans
les pays du Nord. L’émergence de ces nouveaux acteurs ne signifie pas forcément de
nouveaux rapports de forces sur la scène internationale.
Dans les années 80, on constate que ces sociétés sont des groupes très puissants, dont
la puissance ne fait que s’accroître grâce à la libéralisation de la finance et de
l’absence de régulation sur les capitaux.
Cette influence s’exerce par l’argent notamment (pas seulement par corruption), la
situation géographique (sièges tout autour du parlement européen de Bruxelles)
3- Transformation de la diplomatie
Aujourd'hui la diplomatie serait triangulaire, (state-state / state-firm / firm-firm) elle
se passerait entre Etats et se développerai entre l’Etat et les firmes. Cette diplomatie
entre Etats/firmes témoigne d’une dépendance des Etats. Laurent FABIUS a rattaché
la diplomatie économique aux ministères des affaires étrangères.
Diplomatie entre firme, notamment au sein des GAFA (= Google Amazon, Facebook,
Apple).
Selon elle, ça ne serait plus la force militaire qui compte dans l’espace international.
Ce n’est plus la force qui amènerait la richesse mais la richesse amènerait le pouvoir
ce qui amènerait à une redéfinition totale des équilibres économiques sur la scène
internationale. Malgré tout elle reconnait que les Etats conservent une marge de
manœuvre. Car ce sont les Etats qui décident et qui créent les règles.
4- Un pouvoir limité
Les Etats décident des règles.
Avec le soutien même de leurs Etats. Les Etats ont tendance à favoriser les firmes qui
sont implantées sur leur territoire (voyage d’affaire des président).
B) Le retour de l’individu dans les relations internationales
A partir des années 80 et 90 les individus s’imposent. De plus en plus on observe un
renouveau d’une forme de participation non-conventionnelle dans l’espace
international. C'est-à-dire l’expression croissante d’un pouvoir qui s’exprime hors des
arènes traditionnelles de négociations. Car ce pouvoir se rééquilibre assez tôt. Le fait
que y’ai de nouveaux acteurs ne voulaient pas forcément dire qu’il y avait un
nouveau rapport de force du coup ça mène les individus à se mobiliser pour renverser
ces rapports de forces justement.
James ROSENAU montre que les individus auraient de nouvelles capacités : seraient
mieux informés, mieux formés etc. et donc l’individu serait plus à même d’exprimer
son autorité et son pouvoir. Et donc selon lui ça transformerait profondément l’espace
international car ça créerait des turbulences. Ces individus auraient surtout un
pouvoir de contestation (des Etats, des équilibres de pouvoirs existant). Ce pouvoir
serait renforcé par le fait qu’on est dans un monde multipolaire.
Pour autant il existe des cas ou des individus seuls peuvent peser dans l’espace
international. C’est lié à des situation/ individus qui possèdent déjà un capital
symbolique, social important. Il y a notamment 2 catégories :
- Les experts internationaux on lui reconnaît des compétences dans un
domaine (même s’il les a pas, à l’inverse d’autres ont des compétences mais ne
sont pas reconnus). Leur pouvoir s’exprime parce que ces experts vont cadrer
le problème et définir des solutions
- Figures médiatiques porte beaucoup. Notamment les Prix Nobel : distinction
symbolique qui donne un poids, une légitimité à parler au nom de tous. Pareil
pour les grands chefs d’Etats, d’entreprise (ex : Bill GATES). DAVOS
capital symbolique qui permet aux individus d’être écoutés
2. Des mobilisations transnationales comme nouveaux lieux de pouvoir
Le pouvoir des individus ne s'exprime pas toujours contre l'Etat et peut aussi
s'agréger pour former des mobilisations transnationales. La question des mouvements
sociaux nous intéresse ici dans la seule mesure où elle traverse les frontières: certains
auteurs parlent de "transnationalisation de l'action collective". Ces mouvements
dépasseraient les Etats plutôt que de les mettre en rapports (transnationalisme et non
internationalisme), et mettent en rapport des individus directement en rapport, de
façon autonome vis à vis des Etats.
Dans les années 90, on a observé une multiplication de ces mobilsiations sur
l'ensemble de la planète. On peut examiner quatre cas:
- En 2001, le premier Forum Social Mondial à Porto Allegre (Brésil) pour contrer le
Forum de Davos. Son but est de représenter les peuples. On considère que c'est un
moment important pour le mouvement altermondialiste
- 1997, campagne de mobilisation nationale mais coordonnée entre les Etats (les
mobilisations ont lieu en même temps) contre l'Accord Multilatéral sur
l'Investissement (AMI, accord de type TAFTA), mobilisation victorieuse qui mène à
une suspension des négociations en 1998
- En 1998, les très grandes manifestations contre le sommet de l'OMC à Seattle. En
marge de ce sommet, de très nombreux groupes vont tenter d'empêcher le
déroulement de ce sommet et vont médiatiser cette opposition, qualifiée de
"violente"par les pouvoirs publics.
- En 2001, les manifestations contre le sommet du G8 à Gênes, en Italie.
Mobilisations importantes qui auraient réuni entre 100 000 et 300 000 personnes
contre le G8, avec une répression policière très importante avec plusieurs centaines
de blessés et un mort.
Ces mouvements ont pour but non pas d’agir directement mais d’influencer les
décideurs publics, et ce avec trois stratégies :
- La stratégie des pertes matérielles : infliger des dommages matériels pour que les
partenaires économiques qui les subissent fassent pression sur les pouvoirs publics
afin qu’ils fassent cesser ces pertes.
- La diffusion des convictions : la logique du nombre joue ici. Il s’agit de manifester
en masses et pacifiquement pour montrer l’ampleur de la désapprobation.
- L’interpellation des dirigeants : pétitions, lettres adressées aux dirigeants pour
mettre en avant certaines idées.
Ces réseaux agissent de manière professionnelle : ils sont initiés par des
entrepreneurs politiques qui ont des ressources et peuvent regrouper des acteurs.
Malgré leur influence, ils rappellent à quel point les pays du Nord restent
incontournables : la stratégie du boomerang implique de faire entendre sa cause
auprès d’eux.
Toutefois, la transformation des rapports de forces est limitée. L’État reste influent
puisque c’est toujours auprès de lui qu’il s’agit de se mobiliser.
La COP21 regroupait des États, mais aussi des ONG, des FTN, des réseaux de
plaidoyers, etc. Mais ils ne sont pas tous influents de la même manière : la
multiplicité des acteurs occulte la présence forte des ONG environnementales, les
groupes de recherches, puis les entreprises.Ces organisations provenaient
majoritairement d’Europe et d’Amérique du nord : ce sont donc les États qui polluent
le plus (Canada, Chine, US…) qui ont l’influence la plus importante. Si les accords
sont passés sans eux, ils auront peu de valeur. Cela place ces États en position de
force.
Le pouvoir est une notion relative : on ne peut le mesurer que par rapport à
d’autres pouvoirs. La coopération et le conflit sont les deux modalités d’interaction
entre les États eux-mêmes, et entre les États et les nouveaux acteurs. Dans les deux
cas, ces relations régulent l’espace international, et donnent lieu au développement de
tout un ensemble d’institutions qui permettent de comprendre l’état du système
international actuel.
Aujourd’hui, ce sont très largement les mécanismes de coopération qui se sont
imposés, jusqu’à devenir dominants dans l’espace international. Se pose la question
d’une gouvernance globale, c’est à dire du développement ou non d’une modalité de
gestion nouvelle des problèmes internationaux qui dépasserait l’État. Autrement dit,
peut-on dire qu’émerge aujourd’hui un gouvernement mondial ?
C’est la question que s’est posé le constructiviste Alexander Wendt avec son article
« Why a World State is inevitable ».
La coopération relève aussi d’une processus politique : elle ne procède pas seulement
du marchandage mais aussi d’un travail de conviction, puisque l’on veut amener
l’autre à s’aligner sur notre position.
- Historiquement, ce sont surtout des formes lâches qui se sont développées, au sens
où elles laissaient une large indépendance aux acteurs et leur assuraient l’absence de
transferts de souveraineté. On est bien loin de toute idée de politiques communes
d’intégration. Cela s’est traduit par le développement des alliances, par la coexistence
pacifique et par le complexe de sécurité
> L’alliance est le mode de coopération qui caractérise le XIXème siècle : il s’agit ici
d’un regroupement restreint d’États sur une durée réduite. Leur but est de garantir
l’équilibre des pouvoirs. Les États souverains se mettent d’accord pour qu’en cas
d’agression d’un État membre de l’alliance, les autres membres viennent le soutenir.
On espère que cela rende illusoire le développement d’un conflit. L’alliance a donc
avant tout une nature militaire. Aujourd’hui, le principe de l’alliance a changé, et est
régulé par l’article 51 de la Charte des Nations-Unies : il affirme que l’alliance est
possible mais doit se limiter à des cas de légitime défense et être transparente. On ne
peut pas nouer d’alliance dans le but d’agresser un État et/ou nouées en secret. Les
alliances actuelles sont plus durables, comme le montre le cas de l’OTAN. Elle
comprenait 12 membres au départ, et aujourd’hui 29 : elle a survécu à l’existence de
la menace soviétique. De plus, les alliances d’aujourd’hui seraient possibles du fait
du partage de certaines valeurs. Autrement dit, elles participent à une mise en
commun des États, de leurs intérêts, sans contrevenir à leur souveraineté.
> La co-existence pacifique s’est développée pendant certaines périodes de la Guerre
Froide, notamment la période 1953-1962 et durant la « détente ». Durant de telles
périodes, on a bien une situation de coopération entre les EU et l’URSS : pas de
combats directs entre ces deux puissances, mais aussi passage d’une logique de
l’ennemi à une logique de l’adversaire. En RI, l’ennemi est celui avec qui on ne peut
pas discuter, alors que l’adversaire est potentiellement légitime. On est en désaccord
avec lui mais on reconnaît son existence.Et en effet, les EU et l’URSS vont poser des
règles à leur opposition, et ne vont pas chercher leur destruction mutuelle. On a une
relative mise en conformité des politiques des acteurs, puisque chacun exclue l’idée
de détruire l’autre. C’est pourquoi on a pu développer des accords entre ces États
malgré la GF : les accords SALT/START sur la réduction de l’armement nucléaire
notamment. C’est bien une forme de coopération, même si elle est fragile.
> Les « complexes de sécurité » ont été théorisés par Barry Buzan. Pour Buzan, à
l’intérieur d’une même zone géographique, les pays sont en confrontation pour leur
sécurité : augmenter ma sécurité va diminuer celle des autres. Dès lors, ces États
seraient dans une situation d’interdépendance : ma sécurité est liée à ce que font les
autres. Pour Buzan, les problèmes de sécurité dépendent avant tout du voisinage
immédiat. Dès lors, être en sécurité passe par le développement d’ententes, d’accords
régionaux sur la sécurité. On va partager des bases communes pour éviter une montée
des conflictualités. Ici, ce qui est important est l’attitude des autres États : l’État
n’agit pas isolément mais en fonction des autres.
La théorie des régimes est un cas de coopération plus avancée. Elle propose une
analyse plus large et plus concrète que la simple interdépendance entre les États. En
effet, il ne s’agit plus simplement de la mise en conformité des intérêts, mais aussi du
développement de politiques sur la base d’intérêts communs. Les institutions
(formelles ou informelles) qui en procèdent seraient basées sur des principes
fondateurs à partir desquels sont définis des pratiques légitimes. Quatre composantes
permettent à un régime d’exister :
Les régimes ne sont donc pas seulement liés à des valeurs mais aussi à des
instruments. Dès lors, on peut comprendre que le but des régimes est de faciliter la
coopération par la mise en place de recommandations précises pour ceux qui
souhaitent y adhérer. En plus de ces règles, le régime tend à faire converger les
attentes des acteurs. Stephen Krasner (International regime, 1983) propose une
synthèse de la notion de régime, dont il donne une définition :
« Ensemble de principes, de normes, de règles, et de procédures de décision,
implicites ou explicites, autour desquels les attentes des acteurs convergent dans un
domaine donné. »
On peut prendre l’exemple du régime climatique : entre des États, des ONG, et des
OI, il existe des croyances partagées : le réchauffement climatique serait le fait des
activités humaines, et il s’agirait de réduire les émissions de CO 2 . Quant aux règles,
on peut penser à la déclaration de Rio et au Protocole de Kyoto, ou encore à l’Accord
de Paris. Quant aux procédures, elles sont définies par la Convention Cadre des
Nations-Unis pour le Changement Climatique (CCNUCC)
On peut aussi citer le « régime de non-prolifération nucléaire » (on voit que le terme
de régime est repris. Principes : les armes nucléaires se sont diffusées, ce qui
constituerait un danger. Normes : ne pas favoriser la prolifération nucléaire. (ne pas
chercher à la développer pour ceux qui n’ont pas l’arme atomique, et ne pas la
diffuser pour ceux qui l’ont) Règles : définies par le Traité de Non-Prolifération
(TNP) et par l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique (AIEA)
On souligne qu’ici, les États ne sont pas les seuls acteurs des régimes. On cite aussi :
les experts, les OI, les ONG…
La théorie des régimes a été assez rapidement critiquée : cette théorie s’est
développée dans les années 70, au moment du renouveau de la théorie néolibérale,
moment où l’on croit qu’il peut se développer, sur la scène internationale, une
coopération moins égoïste, ou que les égoïsmes nationaux vont être dépassés
« chemin faisant » (sic) par des formes de solidarité transnationale.
La critique la plus forte a été émise par Suzan Strange, pour qui la notion avait un
caractère très statique : elle permet avant tout de penser le statu quo, sans voir les
dynamiques de coopération.
Reste que la théorie des régimes a renouvelé l’analyse de la coopération. Ces travaux
montrent que l’État n’est plus efficient s’il agit seul. On développe la notion de
« gouvernance globale », censée saisir l’action au-delà des États.
Cette question soulève celle des rapports de force dans un espace qui
s’internationalise. Les acteurs seraient sur un pied d’égalité (???).
Toutefois, les acteurs ont un rayonnement plus ou moins important : local, national
voire international.
L’idée de gouvernance est pensée par opposition au gouvernement. Elle serait portée
par des actions multilatérales et par les OI.
Mais dans la perspective plus proche des RI, la notion a été précisée par James
Roseneau et Erntz Czempiel, qui définissent la gouvernance comme un ensemble de
régulations fonctionnant même si elles n’émanent pas d’une autorité officielle,
produites par la prolifération de réseaux dans un monde de plus en plus
interdépendant.
Avec cette notion, on prend le risque de croire que se mettrait en place un
gouvernement mondial, qui renforcerait le pouvoir des États. Au contraire, la notion
de gouvernance renvoie plutôt à l’idée de « gouverner sans gouvernement »
(Governance without government), mais pas sans États. Dès lors, apparaîtrait sur la
scène internationale une nouvelle forme d’autorité résultant de la coopération entre
acteurs étatiques et non-étatiques. Cela passerait plus par des régulations que par des
lois, et l’on gouvernerait désormais en combinant des textes de nature et de sources
différentes. Cela fonctionnerait davantage sur le mode du consensus que sur celui de
la coercition. Elle se déroulerait néanmoins sur des sujets précis, et permettrait plutôt
la régulation du monde que sa direction. Il n’y aurait pas d’acteurs dominants dans les
réseaux qui produisent ces règles.
Néanmoins, cette notion est très imprécise et n’explique pas comment les
arrangements se passent, quelles sont les relations entre les acteurs. Elle a tendance à
placer tous les acteurs sur un pied d’égalité. Jamais on n’évoque les relations de
dépendance entre les différents acteurs et les rapports de force.
En réalité, on constate que les États qui dominent les échanges continuent de
dominer à l’intérieur des mécanismes de gouvernance et donc à imposer leurs
régulations. Par exemple, les normes ISO sont produites par les entreprises en accord
avec les États et les OI, mais sont en fait avant tout créées par les États-Unis et leurs
entreprises.
Les politiques publiques sont, à l’origine, des programmes d’action menés par un
gouvernement au sein d’État, et dans un domaine précis. Par exemple, la politique de
santé est une politique publique.
Toutefois, étant menées au-delà des États, on peut se poser la question du pouvoir de
contrainte des PP multilatérales. Ici, l’UE est un des seuls (le seul?) cas où il existe
des autorités véritablement contraignantes pour faire appliquer les PP multilatérales.
On doit prendre soin de distinguer la légitimité et l’autorité : on peut avoir une forte
légitimité mais une autorité trop faible pour faire appliquer ses décisions.
On tend à penser ces politiques comme des politiques techniques, des « politiques
dépolitisées ».
Paul COLLIER, lui, a développé le modèle « Greed vs. Grievance », c’est la théorie
de la prédation économique : les matières premières expliqueraient non seulement les
guerres mais aussi leur perpétuation sans fin. En effet, pour lui, les rebellions seraient
en fait uniquement des formes de crime organisé dont le seul but serait la prédation
économique. Autrement dit, on oppose la protestation à la rébellion, qui elle serait
liée à la prédation, et donc illégitime. Cette théorie insiste sur la question des
ressources comme prédominante dans la naissance des conflits. Or, la forme étatique
elle-même repose sur prédation. De plus, elle tend à confondre cause et effets des
guerres, est ce que les groupes rebelles font la guerre juste pour accaparer les
ressources sans aucune considération politique, ou est-ce que les rebelles cherchent à
accaparer les ressources parc que les guerres se prolongent et qu’ils ont besoin de se
procurer des ressources pour tenir en état de guerre. Cela dit, bien qu’il soit
critiquable, ce modèle a eu des conséquences, puisqu’il a donné lieu à des
programmes de répartition des ressources.
Pour M. KALDOR, dans New and old wars, les conflits actuels seraient basés avant
tout sur des considérations identitaires, d’où des conflits intraétatiques, et c’est en
cela qu’ils se différencieraient des conflits anciens. Les conflits anciens étaient
idéologiques, ceux d’aujourd’hui ne se ferait pas pour des questions d’idéologie mais
d’identité, et ne seraient donc pas des conflits à caractère politique. De plus, d’un
côté, les guerres anciennes avaient un soutien populaire, tandis que désormais, les
guerres visent la population directement. Auparavant, les économies de guerre étaient
autarciques, centralisées, tandis que le financement actuel des belligérants serait
dispersé, moins maitrisé, et sur lequel il est plus difficile d’agir. Ce modèle a des
limites, il révèle des différences entre guerres présentes et passée, mais sans
construire un modèle cohérent des anciennes guerres. De plus, elle réifie les types de
guerre.
Les trois lectures vues précédemment sont critiquables. D’autres théories ont été
développées en anthropologie et en sociologie pour déterminer comment ces conflits
conservent une nature politique en regardant le contexte socioéconomique et
politique local. Les conflits de l’après-guerre froide ne peuvent être analysés sans
considérer le contexte. On ne peut pas exclure le facteur politique de la guerre. C’est
ce qu’on va voir avec le cas du terrorisme.
III/ les effets du terrorisme sur les politiques militaires et sécuritaires
On parle beaucoup du terrorisme aujourd’hui, notamment depuis les attentats du
World Trade Center. On en parle en tendant à faire du terrorisme un phénomène
nouveau. Or ce n’est pas récent, et de même, le terrorisme ne se limite pas au
terrorisme islamiste. D’autres causes se sont exprimées par la voie du terrorisme, y
compris à l’internationale. Aujourd’hui, on tend à faire du terrorisme lui-même
l’ennemi, et non plus ses acteurs. Ainsi, on parle de guerre contre le terrorisme. Le
terrorisme peut être compris comme un mode d’action violente utilisée à des fins
politiques avec pour objectif de frapper massivement l’opinion publique. On a
tendance à parler de terrorisme pour délégitimer un acteur dans sa lutte, c’est alors un
jugement de valeur que de qualifier une lutte de terroriste.
Aujourd’hui, le terrorisme serait principalement le fait de mouvances islamistes. Or
on a observé ce terrorisme islamiste dès les années 80 ; mais entretemps, ce
terrorisme s’est internationalisé. La ou avant étaient visés des états en particulier et
dans leur individualité ; désormais, c’est l’ensemble des états qui est visé. Les
revendications dépasseraient désormais le cadre national. De la même manière, le
financement dépasse aussi le cadre de l’état, il est plus internationalisé qu’au
préalable. C’est dans ce cadre-là qu’a débuté la répression du terrorisme. Ainsi,
l’administration Bush après les attentats du 11 septembre, a utilisé l’ONU et l’OTAN
avec des moyens importants. L’un des problèmes du terrorisme est qu’on entre en
guerre contre le terrorisme lui-même, et non pas contre un état ou un territoire. Ce
cadre flou permet de justifier tout type de guerre et tout type de conduite. On peut
envisager une guerre sans fin, sans type d’ennemi défini. Cette guerre globale a eu
comme conséquence de faire de la lutte contre le terrorisme une question
internationale et plus nationale. On a alors commencé à mélanger sécurité intérieure
et sécurité extérieure. On créé alors par ce biais-là une situation de guerre
permanente. Ces modifications sont importantes car elles traduisent une vision assez
culturaliste du monde, car en pratique, on assimile le terrorisme au fondamentalisme
islamique en considérant que c’est une opposition irréconciliable. De même, à partir
du moment où on déclenche une guerre sans ennemis précis, on se donne le droit de
dépasser toutes les règles classiques de la guerre, ce qui se traduit par un non-respect
du droit international. Ainsi, Guantanamo ne respecte en aucun cas le droit
international et permet aux états unis d’emprisonner des individus à durée
indéterminée et sans aucune forme de procès.
On est donc forcé de voir que la guerre est centrale dans les relations entre les
différents acteurs du système international. Elle reste un mode de régulation, même si
parallèlement on a développé des modes de coopération qui ont limités la possibilité
d'une guerre. Par exemple, ce devait être le cas des principes fondateurs de l'union
européenne.
On a pu voir que malgré les proclamations de révolution dans système international,
on retrouve des permanences et des mutations. Tout ne change pas dans les relations
internationales. Si la place de l'état n'est plus la même, la structure interétatique du
système international rend l’évolution de l'acteur étatique très lent. Ces nouveaux
principes d’action et de coopération ne signifient pas la fin des égoïsmes nationaux. Il
existe aujourd’hui certes des solidarités, mais on ne peut pas limiter l’analyse des
systèmes internationaux à ce simple constat.