Vous êtes sur la page 1sur 64

Relations internationales

Cyril Magnon-Pujo

Partiel : 1h30, deux questions à traiter aux choix sur trois questions. Identifier
l’enjeu derrière la question et proposer des pistes de réponses articulées, construites,
de façon argumentée

Bibliographie indicative (extrait. Voir syllabus) :

Raymond Aron, Qu’est-ce qu’une théorie des relations internationales ?, Revue


française de science politique
James Rosenau, Le nouvel ordre mondial, Etudes internationales

Introduction

Depuis quelques jours, l'actualité est occupée par la question de la riposte à


apporter face à la prolifération nucléaire en Corée du Nord, armement qui pourrait
atteindre le Japon ou les Etats-Unis. Comme souvent en politique étrangère, cette
riposte peut être soit diplomatique, soit militaire. Toutes sortes d'options composent
chacun de ces ordres: les résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU, les sanctions
diplomatiques ou économiques, frappes stratégiques dites « ciblées », ou même
intervention militaire au sol.

Cette crise, certes distrayante à suivre quotidiennement, permet néanmoins


d’introduire les Relations internationales comme discipline scientifique, et le regard
qu’elle porte sur les questions internationales. Ce regard ne sera, quoi qu’il en soit,
pas journalistique.

La question de la survie des régimes politiques issus de la Guerre Froide constitue un


sujet central, au-delà des moqueries et des fantasmes qu’ils suscitent. La GF a amené
à exister la Corée du Nord via la Guerre de Corée, qui opposa le Corée du Sud,
soutenue par les États-Unis et le bloc occidental, et la Corée du Nord, soutenue par le
bloc socialiste.
Il s’agit de s’interroger sur les survivances politiques issues de la GF.

Une autre interrogation porte sur les effets réels du « régime de non-prolifération
nucléaire » mis en place en 1986 via le Traité de Non-Prolifération Nucléaire (TNP),
ratifié par la France en 1992. Ce traité ne dispose pas le désarmement des puissances
nucléaires mais la limitation du développement de nouvelles puissances, de nouvelles
armes : on voit qu’il est donc déséquilibré. Depuis qu’il est signé, l’Inde, le Pakistan,
Israël et la Corée du Nord se sont dotés. Cela amène à s’interroger sur ce qu’on
appelle un « régime » en Relations internationales (RI).

L’autorité dont disposent les États pour contraindre d’autres États à faire ce qu’ils ne
veulent pas faire est également une question pour les RI.

De même, l’équilibre des pouvoirs sur la scène internationale, et notamment la


subsistance de la domination américaine sur cette scène, établie dans les années 90,
pose des questions : les autres États reconnaissent-ils aux États-Unis (EU) une
légitimité à jouer un rôle de leadership. Les provocations nord-coréennes
n’interrogent-elles pas la capacité des EU à occuper effectivement ce rôle. Après la
politique ultra-interventionniste de Bush, la doctrine Obama consista à se concentrer
sur des zones précises, de ne pas intervenir partout, et notamment à se déporter du
Moyen-Orient vers l’Asie. On constate aujourd’hui l’émergence de nouvelles grandes
puissances remettant en cause la domination américaine.

Autre cas, la guerre qui se déroule en Syrie montre qu’au-delà des évolutions
militaires sur le terrain, des avancées et reculades largement commentées
médiatiquement, nous devons nous interroger sur le lent pourrissement du conflit
syrien, dont le règlement semble si difficile. Il faut prendre en compte, pour répondre
à ces questions, le temps moyen et le temps long. Pour cela, il faut remonter au début
du XXème siècle pour comprendre la construction du « Grand Moyen-Orient », à
l’intervention et à l’échec de la guerre en Irak menée en 2003, qui a recomposé les
forces régionales et a déséquilibré la situation diplomatique, aux mouvements de
contestation contre les régimes autoritaires (Printemps arabes), qui ont inspiré
certaines fractions du peuple syrien mais a aussi crispé l’État syrien.
On doit analyser le rôle des puissances extérieures qui se sont ingérées dans ce conflit
(France, Turquie, Arabie Saoudite, États-Unis, Russie…), rôle qui pose la question de
l’interventionnisme dans le système international.

Comme on le voit, analyser les événements internationaux ne peut se contenter d’une


approche journalistique, en termes « d’actualité ».

Notre cours visera à faire le tour des RI en s’intéressant à trois dimensions :


- Les RI comme discipline
- L’espace d’action qu’est « l’international »
- L’ensemble des rapports qui existent entre les différentes entités qui composent ces
espaces

On cherchera à comprendre les dynamiques de l’espace international, en posant


notamment la question du retrait de l’État, la place que joue la « société civile »
(ONG…), les mécanismes permettant de conjurer les risques de guerres, autrement
dit, et plus généralement : qui agit, et comment, dans l’espace international ?
Aussi, nous essaierons de comprendre les débats qui structurent les RI comme
discipline, les efforts menés pour théoriser le fonctionnement du système
international, et pourquoi pas dégager des régularités voire des lois. Nous traiterons
des différents équilibres, des pouvoirs, mais aussi des tentatives de régulation de cet
espace. La question fréquemment posée de la « gouvernance mondiale » peut obtenir
quelques réponses, ne serait-ce que sur son existence. La Conference Of Parties
(COP) 21 pose la question de l’existence ou non de problèmes communs à gérer à
l’échelle de la planète, mais aussi de l’existence d’actions communes si ces
problèmes sont reconnus et traités. On voit que ces actions existent, mais que de très
importantes limites viennent les entraver : certains États refusent de signer/ratifier
l’accord de Paris issu de la COP21.
Toutefois, l’histoire des relations internationales ne sera pas notre objet, mais il est
important, de notre côté, d’acquérir quelques repères à son sujet. Consulter les
manuels, mais aussi les articles (Le Monde (diplomatique), médiapart, etc.), les
articles des revues scientifiques (Cultures et conflits, Cairn), les monographies, etc.
est indispensable.

Lorsqu’on parle de « l’international », on renvoie en général à ce qui se passe entre


les États. Pour autant, l’idée qu’il existerait un « espace international » est une idée
qui est débattue, elle ne fait pas l’unanimité. S’interroger sur la réalité de l’espace
international pose des questions très théoriques sur la manière de nommer, de
qualifier cet espace et ses acteurs. L’objet des RI ne fait pas consensus. Parle-t-on
uniquement des États, des politiques nationales à destination de l’extérieur (politiques
étrangères), ou des politiques communes développées par ces États, ensemble, par
exemple au sein de l’ONU ? L’espace international est-il un espace commun, partagé,
où un socle de valeurs identiques permettraient la discussion ? On peut être tentés de
répondre que oui, face à l’ONU et ou à la COP21. Pour autant, ça n’a pas toujours été
le cas, et encore aujourd’hui, il existe de très fortes dissensions : les menaces des EU
ou de la Corée du Nord à leur encontre mutuelle rappellent ces dissensions.

Un autre ensemble de questions porte sur le fonctionnement et l’interaction des


pouvoirs dans l’espace international. Objet des théories « réalistes », elles sont les
plus fameuses pour le profane. Elles portent sur la question de la puissance, qu’on
résume parfois abusivement à l’État et à la force militaire. Comprendre comment la
puissance est exercée, reçue, discutée, voilà une question centrale. Le passage de la
« puissance » à la « domination » est aussi un point important. Si on a pu se
concentrer sur la puissance militaire, la puissance économique, culturelle (« Soft
power ») ou diplomatique sont aussi objets d’interrogation.

Le rôle des agents et des structures est aussi questionné : le décisionnaire est-il
prépondérant, ou doit-on affirmer le primat des structures ? Question typiquement
sociologique, elle conserve une grande pertinence pour les RI.
Les équilibres de puissances sont un autre sujet d’étude : à la bipolarité de la GF a
succédé l’unipolarité des EU (« gendarme du monde »), puis une nouvelle période,
plus difficile à caractériser : sommes-nous dans une période d’ « apolarité » qui
expliquerait un retour de certains affrontements, ou dans une période de
« multipolarité » où les puissances ne s’équilibrent pas, d’où des tensions. Certains
rejettent même toute notion de polarité, au profit de l’idée d’une multitude de lieux de
pouvoirs, locaux, transnationaux, notamment avec les grands organisations de la
« gouvernance mondiale », les firmes transnationales, etc. Une polarité impliquerait
des pôles en mesure d’organiser le reste du monde, mais il est possible qu’une telle
chose n’existe plus.
Aujourd’hui, on constate une multiplicité des lieux de pouvoir. Il faut, dès lors,
s’interroger sur l’existence d’un pouvoir structurant dans l’espace international. La
scène internationale est de plus en plus brouillée par la diminution de la souveraineté
des États et le brouillage des frontières.

On cherchera aussi à expliquer le désordre qu’on observe aujourd’hui sur la scène


internationale. Certains facteurs seraient régionaux : le Moyen-Orient est marqué par
une déstabilisation du fait de la recomposition des puissances régulatrices,
notamment du fait de la guerre en Irak. D’autres approches, plus profondes,
mettraient l’accent sur l’inexistence de facteurs empêchant les guerres.

Par ailleurs, de nouvelles puissances étatiques sont-elles en train d’émerger ? De


nouveaux pouvoirs, comme celui des ONG ou des grandes entreprises, structurent-ils
ou vont-ils structurer l’espace international.

Enfin, la question de l’anarchie, structurante dans les RI, ne signifie pas le désordre
ou le chaos, mais bien l’inexistence d’ordre supérieur aux États. La scène
international repose globalement sur la souveraineté des États. Dès lors, peut-il
exister un ordre dans un tel contexte ? L’ONU ne peut pas être considérée comme
support d’un ordre supranational, de dépassement des souverainetés nationales, mais
bien plutôt comme une organe fondé sur le multilatéralisme. L’ONU respecte la
souveraineté des États. L’Union européenne, quant à elle, semble reposer sur un
régime intermédiaire, inter-gouvernemental mais aussi supranational.

1ère partie : De la scène internationale à l’étude des relations internationales

Dans ce chapitre, nous nous intéresserons aux RI comme discipline, en


commençant par son objet, puis par ses théories.

Chapitre 1. La construction d’un espace « inter »-national


Ce chapitre doit permettre de comprendre comment s’est construit cet espace
caractérisé, au départ, par une relation entre les États. C’est le sens du mot « inter »-
national, entre les nations, par opposition au « transnational ». Nous étudierons ce qui
fait la spécificité de cet espace, en quoi ce qui se passe entre les États est différent de
ce qui se passe au sein des États. Nous verrons aussi comment cet espace a évolué au
cours du temps.

I. La formation de la scène internationale

Lorsque l’on parle d’international, on utilise bien souvent les notions de


« système », « d’espace », ou de « scène » international. On parle aussi de
« communauté » internationale.
Ces notions sont proches, puisqu’elles rendent compte de l’existence d’un lieu situé
au-delà des États et, par là, spécifique. Pourtant, cet espace n’a pas toujours existé. Il
est lié au développement des États eux-mêmes. Certains doutent toujours de
l’existence d’un tel espace international. Mais pour la majorité, cet espace s’est
construit progressivement, par opposition aux sociétés nationales. Cet espace, défini
par défaut, regroupe pourtant des sociétés très diverses.
On fait parfois remonter le terme à Jeremy Bentham, en 1801, date à laquelle il
distingue le droit national et le droit international. Cette date n’est pas un hasard,
puisqu’elle se situe à une époque où l’État-Nation se développe en Europe. Si Grotius
désignait par « international » un certain genre de société (?), Bentham désigne plutôt
les relations entre les chefs d’États.

Bien sûr, les relations entre différents régimes sont bien plus anciens. Il existait par
exemple des accords formels entre groupes politiques depuis au moins l’antiquité
égyptienne, à l’époque sumérienne. On en trouve aussi dans la Grèce antique, entre
les cités-états.
Au MA, les cités-états italiennes posent les bases de la diplomatie, en créant les
ambassades et les lettres de créance.
Pour autant, on ne peut pas encore parler de relations internationales, parce que ces
relations ne sont pas durables. Les rapports sont fondés sur des accords au cas-par-
cas. Qui plus est, ces relations sont des exceptions bien plus que des règles. Les
grands empires ne se préoccupent que peu de la question de l’extérieur. Le principe
d’un Empire est plutôt de chercher à s’étendre et à centraliser le pouvoir.

Ce n’est qu’avec le développement des États (« Entreprise politique de caractère


institutionnel lorsque et tant que sa direction administrative revendique avec succès,
dans l’application des réglements, le monopole de la contrainte physique légitime. »),
et notamment avec les traités de Westphalie qu’on va parler de relations
internationales.
La définition de Weber met en avant la notion « d’institution », d’administration qui a
autorité pour appliquer la violence. C’est autour de cette forme que vont se structurer
les RI.

Les Traités de Westphalie mettent fin à la Guerre de Trente Ans, qui se termine en
1648. Avant eux, des conflits religieux font rage en Europe, opposant notamment le
SERG (empire, donc) à la France de Louis XIII. La France défend alors l’idée
nouvelle d’un État souverain, donc indépendant, notamment vis à vis de l’Église.
Indépendance à l’origine du conflit.
La France et ses alliés l’emportent. Parmi les termes des traités, il y a la
reconnaissance du fait que l’Église n’a pas le droit de s’immiscer dans les affaires des
États. Il s’agit d’un moment clé, puisqu’on reconnaît aux États le droit d’être maîtres
de leurs territoires, de s’administrer de manière autonome mais aussi, en ce qui nous
concerne, de mener eux-mêmes leurs relations diplomatiques.
Ainsi, les États sont reconnus comme des autorités politiques légitimes. Cela
provoque un effet boule-de-neige : l’État va progressivement s’imposer comme LA
forme politique légitime au détriment des Empires. Aujourd’hui encore, même
l’ONU est un rassemblement d’États. Lorsque l’on débat du « droit d’ingérence », par
exemple, on continue de raisonner dans le cadre de la notion de souveraineté.
La particularité de la souveraineté est que la conduite des États ne peut être limitée.
On consacre un système où rien ne se met en travers de la route des États, ce qui les
contraint à nouer des relations entre eux. On parle « d’ordre » ou de « système
westphalien ».

On voit que le développement d’un ordre international est intimement liée à la figure
de l’État. Au XVIIIème siècle, on parle d’un « système interétatique », basé sur des
relations théoriquement d’égal-à-égal entre les États. C’est à cette période que les
principes fondateurs des relations internationales émergent, comme « l’intérêt
national », la « raison d’État » ou « l’équilibre des puissances ».

On reconnaît trois grands points :


- La reconnaissance de la souveraineté des États (= la compétence de la compétence,
capacité à définir ses attributions) et donc la non-ingérence
- La reconnaissance de la diplomatie comme mode d’interaction entre les États
- La reconnaissance du droit international comme mode de régulation légitime

Les XIXème et XXème siècles constituent la période de consolidation de l’espace


international, dans la mesure où il s’agit de la période de diffusion de la figure de
l’État à l’échelle de la planète, au détriment des Empires. On parle de mouvement
« d’universalisation de l’État », notamment avec la décolonisation.

Deux moments-clés organisent cette nouvelle « société internationale » :

- Le Congrès de Vienne (Octobre 1814 – Juin 1815), qui se tient à la fin des Guerres
Napoléoniennes, et qui illustre l’ordre des nations ou le « concert des nations ». Les
quatre pays vainqueurs, l’Autriche, la Prusse, le RU et la Russie, décident de régler
entre États le sort de l’Europe. Au fur et à mesure des discussions, la France,
accompagnée de l’Espagne, du Portugal et de la Suède, parvient à s’imposer. L’idée
de « concert des nations » évoque l’harmonie, l’équilibre. Les États se mettent alors
d’accord pour dire qu’une hégémonie, en Europe, n’est pas souhaitable. Ils cherchent
alors un équilibre qui permettrait le développement d’un espace pacifique.
Cela a moyennement fonctionné du point de vue des événements du XXème siècle.
Cependant, ce congrès a contribué à mettre en place des relations relativement
structurées.

- Le Traité de Versailles (1919). Comme le dit Bertrand Badie, le Traité de Versailles


est un des derniers grands monuments westphaliens. En effet, il règle le conflit en
répartissant des territoires entre les États-nations, notamment sur des critères
démographiques. L’idée est de faire coïncider la carte de la répartition des peuples
avec celle des États. C’est uniquement à ce moment là qu’on met fin à l’Empire
Austro-hongrois. Le système interétatique s’étend à nouveau.

C’est donc bien entre le XVIIème et le XXème siècle que se met en place cet ordre
westphalien, l’ordre des États-Nations souverains. On parle de système international.

La première de ses formes donne lieu à un système multipolaire, où plusieurs


puissances tentent d’équilibrer leurs relations. C’est aussi l’époque du développement
d’un système fermé et monoculturel, puisqu’on ne parle en réalité que de l’Europe,
région qui organise le monde entier. Ce n’est qu’au XXème siècle que les équilibres
de ce système vont être remis en cause.
Mais le système des États perdure, et s’étend à l’échelle du monde : les pays
décolonisés vont prendre la forme d’États.

II. Scène, système et espace international

A. Les différentes notions

La constitution, la nature et l’existence même de cet espace fait débats. On


continue de s’interroger sur sa réalité : existe-t-il un espace international où des
valeurs, des principes sont partagés ?
Il y a aussi des débats sur la manière de le de nommer ou de le caractériser. Scène ?
Système ? Espace ? Ces mots révèlent des conceptions différentes. Toute la question
est de savoir s’il existe un logique, des principes organisateurs généraux, partagés par
tous dans les actions à l’international, ou bien si cet espace n’est qu’un endroit fait
d’échanges, de coups isolés.

Le premier à s’être penché sur cette question est Hans Morgenthan (première moitié
du XXème, allemand immigré aux EU), théoricien majeur des RI, auteur de Politics
among nations. Morgenthan, comme théoricien dit « réaliste », parle de « scène
internationale ». Pour lui, c’est le meilleur moyen de caractériser l’idée de rivalités
permanentes entre les États. Les luttes sont au cœur des relations entre les États. Il
n’est donc pas question d’ordre, de système ou d’équilibre. Il insiste sur le caractère
anarchique (= pas de principe organisateur) de cet espace ; comme sur la scène d’un
théâtre, les équilibres, les acteurs changent en permanence.

Mais avec la Guerre Froide se diffuse l’idée non plus d’une « scène » mais d’un
« système international ». En effet, la GF met en place un ordre structuré et
structurant, bipolaire, où chaque action répond à une autre et où on peut observer une
forme d’équilibre. Un certain ordre se dégage, d’où la notion de « système », soit
d’un lieu immatériel où se concentrent les relations entre les acteurs des RI, qui sont
interdépendants. Pour Dario Battistella, un système correspond à « un ensemble
d’entités entretenant des interactions suffisamment régulières pour que le
comportement tout un chacun soit un facteur nécessaire dans le calcul présidant au
concours de tous les autres. » Cela signifie qu’on peut parler de « système » lorsque
les échanges sont suffisamment réguliers et amènent chaque État à réfléchir l’un par
rapport à l’autre. Il y a ici une notion d’interdépendance. Nos actions ont des
conséquences sur les autres, et les actions des autres ont des conséquences sur nous.
Chaque coup ne peut être isolé, il aura des répercussions sur les autres, qui vont elles-
mêmes produire des répercussions, etc. : tout le système bouge ensemble.

Mais il faut interroger cette notion de système. Elle s’oppose à une notion
communément admise, à savoir l’idée d’anarchie. Cette idée est reconnue par
presque tous les théoriciens, puisque la souveraineté des États, encore existante,
implique l’absence d’autorité supérieure au-dessus des États. Il n’y a pas d’ordre
supérieur, ce qui n’équivaut pas au chaos, mais à l’anarchie.
Toutefois, l’analyse en terme de « système » porte sur le système dans son ensemble.
L’absence d’autorité régulatrice centrale et stable n’empêche pas des rapports
réguliers affectant toutes les entités.

Dès lors, quels effets le fonctionnement en système a-t-il sur les États ? Autrement
dit, quels sont les effets de la structure sur les agents ? Kenneth Waltz, dans les
années 70 tenant du « néo-réalisme » et du « systémisme », affirme que l’espace
international n’est pas défini par l’action de chacun des États pris à part, mais
l’espace qui explique ce que vous pouvez faire, et ce que vous faites. Dans cette
perspective, on sort de l’analyse de la politique étrangère, puisque c’est l’ensemble
qui détermine les actions individuelles.

Par opposition aux néo-réalistes, les « néo-libéraux », renouvelant la théorie libéral


également dans les années 70, expliquent aussi les actions des États par
l’interdépendance, mais avec une dimension normative qui enjoint à la coopération
plutôt qu’à l’opposition. Étant interdépendants, vous n’avez pas d’intérêt à être en
conflit mais plutôt à coopérer.

L’idée de système s’est développée, s’est consolidée depuis lors, mais reste débattue,
notamment du fait de nouveaux acteurs qui ne sont plus des États et qui sont plus ou
moins intégrés au système inter-étatique.

>>> Il existe donc des visions opposées en RI. On a tout de même intérêt à penser en
terme de système, pour articuler l’analyse d’un espace et l’analyse d’acteurs sans
pour autant supposer qu’il existe un « ordre ».

B. Des acteurs qui se renouvellent

Quand on parle d’espace ou de système international, on renvoie aux acteurs qui y


évoluent. Originellement, cet espace était principalement constitué d’États, d’entités
théoriquement égales entretenant des relations régulières. Ces États entretiennent
aussi des relations dictées par la souveraineté.
Pour autant, aujourd’hui, il apparaît que l’État n’est plus le seul acteur de cet espace
international (EI). D’autres organisations, comme les organisations internationales,
les ONG ou les FTN, de niveaux théoriques très différents, interviennent dans cet
espace.
Du même coup, l’idée « d’international », face à ces nouveaux lieux de pouvoirs qui
questionnent le pouvoir de l’État, est complétée par l’idée « d’espace
transnational ». Certaines autorités existent à travers les États, comme le Forum
social mondial. La permanence de l’ordre westphalien en est questionnée.

III. Les évolutions du système international

L’équilibre entre les États a varié dans le temps. On peut notamment revenir sur trois
grands équilibres historiques.

- L’entre-deux-guerres

- Le premier est l’entre-deux-guerres. Pour de nombreux analystes des RI, les formes
actuelles du système international trouvent leurs racines dans l’après-GM1. On
constate après la GM1 les limites des grandes puissances européennes (France,
Allemagne, RU) qui structuraient l’espace international. Elles n’ont plus les moyens
de leurs ambitions, contestées qu’elles commencent à être dans leurs empires.
On voit aussi émerger de nouvelles puissances, essentiellement les États-Unis et
l’Union Soviétique. Mais les EU refusent d’assumer ce statut de grande puissance en
1919. Ils en restent à la doctrine Monroe et à l’isolationnisme. L’URSS, elle, est
isolée par les grandes puissances européennes. Ces dernières tentent d’organiser le
monde selon leurs propres canon avec la création de la Société des Nations (SDN)
Mais cela ne fonctionne pas, puisqu’un second conflit mondial éclate.

- Guerre froide et bipolarité

- Mais en 1945, l’URSS est devenue incontournable, tandis que les EU assument leur
rôle dans la gestion des affaires du monde, notamment avec le Plan Marshall.
Parallèlement, les empires coloniaux des puissances européennes éclatent. Un
système international totalement inédit émerge alors. Il se caractérise par une
fermeture politique : les États s’organisent en une poignée de blocs (L’Est et l’Ouest,
essentiellement) qui gouvernent en partie leur manière d’agir. L’espace international
connaît aussi une gestion partagée et mondialisée, par opposition avec l’espace
monoculturel d’auparavant. Cet espace se met réellement à « faire système » : il est
très difficile de s’en exclure.
Malgré la logique de blocs, les États sont toujours les unités de base de la scène
internationale : chaque bloc tourne autour d’une grande puissance à laquelle
s’articule d’autres États. D’autres États, comme le « Groupe des non-alignés », formé
notamment avec la Conférence de Bandung en 1955 et une déclaration de 1956, où
les principaux pays non-alignés, regroupés notamment autour de Nasser (Egypte) et
Nehru (Inde), formalisant l’idée de non-alignement sur les deux blocs. Cependant, ils
ne sont pas suffisamment puissants et cohérents pour contester la bipolarité.
Des contestations internes aux blocs (France du Général pour l’Ouest, Chine pour
l’Est, notamment) se dessinent toutefois.
Même s’il est nouveau, cet ordre bipolaire conserve les caractéristiques de l’ordre
westphalien. Il y a un respect théorique de la souveraineté, de la territorialité, et on
recherche la sécurité. Les États peuvent être dominés par l’URSS et les EU, mais ils
ne disparaissent pas dans des Empires.
Dans l’ordre bipolaire, tous les États doivent se positionner par rapport à ces deux
blocs : il n’y a, en quelque sorte, pas d’espace vide. Tous les rapports, au sein du
système international, sont interprétés dans le cadre de cette bipolarité. C’est valable
dans le cas des conflits de la période, qui sont presque toujours interprétés sous le
prisme de la GF. Par exemple, le conflit lié à la décolonisation de l’Angola est
marqué par un regroupement d’indépendantistes, classique, sans rapport très évident
avec la GF. Mais ce conflit est rattrapé par la GF : les forces anti-coloniales sont
soutenus par Cuba et l’URSS, alors que le pouvoir en place est soutenu par le bloc
occidental. Même type de schéma pour Cuba.
Une autre logique est la dissuasion, qui revoit complètement le rapport des États à la
guerre. Cette logique est évidemment liée au développement de l’arme nucléaire,
détenue par les EU puis rapidement par l’URSS. Dès lors, la possibilité d’un conflit
« chaud », direct, entre EU et URSS, est réduite. En effet, on est en mesure d’anéantir
l’adversaire via l’arme atomique. On ne cherche donc plus à rentrer en conflit avec
l’adversaire : on cherche plutôt à dissuader l’adversaire d’attaquer. On parle souvent
« d’équilibre de la terreur », puisque la menace d’un conflit est jugée aussi importante
que le conflit lui-même. Jusqu’ici, la guerre était pensée comme une activité
régulatrice, dont ressort un équilibre. Mais désormais, on ne régule plus par la
guerre : on régule par la possibilité de la guerre. En même temps qu’on cherche à
éviter la guerre, on laisse toujours planer la possibilité d’une guerre.

Dans le cadre de la GF, tout le système international repose sur ce qu’on appelle
« l’équilibre des puissances », comme ce qu’on a pu voir au XIXème avec le Concert
des nations. Mais ici, on n’a plus que deux blocs qui cherchent à s’équilibrer. Les
conflits qui ont eu lieu ont eu lieu en marge des blocs, pour éviter que l’un ne prenne
le dessus sur l’autre. On parle souvent de la « théorie des dominos », principe
explicatif de la politique étrangère des EU pendant la GF : le but est d’éviter qu’un
pays basculant dans le communisme entraîne ses voisins avec lui, contaminant toute
la région. Dès lors, l’équilibre entre les deux blocs serait modifié en faveur de
l’adversaire. C’est aussi pour ça que les EU rentrent en guerre au Vietnam.
Cela montre que malgré la logique de pôles, l’État reste l’unité fondamentale dans la
GF. Pierre Grosser parle de « fétichisation du territoire » et « l’universalisation du
principe de territoire ». C’est pour ça que Grosser a parlé de la GF comme un mode
de coopération « à la fois tacite et imposé » entre deux États en compétition : ils
cherchent à équilibrer leurs forces sans anéantir l’autre.

L’effondrement de l’un de ces deux pôles a mis fin à l’équilibre bipolaire. Cet
effondrement est lié en partie à un processus interne de contestation du régime
soviétique et de ses États satellites, à l’évolution structurelle de l’économie. Il ne
découle pas d’un affrontement direct. Cet équilibre, certes précaire mais bien réel,
s’effondre. Une période d’incertitude s’ouvre, aussi liée à l’érosion des principes qui
structurent les relations internationales (changements économiques, dans le pouvoir
des États, etc.)

- La situation actuelle : apolarité et multipolarité

Dans un premier temps, suivant l’effondrement du Bloc de l’Est, les EU se


désengagent de beaucoup de théâtre d’opération ruineux.
On parle à l’époque de « fin de l’histoire » (1994, Francis Fukuyama), dans la mesure
où l’extension de la démocratie libérale et de l’économie de marché devrait amener à
un monde sans conflits, pacifique, ce qui serait une rupture inédite.
En fait, très rapidement, on constate que les résistances à la puissance américaine ne
disparaissent pas. On comprend vite que la situation américaine n’est pas une
situation d’hégémonie, au sens d’une domination absolue. Dans les faits, on observe
plutôt un « leadership » américain, renvoyant à une capacité d’influence, une capacité
à gérer les problèmes, mais pas à une domination totale. Albright, secrétaire d’État (=
ministre des affaires étrangères), parle de « nation indispensable », pas uniquement en
un sens égocentrique mais aussi au sens d’un « gendarme du monde », puissance qui
a l’obligation, du fait de sa position, de réguler l’espace international.

On a alors tenté de théoriser le passage de la bipolarité de la GF à une « unipolarité ».


Un de ses effets serait la diffusion rapide des valeurs américaines à l’échelle
mondiale. Cela se traduit aussi par des opérations militaires, comme l’Opération
Tempête du Désert, c’est à dire l’intervention de 1991 dans le Golfe, quand Hussein
envahit le Koweït. Plus tard, les interventions « militaro-humanitaires », comme en
Somalie, qui vise à résoudre une crise à la fois humanitaire (famine…) et politique.
Et toute la communauté internationale soutien les EU dans cette intervention. Mais
cette bipolarité n’est pas possible à tenir dans la durée.

En fait, le concept même d’unipolarité a quelque chose de paradoxal. Un pôle fait le


plus souvent sens que quand il y a un deuxième pôle. La phase d’unipolarité dure
moins d’une décennie, contestée dès la fin des années 1990. Même l’intervention en
Somalie est accueillie très hostilement : des militaires américains sont tués, brulés,
pendus sous les ponts, etc. Ces images spectaculaires vont marquer les esprits. Elles
seront mises à nouveau en scène en Irak en 2003.
Un autre signe est la non-intervention au Rwanda. Les EU laissent faire un génocide
qui est connu de tous. Des puissances isolées recommencent à s’affirmer sur la scène
internationale, notamment la Chine, la Russie, sans parler du 11 septembre ou des
Intifadas.
Dans la mesure où l’on est sortis de la logique de bloc et des grandes menaces
extérieures, les États n’ont plus de raison de suivre les directives d’un État protecteur.
C’est comme cela qu’on peut lire les actions du RU, de la France ou de la Chine.
Autrement dit, l’unipolarité a des effets-pervers : les mécontentements se cristallisent
autour de la superpuissance, ce qui pousse les autres États à militer pour un système
multipolaire. Paradoxalement, l’unipolarité crée de l’instabilité.

Dès lors, sommes nous arrivés dans un « système apolaire » ? Trois éléments
caractérisent la situation actuelle :
- Suite à l’unipolarité s’est développée une tendance réaffirmée au multilatéralisme.
Pendant la GF, l’ONU était paralysée par la logique de blocs. Mais depuis la fin de la
GF, on réaffirme le besoin d’un multilatéralisme à travers les organisations
internationales
- Une tendance à la régionalisation des rapports entre les États : les regroupements
régionaux se multiplient et se renforcent sur tous les continents. (UE en Europe, le
Mercosur et l’ALENA en Amérique, l’ASEAN en Asie, etc.) Se développe donc une
nouvelle forme de structuration du système international.
- Le développement d’une transnationalisation des rapports. Dans l’espace
international, des acteurs non-étatiques prennent de l’influence, agissant sans passer
par l’État.
- Malgré tout, le système international demeure anarchique : il n’existe toujours pas
d’autorité supérieure aux États.

> Au total, l’espace international, loin d’avoir toujours existé, s’est construit à partir
du XVIIème siècle, siècle depuis lequel les États restent la pierre angulaire des
rapports internationaux. Ces rapports doivent être analysés avec prudence dans la
mesure où les acteurs sont interdépendants. Cet exposé des faits permet d’aborder les
question des théorie des RI.

« Nous étions -où nous croyions être-, dans le monde de Locke, avec des ouvertures
sur le monde de Kant. Nous nous retrouvons sur le monde de Hobbes, avec des
ouvertures sur le monde Nietzsche et de Marx. »

Pierre Hassner, La Terreur et l’empire.


La violence et la paix, II, Paris, Seuil, 2003, p. 383

Chapitre 2. Une discipline (autonome) pour un espace spécifique ?

I. La genèse d’une discipline

Les RI sont reconnues comme une discipline établie. Des recherches


spécifiques de RI existent, des chercheurs, des revues, des formations, des manuels
disciplinaires, etc. Pourtant, il règne une grande confusion quant aux méthodes, au
champ d’études, et aux acquis de la discipline.
Les RI se sont développées autour du travail des politistes, avec une ambition :
développer la paix. Peu à peu, néanmoins, la théorie s’est diversifiée, et est devenue
moins instrumentale: on a délaissé l’idée que la science devait nécessairement servir
à quelque chose.

- Une histoire « officielle »

Les RI sont historiquement rattachées au développement d’une chaire de « politique


internationale » en 1919, à Aberystwyth, petite ville du Pays de Galle, juste après la
GM1. (encore ajd, ville centrale pour la discipline) A Oxford et à la LSE, des chaires
de politique internationale se développent. Les premiers théoriciens vont alors tenter
d’expliquer les conflits dans l’optique de les éviter. Cela permettrait d’expliquer à la
fois « la raison d’être et l’objet des RI » : fournir une étude systématique (par
opposition aux réflexion parcellaires/intuitionnistes) des relations internationales.
Les premiers théoriciens sont les « idéalistes » britanniques, au sens où ils
revendiquaient l’aspect normatif de leurs recherches.
Depuis, ce dernier objectif a été abandonné notamment suite au démenti qu’a
constitué la GM2 et la GF. L’optimisme des idéalistes est revu à la baisse. Le but
reste toutefois de comprendre pourquoi le « concert des nations » s’est effondré.
L’objet d’études se restreint, à l’époque, aux relations inter-étatiques, ainsi qu’à la
problématique de la guerre et de la paix. Sur cette base se dessine un nouveau champ
d’études et la discipline se diffuse

- L’institutionnalisation des « RI »

La discipline va se diffuser et s’institutionnaliser en Europe et aux EU. Elle va se


dérouler de manière très différente selon les pays. Les RI ne sont pas reconnues
partout comme une science autonome. C’est le cas au RU, mais pas en France, en
Allemagne, ou même, dans un premier temps, au EU. Les RI y sont dépendantes de la
Science politique. D’où une installation très tardive des RI dans le paysage français,
notamment sous l’égide de Raymond Aron. Au RU, les RI sont autonomes, et c’est
pourquoi elles vont s’exporter et être accaparées par les EU, qui profitent de 1945 et
de leur victoire pour imposer leur vision de la discipline. Cette diversité des
institutionnalisations a amené Stanley Hoffman à parler d’une « science sociale
américaine », dominée par les chercheurs et les paradigmes américains.
On doit néanmoins nuancer cette idée, surtout à partir des années 90, où l’on voit se
développer des théories très critiques vis à vis des analyses américaines. Un
chercheur danois, Waever, remet en cause dans un fameux article le caractère
international des RI. (le prof représente un courant originellement français, la
« sociologie des relations internationales », qui n’a pas pris aux EU)

- L’évolution du champ

Malgré des divergences, dans les 50 premières années, la question de la délimitation


des RI est globalement acceptée : il y aurait une distinction entre ce qui se passe dans
les États et au-dessus des États. On partage deux grands postulats :
- Les relations internationales sont basées sur l’anarchie
- Le système international est basé sur le stato-centrisme (= les États sont les acteurs
principaux)

Mais des oppositions se développent, notamment entre « idéalistes » et « réalistes ».


Cette opposition parcourt encore toutes les théories des relations internationales.

Dans les années 70, de nouveaux théoriciens vont critiquer le stato-centrisme et la


centralité de la question de la sécurité. Les analyses néo-marxistes se développent,
notamment sous le nom de « théories de la dépendance ». Deux grands noms se
distinguent : Wallerstein et Galtung. Ceux-ci nous montrent que les acteurs des
relations internationales ne sont pas les États mais les classes sociales. Selon eux,
l’État n’est qu’une superstructure au service des intérêts de la classe dominante. Dès
lors, les rapports internationaux sont dictés par une logique de classe. Le « centre »
(grosso modo l’occident) cherche à exploiter une « périphérie »

D’une manière très différente, les transnationalistes suivent l’idée que l’État n’est
qu’un acteur parmi d’autres. On refuse également le stato-centrisme, puisqu’il
s’agirait de regarder également les ONG, les multinationales, etc. D’où l’idée de
parler de « relations transnationales », plutôt que de ri.

Dans les années 80, l’économie politique internationale, qui se développe avec
l’accélération de la mondialisation, étudie les interactions entre l’économique et le
politique. Elle montre qu’il existe une emprise croissante de l’économique sur la
sphère politique. Il s’agirait de revoir la vision d’un système international structuré
autour d’Etats qui chercheraient avant tout leur sécurité. En réalité, les États, mais
aussi les grandes entreprises, cherchent à satisfaire leurs intérêts économiques. Ainsi,
Susan Strange, a beaucoup écrit sur le dépassement État et sur le capitalisme conçu
comme une économie de casino.

Enfin, dans les années 90, une posture beaucoup plus critique, s’inscrivant dans le
mouvement constructiviste, s’attaque aux postulats positivistes (= il existe une réalité
sociale objective que l’on peut étudier de manière objective) des RI. Cette critique
dite « post-positiviste », tendrait à montrer que l’on crée la réalité lorsqu’on l’étudie.
Il faut prendre en considération cet effet du chercheur sur la réalité.

>>> Ainsi, si dans un premier temps, la discipline s’est réunie autour de quelques
présupposés très clairs, ces présupposés ont été critiqués au point que l’on a parlé de
« récits » plutôt que de science pour qualifier les premières théories. La vision très
critique des RI, si elle a prise en Europe, a connu peu de succès aux EU. Les concepts
que l’on a esquissé plus haut doivent être comprises dans le contexte de leur
apparition.

II. Une science sociale autonome et instrumentale ?

- La question de l’autonomie

Une science, pour pouvoir se développer librement, doit se détacher d’autres sciences
et du pouvoir. L’autonomie des RI n’est pas achevée.
D’une part, les RI sont limitées par la pluralité des méthodes et de la définition des
objets. D’autre part, à l’extérieur, des concurrences existent : d’autres disciplines,
comme le droit et l’histoire, cherchent à affirmer leur autorité à traiter des questions
internationales, tandis que les RI sont intégrée à la SP. D’où les difficultés des RI à
exister de façon autonome en France.
De plus, de très nombreuses recherches sont menées dans des centres rattachés aux
États, et notamment aux ministères des affaires étrangères. Il s’agit d’une limitation,
puisque la finalité des travaux doit servir les buts de l’État. De même, la Rand
Corporation américaine étudie le domaine militaire… mais est financée par le
militaire (On cite aussi la fondation Rockefeller, la fondation Ford...) Le MGIMO
russe est financé par le ministère des affaires étrangères russe, etc. Ainsi,
matériellement, les RI ne sont pas autonomes, ce qui constitue un enjeu propre de la
discipline.

Il faut garder à l’esprit que la scientificité des RI est questionné du fait de la posture
de départ des premiers chercheurs, post-GM1, les idéalistes. Leur but était avant tout
de produire des analyses favorisant la paix, de créer des règles en mesure de répondre
au besoin de paix : le terme de « besoin » devrait faire tiquer un esprit scientifique.
Cette vision est vite critiquée, puisque les tensions remontent dans les années 30. On
va dénoncer leur posture, plus morale que scientifique, qui les aurait empêchés de
voir la montée des tensions. On essaye d’abandonner le wishful thinking (= croire en
fonction de ses désirs/aspirations et non en fonction de ce qui est réellement) Pour
autant, cette vision instrumentale reste attachée aux RI. Très souvent, elles vont servir
le pouvoir politique, dans la mesure où les RI cherchent à identifier les facteurs de la
puissance, et on voit bien en quoi cela peut être utile à un État. Aujourd’hui encore,
de nombreux chercheurs sont toujours des « conseillers du Prince ». John Ruggie,
théoricien des ri, devient représentant spécial des Nations-Unies pour les droits de
l’homme.

Ce n’est en fait que très récemment, dans les années 80, que des approches critiques
en RI se développent.

III. Approches et débats des Relation Internationales

Les RI témoignent d’une absence d’unité méthodologique. Toutefois, quelques


grands débats structurent les courants, et différentes approches peuvent être
recensées.

A. Des approches diverses

Les RI ne sont qu’une seule approche des questions internationales. Approche


focalisée sur les acteurs que sont les États et les politiques étrangères. Il existe
d’autres manières d’aborder l’objet international, comme à travers la politique
comparée, l’ethnologie/anthropologie, etc.

Mais au sein des RI, il existe aussi différentes approches.


La première passe par l’histoire et le droit, mais a été jugée trop descriptive et
formelle.
La seconde passe par une analyse théorique, qui cherche à trouver des régularités
dans le comportement des États, et vise à identifier des règles/lois.
La troisième est une sociologie des relations internationales, qui cherche à analyser
les rapports de forces entre les agents : la domination sera une notion centrale 
On peut aussi passer par l’analyse des politiques étrangères, par les conflits/la
sécurité, la stratégie (techniques guerrières), mais aussi l’économie politique
internationale, où l’on va analyser le poids de l’économie sur les ri. Ces différentes
spécialités dialoguent parfois assez mal entre elles.

Évoquons maintenant les quatre grands débats qui structurent les RI, quel que soit le
domaine et l’approche.

- Le premier débat date de l’EDG. Il porte sur la construction du champ et la


conception qui serait la plus juste pour comprendre le système international. Il oppose
les idéalistes (vision normative) et les réalistes (description de la réalité telle qu’elle
est). On dit aujourd’hui que ce sont les réalistes qui ont réussi à imposer leurs
hypothèses, notamment en matière d’objectivité.

- Le deuxième débat date des années 50 et renvoie à la démarche d’analyse qui serait
la plus pertinente. Il oppose les traditionalistes et les behavioristes. Dans les années
50, le behaviorisme ambitionne d’améliorer la scientificité des sciences sociales. Les
behavioristes cherchent à développer des analyses systémiques, où on importe les
méthodes des sciences naturelles et on va envisager les faits sociaux comme des faits
objectifs que l’on peut étudier de manière objective. On utilise la théorie des jeux de
Thomas Schelling, et on étudie les guerres de manière quantitative, en cherchant à la
catégoriser, à les dénombrer, etc. Cette approche s’est imposée aux EU où elle reste
prédominante.

- Le troisième débat se développe dans les années 70, et porte sur les variables
indépendantes dans les RI. Certains chercheurs tentent de questionner ce qui était
conçu comme acquis, comme le caractère stato-centré de l’analyse, l’indépendance
des États, et la distinction entre High politics (politique noble) et Low politics
(politique sans importance) On critique ainsi les théories réalistes dominantes, et les
RI s’étoffent de nouvelles théories contradictoires avec le réalisme.

- Le quatrième débat porte sur des questions d’épistémologie. Dans les années 90,
une nouvelle génération de chercheurs questionne la pertinence du développement
d’un récit scientifique sur les ri. On s’interroge sur le positivisme et le post-
positivisme : on remet en cause le fait qu’il existerait des faits objectifs. Pour eux, le
chercheur produit toujours la réalité qu’il étudie.

Ainsi, on questionne jusqu’aux principes mêmes de la discipline.

« De nos jours, on entend par RI l’ensemble des relations qui se déroulent au-delà de
l’ensemble contrôlé par les États pris individuellement, quel que soit l’acteur,
étatique ou non, concerné par ces relations, et quelles que soient la nature (politique
ou autre) de ces relations. »
Dario Battistella

Chapitre 3. Les cadres d’analyse et théories des Relations internationales

« C’est la théorie qui décide de ce que nous pouvons observer. »


Albert Einstein

Cette citation d’Einstein permet de prendre toute la mesure de ce qu’est une théorie,
c’est à dire qu’elle n’a pas seulement pour effet d’ordonner le réel, mais fournit
également un cadre d’interprétation qui influence notre manière de percevoir et
d’analyser la réalité. Sans s’en rendre compte, nous sommes soumis à ces théories qui
ont sur nous des effets de contrainte, d’où l’intérêt de les connaître pour pouvoir
prendre une distance. Suivant les paradigmes suivis, on perçoit et on comprend
différemment l’espace international, ce qui a des effets sur les pratiques.

On peut rattacher ça au théorème de Thomas, sociologue américain de l’EDG, qui


indique que le comportement des individus s’explique par leur perception de la réalité
et non par la réalité elle-même. On agit en fonction de ce qu’on perçoit, et pas
forcément de ce qu’est la réalité. Si les hommes définissent des situations comme
réelles, alors elles sont réelles dans leurs conséquences. Et ce dans la mesure où en
agissant d’une certaine manière, on crée la réalité, quelle qu’était la réalité au départ.
Il faut donc accorder de l’importance aux représentations et aux théories, même
quand elles sont fausses, puisqu’elles prennent plus d’importance que la réalité
objective qu’elles décrivent.

Théoriser des règles générales du système international permet de ne pas se limiter à


chaque cas particulier. C’est une ambition réductionniste : on cherche à réduire les
comportements à quelques variables. Mais le deuxième objet des théories, c’est aussi
de produire une vision du monde, qui sera reprise par les acteurs qui vont faire
On peut distinguer quelques paradigmes principaux :

- Le réalisme (rapports de puissance)


- Le (néo)libéralisme (et le transnationalisme) (rapports de coopération)
- Le constructivisme (rapports entre les cultures)

Il est difficile de rassembler ces paradigmes pour en faire des « écoles », mais ils sont
définis par relative homogénéité. Ils se sont définis les uns par rapport aux autres, le
premier par opposition au second, et le troisième face aux deux autres.

A. Du réalisme au néoréalisme

Le réalisme est un des grands paradigmes des RI, construit en opposition à


l’idéalisme fondateur. Il se structure autour de quelques noms, comme Hans
Morgenthau, Kenneth Waltz, et Raymond Aron. La théorie réaliste s’appuie toutefois
sur des analyses beaucoup plus anciennes. Certains le font remonter à Thucydide
(Vème siècle av. JC) puis à Machiavel, à Hobbes et, plus récemment à Karl von
Clausewitz (XIXème siècle).

Le réalisme est le paradigme dominant en RI, voire le paradigme hégémonique. Il est


très suivi aux EU, mais beaucoup plus contesté ailleurs, notamment depuis les années
80. Même s’il semble en déclin, son poids reste très important, et ses présupposés
structurent toujours la discipline.

Toutefois, malgré cette domination, ce paradigme avance en ordre dispersé.

1. Les quatre principes centraux du réalisme

- L’anarchie : il n’y a pas d’autorité supérieure aux États, donc personne n’est à
même d’imposer des lois, des règles, des comportements aux États. Pour les réalistes,
en l’absence d’autorité régulatrice, le système international peut être comparé à un
état de nature, à un état où la guerre serait permanente puisque rien ne l’empêche. A
ce titre, les États sont amenés à lutter continuellement seuls pour leur survie. Dès lors,
la violence et la guerre sont un mode normal de régulation des rapports entre les
États, « normal » au sens statistique du terme et non au sens moral. Pour autant, les
États n’utilisent pas toujours la violence : les réalistes disent que face à l’incertitude,
on envisage toujours le recours à la violence. Autrement dit, les États ne peuvent
compter que sur eux-mêmes pour assurer leur propre sécurité. C’est ce qu’on appelle
la logique du self-help.

- Le stato-centrisme : pour les réalistes, les acteurs principaux du système


international sont les États. Ce sont les seuls acteurs qui comptent. Cela découle de
l’organisation du monde amorcée par les Traités de Westphalie. Le statocentrisme
réaliste comprend deux dimensions : certes, les États n’ont pas toujours existé, ils ont
une histoire, mais l’État s’est imposé comme unité de référence dans l’espace
international. Les autres acteurs ne sont pas reconnus comme des acteurs à part
entière (ONG, organisations internationales comme l’UE, société civile…). Ils sont
plutôt considérés comme dépendants des États : l’UE n’est pas une entité autonome
mais dépend directement des États, et notamment de l’Allemagne qui y est
dominante. Ils n’ont pas d’influence directe dans le système international. Deuxième
dimension : les États n’ont pas un pouvoir égal. Seuls comptent les États les plus
puissants. Les capacités matérielles, notamment militaires, sont les plus importantes
puisqu’elles déterminent la puissance des États. La scène internationale est donc
représentée comme un oligopole, où les grandes puissances déterminent les
ressources qui comptent. Par exemple, aujourd’hui, la possession de l’arme nucléaire
est imposée comme ressource essentielle par les grandes puissances. C’est donc une
analyse essentiellement matérialiste.

- La rationalité des États : les États agissent comme des acteurs rationnels. Leur but
est de maximiser leur puissance pour garantir leur survie, leur sécurité. Ils agiraient
selon un calcul coûts/avantages. La quête de puissance serait donc un élément
déterminant des RI. Pour autant, il y a débats sur les facteurs de la puissance.

- Il existe toutefois la possibilité d’un ordre : pour les réalistes, malgré l’anarchie, il
peut exister un ordre, mais qui est toujours précaire. Il n’est pas basé sur la paix mais
sur l’absence de guerre.

2. Trois hypothèses sur les pratiques

- La coopération entre les États est hautement improbable. Aucune autorité


n’existe pour sanctionner les manquements aux principes de l’alliance
Des mécanismes de coopération existent, mais ils ne sont que le reflet des intérêts des
États les plus puissants. (cf. Mearsheimer)

- Les États vont chercher toujours plus de puissance. Leur but est de se mettre à
l’abri face à l’instabilité du monde. Les États ne devraient donc s’intéresser qu’à la
high politics (sécurité, diplomatie, stratégie). Pour autant, cette recherche de
puissance a des effets contradictoires, puisqu’elle fait rentrer les États dans un cercle
vicieux qu’on a appelé le « dilemme de sécurité » (cf. John Herz, 1951) : cette
politique de puissance est menée par l’armement. Ce faisant, ils stimulent l’insécurité
de leurs voisins, qui vont s’armer à leur tour pour garantir leur sécurité, ce qui fait
baisser le taux de sécurité du premier, qui se réarme, etc. C’est donc une course aux
armements. Au fond, cette course à l’armement crée de l’insécurité.

- Les États vont faire preuve de prudence diplomatique. En effet, la guerre n’est
pas forcément le moyen le plus rationnel pour accroître sa puissance et sa sécurité. A
titre d’exemple, de nombreux théoriciens réalistes ont démontré très tôt qu’il était
incohérent pour les EU de mener une guerre en Irak en 2003, puisque cela
n’améliorerait pas la sécurité et la puissance des EU. Pour eux, il faut se garder de
faire des ri un champ de bataille moral. Conserver son intérêt national, ce n’est pas
non plus forcément chercher à imposer cet intérêt à échelle mondiale.

3. Trois niveaux d’analyse différents (ou « les trois images du réalisme)

Les réalistes se sont en fait intéressés à trois niveaux d’analyse différents, qui montre
la diversité interne au paradigme réaliste :

- Pour certains réalistes, il faut s’intéresser à la nature humaine, aux individus (cf.
Mearsheimer). Pour eux, le comportement individuel expliquerait l’action des États,
en ce que les États suivraient des lois objectives qui sont celles de la nature humaine
(volonté de puissance, instinct de préservation…). Cette approche est souvent
critiquée pour ses généralisations psychologiques hatives.

- Pour d’autres, il faut s’intéresser à l’État, qui constitue l’élément explicatif central,
puisque c’est lui qui rendrait les ri particulières. (cf. Raymond Aron) Pour eux, ce que
font les États dépend de ce qui se passe au sein de ces États. Aron définit ainsi deux
systèmes internationaux :
Un système homogène, composé d’États ayant des visions identiques, partageant
certaines valeurs (démocratie…) et ouvrant donc la possibilité d’un dialogue.
Un système hétérogène, aux États ayant des valeurs différentes.

- Enfin, un autre niveau d’analyse repose sur l’analyse du système international lui-
même. C’est ce qu’on a appelé le néoréalisme structurel de Kenneth Waltz, qui a
refondé le paradigme réaliste. Waltz, répondant aux critiques adressées au réalisme,
affirme que l’action des États s’explique par leur position dans le système
international. L’organisation anarchique du système international déterminerait
l’action des États, en fonction des autres États, et non les intérêts des États pris
séparément. La structure interne des sociétés, comme la question de savoir si ce sont
ou non des démocraties, n’importe pas. Il s’agit surtout de connaître la répartition du
pouvoir dans le système international (bipolaire ? Multipolaire ? … )

4. L’exemple des théories sur la politique étrangère


Les théoriciens réalistes disent souvent qu’ils ne théorisent pas les ri mais la politique
internationale.

Chez les précurseurs, comme Machiavel, on retrouve la question des rapports entre
États et des politiques qu’il faut que les États tiennent vis à vis de l’extérieur. Pour
lui, il faut partir du constat que la nature humaine est mauvaise, sauvage, agressive.
Le Prince doit donc se soucier avant tout de sa survie. Dès lors, la politique étrangère
doit être une politique offensive : elle doit assurer l’extension continue de la
puissance du souverain. En deux mots, la meilleure défense, c’est l’attaque.

A l’inverse, Hobbes développe une vision différente de la politique étrangère. Il


affirme que l’individu est en quête de sécurité, et c’est pourquoi il s’en remet au
Léviathan en échange de sa sécurité. L’État doit alors assurer la sécurité des
individus, et donc ne pas se soumettre à une autre puissance, il doit refuser une
domination extérieure. Pour cela, il devrait mener une politique défensive : assurer sa
sécurité et non accroître sa domination.
Ainsi, à partir des mêmes hypothèses, on peut aboutir un « réalisme offensif » ou à un
« réalisme défensif »

Dans son ouvrage, Morgenthau énonce six principes caractérisant le réalisme


moderne. Deux nous intéressent ici :

- Il y a une séparation entre les considérations de politique intérieure et les


considérations de politique extérieure.
- L’intérêt national est défini uniquement en termes de puissance

Dès lors « la grande stratégie d’un Etat » (Morgenthau) doit reposer sur
l’augmentation constante mais prudente de sa puissance. Or, les instruments de cette
puissance ne sont pas que militaires. La politique étrangère doit donc chercher
l’extension du pouvoir dans différents domaines (économique, démographique…)

Kenneth Waltz a une vision très différente. Pour lui, il faut s’intéresser au système
international et à ses configurations. Autrement dit, la politique étrangère n’est pas
forcément sa préoccupation première. De plus, son but est exclusivement
scientifique : il ne cherche pas à prodiguer des conseils politiques à destination des
souverains.
Si on suit son analyse, cela permet de comprendre que la politique étrangère, chez
Kenneth Waltz, est contrainte par l’équilibre de l’espace international. Elle ne découle
donc pas des chefs d’État. Le système est plus important que les parties du système.
Dans le cas d’un système unipolaire, le système dicte aux États des politiques
étrangères visant à contrer cette prépondérance. C’est la raison pour laquelle un
système unipolaire serait fondamentalement instable.
A l’inverse, dans un système bipolaire, vu comme stable parce qu’il confronte deux
grandes puissances qui ne se défient pas directement, les États vont être poussés à
déterminer une politique étrangère conservatrice, une politique de stabilité.
Dès lors, il n’y a pas d’intérêt national en soi : il dépend directement du système
international.

La politique étrangère est souvent réduite, chez les réalistes, à une politique de
puissance aux mains des États. Les hypothèses réalistes (cf plus haut) structurent
encore beaucoup d’analyses en RI, parfois même sans que les théoriciens ne le
reconnaissent : c’est une analyse que l’on tend souvent à adopter spontanément.

Toutefois, cette théorie a été beaucoup critiquée au cours du XXème siècle : elle
serait simpliste, instigatrice de la « realpolitik » (= politique de puissance simple et
pragmatique), mais aussi parce qu’elle serait tout aussi idéologique que celle des
idéalistes, sans toutefois l’assumer.
On l’a aussi critiquée parce que le monde moderne serait caractérisé par la
mondialisation, le poids croissant de l’économie, autant de dimensions qui
n’intéressent pas les réalistes. Mais avec la guerre d’Irak (qui n’est pas validée par la
communauté internationale mais est quand même déclenchée par les EU), le 11
septembre, etc. on voit bien que les thèmes de la sécurité et de la guerre restent très
prégnants dans l’espace international, qu’on peut toujours comprendre comme un
espace anarchique.

Toutefois, certains réalistes contemporains, comme Robert Giplin, cherchent à


intégrer la dimension économique à l’analyse réaliste.

B. Théories libérales : Néolibéralisme et transnationalisme

S’intéresser à la théorie libérale est pertinent dans la mesure où cette semaine,


président des EU a remis en cause l’accord iranien sur le nucléaire, dernier grand
accord multilatéral en date.
Cette remise en cause remet en lumière la question des égoïsmes nationaux : elle pose
la question de l’intérêt que pourraient avoir les États à coopérer, et à sa remise en
doute.

Comme dans le cas du réalisme, la théorie libérale ne doit pas être vue comme un
paradigme codifié particulièrement cohérent.

1. Un courant ancré dans la philosophie libérale

Cette théorie est ancrée dans la philosophie libérale, et non au « dogme économique
contemporain ». Le libéralisme est ancré dans l’idéalisme et dans la philosophie
libérale des Lumières. Elle renvoie notamment à l’idée kantienne de « paix
démocratique ». Dans son essai de 1775, « Vers une paix perpétuelle entre les
nations », Kant cherche à identifier les conditions d’une paix durable (et pas
l’absence de guerre des réalistes). Il énonce les conditions souhaitables pour
permettre l’avènement de la paix. Pour lui, la paix pourrait exister si :

- On respectait la souveraineté des États


- On respectait les « droits des gens » (les DDH)
- On favorisait la libre circulation des individus et des marchandises
- On faisait disparaître les armées permanentes

Ce sont donc des éléments moraux qui sont vus comme des facteurs de paix. La
morale fixerait la peur de la déviance, ce qui pousse à suivre les critères moraux et à
rapprocher les individus.Cette paix est cependant pensée uniquement entre des États
républicains, qui ont donc des valeurs proches. Elle n’est donc possible que dans un
cadre restreint.

On retrouve plus tard cette théorie chez Michael Doyle. Il en fait une « théorie de la
paix démocratique », ou « pax democratica ». Elle serait la seule véritable loi dans la
théorie des relations internationales : les démocraties ne se feraient pas la guerre entre
elles. Dès lors, le développement de la démocratie à échelle du monde favoriserait la
paix. Cela part d’un constat statistiquement vrai : les démocraties ne mènent pas la
guerre à d’autres démocraties, à de très rares exceptions. A l’intérieur de ces régimes,
les citoyens partageraient les mêmes valeurs, et auraient donc tendance à respecter le
choix démocratique des autres États. Les citoyens d’une démocratie ne s’estimeraient
donc pas légitimes à aller combattre un régime démocratiquement choisi.
Pour autant, si les démocraties ne se font pas les guerres entre elles, cela ne veut pas
dire que les démocraties ne font pas la guerre ! Elles font la guerre à d’autres régimes,
les régimes autoritaires. Souvent, ces démocraties font la guerre à un autre régime
dans le but de transformer ces régimes en démocraties. C’est ce qu’on appelle le
« regime change ». C’est souvent comme ça qu’on a analysé la politique étrangère
démocrate aux EU.
C’est sur cette base que Fukuyama développa sa théorie de la fin de l’histoire.

On retrouve aussi, dans la théorie libérale, les analyses de Locke et Rousseau. Quatre
grands principes en sont notamment tirés :

- La nature de l’homme est, par principe, pacifique. Il valorise un principe


d’universalité. Le monde fonctionne bien davantage par la confiance et la coopération
que par la guerre.

- Le comportement des États est lié au régime politique interne : la politique


internationale peut s’expliquer par le régime politique.
- Il y a un lien entre paix et prospérité : une hausse des échanges dans l’espace
international, une ouverture des économies des pays, est un facteur de paix. Elle va
créer des interdépendances entre les États et de la richesse.

- La centralité du droit, et plus largement les règles et les institutions qui sont vues
comme des moyens de réguler les rapports entre les États.

Enfin, les libéraux s’inspirent de la philosophie pacifiste et idéaliste de l’après-GM1.


Ils vont partir des 14 points développés par le président des EU Wilson en 1917. Pour
eux, l’internationalisme va mener à la paix. L’idée de Wilson est que pour accéder à
la paix, il faut favoriser la coopération et la démocratie. Ainsi, on défendra par
exemple l’ouverture des frontières, le désarmement, la nécessité de créer une
association des Nations, de développer une diplomatie transparente, et de défendre le
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Le Pacte Briand-Kellog (Président du conseil français – secrétaire d’État américain)


signé en 1928 déclare la guerre illégale. Il est signé par la France, le RU,
l’Allemagne, les EU et le Japon. Il est non-contraignant, mais il est caractéristique de
l’idéalisme de l’entre-deux-guerres.

2. Une vision et une analyse renouvelée du système international

Les théoriciens libéraux remettent en cause la centralité de l’État (il y a d’autres


acteurs) et de la force. La théorie se développe autour de trois postulats centraux :

- Les ri ne sont pas « inter-nationales » mais transnationales. On doit prendre en


compte les organisations religieuses, les entreprises, les organisations internationales,
etc.

- Le modèle statocentrique ne reflète pas la réalité internationale. La diversité des


acteurs amène à reconsidérer le rôle de l’État et à prendre en compte l’individu. Karl
Kaiser parle de « société transnationale », plutôt que de « politique internationale ».
Toutefois, ces acteurs sont plus ou moins structurés et ont des rapports plus ou moins
institutionnalisés et réguliers avec les États. Ils peuvent toutefois s’en émanciper.

- Les États ne sont pas prisonniers de rapports conflictuels entre eux mais sont
interdépendants. Cette interdépendance expliquerait l’intérêt des États à coopérer.
Pour les libéraux et néolibéraux, la poursuite de l’intérêt des États ne passe pas par la
recherche isolée de sa sécurité mais par un intérêt à coopérer, non pas au nom de
grands principes idéaux, mais parce que cela servira votre intérêt propre.

Là aussi, différentes échelles sont possibles :


- L’individu préexiste à l’État, comme l’explique John Locke. Dès lors, on ne peut
pas comprendre l’État sans s’intéresser à l’individu.

- Il faut articuler les espaces interne et externe. Ce qui se passe dans l’un influe sur
l’autre, et inversement. Par exemple, la politique étrangère américaine est
transformée par la réorganisation de la politique interne des EU.

- L’intérêt de l’État n’est pas uniquement la survie et donc la puissance. L’intérêt


est collectif. Même dans un espace anarchique, chaque État pourrait tirer profit de la
coopération. Contrairement aux théories réalistes, les ri ne sont pas un jeu à somme
nulle où l’on ne peut gagner qu’au détriment des autres.

Chez les libéraux, l’espace international est repensé autour de deux dimensions :

- L’unité de référence n’est plus l’État mais bien l’individu. Chez les premiers
penseurs libéraux, on a eu tendance à penser l’État comme une courroie de
transmission synthétisant les différents intérêts privés et les porter dans l’espace
international. Dès lors, on a réduit l’État à un rôle de mandataire entre différents
intérêts privés. Cela renvoie aux théories politiques dites « pluralistes » : l’État n’est
pas un acteur avec une identité propre mais comme le représentant des divers intérêts
privés. Il est la caisse de résonance des différents intérêts privés, idée qu’on retrouve
dans les conceptions anglo-saxonnes de l’État. Par conséquent, chez les premiers
libéraux, il n’y aurait pas « d’intérêt national » transcendant. L’intérêt qu’il défend va
donc varier en fonction des intérêts qui dominent à l’intérieur des pays. L’individu
n’agit pas directement sur la scène internationale mais à travers les États.

- Mais les transnationalistes mettent en avant le rôle de certains individus en


tant que tels, et non à travers l’État. Ils ont ce rôle notamment parce qu’ils sont
dotés de compétences particulières. C’est ce que dit James Rosenau, qui parle de
« skillfull  individuals ». Les individus seraient donc davantage compétents pour
intervenir sur la scène internationale, et ils auraient tendance à concurrencer l’État, à
les dépasser. D’autres modes d’action peuvent donc se développer. C’est dans ce
cadre qu’on a pensé les mouvements sociaux transnationaux. Dès lors, l’État n’est
plus qu’un acteur parmi d’autres.

Par ailleurs, les libéraux pensent l’espace international différemment. Ils vont parler,
à ce titre, d’espace mondial. Pour eux, l’ordre international est bel est bien
anarchique. Mais cette anarchie n’est pas inéluctable, ce n’est pas un invariant. Elle
est le fruit des actions des individus. L’anarchie tend à créer des interdépendances :
dans la mesure où il n’y a pas d’autorité supérieure, les États et les individus sont en
interaction permanente. Ils sont dépendants des actions des autres, et sont donc dans
l’incertitude. Mais pour les libéraux, chacun peut tirer profit de cette situation, sans
forcément qu’il y ait lutte, notamment parce que les autorités sont multiples dans cet
espace. En conséquence, la politique n’est plus internationale mais mondiale : elle se
passe entre des individus qui sont interdépendants. L’espace mondial n’est donc pas
un espace unique mais un ensemble d’échiquiers superposés et non-hiérarchiques. Il
n’y a pas un seul espace avec un seul enjeu poursuivi par un seul type d’acteurs. Il y a
un échiquier politique, un échiquier militaire, économique, avec différents acteurs
dans chacun d’eux. Ils remettent donc en cause la centralité de la puissance militaire :
les différents acteurs sont intéressés par d’autres questions. La puissance a de
multiples composantes : militaire, économique, sociale, culturelle, etc. Il y a donc des
puissances diplomatiques, des puissances économiques, des puissances culturelles,
etc. On distingue alors le hard power et le soft power.

3. De l’intérêt à coopérer à l’interdépendance complexe

L’école libérale s’est imposée avant la GM2 mais est tombée, ensuite, en
désuétude. Ce n’est que dans les années 60 et surtout 70 que ces idées vont
réapparaître. On parlera de « néolibéralisme ». On constate en effet que le réalisme ne
permet pas d’expliquer toutes les situations ni de les améliorer (cf. Guerre du
Vietnam)

« L’école anglaise » s’est développée à la LSE. On la désigne parfois sous le nom de


« réalisme libéral ». Pour cette école, il existerait bien une société internationale, mais
qui serait avant tout composée d’États. Mais ce qui importe, ce n’est pas leurs
capacités matérielles mais les idées et intérêts partagés par ces États. Hedley Bull,
auteur de The Anarchical Society, est un représentant de cette thèse. Il y dit que
l’espace international est anarchique, mais que cette anarchie n’est pas inéluctable. Il
y a une édification volontaire d’institutions (règles communes, sens sociologique) qui
favorisent la coopération. L’anarchie devrait donc être tempérée. Pour Bull, la
communauté internationale est un groupe de communautés politiques indépendantes
ayant établi, par voie de dialogue et de consentement, un ensemble de conduites et
d’institutions pour la conduite de leurs relations et qui reconnaissent un intérêt mutuel
à maintenir ces arrangements.

Des analyses « intergouvernementales » émergent dans les années 90, notamment


avec Andrew Morvcsik, avec The Choice for Europe, publié en 1998. Il essaye de
comprendre pourquoi des États se regroupent, limitant leur souveraineté en
s’associant dans des ensembles plus larges. (UE) Pour lui, les États coopèrent parce
qu’ils ont des intérêts nationaux à le faire, intérêts qui émergent des individus. On
délaisse ainsi l’idéalisme des premiers temps au profit d’une perspective
pragmatique.

La perspective transnationaliste est enfin développée dans les années 70, et c’est elle
qui symbolise le mieux le renouveau des théories libérales en RI. Les
transnationalistes partent de l’hypothèse d’un monde sans souveraineté, d’un espace
mondial où la souveraineté de l’État, et l’État lui-même, seraient dépassés. D’autres
institutions organisent l’espace international, ainsi que d’autres organisations. Pour
ces théoriciens, les organisations internationales ne seraient pas nécessairement le
reflet de l’intérêt des États, mais sont des acteurs à part entière, avec une forme
d’indépendance/d’autonomie, qui sont à même de produire des règles s’imposant aux
États. Ces organisations permettraient de réduire l’incertitude, puisque ce sont des
espaces de dialogue qui permettraient de rendre les actions plus prévisibles. Cette
idée est développée notamment par Robert Heohane et Joseph Nye, dans Power and
interdependence, paru en 1977. Ils visent à répondre au néoréalisme de Kenneth
Waltz, qui expliquait la politique internationale par le système. Pour Heohane et Nye,
c’est le principe de l’interdépendance complexe qui l’explique. Il existerait trois types
d’acteurs :
- Gouvernementaux
- Sous-étatiques
- Non-étatiques

Cela amène trois formes d’acteurs et de relations entre acteurs. Il y a les acteurs
gouvernementaux, intergouvernementaux et trasnsnationaux.
Aujourd’hui, tous ces acteurs seraient en situation d’interdépendance complexe,
situation dans laquelle la puissance militaire n’a qu’un intérêt limité. Dans cette
dépendance, certains gagnent plus que d’autres : La France a besoin de l’uranium
nigérian, le Niger a besoin de la rentre pétrolière, mais la France est dominante. Les
États ne sont donc pas sur un pied d‘égalité. L’interdépendance peut donc engendrer
de la coopération mais aussi des conflits. Toutefois, les États ont intérêt à coopérer.
Mais on se trouve dans la situation du dilemme du prisonnier : en situation
d’interdépendance, tous les acteurs ne vont pas chercher la coopération. Mais si les
États se donnent la peine de coopérer, ils y trouveront le plus d’intérêt. La
coopération réduit l’incertitude, ce qui permet de réduire les coûts de l’échange, etc.
Les avantages sont multiples.
A partir de là, de très nombreux théoriciens néolibéraux vont étudier les formes de
cette coopération. Krasner va par exemple étudier le « régime de coopération » que
constitue le traité de non-prolifération nucléaire. Des « communautés épistémiques »,
comme le GIHEC (groupe intergouvernemental sur le climat) émergent pour parvenir
à des règles communes comme l’accord de Paris ou le protocole de Kyoto.
On aurait plus généralement une « déterritorialisation » : le territoire est moins
important que les idées et les coopérations.

Aujourd’hui, la théorie libérale est encore vivace, il s’agit d’un paradigme au


caractère normatif très affirmé. Ces théories ont été instrumentalisées pour justifier
des politiques interventionnistes : étant de bon ton de favoriser la démocratie, il
pourrait être justifié d’intervenir dans certains États pour y instaurer la démocratie.
3.3 L’approche constructiviste et les théories radicales

Dans les années 80, on voit se développer des « théories radicales », c’est à dire des
théories critiques qui vont rompre nettement avec les précédentes théories. C’est sur
cette base que dans le courant des années 90 va être développé le paradigme
constructiviste, qui va reprendre en partie ces critiques, en adoptant toutefois une
posture plus modérée. Pour autant, il est important de revenir sur ces approches
radicales pour comprendre les bases du constructivisme actuel, qui s’est imposé au
détriment de ses origines radicales.

1. Les théories radicales

Le qualificatif de « théories radicales » regroupe des courants extrêmement différents


voire opposés. Elles ont pour point commun leur critique radical de l’épistémologie et
des développements des thèses réalistes et libérales. Elles critiquent notamment la
démarche positiviste des réalistes et des libéraux, qui postule l’existence de faits
objectifs pouvant être étudiés objectivement sans s’interroger sur la posture du
chercheur. Ces théories radicales s’opposent aussi à l’ontologie positiviste,
philosophie de l’Être en tant qu’Être, le fait de penser l’être en tant que tel,
indépendamment de ses déterminations, de toutes les contingences qui peuvent
influer sur lui. Les théories radicales critiquent ainsi une pensée qui étudie isolément
les acteurs internationaux, comme les États, qui seraient des acteurs invariants, dont
l’intérêt abstrait serait lié à leur condition d’États. Ils vont proposer une démarche
dite « post-positiviste » et « postmoderniste », ce qui veut dire qu’ils ne croient pas en
la possibilité scientifique des RI, ni à la régularité causale (mêmes causes = mêmes
effets) ou à la séparation entre réalité et théorie. Autrement dit, ils ne croient pas en
l’objectivité de la connaissance. Pour eux, si théorie il y a, cette théorie ne peut être
qu’interprétative, parce que la réalité est socialement construite. Les acteurs ne sont
pas non plus nécessairement rationnels. L’idée même de théorie est suspecte : une
théorie est avant tout un moyen de domination. Dès lors, les théories sont toujours
influencées par le contexte scientifique, le chercheur, et son idéologie. Elles sont
instrumentalisées par les acteurs pour servir leur pouvoir, voire créées uniquement
pour servir les intérêts des dominants. Dès lors, les analyses réalistes et libérales sont
des récits, influencés par les croyances des chercheurs.

Au moment où les théories radicales se développent, dans les années 80, on les
retrouve partout dans les sciences sociales, notamment chez Michel Foucault.

Robert Cox est un exemple de ces théoriciens radicaux. Les théories n’existent pas en
elles-mêmes, il n’existe que des « problem-solving theory » : elles ne sont pas là pour
analyser objectivement le monde mais pour résoudre des problèmes politiques.

Ann Tickner, quant à elle, est à l’origine des théories féministes en RI. Elle montre
que toutes les théories des RI reflètent dans leurs objets, dans leurs formulations, dans
leur contenu, la vision et la domination masculine. Elle montre qu’on a fait exister les
ri uniquement comme un espace d’hommes, de sorte qu’on a facilité et légitimé le
recours à la force. Cette approche a été prolongée aujourd’hui, notamment avec des
recherches qui se focalisent sur le genre en ri, comme par exemple la domination de
l’ethos viril dans l’imaginaire et les pratiques des acteurs, notamment des diplomates.
Il faudrait donc dépasser les analyses qui asexualisent les agents

Plus récemment, des théories postcoloniales se sont développées, questionnant le


parti-pris des analyses traditionnelles, qui analysent les ri à partir des États
occidentaux, via des chercheurs occidentaux. Ces théories rejettent l’eurocentrisme
des théories classiques en RI.

Ainsi, les théories classiques, sous couvert d’objectivité, vont construire la réalité,
engendrant des comportements qui font exister le monde tel qu’il est. Ces théories
s’intéressent donc beaucoup au langage et à son pouvoir.

2. Le principe constructiviste

C’est à partir de ces théories critiques que sera développé le paradigme


constructiviste dans les années 90. On a reproché aux théories radicales d’être des
critiques des théories existantes sans propositions théoriques nouvelles. Rejetant
l’objectivité, les théories constructivistes viennent tout de même amender les théories
radicales, reconnaissant une distinction entre les faits et les valeurs. Pour les
constructivistes, il existerait des régularités causales dans l’espace international, que
la recherche scientifique pourrait identifier, donc des faits sociaux que l’on pourrait
étudier. On peut donc développer une science en RI.
Cette recherche repose donc sur une épistémologie positiviste mais une ontologie
post-positiviste : la réalité, qui existe, n’est ni objective ni subjective, mais inter-
subjective, parce qu’elle découle des croyances et des pratiques partagées entre les
acteurs.

Bien sûr, ces théories découlent du constructivisme des sciences sociales, démarche
d’analyse portée notamment par deux auteurs, Peter Berger et Thomas Luckmann,
auteurs de La construction sociale de la réalité, paru en 1966. Pour eux, l’idée que la
réalité est une donnée doit être remise en cause. La réalité serait construite,
consciemment ou non, par les agents, à travers leurs actions, discours ou pratiques.
On retrouve cette idée chez Nicholas Onuf (World of our Making, 1989) et Friedrich
Kratochwill (Rules, Norms and Decisions, 1989).

Ces théoriciens vont se détacher d’une conception de l’ordre international comme une
donnée invariable. Ils vont analyser les rapports sociaux à l’échelle globale, pour
analyser non pas la situation telle qu’elle est mais la construction de cette situation.
Dès lors, l’espace international est un construit social, c’est « ce que les États en
font ». Ce faisant, la réalité dépend de ce que l’on fait. (cf. Alexander Wendt,
« Anarchy is What States Make of It », 1992) L’anarchie n’est pas une donnée qui
s’impose aux États, mais quelque chose que les États construisent et entretiennent
avec leurs interactions. Il existe différents types d’anarchie en fonction des rapports
entre les États : lockéenne, hobbesienne ou kantienne. Ces anarchies sont plus ou
moins tempérées. Dès lors, le système international est déterminé par des croyances,
par des idées partagées, plutôt que par des forces matérielles. Dès lors, les
constructivistes proposent une vision centrée non sur l’individu, l’agent, ni sur la
structure. Ce qui est important, c’est de penser ensemble l’agent (l’État ou l’individu)
et la structure, ce que ne faisaient pas les théories réalistes et libérales. Ils vont
s’interroger sur l’autonomie des agents par rapport à la structure. L’agent crée la
structure par ses pratiques, mais est aussi contraint par la structure. Il y a co-
constitution de l’agent et de la structure. Dès lors, l’équilibre dans un système
découle des idées et des croyances partagées par les agents. Les constructivistes vont
donc s’intéresser à ces notions d’idée, de croyance, de principes partagés de deux
façons : en analysant leur formation, leur construction, et en analysant l’effet de ces
idées/croyances sur la pratique des États. On analyse par exemple l’idée des Droits de
l’Homme, et comment elle peut s’apparenter à une contrainte sur les États.
A la grande différence des autres théories, une place centrale est donc faite, chez les
constructivistes, aux idées, sans pour autant que les constructivistes soient idéalistes :
ils ne défendent pas des idées, mais montrent leur poids dans les pratiques des agents.

Ils affirment quelques points novateurs permettant de synthétiser l’idée


constructiviste :

- La politique mondiale est déterminée par des structures cognitives, par des
idées, des croyances, qui s’imposent dès lors qu’elles sont partagées par les
acteurs.

- Ces normes partagées ont des conséquences sur le comportement des acteurs
puisqu’elles façonnent leur intérêt : la notion d’intérêt n’est pas évacuée par les
constructivistes, mais l’intérêt est défini par des croyances.

- Les structures et les agents se co-construisent.


C’est sur ces bases que la démarche constructiviste s’impose extrêmement
rapidement dans les années 90, dans la mesure où elle satisfait un besoin critique face
aux théories dominantes, sans être aussi déstabilisantes que les théories radicales.
C’est pourquoi on considère la théorie constructiviste non comme une théorie en tant
que telle, mais comme une approche complémentaire qui viendrait faire la synthèse
entre réalisme et libéralisme. Elle n’explique pas concrètement les rapports de force
mais propose une démarche pour les étudier.

2ème partie : Acteurs et gouvernance dans l’espace international

Dans cette deuxième partie, nous nous intéresserons non seulement aux acteurs
de l’espace international mais aussi aux dynamiques de l’action : autrement dit, la
question du « qui » et du « comment ». On doit donc s’interroger sur la répartition du
pouvoir dans le système international : qui domine le cours des événements sur la
scène internationale ?
Dès lors, nous pourrons mesurer les « dynamiques centrales de l’espace
international » : coopération ou opposition ? Privatisation ? Juridicisation ?

La position de l’État comme acteur souverain est aujourd’hui contestée. Il faut


se poser la question de l’autorité de l’État, face aux nouveaux acteurs mais aussi face
à un fonctionnement progressivement redéfini sur la scène internationale, notamment
face au multilatéralisme, à la « gouvernance multi-niveaux », à la « régionalisation du
monde », autant de dynamiques qu’il faut interroger et qui traduiraient un profond
renouvellement du système international.

Chapitre 4. L’État, acteur central… mais dépassé ?

On a vu avec Dario Battistella que les ri sont les relations qui se déroulent au-
delà de l’ensemble contrôlé par les États, quel que soit l’acteur (étatique ou non)
concerné par ces relations. Les ri ne seraient donc plus uniquement caractérisées par
les relations entre États. Aujourd’hui, il n’est plus possible de réduire le système
international à un système d’États. Dès lors, si le système international n’est plus
inter-étatique, quel est-il ? L’État est-il concurrencé, transformé, ou encore dépassé ?
Le système international peut-il être fondé sur une autre entité que l’État ? La
souveraineté reste-t-elle l’élément organisateur du système international ?

4.1 L’État, ou la structuration du système international


L’État, comme construction historique, n’a pas de nature permanente.
Toutefois, il est en théorie le seul détenteur de l’usage légitime de la force. Il a
autorité politique librement exercée sur son territoire et sur sa population, et détient
une indépendance vis à vis de l’extérieur.
Cette forme d’organisation politique s’est progressivement imposée comme légitime,
jusqu’à apparaître comme universelle.

a. La souveraineté comme principe ordonnateur

La notion de système « inter-étatique » reflète le caractère exclusif des États, seuls


acteurs à exercer la souveraineté sur l’espace national. A partir du XVIIème siècle
(Traités de Westphalie) s’impose le système des États, délimités par des frontières
claires.L’ordre international apparaît dès lors comme régi par quelques principes
directeurs : la raison d’État et l’équilibre des puissances. Gantet affirme qu’il s’agit
d’un tournant dans la représentation du pouvoir et de la guerre, mais aussi dans
l’analyse des ri. On va désormais séparer le religieux et le politique, et avoir une
nouvelle compréhension de l’autorité, attachée exclusivement à l’État. La
souveraineté signifie que l’État dispose du pouvoir suprême sur son territoire et que
celui-ci lui est reconnu. (cf. Corée du Nord…)
L’article 2 de la charte des Nations-Unies dispose que toute menace contre l’intégrité
territoriale ou l’indépendance politique d’un État est interdite.

Pour Beaud, la souveraineté est un « concept dissymétrique, obéissant au principe de


commandement à l’intérieur et au principe de consentement à l’extérieur. » L’État est
libre de gérer ses affaires à l’intérieur de son territoire, mais si chaque État est son
propre maître, les États doivent cohabiter dans l’espace international. C’est là le
principe de l’anarchie.
La création des États est à mettre sur le compte -entre autres- des relations avec les
autres États. L’existence d’un État pousse les autres à se constituer en États.

b. La centralité des relations interétatiques

Aujourd’hui, il semblerait que l’ordre interétatique perdure malgré les changements


d’équilibre dans l’espace international. Le cas des négociations sur le nucléaire
iranien montre bien que de telles négociations se déroulent entre des États (France,
EU, Allemagne, notamment), et non entre d’autres groupements, de même que la
COP 23 : d’autres acteurs interviennent, mais ce sont les États qui mènent les
négociations et prennent des décisions. D’ailleurs, on continue de dessiner les
planisphères politiques comme un ensemble d’Etats, et non, par exemple,
d’organisations d’intégration régionale.
De même, devenir un État reste un enjeu pour des populations importantes
(Palestiniens, Kurdes, Catalans…), et les Nations-Unies sont composées d’Etats, pas
d’ONG, d’organisations d’intégration régionale, ou d’entreprises, nombre d’État
d’ailleurs sans cesse croissant. 197 États sont reconnus aujourd’hui par l’ONU, alors
qu’il n’existait que 50 États (existants, pas forcément membres de la SDN) au
moment de la guerre de 14-18.

Les relations entre les États se sont codifiées, jusqu’à organiser toutes les relations à
échelle mondiale.
Le premier exemple est la diplomatie, qui suppose la reconnaissance mutuelle des
États qui nouent des relations entre eux. La diplomatie est un des préalables pour
exister sur la scène internationale. Le statut de 2ème puissance diplomatique
mondiale, détenu par la France, accrédite son statut de grande puissance.
Second exemple, le droit international, qui correspond à des dispositions acceptées
par les États, qui les contraignent, mais que les États acceptent alors que cela enfreint
leur souveraineté parce que cela leur garantit une meilleure protection, une plus
grande stabilité des ri. De plus, l’existence de ce droit est en soi une reconnaissance
qu’il n’existe pas d’autorité supérieure aux États. Jusqu’à très récemment, le droit
international ne considérait que les États et non les individus. Cela a contribué à
rendre l’État incontournable et peut-être indéboulonnable.

c. Un acteur unifié et rationnel ?

Toutefois, malgré cette centralité de l’État, les RI n’ont qu’une définition réductrice
de celui-ci. On distingue deux principaux problèmes :
- On a tendance à concevoir l’État comme une entité purement rationnelle. Or, cette
vision consiste en une triple simplification
> On est conduits à voir l’État comme une entité unifiée et abstraite, au sein duquel
les acteurs seraient unifiés par l’objectif de l’intérêt général. Cette vision empêche de
concevoir la fragmentation de l’État (Ministre des affaires étrangères, corps
diplomatique, parlement, président de la République, pression des groupes
d’intérêt/de la société civile…). Cette fragmentation est déterminante dans
l’explication des actions des États.
> La politique étrangère est abusivement attribuée au seul chef de l’État/de
gouvernement. C’est d’ailleurs ce que font les journalistes et nombre de chercheurs.
En faisant cela, on personnifie à l’excès la politique étrangère, faisant abstraction de
son processus complexe d’élaboration. Par exemple, on parle de la « politique
étrangère de Trump », mais les corps diplomatiques sont en poste parfois depuis des
décennies, et peuvent même avoir une autonomie d’action.
> On limite la prise de décision du chef de l’État à un calcul rationnel, sur le mode
coûts/avantages. Or, les décisions de l’État renvoient certes en partie à un calcul, mais
aussi à des routines, à des procédures, mais également de calculs stratégiques
particuliers, de marchandage, ou en fonction de croyances et de prédispositions.
Graham Alison (Essence of decision, 1971) montre ce point avec l’analyse d’une
décision de Kennedy en 1962, lors de la crise des missiles de Cuba. Kennedy va
décider de mener un blocus par voie navale, empêchant les soviétiques d’acheminer
les pièces manquantes des missiles nucléaires.. Trois modèles pourraient expliquer
cette décision:
1 – La décision pourrait être rationnelle
2 – La décision résulte d’un processus organisationnel : une routine existait pour
mettre en place cette action, et c’est pourquoi elle a été menée. De même que les
soviétiques n’ont pas camouflé leurs missiles parce qu’ils n’avaient pas l’habitude
d’installer des missiles sur des territoires étrangers
3 – La décision pourrait bien résulter d’un marchandage politique au sein de
l‘administration. Dans ce cas, il faut abandonner la conception rationnelle et unifiée
de l’État. C’est ce modèle que privilégie Allison.

Si l’État est souverain en tant qu’entité, son fonctionnement n’est donc pas unitaire.
Or, cela joue dans l’arène internationale, cela ouvre le jeu politique.

4.2 Un impossible dépassement ?

L’ordre stato-centré est remis en cause par des phénomènes internationaux et


transnationaux. On pense notamment à l’avènement de la mondialisation et au
développement des entreprises privées. On peut aussi voir cette remise en cause en
constatant le poids de plus en plus important des entités non-étatiques diverses,
organisées en réseaux. Tout cela remet en cause l’autorité sans partage de l’État.
Plus fondamentalement, les enjeux transnationaux remettraient en cause l’importance
de l’État dans la mesure où l’autorité de l’État est par définition limitée à son
territoire. De plus, l’État serait trop peu représentatif de différents intérêts existant sur
chaque territoire.

a. Un modèle inadapté…

Une grande partie des critiques adressées à l’État portent sur son inadaptation
au monde contemporain. L’État est le produit des juristes et historiens de la vieille
Europe, puis a été exporté de façon globale. Or, cette généalogie en fait le produit
d’une époque particulière qui le limite, qui ne garantit pas l’adaptation de l’État dans
le temps, ni son caractère universel.

L’exportation/importation du modèle étatique poserait problème : dans la pratique,


l’apparente diffusion de l’État doit être remise en cause. De fait, il y a bien eu un
processus d’exportation de l’État, mais on peut questionner le succès de cette
exportation dans les sociétés extra-occidentales. L’État serait devenu une forme de
gouvernement « obligée », sans quoi on ne peut être reconnu comme autorité
politique. Or, les États extra-occidentaux auraient été créés alors qu’ils n’avaient pas
d’autorité sur leur population, et ils ne pèseraient pas le même poids que les États
européens et américains. Dans ce cas, l’État ne serait qu’une façade : on fait exister
les apparences d’un État, mais qui n’aurait pas d’autorité internationale ni d’autorité
sur son propre territoire. A titre d’exemple, on peut citer le cas somalien (les
différents groupements de domination n’arrivent pas à monopoliser le pouvoir), mais
aussi le cas du Cambodge (l’État est une coquille vide. On parle parfois, depuis
William Zartman, « d’État failli », mais on parle aussi d’État faible, ou de quasi-Etat)
Ainsi, les différents États ne renvoient pas du tout à la même réalité. De fait, certains
États se réduisent à des réseaux clientélaires qui amènent à une fragilité de l’État.
De plus, on connaît certains cas de rejet du modèle étatique : certaines sociétés ont
refusé l’État, considéré comme inadapté à leur territoire, et notamment en République
Démocratique du Congo. En RDC, dès les années 60, des acteurs locaux ont critiqué
la pertinence du projet de création d’un État en RDC, le territoire étant à la fois trop
grand et trop divers sur cet ancien territoire colonisé. Il s’est néanmoins mis en place
en définitive. Il en va de même en Afghanistan : les responsables étatiques sont
soutenus à bout de bras par des puissances étrangères, sans qu’ils soient légitimes aux
yeux des populations du territoire.

L’État, lorsqu’il a été diffusé, a été réapproprié. Les États sont donc des entités très
différentes, ce qui nuance d’autant plus l’idée d’universalisation de l’État.

Par ailleurs, l’État serait rejeté y compris dans les sociétés occidentales. On constate
ainsi de très nombreuses oppositions sub-nationales qui critiquent cette forme
d’organisation du pouvoir.

Un autre ordre de critiques porte sur les défis transnationaux. Le monde


contemporain serait multi-centré, et l’État n’y aurait plus qu’une place parmi
d’autres, ce qui renvoie à l’école transnationaliste/néolibérale. (Badie, Rosenav…)
Pour cette école, l’État, et particulièrement l’État-Nation, n’aurait plus les moyens de
contrôler les affaires du monde face au développement d’une gouvernance mondiale.
(cf. James Rosenav, Governance without government, 1992) Aujourd’hui, on verrait
se redévelopper une violence transnationale à travers le terrorisme et les mafias, qui
ferait concurrence à l’autorité de l’État, puisque celui-ci aurait du mal à juguler ces
violences. De plus, l’accroissement des flux économiques constitue aussi une menace
pour l’État, qui serait incapable de les contrôler. On peut ajouter l’importance des
flux migratoires, mais aussi les flux de communications (internet…) qui révèlent que
les barrières nationales et donc l’État sont inopérantes. (influence russe durant les
élections présidentielles américaines… (pas forcément établi)) L’État seul a donc des
pouvoirs limités pour gérer ces phénomènes transnationaux, surtout en l’absence de
coordination entre les États. On observe donc un dépassement du principe de
territorialité, d’où le fait que l’on qualifie parfois la communauté internationale non
plus comme une « communauté d’États civilisés » mais comme une « société civile
mondiale ».
b. … mais indépassable ?

Mais la création d’un nouveau modèle pose question, n’allons pas trop vite en
besogne ! La critique de l’État est marquée temporellement et est considérée comme
idéologique, notamment par Sami Cohen, auteur de « La résistance des Etats »
(2003). Pour lui, les transnationalistes émettent une critique idéologique et non
scientifique. Cette critique renvoie à deux phénomènes différents, que les
transnationalistes connecteraient par un lien de causalité non démontré :
- L’émergence de phénomènes transnationaux
- Le déclin de l’État-Nation

Or, il n’est pas démontré que l’une soit la cause de l’autre.

De plus, les transnationalistes exagéreraient la nouveauté des phénomènes


transnationaux. Ces phénomènes n’ont jamais empêché l’État d’exister. Par exemple,
la mondialisation ne remonte pas aux années 70 mais au XVIème siècle ! L’État n’est
pas dépassé par la mondialisation : celle-ci est constitutive de l’État. Certains acteurs
ont accompagné le développement de l’État.
Il n’y aurait pas de rupture entre les États et les nouveaux acteurs : il s’agit
simplement d’une croyance répandue, mais pas avérée.

Par ailleurs, les « nouveaux acteurs » sont décrits comme cohérents par les
transnationalistes. Or, cette catégorie est morcelée par des rapports à l’État très
différents, d’où une faible pertinence de la catégorie de « société civile ».

Les transnationalistes surévalueraient l’autorité antérieure de l’État, pour mieux


mettre en avant son déclin actuel. L’État n’a jamais eu un pouvoir absolu sur les
territoires ou les populations. « L’érosion de la souveraineté » telle qu’elle est décrite
suppose que l’État a possédé par le passé une souveraineté absolue. (Exemple :
mercenaires, corsaires, mafias…) Les États ont toujours créé des barrières limitant
leur souveraineté : dès le XVIème siècle, on crée le « droit dans la guerre » (jus in
bello. Cf. Grotius). Tout n’est donc pas permis lors d’une guerre. Les
transnationalistes prennent donc un idéal-type pour la réalité.

De plus, l’État conserve une emprise sur son territoire, et les États ont compris qu’ils
avaient intérêt à mettre en commun leurs souverainetés. Au surplus, les contestations
internes aux États visent bien souvent à créer… des États. (cf. Catalogne, Palestine,
etc.)

Ainsi, cette érosion partielle du pouvoir de l’État n’est pas forcément subie ! Elle
relève souvent d’un choix de l’État de limiter sa souveraineté. On l’a vu pour le droit
international, mais aussi pour la mondialisation : ce sont des États qui ont pris la
décision de réduire les droits de douane et de faciliter les échanges. Les États ne sont
pas les victimes, mais les auteurs de ces transformations.
L’État conserve quoi qu’il en soit une grande partie de son pouvoir. Les États ont la
possibilité de s’opposer aux décisions transnationales. Le protocole de Kyoto n’a,
par exemple, pas été ratifié par tous les États, notamment les EU

Chapitre 5. De « nouveaux » acteurs ?

Comme on l’a vu, l’État n’apparaît plus comme le seul acteur de la scène
internationale. Nous allons examiner ce phénomène du point de vue des « nouveaux
acteurs », dans la période très contemporaine, depuis les années 70.

I. Organisations internationales et non gouvernementales

1. Le pouvoir des organisations internationales (OI)

Les OI sont parfois appelées « organisations inter-étatiques » ou « organisations inter-


gouvernementales ». Elles sont des acteurs à part entière des ri, même si elles restent
composées d’États. Elles regroupent des souverainetés, sans nécessairement chercher
à les dépasser. Leur développement témoigne d’une prise de conscience de la part des
États : ceux-ci ont intérêt à traiter certaines question en mettant en commun leurs
souveraineté.

Organisations Internationales : « une organisation inter-étatique peut être définie, a


minima, comme une association volontaire d’États, dotée d’une administration
permanente qui coordonne leurs ressources et leurs actions afin de réaliser des
objectifs communs. » (Josepha Laroche)

Les OI ont donc des organes permanents, une localisation (un siège) : c’est ce qui les
différencie des forums comme le G20/G8. Elles ont une matérialité. Elles sont
fondées à la suite d’un acte volontaire constitutif qui fixe les statuts de cette
organisation. Ce sont donc des institutions formelles, juridiquement définies, créées
par des traités internationaux qui doivent être ratifiés par les États. La ratification se
distingue de la signature.
Les OI ont une personnalité juridique : bien qu’elles soient composées d’Etats
membres, elles sont distinctes de ces États, elles existent par elles-mêmes. Elles ont
des droits et des obligations, peuvent entretenir des relations diplomatiques, elles ont
donc une forme d’autorité.
De plus, les OI fonctionnent selon un principe de spécialité, ce sont des construction
ad hoc : elles sont créées dans un but précis. Dès lors, les compétences des OI sont
des « compétences d’attribution », au sens où elles n’ont comme compétences que
celles que les États veulent bien leur donner. Les OI ne peuvent pas s’auto-saisir d’un
nouveau domaine d’action. Par exemple, la Cour pénale internationale a été fondée
pour s’occuper de certaines problématiques de droit international, comme les crimes
de guerre/contre l’humanité/de génocide. Elle ne peut pas décider, demain matin, de
mener des politiques de développement en Amérique Latine. Les OI ont donc des
compétences réelles, qui créent un pouvoir, mais ces compétences sont limitées.
La catégorie « OI » regroupe par ailleurs des organisations très différentes :
- Certaines ont une vocation universelle, comme l’OMS
- Certaines ont une vocation régionale, comme l’UE ou la South African Defence
Community.

- Certaines ont une vocation générale, comme l’ONU (paix, développement,


éducation…)
- Certaines ont une vocation sectorielle, comme le FMI (questions financières) ou
l’OTAN (militaire)
- Certaines ont une vocation technique, comme l’Organisation Internationale de la
Météorologie

Historiquement, le développement des OI est lié au développement des


échanges et des technologies qui dépassent les frontières de l’État, nécessitant une
nouvelle forme de puissance publique pour gérer ces nouveautés. Le but était de
rationaliser les activités transfrontalières. Dans un premier temps, les organisations
internationales ont eu des vocations essentiellement techniques : la première OI était
la Commission Fluviale Internationale (1815), dont l’objectif était de gérer la
navigation sur le Rhin.
En 1865 se développe aussi l’Union Télégraphique Internationale, qui a pour objectif
d’accorder les normes techniques des appareils télégraphiques : les communications
dépassant les frontières des États, la standardisation des appareils apparaît nécessaire.
On voit qu’il s’agit bien de régler des problèmes techniques transnationaux.
Aujourd’hui, on compte environ 300 OI dans le monde, de deux types :
- Les OI de coopération intergouvernementale, auxquelles les États délèguent leur
souveraineté sur des points précis, ce qui laisse une très grande place aux États
(ONU…)
- Les OI d’intégration supranationale, où l’OI a beaucoup plus de pouvoir. Les États
ne délèguent pas une souveraineté mais transfèrent des compétences. L’OI possède
une forme d’autonomie vis à vis des États. L’exemple principale est l’UE, qui compte
des instances représentant directement l’UE et non les États membres, comme la
Commission Européenne. Dans ce cadre, les OI peuvent imposer des décisions aux
États membres, comme les directives européennes que les États membres doivent
respecter.

Le rôle des OI est donc très variable. On peut identifier trois grands rôles :
- Le rôle normatif : on établit des règles s’imposant à tous, mais qui sont parfois
rejetées par les États, comme étant non techniques mais politiques.
- Le rôle opérationnel : l’OI mène des actions concrètes, comme l’intervention dans
un État pour garantir la sécurité d’une population (ONU) ou la mise en place d’un
plan d’ajustements structurels (FMI) Toutefois, cela nécessite largement l’accord de
l’État hôte. Les actions menées contre la volonté de l’État hôte sont rares et difficiles
à mettre en place. Il faut par exemple démontrer que l’État hôte n’assure pas la
sécurité d’une population, recueillir l’approbation des États membres, etc
- Le rôle de contrôle : vérifier la conformité de l’action des États avec les
engagements qu’ils ont pris. Cela peut mener à des sanctions.

On peut se demander si ces OI sont porteuses d’une nouvelle diplomatie. Elles


peuvent en partie contraindre les États. De plus, elles participent à la socialisation des
États.
Mais dans la pratiques, les OI restent très liés à leurs États membres : elles dépendent
d’eux pour leur création, leur pouvoir et simplement pour leur financement.

Certes, les OI sélectionnent les nouveaux membres, et peuvent donc influer sur
les États en exigeant des prérequis à l’adhésion. On pense ici à l’UE et à ses rapports
à la Turquie et avec les PECO. L’État est incité à transformer ses actions.
Les OI créent des règles, donc des attentes « morales » voire des obligations. Par
exemple, le traité de non-prolifération permet de contraindre les États membres à
respecter les mesures prises, via des sanctions.
Du fait de leur spécialisation, les OI peuvent aussi avoir du pouvoir parce qu’elles
gèrent des thématiques délaissées par les États, venant donc pallier une forme
d’inaction gouvernementale. Par exemple, la gestion post-conflits n’a été reprise en
mains par les États que récemment.

Mais malgré la visibilité des OI, elles restent largement des instruments des
États. Par exemple, les États jouent sur les financements pour rappeler leur tutelle sur
les OI (Le « I want my money back ! » de Thatcher, qui visait à montrer l’autorité du
RU sur l’UE, ou la réduction du financement étasunien accordé à l’ONU sous la
présidence Trump). De plus, les États se servent des OI pour faire passer des
décisions d’intérêt national comme des décisions d’intérêt général. Un exemple
parlant est le FMI des années 90 : ayant une vocation universelle, il est repris en
mains par les EU et le RU pour diffuser la doctrine néolibérale. Pour cela, ils font
développer les « plans d’ajustements structurels », par exemple en Argentine, dont on
exige qu’elle réduise sa dette et mène des privatisations, non pas au nom des EU/du
RU mais au nom de la facilitation du commerce mondiale. Les OI apparaissent donc
parfois comme des sous-traitants des États. La mise en place des OI n’a donc pas
permis de renverser les grands équilibres sur la scène internationale. Elles ont plus un
pouvoir d’influence qu’un pouvoir de contrainte, pouvoir qui s’exprime souvent en
marge des États. Certains qualifient les OI « d’acteurs secondaires ».

2. L’importance croissante et discutable des ONG

Les ONG sont en quelque sorte le symbole des « nouveaux acteurs » des ri.
Aujourd’hui, il existerait plus de 38 000 ONG, dont le nombre a explosé ces 15
dernières années. Des analyses très divergentes sont développées quant à leur
influence et leur propension à être instrumentalisées par les États. On peut
comprendre les ONG comme une innovation du XXème siècle, même si elles sont
enracinées dans la philanthropie européenne et religieuse.
Leur principe fondateur est l’idée d’une forme de solidarité portée par un groupe
d’individus appartenant à plusieurs pays, et développant une activité sans but
lucratif. Elles se développent au nom d’enjeux dépassant les États, au nom de
l’humanité, notamment au nom des DDH.

On parle parfois d’ONG « corporatives », en ce qu’elles représentent un secteur/une


profession. On parle aussi d’ONG techniques, comme le Conseil international des
aéroports. Des ONG de nature savante, comme la Fondation Ford.

Le terme d’ONG naît après la GM2, mais le principe est plus ancien. Trois grands
modèles se distinguent :

- Le modèle des associations de solidarité internationale, développé à la fin du


XIXème siècle. Ce sont des associations à but non-lucratif, apolitique, se voulant à la
fois indépendantes des États mais aussi impartiales. Le premier exemple est le CICR
(Comité International de la Croix Rouge), visant à aider les victimes des conflits sans
se prononcer sur le conflit en question, ce qui a pu permettre d’être accepté dans un
premier temps.
- Le modèle « sans-frontiériste » , qui se développe dans les années 60, met au
contraire en avant son caractère politique. Le premier exemple date de 1967, et il
s’agit de Médecins Sans Frontières : certains refusent de jouer le jeu du CICR, qui les
empêchaient de désobéir à un État pour défendre les DDH et soigner tous les civils,
dans toutes les zones. C’est une rupture avec le modèle précédent. C’est ce qui
ouvrira la porte à l’idée de droit d’ingérence : il faut parfois protéger la population y
compris en s’opposant aux États. On s’affranchit à la fois de l’État d’origine et de
l’État hôte
- Le modèle qui se développe dans les années 90 avec la réappropriation non-
occidentale des ONG. Le statut d’ONG dépend paradoxalement des États. Il n’y a
plus, aujourd’hui, de modèle unique des ONG. Aujourd’hui, on peut différencier les
ONG en regardant leur caractère transnational : sont-elles réellement
transnationales ? Sont-elles dépendantes des États ou s’opposent-elles à lui en portant
des revendications de la société. Cela explique notamment l’importance des ONG
environnementales et humanitaires : ces thématiques n’étaient pas traitées par les
États dans les années 80/90. L’exemple fameux est Greenpeace.

Il n’y a plus de modèles uniques des ONG. Ce sont plus des modèles nationaux. Mais
on peut les différencier selon plusieurs caractéristiques :
- L’aire d’action
- Caractère transnationale : est-ce qu’elles sont vraiment transnationales ?
- Rapport à l’Etat : en coopération avec l’Etat ou en opposition avec lui 
o Revendication de causes dont l’Etat ne voudrait pas se saisir)  ça
explique le développement des ONG dans le domaine environnementale
(Greenpeace) ou humanitaire.

1- Partenaires ou concurrents des Etats


Les ONG se caractérisent par leur caractère non-gouvernemental  indépendance vis-
à-vis de l’Etat. Mais dans la pratique les liens de ces ONG avec les Etats sont très
forts. Ces liens peuvent être de différentes natures :
- Coopération
- Connivence
- Opposition
Comment les ONG exercent leur pouvoir et quels intérêts défendent-elles sur la scène
internationale?

Le pouvoir des ONG est surtout un pouvoir d’influence, notamment un pouvoir


d’influence par l’action. Cette influence s’exerce de manière différente en fonction
des ONG et des contextes. Ce pouvoir d’influence les renvoie au pouvoir des groupes
d’intérêts sur la scène nationale.
- Forme du lobbying. Par exemple lorsqu’elles obtiennent un statut consultatif
auprès d’une OI car ça leur permet de participer légitimement aux travaux
préparateurs (mise à l’agenda etc.) à ce titre on peut parler de lobbying
institutionnalisé car il est accepté et officiel. Ça permet 2 choses à l’ONG
o Influence relativement forte
o Visibilité sur la scène internationale
 On retrouve cette dimension dans l’ONU avec le conseil des droits de
l’Homme
Le plus souvent, ce lobbying s’exprime hors des institutions, avec des formes
plus classiques de mobilisation : manif, pétition. Ex : Greenpeace qui est
spécialisée dans cette visibilité protestataires
Ce pouvoir du lobbying est par ailleurs renforcé par l’apparent capital de
sympathie attribué aux ONG : elles défendraient des valeurs de manière
désintéressée.
Mais on parle aussi d’Ingérence humanitaire  MSF qui dit qu’au nom des
valeurs humaines il faut pouvoir d’ingérer dans les affaires d’un Etat. Donc au
départ principe qui vient des ONG mais il va être institutionnalisé aujourd'hui
on parle de « Responsabilty to Protect » = R2P. ce principe est donc promu et
reconnu aujourd'hui comme un principe fondateur des OI.
- Influence par la mise en œuvre des actions. Concrètement on voit que bien
souvent les ONG agissent sur le terrain comme des sous-traitant des Etats ou
des OI car ils n’ont pas les moyens de le faire et car les ONG ont un savoir-
faire et une expérience de terrain puisqu’elles sont spécifiques. Du coup on
leur remet des programmes d’actions décidé par d’autres, qu’elles peuvent
accepter ou non. Du coup elles ont une certaine marge de manœuvre. On a pu
observer que les ONG, parce que ce sont elles qui interviennent, modifie des
situations  elles ont un pouvoir par l’action et dans l’action.
- Influence via la participation et la production du droit, notamment du droit
international. Travail de consultation, d’alerte ou d’expertise et participe ainsi à
la production des normes
o Étant considérées comme expertes d’un sujet, elles sont consultées par
les Etats ou par les organisations internationales et peuvent ainsi imposer
leur point de vue.
o Influence notamment sur la question du réchauffement climatique. Mais
le plus important c’est l’exemple de la coalition citoyenne qui a permis
l’interdiction des mines anti-personnelles : convention d’Ottawa en
1997. Appelle à leur interdiction car touche surtout des civils. Judy
WILLIAMS, la porte-parole d ce groupement, de cette coalition d’ONG
obtient le prix-Nobel de la paix. Puisqu’elle gagne influe sur la création
de la loi

a- Poids relatif
Poids de ces ONG relatif : à la fin ce sont les Etats qui signent ou non les traités :
les Etats consultent potentiellement ces ONG, peuvent les entendre mais ce sont les
Etats qui décident.

Toutes les ONG les plus influentes sont implantées dans les pays du Nord :
- Plus grande assise financière
- Structure administrative plus développée
- Capacité de mobilisation des médias plus importante
- Là que sont situés les Etats les plus influents et souvent les ONG passent par
leurs Etats d’origines pour porter leurs revendications, afin que ce soit l’Etat
lui-même qui porte les revendications.
Influence ponctuelle et limitée à leur domaine de compétence, le seul où on leur
reconnaît une légitimité.

b- Plusieurs typologies ont été développées pour mieux


transposer cette dépendance aux Etats et leur influence
DONGOs = Donor Organize NGOs = ONG très dépendantes de leurs donateurs et
de leur source de financement. On les critique en disant qu’elles ne portent pas
l’intérêts de leur organisation mais de leurs donateurs, qui peut ‘ailleurs être un Etat.
Plus les financements sont divers moins elles sont dépendantes d’eux.
BONGOs = Business Oriented NGOs = grand paravent de grandes sociétés et
firmes privés, ou de lobbys industriels  il y en a de + en +
GONGOs = Governmentor NGOs = ONG gouvernementales  ne sert qu’à
permettre l’influence et l’ingérece de l’Etat
MONGOs = My own NGOs = genre pour améliorer son image personnelle

Johanna SIMEANT : beaucoup travaillé sur le financement des ONG. Elle a montré
que même si elles se revendique transnationales, leur financement est très lié à l’Etat
d’origine. Elles sont donc très liées aux pratiques et aux modes de pensées de leur
Etat d’origine. Par ex pour MSF il y a des subdivisions nationales (MSF France, MSF
Suisse etc.) il faut donc nuancer le caractère international.

 on peut donc avoir des ONG sur la scène internationale qui sont fictives et d’autres
qui ne sont pas forcément altruiste ou apolitique. Elles peuvent servir de politique
étrangère pour les Etats. Plein d’ex dans les années 90 : au moment de la chute du
mur Allemagne : vague de démocratisation. Or il a été montré après que le secrétariat
d’Etat USA a tenté de stimuler cette démocratisation en finançant des ONG
(notamment l’Open Society Institute)

Ce caractère autonome doit être relativisé car lorsque les ONG cherchent de
l’influence elles restent souvent limitées par leur capacité de financement. Leur
pouvoir d’influence existe mais ne peut pas réellement être détaché des Etats.
Finalement, malgré l’existence de nouveaux acteurs transnationaux, à vocation
universelle, malgré leur action de plus en plus visible dans ces espaces
internationaux. Malgré ça le pouvoir dans l’espace internationale reste concentré dans
les pays du Nord. L’émergence de ces nouveaux acteurs ne signifie pas forcément de
nouveaux rapports de forces sur la scène internationale.

Les Etats les plus influents dans les ONG :


- Par ex Etats membres de l’ONU, le pouvoir reste concentré dans 5 pays du
nord. On voit la même chose pour le FMI, la règle est censée être un Etat = une
voix mais au FMI c’est ceux qui donne le plus d’argent qui ont le plus de poids
 donc les Etats du Nord, dont USA
II/ Firmes multinationales, individus, et mobilisations transnationales
Le pouvoir de ces acteurs s’accroît lui aussi dans les années 70 et qui s’exprime plus
fortement dans les années 90.
A) Une diplomatie des firmes ?
Les acteurs éco et donc les firmes jouent un rôle de + en + politique sur la scène
internationale. Pouvoir politique accrue qui s’est développement avec l‘accélération
de la mondialisation car les Etats contrôlent assez peu le processus de production et
semble exclus des échanges internationaux. On parle alors de dissociation entre les
territoires et les intérêts économiques et on met sans cesse en avant ce pouvoir des
firmes multinationales.

1- La définition et la compréhension du développement de ces


firmes multinationales
C’est un constat de dire qu’aujourd'hui elles sont des opérateurs visibles et
incontournable des Relations Internationales mais elles sont pourtant assez peu
définies.

1976 Charles-Albert MICHALET « entreprise le plus souvent de grande taille qui à


partir d’une base nationale, a implanté à l’étranger plusieurs filiales, dans plusieurs
pays, avec une stratégie et une organisation conçus à l’échelle mondiale »
- Pas juste une entreprise qui exporte mais bien qui est implantée dans différents
pays
- Et qui développement une stratégie adaptée à cette implantation multiple  qui
développement une stratégie proprement global

Le terme de firme multinationale est aujourd'hui utilisé à tort et à travers. On oublie


par ailleurs qu’il s’agit d’un terme indigène = c'est-à-dire qui provient, qui est
produit par les acteurs eux-mêmes. Ce terme est en effet inventé par la société IBM
dans les années 60 ?? pour montrer que ce n’était pas seulement une boîte USA mais
bien internationale. Tout comme les ONG elles sont souvent très liées à leur Etat
d’origine et donc il faut relativiser leur indépendance par rapport aux Etats.

Dans les années 80, on constate que ces sociétés sont des groupes très puissants, dont
la puissance ne fait que s’accroître grâce à la libéralisation de la finance et de
l’absence de régulation sur les capitaux.

2- Prendre la mesure de leur puissance


Elles exercent un pouvoir hors de l’Etat et sur les Etats. Car elles ont le choix
d’invertir là où elles veulent : où elles s’installent, produisent etc. puis une fois
qu’elles sont déplacées, rien ne les empêchent de se déplacer d’un territoire à un
autre. Peu le font mais beaucoup jouent sur ce chantage de localisation, de
domiciliation financière (on voit ça avec les Paradise / Panana papers).
Ce chantage a des conséquences par ce que l’implantation de ces firmes détermine en
partie le niveau d’activité économique d’un pays. Le volume de production,
d’exportation et le nombre d’emplois augmente dans le pays host. Il y a donc bien un
enjeu pour les Etats, surtout dans un contexte de crise.
Elles ont donc une influence à la fois directe et indirecte sur les politiques publiques
des Etats. Les Etats vont donc se spécialiser. Par exemple certains Etat se spécialisent
sur l’aspect financiers et deviennent des paradis fiscaux. Les entreprises poussent les
Etats à réduire les protections sociales, les salaires, limiter les syndicats etc.
Susan STRANGE : elle a développée l’économique politique internationale et a
travaillé sur le rôle politique des entreprises dans les relations internationales.
Elle montre que l’Etat n’est pas le seul décideur et doit composer avec ces
entreprises. Ils doivent composer avec ces entreprises car es Etats ne sont pas ceux
qui produisent : il se sont retirés des domaines de productions. Susan montre
également que les transferts de capitaux de ces entreprises ont un impact important y
compris sur ces Etats, redéfinition de la répartition des richesses à l’échelle du globe.
Ça échappe aux Etats et réduit leurs manœuvres financières.
Montre également qu’elles ont un impact direct sur le social, notamment via la
gestion sociale de leurs employés : tendance à homogénéiser et tirer vers le bas les
normes concurrentielles.

Ce pouvoir peut s’exprimer de manière directe ou indirecte (Apple qui demande à


négocier directement avec l’Irlande) mais aussi de manière indirecte car les Etats
anticipe cette mise en concurrence et adopte des dispositions favorables aux
entreprises (ex du TAFTA, CETA etc).

Cette influence s’exerce par l’argent notamment (pas seulement par corruption), la
situation géographique (sièges tout autour du parlement européen de Bruxelles)

3- Transformation de la diplomatie
Aujourd'hui la diplomatie serait triangulaire, (state-state / state-firm / firm-firm) elle
se passerait entre Etats et se développerai entre l’Etat et les firmes. Cette diplomatie
entre Etats/firmes témoigne d’une dépendance des Etats. Laurent FABIUS a rattaché
la diplomatie économique aux ministères des affaires étrangères.
Diplomatie entre firme, notamment au sein des GAFA (= Google Amazon, Facebook,
Apple). 

Selon elle, ça ne serait plus la force militaire qui compte dans l’espace international.
Ce n’est plus la force qui amènerait la richesse mais la richesse amènerait le pouvoir
ce qui amènerait à une redéfinition totale des équilibres économiques sur la scène
internationale. Malgré tout elle reconnait que les Etats conservent une marge de
manœuvre. Car ce sont les Etats qui décident et qui créent les règles.

4- Un pouvoir limité
Les Etats décident des règles.
Avec le soutien même de leurs Etats. Les Etats ont tendance à favoriser les firmes qui
sont implantées sur leur territoire (voyage d’affaire des président).
B) Le retour de l’individu dans les relations internationales
A partir des années 80 et 90 les individus s’imposent. De plus en plus on observe un
renouveau d’une forme de participation non-conventionnelle dans l’espace
international. C'est-à-dire l’expression croissante d’un pouvoir qui s’exprime hors des
arènes traditionnelles de négociations. Car ce pouvoir se rééquilibre assez tôt. Le fait
que y’ai de nouveaux acteurs ne voulaient pas forcément dire qu’il y avait un
nouveau rapport de force du coup ça mène les individus à se mobiliser pour renverser
ces rapports de forces justement.

1- Le pouvoir des individus isolés


L’individu est une figure qui a longtemps été invisible en Relations Internationales.
L’échelon de pouvoir c’était l’Etat et c’est seulement depuis les années 80 qu’on le
considère comme un nouvel échelon de pouvoir légitime dans l’espace international.

James ROSENAU montre que les individus auraient de nouvelles capacités : seraient
mieux informés, mieux formés etc. et donc l’individu serait plus à même d’exprimer
son autorité et son pouvoir. Et donc selon lui ça transformerait profondément l’espace
international car ça créerait des turbulences. Ces individus auraient surtout un
pouvoir de contestation (des Etats, des équilibres de pouvoirs existant). Ce pouvoir
serait renforcé par le fait qu’on est dans un monde multipolaire.

Pour autant il existe des cas ou des individus seuls peuvent peser dans l’espace
international. C’est lié à des situation/ individus qui possèdent déjà un capital
symbolique, social important. Il y a notamment 2 catégories :
- Les experts internationaux  on lui reconnaît des compétences dans un
domaine (même s’il les a pas, à l’inverse d’autres ont des compétences mais ne
sont pas reconnus). Leur pouvoir s’exprime parce que ces experts vont cadrer
le problème et définir des solutions
- Figures médiatiques porte beaucoup. Notamment les Prix Nobel : distinction
symbolique qui donne un poids, une légitimité à parler au nom de tous. Pareil
pour les grands chefs d’Etats, d’entreprise (ex : Bill GATES). DAVOS 
capital symbolique qui permet aux individus d’être écoutés
2. Des mobilisations transnationales comme nouveaux lieux de pouvoir

Le pouvoir des individus ne s'exprime pas toujours contre l'Etat et peut aussi
s'agréger pour former des mobilisations transnationales. La question des mouvements
sociaux nous intéresse ici dans la seule mesure où elle traverse les frontières: certains
auteurs parlent de "transnationalisation de l'action collective". Ces mouvements
dépasseraient les Etats plutôt que de les mettre en rapports (transnationalisme et non
internationalisme), et mettent en rapport des individus directement en rapport, de
façon autonome vis à vis des Etats.
Dans les années 90, on a observé une multiplication de ces mobilsiations sur
l'ensemble de la planète. On peut examiner quatre cas:
- En 2001, le premier Forum Social Mondial à Porto Allegre (Brésil) pour contrer le
Forum de Davos. Son but est de représenter les peuples. On considère que c'est un
moment important pour le mouvement altermondialiste
- 1997, campagne de mobilisation nationale mais coordonnée entre les Etats (les
mobilisations ont lieu en même temps) contre l'Accord Multilatéral sur
l'Investissement (AMI, accord de type TAFTA), mobilisation victorieuse qui mène à
une suspension des négociations en 1998
- En 1998, les très grandes manifestations contre le sommet de l'OMC à Seattle. En
marge de ce sommet, de très nombreux groupes vont tenter d'empêcher le
déroulement de ce sommet et vont médiatiser cette opposition, qualifiée de
"violente"par les pouvoirs publics.
- En 2001, les manifestations contre le sommet du G8 à Gênes, en Italie.
Mobilisations importantes qui auraient réuni entre 100 000 et 300 000 personnes
contre le G8, avec une répression policière très importante avec plusieurs centaines
de blessés et un mort.

On considère que ces nouvelles mobilisations transnationales représente de nouveaux


modes d'expression politique et donc de nouveaux « lieu du pouvoir » du point des
RI.
Johanna Simeant montre que ces mouvements transnationaux visent à défendre une
cause, sont des entrepreneurs de cause. Elles sont porteuses (à l’image des NMS) de
nouvelles thématiques, de nouveaux intérêts. Elles sont centrées sur les problèmes
des individus et sur des questions de valeurs. Elles sont des mobilisations organisées
dans la durée. Ce sont des actions collectives intentionnelles qui regroupent des
individus en fonction de leurs croyances (par opposition à celles qui regroupent
autour d’intérêts)
Ces mouvements s’internationalisent et se professionnalisent dans les années 80. Ils
se développent pour la plupart en contestation de l’État, en concurrence avec
l’autorité de l’État. Ils sont aussi liés à la facilité matérielle de développer de tels
mouvements.

Ces mouvements ont pour but non pas d’agir directement mais d’influencer les
décideurs publics, et ce avec trois stratégies :
- La stratégie des pertes matérielles : infliger des dommages matériels pour que les
partenaires économiques qui les subissent fassent pression sur les pouvoirs publics
afin qu’ils fassent cesser ces pertes.
- La diffusion des convictions : la logique du nombre joue ici. Il s’agit de manifester
en masses et pacifiquement pour montrer l’ampleur de la désapprobation.
- L’interpellation des dirigeants : pétitions, lettres adressées aux dirigeants pour
mettre en avant certaines idées.

Autour de ces mobilisations, la notion de « Transnational advocacy networks »


(TAN) a été créée par Margaret Keck et Kathryn Sikkink, et désigne le
développement de réseaux de plaidoyers transnationaux. Ces réseaux seraient
constitués part des chercheurs, des acteurs religieux, économiques ou des militants,
qui se regroupent autour de la défense de certaines valeurs, et non la défense d’un
intérêt matériel. (vision idéaliste des mouvements sociaux) ils viseraient à faire
émerger des problèmes et surtout à les cadrer pour qu’ils soient compris dans les
termes voulu par les autorités et entendus comme des problèmes politiques
Ils sont de plus en plus influents sur les politiques publiques. D’abord parce qu’ils
permettent de dépasser les blocages entre les groupes locaux et leur gouvernements.
Quand c’est impossible, ils cherchent des ressources hors de l’État d’origine, ce qui
permet d’exercer une pression différente sur lui.
Les mobilisations autour des terres rares en Amérique latine sont un exemple : on
cherche à faire entendre une cause au Nord pour qu’il y ait des effets sur leur pays
d’origine. Le but est de déplacer les blocages locaux (« Effet boomerang »)

Ces réseaux agissent de manière professionnelle : ils sont initiés par des
entrepreneurs politiques qui ont des ressources et peuvent regrouper des acteurs.

Malgré leur influence, ils rappellent à quel point les pays du Nord restent
incontournables : la stratégie du boomerang implique de faire entendre sa cause
auprès d’eux.

Toutefois, la transformation des rapports de forces est limitée. L’État reste influent
puisque c’est toujours auprès de lui qu’il s’agit de se mobiliser.

La COP21 regroupait des États, mais aussi des ONG, des FTN, des réseaux de
plaidoyers, etc. Mais ils ne sont pas tous influents de la même manière : la
multiplicité des acteurs occulte la présence forte des ONG environnementales, les
groupes de recherches, puis les entreprises.Ces organisations provenaient
majoritairement d’Europe et d’Amérique du nord : ce sont donc les États qui polluent
le plus (Canada, Chine, US…) qui ont l’influence la plus importante. Si les accords
sont passés sans eux, ils auront peu de valeur. Cela place ces États en position de
force.

En conclusion, on a vu que les dynamiques qui mènent à l’émergence des acteurs


privés mettent en valeur l’idée d’un retrait de l’État. Mais cette idée doit être nuancée
. Si l’État est critiqué, il n’est pas encore totalement dépassé.
On devrait moins parler d’un retrait de l’État que d’un redéploiement de l’État : les
États ne sont pas forcément les victimes de la dé-territorialisation. De plus, ils ne sont
pas nécessairement contraints puisqu’ils peuvent se servir des nouveaux acteurs (OI,
ONG…) pour exprimer leur pouvoir.

Chapitre 6 : coopération et multilatéralisme : l’émergence d’une gouvernance


globale ?

Le pouvoir est une notion relative : on ne peut le mesurer que par rapport à
d’autres pouvoirs. La coopération et le conflit sont les deux modalités d’interaction
entre les États eux-mêmes, et entre les États et les nouveaux acteurs. Dans les deux
cas, ces relations régulent l’espace international, et donnent lieu au développement de
tout un ensemble d’institutions qui permettent de comprendre l’état du système
international actuel.
Aujourd’hui, ce sont très largement les mécanismes de coopération qui se sont
imposés, jusqu’à devenir dominants dans l’espace international. Se pose la question
d’une gouvernance globale, c’est à dire du développement ou non d’une modalité de
gestion nouvelle des problèmes internationaux qui dépasserait l’État. Autrement dit,
peut-on dire qu’émerge aujourd’hui un gouvernement mondial ?

C’est la question que s’est posé le constructiviste Alexander Wendt avec son article
« Why a World State is inevitable ».

I. Des rapports de coopération multiformes

Le développement des rapports de coopération ne signifie pas l’absence de conflits


ou d’oppositions, puisque cette coopération, comme l’ont montré les théoriciens
néolibéraux dans les années 70, est avant tout le fruit des volontés nationales. Elle
reflète avant tout la volonté de servir son intérêt en coopérant. Les États et l’ensemble
des acteurs vont travailler de concert… mais pas forcément en harmonie. Le
consensus ne signifie pas que tout le monde est d’accord mais que tout le monde suit
la même position.

La notion de coopération est théorisée par les néolibéraux et notamment Robert


Keohane : La coopération correspond à « l’action d’entités mises en conformité les
unes aux autres à travers des processus de négociations, afin de faciliter la poursuite
de leurs intérêts ».
Quand il n’y a plus d’hégémonie, il ne peut y avoir que la coopération ou la discorde.
Trois idées importantes dans cette définition :
1- La mise en conformités
2- La négociation
3- La poursuite de ses intérêts
Dès lors, il faut bien noter que ce n’est pas parce que l’on coopère que l’intérêt
disparaît.
Pour Keohane, la mise en œuvre d’une politique par un État suit ses intérêts propres.
Dès lors, cette politique s’oppose aux intérêts des autres États. Dans cette situation,
les États ont plusieurs possibilités : ne pas ajuster leurs politiques (discorde), essayer
de coopérer sans arriver à se mettre d’accord, ou bien réussir à ajuster les politiques :
c’est la coopération. Si on suit cette idée, la démarche de coopération ne doit pas être
comprise comme une politique publique : elle ne résulte pas d’objectifs
communs/partagés. Dans la coopération, il s’agit simplement, pour les différents
acteurs, de mettre en conformité des politiques différentes suivant des intérêts
divergents. Dès lors, la coopération n’est possible que lorsque les États y trouvent un
intérêts personnel.

La coopération relève aussi d’une processus politique : elle ne procède pas seulement
du marchandage mais aussi d’un travail de conviction, puisque l’on veut amener
l’autre à s’aligner sur notre position.

La coopération s’est surtout développée après la GM2 jusqu’à devenir le principe


d’action le plus valorisé/légitime. Elle s’est imposée face au besoin de mettre en
commun les politiques parce que les problèmes sont plus techniques, qu’ils sont
transnationaux (climat, terrorisme…) et parce qu’il existe une volonté
d’institutionnaliser les rapports internationaux.

Pour les transnationalistes, nous serions passés de rapports de coexistence à des


rapports de coopération institutionnalisée. Ce qui ne veut pas dire que les autres
modes d’interaction (coexistence, guerre, isolationnisme…) aient disparu, mais que la
coopération a pris le dessus.

Ces modes de coopération sont de nature différentes :

- Historiquement, ce sont surtout des formes lâches qui se sont développées, au sens
où elles laissaient une large indépendance aux acteurs et leur assuraient l’absence de
transferts de souveraineté. On est bien loin de toute idée de politiques communes
d’intégration. Cela s’est traduit par le développement des alliances, par la coexistence
pacifique et par le complexe de sécurité
> L’alliance est le mode de coopération qui caractérise le XIXème siècle : il s’agit ici
d’un regroupement restreint d’États sur une durée réduite. Leur but est de garantir
l’équilibre des pouvoirs. Les États souverains se mettent d’accord pour qu’en cas
d’agression d’un État membre de l’alliance, les autres membres viennent le soutenir.
On espère que cela rende illusoire le développement d’un conflit. L’alliance a donc
avant tout une nature militaire. Aujourd’hui, le principe de l’alliance a changé, et est
régulé par l’article 51 de la Charte des Nations-Unies : il affirme que l’alliance est
possible mais doit se limiter à des cas de légitime défense et être transparente. On ne
peut pas nouer d’alliance dans le but d’agresser un État et/ou nouées en secret. Les
alliances actuelles sont plus durables, comme le montre le cas de l’OTAN. Elle
comprenait 12 membres au départ, et aujourd’hui 29 : elle a survécu à l’existence de
la menace soviétique. De plus, les alliances d’aujourd’hui seraient possibles du fait
du partage de certaines valeurs. Autrement dit, elles participent à une mise en
commun des États, de leurs intérêts, sans contrevenir à leur souveraineté.
> La co-existence pacifique s’est développée pendant certaines périodes de la Guerre
Froide, notamment la période 1953-1962 et durant la « détente ». Durant de telles
périodes, on a bien une situation de coopération entre les EU et l’URSS : pas de
combats directs entre ces deux puissances, mais aussi passage d’une logique de
l’ennemi à une logique de l’adversaire. En RI, l’ennemi est celui avec qui on ne peut
pas discuter, alors que l’adversaire est potentiellement légitime. On est en désaccord
avec lui mais on reconnaît son existence.Et en effet, les EU et l’URSS vont poser des
règles à leur opposition, et ne vont pas chercher leur destruction mutuelle. On a une
relative mise en conformité des politiques des acteurs, puisque chacun exclue l’idée
de détruire l’autre. C’est pourquoi on a pu développer des accords entre ces États
malgré la GF : les accords SALT/START sur la réduction de l’armement nucléaire
notamment. C’est bien une forme de coopération, même si elle est fragile.
> Les « complexes de sécurité » ont été théorisés par Barry Buzan. Pour Buzan, à
l’intérieur d’une même zone géographique, les pays sont en confrontation pour leur
sécurité : augmenter ma sécurité va diminuer celle des autres. Dès lors, ces États
seraient dans une situation d’interdépendance : ma sécurité est liée à ce que font les
autres. Pour Buzan, les problèmes de sécurité dépendent avant tout du voisinage
immédiat. Dès lors, être en sécurité passe par le développement d’ententes, d’accords
régionaux sur la sécurité. On va partager des bases communes pour éviter une montée
des conflictualités. Ici, ce qui est important est l’attitude des autres États : l’État
n’agit pas isolément mais en fonction des autres.

On voit que l’idée de coopération n’est ni nouvelle ni uniforme. Dès le début du


système westphallien, les États ont cherché à limiter la possibilité d’une guerre,
développant des systèmes de coopération. Pour autant, on a pu voir que plus
récemment, se sont développées des formes plus abouties de coopération. Les États
ont cherché à aller plus loin que la simple mise en conformité de leurs politiques : ils
ont cherché à promouvoir des solutions communes, à niveau régional ou
international. Ce faisant, après la fin de la GM2, la mise en conformité des intérêts est
allée jusqu’à la proposition de politiques communes au nom de la défense d’un intérêt
général, et non plus d’un intérêt particulier. Ces types de coopération sont les
fondements des OI.

La théorie des régimes est un cas de coopération plus avancée. Elle propose une
analyse plus large et plus concrète que la simple interdépendance entre les États. En
effet, il ne s’agit plus simplement de la mise en conformité des intérêts, mais aussi du
développement de politiques sur la base d’intérêts communs. Les institutions
(formelles ou informelles) qui en procèdent seraient basées sur des principes
fondateurs à partir desquels sont définis des pratiques légitimes. Quatre composantes
permettent à un régime d’exister :

- L’existence de principes partagés/de croyances communes


- L’existence de normes de comportement
- L’existence de règles permettant au régime de fonctionner
- L’existence de procédures de décision

Les régimes ne sont donc pas seulement liés à des valeurs mais aussi à des
instruments. Dès lors, on peut comprendre que le but des régimes est de faciliter la
coopération par la mise en place de recommandations précises pour ceux qui
souhaitent y adhérer. En plus de ces règles, le régime tend à faire converger les
attentes des acteurs. Stephen Krasner (International regime, 1983) propose une
synthèse de la notion de régime, dont il donne une définition :
«  Ensemble de principes, de normes, de règles, et de procédures de décision,
implicites ou explicites, autour desquels les attentes des acteurs convergent dans un
domaine donné. »

On peut prendre l’exemple du régime climatique : entre des États, des ONG, et des
OI, il existe des croyances partagées : le réchauffement climatique serait le fait des
activités humaines, et il s’agirait de réduire les émissions de CO 2 . Quant aux règles,
on peut penser à la déclaration de Rio et au Protocole de Kyoto, ou encore à l’Accord
de Paris. Quant aux procédures, elles sont définies par la Convention Cadre des
Nations-Unis pour le Changement Climatique (CCNUCC)
On peut aussi citer le « régime de non-prolifération nucléaire » (on voit que le terme
de régime est repris. Principes : les armes nucléaires se sont diffusées, ce qui
constituerait un danger. Normes : ne pas favoriser la prolifération nucléaire. (ne pas
chercher à la développer pour ceux qui n’ont pas l’arme atomique, et ne pas la
diffuser pour ceux qui l’ont) Règles : définies par le Traité de Non-Prolifération
(TNP) et par l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique (AIEA)

On souligne qu’ici, les États ne sont pas les seuls acteurs des régimes. On cite aussi :
les experts, les OI, les ONG…
La théorie des régimes a été assez rapidement critiquée : cette théorie s’est
développée dans les années 70, au moment du renouveau de la théorie néolibérale,
moment où l’on croit qu’il peut se développer, sur la scène internationale, une
coopération moins égoïste, ou que les égoïsmes nationaux vont être dépassés
« chemin faisant » (sic) par des formes de solidarité transnationale.
La critique la plus forte a été émise par Suzan Strange, pour qui la notion avait un
caractère très statique : elle permet avant tout de penser le statu quo, sans voir les
dynamiques de coopération.

Reste que la théorie des régimes a renouvelé l’analyse de la coopération. Ces travaux
montrent que l’État n’est plus efficient s’il agit seul. On développe la notion de
« gouvernance globale », censée saisir l’action au-delà des États.

II. Gouvernance et action publique multilatérale

Cette question soulève celle des rapports de force dans un espace qui
s’internationalise. Les acteurs seraient sur un pied d’égalité (???).

Toutefois, les acteurs ont un rayonnement plus ou moins important : local, national
voire international.

L’idée de gouvernance est pensée par opposition au gouvernement. Elle serait portée
par des actions multilatérales et par les OI.

1. La gouvernance comme mode ultime de coopération ?

Le terme de « gouvernance » est devenu un lieu commun. Il désigne un mode ultime


de coopération/régulation qui serait apte à répondre au dépassement des frontières et
de l’État. Pour autant, elle reste très polysémique et donc peu explicative. Elle est
aussi plutôt un terme politique/idéologique, qui montrerait l’existence une tendance
vers l’ordre international.
On parle souvent de « bonne gouvernance », c’est à dire des bonnes pratiques
(normatif) telles que définies par la Banque Mondiale ou le FMI.
En politiques publiques, la « gouvernance » renvoie à un processus
d’accommodement des intérêts entre des individus et des institutions à la fois privées
et publiques.

Mais dans la perspective plus proche des RI, la notion a été précisée par James
Roseneau et Erntz Czempiel, qui définissent la gouvernance comme un ensemble de
régulations fonctionnant même si elles n’émanent pas d’une autorité officielle,
produites par la prolifération de réseaux dans un monde de plus en plus
interdépendant.
Avec cette notion, on prend le risque de croire que se mettrait en place un
gouvernement mondial, qui renforcerait le pouvoir des États. Au contraire, la notion
de gouvernance renvoie plutôt à l’idée de « gouverner sans gouvernement »
(Governance without government), mais pas sans États. Dès lors, apparaîtrait sur la
scène internationale une nouvelle forme d’autorité résultant de la coopération entre
acteurs étatiques et non-étatiques. Cela passerait plus par des régulations que par des
lois, et l’on gouvernerait désormais en combinant des textes de nature et de sources
différentes. Cela fonctionnerait davantage sur le mode du consensus que sur celui de
la coercition. Elle se déroulerait néanmoins sur des sujets précis, et permettrait plutôt
la régulation du monde que sa direction. Il n’y aurait pas d’acteurs dominants dans les
réseaux qui produisent ces règles.

Néanmoins, cette notion est très imprécise et n’explique pas comment les
arrangements se passent, quelles sont les relations entre les acteurs. Elle a tendance à
placer tous les acteurs sur un pied d’égalité. Jamais on n’évoque les relations de
dépendance entre les différents acteurs et les rapports de force.
En réalité, on constate que les États qui dominent les échanges continuent de
dominer à l’intérieur des mécanismes de gouvernance et donc à imposer leurs
régulations. Par exemple, les normes ISO sont produites par les entreprises en accord
avec les États et les OI, mais sont en fait avant tout créées par les États-Unis et leurs
entreprises.

L’idée de « gouvernance globale », souvent évoquée, trouve pourtant peu de cas


réellement existants. Quelques exemples existent néanmoins :
- Le Forest Stewardship Concil vise à à garantir une gestion durable des forêts.
- Pour la sécurité privée, s’est développée un Code de conduite international qui a été
produite non pas qu part des États mais aussi des ONG et entreprises de sécurité.

2. Une action publique au-delà des États ?

La gouvernance pose la question des stratégies utilisées au niveau international, et


des politiques publiques menées au-delà des États sur la base d’intérêts partagés. Est-
il possible de parler de politiques « publiques » sans se référer au cadre national ?
Peut-on envisager et observer des politiques publiques transnationales ?

Les politiques publiques sont, à l’origine, des programmes d’action menés par un
gouvernement au sein d’État, et dans un domaine précis. Par exemple, la politique de
santé est une politique publique.

Petiteville et Smith définissent la politique publique internationale comme


« l’ensemble des programmes d’action revendiquées par des autorités publiques
ayant pour objet de produire des effets dépassant le cadre d’un territoire stato-
national. »
On peut distinguer deux types de politiques publiques internationales :
- Les PP nationales à destination de l’international, comme les politiques étrangères
ou de développement.
- Les PP multilatérales, développées directement au-dessus de l’État, soit à l’intérieur
des OI, soit par des assemblages internationaux et transnationaux. Cela pose la
question de l’autorité des cadres où sont négociées ces PP multilatérales.

Les PP multilatérales correspondraient à des réponses collectives et coopératives face


à des problèmes globaux. Il pourrait y avoir une action publique qui serait, dès
l’origine, multilatérale, à la condition qu’il existe des principes communs aux acteurs
concernés. Concrètement, ces ^politiques consistent en le développement de
régulations sectorielles, mais elles peuvent aller jusqu’à l’énonciation de politiques
contraignantes/impératives.

Toutefois, étant menées au-delà des États, on peut se poser la question du pouvoir de
contrainte des PP multilatérales. Ici, l’UE est un des seuls (le seul?) cas où il existe
des autorités véritablement contraignantes pour faire appliquer les PP multilatérales.
On doit prendre soin de distinguer la légitimité et l’autorité : on peut avoir une forte
légitimité mais une autorité trop faible pour faire appliquer ses décisions.

III. Les dynamiques contemporaines dans l’espace international : vers une


privatisation et une juridicisation de l’action

On constate des dynamiques de privatisation et d’externalisation des actions, qui


passent par l’externalisation et la sous-traitance : les États (mais aussi les OI)
délèguent de plus en plus de compétences à des ONG, ou encore à des sociétés
privées (de sécurité, par exemple).

Par ailleurs, il y a aussi une dynamique de managérialisation des actions dans


l’espace international. C’est l’application internationale du New Public Management.
Deux exemples :
- Le maintien de la paix : au cours des années 90, l’ONU a, de plus en plus, mis en
œuvre des réformes de rationalisation de son action.
- Les politiques de développement : Esther Duflo (économiste) a introduit les études
« randomisées », qui cherchent à évaluer l’efficacité des politiques de
développement, et à essayer de rendre ces politiques plus efficientes.

On tend à penser ces politiques comme des politiques techniques, des « politiques
dépolitisées ».

Troisième dynamique, une tendance à la juridicisation de l’action dans l’espace


international. On constate simplement que dans les interactions entre les acteurs, on a
de plus en plus recours au droit, à travers des traités, des conventions, ou des Cours
internationales. Se multiplient les tribunaux internationaux (> Cour pénale
internationale). Le droit est un outil qui, en effet, permet de créer des règles
partagées, et donc de limiter l’arbitraire mais aussi, pour les États, à imposer leur
point de vue via des règles juridiques.
Là encore, on observe que la rédaction de ce droit international est devenu un enjeu
majeur des ri, ce qui renvoie à des inégalités entre les États : tous n’ont pas le même
pouvoir d’écrire le droit.
Par là-même, les États limitent d’eux-mêmes leur souveraineté, participant à leur
propre dépassement.
3ème partie : Les grands enjeux internationaux

Chapitre 7 : guerre, paix, sécurité, la question du terrorisme


L’étude de ces questions consiste en un champ d’étude spécifique à l’intérieur des
relations internationales. Ce sont des questions (notamment celles ayant trait à la
guerre et la paix) qui ont surgies au fondement de la discipline des RI, puisque ces
dernières ont été créés dans l’objectif d’étudier la guerre pour fonder la paix. On s’y
intéresse toujours car la guerre est une activité centrale des relations entre états, et
c’est une pratique ancienne de la scène internationale. En effet, elle a souvent
caractérisé les rapports entre états. C’est un type d’interaction qui a fait, à de
nombreuses reprises, l’objet d’une tentative d’encadrement. Ainsi, le droit
international a été créé dans l’idée de réguler la guerre. La guerre est aussi à l’origine
de la création des Nations Unies.
« La guerre existe car rien ne l’empêche ».
La guerre n’a pas disparu de la scène internationale, malgré le développement de la
coopération entre états. L’intérêt de la discipline pour la guerre tient aussi du fait que
c’est une forme de relation entre les acteurs du système international, c’est un mode
de régulation des rapports entre états. La guerre créé et recréé un ordre social et
politique, et c’est à ce titre là qu’elle régule aussi les rapports sociaux. Il est alors
important de revenir sur la notion de guerre, on va essayer de la définir, comprendre
la place qu’elle occupe aujourd’hui dans les rapports entre états. Il ne faut pas oublier
que la possibilité d’une guerre est toujours possible et explique en partie l’action des
états, soit parce que ces derniers peuvent jouer sur la menace d’une guerre, soit parce
que les états peuvent tenter d’empecher une guerre.
I/ théories de la guerre et de la paix
Il existe en RI autant d’analyse de la guerre que de théoriciens. On a compris et
analysé la guerre avec différents cadrages. On peut l’étudier de manière stratégique
(manière dont on étudie les combats), de manière philosophique (étude des idées et
principes de la guerre), de manière théorique (qu’est-ce que la guerre), de manière
juridique (droit international), et de manière sociologique (on s’intéresse aux
combattants). Ces différentes approches de la guerre ne s’intéressent pas aux mêmes
acteurs de la guerre, ni aux mêmes caractéristiques.
On va revenir sur la définition qu’en donne K. VON CLAUSEWITZ, qui définit le
conflit comme « un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter
notre volonté ». Il précise que la guerre serait la continuation de la politique par
d’autres moyens. Or ce deuxième élément est important car débattu. En effet, il
signifie que la guerre serait un instrument, un outil, au service du politique, politique
qui userait rationnellement de la possibilité de la guerre à des fins personnelles.
Or d’autres théoriciens affirment que la guerre n’est pas rationnelle, et qu’elle ne
serait pas liée à des calculs, mais plutôt à la nature même de l’homme, par essence
belliqueuse. C’est une idée que l’on retrouve dans bon nombre d’analyses politiques,
on parle d’état de nature. Cela dit, ce sont des définitions psychologisantes de la
guerre qui restent à démontrer, bien que ces acceptions soient largement diffusées. Il
existe d’autres visions de la guerre, on retrouve des visions plus stratégiques,
notamment au travers du penseur chinois SUN TZU qui rappelle que la guerre serait
d’abord et avant tout l’art de « soumettre l’ennemi sans combatte dans le but de
prendre les possessions de l’adversaire en entier ». La guerre est alors bel et bien un
moyen qui permet d’accaparer des ressources et des territoires. C’est de cette façon
qu’on saisit la plupart du temps la guerre en RI.
On peut alors prendre pour définition de la guerre celle de Philippe MOREAU
DESFARGES : « une lutte armée entre ennemis aux buts politiques inconciliables ou
incompatibles et qui comporte toujours le potentiel d’une ascension aux extrêmes ».
Les groupes luttent par intérêts opposés, et la guerre ne peut pas être entièrement
contrôlée, quand bien même on voudrait en faire un usage rationnel.
Il y a alors deux caractéristiques importantes de la guerre en RI :
- La guerre est l’instrument du politique, elle est soumise aux intérêts politiques et
sert les buts politiques sans qu’on puisse véritablement la maitriser.
- La guerre est une lutte armée entre des entités organisées. Elle peut se produire
entre des groupes non étatiques, mais ils doivent être organisés. On ne peut pas
parler de guerre dans le cas de violences spontanées.
La guerre ne prend cela dit pas toujours la même forme. Les formes des
affrontements ont particulièrement varié dans le temps, et on peut trouver des guerres
interétatiques dans un schéma issu du modèle Westphalien (qui définit le modèle de
guerre de référence). Mais on retrouve aussi des guerres intraétatiques, c’est-à-dire
des guerres civiles (exemple : conflit d’ex-Yougoslavie). On retrouve aussi de nos
jours des guerres intraétatiques internationalisées. C’est l’idée qu’il existe des guerres
civiles dans lesquelles interviennent des pays étrangers. Des puissances extérieures
viennent y exercer une ingérence, c’est le cas par exemple de la guerre en Syrie. On
trouve encore également des conflits non-étatiques, donc entre groupes rebelles, sans
qu’il y ait d’états qui rentrent dans la balance.
A partir de ces caractéristiques, les chercheurs en RI ont tenté de comprendre les
causes de la guerre. Ils se sont rendu compte, nonobstant, qu’il était vain de recenser
toutes les causes des conflits car elles sont multiples et variables. Il semblerait, cela
dit, qu’on puisse les systématiser, et tenter de voir pourquoi la guerre est récurrente
dans l’Histoire.
K. WALTZ, en 1959, a écrit un ouvrage intitulé, Man, the states and War, dans lequel
il analyse les conflits. Il identifie alors trois causes de la guerre, qu’on appelle les
trois images de la guerre. Pour lui, le premier niveau de compréhension est le fait que
la guerre est en partie due à des causes individuelles, elle serait le produit de
comportements humains indépendants. Les guerres auraient aussi des causes
nationales, la guerre résulterait alors de la nature des états et de l’évolution de leurs
pratiques. Le deuxième niveau signifierait ainsi que les états seraient en besoin
permanent de prédation pour survivre. La troisième image revient à dire que la guerre
a des causes internationales, elle est explicable par la nature anarchique du système
internationale : la guerre existe car rien ne l’empêche puisqu’il n’y a pas d’autorité
supérieure à celle des états. L’asymétrie du pouvoir entre états explique les guerres
selon ce point de vue.
Les guerres aujourd’hui, sont toujours un mode de rapport observable dans l’espace
Inter-nationnal car les causes sont multiples et incontrôlables.
Ainsi, les zones de
conflit n’ont pas
vraiment changé au
cours du temps.
Malgré les
dynamiques de
coopération, on
observe toujours
des zones ou les
conflits sont
permanents : le
moyen orient,
l’Afrique centrale et
de l’est, et la zone
autour du Pakistan
et de l’Iran. Cela ne
veut pas dire cela dit que la guerre n’a pas évolué.

II/ transformation des conflits : le règne de la « violence » et de la « sécurité »


On peut dresser deux constats apparemment paradoxaux que la transformation des
conflits.
Il y aurait depuis 45 une disparition progressive des guerres classiques, entendues
comme les grandes guerres entre états qui seraient structurées autour d’une
déclaration et d’un armistice, avec un champ de bataille délimité. Il n’existe
aujourd’hui plus de guerres interétatiques. Les derniers conflits de ce type seraient
celui entre l’Inde et le Pakistan, et un autre plus intermittent serait celui entre
l’Erythrée et l’Ethiopie. C’est ce qu’affirme MUELLER. Les conflits disparaitraient
car les états deviendraient des démocraties, qui ne se feraient donc plus la guerre du
fait de leur proximité culturelle. On peut aussi penser que la guerre comme pratique
est déconsidérée, elle est perçue comme une activité moins légitime qu’auparavant,
mais également comme une activité couteuse et incertaine. Les états rechercheraient
d’abord la prospérité économique, et moins la guerre. C’est l’idée que les sociétés
contemporaines valoriseraient moins l’ethos guerrier, ce qui délégitimerait la guerre.
Paradoxalement, il y a une multiplication des conflits. On ne parle pas ici des guerres
interétatiques mais des très nombreuses tensions qui se seraient libérées après la
guerre froide et qui auraient entrainé de nombreux conflits civils, entre groupes
rebelles, liés à l’implosion des états avec la disparition des blocs. On parle alors
parfois de « retour de la guerre » du fait de la multiplicité des conflits. Ce qu’on
observe aujourd’hui est alors le brouillage des catégories et des frontières qu’on
utilisait pour parler des conflits. Il existe désormais une forme d’indifférenciation
entre ces différentes dimensions. On observe des réticences à se lancer dans des
guerres, et une multiplication des interventions, c’est-à-dire d’action militaires plus
ponctuelles et limitées. Il y aurait eu 27 conflits entre grandes puissances au 16 ème
siècle, contre 5 au 20ème siècle, ce qui témoigne de l’évolution des formes de la
guerre. Les conflits se développeraient dans des zones caractérisées.
Deuxième caractéristique, il y a des zones qui seraient dites sures et stables, tandis
que des zones sont victimes de conflits quasi permanents. Il y aurait aussi des
puissances qui voudraient transformer les équilibres de la scène internationales en
intervenant sur cette dernière. Ces nations créent alors de l’instabilité dans le système
international. Les guerres sont aussi liées à des protos états, c’est-à-dire des groupes
armés politiques qui ont pour intention de créer une structure politique voire étatique,
on peut penser à Daesh ou à Boko Haram. De même, les manières de combattre ont
changé, on distingue de moins en moins les civils et combattants. Au départ, cette
distinction est fondatrice dans le droit de la guerre, elle attribue des droits et des
devoirs différents aux combattants et aux civils. Or cette distinction est devenue
floue, car les civils sont régulièrement et volontairement pris pour cible dans les
guerres. De plus, les conflits se développent sans champs de bataille délimités, la
guerre se passe sur tous types de terrains, y compris en ville au milieu des civils. On
observe bien plus qu’auparavant des conflits ou interviennent de nombreux acteurs,
qualifiés de « nouveaux acteurs ». Les guerres ne se font plus juste entre armées
nationales. K. HOLSTI a résumé tout cela en parlant de « désinstitutionalisation de la
guerre ». La guerre serait de moins en moins organisée, et de moins en moins prise en
charge par l’état. C’est pour mieux saisir ce nouveau processus qu’on a développé un
vocabulaire spécifique.
Quoi qu’il en soit, ces théories envisagent toutes la guerre froide comme une rupture
fondamentale. On pense que les équilibres auraient changé. Avec l’implosion de
l’URSS, il y aurait eu un regain de violence, car il n’y avait plus deux autorités
régulatrices. On parle de libération des tensions, et transformation de la guerre, qui
serait devenue moins politique.
Ces analyses sont très caricaturales lorsqu’elles pensent la guerre froide comme
rupture, car elles sont très peu ancrées dans la réalité. Elles reposent davantage sur
des croyances que sur des faits observables. En effet, il n’est pas sûr que les conflits,
localement, aient véritablement changés. Cela dit, ces explications restent
importantes car elles ont donné des lieux à des thèses importantes. La thèse de R.
KAPLAN sur « le retour de la barbarie » en fait partie. Pour lui, le système
international, à la fin de La guerre froide, serait menacé d’une nouvelle anarchie du
fait de nouveaux poids qui pèsent : l’environnement, les pandémies, la croissance
démographique. Ces nouvelles menaces amèneraient alors à des nouvelles
confrontations de nature ethniques ou religieuses, et qui n’amèneraient pas de
possibilité de médiation car elles opposeraient des groupes irréconciliables. On
parlerait alors de « clash des civilisations ». C’est une vision qui a été largement
reprise et qu’on voit encore aujourd’hui. C’est cela dit une vision très ethnocentrique,
et réifiant, elle a tendance à faire des civilisations des blocs homogènes, figés, quand
bien même ce n’est pas le cas dans la réalité.

Paul COLLIER, lui, a développé le modèle « Greed vs. Grievance », c’est la théorie
de la prédation économique : les matières premières expliqueraient non seulement les
guerres mais aussi leur perpétuation sans fin. En effet, pour lui, les rebellions seraient
en fait uniquement des formes de crime organisé dont le seul but serait la prédation
économique. Autrement dit, on oppose la protestation à la rébellion, qui elle serait
liée à la prédation, et donc illégitime. Cette théorie insiste sur la question des
ressources comme prédominante dans la naissance des conflits. Or, la forme étatique
elle-même repose sur prédation. De plus, elle tend à confondre cause et effets des
guerres, est ce que les groupes rebelles font la guerre juste pour accaparer les
ressources sans aucune considération politique, ou est-ce que les rebelles cherchent à
accaparer les ressources parc que les guerres se prolongent et qu’ils ont besoin de se
procurer des ressources pour tenir en état de guerre. Cela dit, bien qu’il soit
critiquable, ce modèle a eu des conséquences, puisqu’il a donné lieu à des
programmes de répartition des ressources.

Pour M. KALDOR, dans New and old wars, les conflits actuels seraient basés avant
tout sur des considérations identitaires, d’où des conflits intraétatiques, et c’est en
cela qu’ils se différencieraient des conflits anciens. Les conflits anciens étaient
idéologiques, ceux d’aujourd’hui ne se ferait pas pour des questions d’idéologie mais
d’identité, et ne seraient donc pas des conflits à caractère politique. De plus, d’un
côté, les guerres anciennes avaient un soutien populaire, tandis que désormais, les
guerres visent la population directement. Auparavant, les économies de guerre étaient
autarciques, centralisées, tandis que le financement actuel des belligérants serait
dispersé, moins maitrisé, et sur lequel il est plus difficile d’agir. Ce modèle a des
limites, il révèle des différences entre guerres présentes et passée, mais sans
construire un modèle cohérent des anciennes guerres. De plus, elle réifie les types de
guerre.

Les trois lectures vues précédemment sont critiquables. D’autres théories ont été
développées en anthropologie et en sociologie pour déterminer comment ces conflits
conservent une nature politique en regardant le contexte socioéconomique et
politique local. Les conflits de l’après-guerre froide ne peuvent être analysés sans
considérer le contexte. On ne peut pas exclure le facteur politique de la guerre. C’est
ce qu’on va voir avec le cas du terrorisme.
III/ les effets du terrorisme sur les politiques militaires et sécuritaires
On parle beaucoup du terrorisme aujourd’hui, notamment depuis les attentats du
World Trade Center. On en parle en tendant à faire du terrorisme un phénomène
nouveau. Or ce n’est pas récent, et de même, le terrorisme ne se limite pas au
terrorisme islamiste. D’autres causes se sont exprimées par la voie du terrorisme, y
compris à l’internationale. Aujourd’hui, on tend à faire du terrorisme lui-même
l’ennemi, et non plus ses acteurs. Ainsi, on parle de guerre contre le terrorisme. Le
terrorisme peut être compris comme un mode d’action violente utilisée à des fins
politiques avec pour objectif de frapper massivement l’opinion publique. On a
tendance à parler de terrorisme pour délégitimer un acteur dans sa lutte, c’est alors un
jugement de valeur que de qualifier une lutte de terroriste.
Aujourd’hui, le terrorisme serait principalement le fait de mouvances islamistes. Or
on a observé ce terrorisme islamiste dès les années 80 ; mais entretemps, ce
terrorisme s’est internationalisé. La ou avant étaient visés des états en particulier et
dans leur individualité ; désormais, c’est l’ensemble des états qui est visé. Les
revendications dépasseraient désormais le cadre national. De la même manière, le
financement dépasse aussi le cadre de l’état, il est plus internationalisé qu’au
préalable. C’est dans ce cadre-là qu’a débuté la répression du terrorisme. Ainsi,
l’administration Bush après les attentats du 11 septembre, a utilisé l’ONU et l’OTAN
avec des moyens importants. L’un des problèmes du terrorisme est qu’on entre en
guerre contre le terrorisme lui-même, et non pas contre un état ou un territoire. Ce
cadre flou permet de justifier tout type de guerre et tout type de conduite. On peut
envisager une guerre sans fin, sans type d’ennemi défini. Cette guerre globale a eu
comme conséquence de faire de la lutte contre le terrorisme une question
internationale et plus nationale. On a alors commencé à mélanger sécurité intérieure
et sécurité extérieure. On créé alors par ce biais-là une situation de guerre
permanente. Ces modifications sont importantes car elles traduisent une vision assez
culturaliste du monde, car en pratique, on assimile le terrorisme au fondamentalisme
islamique en considérant que c’est une opposition irréconciliable. De même, à partir
du moment où on déclenche une guerre sans ennemis précis, on se donne le droit de
dépasser toutes les règles classiques de la guerre, ce qui se traduit par un non-respect
du droit international. Ainsi, Guantanamo ne respecte en aucun cas le droit
international et permet aux états unis d’emprisonner des individus à durée
indéterminée et sans aucune forme de procès.
On est donc forcé de voir que la guerre est centrale dans les relations entre les
différents acteurs du système international. Elle reste un mode de régulation, même si
parallèlement on a développé des modes de coopération qui ont limités la possibilité
d'une guerre. Par exemple, ce devait être le cas des principes fondateurs de l'union
européenne.
On a pu voir que malgré les proclamations de révolution dans système international,
on retrouve des permanences et des mutations. Tout ne change pas dans les relations
internationales. Si la place de l'état n'est plus la même, la structure interétatique du
système international rend l’évolution de l'acteur étatique très lent. Ces nouveaux
principes d’action et de coopération ne signifient pas la fin des égoïsmes nationaux. Il
existe aujourd’hui certes des solidarités, mais on ne peut pas limiter l’analyse des
systèmes internationaux à ce simple constat.

Vous aimerez peut-être aussi