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Un monde ou deux ?, par Herbert Stanley Morrison (Le Monde diplomat... https://www.monde-diplomatique.

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��������� il ne serait pas difficile pour l’Est et l’Ouest de jouir d’une coexistence
pacifique. Il faudrait avant tout que communistes et non-communistes reconnussent et
pratiquassent effectivement le principe que les affaires intérieures d’un pays sont ses
propres affaires, mais que la politique extérieure d’un pays peut être l’affaire de tous. Cela
n’empêcherait personne (d’exprimer ses vues sur la question de savoir si tel ou tel système
social es’ désirable ou non.

Si les peuples des pays totalitaires préfèrent ce genre de gouvernement pour eux-mêmes, c’est là leur
droit, de même que nous autres peuples du monde démocratique, nous avons le droit de donner nos
préférences à des Parlements et gouvernements fondés sur la rivalité des partis politiques et de vouloir
être libres de parler et d’écrire ; mais il convient de s’opposer aux efforts des pays totalitaires tendant à
favoriser les activités de cinquièmes colonnes qui visent à renverser par la force nos libres institutions.

Des différences dans le système politique et économique ne doivent pas faire obstacle à la loyauté
envers les Nations unies et leur charte, ni à la coopération internationale pour le bien général.
Certains Américains pensent, je le crains, que parce qu’ils haïssent le communisme il y a quelque
chose de condamnable dans le fait de traiter des affaires officielles avec des gouvernements
communistes. C’est là probablement leur arrière-pensée lorsqu’ils refusent de reconnaître sur le plan
diplomatique que c’est le gouvernement communiste qui dispose du pouvoir effectif dans la
République chinoise et non le généralissime Tchiang Kaï Chek.

D’un autre côté, jusqu’à la conférence de Genève le gouvernement populaire de la Chine n’avait pas
fait le nécessaire pour que la reconnaissance de ce gouvernement par la Grande-Bretagne devienne
réciproque au point de vue diplomatique. Cela n’était pas raisonnable. Il n’est pas moins déraisonnable
que bien que le gouvernement de l’U.R.S.S. affirme de temps en temps que la coexistence pacifique
entre États communistes et non communistes est possible, il se montre néanmoins inutilement
difficile dans ses relations avec l’Occident et insuffisamment porté à coopérer au sein des Nations
unies.

La paix au monde, la sécurité des nations, le bien-être économique général devraient être au-dessus
des idiosyncrasies et des idéologies nationales, car la sécurité, la vie et le bien-être de milliers de
millions d’êtres humains y compris ceux de l’Union soviétique des États satellites et de la Chine er,
dépendent. Je ne voudrais pas inter dire les idiosyncrasies ou idéologies nationales : il s’agit de ne pas
leur permettre de troubler la bonne volonté constructive et la coopération.

Il y aurait beaucoup à dire en faveur de relations commerciales saines entre les nations. Dans ce
domaine, il y a une différence entre la politique des États-Unis et celle des autres démocraties

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Un monde ou deux ?, par Herbert Stanley Morrison (Le Monde diplomat... https://www.monde-diplomatique.fr/1954/09/MORRISON/21220

occidentales. Nous ne désirons pas pourvoir de marchandises propres à être utilisées pour la guerre ou
à renforcer le potentiel de guerre des pays qui ont poursuivi et encouragé et directement ou
indirectement stimulé des activités guerrières. Sous ce rapport, c’est avec raison, pour s’exprimer
modérément, qu’on manifeste de la suspicion à l’égard des États communistes. Il est conforme à la
politique des Nations unies que l’agression ou la malfaisance soient découragées dans le domaine
international.

Mais nous ne devrions pas inutilement réduire les échanges économiques internationaux, car ce serait
aller trop loin.

On ne saurait assez insister sur la nécessité d’un accord dans le cadre des Nations unies sur le
désarmement ou la limitation des armements nationaux et le contrôle ou l’interdiction des horribles
armes atomiques qui ont été découvertes, bien qu’il ne faille pas oublier que toutes les armes qui
servent à détruire des vies humaines sont répréhensibles. Cependant, si des accords internationaux
sont à conclure, ils doivent l’être sur la base de l’équité et l’on ne peut pas dire jusqu’ici que les
gouvernements communistes aient avancé des propositions équitables.

En effet si le niveau des armements est notablement plus élevé dans certains pays que dans d’autres,
un simple pourcentage de réduction n’aboutira pas à l’égalité mais au maintien de l’inégalité, et si les
bombes atomiques doivent être interdites, il faut une surveillance et un contrôle internationaux
adéquats et effectifs des activités nationales dans ce domaine. Les États totalitaires ont tendance à
regarder d’un mauvais œil tout contrôle ou toute surveillance extérieurs, comme l’ont prouvé les
discussions sur les armes atomiques. Les pays du bloc soviétique n’ont pas voulu accepter une base
raisonnable pour réduire les autres armements. Or il est impossible de nier que ces pays sont très
lourdement armés. Dans ces conditions, pour décourager l’agression et donner aux démocraties
occidentales le moyen d’agir à égalité sur le plan de la diplomatie internationale, il était nécessaire de
procéder à un certain degré de réarmement et de mettre sur pied l’organisation du traité de
l’Atlantique nord – et espérons qu’il en sera de même pour la C.E.D. – en tant qu’instruments non
d’agression mais de sécurité collective destinés à protéger la paix.

Une idée semblable est à envisager – et je souligne le mot « envisager » – pour le Sud-Est de l’Asie.
Les communistes se sont dressés dans le monde entier contre toute action de l’Occident démocratique
en vue de se rendre raisonnablement mais non excessivement fort au point de vue de la défense
militaire. Le gouvernement soviétique s’est âprement opposé à l’O.T.A.N., exactement comme il s’est
opposé à la Communauté européenne de défense, proposée par la France, mais malheureusement non
encore ratifiée par le Parlement français. Les communistes voudraient leurs pays forts et ceux de
l’Occident faibles.

Pour les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne, le problème est double : ils doivent favoriser la
coopération entre toutes les nations du monde en vue de la paix et de la réduction des armements.
Mais en cas d’échec, la France et les autres pays occidentaux iraient au désastre et sombreraient dans
des troubles si chacun d’eux n’apportait sa contribution loyale à la sécurité collective. Nous devons
appliquer les principes des Nations unies et de leur Charte sur une surface du monde aussi vaste que
possible.

Mais si certaines démocraties perdaient la volonté de survivre, si nous perdions la volonté de défendre
nos institutions démocratiques et notre liberté, nous nous engagerions dans la voie de la
dégénérescence nationale et serions exposés à être envahis par des puissances extérieures tyranniques.

C’est pour éviter cela que nous avons résisté à l’Allemagne de Hitler. La bataille contre la tyrannie
hitlérienne a pu être gagnée parce qu’il y avait assez de détermination de protéger la liberté. Aussi
devons-nous d’une part soutenir tout ce qui peut faciliter la coopération sincère et loyale entre tous les

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pays pour le bien du monde, mais être d’autre part suffisamment forts et résolus pour préserver cette
liberté sans laquelle il n’y a pas de vie véritable.

H������ S������ M�������


Président de la Chambre des communes, ancien ministre des affaires étrangères

Mot clés: Armement Défense Communisme Relations Est-Ouest Nucléaire militaire


Relations internationales URSS Chine France Royaume-Uni États-Unis (affaires extérieures)

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