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Les graves problèmes mondiaux ne peuvent


être résolus que par la coopération de tous les
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����� bientôt trente ans l’Académie diplomatique internationale, avec ses cinq sièges dans
différents pays, par ses ouvrages et ses travaux, exerce une influence réelle sur la science
diplomatique qu’elle est dinée à promouvoir, ainsi que sur la diplomatie en général. Au
seuil de la nouvelle session de l’Académie nous avons demandé à M. le ministre
Frangulis, son secrétaire général perpétuel et son animateur, de nous dire, en guise
d’introduction, ce qu’il pense, dans les conjonctures actuelles, du rôle de la diplomatie.

Les rapports entre États, nous déclare Mr Frangulis, se trouvent à l’heure actuelle à un tournant
décisif. Le diplomate, qui était autrefois le représentant d’un chef d’État de droit divin, représente
maintenant des gouvernements qui réclament de la volonté populaire. Metternich et Talleyrand ont
soutenu les principes de la souveraineté et de la légitimité, qu’ils firent triompher au congrès de
Vienne ; ces notions sont aujourd’hui périmées et remplacées par celles de l’intérêt et du bien-être des
masses, qui doivent désormais inspirer tout diplomate moderne.

On sait que la notion même de l’État est née de la lutte et de la guerre, et que l’humanité a passé la
plus grande partie de son histoire dans des conflits armés. Or cet attribut essentiel de la souveraineté
qu’est le droit à la guerre n’existe plus en fait pour la plupart des États. La rapidité des
communications et les inventions nouvelles ont fait que toute guerre, si elle éclatait, pourrait s’étendre
sur la totalité du globe. L’énergie atomique et ses radiations ne connaissent point de frontières d’État,
et le monde dès lors, est devenu un tout solidaire exposé aux mêmes dangers. L’effort qui s’accomplit
par l’assistance technique dans les différentes régions du monde pour le relèvement du niveau de vie
des pays insuffisamment développés montre que cette solidarité constitue un des actifs les plus élevés
des organisations d’État. Les problèmes de la diplomatie moderne, destinés à prévenir un danger
universel, ne peuvent être résolus que dans cet esprit par la coopération de tous les peuples.

Si l’énergie atomique et ses applications dans le domaine de la destruction et de la guerre menacent de


nos jours l’humanité, cette même énergie atomique recèle en elle-même la solution de tous les grands
problèmes qui divisent le monde. Elle offre en effet le moyen de limiter l’effort humain et de faciliter
la satisfaction des besoins de l’homme et de résoudre par le bien-être qu’elle est à même de procurer
restions sociales qui opposent les classes et maintiennent la société en état de crise ouverte ou larvée.

— Quels sont, à votre avis, les obstacles auxquels se heurte la diplomatie moderne pour réaliser ce plan
de bien-être universel, fondé sur la solidarité des hommes de tous les continents ?

Le premier de ces obstacles est l’ignorance. Plus des trois cinquièmes de la population du monde sont

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Les graves problèmes mondiaux ne peuvent être résolus que par la coopér... https://www.monde-diplomatique.fr/1954/11/FRANGULIS/21267

encore illettrés. Ensuite la psychose de la guerre, qui fait que par ces temps de démocratie et de
volonté populaire un grand nombre de peuples sont gouvernés par des militaires qui n’ont
qu’exceptionnellement les qualités du diplomate et de l’homme d’État. Enfin le personnel
diplomatique de nos jours n’est peut-être pas toujours à la hauteur de sa tâche. Un vieux proverbe dit
qu’on n’improvise jamais aussi bien que lorsqu’on est préparé. La plupart des grands diplomates
n’étaient pas de la carrière — y compris Talleyrand, Bismark, Disraëli, Cavour et les Cambon. Mais le
bagage intellectuel que ces éminentes personnalités possédaient leur permettait de dominer les
circonstances et d’accomplir avec succès la tâche qui leur était dévolue. À notre époque nous
rencontrons parfois à la tête des services diplomatiques des grands États des hommes que leur
formation personnelle et leur activité antérieure ne destinaient pas, à vrai dire, à supputer les forces
de l’histoire en mouvement et à traiter des affaires entre États.

— Comment définissez-vous la diplomatie ?

— Je vous répondrai en rappelant que lorsque cette question fut posée un jour à Paul Cambon, celui-ci
exprima l’opinion qu’il était bien difficile d’englober en une définition restrictive le rôle de la
profession de diplomate, et qu’il était préférable de procéder par des exemples. Ainsi, dit-il, lorsqu’un
homme du monde ouvre par mégarde une porte dans une chambre d’hôtel et aperçoit une dame dans
une baignoire il s’empresse de fermer la porte en disant : « Oh ! pardon, Madame. » Un diplomate à
qui il arrive le même accident fait de même, mais en disant : « Oh ! pardon, Monsieur. » On peut lire
d’une façon générale, par l’étymologie même du mot diplomate, que c’est un homme qui pose un pli,
un secret d’État, et qui, par sa préparation intellectuelle et morale, est à même de trouver les formes
et les solutions capables d’aplanir les différends et les litiges entre États dans l’intérêt des peuples qui
sont en cause. A la base il y a donc cette conception du bien public qu’on trouvait jadis chez les grands
commis des États, et qui existe de nos jours aussi chacun grand nombre de diplomates, quoique dans
ce domaine, comme dans les autres, le progrès technique n’ait pas marché de pair avec le progrès
moral.

Les luttes intestines de ce centre de civilisation qu’est l’Europe ont fait arbitre des destinées mondiales
des peuples moins préparés que d’autres à assumer cette tâche. De là le malaise et le drame de
l’incompréhension auxquels nous assistons. Ni la guerre ni l’emploi de la force n’ont jamais résolu les
grands problèmes. Or au lieu de s’attacher à résoudre, en partie du moins, la question sociale pour
barrer la route au communisme, les gouvernements ont depuis la guerre concentré le meilleur de leur
énergie à réarmer. Le communisme est une idée-force qu’on ne saurait combattre uniquement par les
armes ; il se fonde en effet sur le fait que la majorité de l’humanité est constituée de non possédants.
C’est cette pyramide, appuyée sur la pointe, que le communisme s’efforce de réserver. Si l’on compare
les dépenses d’armement à celles qui sont destinées à relever le niveau de vie des peuples, on ne peut
que constater que des richesses immenses sont consacrées à une œuvre de vie et de bien-être, mais de
destruction et de mort. C’est précisément la thèse de la diplomatie de faire cesser cet état de choses
catastrophique et d’orienter l’évolution du monde vers la coopération des peuples dans la paix.

A. F. F��������
Ambassadeur, secrétaire général perpétuel de l’Académie diplomatique
internationale

Mot clés: Idées Diplomatie Relations internationales Coopération internationale

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