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RELATIONS INTERNATIONALES

Cours du Dr MEL Agnero Privat

SOMMAIRE

► INTRODUCTION
• SITUER LES RELATIONS INTERNATIONALES
• LES RELATIONS INTERNATIONALES A L’EPREUVE DES COURANTS
DOCTRINAUX
• L’INTERDISCIPLINARITE DES RELATIONS INTERNATIONALES
► PREMIERE PARTIE : LES ELEMENTS FONDAMENTAUX DES R.I.
→ TITRE I : LES ACTEURS DES R.I.
• CHAPITRE I : LES SUJETS DU DIP
• CHAPITRE II : LES GROUPEMENTS INTERNES A DIMENSION INTERNATIONALE
→ TITRE II : LA REGULATION DES R.I.
• CHAPITRE I : LES SOURCES JURIDIQUES
• CHAPITRE II : LES PRINCIPES POLITICO-JURIDIQUES

1
INTRODUCTION

L’étude des relations internationales revient principalement à s’intéresser à l’existence et à


l’évolution des rapports des membres de la société internationale. Dans cette optique,
l’acquisition d’un certain nombre de connaissances offrant une meilleure lisibilité des
relations internationales est nécessaire. Aussi nous envisagerons, tout d’abord, de situer la
matière, puis de revenir sur les principaux courants doctrinaux qui ont tenté de la saisir, et
enfin de montrer que malgré les rapprochements entre les RI et d’autres disciplines, elle garde
son autonomie.

Chapitre I - Situer les relations internationales


A cet effet, deux approches s’offrent à nous : l’une historique et l’autre définitionnelle.

Section I – L’approche historique des RI


Les relations internationales sont liées à l’existence même de sociétés ou d’Etats. Pourtant les
RI sont apparues et ont été conçues à travers une approche européanisée. Celle-ci était fondée
sur deux conceptions indissolublement liées : une conception organico-idéologique. La vision
organique s’appuie sur l’existence d’une organisation sociétale de type étatique quand celle
dite idéologique s’en tient à l’existence de la civilisation. Il en résulta que les RI furent
volontairement limitées au seul continent européen et aux types d’organisation sociétale
européens. Ainsi le continent européen fut-il l’espace privilégié de cristallisation des relations
internationales. Une approche qui se fonda sur la reconnaissance au seul continent européen
des grandes idéologies politiques, socio-économiques et culturelles. Dans une certaine
mesure, l’explication est à trouver dans la domination de l’Europe sur les autres peuples avec
le partage de l’Afrique et la colonisation comme illustrations1.
Cette approche est, selon Mme Dreyfus Simone, une vision surannée2 d’autant qu’elle
fragilise le sens des RI. Il est en effet historiquement établi que les relations internationales
n’ont pu être imaginées, admises voire reconnues qu’à travers les rapports des premières
organisations étatiques. Dès lors, il semble difficile de convaincre de ce que le continent
africain, par exemple, ait pu être exclu du champ des relations internationales3. Et pourtant,
des organisations sociétales de type étatique ont marqué l’histoire des relations interétatiques
sous-régionales ou au-delà comme celles nouées par des sociétés étatiques d’Afrique
subsaharienne avec le Maghreb et le Moyen-Orient avant le XVè siècle4. Il n’est donc pas
étonnant que l’histoire de l’Egypte et la dimension de sa civilisation5 aient été oubliées en
raison du mouvement d’européanisation des relations internationales et de disqualification des
organisations sociétales des autres peuples.
1
Voir Yao-N’Dré Paul, « Relecture du droit international public à la lumière de la situation de l’Afrique depuis
le XVIIIè siècle jusqu’à nos jours », Annales de l’Université d’Abidjan, Droit, 1988.
2
Voir Dreyfus Simone, Droit des relations internationales, Paris, Cujas, 1981.
3
Lire avec intérêt, Cheick Anta Diop, Antériorité des civilisations nègres : mythes ou vérité historique, Paris,
Présence africaine, 1967.
4
L’empire du Mali sous Kankan Moussa a établi des relations diplomatiques suivies avec le Maroc, la Tunisie,
l’Egypte et le Portugal.
5
Joseph Ki-Zerbo, Histoire de l’Afrique noire, Paris, Hatier, 1968.
2
A ces données historiques s’ajoutent des faits marquants qui contribuèrent à renverser la
vision européanisée des relations internationales. D’une part, l’intégration des Etats-Unis
(indépendants depuis 1776) et des Etats d’Amérique latine dans la société internationale
participa du remodelage de l’approche géographique des relations internationales. D’autre
part, la décolonisation en Asie et en Afrique renforça cette tendance pour donner aux relations
internationales une dimension universelle. En d’autres termes, une dimension plus large et
plus ouverte de la notion de relations internationales en cela qu’elle intègre désormais les
sociétés et Etats méprisés auparavant.
Cette universalisation des RI tient en plusieurs raisons parmi lesquelles nous retiendrons les
deux principales. La première est relative aux deux guerres mondiales. Le premier conflit
mondial conduisit à une nouvelle configuration de la géopolitique6 européenne dans la mesure
où les empires se disloquèrent au profit d’Etats nationaux, modifiant de facto les relations
entre les nouvelles entités étatiques. Egalement, consécutivement à la révolution de 1917 dite
bolchévique, la scène internationale découvrit un Etat, l’URSS, bâti sur un modèle nettement
différent du modèle occidental au plan idéologique, de l’organisation politique, sociale et
économique. Le deuxième conflit mondial mit au devant de la scène internationale de
nouveaux grands ensembles étatiques : les grandes puissances. Ce conflit fut également
propice aux mouvements de décolonisation qui conduisirent sous la férule de l’ONU aux
déclarations d’indépendance7.
La deuxième raison de l’universalisation des relations internationales est l’intensification
entre les Etats de relations de coopération bilatérale, multilatérale, régionale dans divers
domaines tels que l’économie, la sécurité militaire, la culture, la politique, etc.
En outre, la fragilisation de la bipolarité de la société internationale par les relations
multipolaires vient renforcer l’universalisation. A cela s’ajoute l’apparition de nouveaux
acteurs dans les relations internationales : les O.I, les ONG, les mouvements de libération
nationale, les entreprises multinationales, les opinions publiques interne et internationale.
Après avoir rappelé les origines des relations internationales, tentons de les définir.

Section II – L’approche définitionnelle des « relations internationales »


Les RI se définissent de deux points de vue : l’une plus évidente, stricto sensu, mais
insuffisante et l’autre, lato sensu, plus pratique.
Stricto sensu, les relations internationales se disent des rapports interétatiques ou mettant en
relations les membres de la société internationale8. Il s’agit donc de relations qui se nouent
entre des Etats égaux a priori. Cette évidence est néanmoins trompeuse et réductrice d’autant
que les Etats, nous le verrons, ne sont pas les seuls acteurs des relations internationales. De
plus, le rappel historique nous a montré qu’une telle approche ne rend pas véritablement
compte de la réalité, c’est-à-dire la pluralité des acteurs et des facteurs qui fondent les
relations internationales. Aussi devions-nous nous orienter vers un point de vue plus large.

6
Etude des rapports entre la géographie et la politique.
7
En témoigne la Résolution 1514 du 14 décembre 1960 de l’assemblée générale portant « Déclaration sur
l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux ».
8
Dreyfus Simone, op. cit
3
Daniel Colard illustre encore mieux cette approche lato sensu. L’auteur définit les relations
internationales comme « les rapports pacifiques ou belliqueux entre Etats, le rôle des
organisations internationales, l’influence des forces transnationales et l’ensemble des
échanges ou des activités qui transcendent les frontières étatiques »9. Au lieu d’axer
exclusivement la définition des relations internationales sur la seule institution étatique,
Colard met en relief plusieurs éléments à partir desquels il bâtit la notion de relations
internationales : la nature des relations (pacifiques ou belliqueuses) ; les acteurs (Etats,
organisations internationales, forces transnationales) et leur champ d’application ou
d’exercice (au-delà des frontières étatiques).
C’est autour des éléments de cette vision globalisante de la notion de relations internationales
que se dessinent les frontières entre les différents courants doctrinaux qui tentent d’imposer
leur acception de la notion des RI.

Chapitre II - La conception des RI à l’épreuve des courants doctrinaux


Plusieurs auteurs ont, à travers différentes théories, tenté d’asseoir leur vision de la notion de
relations internationales. Il importe d’en rappeler les principaux et de les analyser.

Section I - Les principaux courants doctrinaux


Deux visions semblent cristalliser les oppositions entre les différents courants doctrinaux.
L’une se veut pacifiste alors que l’autre s’inscrit dans les rapports conflictuels.
I - Les doctrines dites pacifistes
Pour les tenants de cette vision, l’évolution des relations internationales s’inscrit dans des
rapports de collaboration ou de coopération dans un but d’intérêt commun. Envisageons cette
approche avec les auteurs comme Gentes, Friedmann et Reuter.

A. La doctrine du droit commun de l’humanité selon Gentes


Selon Gentes10, une forme d’harmonisation par la voie de l’intégration de la société
internationale a succédé au caractère anarchique et libertaire des relations internationales.
Cela s’explique par une forte institutionnalisation des relations internationales. Il en résulte
une forme de subordination des Etats. C’est dans ce cadre de rapports pacifiques que
Friedmann perçoit les relations de coopération.

B. Friedmann et les trois piliers des relations de coopération


Pour Friedmann11, le caractère pacifiste des relations internationales a été imprimé par
l’interaction nécessaire de trois éléments que ce sont le droit de la puissance (expression de la
violence étatique), le droit de la coexistence (actions de réciprocité) et le droit de la
coopération. Il existe selon cet auteur un cadre minimum de concertation entre les acteurs des
relations internationales, de sorte que l’intérêt commun s’en trouverait recherché et préservé.
Cette vision ne s’éloigne pas trop celle de Reuter.
9
Colard Daniel, Les relations internationales, Paris, Masson, 1977, p. 12.
10
Gentes, The commun law of humanity, 1952. Il fut Directeur du Bureau International du Travail (OIT). Il
décéda en 1973.
11
Friedmann Wolfgang, Nouveaux aspects du droit international, Paris, Internationales, 1971. Américain, Prof
de l’Université de Columbia, New-York. Assassiné en 1972 par un drogué.
4
C. Reuter et l’analyse tripartite de la société internationale
Reuter12 fait le constat d’une organisation traditionnelle des Etats, c’est-à-dire qu’ils sont
juxtaposés les uns aux côtés des autres. Selon l’auteur, la nécessité de rechercher et de
préserver les intérêts communs (progrès techniques et scientifiques) imposent d’inscrire les
relations internationales dans un cadre de coopération. Autrement dit, il préconise une
institutionnalisation de la société internationale au sein de laquelle des rôles importants sont
reconnus aux organisations internationales pour assurer les missions déterminées par les Etats.
De telles missions qui aboutissent à la conclusion de traités ou d’accords renforcent le
caractère pacifique et cordial des relations internationales.
Toutefois, il reste que de nombreux auteurs ne partagent pas cette vision pacifiste des
relations internationales.
II - Les doctrines dites bellicistes
Elles procèdent principalement d’auteurs occidentaux, marxistes et du Tiers-monde. Elles
rejettent l’image humaniste que l’on tenterait naïvement de donner aux relations
internationales pour leur restituer leur particularisme : le caractère conflictuel.

A. Les auteurs occidentaux


Il s’agit des auteurs comme :
- Raymond Aron13 pour qui les relations internationales sont déterminées par la force. Les
Etats se trouvent encore à l’état de nature. Leurs rapports de force donnent aux relations
internationales leur nature véritable.
- Visscher : selon lui, dans le climat de guerre permanente dans lequel l’on se trouve, les
relations internationales ne peuvent être pacifiques14. Aussi paraît-il impossible de rechercher
le bien commun.
- Schwarzenberger15, dit qu’on ne peut concevoir les relations internationales sans allusion
aux notions de pouvoir, de puissance qui les sous-tendent. Dès lors que les contradictions sont
inévitables exprimant ainsi des particularismes, le recours à la force est tout aussi inévitable
dans les relations internationales. Les marxistes s’inscrivent dans le même mouvement.

B. Les Marxistes
L’URSS de la révolution bolchévique a été le terrain d’expérimentation de la théorie marxiste.
Il en ressort que la lutte des classes à l’intérieur d’un Etat conduit inexorablement vers la lutte
des classes à l’échelle mondiale16. Les normes sociales tant au niveau des Etats qu’au plan
international parce qu’elles ne sont que des épiphénomènes ou des superstructures ne peuvent

12
Reuter Paul, « Principes de droit international public », RCADI, 1961, vol. 115
13
Raymond Aron, Paix et guerres entre les nations, Paris, Calmann-Levy, 1968. (prof de sociologie à la
Sorbonne et au Collège de France, décédé en 1985).
14
Visscher (Charles de), Théories et réalités en droit international public, Paris, Pedone, 1970. Juriste belge,
enseignant puis juge à la CIJ (1884 – 1973).
15
Schwarzenberger G., International law, T.1, Londres, 1957.
16
V. Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, 1917.
5
empêcher le recours à la force. Pour les marxistes, le caractère pacifique des relations
internationales ne procède que de la lutte entre Etats ayant adopté des systèmes économiques,
politiques, sociaux différents. Aussi tant que les Etats auront des intérêts et des idéologies
différents, les relations internationales ne seront que conflictuelles. Les auteurs du Tiers-
monde abondent dans le même sens.

C. Les auteurs du Tiers-monde


Ils abordent pour la plupart la question sous l’angle économique. Aussi, Samir Amin observe
que les relations internationales en matière de production et de commercialisation restent
dominées par les « pays du centre », Etats industriels, sur ceux de la « périphérie », Etats en
développement. En témoigne la fluctuation des prix des matières premières, la détérioration
des termes de l’échange. Selon l’auteur, la domination des pays du centre entrainant des
rapports de dépendance du Tiers-monde vis-à-vis de ces Etats est la résultante du « sous-
développement », du « contre-développement » voire du « mal-développement ».
Il serait cependant naïf d’oublier de mettre en évidence la part de responsabilité des dirigeants
des Etats du Tiers-monde dans cette situation. Il est bon à présent d’apprécier les positions
doctrinales exposées afin d’en tirer des conclusions utiles.

Section II - L’analyse des approches doctrinales exposées


A propos des doctrines dites pacifistes, il serait inexact de croire à la disparition totale de
rapports conflictuels et antagoniques dans les relations entre les membres de la société
internationale quand bien même il existerait entre eux un cadre minimum de concertation, de
cordialité voire de coopération.
Quant aux doctrines dites bellicistes, l’on ne peut que reconnaître la réalité des rapports
conflictuels entre les membres de la société internationale. Pour autant, des organes de
rapprochement existent visant la recherche d’intérêts communs et leur préservation. C’est par
exemple l’objectif assigné à l’OTAN ou à l’ONU en matière militaire ou idéologique ; à l’UA
ou à l’ONU en matière politique ; à l’UE ou à la CEDEAO en matière économique ; à
l’UNESCO en matière culturelle. Evidemment l’on ne saurait nier que se pose la question de
l’efficacité de ces organes à remplir cet objectif.
En somme, les relations internationales ne sont pas essentiellement conflictuelles. Elles le
sont sûrement tenant à la confrontation d’intérêts opposés, de volonté de domination voire
d’exploitation. Le recours à la force est leur mode d’expression. Les conséquences qui en
découlent n’ont pas de commune mesure dans l’histoire de l’humanité si l’on s’en tient aux
pertes en vie humaines ou de destruction de biens. Il est plus qu’indispensable pour toutes ces
raisons de s’obliger à inscrire les relations internationales dans un cadre de solidarité. C’est
l’une des raisons de l’institutionnalisation de la société internationale par la création
d’organisation internationales en vue de la préservation de la paix et de l’harmonie entre les
acteurs des relations internationales. Comprendre les RI internationales c’est aussi admettre
leur autonomie malgré l’interdisciplinarité de la matière.

CHAPITRE III – L’INTERDISCIPLINARITE DES RI


Plusieurs facteurs d’ordre historique, géographique, sociologique, économique,
anthropologique et notamment juridique non seulement irriguent les RI mais surtout en
constituent l’ancrage.

6
Plus spécifiquement, les RI se rapprochent sans se confondre à plusieurs disciplines ou
sciences telles que :
- Le DIP qui étudie les règles et institutions juridiques qui gouvernent les RI ;
- Les Institutions Internationales : c’est l’étude des institutions internationales ;
- Les Relations Diplomatiques : l’étude des pratiques et documents diplomatiques ;
- Le Droit des Relations Extérieures qui étudie l’ensemble des règles juridiques internes
qui organisent les relations de l’Etat avec les autres sujets du droit international ;
- La Politique Extérieure : c’est l’étude de la politique étrangère d’un Etat déterminé
- La Science Politique, c’est-à-dire la science de l’Etat ou encore la science du pouvoir.

En définitive, l’étude des relations internationales impose certes d’avoir un regard


multidimensionnel pour mieux saisir et comprendre les problèmes internationaux posés. Mais,
dans le cadre de cette formation, un intérêt particulier sera porté à l’étude du droit des
relations internationales. Dans cette optique, nous envisagerons les éléments fondamentaux
des relations internationales d’une part (1ère Partie) avant de consacrer, d’autre part, à
l’évolution de la société internationale (2è Partie).

7
PREMIERE PARTIE : LES ELEMENTS FONDAMENTAUX DES RELATIONS
INTERNATIONALES

Ces éléments sont dits fondamentaux car ils constituent les organes essentiels des relations
internationales. Il s’agit des acteurs des relations internationales (Titre I) et des normes
assurant la régulation de la société internationale (Titre II).

TITRE Ier : LES ACTEURS DES RELATIONS INTERNATIONALES


A côté des sujets du DIP, qui sont les acteurs de premier ordre des relations internationales
(Chap I), il y a les groupements internes à dimension internationale (Chap II).

CHAP I : LES SUJETS DU DIP


L’on distingue les Etats (Section I) et les organisations internationales (Section II).

S I : LES ETATS
Pour définir l’Etat, l’on retiendra la conception contemporaine et traditionnelle selon laquelle
l’Etat est une personne morale (abstraite) de droit public (ayant en charge l’intérêt général)
qui exerce son autorité souveraine sur un territoire à l’égard d’une population17. Alors que les
structures d’organisation politique, économique et sociale ayant la forme étatique apparurent
en Afrique dès le VIIè siècle, leur reconnaissance fut très tardive. Plus tardive en effet que
celles qui dès le XVIè siècle naissaient en l’Occident sous la forme moderne de l’Etat. Une
présentation de l’Etat impose donc de rappeler les éléments constitutifs de l’Etat (I), puis de
revenir sur ses caractéristiques ainsi que ses compétences (II) et enfin d’envisager la question
de sa reconnaissance (III).

I : Les éléments constitutifs de l’Etat


Il résulte de la définition de l’Etat trois principaux éléments que sont le pouvoir politique (A),
le territoire (B) et la population (C).

A : Le pouvoir politique
En substance, le pouvoir politique traduit la « fonction de commandement, exercée par les
gouvernants, dans la conduite des affaires publiques »18. Sa forme juridique est le
gouvernement. Lato sensu, constituent le gouvernement : le pouvoir exécutif, législatif, la
justice, les forces de l’ordre public ainsi que l’administration publique. Stricto sensu, le
gouvernement est circonscrit au pouvoir exécutif, c’est-à-dire le président de la république, le
premier ministre, les ministres et secrétaires d’Etat.
Il revient au droit constitutionnel interne la détermination de l’organisation du pouvoir
politique qui s’exerce sur le territoire de l’Etat.

17
Debard Thierry, Dictionnaire de droit constitutionnel, Paris, Ellipses, 2è édition, 2007, p. 176.
18
Idem, p. 317.
8
B : Le territoire
Entendons le territoire comme l’espace géographique sur l’étendue duquel s’exerce de
manière souveraine et exclusive l’autorité politique. Le territoire représente ainsi le support
matériel de l’Etat. Il ne saurait exister d’Etat nomade.
Concrètement, le territoire comprend l’espace terrestre (1), l’espace aérien (2) et l’espace
maritime (3).

1 - L’espace terrestre
Il est délimité par des frontières, qu’elles soient naturelles ou artificielles. Dans de nombreux
cas, les tracés n’ont pas été obtenus sans conséquences pour les populations. L’exemple des
Etats africains dont les frontières sont issues de la période coloniale est très illustratif.
Le territoire terrestre est constitué du sol et du sous-sol. L’étendue ou la superficie du
territoire étatique n’est déterminée par aucun texte. Aussi les superficies des Etats varient-
elles : la Russie (17.075.000 km2, 142 millions d’hab) ; la Chine (9.600.000 km2,
1.350.000.000 d’hab) ; la Grenade (344 km2, 120.000 hab).

2 - Le territoire marin
Il est composé des eaux intérieures (eaux portuaires, rades, havres, baies), la mer territoriale
(12 milles marins : 22,250 km) et la zone économique exclusive (200 milles marins : 370 km).
Alors que la souveraineté de l’Etat côtier ou riverain sur les eaux intérieures et la mer
territoriale est exclusive, quant à la zone économique exclusive, les droits de l’Etat ne portent
que sur l’exploitation et des ressources biologiques de la colonne d’eau et du sous-sol.

3 - L’espace aérien
Il surplombe le territoire terrestre et une partie de l’espace maritime comprenant les eaux
intérieures et la mer territoriale à l’exclusion de la zone économique exclusive et de la haute
mer. Il en résulte que l’Etat exerce sa souveraineté sur son espace aérien, de sorte que tout
accès à cet espace doit obtenir son autorisation. Aussi le développement des communications
entre Etats a rendu nécessaire la conclusion d’une convention (Chicago du 7 décembre 1944)
permettant le libre survol des espaces atmosphériques aux avions civils des Etats membres et
soumettant celui des avions militaires à une autorisation. Créée en 1944, l’organisation de
l’aviation civile internationale (O.A.C.I.), devenue depuis 1947 une institution spécialisée des
Nations Unies, a pour mission de régler les problèmes posés par la navigation aérienne.
Le territoire ainsi présenté est un élément essentiel de sédentarisation des populations de
l’Etat.

C : La population
La population peut être définie comme l’ensemble des individus vivant sur un territoire et sur
lesquels l’Etat exerce son autorité. Elle se compose de nationaux et d’étrangers dont les statuts
soulèvent des problèmes au plan international.

9
1 – Les qualités de national et d’étranger
La qualité de national d’un Etat s’acquiert par la nationalité, c’est-à-dire le lien juridique qui
relie une personne physique ou morale à un Etat. Retenons plus précisément la définition
qu’en a donnée la CIJ dans l’affaire Nottebohm du 6 avril 1955 : « La nationalité est un lien
juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective
d’existence, d’intérêts, de sentiments joints à une réciprocité de droits et de devoirs ».
Sont donc des étrangers, les personnes ayant la nationalité d’un autre Etat ou ne pouvant
se prévaloir d’aucune nationalité (apatrides) qui résident sur le territoire d’un Etat.
Chaque Etat dispose d’un pouvoir discrétionnaire d’attribution de sa nationalité. Les
modes d’acquisition reconnue en matière de nationalité tiennent soit de la filiation (jus
sanguinis) soit du lieu naissance ou de la durée du séjour sur le territoire (jus soli) soit du
mariage.
Il reste que l’Etat n’est nullement tenu de recevoir des étrangers sur son territoire sauf à le
consentir. Il n’est pas non plus tenu de traiter de manière identique ses nationaux et les
étrangers. Il arrive néanmoins que l’attribution de la nationalité par un Etat soulève des
difficultés auxquelles le droit international peut permettre de répondre. Il s’agit notamment de
celles liées à l’inexistence de la nationalité et à son opposabilité.
Si la nationalité est un droit, il est des personnes qui n’en disposent d’aucune, se trouvant en
situation d’apatridie. La conséquence directe d’une telle situation est de ne pouvoir bénéficier
de la protection diplomatique qui a pour fondement le lien d’allégeance à un Etat ou la
nationalité19.
Quant au problème de son opposabilité, la définition ci-dessus rappelée de la nationalité dans
l’affaire Nottebohm est éclairante. La Cour a retenu que la nationalité attribuée par le
Liechtenstein à Nottebohm était inopposable pour défaut d’effectivité.
2 – la condition juridique des étrangers en droit international
La condition juridique des étrangers porte sur la notion de traitement minimum. Cette notion
met en rapport les compétences souveraines de l’Etat d’accueil et les droits des étrangers.
Malgré le développement notable que connait la notion de traitement minimum des étrangers
ces dernières années, elle soulève des difficultés tenant à sa perception et à sa compréhension.
Il est ainsi de savoir si le droit international consacre un principe de traitement international
minimum des étrangers que les Etats sont obligés de respecter ou si la solution est laissée à la
discrétion des Etats.
a – Le contenu de la notion de traitement international minimum
La question qui se pose est précisément celle de savoir si le droit international général
reconnait un standard de vie au profit des étrangers. Des décisions jurisprudentielles20 et des

19
Se rapporter à la convention de New-York du 28 septembre 1954 sur le statut des apatrides et celle du 30 avril
1961 relative à la réduction des cas d’apatridie.
20
CPJI Arrêt du 25 mai 1926 relatif à certains droits et intérêts allemands en Haute-Silésie Polonaise ; CPJI, 15
décembre 1933, affaire de l’Université Peter Pazany de Budapest ; CPJI, avis du 4 février 1932 relatif au
traitement des nationaux polonais à Dantzig.
10
conventions en la matière existent mais n’offrent pas de solutions précises à ce problème.
Aussi nous orientons-nous vers d’autres notions pour espérer en dégager des solutions
convaincantes. Il s’agit :
- Le droit d’accès au territoire de l’Etat de résidence
C’est une question au sujet de laquelle l’Etat d’accueil dispose d’une compétence souveraine
et discrétionnaire21. L’étranger n’a par conséquent aucun droit à l’admission sur le territoire
d’un Etat en l’absence du consentement d’être lié exprimé par celui-ci en vertu d’un traité,
d’une coutume ou d’un acte unilatéral.
C’est également le cas des apatrides malgré les textes garantissant leur statut22. Il en est de
même pour les refugiés23 qui possèdent la nationalité d’un Etat qui pour des raisons diverses
notamment politiques ne peut les protéger.
Il suit de là que le droit international renvoie à l’Etat d’accueil la réglementation de l’accès
des étrangers à son territoire. Il en découle un droit conditionné et précaire face à la
compétence souveraine et discrétionnaire de l’Etat d’accueil. Aussi dans l’affaire Chac-
Chang-Ping contre Etats-unis d’Amérique de 1889, la Cour suprême américaine a jugé que le
pouvoir d’exclure les étrangers, notamment les chinois, est pour le gouvernement des Etats-
unis d’Amérique est un droit souverain. La Cour suprême argentine a reconnu, dans un arrêt
du 23 mars 1956 (Re sosa), le pouvoir du gouvernement de réglementer et de contrôler
l’admission des étrangers conformément aux règles constitutionnelles.
Le constat est éloquent que de nos jours, pour des raisons diverses tenant aux Etats d’accueil
les contrôles sont accrus et pointus pour devenir enfin de compte quasi prohibitifs quant à
l’accès des étrangers à leurs territoires. En témoignent les conditions et procédures en la
matière en vigueur dans la plupart des Etats industrialisés (passeport biométrique, visas, test
du sida, certificat sanitaire et d’hébergement, caution de rapatriement, ressources financières
suffisantes pour y vivre etc.). Il est à l’inverse frappant que les conditions exigées aux
étrangers accédant aux territoires des Etats du Tiers-Monde soient à quelques exceptions près
plus que souples au point de se demander s’il y en a.
Il reste que l’accès aux Etats n’en est pas pour autant hermétiquement fermé. Les étrangers
qui y accèdent bénéficient d’un statut de résident.
- Le statut de résident
Le droit international retient le principe de l’assimilation de l’étranger au national, c’est-à-dire
de l’égalité de traitement entre le national et l’étranger. C’est au surplus ce qu’ont reconnu des
décisions jurisprudentielles24. Dans la pratique, le droit interne de l’Etat d’accueil reste
21
Voir Basdevant Suzanne, « Théorie générale de la condition des étrangers », Répertoire de droit international
de Niboyet et de la Pradelle, T.VIII, pp. 4 et suiv ; Abiabag Issa, « Le statut des étrangers », encyclopédie
juridique de l’Afrique, T. 6, Abidjan, Dakar, Lomé, NEA, 1982, pp. 129-141.
22
La convention de New-York du 28 septembre 1954 sur le statut des apatrides.
23
Il s’agit de toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa
nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou à de ses opinions politiques, se trouve hors du pays
dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays »
convention sur les réfugiés, art. 1er, A 2°, du protocole du 31 janvier 1967.
24
La CPJI dans son avis du 4 février 1932 relatif au traitement des nationaux polonais à Dantzig, se réfère à cette
égalité de traitement.
11
prépondérant. Il soumet les nationaux et les étrangers à des droits et à des devoirs au regard
desquels une certaine égalité se dégage.
Au titre de leurs droits, les textes internes affirment l’égalité de tous devant la loi25. Il en est
ainsi des droits civils et économiques, comme la propriété privée26. C’est encore le cas en
matière d’expropriation et de réquisition27 ou encore pour les investissements privés et biens
des étrangers28. L’égalité semble également être de mise pour l’accès aux emplois. Sur ce
point, la sévérité des crises et conjonctures économiques avec l’accroissement souvent
vertigineux du taux du chômage ont créé des crispations et conduit à des mesures de
protection du marché de l’emploi dans les Etats d’accueil, notamment les Etats industrialisés.
En droit de la famille, si l’égalité est présumée, il est tout de même des restrictions en matière
de tutelle confiée à des étrangers ou l’adoption d’un enfant par un étranger. En ce qui
concerne les libertés individuelles (liberté de conscience, de croyance, d’aller et de venir), les
Etats d’accueil accordent aux étrangers leur jouissance et leur exercice.
Quant à leurs devoirs, l’étranger et le national sont soumis aux mêmes charges. L’étranger se
doit d’observer avec respect les lois de l’Etat d’accueil29. Il doit s’acquitter du paiement de ses
impôts30.
De ce qui précède, il y a lieu de reconnaitre qu’il n’y a pas en droit international de règle
générale d’égalité de traitement entre nationaux et étrangers. Certes, tout étranger, en dehors
de la volonté de l’Etat d’accueil à être lié, a droit à un traitement international type ou
minimum. A l’égard de l’étranger, les obligations de l’Etat d’accueil se traduisent en des
obligations de ne pas faire (traitement anormal) et des obligations de faire (protection
spéciale). En réalité, l’Etat n’est soumis qu’à peu d’obligations substantielles. De ce point de
vue, les privilèges et la protection dont bénéficient les agents diplomatiques relèvent du statut
particulier dont ils jouissent en tant que représentants de l’Etat accréditant31. Les relations
diplomatiques sont un cadre éminent de rapports de réciprocité.
Il est néanmoins de relever que certains auteurs, se fondant sur des traités particuliers conclus
entre Etats, dont ils assimilent les effets à la notion de traitement minimum, réclament un
statut privilégié pour les étrangers par rapport aux nationaux. Cette pratique est sous-tendue
par le droit des traités et celui des investissements privés étrangers. Elle consiste pour les
Etats, à travers des conventions, de reconnaitre réciproquement à leurs ressortissants des
droits et des avantages. C’est le cas des conventions d’établissements32. Lorsqu’il s’agit de
contrats d’investissement, ces conventions prennent la dénomination de traités de

25
La constitution ivoirienne du 1er août 2000 en son art. 30.
26
Art. 15 et 17 constitution 2000.
27
Cour permanente d’arbitrage de la Haye, affaire des armateurs norvégiens du 13 octobre 1922 à propos de
réquisition et saisies aux Etats-Unis par ces derniers de navires norvégiens au cours de la guerre (1914-1918).
28
CPJI, arrêt du 25 mai 1926 relatif à certains intérêts allemands en HAUTE-Silésie Polonaise constate que le
traitement général accordé est fondé sur le respect des droits acquis.
29
Art. 23 de la constitution 2000.
30
Art. 27 constitution 2000.
31
Combacau Jean, Sur Serge, Droit international public, Paris, Montchrestien, 5è édition, 2001, p. 236.
32
La notion de convention d’établissement, en droit international, est réservée à une catégorie de traités par
lesquels les Etats signataires autorisent les ressortissants de l’un d’eux à séjourner et à exercer leurs activités sur
le territoire de l’autre.
12
couverture33. Ils aboutissent non seulement à instaurer un régime d’assimilation de l’étranger
au national34 mais surtout à octroyer un régime de faveur aux ressortissants étrangers des
Etats industrialisés en vue d’attirer leurs investissements. Certains auteurs y voient l’existence
d’un statut dérogatoire supérieur dans l’Etat de résidence. Aussi perçoivent-ils l’inobservation
par l’Etat d’accueil d’un contrat conclu avec l’étranger comme un acte internationalement
illicite qu’ils considèrent comme un différend de droit international public35. Cette position est
critiquable pour deux raisons : d’une part, l’inobservation par un Etat d’un contrat
d’établissement ne saurait être assimilée à une méconnaissance d’une obligation
internationale d’autant qu’il n’a pour objet que le rapprochement de l’étranger du national.
D’autre part, il y a lieu de douter de la validité des contrats d’établissement, comme le fait
Wengler36, pour qui ces contrats en cela qu’ils ne sont profitables qu’aux ressortissants des
Etats industrialisés sont contraires au jus cogens en vertu de la théorie des traités inégaux.
C’est dire que la notion de traitement minimum reste une tentative d’assimilation de l’étranger
au national et en aucun cas un traitement inégalitaire ou privilégié. L’Etat dispose en la
matière d’une compétence souveraine et discrétionnaire. Comment la notion de traitement
minimum est-elle appliquée par les Etats ?
b – L’application du traitement international minimum
Le constat est éloquent que nulle part, il n’existe de traitement égalitaire entre l’étranger et le
national. Il y a plutôt une différence de traitement au profit du national. Mais certaines
catégories d’étrangers bénéficient, par la volonté de l’Etat d’accueil, de traitements spéciaux
de faveur : les agents diplomatiques et consulaires. A l’inverse, les autres étrangers font, dans
certains cas, l’objet de traitement discriminatoire.
• Le traitement spécial de faveur des agents diplomatiques et consulaires
Dans le cadre des relations diplomatiques, les (agents diplomatiques et consulaires)
représentants de l’Etat accréditant auprès de l’Etat accréditaire, bénéficient de privilèges et
d’immunités (garanties de protection de l’indépendance de l’agent et de la souveraineté qu’il
représente) dont ne disposent pas au surplus les nationaux, encore moins les étrangers
ordinaires. Les immunités tiennent en leur personne et les privilèges à leurs biens.
En ce concerne les agents diplomatiques, au titre des immunités, le diplomate est couvert par
une sécurité absolue (art. 29 Conv. de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations
diplomatiques) sur le territoire de l’Etat accréditaire, de sorte qu’il ne peut être arrêté ou
détenu. Ils bénéficient de l’inviolabilité tant de leur personne que de leurs biens (domicile,
documents, correspondance etc.). Son statut lui confère une immunité juridictionnelle totale
en matière pénale, autrement dit il ne saurait être jugé par les tribunaux de l’Etat accréditaire
33
Il s’agit des contrats conclus par l’Etat contractant et l’Etat national du cocontractant en vue de garantir les
contrats que passent leurs ressortissants.
34
Ce fut le cas avec la convention d’établissement passée le 27 juin 1960 entre la France et Madagascar. Elle eut
pour effets l’assimilation des français aux malgaches pour l’exercice de professions libérales, la participation aux
attributions de marchés publics et d’obtention des autorisations administratives, le bénéfice de la législation du
travail etc.
35
Voir Weil Prosper, Problèmes relatifs aux contrats passés entre un Etat et un particulier, RCADI, 1969, T.
148, pp. 123-124
36
Wengler Wilhem, « Les accords entre Etats et entreprises étrangères sont-ils des traités de droit
international ? », RGDIP, 1972, pp. 335-336.
13
qu’il ait ou non agi dans l’exercice de ses fonctions. Civilement, l’immunité de juridiction est
réduite d’autant qu’elle ne porte pas sur les actions en justice portant sur des immeubles
privés leur appartenant.
Cette position est consacrée par la CIJ, dans l’affaire Personnel diplomatique et consulaire des
Etats-Unis à Téhéran. La Cour a déclaré que « dans la conduite des relations entre Etats, il
n’est pas d’exigence plus fondamentale que celle de l’inviolabilité des diplomates et des
ambassades et, au long de l’histoire, des nations de toutes croyances et de toutes cultures ont
observé des obligations réciproques à cet effet, et les obligations ainsi assumées pour garantir
la sécurité personnelle des diplomates et leur exemption de toute poursuite sont essentielles,
ne comportent aucune restriction et sont inhérentes à leur caractère représentatif et leur
fonction diplomatique »37.
Quant aux privilèges, des exonérations fiscales et des exemptions douanières sont accordées
aux agents diplomatiques. Notons que les membres de leurs familles bénéficient aussi de ces
immunités et privilèges. Qu’en est-il des agents consulaires ?
Les agents consulaires exercent des fonctions administratives et commerciales. Les immunités
et privilèges dont ils bénéficient sont réduits car ils sont exclusivement attachés à leurs
fonctions ; ils sont dits fonctionnels.
Il en est ainsi de leur l’inviolabilité personnelle comme l’indique l’art. 41 de la Conv. de
Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires. Il en résulte que l’inviolabilité des
consuls est garantie sauf en cas de crime grave et à la suite de décision de l’autorité judiciaire
compétente
Il en est de même de leur immunité juridictionnelle qui bien qu’elle les protège dans
l’exercice de leurs fonctions en matière pénale ne les couvrent point en matière civile38.
Pour ce qui relève des exonérations fiscales et exemptions douanières, les consuls sont placés
dans la même situation que les diplomates.
Les agents diplomatiques et les consuls bénéficient ainsi d’un traitement international
maximum discriminatoire par rapport à la situation des étrangers ordinaires.
• La discrimination dans le traitement des étrangers ordinaires : elle est motivée par deux
raisons : la sécurité nationale et la sauvegarde de l’intérêt général. Par conséquent, l’Etat de
séjour exerce un contrôle de la reconnaissance et de l’exercice des droits civils et politiques
ainsi que des droits sociaux et économiques.
Pour les droits civils et politiques, les étrangers en sont exclus. Ces droits ne sont reconnus
qu’aux seuls nationaux. Ceux-ci sont les seuls à pouvoir participer à la vie politique et
institutionnelle de l’Etat. Aux nationaux est donc reconnue la capacité de jouissance et
d’exercice du droit de suffrage, autrement dit être électeurs ou candidats à une élection. Il en
est ainsi de certaines libertés comme celle de réunion, d’association, d’enseignement dont ne
peuvent bénéficier les étrangers sauf à remplir des conditions rigoureuses. Egalement, les

37
CIJ, ordonnance du 15 déc. 1979, Rec. 1979, p. 19. Lire Giuliano, « Les relations et immunités diplomatiques,
RCADI, 1960, vol. 100, pp. 80-202.
38
A propos des immunités et privilèges des consuls, voir Libéra, « Le fondement juridique des privilèges et
immunités consulaires », RGDIP, 1959, pp. 434-477.
14
étrangers ordinaires sont, en vertu du principe de territorialité, justiciables des tribunaux
nationaux en matière pénale. Ils peuvent également faire l’objet de mesures d’extradition
consistant pour l’Etat de séjour, en vertu d’accords ou traités, de remettre un délinquant de
droit commun (et non politique) à l’Etat réclamant pour être jugé sur le territoire où
l’infraction a été commise39.
L’étranger peut encore être expulsé. Il s’agit d’une compétence de l’Etat dès lors que le séjour
de l’étranger sur le territoire menace l’ordre public.
Pour les droits sociaux et économiques, l’étranger ne bénéficie pas ici également de traitement
de faveur. Ainsi pour l’accès à l’emploi, le principe en la matière est celui de l’autorisation
préalable de l’Etat d’accueil40. Quant aux biens des étrangers, le constat est le même, le
traitement est également discriminatoire. En témoigne, les vagues de nationalisations qui ont
suivi la fin du deuxième conflit mondial. C’est dire que le principe des droits acquis a perdu
son intangibilité comme le confirma la sentence arbitrale dans l’affaire Texaco-calasiatic
contre le gouvernement libyen : « le droit d’un Etat de procéder à des nationalisations n’est
pas aujourd’hui contestable. Il résulte du droit international coutumier établi, à la suite des
pratiques concordantes considérées par la communauté internationale comme étant le
droit »41.
Il s’impose en fin de compte que le principe du traitement international minimum est
ineffectif. La compétence souveraine des Etats reste inébranlable. Envisageons à présent, les
caractéristiques et les compétences de l’Etat.
II – Les caractéristiques et les compétences de l’Etat
Les caractéristiques de l’Etat impriment la mise en œuvre de ses compétences dans les
relations internationales.
A – Les caractéristiques de l’Etat
Il s’agit d’évoquer ici la souveraineté et la personnalité juridique de l’Etat.
1) La souveraineté
Elle distingue l’Etat des autres sujets de droit. La définition de la souveraineté permettra d’en
mieux percevoir les implications.
a) Le sens de la souveraineté
Etymologiquement, la souveraineté est le pouvoir suprême. Alors que la souveraineté interne
semble absolue, la souveraineté internationale est plutôt relative. En effet, pour Serge Sur,
l’indépendance et l’égalité des Etats en droit international traduisent la limitation de la
souveraineté internationale42. Dans le même sens, Dupuy René-Jean note que la souveraineté

39
Le national qui commet une infraction de droit commun à l’étranger ne saurait être extradé. Le devoir de
protection des nationaux constitue un obstacle de facto à l’exercice de la compétence pénale de l’Etat réclamant.
40
Lire N’Guyen Quoc Dinh, Droit international public, Paris, LGDJ, 1987, p. 610.
41
Cf Journal du droit international, 1977, p. 367.
42
Sur Serge, Relations internationales, Paris, Montchrestien, 1995, pp. 211-214.
15
est le pouvoir exclusif que possède tout Etat mais limitée par le droit international43. Quelles
en sont les implications ?
b) Les implications de la souveraineté
Dans l’ordre interne, le trait caractéristique de la souveraineté est l’indépendance de l’Etat. Il
dispose de la « compétence des compétences », c’est-à-dire qu’il détient l’exclusivité ou le
monopole des compétences. Autrement dit, il a une liberté totale de décision et dispose de la
plénitude des compétences. En d’autres termes, il n’a besoin d’aucune habilitation spéciale
pour exercer ses compétences.
Dans l’ordre international, la souveraineté de l’Etat a pour effet la non-intervention ou la non-
ingérence dans les affaires intérieures d’un autre Etat. Dans les faits, les cas de non-respect de
cette obligation sont nombreux : en 1977, la France intervenait à Kolwezi (ex-Zaïre) ; l’Union
soviétique en Afghanistan en 1979 et plus récemment, les Etats-Unis intervenaient en Irak. En
plus de la souveraineté, l’Etat est dotée au niveau international d’une personnalité juridique.
2 – La personnalité juridique de l’Etat
La personnalité juridique signifie la capacité de l’Etat à être titulaire de droits et de devoirs.
A cela s’ajoute le caractère moral de la personnalité juridique, c’est-à-dire que l’Etat est un
concept, une abstraction. Alors que la personnalité de l’Etat est démultipliée au niveau interne
en raison de l’existence d’autres personnes morales de droit public (établissements publics,
collectivités décentralisées), dans l’ordre international, il y a unité de la personnalité de l’Etat.
La personnalité juridique a divers implications : la possibilité pour l’Etat d’ester en justice ou
d’être attrait devant les juridictions compétentes. Egalement, la personnalité juridique sous-
tend la continuité de l’Etat. Il s’en suit que les changements, au niveau du gouvernement ou
du territoire ne sauraient remettre en cause l’existence de l’Etat. Aussi les engagements
souscrits par un précédent gouvernement doivent-ils être respectés par le nouveau
gouvernement.
Envisageons maintenant les compétences de l’Etat.
B – Les compétences de l’Etat
Une compétence s’entend de l’aptitude légale à accomplir un acte, à prendre une décision, à
poser un acte. L’Etat est doté de compétences internes et de compétences internationales.
1 – Les compétences internes
Elles sont de trois ordres : territorial, personnel, et fonctionnel.
a) La compétence territoriale : elle s’entend de la compétence exercée sur toute l’étendue
du territoire de l’Etat et sur tout ce qui s’y trouve ou s’y rattache. Il s’agit de
compétences législatives, administratives et juridictionnelles.
b) La compétence personnelle : c’est celle que l’Etat exerce sur ses nationaux sur son
territoire ou à l’étranger.

43
Dupuy René-Jean, Le droit international,
16
c) La compétence fonctionnelle : elle s’exerce à raison des services publics à l’étranger
ou sur le territoire national. Elle porte sur l’organisation politique, la défense
nationale, les services diplomatiques et consulaires.
A côté des compétences internes, l’Etat est doté de compétences internationales.
2 – Les compétences internationales
Elles sont mises en œuvre dans le cadre des rapports de l’Etat avec les autres acteurs des
relations internationales. En raison de leur diversité, nous en retiendrons les plus
caractéristiques :
a) Les relations diplomatiques
Les Etats échangent des diplomates. Il s’agit du droit de légation. Il est dit actif quand l’Etat
envoie des agents diplomatiques à l’étranger et passif quand l’Etat en reçoit. Est Etat
accréditant celui qui envoie et accréditaire celui qui reçoit.
b) Le pouvoir de conclure des traités
L’Etat a la possibilité de conclure des conventions internationales avec d’autres acteurs des
relations internationales.
c) Le pouvoir de présenter une réclamation internationale
Lorsqu’un dommage lui a été causé, l’Etat peut saisir une juridiction internationale. Il peut
aussi être attrait devant les juridictions.
d) Le droit d’user de la contrainte
Le recours à la force dans les relations internationales est clairement prohibé par le droit
international (art. 2 de la Charte de l’ONU). Mais la pratique y apporte un démenti. Par
exemple, les USA ont en 1986 bombardé la capitale libyenne.
Après avoir étudié les conditions d’existence et les caractéristiques de l’Etat, intéressons nous
à la question de sa reconnaissance.
III – La reconnaissance de l’Etat
« La reconnaissance est l’acte juridique unilatéral par lequel un Etat atteste l’existence à son
égard d’une situation de fait et s’engage à en tirer les conséquences que le droit attache à cette
existence »44. Il s’agit ainsi d’un acte unilatéral discrétionnaire par lequel un Etat prend acte
d’une situation ou d’un fait, qui traduit l’existence d’un Etat, et dont il devra tenir compte
dans les relations internationales.
De ce qui suit, doit-on considérer la reconnaissance comme un élément supplémentaire
constitutif de l’Etat comme ont pu le penser certains auteurs comme les italiens Anziloti et
Cavaglieri ou les allemands Triepel et Jellinek ? Pour y répondre, nous nous attacherons à la
forme et à la perception de la reconnaissance.

44
Combacau J., Sur S., Droit international public, op. cit., p. 285.
17
A – Les éléments formels de la reconnaissance
Il s’agit tout d’abord de l’auteur de la reconnaissance : un Etat ou une organisation
internationale.
Il s’agit ensuite des caractères de la reconnaissance : elle peut être expresse (une déclaration
verbale ou écrite) ; elle peut être tacite ou implicite (entretenir des relations avec le nouvel
Etat sans faire de déclaration).
Il s’agit enfin de la nature de la reconnaissance : elle est faite soit de jure (dotée d’une valeur
juridique, elle est pleine et entière, définitive et irrévocable. Elle a force obligatoire dans les
relations des Etats concernés) ; soit de facto (à travers les faits ou le comportement. Elle est
provisoire et révocable. Elle n’a pas force obligatoire).
Comment la reconnaissance est-elle appréciée ?
B – L’appréciation de la reconnaissance : portée et illustration
Elle traduit en réalité la question de la portée de la reconnaissance à propos de laquelle se
départagent deux points de vue (1). La question palestinienne est révélatrice de ces positions.
(2).
1 – La portée de la reconnaissance
D’une part, pour les auteurs comme Cavaglieri, Triepel et Jellinek, la reconnaissance est une
condition d’existence de l’Etat au même titre que la population, le territoire et le pouvoir
politique. Tout Etat qui n’est point reconnu par les autres ne peut être accepté comme Etat.
Cette position est inadmissible d’autant qu’elle semble consacrer une vision subjective de la
notion d’Etat.
A l’inverse, d’autre part, la reconnaissance n’est pas perçue par d’autres auteurs comme un
élément purement subjectif, si bien qu’il ne revient pas aux Etats de décider de l’existence
d’un autre Etat. Une décision du tribunal arbitral mixte de 1919 relative à la Pologne est très
éclairante : « L’Etat existe par lui-même et la reconnaissance n’est rien d’autre que la
déclaration de son existence reconnue par les Etats dont elle émane. » La reconnaissance a
très clairement un effet purement déclaratif. Il en résulte que le défaut de reconnaissance ne
peut priver un Etat de son existence. Aurait-on pu imaginer comme ce fut le cas à l’égard de
l’URSS et de la Chine populaire qu’il ne s’agissait pas d’Etats puisqu’ils n’avaient pas été
reconnus par certains Etats. En outre, une anticipation de reconnaissance n’a également aucun
effet : l’on se souvient que la Côte d’Ivoire avait de manière prématurée et anticipée reconnu
la province nigériane sécessionniste du Biafra (1967-1970) comme Etat. Le Biafra ne se
constituera pas en Etat.
Il est ainsi de retenir que la reconnaissance n’est pas une condition d’existence de l’Etat
comme le révèle la question de l’existence d’un Etat palestinien.
2 – La question de l’existence d’un Etat palestinien
Sont entremêlées à ce propos, les questions de reconnaissance et d’existence de l’Etat
palestinien. La Palestine se situe au Moyen-Orient (Asie), avec pour voisins : le Liban et la
Syrie au nord ; la mer rouge au sud ; la Jordanie à l’est ; à l’ouest la mer méditerranée et

18
l’Egypte. A la demande de la Grande-Bretagne, l’Onu procéda le 29 novembre 1947 au
partage de la Palestine en un Etat juif (Israël) et un Etat arabe (Palestine).
Quelle réponse apporte la conception de l’Etat en droit international à la question de
l’existence d’un Etat palestinien et sa reconnaissance ?
a) De l’existence d’un territoire palestinien
Le partage du territoire de la Palestine attribua l’Est aux arabes (7/8è du territoire) et l’ouest
ainsi que Jérusalem à Israël (1/8è du territoire). Le 14 mai 1948 David Ben Gourion proclama
l’indépendance d’Israël. L’opposition des arabes entraina plusieurs guerres : celle de 1948-
1949, celle de mai 1967 dites des « six jours » puis celle du Kippour en octobre 1973. Israël
en sortit victorieux et annexa le Sinaï, Jérusalem-est, Gaza, la Cisjordanie et les hauteurs de
Golan. Ces occupations furent condamnées par la résolution 242 du 22 novembre 1967 du
Conseil de sécurité de l’Onu. Elle exige « le retrait des forces israéliennes des territoires
occupés, le respect et la reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de
l’indépendance et du droit de vivre en sécurité de chaque Etat de la région ». Le 25 janvier
1980, le Conseil de sécurité de l’ONU condamne les implantations juives en territoire occupé.
Il ressort de la notion de « territoires occupés » qu’un territoire palestinien issu du partage de
1947 existe sur lequel vit une population.
b) De l’existence d’une population palestinienne
En plus des populations restées en territoire palestinien, d’autres sont refugiées à l’extérieur.
Cette situation ne se s’oppose pas à l’existence d’une population palestinienne. A ces deux
éléments que sont le territoire et la population doit être ajouté le pouvoir politique pour
qu’existe un Etat.
c) De l’existence d’un gouvernement palestinien
Il a fallu attendre janvier 1996 pour voir l’élection d’un président de la Palestine au suffrage
universel direct en la personne de Yasser Arafat. La sécurité du territoire était assurée par
l’armée et la police. Des tribunaux assuraient la justice. Malgré ces éléments, l’occupation
d’une partie du territoire palestinien fait obstacle à l’existence d’un Etat palestinien. De
nombreux exemples dénotent du manque de pertinence d’un tel argument : l’occupation
allemande en France pendant la 2è guerre mondiale ; l’occupation de la bande d’Aouzou au
Tchad par la Lybie entre 1987 et 1988.
Les différents accords internationaux de paix signés entre la Palestine et Israël démontrent
bien la souveraineté internationale de la Palestine : la conférence de paix de Madrid (30
octobre 1991) ; les négociations d’Oslo (Norvège) en 1993 portant sur la déclaration
d’autonomie de la Palestine. La Palestine accrédite des ambassadeurs étrangers et envoie des
missions diplomatiques à l’étranger (en CI en 1998).
De tout ce qui précède, l’existence d’un Etat palestinien est incontestable.
Nous ne saurions terminer cette analyse consacrée à l’Etat sans aborder même brièvement
l’importance voire le poids des Etats dans les relations internationales. En réalité la typologie
des Etats peut expliquer l’influence ou le positionnement de ceux-ci dans les relations
internationales. Leur importance peut, nettement, s’expliquer par des éléments d’ordre
idéologique, politique, socio-économique et culturel. Il en résulte une classification des Etats
19
qui obéit à des critères tenant à divers éléments parmi lesquels : la forme constitutionnelle, la
dimension territoriale et formation sociale.
Relativement à sa forme constitutionnelle, il est de distinguer les Etats unitaires et les Etats
composés parmi lesquels : l’Etat fédéral, la confédération d’Etats.
Pour ce qui est de la dimension territoriale, nous l’avions vu, il s’est agi de la superficie des
Etats. Il y a des grands Etats et des micro-Etats.
Quant à la formation sociale, elle se dessine à travers les forces productives et les rapports de
production qui déterminent le mode production. La classification des Etats s’élaborera à partir
de ces différents critères.
Les Etats capitalistes : au sens sociopolitique, ils sont marqués par le respect des droits de
l’homme, le respect des libertés individuelles (d’expression, de croyance, d’opinion etc), des
libertés publiques (la liberté syndicale, la liberté associative, etc), le pluralisme politique ou
encore la possibilité de l’alternance politique. D’un point de vue économique, le capitalisme
se définit par les rapports de production et les forces productives. Le capitalisme se caractérise
par la propriété privée des moyens de production qui détermine les rapports de classes : la
bourgeoisie, ceux qui possèdent les moyens de production et le prolétariat qui anime les
moyens de production. Comme icônes du capitalisme, retenons les USA, France, Japon,
Angleterre, Allemagne qui assurent une domination des relations internationales. Le
capitalisme s’oppose nettement au socialisme.
Les Etats socialistes : C’est Lénine qui en donne une meilleure acception : il s’agit d’un
ensemble d’Etats qui se distinguent, au plan politique, par l’existence d’un parti unique
exclusif fondé sur le centralisme démocratique. Dans ces Etats, au plan politique, on note une
unité associative, syndicale ; une normalisation de la pensée, de l’expression, de l’opinion
voire de la croyance. Sont privilégiées les libertés dites concrètes (droits économiques,
sociaux et culturels) plutôt que celles jugées formelles (droits civils et politiques).
Economiquement, ils sont caractérisés par l’appropriation collective des moyens de
production. A l’intérieur comme à l’extérieur, l’Etat monopolise les activités économiques. A
chaque citoyen doit être reconnu plus de liberté, garanti une participation effective à la gestion
des affaires publiques. La répartition des richesses ne tient pas compte de la naissance ou la de
l’origine sociale. Comme chantres du socialisme, retenons l’URSS, Cuba ou la Chine.
L’antagonisme entre ces deux modèles conduisit à la bipolarisation des relations
internationales. A côté de ces deux camps, apparaissent de nouveaux Etats, ceux du Tiers-
Monde. Forgée par Alfred Sauvy à partir du terme « Tiers-Etat », la notion de Tiers-Monde se
réfère au sous-développement. Les Etats du Tiers-Monde sont les Etats sous-développés45. Au
niveau sociopolitique, ils se caractérisent par le régime monopartisan, des associations et
syndicats inféodés au parti, la négation des libertés individuelles. Au plan économique, ce
sont de gros exportateurs de matières premières, leur économie est extravertie. Il en résulte
une forte dépendance vis-à-vis des Etats industrialisés et une pauvreté accrue. Des efforts de
mécanisation et d’industrialisation des moyens de production sont perceptibles de nos jours.

45
La notion de sous-développement ne peut être séparée de la domination et de l’impérialisme. Développement
et sous-développement sont des phénomènes évolutifs, liés et qui s’expliquent l’un par l’autre. Franck Gunder,
Le développement du sous-développement de l’Amérique latine, Paris, Maspéro, 1972 ; Pellet Alain, Droit
international du développement, Que sais-je ? n° 1731, PUF, 1978.
20
Cette typologie des Etats fut remise en cause par la « perestroïka » de Mikhaïl Gorbatchev qui
augura d’une nouvelle classification « le monde globalisé », c’est-à-dire la mondialisation. Le
père de la perestroïka fut d’abord Secrétaire général du parti communiste en 1985, avant
d’être le chef de l’Etat de 1988 à 1991. La perestroïka a trois principaux enjeux : la
restructuration sociopolitique46 et économique47 au plan interne, la détente et l’ouverture aux
autres Etats48 et le « glanost »49 ou la vérité dans la gestion des affaires publiques et privées,
autrement dit, la levée des tabous50.
Cette nouvelle orientation donnée au régime communiste entraina le réveil des nationalismes
et précipita le mouvement d’effondrement du bloc soviétique51. Les Etats fédérés réclamèrent
leur indépendance.
Une autre classification plus actuelle va apparaître sous l’ère de la mondialisation : la
distinction « Pays-développés et Pays sous-développés ». Retenons d’emblée que la notion de
développement n’est pas aisée à cerner tant elle recouvre des aspects et des domaines divers.
En substance, le développement est perçu comme un processus, un état d’évolution et un
résultat. Il peut s’agir de progrès enregistrés, de transformations positives dans divers
domaines, dans les mentalités, les habitudes, dans la création intellectuelle, dans la production
scientifique, économique. Le développement est une donnée quantifiable, mesurable. Ainsi
des indicateurs, des indices, des coefficients permettent-ils de mesurer l’état de
développement d’un Etat : il s’agit par exemple, des parts de branches sectorielles (part du
secteur agricole, du secteur industriel, etc), des indicateurs sociaux (nombre de médecins/hab,
nombre d’université/par région, taux d’alphabétisation). Pour la plupart, les pays développés
sont les Etats industrialisés.
Quant au sous-développement, il est caractérisé par des caractères structurels spécifiques
comme la domination économique des Etats industriels, la pauvreté, la famine, les inégalités
extrêmes, des régimes non démocratiques. Le sous-développement est ainsi un état de déficit,
de précarité, d’infériorité par rapport aux autres : il s’agit du Pnb/hab, analphabétisation, forte
mortalité, forte ruralité, très faible industrialisation. Pour la plupart, les pays sous-développés
se trouvent en Afrique, en Amérique latine et en Asie.
Après avoir consacré aux acteurs primordiaux des relations internationales que sont les Etats,
intéressons nous à présent aux organisations internationales.
S II – LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

46
Adoption d’un régime démocratique avec le multipartisme et la compétition politique.
47
Marquée par la nouvelle loi sur l’entreprise privée et l’introduction de l’économie de marché, autrement dit un
marché intérieur et extérieur ouvert à la concurrence ; la propriété privée des moyens de production.
48
La perestroïka prône l’apaisement des relations internationales, la coexistence pacifique. C’est également, le
désarmement et la coopération internationale. En 1986, Gorbatchev annonça la reprise des relations avec la
Chine et les pays asiatiques. En décembre 1987, la signature avec le président américain Reagan du traité sur le
démantèlement des forces nucléaires intermédiaires (FNI). La même année, le secrétaire d’Etat du Vatican, Mgr
Casaroli, est reçu par Gorbatchev. Il met fin à la présence soviétique en Afghanistan et en Ethiopie. Il se
rapproche des pays arabes et entreprend une normalisation des relations avec Israël.
49
« glasnost » veut dire transparence, vérité dans la gestion des affaires publiques et privées. Il signifie
également l’ouverture à la critique publique. La presse devient plus libre.
50
« L’URSS de la Perestroïka », Le Monde, numéro spécial, Avril 1989.
51
Les pays baltes (Lettonie, Estonie, Lituanie). L’Arménie et l’Azerbaïdjan se soulevèrent en 1987 et 1989.
21
L’intégration des organisations internationales dans la société internationale est venue
affaiblir la perception de l’Etat comme critère exclusif de la notion de relations internationales
et imposer celles-ci comme des acteurs des relations internationales. Aussi importe-t-il de
s’intéresser à la typologie des organisations internationales avant d’envisager leurs activités.
I – La typologie des organisations internationales
Rappelons avant de s’attacher à les définir et à les classifier que c’est véritablement dès le 19è
s. qu’apparurent les premières institutions à vocation internationale. Des auteurs comme
Combacau, Sur et Paul Yao-N’dré52 relèvent l’existence de commissions fluviales déjà en
1831 et celle de l’Union postale universelle en 1878. Le début du 20è s. voit se créer plusieurs
organisations internationales : la SDN en 1919, le FMI (1944), l’Organisation de l’aviation
civile (1944), l’Onu en 1945, l’Unesco (1945), l’Oms (1946), l’OIT (1946). Au niveau
régional également, des institutions sont mises en place : le Conseil de l’Europe (1949),
l’Union européenne (1957), l’OUA (1963), la CEDEAO (1975).
A – Le sens de la notion d’organisations internationales
Il est nécessaire, à cet effet, de s’attacher au sens juridique et à la structure de l’organisation
internationale.
1 – L’organisation internationale au sens juridique
Quatre éléments permettent de cerner la notion juridique de l’organisation internationale :
→ l’organisation internationale est une association d’Etats : plusieurs Etats la composent.
Mais ce critère n’est pas exclusif car des personnes morales de droit privé, des O.I ou des
territoires dépendants peuvent à titre exceptionnel former une O.I.
→ elle est créée par la voie conventionnelle (signature de traité, d’accord),
→ elle dispose d’organes permanents et d’une personnalité juridique,
→ la recherche et la satisfaction d’intérêts communs.
Ainsi une O.I. est une association d’Etats mise sur pied par voie conventionnelle et dotée
d’organes permanents en vue de la satisfaction d’intérêts communs.
Qu’en est-il de sa structure ?
2 – La structure des Organisations internationales
Sa structure comprend des membres, des organes et des agents.
a) Les membres de l’O.I
L’on distingue plusieurs catégories de membres : les membres originaires ou fondateurs, sont
ceux qui ont conclu le traité constitutif de l’O.I. ; les membres admis sont ceux qui adhèrent à
l’O.I. après sa création ; les observateurs sont ceux qui sont représentés dans l’O.I. sans être
membres. Les organes assureront le fonctionnement de l’O.I.
b) Les organes de l’O.I
52
Paul Yao-N’Dré, Droit des organisations internationales, Abidjan, PUCI, 1996, p. 23.
22
Ce sont d’une part, les organes pléniers dans lesquels siègent tous les membres, d’autre part
des organes restreints dans lesquels ne peuvent siéger qu’une certaine catégorie de membres
et enfin, un secrétariat permanent. L’O.I. compte enfin des agents internationaux.
c) Les agents internationaux
Dans son avis consultatif du 11 avril 1949 relatif à l’affaire des dommages subis au service
des Nations Unies, la CIJ a retenu : « est agent international, toute personne par qui
l’organisation agit ».
L’on distingue parmi ceux-ci : les agents recrutés sur la base d’un contrat à durée déterminée
et les fonctionnaires. Ces derniers travaillent exclusivement au service de l’O.I. Ils exercent
des fonctions publiques permanentes pour lesquelles ils bénéficient d’un régime juridique
particulier de caractère international. Il s’agit de privilèges et d’immunités fonctionnels.
Comment les O.I. sont-elles classées ?
B – La classification des O.I.
Ils sont classés en tenant compte de leur dimension géographique, de leur domaine d’activités
et des pouvoirs dont ils disposent.
1 – Tenant à leur dimension géographique
Il s’agit de l’espace géographique couvert par l’O.I. en raison de ses membres. L’on relève
ainsi des O.I. universelles car elles sont ouvertes à toutes les Etats (ONU ; FMI ; OIT ; OMS ;
etc.) ; des O.I. régionales puisqu’elles sont circonscrites à une région donnée (UA ; UE) ; des
O.I. sous-régionales d’autant qu’elles réduites à une sous-région (CEDEAO ; BCEAO). En
réalité, les O.I. sont plutôt créées sur la base d’affinités politiques ou idéologiques qu’en
raison du voisinage. La classification des O.I. tient également à leurs domaines d’activité.
2 – Tenant à leurs domaines d’activité
Il s’agit des O.I. à compétence générale : leurs domaines d’activité sont divers (économie,
politique, social, culture, ONU, UA) et des O.I. à compétence spécialisée : leurs domaines
d’activité sont spécifiques (FMI, UNESCO, OTAN, OMS). La classification tient encore à la
compétence des O.I.
3 – Tenant à leurs compétences
Selon qu’elles ont pour mission le rapprochement des politiques des Etats membres et
disposent à cet effet de pouvoirs limités, il s’agit des O.I. de coopération et de
coordination (ONU, UA, OMS) ; selon qu’il revient à un organe des O.I., indépendamment
des Etats-membres, d’assurer des fonctions, dont les Etats-membres ont habituellement le
monopole, il s’agit des O.I. d’intégration ou de subordination (CEDEAO, UE).
De ce qui précède, il est que les O.I. ont une place amoindrie dans la société internationale.
II – Les activités des organisations internationales
Pour accomplir les missions à elles assignées, les O.I. disposent de compétences.
A – Les missions des O.I.

23
Elles exercent leurs deux types de missions.
1 – Les missions d’ordre politique
Les O.I. à compétence générale interviennent la plupart du temps dans ce domaine. Il peut
s’agir de préserver les relations pacifiques entre Etats. Leurs missions sont d’autres natures.
2 – Les missions d’ordre économique, social et culturel
Ce sont les missions assignées aux O.I. à compétence spécialisée. Ainsi l’UNESCO en
matière culturelle, l’OMS en matière sociale, l’OMC en matière économique ou encore la
FAO pour l’agriculture.
De quelles compétences disposent-elles pour accomplir leurs missions ?
B – Les compétences des O.I.
Prévues par les actes constitutifs des O.I., leurs compétences, autrement dit leur sphère
d’action, sont d’une part normative et d’autre part, opérationnelle.
1 – La compétence normative
En vue de régir des situations ou des faits, les O.I. disposent de pouvoirs pour confectionner
des règles de droit de portée générale ou individuelle. Les O.I. utilisent deux voies à cet effet :
il s’agit de la voie conventionnelle et celle de l’acte unilatéral. Dans le premier cas, les O.I.
concluent des traités soit avec des Etats soit avec d’autres O.I. Dans le second, il s’agit
d’édicter des actes qui sont une manifestation unilatérale de volonté destinée à créer des droits
au profit des tiers et des obligations à la charge de l’auteur de l’acte. Les O.I. peuvent prendre
des résolutions ou des recommandations, dont les effets sont purement déclaratoires en
principe. Les O.I. ont également des compétences opérationnelles.
2 – La compétence opérationnelle
Elle consiste pour les O.I. à agir directement et par elles-mêmes. Leurs décisions produisent
des effets sans intermédiaires. Les actions opérationnelles interviennent principalement en
matière de gestion, de coopération ou de règlement des différends.
Au nombre des acteurs des relations internationales, il y a également des groupements
internes.

CHAP II – LES GROUPEMENTS INTERNES A DIMENSION INTERNATIONALE


Les relations internationales enregistrent aussi la participation de groupements internes, c’est-
à-dire des éléments de l’ordre interne qui interviennent au plan international. Ils n’ont pas la
personnalité juridique internationale de sorte que leur rôle est limité dans les relations
internationales. Trois catégories d’éléments sont concernées : les mouvements de libération
nationale, les ONG et les groupements privés.
S I – Les mouvements de libération nationale
Selon Pierre-Marie Martin, les mouvements de libération nationale sont des groupes de
personnes, organisées, qui veulent obtenir par la lutte, souvent armée, un Etat indépendant où
24
le peuple qu’ils veulent représenter soit souverain53. En raison de l’objectif poursuivi par ces
mouvements, ils sont dits groupements d’intérêt public. Intéressons-nous à leur rôle et à leur
statut.
I – Leur rôle
Le but de ces mouvements peut se résumer par la revendication du droit des peuples à
l’autodétermination. Ils tendaient ainsi à la libération et à l’indépendance des peuples
colonisés. Une autre notion caractérise également le droit des peuples à disposer d’eux-
mêmes : le droit de sécession.
A – Les luttes de décolonisation
Elles traduisent le droit pour un peuple en lutte contre l’Etat colonial de conquérir son
indépendance et de se constituer en Etat indépendant. La légalité et la légitimité de ces luttes
trouvent dans le principe de l’autodétermination leur justification. D’ailleurs, dans leurs
chartes, l’ONU et l’UA, ont affirmé la nécessité de l’émancipation des territoires sous
domination coloniale et non autonomes. S’il conduit au même résultat, le droit de sécession
ne semble pas recouvrir la même réalité.
B – La réalité du droit de sécession
Selon Combacau et Sur « la sécession consiste dans l’amputation du territoire d’un Etat, dont
la partie retranchée constituera l’assiette spatiale de l’Etat nouveau »54. Cette définition parce
qu’elle tendrait à légitimer toute sécession de territoire résume bien les divergences de vue sur
cette question. L’exemple de l’Erythrée illustre bien le droit de sécession.
1 – La sécession, un droit au profit des peuples colonisés
La reconnaissance d’un droit de sécession renvoie à une situation de lutte de décolonisation.
Le droit de sécession se présente ici comme un corollaire du principe d’autodétermination des
peuples colonisés. En ce sens, l’Etat duquel s’opère l’amputation est la puissance coloniale.
Le droit de sécession a été ainsi reconnu aux mouvements de libération nationale dans le
cadre colonial. Ce fut le cas des décolonisations en Afrique. Ce droit est, à l’inverse, refusé
pour les velléités sécessionnistes d’une partie du peuple d’un Etat.
2 – L’interdiction de la sécession comme action de séparation
L’hypothèse est celle de l’autonomie réclamée par une partie de la population d’un Etat. La
revendication du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes par cette partie d’un peuple se
fonde sur l’oppression dont elle est ou se dit victime. Il s’agit de revendiquer un meilleur
traitement ou de meilleures conditions d’existence voire la reconnaissance d’un statut
particulier d’autonomie pour cette partie du peuple. Une telle revendication d’autonomie va à
l’encontre du principe de l’intégrité du territoire qui est un élément de la souveraineté de
l’Etat. C’est ce que consacrent les chartes de l’Onu (art. 2, para 4) et celle de l’UA (art. 2 et
3). Aussi la revendication d’autonomie du Biafra ne fut-elle pas reçue comme un mouvement
de libération nationale auquel est reconnu le droit de sécession. Le cas de l’Erythrée est assez
illustratif de la notion de droit de sécession.

53
Pierre-Marie Martin, Introduction aux relations internationales, Toulouse, Privat, 1982, p. 57.
54
Combacau J. et Sur S., Droit international public, op. cit., p. 264.
25
3 – Le cas de l’Erythrée
L’Erythrée était une colonie italienne qui passa sous administration militaire britannique entre
1941 et 1951. Elle fut consacrée par l’Onu le 2 décembre 1952 comme une entité autonome et
fédérée à l’Ethiopie. Dès 1962, l’Erythrée qui venait d’être annexée par l’Ethiopie, se lança
dans un mouvement de libération nationale. Les succès enregistrés par l’unification des
mouvements de libération de l’Erythrée vers la fin des années 80 conduisirent à la signature
d’un cessez-le-feu le 28 mai 1991. L’indépendance fut consacrée par le référendum du 27
avril 1993. Son indépendance fut effective dès le 24 mai 1993 et fut admise à l’Onu le 28 mai
1993. Il en résulte que le droit de sécession est reconnu à une entité étatique qui par un
mouvement de libération nationale acquiert son indépendance. Il reste que l’importance des
mouvements de libération nationale contraste avec leur statut international.
II – Le statut international des mouvements de libération nationale
Le statut international est l’ensemble des règles qui se rapportent à l’état et à la capacité des
personnes ou des entités dans la société internationale. En ce qui concerne les mouvements de
libération nationale leur statut n’est pas défini par le droit international mais résulte de leur
reconnaissance par les Etats ou les organisations internationales. Envisageons donc Le
contenu et les limites de ce statut.
A – Un contenu non-déterminé
Ce sont en réalité les relations que ces mouvements entretiennent avec les Etats ou les O.I.,
autrement dit leur reconnaissance par ces derniers, qui déterminent le contenu de leur statut
international. Aussi sont-ils admis au sein des O.I. comme observateurs pouvant participer,
par l’intermédiaire de leurs représentants, aux travaux, débats et réunions. Ce fut le cas, dès le
début des années 70, de l’admission par l’ONU des représentants du MPLA55 (Angola),
PAIGC56 (Guinée-Bissau), du Frelimo57 (Mozambique), du Front patriotique (Zimbabwé), du
SWAPO58 (Namibie), du Front Polisario59 (Sahara occidental), de l’OLP (Palestine).
Toutefois, ces droits restent limités.
B – Un statut limité
Il y a lieu de noter que la reconnaissance aux mouvements de libération du statut
d’observateurs, par exemple, ne leur confère pas de pouvoir décisionnel, d’autant qu’ils ne
sont pas admis à prendre part aux votes. Egalement, ils ne siègent pas avec les membres de
l’O.I., des sièges distincts leur étant réservés.

55
Mouvement Populaire de Libération de l’Angola, fondé en 1956, obtint l’indépendance en 1975.
56
Parti Africain de l’Indépendance de la Guinée Portugaise et du Cap Vert, fondé en 1956, obtint l’indépendance
en 1974.
57
Front de Libération du Mozambique, fondé en 1962, obtint l’indépendance en 1975.
58
South-west african people’s organisation : Organisation du Peuple du Sud-ouest Africain, syndicat de 1960,
obtint l’indépendance en 1990.
59
Frente de liberacion de Saguia el hamra y del rio de oro : front de libération de la Saguia el Hamra et du rio de
oro créé en 1973 contre l’occupation espagnole. Partagé en le Maroc et la Mauritanie en 1975. En lutte contre le
Maroc, il réclame la création d’un Etat sahraoui indépendant. Il proclama la naissance d’une République arabe
sahraouie qui est membre de l’Union Africaine alors que l’ONU et la Ligue arabe ne l’ont pas reconnu.
26
En définitive, cette reconnaissance leur confère néanmoins une légitimité appréciable dans la
lutte pour l’indépendance. Les relations internationales intègrent aussi des groupements privés
internes.
S II – Les groupements privés
Il s’agit, en raison de la dimension internationale de leurs activités, principalement des ONG
et des sociétés multinationales.
I – Les Organisations Non Gouvernementales
La recrudescence des ONG et l’importance de leurs activités conduisent nécessairement à
s’attacher à les définir et à dégager leur statut juridique.
A – La notion d’ONG
La notion d’ONG est nettement révélée par la nature et le but de leurs activités. Aussi une
ONG est une institution créée par l’initiative privée, sous forme d’association de droit interne,
regroupant des personnes privées ou publiques, physiques ou morales, de différentes
nationalités et qui pour objet la promotion et la sauvegarde d’intérêts communs. Les ONG
interviennent dans de nombreux domaines d’activités sans rechercher le profit.
1 – Une diversité d’objectifs
Les objectifs des ONG sont les missions qu’elles s’assignent. Elles sont d’une grande
diversité :
- des missions humanitaires (agir pour le bien de l’humanité et sauver des vies
humaines) : Comité International de la Croix-Rouge (CICR) intervient dans les
zones de conflits armés pour assurer le respect des droits humanitaires, la
protection et l’assistance aux prisonniers de guerre, aux blessés ainsi qu’aux
populations civiles.
- des missions religieuses : Conseil Œcuménique des Eglises
- des missions sportives : Comité International Olympique (CIO), FIFA
- des missions d’assistance médicale : Médecins sans frontières (MSF)
- des missions politiques : l’Internationale socialiste
- des missions de protection de l’environnement : Green Peace
- des missions de protection de droits de l’homme : Fédération internationale des
droits de l’homme (FIDH), Amnesty international, Human rights Watch
Les ONG se singularisent également par le but poursuivi dans leurs missions.
2 – Une association à but non lucratif
Les ONG ne visent pas la recherche de profit et ne réalisent pas des profits. Se pose
inéluctablement la question de leur mode de financement, c’est-à-dire comment sont
financées leurs activités ? Sur ce point, les ONG bénéficient de financements privés et de
subvention des Etats et des O.I.
27
Malgré l’importance indéniable des ONG au regard de leurs missions, le statut juridique reste
limité.
B – Un statut juridique limité
Tant au plan interne qu’au plan international, le statut des ONG est assez limité.
1 – Au plan interne
Créées sous d’association, les ONG se conforment aux dispositions législatives et
réglementaires des Etats qui leur confèrent une personnalité juridique interne. Bien
qu’appréciées par les Etats, elles sont l’objet de contrôle et de canalisation de ceux-ci, qui
peuvent remettre en cause l’existence de celles-là. Qu’en est-il au plan international ?
2 – Au plan international
Les ONG sont reconnues pour leur rôle dans les relations internationales par les Etats et les
O.I. Il n’est donc pas surprenant de voir des chartes constitutives d’O.I. prévoir des rapports
de coopération entre celles-ci et celles-là voir de les consulter sur des questions précises. C’est
ce que prévoit l’art. 71 de la Charte de l’ONU en ces termes : « le conseil économique et
social peut prendre toutes dispositions utiles pour consulter les ONG qui s’occupent des
questions relevant de sa compétence ».
Même en l’absence de personnalité juridique internationale, l’existence et le rôle des ONG
sont clairement reconnus au plan international. Au nombre des acteurs des relations
internationales on peut inclure les sociétés multinationales.
II – Les sociétés multinationales
La création de sociétés multinationales tient en plusieurs raisons parmi lesquelles : la
recherche d’une main d’œuvre bon marché, l’approvisionnement en matières premières, les
débouchées et une fiscalité moins lourde. Aussi des sociétés vont-elles étendre leurs activités
à d’autres Etats en y implantant des filiales. Le développement des sociétés multinationales va
commencer dès 1945. Pour mieux comprendre cette réalité, il s’impose d’emblée de cerner la
notion de « sociétés multinationales », puis de voir leur importance et enfin de d’envisager les
problèmes qu’elles posent.
A – La notion de « sociétés multinationales »
Les sociétés multinationales peuvent être définies sous deux angles :
1 – Au sens économique
En ce sens, une société multinationale est un ensemble d’entreprises privées à but lucratif, qui
interviennent dans plusieurs Etats, par à une stratégie commune mise en place par un centre
d’organisation et de décision.
2 – Au sens juridique

28
Il n’y a pas en droit une catégorie juridique consacrée aux sociétés multinationales. En effet,
le droit ne reconnait que les sociétés qui sont des personnes morales régies par le droit d’un
Etat dont elles ont la nationalité60.
Il reste que leur prolifération au plan international leur a donné une grande importance.
B – L’importance des sociétés multinationales
Leur importance peut être mesurée à travers trois éléments qui sont :
- le chiffre d’affaires : en 2008, la firme pétrolière Exxon a réalisé un chiffre
d’affaires de 480 milliards de dollar (environ 2500 milliards f. cfa)
- le nombre d’employés : en juillet 2009, General Motors employait 235.000
personnes
- L’implantation géographique internationale : par l’implantation de filiales
De l’importance des sociétés multinationales découlent des problèmes dans les relations
internationales.
C – Les problèmes posés
C’est au regard de la souveraineté des Etats d’accueil que se pose le principal problème
auquel ne peuvent être dissociés ceux soulevés par la réglementation à laquelle les
multinationales sont soumises.
1 – L’importance des sociétés multinationales et la souveraineté des Etats
Disons d’emblée que les difficultés naissent des rapports entre les sociétés multinationales et
les Etats d’accueil ou d’implantation de leur filiale. C’est dire que les rapports avec les Etats
d’origine de ces sociétés sont moins problématiques.
La pratique révèle que les sociétés multinationales exercent de fortes pressions sur les
dirigeants des Etats d’accueil ou d’implantation de filiales. Cette pression est bien plus
ressentie dans les rapports qu’elles entretiennent avec les dirigeants politiques des Etats en
voie de développement dans la mesure où la participation des sociétés multinationales,
notamment en tant que pourvoyeurs d’emplois directs, est économiquement indéniable. Mais,
les avantages dont ils bénéficient, les passe-droits qu’ils s’arrogent et leurs ingérences dans
les affaires politiques des Etats en font une menace pour la souveraineté des Etats d’accueil ou
d’implantation. L’Amérique latine en 1950, le Zaïre aux lendemains des indépendances, le
Congo-Brazzaville dans les années 90. Face à cela, les Etats tentent de répondre à travers leur
réglementation.
2 – La réglementation des sociétés multinationales
L’objectif visé est au moins double : la préservation de la souveraineté de l’Etat et la
limitation des activités des sociétés multinationales à un cadre économique favorable au
développement de l’Etat d’accueil. La réponse se trouve dans l’adoption de codes
d’investissement. Là encore, le constat est frappant qu’en Afrique noire francophone
notamment, les avantages et privilèges octroyés aux sociétés multinationales ne permettent
60
Alain Pellet, Droit international du développement, op. cit., p. 34
29
pas d’assurer véritablement la préservation de la souveraineté des Etats61. D’autres pays
offrent dans leur réglementation une meilleure protection de leur souveraineté en encadrant
rigoureusement les activités des sociétés multinationales. C’est l’exemple des pays de la
cordillère des Andes comme la Bolivie, le Chili, la Colombie, l’Equateur, le Pérou et le
Venezuela qui ont adopté en décembre 1970 un code entré en vigueur en 1972.
Une solution de dimension universelle a été proposée mais les intérêts divergents des Etats
d’origine des sociétés multinationales et des Etats d’accueil freinent considérablement son
adoption. Le Conseil économique et social de l’ONU a mis sur pied une commission des
sociétés multinationales, adjointe d’un centre d’études et de recherches sur les sociétés
multinationales (Rés. 1908 du 2 août 1974 et Rés. 1913 du 5 décembre 1974). Ainsi le projet
de « code de conduite des Nations Unies sur les sociétés multinationales » présenté par la
commission dès 1982 est confronté à de nombreux blocages tenant à sa nature et à sa valeur
juridiques. Alors que les Etats occidentaux ne souhaitent pas que le code fasse l’objet d’une
convention internationale et qu’il ne lui soit reconnu qu’une valeur indicative ou
recommandatoire, les Etats en développement réclament l’adoption par voie de traité
international et une valeur juridique contraignante62. Au-delà de ces divergences, c’est le
problème plus général de la valeur juridique des normes régissant les relations internationales
qui est posé.
TITRE II – LA REGULATION DES RELATIONS INTERNATIONALES
Interviennent en cette matière des normes d’une inégale valeur : les règles juridiques d’une
part et les principes politico-juridiques d’autre part.
CHAP I – LES REGLES JURIDIQUES
Sont des règles juridiques, les règles ou normes de conduite sociale générale et obligatoire,
dont la violation ou la méconnaissance fait l’objet d’une sanction63. Ces règles dérivent des
différentes sources qui fondent le droit des relations internationales. L’on distingue les
sources principales et les sources subsidiaires.
S I – Les sources principales
Elles sont aussi dites fondamentales en raison de leur caractère essentiel et déterminant. La
coutume tout d’abord et le traité ensuite constituent les sources principales en cette matière. Il
est bon que l’intérêt soit porté sur les rapports de ces deux sources.
I – La coutume
L’art. 38.1.b du statut de la CIJ est ainsi libellé : « La coutume internationale comme preuve
d’une pratique générale, acceptée comme étant le droit ». Ce texte consacre la définition
reconnue de la coutume, c’est-à-dire une pratique générale acceptée comme étant le droit. La
coutume est donc une source non écrite, dont il importe de voir la formation et la typologie.
A – Les éléments constitutifs de la coutume

61
Paul Yao-N’Dré, « Les prestations dans les contrats de développement conclus par les Etats-membres du
Conseil de l’Entente », Revue du CIREJ, Etudes et documents, Abidjan, 1990.
62
Guy Feuer et Hervé Cassin, Droit international du développement, Paris, Dalloz, 1985.
63
René Dégni-Ségui, Introduction au droit, Abidjan, Educi, 2009, pp. 17 et suiv.
30
La formation de la coutume exige la réunion de deux éléments que sont l’élément matériel et
l’élément psychologique.
1 – L’élément matériel ou consuetudo
Il s’agit de l’usage, de la pratique des sujets de droit. De cette pratique ou habitude va
découler des précédents, soit positifs (le fait d’agir) soit négatifs (abstention ou omission).
Pour qu’elle soit admise comme étant la coutume, cette pratique ou usage doit être continu et
général. La continuité s’entend du caractère répétitif, constant et uniforme de la pratique dans
le temps. Ne dit-on pas « une fois n’est pas coutume » ? Quant à la généralité, elle signifie la
répétition de la pratique dans l’espace. Cette pratique doit être suivie par la plupart ou un
nombre représentatifs de sujets de droit et revêtir un caractère général et impersonnel.
L’existence de la coutume exige un élément psychologique.
2 – L’élément psychologique ou opinio juris
L’habitude, la pratique est acceptée par les sujets de droit comme une obligation, comme
faisant droit, comme étant le droit. Ils ont donc le sentiment, la conviction d’être liés par cette
pratique, c’est-à-dire la conviction d’appliquer le droit. Tenant compte de sa typologie, La
coutume présente des variétés.
B – La classification des coutumes
Il est tenu compte ici du champ d’application spatial de la coutume pour déterminer sa nature.
A propos, l’on distingue la coutume universelle, la coutume régionale et la coutume locale.
1 – La coutume universelle ou générale
Elle se prévaut d’un champ spatial d’intervention qui s’étend à l’ensemble des acteurs des
relations internationales. La coutume universelle a donc vocation à s’appliquer à tous les
acteurs de la société internationale. Il est fréquent que les Etats qui n’ont pas participé à sa
formation s’opposent à son application à leur égard d’autant qu’elle est souvent contraire à
leurs intérêts. C’est la question de l’opposabilité de la coutume.
2 – La coutume régionale ou continentale
Elle ne concerne qu’une région donnée, un continent donné. Dès lors, elle ne s’applique qu’à
un nombre restreint d’acteurs des relations internationales.
3 – La coutume locale ou particulière
La CIJ dans l’affaire droit de passage en territoire indien du 12 avril 1960 a admis l’existence
de la coutume entre deux Etats. Cette coutume particulière entre deux Etats est dénommée
coutume locale.
Le caractère essentiel de la coutume est donc indéniable, mais le traité s’est imposé
aujourd’hui comme la source principale du droit international.
II – Le traité
Le traité, la convention, l’accord, le pacte sont utilisés à titre synonymique pour désigner une
même réalité, c’est-à-dire un accord de volontés, exprimé par écrit, entre des acteurs des

31
relations internationales visant à produire des effets de droit et régi par le droit international.
Nous nous bornerons ici à envisager la conclusion et l’exécution du traité.
A – L’élaboration du traité
La conclusion du traité exige que soient à la fois des conditions de forme et de fond.
1 – Les conditions de forme
Elles traduisent les modes d’expression du consentement des parties au traité. Elles sont de
trois types : la négociation, la signature et la ratification.
a) La négociation
La négociation se présente comme une discussion, des pourparlers en vue de parvenir à un
accord. Les négociations se tiennent soit au sein des conférences spéciales soit au sein des
organisations internationales.
Concernant les Etats, c’est le droit interne qui détermine l’autorité habilité à conclure les
traités. C’est généralement le président de la république qui détient ce pouvoir (art. 84 de la
C). Les négociations sont très souvent menées par des plénipotentiaires, c’est-à-dire des
personnes, à qui le président délègue par écrit, les « pleins pouvoirs » en vue de la
négociation.
En ce qui concerne les O.I., le traité constitutif désigne l’organe individuel ou collectif
pouvant conclure le traité. Comme les plénipotentiaires des Etats, ils sont habilités à négocier
et à signer le traité.
b) La signature
La signature est un mode d’authentification du texte du traité. Aussi sanctionne-t-il la clôture
des négociations du traité. Pour les traités ou accords en forme simplifiée, la seule formalité
de la signature est exigée aux fins de la validité de l’engagement. La signature exprime le
consentement de l’Etat à être lié. D’autres formes de traité exigent en plus de la signature, une
ratification pour valider l’engagement.
c) La ratification
Il s’agit d’un mode d’authentification plus solennelle du consentement à être lié. Le droit
interne prévoit les organes habilités à consacrer l’engagement issu de la signature du traité. Il
est courant que les constitutions requièrent l’intervention des pouvoirs exécutif et législatif à
cet effet. Dès lors, la validité d’un traité en forme solennelle nécessite la signature et la
ratification de cet engagement. Ainsi l’art. 85 de la const. Ivoi. 2000 précise : « les traités de
paix, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui modifient les lois
internes de l’Etat ne peuvent être ratifiés qu’à la suite d’une loi ».
Il est de relever que l’Etat ou l’O.I. dispose du pouvoir discrétionnaire de procéder ou non à la
ratification d’un traité. N’étant pas une obligation, le refus de ratification ne saurait engager sa
responsabilité internationale.
Il y a lieu d’ajouter que même si elles diffèrent quant à la procédure, la ratification et
l’adhésion produisent des effets juridiques similaires. Il reste que les conditions de fond
doivent être respectées pour la validité du traité.
32
2 – Les conditions de fond
Trois conditions sont exigées aux fins de la validité du traité. Il s’agit de la capacité des
parties, de l’authenticité du consentement et de la licéité de l’objet du traité.
a) La compétence des parties
Cela signifie que les parties doivent disposer de l’aptitude et le pouvoir de conclure des traités
(art. 46 de la conv. de Vienne de 1969 sur le droit des traités). En la matière, seuls les Etats et
les O.I., en leur qualité de sujets de droit international, ont la capacité de se lier. Il en résulte
que les Etats fédérés, les territoires dépendants et les protectorats en sont dépourvus.
Précisions que les Etats ne peuvent être engagés que par leurs plénipotentiaires et les O.I. par
les organes habilités à le faire. Dès lors, leur consentement doit être authentique.
b) Un consentement authentique
Un consentement est dit authentique lorsqu’il n’est pas entaché par des vices. Le
consentement ne doit pas être altéré par la violence, le dol et l’erreur.
- La violence
Il s’agit d’une contrainte exercée sur le représentant de l’Etat ou de l’O.I. La violence se
présente sous plusieurs aspects : d’abord politique et militaire, aucun Etat voire une O.I. ne
saurait être admis à conclure un traité sous la menace ou l’emploi de la violence (art. 52 de la
conv. de Vienne de 1969 sur le droit des traités). C’est aussi le cas des traités inégaux, ceux
extorqués ou imposés lors de la période coloniale ou à la suite d’une défaite d’un des
belligérants.
La violence peut être de nature économique. Elle divise les Etats sous-développés et les Etats
développés quant à son admission comme vice du consentement. Pour les premiers, la
violence économique est une forme de pression de nature à vicier le consentement à être lié.
Les seconds, quant à eux, s’opposent à cette position pour ne retenir que la violence physique
ou militaire comme pouvant altérer le consentement. Il en ainsi en cas de dol.
- Le dol
Est qualifiée de dol, toute manœuvre, pratique ou conduite frauduleuse ayant conduit une
partie à conclure le traité. En vertu de l’art. 49 de la conv. de Vienne sur le droit des traités,
l’Etat ou l’O.I. peut invoquer le dol comme viciant le consentement à être lié. L’erreur peut
aussi être invoquée.
- L’erreur
Elle « est la croyance inexacte ou fausse de la réalité par l’auteur de l’acte »64. Il en résulte
que si le représentant de l’Etat ou de l’O.I. n’avait pas été trompé, il n’aurait sans doute pas
conclu le traité. L’art. 48 de la conv. de Vienne sur le droit des traités ne retient que l’erreur
de fait (portant sur un fait ou une situation). Cela revient à dire que l’erreur de droit
(méconnaissance du contenu de la règle de droit ou ignorance de son existence) n’est pas prise
en compte. Par ailleurs, l’erreur doit être suffisamment grave. De plus, si la victime contribue
par son comportement à la réalisation de l’erreur ou bien s’il en avait été au préalable informé,

64
René Degni-Segui, op. cit., p. 255.
33
il ne peut revendiquer l’erreur pour demander la nullité de son engagement. La validité de
l’engagement nécessite enfin que soit remplie la condition de la licéité de l’objet du traité.
- La licéité de l’objet du traité
Est dit licite ce qui est permis par le droit international et le jus cogens. Autant dire que l’objet
du traité ne doit pas être contraire (voire non autorisé) à ces règles. Ainsi un traité autorisant
le travail des enfants mineurs dans les plantations est illicite. Un traité ayant réuni toutes les
conditions requises à sa validité peut être exécuté.
B – L’exécution du traité
Les parties au traité doivent l’exécuter de bonne foi en se conformant aux droits et aux
obligations qui en découlent. C’est ce qu’énonce le principe « pacta sunt servanda », formulé
par l’art. 26 de la conv. de Vienne ainsi qu’il suit : « Tout traité en vigueur lie les parties et
doit être exécuté par elles de bonne foi ». Le principe consacré de l’effet relatif des traités
souffre certaines exceptions.
1 – Le principe de l’effet relatif des traités
Selon ce principe, les traités ne produisent leurs effets qu’à l’égard des parties signataires. En
ce qui concerne les Etats, ce principe est formellement énoncé à l’art. 34 de la conv de Vienne
aux termes duquel, « un traité ne crée ni obligations ni droits pour un Etat tiers sans son
consentement ». A l’égard des O.I., c’est le principe du consensualisme qui fonde l’effet
relatif des conventions. Ce principe connaît des exceptions.
2 – Les exceptions au principe
Elles visent à étendre les effets du traité aux tiers soit en vertu de leur consentement soit en
l’absence de leur consentement. Distinguons selon que les traités sont créateurs de droits ou
d’obligations à l’égard des tiers.
a) Les traités créateurs de droits au profit des tiers
Ils sont de deux ordres. D’une part, il s’agit des cas dans lesquels, le consentement des tiers
(Etats ou O.I.) a été formellement obtenu par convention. La stipulation pour autrui ou la
clause de la nation la plus favorisée en sont des mécanismes de réalisation (cf art. 36 conv
Vienne).
- La stipulation pour autrui
Il s’agit d’une disposition par laquelle les parties à un traité s’engagent au profit d’un tiers
bénéficiaire. Le consentement du tiers étant ici présumé, la promesse ne peut être retirée sans
son consentement.
- La clause de la nation la plus favorisée
Il s’agit d’une disposition d’un traité en vertu de laquelle un Etat ou une O.I. s’engage à
étendre au profit de son cocontractant les avantages qu’il accorderait dans un traité futur à
d’autres Etats ou O.I.
D’autre part, des traités créent automatiquement au profit des tiers des droits sans que le
consentement de ces derniers ne soit requis. C’est le cas des traités relatifs aux
34
communications internationales (maritimes, fluviales, transit par canaux internationaux,
aériennes ou spatiales). Lorsqu’à l’inverse des traités créent des obligations à la charge des
tiers, le consentement de ces derniers est indispensable.
b) Les traités créateurs d’obligations à la charge des tiers
Soit les obligations résultent d’une convention collatérale soit elles sont nées d’une situation
objective.
- Des obligations imposées en vertu d’un accord collatéral
L’art. 35 de la Conv. de Vienne impose dans ce cas le consentement du tiers.
- Des obligations résultant d’une situation objective
Elle est dite objective d’autant qu’elle s’impose à tous les acteurs des relations internationales.
Retenons à titre d’exemples : les traités créant un statut politique international (neutralité de la
Suisse) ; les traités relatifs aux communications.
Envisageons à présent la question des rapports entre le traité et la coutume.
III – Les rapports entre le traité et la coutume
Ces rapports seront analysés de deux points de vue : leur place dans la hiérarchie des normes
et leur consécration en tant que normes juridiques.
A – Leur place dans la hiérarchie des normes
La question est de savoir s’il existe entre ces deux sources un rapport de subordination ou de
primauté. L’art. 38.1.b du statut de la CIJ qui les retient comme sources du droit international
n’opère aucune hiérarchisation. Il en résulte que le traité et la coutume non seulement
occupent le même rang dans la hiérarchie des normes internationales mais sont aussi dotés de
la même force juridique. Ils peuvent ainsi déroger l’un à l’autre, c’est-à-dire que la coutume
peut modifier ou abroger un traité et vis-versa. C’est ce que l’on observe quant à leur
consécration juridique en tant norme.
B – Leur consécration comme norme juridique
Il revient souvent qu’une coutume fasse l’objet d’une codification, autrement dit sa
transformation, sa conversion en norme écrite. Cette opération est confiée à la Commission du
Droit International (CDI, organe subsidiaire de l’Ass. Gén, établie depuis 1947). Cette
conversion de la coutume fait d’elle un traité. Il importe toutefois de préciser que la coutume
ne disparaît pas pour autant. Elle continue d’exister et de produire ses effets de manière
autonome et parallèle.
Il arrive également qu’à défaut de ratification suffisante pour son entrée en vigueur, le traité
devienne en raison de la répétition des précédents et de la conviction d’appliquer le droit, une
coutume.
Retenons en outre que l’opération de codification doit être distinguée de la cristallisation qui
consiste à consolider voire à fortifier une coutume. Il s’agit de donner plus de consistance à
une coutume en raison de sa précarité. A côté des sources fondamentales, il y a également des
sources subsidiaires.
35
S II – Les sources subsidiaires
Elles viennent compléter la coutume et le traité. Elles ne sont pas toutes prévues par le statut
de la CIJ.
I – Les sources subsidiaires prévues par le statut de la CIJ
Il s’agit, aux termes de l’art. 38 du statut, des principes généraux du droit, de l’équité, des
décisions judiciaires et de la doctrine des publicistes les plus qualifiés.
A – Les principes généraux du droit
Ce sont des principes juridiques non écrits, dégagés par le juge, ayant une portée générale et
quasi-universelle. On leur trouve un intérêt principal : en l’absence de règle écrite précise
applicable à un litige, les principes généraux du droit permettent d’éviter que le juge ne
renonce à statuer. Intéressons-nous à leur contenu avant d’envisager leur autorité juridique.
1 – Le contenu des principes généraux du droit
Ces principes tirent leurs origines du droit interne et du droit international.
a) Des principes transposés à partir du droit interne
Ils sont tellement nombreux que nous en retiendrons que quelques uns :
- Le principe du respect des droits de la défense
- Le principe de l’égalité des parties
- Le principe de l’autorité de la chose jugée
- Le principe selon lequel « nul ne peut se prévaloir de sa propre faute »
- Le principe selon lequel « nul ne peut être juge et partie »
En dehors de ceux-ci, il y a des principes propres à l’ordre international.
b) Des principes propres à l’ordre international
En raison de leur grande variété, retenons les suivants :
- Le principe de la primauté du droit international sur le droit interne
- Le principe du règlement pacifique des différends
- Le principe de la continuité de l’Etat et du respect de l’indépendance des Etats
- Le principe de la bonne foi, pacta sunt servanda
- Le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
- Les principes de la coexistence pacifique : le respect mutuel de l’intégrité
territoriale et de la souveraineté ; la non-agression mutuelle ; non-immixtion
mutuelle dans les affaires intérieures ; l’égalité et les avantages mutuels ; la
coexistence pacifique.

36
Qu’en est-il de l’autorité juridique de ces principes ?
2 – L’autorité juridique des principes généraux du droit
Ils sont une source à la fois directe et autonome du droit international, reconnus par l’art. 38
du statut de la CIJ. Ils ont une force obligatoire et produisent des effets juridiques. Ils créent
des droits et des obligations au profit ou à la charge des sujets du droit international. La
violation de ces principes est sanctionnée par le juge international, qui dans d’autres
circonstances est invité à statuer selon l’équité.
B – L’équité
L’art. 38.2 du statut précise que « la présente disposition ne porte pas atteinte à la faculté pour
la Cour, si les parties sont d’accord, de statuer ex aequo et bono ». En d’autres termes, si les
parties au litige au différend le demandent, le juge peut statuer en équité, c’est-à-dire
appliquer « pour la solution d’un litige donné, des principes de la justice, afin de combler les
lacunes du droit positif ou d’en corriger l’application lorsqu’elle serait trop rigoureuse »65. Le
juge pourra à cette occasion s’inspirer de règles morales ou religieuses. Notons que le juge n’a
pas encore eu à statuer en équité. Il en résulte certainement le rôle limité de l’équité par
rapport aux autres sources. Ce qui n’est pas le cas de la jurisprudence et de la doctrine.
C – La jurisprudence et la doctrine
L’art. 38.1.d du statut de la CIJ précise que « les décisions judiciaires et la doctrine des
publicistes les plus qualifiés des différentes nations » sont des moyens auxiliaires de
détermination des règles de droit.
1 – La jurisprudence internationale
Elle est l’ensemble des décisions des juridictions arbitrales ou judiciaires internationales sur
des questions de droit. Entendu ainsi, elle ne crée pas directement des règles juridiques. Par
l’interprétation qu’elle fait des règles applicables, elle contribue à en préciser le contenu.
Toutefois, en l’absence de règle précise applicable sur une question, le juge ne saurait refuser
de statuer. La constance et la répétition de la solution à un différend crée ainsi des précédents
qui aboutissent à la consécration de règles coutumières. Il en ressort non pas une simple
opération d’interprétation, mais une œuvre de création du droit. La contribution de la doctrine
est du même ordre.
2 – La doctrine
L’art. 38.1.d du statut de la CIJ renvoie à la doctrine des publicistes les plus qualifiés des
différentes nations. Retenons simplement que ce texte se réfère aux travaux, contributions,
ouvrages ou opinions de l’ensemble des éminents juristes à propos des questions de droit
international public. Certes, l’art. 38 du Statut ne reconnaît la doctrine comme une source
directe du droit international mais elle peut, selon ce texte, contribuer à la création des règles
juridiques. De nombreuses questions de droit n’ont pas encore fait l’objet de règles juridiques.
Aussi la doctrine est-elle invitée à s’y pencher aux fins d’éclairer, par ses propositions, le
législateur international dans l’adoption de règles juridiques sur la question donnée. Il ne fait
aucun doute que la doctrine fait ici œuvre créatrice bien qu’indirecte. Aux sources
subsidiaires prévues par l’art. 38 du statut, il y a lieu d’en ajouter d’autres.
65
Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 17è édition, 2009, p. 306.
37
II – Les autres sources subsidiaires
Il s’agit de l’acte unilatéral et du jus cogens.
A – Les actes unilatéraux
Emanant d’un sujet de droit international, l’acte unilatéral est une manifestation unilatérale de
volonté destinée à produire des effets de droit à l’égard des tiers acteurs des relations
internationales. Seront examinés ici les actes unilatéraux des Etats et ceux des O.I.
1 – Les actes unilatéraux émanant des Etats
Ils sont multiples et variés. Il importe de s’intéresser à leur formation et aux effets qu’ils
produisent dans les relations internationales.
a) La formation de l’acte unilatéral étatique
Il doit être satisfait, à cet effet, à des conditions de forme et de fond.
- Les conditions tenant à la forme
Il n’y a pas d’exigence, en droit international, quant à la forme de l’acte unilatéral. Il peut être
soit écrit soit verbal. L’acte unilatéral doit faire l’objet d’une publicité suffisante en vue de le
porter à la connaissance des tiers acteurs des relations internationales. L’acte unilatéral doit
fait publiquement par des canaux officiels comme la radio, la télévision, une cérémonie
officielle, un discours etc. L’acte unilatéral doit remplir des conditions de fond.
- Les conditions tenant au fond
L’auteur de l’acte doit être habilité par le droit interne à représenter l’Etat au plan
international. Il s’agira du président de la république, le ministre des affaires étrangères, le
premier ministre ou un plénipotentiaire.
L’objet de l’acte doit être clair et précis.
L’auteur doit être de bonne foi, c’est-à-dire que son intention de se lier doit être manifeste.
L’acte unilatéral peut dès lors produire ses effets.
b) Les effets de l’acte unilatéral étatique
L’acte unilatéral produit des effets de droit, c’est-à-dire des droits et des obligations.
- Un acte créateur de droits au profit des tiers destinataires. L’acceptation du
bénéficiaire n’est pas exigée, elle est présumée.
- Un acte créateur d’obligations à la charge de son auteur. Celui-ci entend se lier, est
donc tenu de respecter son propre engagement.
Il reste possible de réviser voire d’abroger l’acte unilatéral. Cependant, la révision ou
l’abrogation ne doit être arbitraire. Ce principe est fondé sur la situation d’estoppel qui interdit
à l’Etat auteur de l’acte d’adopter discrétionnairement un comportement contraire à son
engagement. Au regard de leur portée, les actes unilatéraux étatiques diffèrent des actes
unilatéraux des O.I.

38
2 – Les actes unilatéraux émanant des O.I
Ils sont également nombreux et d’une grande diversité. Leurs conditions d’élaboration
ressortissent au traité constitutif de l’O.I. qui prévoit l’organe dont ils émanent (individuel ou
collégial). Leurs effets sont également prévus par le traité constitutif. D’une manière générale,
leur force juridique est relative. Certains actes des O.I. sont revêtus de la force obligatoire (les
résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ; les décisions du CPS de l’UA), d’autres sont
plutôt sans force contraignante (les résolutions, recommandations ou déclarations). Notons
par ailleurs, que certains actes en raison de leur mode d’adoption (vote à l’unanimité) revêtent
une force obligatoire, qui repose en réalité sur le principe « pacta sunt servanda » (la bonne
foi). Il en va différemment de la force juridique du jus cogens.
B – Le jus cogens
La définition du jus cogens est livrée par l’art. 53 de la conv. de Vienne de 1969 dans les
termes suivants : « une norme impérative du droit international général est une norme
acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble ». Sont
des règles impératives : l’interdiction de la piraterie, du recours à la force, de l’esclavage, du
génocide, etc. Le jus cogens revêt les caractères suivants :
- Une norme à laquelle on ne peut déroger (la violation du jus cogens entraine la
nullité absolue du traité) ;
- Une norme qui ne peut être modifiée que par une règle ayant la même valeur ;
- Une norme évolutive car est frappée de nullité absolue toute convention antérieure
ou postérieure contraire au jus cogens (art. 64 conv.).
La régulation des relations internationales fait intervenir également des principes politico-
juridiques.
CHAP II – LES PRINCIPES POLITICO-JURIDIQUES
En raison de leur nature éminemment politique, ces principes ont la particularité d’être
juridiquement d’une grande imprécision. Il s’agit d’une part des principes relatifs au statut des
Etats et d’autre part des relations entre Etats.
S I – Les principes relatifs au statut des Etats
Deux principes se dégagent : l’indépendance et l’égalité des Etats. Ces deux principes sont
étroitement liés à la souveraineté internationale des Etats. De sorte qu’en raison de leur
indépendance, les Etats sont placés sur un plan d’égalité au niveau international.
I – Le principe de l’indépendance des Etats
La notion d’indépendance de l’Etat exprime un état de fait de nature politique traduisant en
droit l’individualité. L’indépendance est ainsi l’acte par lequel une collectivité étatique
devient un sujet de droit international. En vertu de cette indépendance, l’Etat n’est soumis à
aucune autorité étrangère. Ce statut de l’Etat est mesurable de deux points de vue au moins :
au plan politique et au plan économique.
A – L’indépendance politique de l’Etat

39
C’est la nature même de la notion d’indépendance de l’Etat. Elle est fondée sur le principe du
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et protégée par le principe de la non-intervention.
1 – Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
De nature politique, le principe de l’autodétermination a été consacré par le droit. Ce principe
qui s’est imposé dans les faits comme une pratique générale acceptée comme étant le droit,
autrement dit une coutume a été repris par le droit à travers la résolution 1514 (XV) du 14
décembre 1960 adoptée par l’Assemblée générale (ONU). L’Onu déclara « la nécessité de
mettre rapidement et inconditionnellement fin au colonialisme sous toutes ses formes et dans
ses manifestations ». Elle réaffirma « la légitimité de la lutte que les peuples, sous domination
coloniale, mènent pour l’exercice de leur droit à l’autodétermination et à l’indépendance ».
Elle pria « tous les Etats d’apporter une aide matérielle et morale aux mouvements de
libération nationale dans les territoires coloniaux ». Des textes postérieurs comme les pactes
internationaux du 19 décembre 1966 sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et
culturels l’ont également intégré.
Le principe de l’autodétermination signifie ainsi donc le pouvoir pour les peuples, qui aspirent
à se constituer en Etat d’établir librement le choix d’un système politique, d’une orientation
économique, sociale, culturelle etc. Ce droit reconnu à tout peuple est renforcé par le principe
protecteur de la non-ingérence.
2 – Le principe de la non-ingérence
Le principe de la non-ingérence ou de la non-intervention se pose comme l’obligation de ne
pas intervenir, encore moins de s’immiscer dans les affaires intérieures d’un Etat. L’ingérence
peut s’apprécier d’un double point de vue : Matériellement, il s’agit de la réalisation d’actions
en territoire étranger (actions militaires), alors que théoriquement, l’on retiendra les prises de
position, les déclarations ou les pressions (d’ordre politique et économique) concernant les
affaires intérieures d’un Etat. Il en ressort que le principe de la non-ingérence a une dimension
politique prépondérante qui l’emporte sur sa nature juridique. Aussi sont-elles qualifiées
d’ingérences illicites, les actions (militaires) menées par certains Etats contre d’autres
Etats allant à l’encontre du principe de non-ingérence : l’URSS en Afghanistan (1979), les
USA envahissaient l’île de Grenade en 1983 et l’Irak en 2002.
Face à ce principe, dans les faits, se sont plutôt développées des attitudes qui tendent à
consacrer le principe inverse : celui du droit d’ingérence. Il consiste en la reconnaissance d’un
droit d’immixtion d’un Etat dans les affaires intérieures d’un autre Etat à la demande de ce
dernier. La pratique révèle qu’en cas de violation par un Etat des droits élémentaires de
l’homme voire de la méconnaissance du droit international humanitaire en cas de conflit, un
ou plusieurs Etats se voient autorisés à intervenir, au besoin par la force, sur le territoire de
l’Etat qui s’en est rendu coupable. Cette intervention vise la protection soit des ressortissants
de l’Etat intervenant soit ceux de l’Etat mis en cause. Il s’est ainsi développé un droit
d’ingérence humanitaire dans les relations internationales. Ont été considérées comme
relevant du droit d’ingérence, les interventions de la France au Zaïre en 1978 (Kolwezi), en
république centrafricaine (1980), en Tanzanie (1979) ou au Cambodge (1978). Notons dans le
même sens, les « opérations de maintien de la paix ». Il n’empêche, ces interventions
conduites sous le couvert d’humanisme soulèvent des interrogations quant à leurs nature et
finalités véritables. Il en résulte une fragilisation de la notion d’indépendance politique.
L’indépendance de l’Etat se mesure encore d’un point de vue économique.

40
B – L’indépendance économique des Etats
Ne dit-on pas que « celui qui tient ton ventre te tient » ? Formulée trivialement, la question de
l’indépendance économique ne saurait être dissociée de la question de l’indépendance
politique de l’Etat. Il apparait indispensable donc pour chaque Etat d’affirmer et de protéger
son indépendance économique. Elle a trouvé sa traduction dans la formulation du principe de
la souveraineté permanente de chaque Etat sur ses ressources naturelles. Il est de revenir sur la
consistance de ce principe puis d’envisager sa portée juridique.
1 – La consistance du principe de l’autodétermination économique
La formulation de ce principe résulte d’un fait important : l’exploitation par des Etats
étrangers (ex-puissances coloniales notamment) et des sociétés multinationales des richesses
et ressources naturelles. Le principe de la souveraineté permanente de chaque Etat sur ces
richesses et ressources naturelles a eu pour but de mettre fin à cette exploitation.
Il importe de rappeler que l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU du droit de
souveraineté permanente de chaque Etat sur ses richesses et ressources naturelles est à mettre
principalement à l’actif d’Etats latino-américains, dont le Mexique, l’Uruguay et le Chili.
Deux résolutions (21 décembre 1952 et 14 décembre 1962) et une charte des droits et des
devoirs économiques des Etats du 12 décembre 1974 ont en cette matière été adoptées.
Les deux résolutions ont consacré un compromis sur la question. Ainsi est-il reconnu le libre
exercice par chaque Etat de son droit souverain sur ses richesses et ressources naturelles d’un
côté, et de l’autre, elles prévoient que des garanties doivent être accordées aux investisseurs
étrangers en vue de l’exploitation des ressources naturelles. Egalement, les préoccupations des
Etats en voie de développement avaient trouvé sur cette question un écho favorable dans
l’adoption de la résolution du 1er mai 1974 portant sur l’instauration d’un nouvel ordre
économique international. Elle prévoit la souveraineté permanente intégrale de chaque Etat
sur ses ressources et sur ses activités économiques ; le contrôle de l’Etat sur ses ressources et
leur exploitation ; le droit de nationaliser les sociétés exploitant ces ressources. La portée
juridique de ce principe est révélatrice de la nature de la protection dont bénéficient les
ressources naturelles des Etats.
2 – La portée juridique du principe de l’autodétermination économique
Les résolutions et chartes ci-dessus rappelées sont confortées en cette matière par le droit
coutumier qui consacre des règles juridiques y afférentes. Toutefois, l’on doit relever que
l’exercice de ce droit souverain sur les richesses et ressources naturelles est controversé.
Les Etats développés exigent, en cas de nationalisation d’une société exploitant ces
ressources, une indemnisation préalable, intégrale et prompte. Les différends s’y rapportant
seront tranchés par un arbitre international. Les Etats en voie de développement, à l’inverse,
défendent l’idée d’une indemnité adéquate et tenant compte de toutes les circonstances
pertinentes, notamment les bénéfices excessifs. Compétence est ici reconnue aux juridictions
nationales pour l’application des lois et règlements de l’Etat d’accueil en cas de litige.
En définitive, il existe un droit de l’autodétermination économique qui tente d’assurer aux
Etats en voie de développement un pouvoir de décision économique contre toutes les formes
de domination extérieure. Il s’agit en réalité de donner un sens pratique au principe de
l’égalité des membres de la société internationale.

41
II – Le principe d’égalité des Etats
Nous l’avions vu, l’égalité des Etats est une conséquence immédiate de leur souveraineté
internationale. La Charte des chartes consacre ce principe en proclamant l’égale souveraineté
des Etats. Néanmoins, force est de constater que l’égalité des Etats est fortement contrariée
dans les faits.
A – L’égalité juridique des Etats
Il importe ici de présenter la consistance de l’égalité juridique entre les Etats. Il s’agit
notamment des immunités, de la réciprocité ainsi que la non-discrimination.
1 – L’immunité reconnue aux Etats
Elle découle de la souveraineté des Etats. Aussi ne peut-il être envisagé qu’un Etat soit
soumis aux juridictions et aux décisions d’un autre Etat. Tous les Etats bénéficient de
l’immunité dite de juridiction (en vertu de laquelle un Etat ne peut être attrait devant les
tribunaux d’un autre Etat) et l’immunité d’exécution (qui empêche les décisions des tribunaux
étrangers de produire leurs effets de s’appliquer à un autre Etat. L’Etat peut, à l’inverse, se
voir tenu d’exécuter les décisions des juridictions étrangères qui ont obtenu l’exéquatur.
L’exéquatur est la force exécutoire donnée à la décision d’une juridiction étrangère par
l’autorité judiciaire de l’Etat à qui cette décision devra s’appliquer). L’égalité des Etats
implique aussi des relations de réciprocité et de non-discrimination entre Etats.
2 – La réciprocité et la non-discrimination des relations entre Etats
La réciprocité des relations entre les Etats est fondée sur l’égalité juridique des Etats. La
réciprocité suppose que ceux-ci soient traités sur le même pied d’égalité dans leurs relations
qu’il s’agisse des avantages auxquels ils ont droit ou auxquels ils peuvent prétendre ainsi
qu’aux obligations auxquelles ils sont soumis. La réciprocité implique un traitement non-
discriminatoire entre les Etats. Il en résulte que les Etats doivent accorder les mêmes
avantages à tous les Etats avec lesquels ils sont en relation.
L’égalité juridique n’est pas toujours effectivement réalisée dans les faits.
B – L’inégalité des Etats dans les faits
Il ressort des faits que les différences entre les Etats sont nombreuses. L’inégalité s’entend
non seulement de l’inégalité de fait des Etats mais aussi de l’inégalité consentie par les Etats.
1 – L’inégalité de fait des Etats
L’inégalité de fait résulte de la situation ou de la puissance politique, économique, sociale et
culturelle des Etats. Elle est mesurable tant au niveau des échanges internationaux qu’au plan
de leur développement.
a – L’échange inégal
L’inégalité des échanges internationaux s’observe nettement dans le domaine de la production
économique. Elle a un rapport indéniable avec la division du travail. Celle-ci peut tout
d’abord être admise comme un fait naturel en raison des aptitudes naturelles spécifiques de
chaque Etat en matière d’activités économiques. Alors que des Etats sont créateurs de moyens
de production, certains autres n’offrent que les forces qui animent les moyens de production.
42
Dès lors, les échanges internationaux se présentent de ce point de vue comme naturellement
inégalitaires.
Cette inégalité des Etats tient également à la volonté de puissance politique et surtout
économique de certains Etats qui ont asservi d’autres sociétés de type étatique. Ces dernières,
territoires coloniaux, étaient non seulement des productrices de matières premières pour les
industries des Etats coloniaux mais aussi des débouchés pour les produits manufacturés de ces
mêmes industries. Pendant la période coloniale, la Côte d’Ivoire était spécialisée dans la
production de cacao et de café, la Haute-Volta dans la fourniture de mains d’œuvre, le
Sénégal, siège du pouvoir administratif colonial d’AOF, était spécialisé dans la production
d’arachide. Pour avoir conservé cette même politique économique de la production en vue de
l’exportation, il en a résulté des inégalités au niveau des échanges internationaux. Aussi
Mohammed Bedjaoui pouvait-il conclure que les Etats en voie de développement servaient de
« réservoir de matières premières et de déversoir de produits finis »66.
Cette inégalité se trouve renforcée dans le fait que les Etats industriels sont favorables à
l’ouverture totale du marché commercial et à une espèce de libéralisme outrancier qui ne tient
nullement compte du niveau de développement des Etats. Dans le même temps, les Etats
industriels sont relativement protectionnistes de leur marché intérieur. Cette inégalité explique
dans une certaine mesure l’inégal développement des Etats.
2 – L’inégal développement des Etats
Le sous-développement a pour facteurs : la détérioration des termes de l’échange, la faible
industrialisation, une économie extravertie, etc. Il en ressort que ces facteurs qui s’expliquent
par l’inégalité des échanges, ainsi que nous venons de le voir, justifient le sous-
développement de nombreux Etats, parmi lesquels ceux du Tiers-Monde. En dehors, des
principes relatifs au statut des Etats, la régulation des relations internationales est régie par des
principes résultant des relations entre les Etats.
S II – Les principes relatifs aux relations entre Etats
Il est question des principes qui régissent les relations entre les Etats. L’intérêt de rechercher
des rapports non conflictuels et de coopération dans les relations entre les Etats oriente sur les
principes qui gouvernent les échanges entre les membres de la société internationale. Deux
principes se dégagent : l’interdiction du recours à la force et la coexistence pacifique.
I – Le principe de l’interdiction du recours à la force
Le recours à la force entre Etats a depuis toujours été traduit par le phénomène de la guerre.
Le recours à la guerre (jus ad bellum, droit de recourir à la guerre) constituait un moyen légal
et ordinaire dans les relations internationales avant qu’il ne soit l’objet de restrictions (jus in
bello) dès le début du XXè siècle. La guerre était un vecteur de la puissance et du
rayonnement des Etats, notamment à travers les conquêtes de nouveaux de territoires. Il en a
été ainsi de la constitution des grands empires en Occident, au Moyen-Orient. Ce sont les
atrocités qui en découlèrent qui ont conduit à poser le principe de l’interdiction du recours à la
force. Ce principe s’accompagne cependant d’exceptions.
A – La consécration de l’interdiction du recours à la force

66
Mohammed Bedjaoui, Pour un nouvel ordre économique international, Paris, PUF, 1980, p.9.
43
Même si elle déplora les affres de la 1ère guerre mondiale, la SDN ne condamna pas
expressément le droit de recourir à la force. Il fallu attendre le pacte de Briand-Kellogg pour
obtenir une nette prohibition du jus ad bellum. La Charte de l’ONU viendra renforcer ce
principe d’interdiction.
1 – Le pacte Briand-Kellogg
Sur initiative française acceptée par les USA fut conclu en 1928 le pacte Briand-Kellogg qui
entra en vigueur le 24 juillet 1929. L’art. 1er de ce pacte est sans équivoque : « Les hautes
parties contractantes déclarent solennellement qu’elles condamnent le recours à la guerre pour
le règlement des différends internationaux et y renoncent en tant qu’instrument de politique
nationale dans leurs relations mutuelles ».
C’est bien plus la Charte de l’ONU qui apporta à ce principe d’interdiction du recours à la
force sa consécration juridique.
2 – La Charte de l’ONU
Après avoir fixé à l’art. 1er les objectifs poursuivis par la Charte, notamment le maintien de la
paix et de la sécurité et prévu à l’art. 2 para 3 le règlement pacifique des différends,
l’interdiction du recours à la force dans les relations entre Etats est formulée par l’art. 2 para 4
de la Charte : « les membres de l’organisation s’abstiennent, dans leurs relations
internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité
territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible
avec les buts des Nations Unies ».
A la lumière de l’art. 2 para 4, il est évident que la prohibition est formulée en termes
généraux, de sorte que la Charte ne condamne pas uniquement le recours à la guerre mais le
recours à la force sous toutes ses formes. En effet, cette disposition condamne aussi les
menaces contre la paix et la sécurité. Le principe de l’interdiction du recours à la force souffre
certaines exceptions.
B – Les exceptions à l’interdiction du recours à la force
Visant à autoriser le recours à la force, ces exceptions sont non seulement prévues par la
Charte elle-même mais également par des situations qu’elle n’a pas prises en compte.
1 – Les exceptions prévues par la Charte
Il s’agit de la légitime défense et des opérations de maintien de la paix.
a) La légitime défense
Aux termes de l’art. 51 de la Charte : « aucune disposition de cette charte ne porte atteinte au
droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des
Nations Unies est l’objet d’agression armée… ».
La légitime défense consiste pour l’Etat victime d’agression de recourir à la force pour se
défendre. La légitime défense en tant que droit naturel est reconnue aux Etats même sans
texte ; ils ne peuvent en être privés.
Elle requiert quant à sa mise en œuvre que des conditions de procédure et de fond soient
remplies. Tenant à la procédure, l’Etat agressé doit immédiatement informer le Conseil de
44
sécurité de l’Onu qui peut prendre des mesures se substituant à la légitime défense. Tenant
aux exigences de fond : il faut au préalable une agression armée67. La légitime défense
préventive, bien que discutable, est admise lorsque le caractère préventif de l’action est
justifié par l’imminence d’une agression. Il est également exigé que les moyens mis en œuvre
soient proportionnels à l’agression. Cette condition est imposée par le droit coutumier. Les
moyens de riposte ne doivent pas, en raison de leur importance, se situer au-delà de la
réaction que nécessite l’agression subie68. Même si elle va de soi, la riposte doit être surtout
concomitante à l’acte d’agression.
Notons que la légitime défense peut être individuelle lorsque seul l’Etat victime exerce son
droit de légitime défense. Elle est donc collective lorsque des Etats tiers prenant fait et cause
pour l’Etat victime agissent avec ou sans lui pour le défendre. La légitime défense collective
peut être fondée sur des accords ou alliances bilatéraux ou multilatéraux. C’est l’exemple du
traité OTAN. La reconnaissance d’une légitime défense collective ne doit pas faire oublier
que l’appréciation de l’agression doit être faite par l’Etat victime à qui il revient également de
demander l’assistance des Etats tiers. C’est ce que la CIJ a retenu dans l’affaire des activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua dans son arrêt du 27 juin 198669 pour rejeter le
moyen avancé par les USA d’un cas de légitime défense collective. Les cas d’abus sont
nombreux : intervention soviétique en Hongrie (1956) et en Tchécoslovaquie (1968) en
application du pacte de Varsovie ; intervention américaine au Viet-nam en 1967 sur la base du
traité OTASE ; intervention française au Shaba (1978). Même les opérations de maintien de la
paix qui sont une autre exception au principe d’interdiction du recours à la force sont très
souvent détournées de leur objectif.
b) Les opérations de maintien de la paix de l’ONU
Il s’agit d’actions décidées par les organes compétents de l’ONU, notamment le Conseil de
sécurité, autorisant (éventuellement) le recours à la force, en cas de menace pour la paix et
sécurité internationale. A cette même fin, l’ONU peut non seulement recourir à des
organismes régionaux de défense collective (OTAN, UA) (art. 53 de la Charte) ou à certains
Etats-membres pour l’application de mesures coercitives prises sous son autorité. Il reste que
des déviations dans ces actions de maintien de la paix sont à déplorer. Il existe en dehors de la
Charte des exceptions tenant à des situations de fait.
2 – Les exceptions tenant à des situations de fait
Le recours à la force est licite quant à l’exercice par des peuples de leur droit à
l’autodétermination et illicite relativement aux représailles des Etats agressés.
a) Le recours à la force dans l’exercice du droit à l’autodétermination
Le recours à la force est assez nettement reconnu par les chartes de l’Onu et de l’UA aux
peuples dans l’exercice de leur droit à disposer d’eux-mêmes. La Charte de l’Onu affirme que
le recours à la force armée ne sera admis que pour la défense d’un intérêt commun (para 7 du
préambule de la Charte), autrement dit pour le maintien de la paix et de la sécurité (Chap. 7,

67
Atteinte contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un Etat. cf art. 2 para 4 Charte.
68
L’annexion de territoires ou encore le changement permanent de leur statut ne peuvent être admis comme
relevant de la légitime défense.
69
En 1983-1984 les Usa ont mené des opérations militaires et paramilitaires contre le Nicaragua.
45
art. 39-54). La Charte de l’UA proclamant (para 2 du préam) « que les peuples ont le droit
aliénable de déterminer leur propre destin » poursuit l’élimination « sous toutes ses formes le
colonialisme de l’Afrique » (art. 2 al 1er Charte) et exprimant son « dévouement sans réserve à
la cause de l’émancipation totale des territoires africains non encore indépendants » (art. 3, al
6 Charte), reconnait comme licite le recours à la force par les peuples pour leur
autodétermination. Dans son art. 4 la résolution 1514 (xv) du 14 décembre 1960 de l’AG de
l’Onu relative à la déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples
coloniaux déclare que les peuples colonisés, notamment, étaient en droit de solliciter et
d’obtenir les appuis nécessaires pour leur lutte de libération.
Il en ressort que le recours à la force a une base juridique. Il y va différemment des
représailles armées.
b) Les représailles armées
Il s’agit des actions militaires illicites menées par un Etat en réponse à une agression illicite
dont il a été la victime. L’acte de représailles se caractérise par l’appréciation unilatérale faite
de la situation par l’Etat qui se dit illicitement agressé. En raison de l’absence de
concomitance entre l’agression subie et la riposte, l’acte de représailles diffère du cas de
légitime défense. En effet, les représailles interviennent alors que l’agression a totalement
cessé. L’acte de représailles a ainsi la nature d’une vengeance solitaire, c’est-à-dire se rendre
justice soi-même.
Illicéité de l’acte de représailles a été, dès la fin du 19è siècle, déclarée par l’Institut de droit
international qui y voyait une mesure anticipatrice de la guerre. Ce sera le cas de la
convention Drago-Porter de 1907 à la suite du recours à la force par l’Angleterre, l’Italie et
l’Allemagne contre le Venezuela en 1903 pour le recouvrement de dettes contractuelles
présumées de leurs ressortissants. Le pacte de la SDN dans son art. 10 condamne également la
guerre d’agression. Il en sera ainsi du pacte Briand-Kellogg. Ces diverses condamnations
visent à préserver la coexistence pacifique dans les relations internationales.
II – Le principe de la coexistence pacifique
Il repose sur le respect mutuel des Etats et leur droit respectif à coexister. Ce principe fut
repris par plusieurs traités. Intéressons-nous à l’affirmation et la portée de ce principe.
A – L’affirmation du principe de la coexistence pacifique
Envisageons à cet effet l’origine et la généralisation du principe.
1 – L’origine du principe
Ce principe est d’origine léniniste. Sa popularisation est à mettre au compte de Khrouchtchev.
C’est au 20è congrès du Parti communiste de l’URSS en 1956 qu’il en fit la proposition en
vue de la régulation des rapports entre l’Est et l’Ouest.
La proposition par les dirigeants soviétiques de la coexistence pacifique s’imposa comme le
moyen de résister au rouleau compresseur capitaliste et de renforcer le régime soviétique.
C’est le traité russo-chinois d’amitié, d’alliance et d’assistance mutuelle du 14 février 1950
qui pour la première fois indique les éléments de ce principe. Il a fallu attendre le traité sino-
indien de Panch Shila à propos du Tibet conclu le 20 avril 1954 pour voir son contenu être
précisé. Il s’agit de :
46
- respect mutuel de l’intégrité territoriale et de la souveraineté ;
- non-agression mutuelle ;
- non-immixtion mutuelle dans les affaires intérieures ;
- égalité et avantages mutuels ;
- coexistence pacifique.
La nécessité de trouver un dénouement pacifique aux tensions entre les USA et l’URSS à
propos de la Corée (1950-1953)70 et de Cuba (1962)71 a renforcé la généralisation de ce
principe.
2 – La généralisation du principe de la coexistence pacifique
Elle se fit par plusieurs instruments internationaux :
La conférence de Bandoeng de 1955 : le Pakistan proposa l’adoption d’une déclaration
internationale relative aux « sept piliers de la paix », les cinq principes de la coexistence
pacifique y compris. S’y ajoutent les deux principes suivants :
- droit de légitime défense individuelle et collective ;
- règlement pacifique des différends internationaux.

L’Assemblée générale des Nations unies adopta le 24 octobre 1970 une déclaration relative
aux principes du droit international concernant les relations amicales et la coopération entre
Etats. Il en ressort un développement du principe de la coexistence pacifique :
- non recours à la force ;
- règlement pacifique des différends internationaux ;
- non-ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat ;
- devoir des Etats de coopérer les uns avec les autres ;
- principe de l’égalité des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes ;

70
La Corée est en 1950 divisée en deux zones à partir du 38è parallèle. L’une sous influence occidentale et
l’autre soviétique. En juin 1950, offensive militaire du Nord contre le Sud. Les USA sous la férule de l’Onu
prennent la direction des opérations militaires. Le conflit se radicalise avec l’entrée de « volontaires chinois »
aux côtés des nordistes. Un accord d’armistice est signé le 27 juillet 1953 ramenant les positions au 38è
parallèle.
71
En 1961, après l’échec des usa, soutenant des exilés cubains, à renverser Castro, l’Urss qui apporta une
assistance militaire à Cuba, envisagea d’y installer des fusées. Les usa s’opposèrent à ce projet en bloquant
l’arrivée à Cuba des navires transportant les fusées et exigèrent le démantèlement des armes déjà installées
pendant quelques jours, la crainte d’une guerre entre les usa et l’Urss fut forte. Finalement, l’Urss rappela ses
navires et retira ses armes.

47
- égalité souveraine ;
- principe de l’accomplissement de bonne foi des obligations assumées en fonction
de la charte.
Il reste toutefois que le principe acquis de la coexistence pacifique soulève des difficultés
quant à sa portée.
B – La portée du principe de la coexistence pacifique
Le principe est aujourd’hui un principe général de droit international relevant du droit positif.
En effet, de nombreux instruments internationaux l’ont repris, notamment la charte de l’Onu.
Malheureusement, ce principe est loin d’être respecté si l’on s’en tient simplement aux
nombreuses interventions dans les affaires intérieures de certains Etats. L’on serait tenter
d’affirmer que cette limitation de la portée pratique du principe atteste de la nature
conflictuelle des RI.

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