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LE DROIT DES RELATIONS

ENTRE
LES ORGANISATIONS
INTERNATIONALES
PAR

R. J. DUPUY
Professeur à la Faculté de Droit et des Sciences économiques de l'Université
d'A ix-Marseille
NOTICE BIOGRAPHIQUE
René-Jean DUPUY, né le 7 Février 1918 à Tunis. Études de droit et
d'histoire à l'Université d'Alger. Mobilisé de 1939 à fin 1945. Bronz
Star Medal (U.S. Army). Docteur en Droit à la Faculté de Droit de
Paris en 1948. Agrégé des Facultés de Droit, Section de Droit public en
1950.
Professe à la Faculté de Droit d'Alger de 1951 à 1956. Depuis 1957,
Professeur à la Faculté de Droit et des Sciences économiques de l'Univer-
sité d'Aix-Marseille.
A enseigné à l'Institut des Hautes Études internationales de l'Univer-
sité de Paris, à l'Institut des Hautes Études françaises du Caire, à l'Institut
des Hautes Études européennes de l'Université de Strasbourg, au Centre
européen universitaire de l'Université de Nancy, aux Instituts d'Études
politiques d'Alger, d'Aix, de Grenoble et au Centre d'Études supérieures
de Sciences politiques de l'Institut d'Études juridiques de Nice.

PUBLICATIONS DE DROIT INTERNATIONAL


Le nouveau Panaméricanisme, 255 p. Éditions Pedone, Paris 1956.
L'application du Traité d'assistance mutuelle de Rio de Janeiro dans
l'affaire Costa-Rica-Nicaragua, Annuaire français de Droit international, 1955.
L'organisation internationale et l'expression de la volonté générale, Revue
générale de Droit international public, 1957.
La Commission européenne des Droits de l'Homme, Annuaire français de
Droit international, 1957.
Le statut de l'Antarctique, Annuaire français de Droit international, 1958.
Agression indirecte et intervention sollicitée, à propos de l'affaire libanaise,
Annuaire français de Droit international, 1959.
La laïcité dans les déclarations internationales des droits de l'Homme, dans
La Látate, publié aux Presses universitaires de France par le Centre de
Sciences politiques de l'Institut d'Études juridiques de Nice, 1960.
LE DROIT DES RELATIONS
ENTRE
LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

INTRODUCTION

E Droit international, jusqu'à une date récente, était

L presque exclusivement un droit interétatique. Certes, il y


avait, en dehors des Etats, certains sujets du droit des
Gens, comme notamment les Églises, mais leur nombre restreint
ne permettait de leur reconnaître qu'une portée réduite. Il ne
s'agissait que d'exceptions au principe du monopole par l'Etat
de la qualité de sujet du droit international. L'avènement à la
fin du X I X è m e siècle, et encore après la première guerre mon-
diale, des organisations internationales, ne semblait pas devoir
affecter profondément cette structure de la société internationale.
Cela tenait, d'une part, à des considérations quantitatives, ces
organisations encore peu nombreuses, ne pesant qu'assez légère-
ment dans Íes rapports internationaux, en raison de leurs faibles
compétences et, d'autre part, à des considérations qualitatives
résultant de la prédisposition de la doctrine et des Gouvernants
à ne voir dans les organisations internationales qu'un simple
cadre à des activités interétatiques et à leur refuser la qualité
de sujet de Droit des Gens. C'est ainsi que la Société des Nations
elle-même, ne s'est pas vu accorder une personnalité juridique
comparable à celle reconnue aux Etats. Une analyse aussi som-
maire n'est plus possible aujourd'hui. Depuis la seconde guerre
mondiale les organisations internationales, gouvernementales et
non-gouvernementales, dépassent le millier. Quel que soit
l'intérêt des organisations d'origine privée, nous n'étudierons ici
que celles qui répondent à des initiatives publiques, précisément
parce que leur nombre (il y en a plus d'une centaine, c'est-à-dire
un nombre supérieur à celui des Etats) et l'importance de leur
462 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (6)
rôle, suffisent amplement à remplir notre étude. Or non seule-
ment le nombre des organisations a augmenté mais leurs com-
pétences ont été amplifiées, leur domaine d'activité diversifié.
Aussi occupent-elles aujourd'hui, dans Tordre international, une
place considérable. Cette promotion ne laisse de soulever de
difficiles problèmes. Les organisations internationales disposent-
elles de l'ensemble des moyens et des règles que le droit inter-
national offre aux Etats? Viennent-elles doubler ces derniers sur
la scène internationale avec les mêmes prérogatives et des devoirs
analogues? Ces questions se posent parce que tout dans la
société internationale est affaire de relations. En premier lieu, le
phénomène relationnel est irréductible. Les organisations inter-
nationales, même les plus développées et les plus intégrées, n'ab-
sorbent pas totalement la personnalité des Etats. Ainsi s'instau-
rent des faisceaux de relations entre les organisations et les Etats-
membres. En second lieu, les organisations apparaissent comme
une réalité objective que les Etats-tiers ont parfois intérêt à
reconnaître juridiquement. Enfin, c'est entre organisations que
des rapports s'établissent. Ces derniers vont plus précisément
nous retenir ici. Ils témoignent en effet de l'interdépendance des
organisations. La solidarité de fait qui règne entre les Etats du
monde actuel, rendu plus exigu par les progrès techniques, se
retrouve tout naturellement entre les organisations, lesquelles
ne sont que des associations d'Etats. Des phénomènes de solidarité
poussent ceux-ci à s'unir dans des organisations et celles-ci, à
leur tour sont impuissantes à s'isoler. L'ampleur des tâches à
affronter nécessite aussi bien des efforts de collaboration et
d'harmonisation, que de coordination, non seulement afin
d'éviter les doubles emplois, mais aussi pour travailler de concert
au bien commun des peuples.
Ces observations prendront toute leur valeur, si Ton tente
une classification des organisations internationales. Elles appa-
raîtront alors dans leur extraordinaire diversité. Trois critères
au moins sont possibles qui expliquent les points de vue différents
auxquels on peut considérer leurs rapports.
1) On peut d'abord se placer à un point de vue structurel.
Certaines organisations, à vrai dire les plus nombreuses, se
(7) INTRODUCTION 463
bornent à favoriser la coopération entre les Etats-membres.
Elles disposent à cet effet de structures destinées à permettre le
dialogue entre les gouvernants et même parfois, comme le
Conseil de l'Europe, entre les représentants des gouvernés.
D'autres se voient reconnaître des pouvoirs subordinateurs. Cette
distinction revêt une importance considérable dans Tordre des
relations entre les organisations, les systèmes superétatiques étant
amenés à tenir une place particulièrement originale dans le
concert des organisations. Les tâches que les Etats leur confient
commandent souvent le choix entre la formule coordinatrice, et
la formule subordinatrice ce qui fait apparaître un second critère.
2) O n peut ensuite se placer à un point de vue fonctionnel. O n
posera alors une distinction fondamentale entre les organisations
politiques et les organisations techniques. Les premières com-
prennent elles-mêmes, soit des organisations à buts politiques
multiples, comme TO.N.U. ou l'Organisation des Etats améri-
cains, s'efTorçant d'exercer des fonctions de législation, de juri-
diction, d'exécution, soit des organisations moins ambitieuses et
bornant leur rôle politique au dégagement d'une certaine opinion
internationale, c'est le cas du Conseil de l'Europe, soit enfin des
organisations à but essentiellement militaire, comme TO.T.A.N.
que Ton serait tenté, si Ton oubliait l'importance politique des
problèmes de sécurité, de ranger parmi les organisations tech-
niques.
Celles-ci répondent à un besoin de spécialisation qui s'exprime
dans les domaines les plus divers: communications, culture,
santé, finances, économie. La plupart sont du ressort des insti-
tutions spécialisées qui rayonnent autour de l'O.N.U. Mais il
en est d'autres, et notamment on doit faire une place à part aux
Communautés économiques européennes, qui sont fort différen-
tes des précédentes. Elles exercent des compétences super-éta-
tiques et supra-nationales, alors que les institutions spécialisées se
limitent à un rôle de coordination par la persuasion; mais les
Communautés ne groupent qu'un petit nombre d'Etats, les
six Etats de la « petite Europe ». C'est qu'il faut tenir compte
du facteur numérique, lequel se conjugue avec le critère
géographique.
464 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (8)
3) A ce point de vue, on distinguera les organisations uni-
verselles et les organisations régionales, opposition applicable
tant aux organisations techniques qu'aux organisations poli-
tiques. Si l'O.N.U. doit compter avec les ententes régionales, les
institutions spécialisées sont elles-mêmes doublées à des échelons
localisés, d'organisations qui poursuivent des tâches analogues.
On mesurera, à la diversité des organisations et à la multi-
plicité des points de vue auxquels on peut les examiner, la com-
plexité des problèmes que posent leurs rapports. On peut,
certes, mettre de l'ordre dans cet enchevêtrement apparemment
inextricable.
Le point de vue structurel retentit sur la qualité des organes
qui participent aux relations entre les organisations. Ils seront
susceptibles de varier selon que l'on se trouvera en présence
d'une organisation inter ou super-étatique. On peut se demander
en particulier si leur représentativité à l'égard des Etats-membres
ne devrait pas être plus grande dans une organisation intégrée et
aboutir alors à un volume plus étoffé de relations, rendues plus
faciles par les pouvoirs des organes.
Le point de vue fonctionnel souligne l'ampleur des domaines
atteints par les organisations et la nécessité, en présence de
systèmes institutionnels poursuivant des tâches analogues ou
voisines, d'établir entre eux une coordination.
Enfin, le point de vue géographique soulève la question du
degré de subordination auquel on doit tenir les organisations
régionales par rapport au système universel. Alors que le droit
international qui règne entre les Etats repose sur le principe de
l'égalité juridique, les organisations ne s'imbriquent-elles pas
dans une hiérarchie? Dans l'affirmative, le droit de leurs relations
réciproques échapperait aux ferments d'anarchie qui, aujourd'hui
encore, rendent si malaisés les rapports interétatiques.
Ainsi se trouvent dégagés des problèmes de structure orga-
nique, des problèmes de coordination, des problèmes de subordi-
nation. Cet effort de synthèse est loin d'être inutile et il nous
fournira des bases de travail assez commodes. Mais qui ne voit
que, dans la réalité, existe un chevauchement inévitable entre
ces problèmes et les points de vue qui les supposent? Les aspects
O) INTRODUCTION 465
structurels entreront en ligne de compte dans l'examen des rap-
ports entre organisations politiques ou techniques: on verra des
systèmes intégrés comme les Communautés européennes aux prises
avec des systèmes plus lâches comme le G.A.T.T. ou même
r O . E . C . E . ; on aura à se demander si l'on doit se contenter à
l'égard des organisations spécialisées ou localisées, d'une simple
coordination ou si certaines d'entre elles ne sont pas soumises à
une autorité supérieure et centralisée, tant il est vrai que la
subordination apparaît aussi tentante dans la décentralisation
par service que dans la décentralisation territoriale.
Mais alors que les Etats puisent dans leur souveraineté la force
de résister aux efforts centralisateurs que connaît la société inter-
étatique, où les organisations trouveraient-elles un moyen ana-
logue? Ce qui pose !e problème considérable de la place des
organisations dans l'ensemble de l'ordre international (composé
des Etats, des sujets extra-étatiques, et des organisations). Il
s'agit somme toute, de savoir quelle est la nature de la person-
nalité internationale des organisations, question à vrai dire sous-
jacente à tous les problèmes soulevés ici, mais qui devrait pouvoir
être reprise, une fois dressé l'inventaire des liaisons établies entre
les organisations.
On ne saurait en effet étudier à priori la personnalité juridique.
Ce n'est qu'après avoir relevé les compétences effectivement
exercées dans l'ordre relationnel par les organisations, que nous
pourrons apprécier les caractères de cette personnalité.
On conviendra, à cet égard, que pour être complet, il faudrait
également examiner les rapports des organisations avec les Etats-
membres ou non; un certain nombre de points intéressants ces
rapports se retrouvant également dans les relations avec les
autres organisations et n'étant pas spécifiques à celles-ci. Toute
délimitation d'un sujet comporte un certain arbitraire et nous
ne prétendons pas y échapper. Il n'empêche que l'ordre inter-
organisationnel n'a jusqu'ici retenu qu'assez rarement l'attention
des auteurs; or, il mérite un examen exhaustif, car il est très
éclairant d'envisager les organisations non plus face aux Etats,
mais dans leurs relations réciproques. Alors se dégage un ordre
juridique d'un caractère nouveau mettant en rapport les organi-
466 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (10)
sations et faisant apparaître des aspects particuliers de leur
personnalité.
Ainsi l'objet de notre recherche est-il double: il ne s'agit pas
seulement de vérifier si les organisations disposent, dans leurs
relations mutuelles de compétences semblables à celles des Etats
entre eux, mais encore de savoir si, entre elles, se posent certains
problèmes qui ne se retrouvent pas dans le rapport organisation-
Etat.
La première question met en cause des aspects organiques
et formels du droit inter-organisationnel que l'on peut grouper
sous l'angle des procédures: les organisations usent-elles des
moyens relationnels dont disposent les Etats? La seconde se
rattache plutôt au problème normatif de la répartition et du
concours des compétences entre les organisations. Aussi étudie-
rons-nous successivement les aspects techniques et les aspects
normatifs du droit relationnel entre organisations.
PREMIÈRE PARTIE

LES T E C H N I Q U E S R E L A T I O N N E L L E S

ES organisations ne peuvent vivre dans un état d'ignorance

L mutuelle. Certaines sont même naturellement portées à


tenir compte plus spécialement d'autres institutions, soit
à raison des tâches connexes ou simplement voisines qu'elles
poursuivent, soit parce qu'elles groupent un grand nombre
d'Etats communs et que, par delà le but propre de chacune, il
existe un intérêt général à une communauté internationale, qu'il
s'agit de ne pas perdre de vue. Aussi apparaissent un certain
nombre de procédés de contact, utilisant tant des organes que
des formes, les unes et les autres très diverses.

CHAPITRE I

LES T E C H N I Q U E S O R G A N I Q U E S

LLES se fondent sur l'appel à des agents de liaison qui ne

E sont pas sans évoquer une sorte de para-diplomatie inter-


organisationnelle. Cependant, des contacts plus intimes
peuvent également être établis. Dans l'ordre interétatique, on
voit des Etats instituer entre eux, à cette fin, des structures
communes. Ce phénomène se retrouve dans notre domaine et
des rapports structurels viennent doubler les liaisons bilatérales.

SECTION I — LES AGENTS DE LIAISON

Tout effort pour pousser trop loin la comparaison avec les


ambassadeurs et les consuls serait condamné à tourner court.
En effet, l'attribut essentiel des Etats fait défaut aux organisations,
à savoir la souveraineté et spécialement la compétence terri-
roriale. Certes, elles disposent d'un certain ressort territorial,
468 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (12)
mais celui-ci est fait de territoires étatiques. Aucune organisation,
même des plus intégrées, n'absorbe de compétences étatiques
au point de se voir attribuer, comme l'Etat fédéral, un véritable
territoire, superposé à celui de ses membres. Chaque organi-
sation a son siège sur un territoire national et répartit ses activités
dans des territoires nationaux. Il en résulte qu'alors que le rôle
des diplomates s'exprime en terme de souveraineté, celui des
agents des organisations s'analyse plutôt en terme de fonction.
Il y a là plus qu'une simple différence de degré. Si même les
organisations entendent, en dépêchant des missions de fonction-
naires auprès d'autres organismes, protéger leurs propres activités
contre les intrusions de ces derniers, si même elles font appel aux
plus prestigieux de leurs agents, il n'empêche qu'il s'agit avant
tout d'assurer entre elles une harmonisation fonctionnelle et non
d'affirmer les prérogatives d'un souverain. On pourrait, à cet
égard, penser plus volontiers aux consuls car ceux-ci réalisent
en effet une coopération sur le plan administratif et leur origine se
trouve dans la nécessité de faciliter la collaboration entre des ordres
juridiques exclusifs. Mais, là encore, il faut se montrer prudent:
les consuls ont essentiellement pour but de faciliter la vie de
leurs nationaux à l'étranger. Ils sont amenés dans ce but à
favoriser les relations de ces derniers avec les autorités locales,
mais même si leur rôle n'est pas à dédaigner dans la mise en
œuvre des rapports commerciaux entre les Etats, ils n'en restent
pas moins marqués par leur mission d'assistance à leurs natio-
naux. Tel n'est pas le cas des fonctionnaires détachés d'une
organisation auprès d'une autre. Certes un organisme interna-
tional a sous sa dépendance les personnes au bénéfice desquelles,
on le sait depuis l'Avis sur les réparations, elle peut exercer une
protection fonctionnelle, mais ce n'est pas dans cet objectif
qu'elle se fait représenter dans d'autres organisations.
Cependant, quelle que soit l'importance de ces observations,
on trouve, parallèlement à la distinction des ambassadeurs et des
consuls dans les relations interétatiques, une double technique
de liaison entre les organisations. D'une part, certains fonction-
naires de haut rang représentent une organisation auprès des
organes délibérants, c'est-à-dire des organes qui, groupant les
(13) LES TECHNIQUES ORGANIQUES 469

Etats, exercent la compétence reconnue à l'organisation, soit


comme organes pléniers soit comme exécutifs collégiaux, ne
groupant qu'un nombre restreint de membres. Ce sont les
observateurs. D'autre part, des fonctionnaires, le plus souvent
des techniciens, assurent des missions permanentes ou tempo-
raires, auprès des organes administratifs, les secrétariats.

§ 1. Les Observateurs

Les observateurs prennent une importance toute particulière


dans les rapports entre les organisations internationales. S'il en
existe émanant d'Etats auprès des organisations, c'est tout de
même pour ceux représentant d'autres organisations que les
textes sont les plus développés. On ne saurait s'en étonner. Le
principe pour les Etats est en effet d'être représenté par des
délégués. Si certains d'entre eux sont obligés de se contenter de
l'envoi d'observateurs, c'est parce que la situation dans laquelle
ils se trouvent, souvent d'ailleurs de manière temporaire, vis-à-vis
de l'organisation, ne leur donne pas la possibilité d'agir autre-
ment. L'envoi d'observateurs est ainsi pour eux une mesure
transitoire, en attendant qu'us soient reçus dans l'organisation
comme membres à part entière ou bien une manière de succé-
danné à des relations normales avec les membres de celle-ci.
Ainsi les gouvernements des deux Républiques allemandes
peuvent entretenir le contact avec certaines organisations grâce
à ce moyen.
Toute autre est la portée des échanges d'observateurs entre
organisations. Leur envoi constitue non l'exception, mais la
règle normale de participation des unes à l'activité des autres.
Les organisations ne sont en effet, ouvertes en principe qu'aux
Etats; elles ne sauraient y entrer au même titre que ceux-ci,
lesquels conservent le monopole du droit d'association. Elles ne
peuvent donc qu'envoyer des observateurs. Il faut voir qu'il s'agit
ainsi de permettre une intrusion dans le fonctionnement d'une
organisation, d'une pénétation de son ordre juridique par des
éléments extérieurs, et non d'une simple mesure de liaison entre
deux organisations.
La preuve en est que lorsqu'il s'agit d'un tel contact entre
470 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (14)

deux ou plusieurs systèmes qui s'assemblent dans une conférence


entre organisations, celles-ci sont représentées non par des ob-
servateurs mais par des délégations en plein exercice, suivant
une technique qui rappelle les rapports interétatiques.
L'envoi réciproque d'observateurs réalise non une coordination
de contacts, mais une interpénétration des deux organisations.
C'est pourquoi on ne saurait penser à leur sujet, aux ambassadeurs.
Outre leurs fonctions représentatives, ils agissent comme s'ils
étaient simultanément membres associés de chacune des deux
organisations qu'ils sont chargés de mettre en rapport. Certes
ils permettent ainsi des relations bilatérales. Mais là s'arrêtent les
ressemblances. Les observateurs sont accrédités non pas auprès
d'échelons administratifs, mais auprès d'organes délibérants:
Conseils ou Assemblées. Ils y ont non le droit de vote, réservé aux
seuls membres, mais le droit de parole. Ils peuvent, en l'exerçant
peser d'une manière qui n'est pas tout à fait négligeable, sur les
débats. Cette considération domine tant le statut des observateurs
que l'exercice de leurs compétences.
A. En ce qui concerne leur statut, il montre des traits signi-
ficatifs :
1) Il n'est pas homogène: il faut d'abord poser une distinction
entre les observateurs institués et les observateurs occasionnels.
Les premiers sont prévus par des accords entre les organisations
notamment entre l'O.N.U. et les institutions spécialisées, entre
celles-ci, ou entre elles et d'autres organisations intergouverne-
mentales, et ces accords comportent une clause dite de « repré-
sentation réciproque ».
Les seconds sont invités par une assemblée à participer à une
session.
Ni les uns, ni les autres, ne sont permanents et c'est là une
première différence avec les ambassadeurs, mais alors que l'invi-
tation d'observateurs occasionnels est laissée à la libre disposition
de l'organe qui la lance, sa compétence étant à cet égard dis-
crétionnaire, c'est au contraire une obligation, en vertu de
l'accord, que d'inviter des observateurs chaque fois que l'ordre
du jour concerne des questions qui intéressent l'autre partie. Il
reste d'ailleurs, qu'en dépit de cette compétence liée, l'organi-
(15) LES TECHNIQUES ORGANIQUES 471

satíon apprécie elle-même la nature des questions mises à son


ordre du jour, ce qui peut soulever des difficultés. Elles sont tout
de même moins probables entre organisations entretenant, sur la
base d'accords, des relations suivies qu'entre celles qui n'ont
que des liens plus lâches. Pour ces dernières, l'invitation d'obser-
vateurs occasionnels n'est pas un droit et, lorsqu'un organisme
songe à les convier à une de ses sessions, il doit parfois vaincre de
sérieuses difficultés d'ordre politique avant de pouvoir adresser
cette invitation.1
Ainsi s'explique que les décisions d'inviter appartiennent en
définitive à l'organe délibérant et non à un échelon administratif.
Il peut arriver que le Secrétaire général d'une organisation ait
envoyé une invitation, mais celle-ci ne sera tenue pour valable
qu'après sa confirmation par l'organe auprès duquel sera accré-
dité l'observateur.
Il en résulte que le statut fait aux observateurs est susceptible
de varier, selon les invitations, pour les observateurs occasionnels,
ou selon les accords, pour les observateurs institués. Cependant
les clauses de représentation réciproques comprennent toujours
à peu près les mêmes dispositions et une coutume s'instaure. Mais
elle n'a rien de commun au fond avec celle que le droit inter-
national a dégagé pour les diplomates.
2) Il s'en faut de beaucoup que les observateurs jouissent des
mêmes privilèges. D'ailleurs si les observateurs semblent devoir
être comparés, plutôt qu'aux ambassadeurs, aux représentants
des Etats membres de l'organisation, il faut noter qu'ils se
trouvent dans une situation statutaire nettement inférieure à la
leur: aucun des avantages et immunités accordés aux représen-
tants des Etats membres ne leur est habituellement reconnu. Ils
bénéficient des seules garanties nécessaires pour leur permettre
d'accéder au siège de l'organisation d'accueil et de séjourner sur
le territoire où elle se trouve elle-même.
3) Les observateurs étant des participants, l'organe délibérant
procède à la vérification de leurs « pouvoirs » selon les procédés
en usage dans les conférences. C'est d'ailleurs le règlement inté-
rieur de l'organe qui fixe les modalités de cette vérification.
1. C. Labcyric-Ménahem, Les Institutions spécialisées, Paris, 1953, p. 71.
472 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT (16)
Il résulte de cet ensemble de traits que les observateurs sont
moins des agents de liaison que des agents de participation. Ils
réalisent ainsi une articulation fonctionnelle entre les institutions.
Leur mission est en effet de veiller non seulement à sauvegarder
les compétences de leur maison d'origine mais aussi, et d'une
façon non moins importante, de collaborer au fonctionnement
des autres chaque fois que les questions débattues intéressent
leur propre organisme. Ils traduisent donc l'existence d'un intérêt
supérieur à celui de chacune des institutions, d'un intérêt plus
vaste également, à la satisfaction duquel elles doivent coopérer.
Aussi les observateurs sont-ils des fonctionnaires de rang
élevé: dans les rappports entre les Nations Unies et les institutions
spécialisées, les unes et les autres s'efforcent d'envoyer aux
réunions générales les plus importantes, des représentants sus-
ceptibles de parler au nom de l'ensemble de l'organisme. L a
présence du Directeur d'une institution est parfois nécessaire.
Le Secrétaire général et certains Secrétaires généraux adjoints
de r O . N . U . ont assisté aux conférences générales de plusieurs
des principales organisations. Les directeurs de ces institutions
assistent aux sessions de l'Assemblée générale et du Conseil
économique et social pendant de courtes périodes. Pour le reste
du temps, ils sont doublés par des représentants occupant en
général des postes suffisamment élevés, et spécialisés dans les
questions débattues. Il s'agit en effet d'assurer non seulement
une fonction de représentation, mais aussi de participation et
d'apporter à l'organisation d'accueil, le point de vue et les
connaissances techniques des organisations représentées. Ainsi
s'explique la portée des compétences qui leur sont reconnues.
B. Alors que les Ambassadeurs ne prennent pas la parole
devant le parlement de l'Etat de résidence, ces observateurs
peuvent utiliser très largement le droit de parole. La portée de
celui-ci est loin d'être négligeable, que l'on considère la procédure
de participation des observateurs aux débats ou la conclusion
qu'ils peuvent en attendre.
A l'O.N.U., la pratique est maintenant bien établie: le repré-
sentant de l'institution spécialisée parle, soit de son propre
mouvement, après avoir fait savoir au Président qu'il désire
(17) LES TECHNIQUES ORGANIQUES 473

intervenir dans le débat, soit sur invitation d'un orateur deman-


dant au Président que le représentant de l'institution spécialisée
soit entendu. Au Conseil économique et social, on a pris l'habi-
tude, en ce cas, d'inviter le représentant à quitter la place
réservée aux observateurs et à prendre place à celle du Conseil.
Dans d'autres organes, les observateurs parlent de leur place.
Dès 1947, aux Nations Unies, a été soulevée la question de
savoir si les représentants des institutions spécialisées ont le droit
de proposer des amendements aux projets de résolution étudiés.
Ce problème a été porté au Conseil économique et social qui
l'a tranché par sa résolution 217 du 18 mars 1949. Il a été admis
la faculté pour ces représentants de présenter des motions. C'est
là une prérogative qui semble excéder celle habituellement re-
connue à des observateurs. Mais c'est qu'il existe, entre certaines
organisations, une parenté de droit ou même de fait, qui les
autorise à agir ainsi. L'O.N.U, et les institutions spécialisées, en
dépit de leur indépendance respective, participent de la grande
famille des Nations Unies. Les accords par lesquels elles pré-
voient une représentation réciproque parlent d'ailleurs non d'ob-
servateurs, mais de représentants, ce qui semble souligner leur
rôle de participant. Cependant cette faculté de présenter des
motions ne va pas jusqu'à l'attribution d'un véritable droit de
proposer effectivement des amendements: la motion ne peut
être mise aux voix que si un membre de l'organe la fait sienne
et demande un vote. Ainsi apparaît la limite à la participation
de ces agents au fonctionnement d'une organisation étrangère.
Cette participation est toutefois suffisamment large pour que
l'on puisse regretter l'expression d'observateurs communément
utilisée. Autant celle-ci convient aux envoyées des Etats non
membres qui n'ont aucun droit d'intervenir dans les organes et
se bornent à informer leurs gouvernements de leurs activités,
autant elle définit mal le rôle de personnages qui ne sont pas de
simples agents d'information. A vrai dire, une organisation habi-
litée à envoyer des représentants disposant du droit de parole se
trouve dans une situation intermédiaire entre celle de l'Etat-
tiers et celle de l'Etat-membre de l'organisation envisagée.
Cela tient à deux ordres de raisons. La première met en cause
474 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (18)

l'aspect numérique des organisations: si les organisations en


rapport sont composées des mêmes Etats on comprend aisément
qu'elles ne soient pas de simples tiers, les unes vis-à-vis des
autres. Tel est le cas, grosso modo, des institutions spécialisées et
de r O . N . U . Certes, elles n'ont pas toutes exactement les mêmes
membres, mais la grande majorité de ceux-ci se retrouve chez
toutes. O n doit noter à cet égard, que lorsque les organisations
comprennent un grand nombre de membres, leurs relations se
trouvent ainsi facilitées. Inversement leurs rapports deviennent
de plus en plus délicats, au fur et à mesure que le chiffre de leurs
membres communs se réduit et qu'ainsi la singularité de chacune
est plus accusée.
Ainsi s'explique, entres autres motifs, le rejet du Plan Eden
dans les rapports entre le Conseil de l'Europe et la Communauté
européenne du Charbon et de l'Acier.
Le 19 mars 1952, le Premier Britannique proposa qu'une
liaison organique étroite fut établie entre le Conseil de l'Europe,
et les Communautés spécialisées, nées ou à naître, auxquelles
certains de ses membres viendraient à adhérer. Il suggérait que
les représentants des Pays membres du Conseil de l'Europe, mais
non membres de la C E . C A . , puissent participer aux travaux
du Conseil des ministres et de l'Assemblée de la Communauté
en qualité d'observateurs. L'Assemblée consultative du Conseil
de l'Europe, dans un avis n° 3 du 30 septembre 1952, se rallia à
cette proposition, en précisant que les observateurs devraient
avoir droit de parole. Un comité de Juristes fut consulté sur la
possibilité de conclure éventuellement un accord dans ce but.
Ses conclusions furent négatives, ajuste titre. En ce qui concerne
la présence d'observateurs, émanant de l'Assemblée Consultative
à l'Assemblée de la C E . C A . , il fit remarquer que l'usage du
droit de parole peut influencer effectivement les résultats des
votes, ce qui ne laisse d'être choquant, alors que les pays qui en
tireraient profit, ne supporteraient aucune des obligations que
la Communauté met à la charge de ses membres. L'envoi
d'observateurs au Conseil des Ministres mettrait particulière-
ment en valeur cet inconvénient.
D'autre part, et cette observation met en cause le second
(19) LES TECHNIQUES ORGANIQUES 475

aspect du problème, l'aspect structurel, l'Assemblée de la Com-


munauté a un caractère supra-national et un principe constant,
dans les Etats à régime représentatif, exclut la participation des
étrangers aux assemblées parlementaires. Or il n'est pas superflu
de relever ici que nous nous trouvons non pas en présence d'as-
semblées intergouvernementales, mais d'assemblées parlemen-
taires, composées non d'Etats mais de personnalités politiques
désignées par des Parlements nationaux. Le vote y a lieu non par
délégation, mais par tête. L'admission d'observateurs dotés du
droit de parole réaliserait donc une intégration des débats,
encore que leurs résultats ne puisse concerner en définitive que des
pays autres que les leurs. En réalité, le projet britannique repris
par l'Assemblée du Conseil de l'Europe tendait à empêcher la
C.E.C.A. et les Communautés de mener une existence trop indé-
pendante à l'égard de l'organisme de Strasbourg, c'est-à-dire à
permettre aux 9 membres du Conseil de l'Europe, non membres
des Communautés, d'exercer un certain contrôle sur les 6 pays
adhérant aux deux systèmes. Les facteurs numériques et struc-
turels expliquent l'échec de cette tentative: les Six peuvent
considérer les Neuf comme des tiers par rapport à leur commu-
nauté, alors de surcroit que le Conseil de l'Europe ne jouit
d'aucun pouvoir réel tandis que les institutions communautaires
sont dotées de compétencessuper-étatiquesetsupra-nationales. Au
contraire, les institutions spécialisées ont une majorité de mem-
bres communs et disposent de pouvoirs comparables. Entre des
organisations trop disparates aux points de vue structurel et
numérique, on peut seulement envisager l'envoi bilatéral de
missions de la liaison.

§ 2. Les missions de liaison

Elles sont très utilisées et mettent en contact les secrétariats. O n


est frappé par la généralisation de cette pratique. Tous les accords
intéressant les institutions spécialisées prévoient qu'elles devront
contribuer à assurer une liaison efficace entre elles. Les deux
parties s'engagent à « prendre toutes mesures nécessaires ». Dans
les accords liant la Banque et le Fonds, on envisage la création
476 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (20)

de rouages administratifs dans ce but. Ces liaisons doivent être


assurées tant entre administrations centrales qu'à l'échelon
régional que les institutions peuvent avoir établi. C'est ainsi
que r O . I . T . entretient auprès du siège des Nations Unies à
Lake-Success, un Bureau permanent de liaison, tout comme
l'U.N.E.S.C.O. et l'O.M.S. Si l'Organisation des Nations Unies
n'a pas, en principe, de fonctionnaires chargés d'une façon per-
manente de la liaison, détachés auprès d'institutions particulières,
une section du cabinet du secrétaire général, se consacre entière-
ment aux relations avec les institutions spécialisées. Elle constitue
une sorte de département aux relations extérieures avec ces
organisations. De plus, l'important établissement des Nations
Unies à Genève offre un personnel qui assure fréquemment la
représentation de l'organisation aux réunions des institutions
spécialisées qui se tiennent en Europe.
Entre les institutions européennes, également, on observe le
même phénomène. Ainsi, dès la période préparatoire de
la C.E.C.A., la Haute Autorité avait passé un accord avec
l'O.E.C.E., lui permettant de désigner des fonctionnaires auprès
des secrétariats de cette organisation. Aujourd'hui, la Haute
Autorité entretient auprès de l'O.E.C.E. une commission per-
manente qui se compose de deux fonctionnaires. La présence
de ces missions présente un double intérêt: d'une part, les
organisations qui ont des bureaux de liaison peuvent s'en servir
pour y désigner des observateurs sans être obligées d'envoyer des
fonctionnaires du siège central. Cependant, ce procédé a un
inconvénient: les fonctionnaires détachés en permanence risquent
de ne pas être toujours au courant des derniers événements
survenus au siège central de leur institution ou de ne pas être
en mesure de répondre aux questions posées sur des points qui
ne se trouvent pas mentionnés dans les instructions qui leur ont
été données. C'est pourquoi, tout en pouvant se servir des missions
de liaison pour y puiser des observateurs, les organisations et
surtout les institutions spécialisées dépêchent de surcroit un ou
plusieurs fonctionnaires de rang élevé. On peut maintenir un
contact étroit avec le siège, en organisant un va et vient des
fonctionnaires détachés: ainsi, chaque mois, alternativement, un
(21) LES TECHNIQUES ORGANIQUES 477

fonctionnaire du Conseil de l'Europe se rend auprès de la


C E . C A . et un agent de celle-ci à Strasbourg.
D'autre part, ces missions sont amenées à entreprendre des
négociations avec les institutions auprès desquelles elles sont
accréditées. Elles mettent ainsi sur pied des arrangements de
travail et peuvent même se voir confier la négociation d'accords
plus important. 3
Ces missions ou bureaux permanents constituant des moyens
de liaison latérale, on peut être tenté d'évoquer à leur propos
un droit de légation actif et passif pour les organisations inter-
nationales dans leurs rapports mutuels. Une telle assimilation
doit être écartée. Les organisations jouissent-elles d'un tel droit
dans leurs rapports avec les Etats? Voilà déjà une question à
laquelle on ne saurait donner de réponse uniforme. Tout dépend
en effet du statut de l'organisme envisagé et de l'opinion des
Etats, notamment des Etats tiers. Le droit international recon-
naît la compétence à exercer le droit de légation, actif et passif,
aux sujets de droit possédant la « capacité de mener une politique
étrangère indépendante »,3 c'est à dire que la plupart des organi-
sations en sont exclues. Seules les communautés européennes
semblent pouvoir y prétendre. A fortiori, ce droit est-il à écarter
dans les rapports entre organisations. 4 Aucune des conséquences
juridiques que Ton attache au droit de légation ne peuvent
s'étendre mutatis mutandis aux rapports entre organisations. Seuls
les accords qu'elles concluent peuvent prévoir notamment
certains privilèges et immunités au bénéfice des agents des autres
institutions, détachés auprès d'elles. C'est ainsi que les accords
entre l'O.N.U. et les institutions spécialisées autorisent l'utili-
sation du laisser-passer des Nations-Unies par les fonctionnaires
des institutions spécialisées. Par sa Résolution 179 du 21 no-

2. Cf. infra les accords entre organisations.


3. Guggenheim, Traité de Droit international public, t. 1, p. 489, cf. le rapport
de M. Van der Goes van Naters, Assemblée parlementaire européenne, Doc.
n° 87, 1959.
4. Il est significatif que le Chap. VI, article 16 du Protocole sur les privi-
lèges et immunités de la Communauté économique européenne ait prévu le
bénéfice des immunités diplomatiques d'usage pour les missions des Etats
accréditées auprès de la Communauté, mais non pour celles des organisations
représentées auprès d'elle.
478 R. J. DUPÜY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (22)
vembre 1947, PAssemblée générale des Nations Unies a adopté
une Convention sur les privilèges et immunités des institutions
spécialisées. Ce texte contient 9 projets d'Annexés qui se rap-
portent aux 9 institutions spécialisées existant à cette époque;
chacune de ces institutions devait adapter ses dispositions à ses
propres attributions et la Convention stipule qu'elle ne deviendra
applicable à l'égard d'une institution que quand celle-ci en
aura accepté les clauses. On ne saurait davantage, pour soutenir
un droit de légation des organisations dans leurs rapports
mutuels, invoquer leur personnalité internationale. Comme
nous l'avons déjà dit, et comme cela se dégagera tout au long
de cette étude, cette personnalité ne peut être affirmée à priori,
mais doit résulter des droits et obligations reconnus aux organi-
sations. Or là encore, c'est aux statuts ou aux accords qu'il faut
se rapporter. Dans le domaine de la représentation, ces textes
affirment non les règles afférant au droit de légation proprement
dit, mais des techniques, d'ailleurs variables, de liaison fonction-
nelle. C'est dans le but de rendre cette liaison plus étroite,
qu'elles se doublent souvent de structures communes.

SECTION I I — LES RAPPORTS STRUCTURELS

De même que les Etats peuvent dépasser le stade des contacts


pour adopter des structures communes, les organisations inter-
nationales peuvent s'associer en unissant certains de leurs or-
ganes. Bien entendu, cela suppose une certaine solidarité entre
elles qui, dépassant la simple communauté de fonction, les
rattache à un ensemble se réclamant d'éthiques identiques et
d'objectifs communs.
On voit ainsi la collaboration entre organisations s'étendre de
la simple consultation à certaines formes d'intégration.
Les consultations sont fréquemment prévues par les accords
entre organisations. En dehors de l'activité des missions per-
manentes les organisations peuvent se consulter par l'inter-
médiaire de leurs Secrétaires ou Directeurs généraux, ou de
délégations spéciales. On peut, à cet égard, citer des conversations
entre le Directeur général de l'O.M.S. et le Directeur exécutif
de l'U.N.I.C.E.F., ou des conférences entre organisations aux
(23) LES TECHNIQUES ORGANIQUES 479

vastes domaines, comme l'Organisation des Etats américains et


rU.N.E.S.C.O. 6 Ces consultations ont le plus souvent pour but
de préparer des arrangements ou accords.
Ceux-ci prévoient des formes plus poussées de collaboration.
Elles vont de la coopération technique à la jonction organique.
Les organisations spécialisées (qu'elles aient ou non le statut
des institutions ainsi qualifiées) ont une compétence technique
qui pousse les organismes dont les fonctions sont différentes ou
plus générales, à faire appel aux connaissances des autres. Ce
concours peut être occasionnel, il peut être aussi prévu de façon
constante. Le Conseil de l'Europe est ainsi amené à tirer profit
du Secrétariat de l'O.E.C.E. L'accord entre ces deux organi-
sations prévoit que le Secrétaire général de l'O.E.C.E. prête son
appui aux travaux d'ordre économique entrepris par les divers
organes du Conseil de l'Europe. De même, lorsque le Comité
des Ministres de ce dernier a besoin d'avis d'ordre technique,
le Secrétaire général de l'organisme de Strasbourg peut consulter
son collègue de l'O.E.C.E. Les experts de celle-ci sont également
à la disposition des Commissions de l'Assemblée consulative
s'occupant de problèmes économiques et sociaux, exemple
typique du concours prêté par une organisation technique à une
organisation politique.
O n peut rapprocher de cette technique de contact le fait qu'en
1953, le Conseil de l'O.E.C.E. a invité l'un des plus hauts
fonctionnaires de la Haute Autorité de la C.E.C.A. à devenir
membre de sa Commission de l'Energie. Cependant le cas n'est
pas tout à fait le même: certes la Haute Autorité a une compé-
tence technique indiscutable en matière de charbon et d'acier.
Mais il faut considérer que la Communauté qu'elle représente
ne groupe que 6 des Etats-membres de l'O.E.C.E. aussi l'appel
à l'un de ses agents ne constitue pas seulement une mesure d'ordre
technique mais participe également du désir de coordination
entre les deux organisations différentes. La collaboration entre
organisations est d'autant plus facile qu'elles sont de même nature
structurelle. Alors apparaissent des rapports structurels véritables.

5. Schneider, The Treaty-making power of the international organizations,


Genève, 1959, p. 32.
480 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (24)
Les organisations semblent être moins gênées que les Etats
pour les établir. Elles ne disposent pas d'une souveraineté terri-
toriale et pour elles, les combinaisons de structure se développent
sur un plan exclusivement organique, sans soulever les problèmes
territoriaux consécutifs à l'union de deux ou plusieurs collecti-
vités étatiques.
Les rapports structurels ne consistent d'ailleurs pas en fusion
d'organisations mais dans l'adoption de structures permettant
à certains de leurs organes de travailler de façon plus harmoni-
euse ou même en commun. Il s'agit d'assurer une action com-
mune. A cet égard l'envoi d'observateurs peut être conçu comme
réalisant une certaine interdépendance organique. Cependant,
ces observateurs exercent une fonction de représentation de
l'institution qui les mandate, alors que les rapports structurels
proprement dits mettent en contact les organes eux-mêmes. On
passe d'une liaison représentative à une collaboration directe.
Celle-ci aboutit soit à une jonction d'organes soit à une installation
d'organes en commun.

§ 1. La jonction d'organes
Elle se réalise soit au niveau des organes délibérants soit
au niveau des organes administratifs.
A. Il arrive que l'on prévoit que les personnes composant
deux Assemblées soient les mêmes; on peut aussi décider de
sessions jointes de deux corps composés d'individus différents. La
première méthode réalise ce que nous appellerons l'union per-
sonnelle, la seconde, l'union institutionnelle. 6
1. L'unité de personnel, pour deux organes appartenant à
deux organisations, n'a de sens que pour les Assemblées parle-
mentaires internationales, comme on en trouve seulement dans
les organisations européennes. En effet, dans les organes ouverts
non à des individualités mais à des gouvernants, il appartient
aux chancelleries de composer leurs délégations comme elles
l'entendent: de toute façon ce sont les Etats qui votent, alors
qu'au contraire dans les assemblées parlementaires, ce sont des

6. Il ne s'agit pas d'invoquer le moindre rapprochement avec l'union per-


sonnelle entre Etats.
(25) LES TECHNIQUES ORGANIQUES 481

personnes. Pour celles-ci, il peut être souhaitable que leurs mem-


bres soient au courant des problèmes qui se posent dans l'une
et l'autre assemblée où les mêmes pays se sont vus octroyer des
places pour des parlementaires. Mais surtout, étant donné qu'à
la différence des diplomates, ceux-ci ont une entière liberté de
vote et se décident sur des critères idéologiques et non seulement
sous la pression des sentiments nationaux, il est à craindre que
les délégations nationales aient d'une assemblée à l'autre des
réactions contradictoires. C'est pourquoi, l'article 9 du Protocole
sur l'Union européenne occidentale décide que l'Assemblée de
cette organisation devra être composée des représentants des
pays à l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe. Ainsi
l'Assemblée de l'U.E.O. n'est rien d'autre que celle de Strasbourg
réduite à sept délégations nationales. Sans le décider de façon
imperative, les textes d'autres fois, se contentent de préconiser
ce procédé. L'Article 1er du Protocole sur les relations de la
C E . C . A . avec le Conseil de l'Europe, invite« les gouvernements
des Etats-membres à recommander à leurs Parlements respectifs
que les personnes composant l'Assemblée commune, et qu'ils
sont chargé de désigner, soient choisies de préférence parmi les
représentants de l'Assemblée consultative du Conseil de l'Eu-
rope ». Ce conseil a été partiellement suivi. Il faut reconnaître
d'ailleurs qu'il se heurte à deux séries d'obstacles. Les premiers
tiennent à des considérations de droit national : les gouverne-
ments n'ayant pas la possibilité d'exercer une pression très forte
sur les assemblées. Les seconds mettent enjeu le principe même
de l'union personnelle: ils résultent de la surcharge de besogne
pour des parlementaires qui exercent parfois jusqu'à trois man-
dats européens: 1 aux Assemblées de Conseil de l'Europe, de
l'U.E.O. et à celle des Communautés à Six. Les débats se font
fréquemment l'écho de ce surmenage et explique les absences
parfois importantes qu'on peut y constater. Deux remèdes sont
concevables et ont été envisagés dans le cadre de la « rationali-
sation » des organisations européennes. On peut, et c'est ce qu'a
recommandé l'Assemblée consultative dans sa Résolution 123,

7. Ce triple mandat européen implique une moyenne de 70 jours de travail


par an. Cf. Duelos, La réforme du Conseil de l'Europe, Paris, 1958, p. 227.
482 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (26)
du 3 mai 1957, étendre à l'Assemblée des Six la désignation de
suppléants, telle qu'elle est pratiquée au Conseil de l'Europe.
Mais ce dispositif des suppléants n'est pas sans soulever de
sérieuses critiques tenant essentiellement à leur inefficacité. Ainsi
peut-on envisager une autre solution, autrement progressiste,
la désignation des parlementaires européens au suffrage univer-
sel; n'ayant plus à faire partie d'un parlement national pour
pouvoir être désignés, ils pourraient se consacrer pleinement à
leurs fonctions et siéger dans des assemblées relevant de diverses
organisations. Ce serait une réforme d'importance. Elle n'est
prévue, pour l'instant, que dans le cadre des Communautés.
Ainsi, en attendant, le plus simple est-il de se contenter d'obtenir
que les délégations des six pays à l'Assemblée consultative soient,
au moins, partiellement identiques. Au demeurant, lacoopération
entre les deux Assemblées se trouve assurée par des réunions
jointes.
2. L'union institutionnelle résulte des sessions unies de deux
organes. La jonction est parfaitement réalisée lorsqu'il s'agit de
deux organes de même nature, spécialement deux Assemblées
parlementaires qui siègent ensemble, selon la formule congres-
sionnelle, en principe au complet.
Deux institutions comme la C.E.C.A. et le Conseil de l'Eu-
rope sont très différentes : la première possède des pouvoirs superé-
tatiques et supranationaux, la seconde n'a que la faculté de
faire des recommandations, mais Tune et l'autre ont une assem-
blée de nature analogue: encore que dans les textes, l'Assemblée
parlementaire européenne, soit plus intégrée que celle du Conseil
de l'Europe, celle-ci participe également d'une même tentative
de représentation supranationale des peuples européens. Depuis
1953, a lieu une réunion jointe annuelle de l'Assemblée consul-
tative et de l'Assemblée commune de la C.E.C.A. qui donne
aux membres des deux Assemblées l'occasion de procéder à un
libre échange de vues, la présidence étant alternative. Aucun
texte ne venant doter cette réunion du moindre pouvoir, il n'est
procédé à aucun vote, mais des rapports y sont discutés. La mise
en œuvre des institutions du Marché commun et de l'Euratom
a donné un essor nouveau à cette session jointe, sa durée a été
(27) LES TECHNIQUES ORGANIQUES 483

portée d'un à deux jours. Les trois exécutifs des trois Commu-
nautés européennes y assistent, ce qui aboutit à une vaste confron-
tation entre quatre organisations. 1 Les proportions étendues
qu'offre la jonction de deux Assemblées permettent ainsi une
certaine intégration d'institutions différentes.
En revanche, les sessions jointes de deux organismes restreints,
laissent apparaître très nettement la singularité de chacun, et
réalisent plutôt une juxtaposition des deux institutions. Tel est le
cas de la réunion entre la Haute Autorité de la C.E.C.A. et le
Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. Elle relève plutôt
d'une autre forme de jonction, couramment utilisée entre organes
exécutifs ou administratifs: l'organe mixte.
B. Sur le plan des organes administratifs, ce procédé est le
type même de la technique de dialogue entre deux organisations
qui désirent coopérer ou coordonner leurs activités. Il a atteint
un grand développement dans les rapports de l'O.N.U. et des
institutions spécialisées, (car il soulève moins de difficultés que
les précédents,) mais il s'est étendu bien au-delà de ces relations.
O n sait que la Charte des Nations Unies, dans son article 63,
alinéa 2, prévoit que le Conseil économique et social, peut coor-
donner l'activité des institutions spécialisées en se concertant
avec elles. C'est pour parvenir à ce but, que fut créé, par le
Secrétaire général, agissant sur l'invitation du Conseil économique
et social, le Comité administratif de Coordination. 9 II se compose
des Directeurs généraux de l'Organisation des Nations Unies et
des institutions spécialisées, le Secrétaire général, assurant la
Présidence. Le comité se réunit habituellement deux fois par an
pour étudier les problèmes d'intérêt commun et pour faire pério-
diquement rapport au Conseil. 10 Le procédé dans l'ordre des
Nations Unies a reçu une autre application particulièrement im-
8. Ainsi, lors de la réunion jointe des 16 et 17Janvier 1960, ¡la été procédé à un
large échange d e vues sur les problèmes de la zone de libre échange et de
l'association économique européenne.
9. Résolution 13 (III) d u 21 Sept. 1946. Le C.A.C, se réunit p o u r la première
fois à Lake Success Ie 4 fév. 1947. Cf. historique du Comité: Doc.E/1317, p . 95.
10. Le C.A.C, dispose d u concours de divers autres organes qui relèvent de
lui et lui soumettent des rapports, tel le Comité préparatoire, composé de
suppléants, et d'autres organes p e r m a n e n t s : Comité consultatif p o u r les
questions administratives, Comité consultatif pour l'information, Comité
consultatif p o u r les questions statistiques.
484 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT (28)

portante dans le domaine de l'Assistance technique: le Conseil


économique et social a chargé le C.A.C, de créer un Bureau
d'assistance technique composé des Directeurs généraux (ou de
leurs représentants) de l'O.N.U. et des institutions spécialisées
qui participent au Programme élargi d'Assistance technique.
Il ne saurait être question ici d'énoncer tous les «Joint Com-
mittees » qui mettent en contact des organisations. Mentionnons,
pour l'Europe, la « Commission de collaboration » prévue par
l'accord entre l'O.E.C.E. et le Conseil de l'Europe. Chacun de
ces organismes doit constituer annuellement une délégation qui
se compose, pour celui de Strasbourg, de trois représentants du
Comité des Ministres et d'un membre de l'Assemblée consultative,
celle de l'O.E.C.E. de trois représentants du Conseil. 11 La Com-
mission qui s'occupe de mettre au point les diverses formes de
collaboration, élabore des propositions que chaque délégation
transmettra à son organisation et qui pourront aboutir à deux
décisions parallèles de même contenu. C'est dire que cette Com-
mission ne constitue qu'un cadre à la rencontre des deux insti-
tutions et ne forme pas.un organe commun.

§ 2. L'organe commun
Plusieurs organisations peuvent avoir un ou plusieurs organes
communs. Il ne s'agit plus alors d'organes composés de délégations
de chaque organisation et habilités ou non à prendre eux-mêmes
des décisions, mais d'institutions qui assurent leur fonction pour
le compte de deux ou plusieurs organisations. Elles ont le même
personnel, c'est ce qui les distingue des sessions jointes d'organes
autonomes et des organes mixtes; ce sont des points de rencontre
pour organisations non pas juxtaposées, mais intégrées au niveau
de ces organes. On voit la différence avec l'union personnelle: il
ne s'agit plus d'envoyer les mêmes personnes siéger dans plusi-
eurs organes, mais d'instituer une seule assemblée commune à
diverses organisations. La solution n'est plus d'ordre personnel
mais organique.
Cela suppose une réelle solidarité entre les institutions, la-
ll. On peut également citer, dans les rapports de la C.E.C.A. et de
l'O.E.C.E., le <i groupe des huit». Cf. Rapport général sur l'activité de la Com-
munauté, 1955/56, p. 40.
(29) LES TECHNIQUES ORGANIQUES 485

quelle atteint évidemment sa perfection lorsqu'elles sont de


même structure et groupent les mêmes Etats. Le phénomène
trouve ainsi ses manifestations les plus nettes dans les trois
Communautés européennes, C.E.C.A., C.E.E., Euratom. II
s'exprime sur trois plans: ceux des organes délibérants, adminis-
tratifs, juridictionnels.
a) L'entrée en vigueur du Marché commun et de l'Euratom,
le 1 er janvier 1958, a entraîné l'institution de l'Assemblée parle-
mentaire européenne qui, se substituant à l'Assemblée prévue
par le Traité de la C.E.C.A., est un organe commun aux trois
Communautés. Cette solution avait déjà été prévue lors de
l'élaboration de la Communauté européenne de Défense qui
devait avoir une Assemblée commune avec la C.E.C.A. 18 , cepen-
dant il faut noter que, dans l'équilibre institutionnel général, le
rôle de l'Assemblée n'est pas le même suivant qu'elle est censée
siéger dans le cadre des nouvelles Communautés ou dans celui
de la C.E.C.A. C'est là une conséquence indirecte de la dimi-
nution de pouvoirs dont les Traités de Rome ont voulu affecter
les Commissions du Marché commun et de l'Euratom par rap-
port à la Haute Autorité. Les Commissions doivent faire des
propositions, mais dans la grande majorité des cas, la décision
appartient aux Conseils des Ministres. Or c'est à l'égard des
seules Commissions que l'Assemblée dispose de moyens d'action
efficaces pouvant aller jusqu'au vote d'une motion de censure,
entraînant leur retrait. Les Conseils de ministres échappent à une
telle emprise. Cela se comprend: l'Assemblée représentant des
nations et tendant même à incarner la super-nation Europe, ne
peut exercer un pouvoir aussi décisif sur un organe groupant
des Etats souverains, les Conseils étant moins des gouvernements
12. O n a pensé à diverses reprises faire de l'Assemblée consultative u n
organe commun à plusieurs organisations européennes. Le rapport présenté
en 1954 par M. M o m m e r préconisait le regroupement des organisations
européennes intergouvernementales autour du Conseil de l'Europe selon
un système « à tiroirs » : les Etats non membres d u Conseil pouvant obtenir
u n statut leur p e r m e t t a n t de participer à l'activité du Conseil de leur choix,
avec le droit d'envoyer a u Comité des Ministres et à l'Assemblée, des repré-
sentants ayant les mêmes droits que les membres. Dans ce système, l'Assemblée
consultative, qui aurait été n o t a m m e n t celle de l'O.E.C.E., aurait été
haussée à un niveau élevé lui p e r m e t t a n t de coiffer les autres organisations,
à l'exclusion des Communautés supranationales.
486 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (30)

que des assemblées interétatiques, intergouvernementales. Rien


ne s'y oppose, au contraire, à rencontre des Commissions, or-
ganes intégrés, composés d'individus choisis essentiellement à
raison de leurs aptitudes personnelles. Il en résulte donc, que,
dans les nouvelles communautés, le déplacement de leur centre
de gravité dans les Conseils de Ministres aux dépens des Commis-
sions, y rend en principe mons pressante l'influence de l'Assem-
blée.1S D'ail leurs, c'est pour assouplir cet équilibre institutionnel et
favoriser la collaboration entre l'Assemblée et les exécutifs que
l'on a recours à une pratique non prévue par les Traités et qui
consiste en un échange de vues entre l'Assemblée, les Conseils
de Ministres et les exécutifs des Communautés. 14 Il s'agit d'un
« colloque » annuel réuni à la demande de l'Assemblée. 16 Cette
entreprise est facilitée par le fait que les Conseils de Ministres
ont eux-mêmes des organes communs.
b) Les Conseils des Ministres de la Communauté économique
européenne et de la Communauté européenne de l'Energie
atomique ont un Président commun. Les deux Communautés se
trouvent ainsi plus étroitement unies au niveau ministériel, ce qui
ne peut que renforcer la cohésion des gouvernements membres
face aux organes d'inspiration technique que constituent les
Commissions. Cette liaison entre les Conseils des Ministres est
accentuée encore par un Secrétariat, commun aux trois Conseils.
U n arrêté commun, en date du 28 juillet 1959, a décidé de par-
tager les dépenses de cet organe par fractions égales, comme pour
les institutions communes, expressément prévues par la Conven-
tion. Ce partage ne laisse de soulever des difficultés, étant données
les différences qui subsistent entre les systèmes budgétaires: le
point de départ de l'année budgétaire n'est pas le même dans les

13. Si tel est le principe, la réalité est sensiblement différente: l'Assemblée


parlementaire européenne s'est reconnue la faculté d'adresser au Conseil des
résolutions, de lui poser des questions écrites et orales, (Règlement de l'Ass.,
Journal officiel des Communautés, 1958, p. 225), moyens qui lui permettent d'exer-
cer, spécialement lors des débats budgétaires, une influence non négligeable.
14. Le premier a eu lieu à Rome, le 8 Nov. 1957, dans le cadre de la
C.E.C.A.
15. Depuis l'institution des nouvelles Communautés, le colloque s'est
tenu pour la première fois lors de la session de Nov. 1959 de l'Ass. parlemen-
taire européenne. Cf. Débats, compte-rendu, Mars 1960, n° 21.
(31) LES TECHNIQUES ORGANIQUES 487

trois organisations et les autorités budgétaires sont différentes. 16


Ces difficultés ont été résolues grâce à des dispositions budgétaires
communes, prises sous la forme d'arrêtés intercommunautaires.
Sans y prendre d'aussi grandes dimensions, la mise en com-
mun de secrétariats est aussi pratiquée dans l'ordre des Nations
Unies. Le répertoire de la pratique suivie par les organes de
l'O.N.U., nous apprend que le Conseil économique et social a
recommandé à ses Commissions économiques régionales, d'entrer
en liaison avec les institutions spécialisées, ce qui a été fait,
notamment, grâce à des services de secrétariat commun. 1 7
c) Sur le plan juridictionnel, il arrive également qu'une même
juridiction fonctionne pour le compte de plusieurs organisations.
Il se peut tout d'abord, qu'une organisation confie à la juridiction
relevant d'une autre organisation le soin de juger certaines
affaires. C'est ainsi que le Tribunal administratif de l'O.I.T. a
reçu compétence de l'U.N.E.S.C.O. pour connaître des requêtes
invoquant l'inobservation du statut de ses fonctionnaires. Cette
pratique est'susceptibled'uncertaindéveloppement. PourleTribu-
nal administratif de PO.I.T.,comme pour celui des Nations Unies,
la possibilité a été admise d'une extension de leur compétence
ratione personae par déclaration d'une autre organisation inter-
nationale reposant sur un traité distinct. En fait, le Tribunal de
l'Organisation internationale du Travail est aujourd'hui com-
pétent pour d'autres institutions spécialisées, cependant que le
Tribunal administratif des Nations-Unies connaît des litiges
concernant un organisme commun aux Nations-Unies et aux
institutions spécialisées, la Caisse commune des pensions du
personnel.
L'identité de juridiction peut résulter aussi des traités fondant
des institutions internationales. La création du Marché commun
et de l'Euratom a entraîné la promotion de la Cour de Justice
de la C.E.C. A. à la qualité d'organe juridictionnel commun aux
trois communautés.
16. Dans le cadre de la C.E.C.A., l'autorité budgétaire est constituée par la
Commission des Présidents qui couvre les institutions de la Communauté;
dans la C.E.E. et l'Euratom, l'autorité budgétaire appartient exclusivement
au Conseil des Ministres.
17. Répertoire de la pratique, Vol. I l l , art. 58 § 20.
488 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN INT. (32)
O n mesure la diversité des rapports structurels. Ils permettent
de développer la coordination entre les organisations, mais aussi
une véritable collaboration. Aussi développés qu'ils soient, ils
ont paru encore insuffisants. Nombreux sont encore les bureaux
d'études des services administratifs qui travaillent en ordre dis-
persé. Si les propositions qui ont été faites de rassembler ces
efforts18 n'ont pas reçu jusqu'ici autant de réalisations qu'on
aurait pu le souhaiter, cela tient à ce que, en dépit de leur inter-
dépendance, les organisations éprouvent un besoin sociologique
de se maintenir autonomes. Aussi, tout en ne refusant pas les
alliances institutionnelles lorsqu'elles sont imposées par des néces-
sités pressantes, préfèrent-elles, autant qu'il est possible, recourir
au procédé relationnel par excellence, celui des accords. C'est
ce qui va ressortir maintenant de l'étude des formes des relations
entre les organisations.

18. On consultera avec profit les travaux de C. W. Jenks sur ce sujet:


The Headquarter of international institutions, Royal Institute of international
Affairs, 1945. Coordination: the new problem of international organization,
RCADI, 77, 1950. Coordination in international organizations, BYBIL,
XXVIII, 1951.
CHAPITRE II

LES T E C H N I Q U E S F O R M E L L E S

A pratique des accords entre organisations revêt une im-

L portance considérable. D'après un Directeur du Départe-


ment juridique au Secrétariat de l'O.N.U., 1 leur nombre
se monterait à deux cents. Ce développement est évidemment la
conséquence de la multiplication des organisations après la
seconde guerre mondiale. II s'explique également par le fait
qu'il n'existe pas une super-organisation les groupant toutes
dans une structure unique, centralisée. L'accord, forme classique
du droit relationnel interétatique, prend tout naturellement la
place essentielle dans les relations entre les organisations. Il est
polyvalent, en ce sens qu'il se trouve à l'origine de toutes les
formes de contact que nous avons déjà envisagées, comme de
tous les genres de coopération que nous étudierons. Il prend
très souvent l'aspect d'un traité, solennel ou en forme simplifiée.
Mais il peut également n'être pas constaté dans un instrument,
et résulter de procédés divers que nous grouperons sous le vocable
« d'accords informels ».

SECTION 1. L E S ACCORDS FORMELS

Ils portent les noms les plus divers. On trouve, aussi bien dans
la Charte des Nations Unies que dans les statuts ou dans divers
textes les expressions de convention, accord, traité, protocole,
mémorandum, échange de lettres, échange de notes, arrange-
ment, modus vivendi. La confusion se trouve parfois accrue par
l'emploi de deux termes différents pour désigner le même accord
dans les versions française et britannique.Le mot anglais «agree-
ment » qui désigne un accord ne présente pas une rigueur plus
grande que son homologue français. Le pluralisme terminologi-

1. D. Schachter, compte-rendu de l'ouvrage de Schneider précité, in AJIL


I960, p. 201.
490 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT (34)
que a déjà été regretté pour les traités entre Etats et des tentatives
ont été faites pour donner à ces termes des sens précis. Si l'on
s'accorde à reconnaître que le mot « traité » évoque un accord
de grande portée et celui d'« arrangement » une solution d'ordre
technique, il ne s'agit là que d'approximations dépourvues de
toute rigueur, la pratique mêlant toutes ces dénominations sans
obéir à des critères visibles. Mais comme le dit à juste raison
Paul Guggenheim, analysant la nature juridique de la convention
internationale, « pour cette catégorie de règles du droit des Gens,
la procédure de création est essentielle. Elle a pour fondement
le principe de l'autonomie de la volonté de sujets de droit
qui créent eux-mêmes les droits et devoirs contenus dans le
traité B.2
C'est cette procédure que nous retiendrons ici. Elle est essen-
tiellement un ensemble de formes permettant la mise en œuvre
du droit. Pour autant nous l'examinerons en tant que telle, sans
rechercher sur quels supports juridiques elle s'établit. On ne
saurait rechercher à priori en quelle qualité les organisations
internationales concluent entre elles des accords. Nous constatons
qu'elles recourrent volontiers à cette technique de relation;
examinons ce fait, nous nous demanderons plus tard quelles
conclusions doivent en être tirées du point de vue de la person-
nalité juridique des organisations.
O r l'observateur ne peut manquer d'être frappé de ce que
les accords conclus par les organisations font apparaître les
étapes procédurales qui marquent la conclusion des conventions
interétatiques: négociation, signature, ratification, enregistre-
ment. Cependant, alors que dans les traités entre Etats, ces
diverses phases sont confiées à des organes spécialisés dans l'une
ou l'autre (l'exécutif se voyant chargé de la négociation et de la
signature, la ratification relevant selon les pays de l'exécutif du
législatif ou du concours de ces deux pouvoirs), on remarque,
dans les organisations, une plus grande diversité et l'on peut, à
première vue, se demander s'il est possible de donner une vue
systématique des organes compétents pour conclure les accords.
Cette impression tient à trois ordres de raisons.
2. Guggenheim, Traité, t. 1, p. 56.
(35) LES TECHNIQUES FORMELLES 491

1. L'ambiguïté du mot «conclure». 3 Dans une première ac-


ception il désigne l'engagement définitif des parties; lorsque la
ratification est nécessaire, pour l'entrée en vigueur de l'accord,
c'est elle qui marque la conclusion de celui-ci. Dans une autre
doctrine, le terme concerne la négociation, l'établissement d'un
instrument et non pas l'acte par lequel les parties conviennent
d'être liées. C'était la conception de Brierly, c'est celle retenue
dans le projet de codification du Droit des Traités présenté à la
Commission du Droit international des Nations Unies par Sir
Gerald Fitzmaurice. La conclusion serait donc acquise dès la
signature, celle-ci signifiant en principe, non pas l'engagement
des parties mais leur simple accpetation du texte. La pratique
américaine utilise également souvent le mot « conclude » pour
indiquer la fin du stage des discussions et délibérations, en ex-
cluant le stade de la ratification. Les chartes ou statuts des
organisations utilisent à leur tour ce mot, soit dans l'un soit dans
l'autre de ces sens. Il en résulte qu'il est assez malaisé de déceler
avec exactitude jusqu'où va la compétence reconnue aux organes
chargés de conclure les accords. 4 Le langage étant une question
de conventions, précisons que comme de nombreux auteurs,
dont M M . Basdevant, Guggenheim et Reuter, 5 nous utiliserons
l'expression « conclusion » des accords dans son sens le plus vaste,
incluant l'engagement des parties. De surcroit pour éviter toute
confusion nous distinguerons d'une part « l'élaboration » des
accords qui groupe la négociation, la rédaction et la signature
et d'autre part leur entrée en vigueur.

3. Elle a été soulignée à plusieurs reprises; cf. n o t a m m e n t Sir G. Fitz-


maurice, Commission d u Droit international, Annuaire 1959, t. 2 1 , p . 2 1 ;
K . Zemanek, Das Vertragsrecht der internationalen Organizationen, Wien
1957, p . 64-65.
4. La Charte des Nations Unies, dans son art. 63, d o n n e au Cons. èco. et
soc, la capacité de « conclure » les accords avec toute institution visée à l'art. 57
mais elle précise qu'ils sont soumis à l'approbation de l'Assemblée générale.
Cette disposition participe ainsi de la seconde conception ci-dessus exposée.
L'art. 43 qui prévoit la conclusion d'accords p a r le Conseil de Sécurité, p o u r
la mise à sa disposition de forces armées, n'apporte aucun élément à ce pro-
blème car ces accords ne font intervenir q u ' u n seul organe des N . U . , le
Conseil de Sécurité.
5. J . Basdevant, Règles générales d u droit d e la paix, R C A D I , 1936, I V ,
p . 545; P. Guggenheim, op. cit. t. 1, p . 70; P. Reuter, Droit international
public p. 48.
492 Ä. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (36)

2. La diversité des structures des organisations. Si l'on retrouve


chez la plupart d'entre elles trois organes: une assemblée plénière,
un organe restreint et permanent, un secrétatiat, ce schéma
n'est pas inévitable et l'on constate, notamment dans les insti-
tutions européennes, des structures originales, et, entre elles, des
répartitions variables de compétences. Pour autant les statuts ne
précisent pas toujours quel organe sera habilité à engager
l'organisation.
3. L'absence de rigoureuse séparation des pouvoirs et de
spécialisation des fonctions ne permet pas de trancher facilement
cette difficulté.
Il ressort de tous ces facteurs que toute comparaison avec les
accords interétatiques est sinon à exclure totalement, du moins
à manier avec une grande prudence. O n doit simplement recher-
cher, compte tenu du sens large que nous avons donné au vocable
de conclusion des accords, quels sont, dans les organisations, les
organes compétents pour les engager définitivement et quels sont
ceux qui ne peuvent être chargés que de simples fonctions d'éla-
boration des instruments. On constatera soit des cas de confusion
des pouvoirs, l'organe de négociation étant également celui de
la conclusion définitive, soit des cas de séparation plus ou moins
nette.
De toute façon, il semble que, les organisations internationales
groupant des Etats, le pouvoir du dernier mot doive appartenir
à un organe plénier en qui s'incarne la démocratie directe inter-
étatique. Tel sera en effet le principe dans un système rigoureuse-
ment fondé sur la coopération des Etats membres, excluant tout
pouvoir subordinateur de l'organisation. On conçoit qu'il en
soit différemment dans les systèmes superétatiques où Ton pourra
confier la compétence d'engager l'organisation à un organe qui
ne sera pas composé de délégués gouvernementaux. C'est ainsi
que dans la C.E.C.A., la Haute Autorité joue un rôle déterminant
dans les relations internationales de la Communauté. La tech-
nicité de ses membres, sa permanence lui donnent à cet égard
une supériorité incontestable sur les gouvernements. C'est un
phénomène bien connu également dans les Etats, que l'affronte-
ment du technique et du politique; dans les rapports interna-
(37) LES TECHNIQUES FORMELLES 493

tionaux il s'est manifesté par la floraison d'accords définitive-


ment conclus par des agents désignés à raison de leurs aptitudes
particulières, sans avoir à être soumis à la nécessité d'une rati-
fication et en échappant ainsi à l'intervention des organes politi-
ques et spécialement des Assemblées parlementaires dans des
hypothèses où une interprétation rigide de la constitution l'aurait
requis. Il est piquant de constater que dans les organisations
internationales, la même tendance se retrouve et que très nom-
breux sont les accords en forme simplifiée. Même dans les or-
ganisations interétatiques, l'organe qui a pour lui la compétence
technique et la permanence prend une place dont l'importance
va croissant dans les relations extérieures et particulièrement
dans les accords avec les autres organisations. Ce mouvement a
notamment profité avec éclat au Secrétaire général des Nations-
Unies et s'est étendu aux Secrétaires ou Directeurs généraux
d'autres institutions.
Ces observations se vérifieront en examinant successivement
l'élaboration et l'entrée en vigueur des accords.

§ 1. D élaboration des accords entre organisations


Elle concerne la négociation, la rédaction, et en principe, la'
signature des accords. Les textes des statuts lorsqu'ils détermi-
nent les organes chargés d'établir des accords, ce qu'ils sont loin
de faire régulièrement, ne distinguent pas le plus souvent la
phase de l'élaboration de celle de la mise en œuvre de l'accord.
Cependant, on trouve parfois cette distinction qui suppose la
désignation de plusieurs organes, certains se voyant confier l'éla-
boration, d'autres, la ratification nécessaire à l'entrée en vigueur
de l'accord. L'article 63 de la Charte dispose que « le Conseil
économique et social peut conclure avec toute Institution visée
à l'article 57 des accords fixant les conditions dans lesquelles
cette institution sera reliée à l'Organisation » mais il précise « ces
accords sont soumis à l'approbation de l'Assemblée générale».
De même, l'article 228 du Traité sur la Communauté économique
européenne prévoit que les accords de cette organisation sont
négociés par la Commission. II distingue ainsi clairement la
négociation de la conclusion qui relève du Conseil.
494 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (38)

Dans le silence des textes, les nécessités pratiques ont dégagé


des procédés adéquats. On sait que délibérer est le fait de plusieurs
et qu'agir est le fait d'un seul ou d'un petit nombre. Dans ces
conditions, un organe collectif général est mal venu pour conduire
des négociations. Plus aisée sera l'élaboration confiée à un exécutif
restreint ou même à un seul individu qui sera normalement le
chef du Secrétariat.

A. Elaboration par un organe collectif

Des considérations d'ordre politique peuvent pousser à donner


à une assemblée un certain rôle dans l'élaboration d'un accord.
Elles peuvent varier selon que l'on envisage des organisations
interétatiques ou superétatiques.
a) Dans les organisations interétatiques, on voudra ainsi sauve-
garder l'influence des Etats; les Assemblées plénières réalisent la
démocratie directe à leur profit. Cependant les besoins de la
pratique imposeront à l'organe général de désigner une délé-
gation réduite à un petit nombre de personnes pour conduire
les négociations et préparer le texte de l'instrument. Pour autant
il ne s'agira que d'un pouvoir commis, placé sous la dépendance
de l'Assemblée plénière. Lors de l'élaboration de l'accord entre
l'O.N.U. et l'Agence internationale de l'Energie atomique, on
a voulu mettre cette dernière organisation en liaison aussi étroite
que possible avec l'Assemblée générale. L'Agence est appelée à
agir dans un domaine qui touche de très près au maintien de la
paix et de la sécurité internationale, aussi le régime de l'article 63
de la Charte qui prévoit les accords avec les institutions spéciali-
sées a-t-il été écarté et le Conseil économique et social n'a joué
aucun rôle dans la négociation avec l'Agence, ayant été supplanté
par un organisme nommé par l'Assemblée générale: le Comité
sur l'utilisation de l'énergie atomique à des fins pacifiques.
Un système évoquant à ce point le « régime d'assemblée » est
assez exceptionnel et il arrive aussi qu'au lieu de relever d'un
organisme ad hoc créé par la conférence plénière, la négociation
soit confiée à un organe collégial institué par la charte de base.
Comprenant un nombre plus restreint de membres, il est censé
agir au nom de l'ensemble des membres et constitue la mise en
(39) LES TECHNIQUES FORMELLES 495
œuvre du régime représentatif dans l'organisation. C'est à ce
titre que le Conseil économique et social reçoit compétence de la
Charte pour élaborer les accords entre les Nations Unies et les
institutions spécialisées. Lui-même a constitué un Comité de
négociation, composé de 11 membres et du Président du Conseil
et lui a donné mandat d'entrer en relations aussitôt que possible
avec les institutions.
b) Dans les organisations superétatiques et supranationales,
apparaissent, à côté du collège des souverainetés, composé de
Ministres, des assemblées ouvertes non à des délégués gouverne-
mentaux mais à des parlementaires issus des organes législatifs
nationaux. Ainsi se trouve réalisée une représentation supra-
nationale: ce n'est plus la réunion des Etats, mais celle formée
par l'assemblage des nations dans la super-nation.
Cependant, des organes comme les Assemblées du Conseil de
l'Europe ou des Communautés des Six, s'ils revêtent une réelle
importance au point de vue du dégagement d'une opinion
publique, ne sauraient tenir, dans leur organisation respective,
un rôle comparable à celui d'une assemblée in ter-gouvernemen-
tale. Même l'Assemblée parlementaire européenne, qui se voit
confier par les Traités des fonctions de contrôle sur les exécutifs
des Communautés, et qui, à cet égard, exerce une influence non
négligeable à l'intérieur de la Communauté, ne peut prétendre
assurer un rôle gouvernemental comme le peut au contraire
l'Assemblée générale des Nations Unies. Doit-elle pour autant se
voir écartée de la négociation de tout accord? Il est certain qu'un
organe de ce genre ne peut prétendre élaborer au nom de
l'ensemble de l'organisation, un accord susceptible de retentir
gravement sur le fonctionnement de l'ensemble du système.
L'équilibre institutionnel établi ne saurait être affecté par lui.
En revanche on lui reconnaît la faculté d'élaborer des accords
administratifs nécessaires pour son fonctionnement propre.
L'Assemblée parlementaire européenne peut autoriser son Prési-
dent, que son règlement intérieur charge de la représenter dans
l'ordre international, à signer un accord avec le Conseil de
l'Europe sur l'utilisation des locaux du Palais du Conseil à
Strasbourg.
496 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (40)

Sans anticiper sur les conditions d'entrée en vigueur de tels


arrangements, soulignons qu'ils doivent être limités à des
domaines secondaires; pour les accords plus importants, leur
préparation est confiée à d'autres organes plus représentatifs de
l'organisation. Deux solutions sont admises selon la place que
l'on entend faire au pouvoir des Etats-membres. Dans une pre-
mière alternative, on établit, à côté de l'Assemblée parlementaire,
un organisme ministériel auquel on reconnaît la compétence
internationale. C'est la formule du Conseil de l'Europe. L'article
15 de son Statut semble la conférer au Comité des Ministres; une
des résolutions statutaires adoptées par ce même organe en 1951
est venu le confirmer en précisant que le Comité peut, au nom
d u Conseil de l'Europe, conclure des accords avec toute organi-
sation intergouvernementale.
Dans une seconde solution, qui est celle des Communautés
européennes à six, on veut tenir compte de l'importance recon-
nue à l'exécutif superétatique et supranational et on lui donne
compétence en matière d'élaboration des accords. Dans la
C.E.C.A., il a été admis en 1952 qu'il appartenait à la Haute
autorité de la représenter dans les relations internationales. A
l'occasion du Plan Eden proposant l'établissement de liens orga-
niques entre les Assemblées des deux Europes (celle des 15 et
celle des 6), on s'était demandé quel serait l'organe de la Com-
munauté compétent pour négocier éventuellement un accord
avec le Conseil de l'Europe à ce sujet. L'article 8 chargeant la
Haute Autorité « d'assurer la réalisation des objets » du Traité
permit de conclure à la compétence de la Haute Autorité à cet
égard. II faut noter cependant que dans l'ordre interne à la
Communauté, la Haute Autorité n'agit pas seule et que les
autres organes intéressés, le Conseil spécial des Ministres ou,
comme en l'espèce, l'Assemblée parlementaire, peuvent lui don-
ner des instructions. 6
Aucun problème d'interprétation des textes ne se pose pour les
Traités de Rome. Nous le savons déjà pour la Communauté

6. Il faut réserver le cas où la Haute Autorité agit comme mandataire


commun des Etats, sur leurs instructions; cf. infra Heme Partie, Chap. I,
Section II.
(41) LES TECHNIQUES FORMELLES 497

économique européenne; pour l'Euratom, l'article 101, alinéa 2


du Traité qui l'institue précise que les « accords ou conventions
sont négociés par la Commission sur les directives du Conseil . . . »
Pratiquement, la négociation consiste en une préparation tech-
nique au niveau des fonctionnaires compétents; la Haute
Autorité ou les Commissions intervenant en titre par l'inter-
médiaire soit de leur président, soit d'une délégation de trois
membres.
L'avantage d'une négociation confiée à un organe de ce genre
réside dans l'indépendance de ceux qui la composent à l'égard des
Etats. O n ne saurait en dire autant des organismes groupant des
délégués intergouvernementaux. En dépit de la théorie de l'or-
gane, ces délégués ne se dégagent pas, comme c'est naturel, de
leur qualité de mandataire gouvernemental. Il en résulte un
dualisme dans leur comportement qui a été bien des fois remar-
qué, notamment aux Nations Unies, lors de l'élaboration des
accords entre l'O.N.U. et d'autres organisations internationales. 7
Cet inconvénient a été notamment relevé au Comité de négoci-
ation des accords avec les institutions spécialisées. C'est pourquoi,
dans les organisations intergouvernementales, on ne pourra
éviter ce travers qu'en confiant la préparation de l'accord à un
agent administratif dont le statut garantira l'indépendance, ce
sera par excellence le Secrétaire ou Directeur général de l'or-
ganisation.

B. E l a b o r a t i o n p a r u n o r g a n e a d m i n i s t r a t i f i n d i v i d u e l
On sait la situation éminemment favorable des chefs admini-
stratifs des organisations et spécialement du Secrétaire général
des Nations Unies, dans les relations internationales. En liaison
constante avec les missions permanentes, tant des organisations
que des Etats, dépêchant des observateurs ou siégeant eux-mêmes
dans diverses institutions, ils puisent dans leur propre perma-
7. Cette dualité apparaît bien des fois dans des négociations entre organisa-
tions, trahissant ainsi un sens de l'organe insuffisant et une persistance ex-
cessive (encore difficilement evitable,) de considérations gouvernementales.
Lors des accords avec la SDN, des membres du comité de négociation des
Nations Unies se demandèrent s'ils agissaient au nom de l'organisation ou de
leurs Etats respectifs. Cf. Kasme, La capacité de l'Organisation des Nations
Unies de conclure des traités, Paris, 1960, p. 186, n°. 48.
498 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (42)

nence une aptitude particulière à suivre les affaires extérieures.


Aussi ne doit-on pas s'étonner qu'en dépit du silence des textes,
les Secrétaires ou Directeurs généraux aient pu considérablement
développer leur rôle dans l'élaboration des accords. Le répertoire
de la pratique suivie par les organes des Nations Unies déclare
que le Secrétaire général est normalement le représentant de
l'Organisation lorsqu'il s'agit de négocier les accords avec les
gouvernements et les organisations internationales. 8 Certes il ne
jouit point d'un monopole, on l'a spécialement vu pour les
accords avec les institutions spécialisées. Il n'empêche qu'il est
naturellement le plus qualifié pour conduire des négociations et
signer l'instrument. Il le fait souvent à la demande de l'Assem-
blée générale, dont des résolutions l'habilite à cette fin. Mais il
lui arrive également d'agir selon sa propre initiative, notamment
pour mettre sur pied des arrangements, comme celui conclu
avec PO.I.T. sur l'enregistrement des accords de cette Organi-
sation par l'O.N.U.
Au Conseil de l'Europe, le Secrétaire général a négocié, au
nom du Comité des Ministres, les douze accords conclus avec
d'autres organisations. La moitié a été signée par lui, après qu'il
eut reçu des instructions du Comité de Ministres. Tous les
« executive officers» n'ont pas la même liberté d'allure. Certains
se voient assignés des missions très précises et reçoivent des
consignes détaillées. 9 Leur mission peut même être réduite à la
négociation et exclure la signature. Celle-ci peut être réservée
au Président du collège exécutif interétatique: à l'O.A.C.I., le
Président du Conseil est, en principe, seul autorisé à signer les
accords. 10 Ou bien encore, si le Secrétaire ou Directeur général
a qualité pour signer, il doit parfois attendre d'y être autorisé

8. Répertoire de la pratique, vol. IV, art. 98, § 126.


9. Parfois le Secrétaire général de l'organisation se voit assez étroitement
cantonné dans certaines tâches d'exécution et ne dispose pas d'une grande
marge d'initiative dans ses relations avec d'autres. Cf. par ex. ITU Resolu-
tions Council, 4th Session, n° 88 : le Secrétaire général de cette institution
reçoit des consignes lui précisant les autorités avec lesquelles il peut entretenir
une correspondance officielle et auxquelles il peut communiquer des docu-
ments.
10. Cependant le Secrétaire général a reçu dans des cas précis l'auto-
risation de conclure un accord. UNTS 96, p. 155.
(43) LES TECHNIQUES FORMELLES 499
après examen du projet par un autre organe; l'accord conclu
le 2 avril 1959 entre l'Organisation mondiale de la Santé et
l'Agence internationale de l'Energie atomique a été préparé par
le Directeur général de TO.M.S. et les représentants désignés de
l'A.I.E.A. ; mais en ce qui concerne la première organisation, le
Directeur général a dû attendre, avant de signer l'accord, que
l'Assemblée mondiale de la Santé le lui demande. C'est que,
dans un cas de ce genre, la signature ne signifie plus, comme à
l'ordinaire, simplement la fin de la phase d'élaboration de l'in-
strument, mais bien l'engagement définitif d'une partie. Nom-
breuses sont en effet les variantes dont est susceptible d'être
assortie l'entrée en vigueur des accords.

§ 2. Ventréa en vigueur des accords

La règle est simple: un accord entre en vigueur le jour où


l'engagement devient parfait. Elle pose deux ordres de questions :
quel est l'organe compétent pour lier définitivement l'organi-
sation? quelle date fixera-t-il comme point de départ des effets
de l'accord?
Les deux questions ne revêtent pas la même importance; la
première met en cause la distribution du pouvoir au sein de
l'organisation, la seconde ne soulève que des problèmes tech-
niques.

Alinéa 1: A u t o r i t é c o m p é t e n t e p o u r e n g a g e r l ' o r g a n i -
sation.

Il s'agit tout d'abord de savoir à la suite de l'intervention de


quelle organe, l'organisation sera considérée comme véritable-
ment engagée. Un tel organe est celui qui exerce effectivement
la « treaty making power ».
Un point est certain: c'est l'institution toute entière, et pas
seulement l'organe signataire, qui est liée par un accord lorsque
celui-ci entre en vigueur. Il est incontestable, par exemple que
le Conseil de Tutelle est lié par les accords conclus par le Conseil
économique et social avec les institutions spécialisées et se trouve
obligé d'inscrire à son ordre du jour les questions demandées par
500 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (44)

elles. Ceci est d'autant plus à noter que certains instruments


indiquent comme parties aux accords non les organisations,
mais les organes qui les ont conclus. Certains accords ont été
conclus par des organes subsidiaires de l'O.N.U., comme
l'U.N.R.W.A., r U . N . I . C . E . F . ou le Fonds spécial des Nations-
Unies. Ils sont censés être des accords de l'O.N.U. et ont été
enregistrés à ce titre.
Encore faut-il que l'organe qui intervient agisse dans le cadre
de sa compétence et ait qualité pour faire produire sa force
obligatoire à la convention.
Or, la pratique semble vouloir décourager tout effort de
systématisation tant les solutions sont diverses, certains accords
étant considérés comme définitifs après l'intervention d'un seul
organe, d'autres exigeant l'approbation d'un ou même de deux
échelons autres que celui chargé de la négociation.
Cela tienttoutd'abord à ce que certaines organisations reposent
sur une structure fort simple soit qu'elles ne connaissent qu'un
seul organe, soit plutôt que leur centre de gravité soit situé dans
l'un d'eux. C'est le cas du Conseil de l'Europe dont seul le
Comité des Ministres est compétent pour engager définitivement
l'organisation. Dans ces conditions, il est normal qu'il soit seul
à apparaître dans la conclusion et si l'accord a été préparé par
un agent, comme le Secrétaire général, celui-ci n'est réputé avoir
agi qu'au nom de l'organe disposant de la « treaty making
power ». Cependant si cette analyse a pu être faite pour certains
des accords conclus par le Conseil de l'Europe avec d'autres
organisations, 11 il n'empêche que certains accords ont été bel
et bien conclus par le Secrétaire général sans être soumis à l'ap-
probation du Comité des Ministres et il en est de même aux
Nations Unies. On peut donc noter, et c'est la deuxième expli-
cation de la complexité de la pratique, que l'on assiste, entre les
organisations internationales, à l'essor que connaissent les ac-
cords en forme simplifiée dans les rapports interétatiques. Dès
lors il semble que l'on doive distinger, dans l'étude de la mise en
vigueur des diverses conventions, les procédures achevées qui

11. Golsong et Kiss, Les accorda conclus par le Conseil de l'Europe,


Ann. Fr. de Dr. int. 1958, p. 486.
(45) LES TECHNIQUES FORMELLES 501

postulent l'intervention de l'organe détenant la compétence de


traiter et les procédures sommaires qui permettent l'engagement
définitif de l'organisation par des organes non titulaires du
pouvoir suprême dans le système.
Une telle distinction doit être reçue, mais avec prudence et
en précisant ce que recouvrent ses deux termes. O n pourrait
être tenté de penser que la première catégorie n'est composée
que de conventions conclues selon les formes classiques et par-
faites des traités solennels. Or, si certains obéissent aux canons
traditionnels, d'autres font appel, pour faire intervenir l'organe
détenant la compétence de traiter, à des techniques originales;
on voit ainsi certains accords, non constatés dans un instrument
unique, mais conclus par échange de notes, être soumis à l'appro-
bation d'un organe autre que celui qui a traité. Tel fut le cas par
exemple de l'accord intervenu entre le Secrétaire général du
Conseil de l'Europe et l'Union occidentale, lequel fut approuvé
par le Comité des Ministres. Inversement un accord contenu
dans un document unique, peut entrer en vigueur par la seule
signature: c'est le cas des accords d'assistance technique que plu-
sieurs organisations passent avec un Etat ou de certains « inter-
agency agreements D.12 Il ressort de ces exemples que l'expression
d'accords en forme simplifiée communément utilisée, n'est pas
absolument heureuse car le critère est moins d'ordre formel que
d'ordre procédural: seule l'absence de ratification permet de
déceler ce qu'il est préférable d'appeler des accords à procédure
sommaire, étant entendu d'ailleurs que dans les accords à pro-
cédure complexe, l'approbation peut aussi bien intervenir avant
la signature qu'après.
O n parlera donc d'accords approuvés, quelle que soit leur
forme, lorsqu'ils n'entreront en vigueur qu'après l'agrément
exprès de l'organe exerçant le pouvoir de traiter et d'accords
sommaires pour ceux définitivement conclus par un autre organe,
l'approbation, à supposer qu'elle soit requise, n'étant alors que
supposée et tacite, sans donner lieu à une phase particulière de

12. Par exemple l'accord de coopération UNESCO-OAS, Annales de


FOAS 1951, III, p. 221. De même l'accord sur le transfert de certains biens
entre la S.D.N. et l'O.I.T., UNTS 19, p. 187.
502 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (46)

la procédure. De toutes manières, les uns et les autres ont la


même valeur juridique.

A. L e s a c c o r d s à p r o c é d u r e complexe

Le problème est donc de savoir quel est, dans l'organisation


internationale, l'organe ayant compétence pour l'engager. Les
textes ne fournissant que rarement des réponses, diverses théories
ont été soutenues. Les unes concentrent la compétence de traiter
dans l'Assemblée plénière des Etats-membres, les autres se refu-
sent au monopole d'un organe, quel qu'il soit.
a) L'approbation par l'Assemblée plénière interétatique. Il y a
une différence importante dans le développement historique de
la conclusion des conventions par les Etats et par les organisations.
Chez les premiers, c'est le plus souvent le chef de l'Etat qui est
toujours considéré comme l'organe exerçant la compétence de
traiter. L'évolution du régime représentatif a conduit les consti-
tutions à prévoir, au moins pour les traités les plus graves,
l'autorisation préalable par les Assemblées de la ratification don-
née par le chef de l'Etat. Dans les organisations on est parti d'un
système qui, rassemblant des Etats qui se prétendent toujours
souverains en dépit de leur association, concentre le pouvoir
suprême dans l'organe plénier interétatique. Gela n'est pas sans
évoquer un régime d'assemblée, c'est-à-dire un système de con-
centration des pouvoirs dans l'assemblée. Dès lors, comme dans
les pays qui le pratiquent, la ratification, dans une telle organi-
sation ne peut émaner que de l'assemblée générale. On peut
même se demander s'il est encore question d'une véritable rati-
fication. Toute autorité agissant pour le compte de l'organe
suprême n'est qu'un « pouvoir commis », placé sous son étroite
dépendance, si bien qu'en réalité c'est cet organe qui conclue
lui-même l'accord, lors même qu'il utilise l'entremise d'un échelon
exécutif (organe restreint ou secrétaire général). C'est peut-être
la raison pour laquelle les textes n'utilisent qu'assez rarement les
termes de ratification, mais plus volontiers celui d'approbation. 1 3
13. Cependant certains accords parlent de ratification: la Conférence de
Ia FAO, pour approuver l'accord complémentaire passé avec PO.N.U., a
adopté, lors de sa 4 èm « session, une résolution déclarant ratifier cet accord.
Report 4, p. 70, U.N.T.S. 21, p. 338.
(47) LES TECHNIQUES FORMELLES 503

Le souci de sauvegarder l'organe ouvert à tous les Etats-


membres doit-il être poussé jusqu'à lui reconnaître un monopole?
C'est ce qui a été soutenu par la plus importante des Assemblées
internationales: l'Assemblée générale des Nations Unies. On fait
valoir qu'elle puise dans l'article 10 de la Charte des compétences
dans toutes les questions se rapportant au pouvoir des organes
de l'Organisation. Si elle ne négocie pas elle-même les accords,
ceux-ci lui sont soumis pour approbation, que l'organe d'éla-
boration ait été désigné par elle ou que la Charte lui reconnaisse
cette compétence. C'est ainsi que les accords avec les institutions
spécialisées ont été approuvés par elle.
De tels arguments peuvent également être appliqués aux as-
semblées ou conférences générales des autres organisations. La
conférence de la F.A.O. a approuvé ainsi l'accord de coopéra-
tion conclu par le Secrétaire général avec d'autres organisations. 14
D'une manière générale, les accords avec les institutions spéciali-
sées contiennent une clause disposant qu'ils entreront en vigueur
lorsqu'ils auront été approuvés par l'Assemblée générale des
Nations Unies et par la Conférence générale ou autre « organisme
souverain » de l'institution intéressée. 15 Certes, pour éviter le
retard qui peut résulter du fait que la Conférence de l'institution
ne pourrait se réunir qu'un certain temps après la session de
l'Assemblée générale ou avant la session suivante de cette der-
nière, il a été décidé que l'accord serait immédiatement appliqué,
mais à titre provisoire. De surcroit, l'Assemblée ne s'est pas
contentée d'en prendre connaissance, mais en a examiné les
textes avec soin et y a apporté des modifications. Cette compé-
tence de l'Assemblée générale serait si étendue qu'elle s'exercerait
même dans les cas où elle n'intervient pas expressément dans la
conclusion de l'accord. Le Secrétaire général conclut ainsi un
grand nombre d'accords, mais il le fait le plus souvent à la
demande de l'Assemblée et agit en vertu d'une délégation de
compétence. Enfin, on est allé jusqu'à soumettre à l'Assemblée
générale des accords complémentaires qui étaient prévus non par
la Charte, mais dont les accords principaux ont décidé qu'ils

14. Jenks, Cours La Haye précité, p. 188.


15. E/1317, p. 40.
504 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT (48)

seraient conclus par le Secrétaire général et le Directeur des


institutions intéressées. L'Assemblée a ainsi approuvé les accords
complémentaires passés avec le F.A.O. et TU.N.E.S.C.O. 1 6 Il
semble dans ces conditions que le Secrétaire général ne saurait
engager l'Organisation de sa seule autorité: lorsqu'il agit de sa
propre initiative, il en rend compte dans son rapport annuel à
l'Assemblée générale.
L'ensemble de ces faits est incontestable et il est bien évident
que les Assemblées intergouvernementales participent très effecti-
vement à la conclusion de nombreux accords; pour autant on
peut se demander si cette compétence est exclusive. Or l'examen
de la pratique fait apparaître l'intervention d'autres organes
dans la conclusion définitive des traités.
b) Pluralisme des organes compétents pour lier Vorganisation.
Certains auteurs enseignent qu'il faut écarter tout monopole
et poser la règle que la conclusion des accords doit être dominée
par la matière qu'ils concernent et appartenir dès lors aux
organes dans la compétence desquels rentre cette matière. Cette
manière de voir a été inspirée essentiellement par le fait que la
structure des organisations ne se borne pas toujours au schéma
classique: conférence plénière, organe restreint, secrétariat et
présente des formes singulièrement plus compliquées; c'est parti-
culièrement visible dans les institutions européennes. 17 Cependant
peut-elle également expliquer la conclusion des conventions par
les organes de systèmes moins complexes comme celui des
Nations Unies?
I) Poser le principe de l'engagement de l'organisation par
différents organes, c'est admettre qu'il existe entre eux une
certaine répartition de compétences, et que chacun doit inter-
venir dans le cadre de ses compétences.
16. Eod. loc, p. 92.
17. Celles-ci en effet assurent non seulement une représentation des gou-
vernements (au sein du Conseil des Ministres), mais encore celle des Nations
dans l'Assemblée parlementaire européenne et de l'individu, censé recruté
moins à raison de son appartenance nationale que pour ses qualités techniques
personnelles comme membre de la Haute Autorité ou des Commissions.
Ainsi se trouve suscitée une articulation dialectique entre ces trois éléments,
Etat, Nation, individu, l'organe qui exprime l'un ayant à compter avec les
deux autres, ce qui donne aux rapports des institutions des Communautés une
complexité que l'on ne retrouve pas dans les organisations interétatiques.
(49) LES TECHNIQUES FORMELLES 505

On peut concevoir deux interprétations de cette règle: soit


un système de dispersion des compétences de traiter, soit une
formule de participation de plusieurs organes à la conclusion de
l'accord, opérée cependant par un organe-pilote.
La dispersion des compétences de traiter supposerait une
rigoureuse égalité entre les organes, chacun pouvant lier l'organi-
sation dès que l'accord touche à des matières rentrant dans ses
propres compétences. C'est ce que le Professeur Reuter appelle
très heureusement la règle du parallélisme. Il l'exprime ainsi:
faute d'indications expresses des textes, la répartition des com-
pétences en matière d'engagements internationaux doit être
normalement symétrique de celle qui existe dans l'ordre interne
de l'organisation, de telle manière que la conduite des relations
extérieures et la conclusion des accords introduisent le moins de
perturbation possible dans l'équilibre constitutionnel. 18 Cette
règle traduit l'état encore assez peu intégré de l'organisation
internationale. Monsieur Reuter fait à cet égard une comparaison
avec l'Etat fédéral. Certaines fédérations connaissent ce parallé-
lisme, tel le Canada où le pouvoir fédéral ne peut conclure de
traité dans les matières qui relèvent de la compétence des Etats-
membres, alors que d'autres, comme les Etats-Unis, l'ignorent
au bénéfice du pouvoir fédéral qui fait ainsi de la conduite des
relations extérieures un instrument de centralisation.
Si l'on applique ce raisonnement à une organisation comme
la Communauté européenne du Charbon et de l'Acier, on est
frappé de constater, qu'en dépit de la réputation d'intégration
qui lui est faite, l'article 6 du Traité qui l'institue consacre le
principe de parallélisme ou de la dispersion de la compétence
de traiter. Il dispose en effet: « La Communauté est représentée
par ses institutions, chacune dans le cadre de ses attributions ».
On peut en conclure que l'Assemblée parlementaire européenne
pourrait non seulement, comme on l'a vu, négocier et faire signer
par son Président un accord avec une autre organisation, sur des
matières l'intéressant particulièrement et exclusivement, comme
la disposition des locaux du Conseil de l'Europe, mais de sur-

18. P. Reuter, Cours d'organisations européennes, Les Cours de Droit, Paris,


1959/60, p. 143.
506 R. J . DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT (50)

croît, que cet arrangement serait ainsi achevé et que sa mise en


vigueur n'exigerait pas le concours d'un autre organe de la
Communauté.
Il faut voir cependant qu'un tel accord ne soulève pas de
grosses questions et n'a que la valeur d'un arrangement admi-
nibtratif. Le problème s'est posé en des termes beaucoup plus
délicats lorsque le Plan Eden a été présenté. L'éventuelle accep-
tation d'observateurs du Conseil de l'Europe ayant le droit de
parole aux délibérations de l'Assemblée commune de la C.E.C.A,
avait une signification politique et non technique, elle était de
nature à retentir assez profondément sur l'avenir de la Commu-
nauté. Certains, poussant jusqu'au bout de ses conséquences
logiques la règle du parallélisme, estiment que l'Assemblée, étant
souveraine, était compétente pour traiter avec le Conseil de
l'Europe dans un cas aussi grave. La question fut posée à un
Comité de jurisconsultes; 18 sa réponse fut plus nuancée: elle
semble relever d'une seconde interprétation du respect de la
répartition des compétences à l'intérieur de l'organisation, celle
de la participation des organes intéressés à la conclusion de la
convention, effectuée par un organe-pilote.
Quelle que soit la répartition des compétences qui existe entre
les organes de la C E . C A . , il en est tout de même un — et c'est
le seul à être dans ce cas, — qui voit ses compétences définies de
façon générale; il s'agit de la Haute Autorité, dont l'article 8 du
Traité dit qu'elle est chargée d'assurer la réalisation des objets
fixés par lui. Diverses autres dispositions viennent reconnaître à
la Haute Autorité la compétence à représenter la Communauté.
L'article 93 lui confie le soin d'assurer la liaison avec l'O.N.U.
et l'O.E.C.E., d'autres lui attribuent le droit de conclure des
accords avec des Etats. Ainsi, alors que les autres institutions
n'ont qu'une compétence spécialisée, la Haute Autorité apparaît
comme dotée de la plénitude de compétence.
Pour autant, le principe du parallélisme n'est point écarté et
cette interprétation n'aboutit pas à poser le principe de la com-

19. Avis sur la participation des observateurs du Conseil de l'Europe à


l'Assemblée commune et sur la conclusion d'un accord à cet effet. Conseil
de l'Europe, S.G. (52) 10, Strasbourg.
(51) LES TECHNIQUES FORMELLES 507

pétence exclusive de la Haute Autorité. La conciliation entre le


respect de la répartition des compétences et celui de la place
eminente que le Traité fait à la Haute Autorité, se réalise de la
façon suivante.
La Haute Autorité, exécutif de la Communauté, est appelée
non seulement à négocier les accords de l'organisation, mais
encore à les conclure seule, à condition que ces accords ne concer-
nent pas des matières mettant en cause les compétences d'un
autre organe. Si l'accord est appelé à retentir sur un autre organe,
celui-ci devra participer aussi bien à l'élaboration en donnant
des instructions à la Haute Autorité, qu'à la conclusion définitive
par son approbation, celle-ci pouvant se produire avant ou après
la signature. Ainsi, si l'on avait donné suite au Plan Eden, l'accord
avec le Conseil de l'Europe aurait-il dû être entériné par l'As-
semblée commune pour devenir définitif.20 Nombreux sont les
accords pour lesquesl la Haute Autorité a reçu l'autorisation du
Conseil.
Ce sont ces principes qui ont été retenus et, cette fois formelle-
ment posés par les Traités créant la Communauté économique
européenne et l'Euratom. Il ressort de ces textes que la Com-
mission conclut librement des accords définitifs sur les matières
qui rentrent dans sa seule compétence, mais que lorsque ces
matières relèvent de la compétence du Conseil, la Commission
se borne à négocier sur instructions du Conseil lequel conclut
définitivement l'accord. L'Assemblée doit au préalable être con-
sultée pour avis, si l'accord concerne une matière sur laquelle le
Conseil doit recueillir son avis (art. 228 du Traité sur la C.E.E.,
pour l'Euratom, combiner les art. 101 et 206 du Traité).

20. La tenue de sessions jointes d e l'Assemblée c o m m u n e de la C.E.C.A.


et de l'Ass. consultative d u Conseil de l'Europe a été décidée par u n accord
passé avec cette dernière par le Président de la H a u t e Autorité et entériné p a r
l'Assemblée c o m m u n e ; cf. Daig, Communication au congrès d'études sur la
C.E.C.A., Actes Off. 1958, Vol. I I I , p . 149.
Il faut noter d'autre p a r t que les organes des C o m m u n a u t é s concluent entre
eux des accords d'ordre interne d e la même façon, q u ' à l'intérieur des Etats, en
passent entre elles des administrations dépourvues de la personnalité juridique.
Citons n o t a m m e n t le Protocole entre la H a u t e Autorité et le Conseil des
Ministres, en annexe de l'accord d'association avec la Grande-Bretagne du
21 Dec. 1954. Cf. la communication Wengler in Actes Officiels du congrès
d'études sur la C.E.C.A., vol. I I I , p. 115.
508 Ä. J . DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (52)

Les compétences des Commissions étant moins vastes que celles


de la Haute Autorité, il semble que le parallélisme soit plus
rigoureux dans les Communautés créées à Rome en 1957 qu'à
la C.E.C.A. dominée, au moins dans les textes, par la forte
carrure de la Haute Autorité laquelle, primitivement, dans le
Plan Schuman, devait être le seul organe de la Communauté. Le
recul du superétatisme constaté lors de la constitution de la
C.E.E. se traduit ainsi par un accroissement du parallélisme. O n
ne peut parler de simple approbation à propos de l'intervention
du Conseil dans la conclusion des accords: matériellement et
formellement, cet acte lui incombe
La Haute Autorité au contraire agira formellement elle-même
dans l'immense majorité des cas, lors même qu'elle aura dû
obtenir l'approbation d'un autre organe. Il est curieux de relever
que même dans le cas où la Haute Autorité conclut seule un
accord entrant dans un domaine relevant de sa compétence,
elle peut être amenée à instituer une sorte de succédanné de
ratification sans faire appel à un autre organe. Pour le com-
prendre, il faut savoir que la Haute Autorité s'engage, en prin-
cipe, à titre définitif par la signature de son Président, l'article 16
du Traité chargeant celui-ci de l'exécution des délibérations, ou
en pratique, par celle donnée par trois de ses membres. Or, dans
l'accord conclu avec l'Organisation internationale du Travail,
on a mis en œuvre une procédure singulière. L'accord a été signé
par le Président de la Haute Autorité et par le représentant du
Conseil d'Administration, la Haute Autorité a donné sa propre
approbation à l'accord signé par son Président. L'accord est
devenue définitif par la notification de ces deux approbations.
Cette procédure qui fut celle de l'accord du 12 août 1953, a été
reprise dans l'accord du 7 juillet 1958 entre l'O.I.T. et la C.E.E. 2 1
Ainsi par une sorte de mimétisme ou d'effet réflexe s'instaure une
ratification intérieure à un organe collégial. C'est pousser jusqu'à
son point ultime la règle du parallélisme: l'accord relevant de
la compétence d'un seul organe, celui-ci, étant collégial, n'entend

21. Accord C.E.C.A.-O.I.T., J . 0 . de la C.E.C.A. du 14 Août 1953,


p. 167. Accord avec Ia C.E.E., J.O. des Communautés européennes 1959,
p. 521.
(53) LES TECHNIQUES FORMELLES 509

pas être engagé par l'action d'un seul de ses membres et requiert
une approbation collective.
Si le pluralisme des organes compétents pour lier l'organi-
sation apparaît ainsi incontestable dans les Communautés euro-
péennes, lesquelles reposent sur des structures complexes, peut-on
le concevoir également dans des organisations plus simples?
2) La question peut se poser à l'égard de l'Organisation des
Nations-Unies. Celle-ci connaît en effet une certaine répartition
de compétences entre les six organes principaux prévus par la
Charte. Bien que fondée en principe sur la souveraineté des
Etats-membres, l'O.N.U. ne saurait voir sa compétence inter-
nationale concentrée dans l'Assemblée générale, comme les orga-
nisations à structure fruste. En admettant même que l'Assemblée
générale, de par la plénitude de ses compétences, soit par ex-
cellence l'organe qualifié pour engager l'organisation, on ne
devrait pas pouvoir conclure d'accords sur des matières relevant
de la compétence particulière d'autre organes sans obtenir leur
concours. O n remarque effectivement, en pratique, que lors de
la conclusion des accords avec les institutions spécialisées, le
Conseil économique et social a pris soin de convier le Conseil de
Tutelle à participer à la discussion des articles qui intéressent
celui-ci, du moins pour les accords conclus après la constitution
du Conseil de Tutelle. 23
Ces explications ne sont pas sans intérêt, mais alors que la
pluralité des organes compétents pour lier internationalement
l'organisation, est un fait d'observation pour les Communautés
européennes, elle n'est plus ici, à l'égard de l'O.N.U., qu'une
théorie, c'est-à-dire que ses conclusions prêtent davantage à
discussion.
O n peut, pour en réduire la portée, faire remarquer que le
parallélisme, à l'O.N.U., se borne à faire participer les organes
intéressés à la négociation, comme dans l'exemple du concours
demandé au Conseil de Tutelle dans la préparation des accords
avec les institutions spécialisées. Il est vrai que l'on peut rétor-
quer que de cette manière, cet organe a pu approuver ces
accords. Il n'en reste pas moins que c'est à l'Assemblée générale
22. Kasmc, op. cit.t p. 181.
510 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (54)
qu'appartient le dernier mot; c'est son approbation qui engage
l'organisation. Elle dispose de surcroît d'un pouvoir d'évocation
qui lui permet de décider de la conclusion d'accords qui sem-
blaient rentrer dans la compétence d'autres organes. Alors que,
dans l'esprit des auteurs de la Charte, le Conseil économique et
social devait particulièrement se charger de la coordination avec
les autres organisations internationales et non seulement avec
les institutions spécialisées, expressément prévues à l'article 57,
cet organisme s'est trouvé souvent écarté par l'Assemblée générale
de certains accords comme ceux avec la S.D.N. ou avec le
Conseil de l'Europe. L'Assemblée n'éprouve aucune gêne à agir
avec cette liberté : d'une part elle peut toujours, en présence d'une
nouvelle organisation avec laquelle elle entend conclure une
convention, sans passer par l'intermédiare du Conseil économi-
que et social, lui reconnaître, par rapport aux Nations Unies,
une autre qualité que celle d'institution spécialisée; il lui suffit
précisément de suivre une autre procédure que celle de l'article
63. C'est ce qu'elle a fait à l'égard de l'Agence internationale de
l'Energie atomique. D'autre part, le Chapitre I X de la Charte
se termine par l'article 60 qui confère très explicitement « la
coopération économique et sociale internationale » au premier
chef à l'Assemblée générale en spécifiant que le Conseil écono-
mique et social exerce ses pouvoirs « sous son autorité ». Et c'est
ce que l'on peut dire finalement de tous les autres organes:
l'article 15, alinéa 2 dispose que l'Assemblée « reçoit et étudie»
leurs rapports. Elle est donc bien l'organe fondamental et l'on
peut dire aussi que si la Charte attribue certaines matières plus
spécialement à certains organes, cette répartition est faite sous la
dépendance diffuse de l'Assemblée générale. On ne saurait, pour
réduire son rôle, arguer du fait qu'elle ne dispose pas du pouvoir
de décision et soutenir qu'il est étrange dès lors de reconnaître le
droit d'engager l'organisation à un organe auquel la Charte
n'accorde que le pouvoir de faire des recommandations. D'une
part, la Charte prévoit dans plusieurs hypothèses, on le sait,
l'approbation de l'Assemblée générale. D'autre part, si cet organe
ne peut, en principe, adresser que des recommandations aux
Etats-membres, cette règle ne concerne que le comportement
(55) LES TECHNIQUES FORMELLES 511
que l'Assemblée peut attendre d'eux; elle n'a pas la possibilité
de les obliger à en adopter un, elle doit se contenter de leur en
suggérer. La conclusion d'un accord par l'O.N.U. participe d'un
problème différent, il s'agit moins de lier les Etats que l'organi-
sation elle-même. De même que l'Assemblée exerce un pouvoir
de décision pour prendre des mesures d'ordre intérieur qui
concernent au premier chef l'organe, elle doit avoir la faculté de
prendre, sur le plan extérieur, les mesures que postule l'intérêt
de l'organisation. Cette dernière argumentation tendrait ainsi à
développer au-delà des cas prévus par les textes, la compétence
de l'Assemblée à engager l'organisation.
Or, quelles que soient la réalité et l'importance de cette compé-
tence, elle souffre en fait deux sortes de limites: tout d'abord,
s'agissant d'un organe collégial très nombreux, partant très lourd,
il ne peut être très apte à conclure lui-même les accords; que
ceux-ci aient été élaborés par un autre organe constitutionnel ou
par une délégation ad hoc, l'Assemblée voit son rôle se borner
à l'approbation même si, dans le deuxième cas, elle est juridique-
ment censée être l'agent de l'engagement de l'organisation. Par
ailleurs, l'examen de la pratique des accords conclus par l'O.N.U.
comme par d'autres institutions, révèlent que de plus en plus
apparaissent des accords qui entrent en vigueur sans être formel-
lement approuvés par l'organe plénier.

B) Les a c c o r d s en p r o c é d u r e s o m m a i r e

Ce sont des accords définitivement conclus par l'organe même


qui l'a négocié.
Remarquons que le caractère sommaire de la procédure peut
tenir, dans certaines hypothèses, à la structure unitaire de l'or-
ganisation. Si celle-ci repose sur un seul organe ou si un seul de
ses organes est doté de la compétence internationale, il est bien
évident que son engagement résultera de la seule activité de cet
organe. C'est ainsi que certains accords conclus par le Conseil de
l'Europe l'ont été par le Comité des Ministres. N'étant ni datés ni
signés, ils pourraient passer pour ce qu'il est convenud'appelerdes
accords en forme simplifiée. En réalité il n'en est rien et l'affirmer
serait commettre une confusion: le Comité est seul à détenir un
512 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (56)

pouvoir réel d'après les Statuts; dès lors aucun accord ne prévoit
de ratification car, encore qu'ils soient négociés par le Secrétaire
général, ils sont l'œuvre du Comité et c'est pourquoi le négocia-
teur ne les a pas signés, laissant aux ministres la décision de lier
le Conseil.
II est en revanche d'autres accords qui ont été entièrement
conclus par le Secrétaire général sans que le Comité se soit jamais
manifesté. O n peut dire de ceux-ci qu'ils sont des accords en
procédure sommaire. 23
Le développement du rôle des Secrétaires ou Directeurs géné-
raux, dans la conduite des relations extérieures des organisations
que l'on a souligné à propos de l'élaboration des accords, ne
s'est pas borné à cette phase préliminaire et ils ont bel et bien
conclu seuls des conventions.
Le phénomène est particulièrement net aux Nations Unies en
raison de la multiplicité des tâches adminstratives confiées au
Secrétaire général, mais on peut l'observer à des degrés divers
dans d'autres organisations. Il est naturel qu'il ait pris de grandes
proportions dans l'organisation la plus vaste tant par ses domai-
nes d'activité que par le nombre de ses membres, et dans laquelle
la dilution du pouvoir entre plus de 80 Etats et plusieurs organes,
aux ordres du jour surchargés, laisse à l'agent exécutif une assez
large marge de liberté. Il est également aisément compréhensible
que le pouvoir du Secrétaire ou Directeur général soit plus sûre-
ment contenu dans des organisations moins nombreuses ou qui,
bien qu'universelles, poursuivent des buts limités comme les In-
stitutions spécialisées. Aussi peut-on dégager une progression
dans la faculté reconnue aux « executive officers » d'engager leur
organisation.
I) Une simplification de la procédure peut être obtenue en
décidant qu'un accord entrera en vigueur à titre provisoire dès
sa conclusion par l'agent exécutif, avant même qu'intervienne
son approbation par l'organe compétent. 21 Ce procédé accélère
l'applicabilité de la convention en reconnaissant une autorité
23. Encore que souvent ils revêtent la forme traditionnelle, avec préambule,
désignation des parties, exposé des motifs.
24. Lequel peut être un organe restreint: Conseil d'administration de
l'O.I.T., Conseil exécutif de ¡'UNESCO, par exemple.
(57) LES TECHNIQUES FORMELLES 513

plus grande à l'agent exécutif. Cependant, il ne s'agit que d'une


approbation différée. On peut faire un pas de plus vers la liberté
du Secrétaire ou Directeur général.
2) Celui-ci peut engager définitivement l'organisation en agis-
sant en exécution de décisions d'autres autorités. La conclusion
d'accords, notamment par le Secrétaire général des Nations
Unies, peut ainsi être un acte d'exécution dans deux catégories
d'hypothèses.
Il peut tout d'abord se voir chargé de conclure un accord à
la demande ou sur l'autorisation de l'Assemblée générale sans
que soit prévue l'approbation ultérieure de celle-ci. On lui fait
confiance et ce blanc-seing est plus ou moins absolu, selon la
généralité ou la précision des termes de l'acte qui l'habilite. O n
laisse parfois au Secrétaire général des Nations Unies le soin d'ap-
précier librement les modalités de l'engagementet son étendue. De
même, pour emprunter un exemple à une autre organisation, le
Directeur général de l'U.N.E.S.C.O. fut autorisé à accepter les
propositions de l'Agent général de TU.N.K.R.A. et à conclure un
accord avec cet organisme, après quoi ¡1 en transmit le texte au
Conseil pour information. 25 L'agent exécutif peut aussi conclure
des accords en exécution d'autres accords. Le Secrétaire général
a été ainsi habilité à conclure non seulement des accords
« complémentaires » à ceux qui relient les institutions spécialisées
à l'O.N.U., lesquels, comme on le sait, furent soumis à l'appro-
bation de l'Assemblée générale, mais aussi des accords « subsi-
diaires »qui y échappèrent. Ils ont été passés avec l'U.N.E.S.C.O.,
au sujet des activités relevant du domaine de l'information, le
3 décembre 1947, avec l'O.M.S. au sujet du siège de cette insti-
tution à Genève, et avec l'O.I.T. sur la procédure d'enregistre-
ment des conventions de cette organisation. 26
A ce stade, on est très près de la compétence discrétionnaire du
Secrétaire général.
3) Ces accords ont été conclus à l'initiative de T« executive
officer». Dans les relations avec d'autres organisations, il s'agit

25. UNESCO, Doc. 48 EX/112, 6 mai, 1957. Pour le Secrétaire général du


Conseil de l'Europe, cf. Golsong et Kiss, op. cit., p. 483.
26. Répertoire de la pratique, vol. III, art. 63, § 230.
514 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (58)

d'arrangements d'ordre administratif ou technique. Dans ces


domaines, il est naturel que l'agent exécutif d'une grande
organisation, spécialement de l'O.N.U. dispose d'une assez large
prérogative dans l'intérêt de l'institution. O n sait le remarquable
développement de ses fonctions dans l'ordre politique; 27 cet
essor prend ses assises sur l'importance des pouvoirs du Secrétaire
général sur le plan administratif.
Ces accords sont passés par lui-même, ou par un haut fonction-
naire désigné par lui et ceux conclus par les agents exécutifs
d'organes subsidiaires le sont en son nom.
Certes les Secrétaires ou Directeurs généraux sont soumis à
l'obligation d'adresser un rapport à l'organisation et le ou les
organes, qui seraient compétents pour donner leur approbation
aux accords, seront ainsi au courant de ceux conclus par l'agent
exécutif seul. Aussi pourrait-on être tenté de dire qu'en réalité
tous les accords sont approuvés soit expressément, soit tacite-
ment. Il n'empêche qu'au point de vue procédural, — le seul
qui nous retienne ici —, cette approbation ne vient pas retarder
l'entrée en vigueur du traité. En tout état de cause, c'est bien
pour éviter toute équivoque à ce sujet que nous avons parlé non
d'accords non approuvés, mais d'accords en procédure som-
maire. 2 8
O n mesure la diversité des procédures suivies dans la conclusion
des accords. Elle se trouve accentuée par celle des structures
institutionnelles, mais aussi par le fait qu'elle se conjugue avec
plusieurs techniques d'ordre formel s'appliquant à l'entrée en
vigueur des accords.

27. M . Virally, Le rôle politique d u Secrétaire général des Nations Unies


in Annuaire français de Droit international, 1958, p p . 360-399. K a s m e , op. cit.,
p p . 187-194.
28. Nous avons, pour ces accords, raisonné dans le cadre des organisations
de type classique. Pour les Communautés européennes, il semble que la
procédure sommaire ne puisse jouer qu'avec l'agrément d u T r a i t é de base ou
des autres organes, étant donné le principe du parallélisme. O n sait que la
H a u t e Autorité ou les Commissions concluent seules et définitivement les
accords p o r t a n t sur une matière rentrant dans leur compétence exclusive.
(Art. 228 du T r a i t é sur la C.E.E.; art. 101, al. 3 de celui sur l'Euratom.)
Cependant, m ê m e dans ce cas, il faut compter avec la procédure de rati-
fication intérieure à l'organe que nous avons soulignée à propos des accords
avecl'O.I.T.
(59) LES TECHNIQUES FORMELLES 515

Alinéa 2 : L ' a p p l i c a t i o n d e s accords

C'est essentiellement la date à partir de laquelle un accord


produit ses effets que nous aurons à rechercher ici. Mais la mise
en œuvre des traités soulève, on le sait, la question de leur
enregistrement; il y a Heu d'en mesurer l'incidence sur les
accords entre organisations.
a) En droit international général, la convention est conclue
par l'échange des ratifications, cependant que les accords en
procédure sommaire le sont après la signature sous réserve, éven-
tuellement, d'une approbation postérieure. II en est de même
dans les accords interorganisationnels, mais il faut apporter
quelques précisions aux singularités qui peuvent affecter les
échanges d'approbations.
Les accords soumis à approbation prévoient très souvent qu'ils
entreront en vigueur dès qu'ils auront été approuvés par les
organes constitutionnellement compétents chez chaque partie,
et qui sont soit l'Assemblée plénière, soit un organe restreint,
(Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, Assemblée mon-
diale de la Santé, Conseil exécutif de TU.N.E.S.C.O., Conseil
d'Administration de l'O.I.T.). C'est notamment le cas de ceux
passés entre les Institutions spécialisées entre elles ou avec
ro.N.u.
La notification de l'approbation n'est que rarement exigée.
Lorsqu'elle est nécessaire pour l'entrée en vigueur de l'accord, on
ne trouve pas de description de l'instrument. Cette procédure
de la notification est prévue semble-t-il par des accords mettant
en contact des organisations importantes et de nature assez
différentes. On sait qu'elle l'a été par l'accord entre la C E . C . A .
et l'O.I.T. De toute façon, au point de vue formel, la notification
de l'approbation est faite simplement par lettre. 29
L'échange de notes est lui-même très largement utilisé dans
les rapports entre organisations. Il peut constituer la procédure

29. Ainsi FUNESCO reçut du secrétariat du Conseil de l'Europe une


communication lui confirmant l'approbation par le Comité des Ministres
du projet d'accord entre les deux organisations. UNESCO, Doc. 30, EX/SR
11, p. 49.
516 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (60)

principale de conclusions d'un accord, 30 auquel cas, celle-ci


risque parfois d'être assez longue, soit que la discussion se pro-
longe, compte tenu des difficultés soulevées par l'accord, soit
simplement qu'il doive être approuvé par des organes siégeant
à des dates éloignées. C'est pourquoi il est parfois décidé qu'il
entrera en vigueur à titre provisoire.
Mais l'intérêt d'un tel procédé est sa souplesse. Aussi est-il
naturel que, dans les organisations, son développement ait été
parallèle à celui des pouvoirs de droit ou de fait des agents
exécutifs. Ceux-ci concluent ainsi des arrangements d'exécution de
conventions préalables. Ils peuvent, par ces échanges, fixer la
date d'entrée en vigueur de l'accord principal, 31 ou encore lui
apporter des précisions complémentaires ou une interprétation.
On discute la question de savoir si un tel échange entre en vigueur
avec l'accord principal ou à la date de sa propre terminaison.
Certains auteurs proposent une distinction entre les échanges à
contenu interprétatif qui devraient être considérés comme rat-
tachés à l'accord interprété et ceux à contenu additionnel qui
devraient s'appliquer à titre autonome. La pratique entre les
organisations n'est pas aussi nette que l'on puisse faire avec
certitude une distinction aussi tranchée. Il semble que la parenté
entre les deux accords n'exige pas nécessairement une date iden-
tique pour l'entrée en vigueur et par ailleurs, il est parfois
malaisé, d'apprécier où cesse l'interprétation et où commence
l'addition.
De toutes façons, qu'ils soient constatés dans un instrument
unique ou qu'ils résultent d'un échange de lettres, qu'ils doivent
ou non être approuvés, les accords peuvent se voir fixer une date
déterminée pour « entrer en vigueur »,3a cette date pouvant être
rétroactive. 33

30. Ainsi est intervenu un accord de transfert entre la S.D.N. et l'O.I.T.


par échange de lettres des 2 et 9 Avr., 1947. Bull. Off. de l'O.I.T. 120, XXX,
p. 406 f.
31. Schneider, op. cit., p. 47.
32. Accord entre FO.A.C.I, et l'Organisation météorologique mondiale,
approuvé par les deux parties pendant l'année 1953 et dont la date d'appli-
cation fut fixée au 1 e r Janv., 1954. O.A.C.I., Conseil, Doc. 7456, p. 57.
33. Accord entre l'UNESCO et le Comité international des Poids et Mesu-
res, UN Doc. ST/SG/3, p. 72. Schneider, op. cit., p. 51.
(61) LES TECHNIQUES FORMELLES 517

Ces diverses techniques suffisent à mettre en vigueur les


accords; les mesures d'enregistrement et de publicité ne parti-
cipent pas des éléments de forme nécessaires à la perfection d'une
convention; elles sont d'ailleurs moins régulièrement utilisées
pour les accords entre organisations que pour ceux entre Etats.
b) L'article 102 de la Charte des Nations Unies n'impose
l'enregistrement qu'aux accords conclus par un membre des
Nations Unies. On en conclut que cette obligation ne concerne
que des Etats, les organisations ne pouvant être considérées
comme « membres des Nations Unies », même lorsqu'elles sont
entièrement composées d'Etats-membres de l'O.N.U. De fait
aucun des accords du Conseil de l'Europe n'a été enregistré aux
Nations Unies, encore que certains d'entre eux aient été conclus
avec des institutions spécialisées ou même avec le Secrétariat de
l'O.N.U. A vrai dire, la pratique des organisations parties à des
accords, paraît assez contradictoire, mais il faut voir qu'à défaut
d'enregistrement et de publication par les Nations Unies, on trouve
souvent les accords interorganisationnels dans divers documents.
1) Il est malaisé de dégager des règles de la pratique. On sait
qu'une distinction doit être faite pour l'Organisation des Nations
Unies elle-même entre les accords tels qu'ils sont publiés dans
le Recueil des Traités. Certains sont enregistrés d'office; ce sont
ceux conclus entre l'O.N.U. et les Etats membres.
D'autres sont classés et inscrits au répertoire (« filed and record-
ed ») ; ce sont ceux conclus avec des Etats non membres ou
avec d'autres organisations internationales: accords avec les
Institutions spécialisées, l'A.I.E.A., la S.D.N., etc. . . Seules les
Nations Unies et les institutions spécialisées peuvent user de cette
procédure; les autres organisations doivent, pour ce faire, avoir
passé un accord avec l'O.N.U. ou une Special Agency. 34
Les accords entre institutions spécialisées contiennent d'ail-
leurs une clause prévoyant leur communication, dès leur entrée
en vigueur, au Secrétaire général en vue de leur inscription et
de leur classement. 35 Le Statut de l'A.I.E.A. (art. 22) dispose

34. Cf. art. 10 (a) du Règlement de l'Assemblée générale sur l'application


de l'art. 102 de la Charte.
35. E/1317,p. 89.
518 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (62)
que cette procédure devra être suivie pour les accords passés
avec les autres agences; de fait l'article X I de l'Accord conclu
avec l'O.M.S. le décide expressément.
Pour autant, il ne faudrait pas croire que tous les accords qui
pourraient être classés et inscrits le soient effectivement. Nom-
breux et parfois importants sont ceux qui échappent à cette
forme d'enregistrement. C'est le cas des « interagency agree-
ments » à but opérationnel, et d'accords complémentaires ou
subsidiaires, en dépit du fait que l'O.N.U. soit parfois elle-même
partie contractante. Il en a été ainsi de l'accord qu'elle a passé
avec l'O.I.T. en matière de migrations et de celui avec l'U.N.E.S.
C O . sur les activités d'information des deux organismes. Le
répertoire de la pratique suivie par les organes des Nations
Unies nous apprend la conclusion de ces accords, mais ils n'ont
pas été publiés dans le Recueil des traités. Seuls l'ont été,
parmi les accords supplémentaires, ceux relatifs à l'utili-
sation du « laissez-passer » des Nations Unies par les institutions
spécialisées.
Cependant la pratique est contradictoire et des accords très
comparables au fond sont ou ne sont pas inscrits et publiés, sans
que l'on puisse découvrir la raison de ces différences. Ainsi
l'accord entre l'O.N.U. et l'O.I.T. (portant précisément sur
l'enregistrement des traités de cette dernière organisation) se
trouve au Recueil, 36 alors qu'un arrangement similaire avec
l'O.A.C.I. n'y a pas été reproduit. De même des accords conclus
par des organes subsidiaires comme l'U.N.R.W.A. ou l'U.N.I.-
C.E.F. avec d'autres institution présentent les mêmes anomalies:
ceux du premier organisme avec l'O.I.T. ou l'O.M.S. ont paru
dans le Recueil, alors que celui passé avec l'U.N.E.S.C.O. ou
ceux qui ont été établis entre l'U.N.I.C.E.F. d'une part et la
F.A.O. ou l'O.M.S. respectivement n'y figurent pas. Cependant,
si l'on en a connaissance, c*est grâce à d'autres documents.
2) Quant aux accords qui concernent les Nations Unies ou
ses organes subsidiaires d'une part, les institutions spécialisées
de l'autre, ils sont mentionnés dans le « Répertoire de la pratique »
ou reproduits dans les publications officielles des diverses
36. U.N.T.S., vol. 26, p. 116. Kasme, op. cit., p. 144.
(63) LES TECHNIQUES FORMELLES 519

organisations co-contractantes. 37 De toutes façons, le défaut d'en-


registrement ne risque pas en pratique, d'entraîner la sanction
prévue à l'alinéa 2 de l'article 102 (à savoir l'impossibilité
d'invoquer l'accord devant un organe des Nations Unies) avec
une rigueur absolue. Cette sanction s'adresse principalement
aux Etats. Pour l'O.N.U. et les institutions spécialisées, les or-
ganes des Nations Unies auraient toujours la latitude de se saisir
d'un accord même non enregistré; mais il faut voir surtout que
l'hypothèse fondamentale sur laquelle repose l'article 102, alinéa
2 ne peut se retrouver entre ces organisations. Celles-ci ne peu-
vent pas en effet se présenter comme plaideurs devant la Cour
internationale de Justice. Si les accords avec l'O.N.U. permet-
tent aux institutions spécialisées de demander à la Cour des
avis consultatifs sur des questions juridiques, il est exclu que ces
questions puissent concerner celles intéressant les relations réci-
proques entre l'institution intéressée et l'Organisation des Nations
Unies ou une autre agence spécialisée.
Enfin, dans le cadre des Communautés européennes, est or-
ganisé un système de publicité inspiré du droit interne; les accords
auxquels elles sont parties sont publiés au Journal Officiel des
Communautés européennes.
Tels sont les aspects formels des accords entre organisations.
Deux remarques cependant sont à présenter:
1) Les accords formels peuvent contenir les actes les plus
divers que l'on considère le contenu juridique des instruments ou
le nombre des parties.
O n connaît la distinction des traités-lois et des trai tés-
contrats. Les premiers auraient pour objet de formuler une règle
générale et permanente, toutes les volontés participantes étant
de contenu identique, les seconds reposeraient sur des échanges
de prestations individuelles, chaque co-contractant poursuivant
un objet différent. Cette distinction ne présente pas un grand
intérêt en soi, sinon de montrer que le traité international peut
exprimer des actes juridiques de nature différente. Mais quels
que soient ces actes, ils subissent toutes les conséquences juridi-
ques attachées au droit des traités. Si l'on examine les accords
37. Répertoire de la pratique, vol. III, art. 63, § §221, 231.
520 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (64)

entre organisations, on s'aperçoit qu'il existe sans nul doute des


contrats entre elles, notamment dans les accords de prêt ou de
transfert de biens comme celui intervenu entre la S.D.N. et
l'O.I.T. 3 8 Cependant, trois observations doivent nous permettre
de mettre de l'ordre dans une pratique assez complexe.
Tout d'abord, l'expression même de contrat est rarement
utilisée par les instruments, en dehors des « loan agreements ».
Elle désigne fréquemment des engagements de droit privé:
PU.N.E.S.C.O. a ainsi qualifié ses arrangements avec des orga-
nisations non gouvernementales auxquelles elle accorde des
subventions. De même le Traité sur l'Euratom prévoit que cette
Communauté peut être amenée à conclure des contrats de four-
nitures (article 64). L'article 10 met sur le même pied les co-
contractants de l'Euratom, qu'ils soient personnes privées ou
personnes de droit public: « la Commission peut confier par con-
trat l'exécution de certaines parties du programme de recherches
de la Communauté à des Etats-membres, personnes ou entre-
prises, ainsi qu'à des Etats tiers, des organisations internationales
ou à des ressortissants d'Etats-tiers».
Seconde observation: de nombreux accords ont un contenu
mixte et comprennent des clauses de nature réglementaire tandis
que d'autres ont un contenu contractuel.
Enfin, troisième observation, on assiste pour les accords des
organisations avec d'autres ou avec des Etats, quel que soit leur
contenu, à un développement de la formule des accords-modèles,
si bien que, même pour les clauses qui seraient de nature contrac-
tuelle, elles voient leur contenu pour une large mesure régle-
menté. Cette pratique est d'ailleurs favorisée par le fait qu'entre
organisations, les accords sont presque toujours bilatéraux. La
participation d'organisations à des traités multilatéraux, pour
n'avoir rien d'inconcevable, est tout de même très rare. On peut
certes citer des engagements dans lesquels, avec une ou plusieurs
organisations, apparaissent un ou plusieurs Etats. Mais certains,
comme les accords d'assistance technique, sont considérés comme
des traités bilatéraux, 39 d'autres comme l'accord d'association

38. U.N.T.S., vol. 19, p. 187.


39, G. Feuer, Les aspects juridiques de Vassistance technique, pp. 44-45.
(65) LES TECHNIQUES FORMELLES 521

conclu par la C.E.C.A.,1 a Grande-Bretagne et les six Etats signa-


taires, ne comptent qu'une seule organisation. Lors même qu'une
organisation désire tirer profit des avantages consentis aux mem-
bres d'une autre organisation, le procédé utilisé est normalement
non l'entrée dans celle-ci, mais l'établissement d'un accord avec
elle. Telle a été la technique utilisée entre l'O.N.U. et l'U.I.T. :
celle-ci reconnaît à son co-contractant, les mêmes droits qu'à ses
membres dans l'exploitation des services de télécommunications,
cependant que l'O.N.U. s'engage à exploiter les services qui
dépendent d'elle conformément aux termes de la Convention
internationale des télécommunications.
Ces cas sont exceptionnels: la coopération multilatérale se
réalise plutôt que par des accords de ce genre, par la constitution
d'« interorganizational bodies », fréquemment réunis sur une
base « ad Aoc». Les conclusions de ces organes ne constituent
d'ailleurs pas des décisions collectives et doivent être approuvées
par les institutions intéressées qui les reprennent dans leurs
ordres juridiques respectifs par l'adoption de réglementations
parallèles, exprimant un accord informel.
2) Des volontés concordantes peuvent manifester leur union
en dehors des accords formels.

SECTION I L LES ACCORDS INFORMELS

Les organisations préfèrent parfois utiliser, pour collaborer


avec d'autres, des procédés moins rigides que les accords formels.
L'éventualité d'un accord entre l'O.A.C.I. et l'O.M.S. ayant
été envisagée, le Directeur général de cette dernière fit savoir
qu'il préférait un arrangement informel et la discussion qui se
déroula sur ce sujet au Conseil de l'O.A.C.I. révéla l'opinion
dominante que ce qui peut être réalisé par des accords formels,
peut l'être tout aussi bien, si ce n'est mieux par des voies infor-
melles. 40 Comment se présentent-elles?
O n peut penser d'abord aux accords verbaux; ceux-ci étant
par nature dénués de toute forme. Ils sont fréquents entre les
40. Schneider, op. cit., p. 113. De même la coopération entre l'O.A.C.I. et
la G.E.C.A. a été établie non sur la base d'un accord formel mais grâce à des
résolutions parallèles. Cf. R. H. Mankiewicz, chronique sur l'O.A.C.I. in
Annuaire français de Droit international, 1957, p. 401.
522 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (66)

Secrétaires ou Directeurs généraux, étant donnée leur incom-


parable souplesse. Cependant, ils sont souvent confirmés par des
échanges de notes et deviennent ainsi des accords formels.
D'autres fois, ils sont seulement indiqués dans les rapports de
ces hauts fonctionnaires. Ils constituent alors de véritables accords
informels. Ceux-ci résultent également soit de réglementations
parallèles adoptées séparément par chaque organisation, soit
d'engagements unilatéraux.
Dès l'instant que l'on considère comme accords informels tous
ceux qui ne s'expriment pas dans les formes des traités, on peut
en déceler dans de nombreuses situations qui semblent reposer
sur l'acceptation expresse ou tacite d'une offre, quelle que puisse
être la forme de celle-ci.
C'est pourquoi on a proposé de voir un véritable accord dans
l'adhésion d'un Etat à la recommandation d'une organisation
internationale. Cette manière de voir paraît discutable: la
recommandation est un acte qui ne présente pas toujours la
même valeur; celle-ci varie avec les statuts des organisations et
les destinataires des recommandations. 4 1 Entre organisations, la
recommandation adressée par l'une à une autre est certes dépour-
vue de force obligatoire, mais l'acceptation de son destinataire
n'engendre pas un accord qui ne pourrait plus être modifié que
par un nouveau mutuus consensus des intéressés. Comme on l'a
justement écrit: « l'approbation ne peut modifier la compétence
de celui qui la donne, elle ne le lie que dans la mesure où il
s'oblige lui-même par ses propres résolutions. Dans le cas où il
était recommandé au destinataire de prendre une mesure déter-
minée, la décision prise aura la même valeur juridique que si
elle avait été spontanée ».4a Le rapport de droit ainsi établi ne
relève certainement pas du droit conventionnel; mais les réso-
lutions parallèles ou unilatérales ont-elles valeur d'engagement
chez les autorités qui les prennent?

41. M. Virally, La valeur juridique des recommandations, Annuaire


français de Droit international, 1956, p. 70.
42. Eod. loc., p. 77, à rapprocher de la p. 93.
(67) LES TECHNIQUES FORMELLES 523

A. Les r é s o l u t i o n s p a r a l l è l e s

Elles sont prises après consultations mutuelles. Celles-ci peu-


vent être menées soit à l'occasion d'une rencontre épîsodique de
délégations, soit à l'intérieur d'organes mixtes. Elles peuvent
intervenir entre organisations les plus diverses. Ainsi les relations
entre l'O.I.T. et l'O.E.C.E. se sont développées sans conclusion
d'un accord formel, grâce à des décisions prises tant par le
Conseil des Ministres de l'organisation européenne que par le
Conseil d'administration de l'organisation internationale du
Travail. 4 3 L'entente entre l'O.E.C.E. et le Conseil de l'Europe
résulte de rapports élaborés par certains organes et approuvés
respectivement par les échelons ministériels de chaque organi-
sation. O n peut également citer le système original utilisé pour
jeter les bases des rapports du Conseil de l'Europe et de la
C.E.C.A.: on se trouve en présence non de deux décisions prises
par chaque organisation, mais d'une part, d'un Protocole conclu
entre les six Etats-membres de la Communauté et d'autre part,
d'une résolution du Comité des Ministres qui en prend acte.
Enfin, il faut rappeler la technique des arrêtés intercommunau-
taires réglant les questions financières posées aux trois Commu-
nautés par l'existence d'organes communs. L'article 6 de la
Convention relative aux Institutions communes dispose, dans
son alinéa 2, que les modalités pratiques de répartition égale des
dépenses communes entre les trois Communautés « seront arrêtées
d'un accord commun par les autorités compétentes de chaque
Communauté » Ainsi sont élaborés des arrêtés émanant conjointe-
ment des autorités budgétaires des trois institutions. 44
La valeur juridique des résolutions parallèles est discutée.
Certains auteurs estiment que l'engagement est essentiellement
précaire, « car chacun des organes homologues restant « souve-
rain » dans l'exercice de sa compétence peut valablement — on
ne dit pas correctement, au point de vue diplomatique — modi-
fier sa décision antérieure >>.46 D'autres pensent que si normale-

43. Jenks, Cours La Haye précité, 248.


44. J.O. des Communautés, 1959, p. 1197.
45. De Soto, Communication au congrès d'études sur Ia C.E.C.A., Actes
off., vol. III, p. 208.
524 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (68)

ment une organisation conserve la faculté de modifier ou d'abro-


ger une résolution antérieure, cette liberté prend fin lorsque deux
organisations ont adopté des résolutions parallèles après une
consultation réciproque. On se trouve alors en présence d'un
véritable accord et le principe de la bonne foi exige qu'aucune
des institutions ne revise sa résolution sinon avec le consentement
de l'autre. 4 6
De ces deux thèses, la seconde est préférable, compte-tenu de
l'idée de base sur laquelle reposent les relations entre organi-
sations, à savoir: la recherche d'un intérêt plus vaste que celui
que leurs statuts respectifs leur assignent. Les organisations
reposent sur l'idée de service public* 7 et ne devraient pas prati-
quer un exclusivisme analogue à celui que les Etats puisent dans
leur souveraineté. Cependant, la valeur juridique certaine des
résolutions parallèles doit voir sa portée précisée, semble-t-il, à
la lumière d'une distinction.
Une première catégorie d'actes de ce genre ne constitue pas
des engagements originaux, mais ne sont que des mesures
d'exécution d'accords formels antérieurs. Dans ces conditions, ils
doivent être obligatoirement pris par les organisations signataires,
lesquelles ne sauraient les modifier unilatéralement sans violer
leurs obligations conventionnelles. Cela n'a pas toujours été vu.
On a ainsi contesté que les conclusions adoptées par un organe
mixte comme le Comité de Coordination, groupant le Secrétaire
général des Nations Unies et les directeurs des institutions
spécialisées, constituent des accords informels et l'on a soutenu
qu'étant prises sur le plan institutionnel, elles sont une décision
collective. Cette explication n'est que partiellement exacte.
Certes, les mesures de coordination adoptées dans le Comité, le
sont dans un organe institutionnalisé dans le système des Nations
Unies, mais elles sont exécutées, dans chaque institution, par le
moyen de décisions parallèles. 48 Or, celles-ci sont adoptées pour
mettre en œuvre les accords conclus entre les Nations Unies et

46. Schneider, op. cit., p. 33.


47. Ch. Chaumont, Perspectives d'une théorie du service public à l'usage
du droit international contemporain, in La technique et les principes du
droit public, Études en l'konneur de Georges Scelle, t. 1, p. 122.
48. Jcnks, Cours précité, p. 290.
(69) LES TECHNIQUES FORMELLES 525

les institutions spécialisées; ce sont ces accords qui ont créé les
obligations qui s'imposent à ces dernières et non un organe mixte
de coordination institué pour rendre plus complète et plus
efficace l'application des accords. Les résolutions parallèles, dans
ce cas, ne sont ni l'exécution des décisions d'un organe, ni celles
d'un accord conclu dans son sein; elles constituent la fixation
par chaque organisation des modalités d'application de ces
accords principaux, compte tenu des solutions pratiques adop-
tées en commun dans un organe mixte.
Si la valeur obligatoire des résolutions parallèles adoptées sur
le fondement d'un accord formel préalable n'est pas douteuse,
celle de la deuxième catégorie, composée des résolutions consti-
tuant des actes originaires, non précédés d'un accord formel, ne
peut résulter que du jeu du principe général de la bonne foi.
Chaque résolution apparaît, encore en définitive, comme la
confirmation d'un accord antérieur, mais d'un accord informel,
d'un accord verbal. C'est le même principe qui doit s'appliquer
aux engagements unilatéraux.

B. Les e n g a g e m e n t s unilatéraux
Il faut bien voir de quoi il s'agit. Bien des engagements sont
souscrits unilatéralement par des organisations dans des décisions
qui ont préalablement été sollicitées par d'autres. Dans cette
hypothèse on se trouve en réalité en présence d'un accord bila-
téral, mais informel et constaté, soit dans deux documents, l'un
exprimant un souhait qui constitue une offre, l'autre une réso-
lution qui y répond, soit dans un seul acte, si la proposition qui
l'a suscité avait été formulée verbalement. Peuvent se réaliser
ainsi de véritables contrats comme le prêt que l'Assemblée
générale des Nations Unies accepte de consentir à la F.A.O., en
réponse à une demande expresse de celle-ci. 49 De même, il est
possible ainsi, de convenir de la réglementation d'une procédure,
un memorandum de l'O.I.T. ayant proposé d'instituer une
commission d'investigation à laquelle l'O.N.U. devrait renvoyer
les plaintes en matière de libertés syndicales émanant de membres
communs aux deux organisations, le Conseil économique et
49. Cf. Kasmc, op. cit., p. 159.
526 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (70)

social adopta cette offre par une résolution. 50 De telles opérations


ne constituent pas de véritables engagements unilatéraux: si
deux documents constatent respectivement l'offre d'une organi-
sation et l'agrément de l'autre, on se trouve en présence de deux
actes parallèles, mais de sens contraires qui engendrent un accord
informel lequel doit être dominé par le principe de bonne foi.61
U n engagement unilatéral parfait supposerait qu'une organi-
sation s'engage vis-à-vis d'une autre sans avoir été sollicitée.
Mais faut-il s'en tenir à une notion aussi rigoureuse? Lorsque la
proposition qui l'a déterminée a été faite verbalement et qu'ainsi
un seul document révèle la décision de l'organisation qui l'ac-
cepte ne peut-on assimiler ce cas à un engagement unilatéral?
Cette hypothèse est cependant la plus plausible car il est assez
exceptionnel, qu'une organisation agisse de cette sorte, sans y
avoir été invitée. Il en est de même entre Etats et des actes
unilatéraux comme la reconnaissance où la renonciation à un
droit, répondent en pratique à une proposition, au moins tacite.
On parlera à ce propos d'actes unilatéraux car on se trouvera
dans chaque cas, en face d'un seul acte formel.
La valeur juridique de déclarations unilatérales a été appréciée
par la Cour permanente de Justice internationale dans son arrêt
du 5 avril 1933 (Affaire du Groenland oriental). Il s'agissait
d'interpréter « la déclaration Ihlen » faite par le Ministre des
Affaires étrangères de Norvège, affirmant que les projets danois
sur ce territoire ne rencontreraient aucune opposition de la part
de la Norvège. La Cour a estimé qu'un tel acte liait juridique-
ment la Norvège.
Un problème très voisin s'est posé dans les rapports de la
C.E.C.A. et du G.A.T.T. Ils n'ont pas été réglés par un accord
formel, mais par un acte d'un seul organisme, une décision prise
par les Parties contractantes du G.A.T.T. Les relations de la
C.E.C.A. avec l'O.E.C.E. ont un caractère analogue; la portée
50. E/1566.
51. Le transfert des avoirs et fonctions de la S.D.N. à l'O.N.U. fut réalisé
par deux résolutions de ce genre mais avec cette singularité que ce fut d'abord
l'Assemblée générale qui le 12 fév. 1946 adopta une résolution par laquelle les
Nations Unies se déclaraient disposées notamment à prendre les avoirs de la
Société. Celle-ci, en Avril suivant, prit des résolutions prévoyant ce transfert
conformément aux termes de celles de l'Assemblée générale.
(71) LES TECHNIQUES FORMELLES 527

de ces mesures unilatérales a donné lieu à certaines confusions,


notamment entre la C.E.C.A. et les membres du G.A.T.T., il
faut noter dès maintenant que les six pays membres de la Com-
munauté sont également membres de l'association créée par
l'Accord du G.A.T.T. et que dès lors, l'acte unilatéral s'analyse
en une autorisation, que les participants à un accord général
accordent à un groupe plus restreint d'entre eux, de déroger à
certaines règles du statut commun. Ces rapports se situent donc
à l'intérieur d'un ordre juridique préétabli. Mais ils posent plu-
sieurs et importants problèmes de fond qui ne peuvent être
utilement examinés que si, quittant le plan descriptif des tech-
niques, nous accédons à celui des normes relationnelles.
DEUXIÈME PARTIE

LES N O R M E S R E L A T I O N N E L L E S

UELLES sont les règles qui commandent les relations entre

Q les organisations? Les rapports interétatiques sont domi-


nés par le principe de la souveraineté qui s'exprime dans
l'exercice des compétences gouvernementales, personnelles et
territoriales par les Etats, traditionnellement considérés comme
les personnes morales les plus parfaites du droit des Gens. Celui-ci
leur laisse librement choisir les agents juridiques qui seront com-
pétents pour les engager internationalement et les Etats, placés
juridiquement sur un pied d'égalité, se relient les uns aux autres
volontairement et décident eux-mêmes des limitations de com-
pétences à se consentir mutuellement. L a supériorité du droit
international par rapport aux Etats ne se situe en principe que
sur le plan normatif, et aucun appareil institutionnel super-
étatique ne vient la doubler sur le plan organique et fonctionnel.
Il n'en est autrement que si, poussé par la nécessité ou la soli-
darité, les gouvernements conviennent de se rapprocher, sinon de
s'unir, dans des structures communes, passant ainsi en certaines
matières, d'un plan purement relationnel à un plan institution-
nel. Les organisations, dans leurs rapports réciproques, ne partent
pas du même point que les Etats: elles n'ont pas la souveraineté,
notion historico-juridique qui n'a cessé de retarder l'institutionali-
sation du droit des Gens; pour autant, pas plus que les Etats
n'ont érigé un super-pouvoir qui conditionnerait toutes leurs
activités, les organisations ne sont couvertes par une .super-
institution. L'Organisation des Nations Unies qui ne remplit à
l'égard de ses membres que les fonctions prévues par la Charte,
n'exerce pas de pouvoir hiérarchique à l'encontre des autres
organisations. Nous venons de voir l'importance des accords
formels ou informels dans le droit interorganisationnel; elle
prouve que, dans l'ordre international, le phénomène relationnel,
(73) LA REPRÉSENTATIVITÉ 529
générateur d'un droit de coordination, est irréductible et ne
cède qu'exceptionnellement devant l'apparition de techniques de
subordination. Celles-ci cependant ne sont pas tout à fait exclues
des relations entre les organisations.
Ainsi se dégagent deux ordres de problèmes. Il faut d'abord
rechercher quel est, dans les relations extérieures, le degré
d'autonomie de l'organisation à l'égard des Etats qui l'ont créée;
chacune étant une association d'Etats, représentés par les or-
ganes de celle-ci, quelle est la portée de cette représentativité?
La seconde question est celle de l'autonomie de chaque
organisation à l'égard des autres : les rapports entre elles s'ordon-
nent-ils suivant une norme d'indépendance ou de subordination?

CHAPITRE 1

LA R E P R É S E N T A T I V I T É DES O R G A N I S A T I O N S

A situation d'une organisation par rapport aux Etats-

L membres ne relève pas seulement d'un, examen de la


structure et du fonctionnement interne de celle-ci. Il
retentit sur les compétences internationales de l'institution, en
soulevant deux séries de questions,
1) Une organisation constitue-t-elle un faisceau de moyens
en personnel, matériel et possibilités d'action juridique distinct
de ceux des Etats qui la composent ou n'est-elle qu'un simple
cadre ouvert à la collaboration de ceux-ci, ce qui, dans cette
seconde hypothèse, signifierait qu'en dépit de la création de
l'institution, ce serait encore eux qui continueraient à assurer
l'ordre international et non elle.
2) Si l'organisation a une personnalité juridique propre, celle-ci
donne-t-elle aux organes agissant dans le cadre de leurs compé-
tences une autonomie de comportement?
La première question est celle de la personnalité morale. C'est
une notion très controversée. Notons le tout de suite: nous ne
retiendrons le mot que pour sa commodité. Lorsque le droit
positif confie à des individus certaines compétences pour leur
530 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (74)
permettre d'agir dans les buts qu'il leur assigne, avec certains
moyens, ils forment ainsi une entité que est censée être une per-
sonne juridique. Pour autant les capacités attribuées aux organes
peuvent être très différentes en nombre et en nature, si bien que,
contrairement à ce que l'on croit parfois, il ne saurait y avoir
une personnalité toujours identique; au contraire, son contenu
variera selon les statuts ou chartes de bases.
La deuxième question met en cause ce que nous appellerons
l'opacité de la personnalité morale. Il s'agit de savoir si, en dépit
de sa personnalité juridique l'organisation demeure dans ses
relations avec les autres, juridiquement autonome. Certes, étant
composée d'Etats-membres, il est inévitable que ceux-ci animent
du dedans son activité extérieure. Mais en constituant l'organi-
sation, les Etats lui ont transféré des compétences. Ce transfert
va-t-il jusqu'à permettre à l'organisation de représenter dans
l'ordre international les Etats-membres? La personnalité inter-
nationale de l'organisation cache-t-elle celle de ces Etats?
Or, il apparaît que si la personnalité des organisations est à
contenu variable, son opacité n'est pas toujours la même.

SECTION I. PERSONNALITÉ JURIDIQUE À CONTENU VARIABLE

Cette formule peut surprendre: la personnalité qui fait d'une


entité un sujet de droit n'est-elle pas toujours égale à elle-même?
Si l'on a pu parfois le penser, c'est parce que l'on a raisonné à
partir du monopole qui fut pratiquement celui des Etats. Il y
eut toujours, certes, d'autres sujets de droit international, mais
à titre tout à fait exceptionnel et, comme pour le Vatican, on
s'efforçait de les justifier par une extension des caractères de
l'Etat aux autres personnes du droit public international. Lors-
qu'apparurent les organisations internationales, on commença
par leur nier cette qualité; puis lorsque le développement de
leurs relations avec des Etats et d'autres organisations démontra
qu'il était impossible de persévérer dans cette position doctrinale,
certains en vinrent à penser qu'elles étaient de nouveaux sujets
de droit international, disposant d'une personnalité analogue à
celle des Etats. Ces deux manières de voir étaient également
erronées. Ce n'est pas par référence à l'Etat qu'il faut poser la
(75) LA REPRÉSENTATIVITÉ 531

personnalité des organisations. D'une part, en effet, les Etats ne


sont pas les seuls à détenir des compétences dans l'ordre inter-
national, et, d'autre part, les compétences qui sont dévolues à
des agents juridiques par le droit positif sont de nature et de
volumes divers.
L a première assertion ne demande pas à être démontrée: tous
les développements qui précèdent montrent l'importance de
l'activité juridique des organisations sur le plan international:
conclusion d'accords, envoi de représentations paradiplomatiques,
rapports structurels, et c'est bien cet ensemble de faits qui
prouvent du même coup la personnalité internationale des orga-
nisations. O n ne peut, en effet, déterminer à priori les sujets du
droit international. La notion de personnalité est équivoque
parce qu'elle laisse à penser que s'y rattachent tous les droits et
obligations que le droit des gens reconnaît aux Etats. O r les
Etats eux-mêmes, en dépit du principe d'égalité, peuvent consentir
à d'autres Etats certains abandons de compétences sans pour
autant perdre leur qualité de sujets du droit international. Autre-
ment dit, la personnalité n'implique pas la jouissance de tel ou
tel droit déterminé. Comme l'écrit Hans Kelsen : « L a person-
nalité internationale de l'Etat signifie seulement que le droit
international impose des obligations et confère des droits aux
Etats, ou plus exactement à des individus en leur qualité d'orga-
nes étatiques . . . La notion de personnalité juridique a un carac-
tère purement formel. Du fait que l'Etat possède une personna-
lité internationale, il n'est pas possible de déduire qu'il a certains
droits particuliers . . . »-1 Dans ces conditions, si au Heu de consi-
dérer un phénomène primaire comme l'Etat, on envisage les
organisations, on se rend compte que l'on ne peut tirer nulle
conséquence d'une personnalité affirmée à l'avance. Même si
les textes la proclament, — ce qui d'ailleurs n'est pas le plus
fréquent — il se peut que ne soient visés que des rapports de droit
privé (faculté d'acheter, d'engager du personnel sur le territoire
de l'Etat de siège), et le problème reste entier en ce qui concerne
les prérogatives de droit public. Dès lors, deux démarches s'avè-

1. H. Kelsen, Théorie du Droit international public, R.C.A.D.I., 1953, III,


t. 84, p. 101.
532 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (76)

rent possibles: ou bien, ce qui serait le plus sûr au point de vue


scientifique, abandonner purement et simplement, la notion de
personnalité de droit des gens et dire: lorsque le droit reconnaît
la nécessité de satisfaire certains besoins internationalement res-
sentis, il attribue des pouvoirs juridiques à des agents chargés
de faire fonctionner le service public adéquat, 8 ou bien ne conser-
ver l'expression de personnalité que pour sa commodité mais en
sachant qu'elle ne désigne rien d'autres que ces capacités ainsi
confiées à des agents internationaux, et que ce n'est pas la per-
sonnalité, qui par elle-même confère des capacités, mais qu'au
contraire, celles-ci sont la condition de la personnalité. 3
Il faut donc rechercher dans les traités de base créant les
institutions les capacités à elles dévolues, pour en conclure à
l'existence d'un ensemble de pouvoirs juridiques conférés à cer-
taines personnes physiques dans une certaine finalité, ou, pour
parler plus vite, à l'existence d'une personnalité juridique.
Ainsi, peut-on constater, une fois de plus, en droit international
un fait incontestable, familier, dans l'ordre de la philosophie,
aux doctrines existentialistes: l'existence précède l'essence. De
même que seule 1'efíectivité de l'exercice de certaines compéten-
ces par des gouvernants sur une population répartie sur un
territoire autorise la reconnaissance de la qualité d'Etat à cet
ensemble, de même la capacité réelle, concrète, dont une organi-
sation est investie par un traité, est la mesure de sa personnalité.
C'est ce qu'a admis la Cour internationale de Justice dans son
célèbre Avis sur la réparation des dommages subis au service des
Nations Unies:* « Les sujets de droit dans un système juridique
ne sont pas nécessairement indentiques quant à leur nature ou
à l'étendue de leurs droits », et leur nature dépend des besoins de
l'organisation.
Comment apprécier ces besoins? Si l'on se rapporte aux statuts
des quelques 150 organisations intergouvernementales, on mesure
la diversité des dévolutions de compétences que leur ont consen-
ties leurs créateurs. Ceux-ci étant en principe les Etats, on en
2. Ghaumont, article précité, p. 141.
3. Sic R. Monaco, Actes officiels du congrès d'études sur la C.E.C.A., vol. III,
p. 287.
4. Recueil 1949, p. 177.
(77) LA REPRÉSENTATIVITÉ 533

conclut que la personnalité des organisations est secondaire, ce


qui suppose que l'on prend pour référence toujours l'Etat. l i e s t
certain que les gouvernements étatiques ne transfèrent à une
organisation qu'un nombre particulier et d'ailleurs variable, selon
les cas, de pouvoirs. Cela tient à ce qu'ils ne consentent à cette
attribution de compétences que pressés par le besoin; or, celui-ci
est par définition, d'un caractère particulier: besoin d'ordre
économique, social, sanitaire, culturel . . . et même lorsqu'il est
de nature politique, les Etats créateurs ne s'aliènent pas totale-
ment, il s'en faut de beaucoup, à l'institution ce qui aboutirait,
par un dépouillement intégral de leurs compétences, à une véri-
table fusion dans une entité d'absorption. Ils ne reconnaissent
aux organes sociétaires que des pouvoirs déterminés dans cer-
taines hypothèses. C'est ce que l'on appelle la règle de la spécia-
lité, norme qui commande la capacité juridique des personnes
morales en droit interne et international. Elle a pour consé-
quence l'impossibilité juridique pour les organes d'agir dans des
buts autres que ceux qui lui ont été assignés. Cependant, la
limitation de pouvoir qui en résulte est en pratique corrigée
dans une certaine mesure par la nécessité de ne pas freiner, par
une interprétation trop littérale des textes de base, l'exercice de
ses fonctions par l'organisation. Il faut qu'en dépit de la spéci-
alité posée dans ses statuts, elle puisse fonctionner utilement.
Ainsi la règle de la spécialité se trouve-t-elle conjuguée avec
celle de l'effet utile pour conférer aux institutions internationales,
une compétence fonctionnelle.

A. La spécialité dans l'ordre des relations extérieures.

Il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas d'un principe de


réduction, mais de spécialisation des compétences: la compétence
reconnue est intégrale mais son exercice est canalisé dans une
finalité particulière. Ainsi, les organisations concluent des accords,
mais, comme le dit Sir Gerald Fitzmaurice, elles ne jouissent de
cette faculté « qu'à l'égard des questions relevant de leurs attri-
butions et de leur compétence; elles sont soumises aux limitations
résultant de leur constitution ». La Cour permanente de Justice
internationale avait posé ce principe dans un de ses Avis consul-
534 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (78)

tatifs: « Comme la Commission européenne du Danube n'est pas


un Etat, mais une institution internationale pourvue d'un objet
spécial, elle n'a que les attributions que lui confère le statut
définitif pour lui permettre de remplir son objet; mais elle a
compétence pour exercer ces fonctions dans leur plénitude, pour
autant que le statut ne lui impose pas de restrictions ». Cette
norme se retrouve consacrée par des textes de droit positif.
L'article 6 du Traité de la Communauté du Charbon et de
l'Acier dispose: «dans les relations internationales, la Commu-
nauté jouit de la capacité juridique nécessaire pour exercer ses
fonctions et atteindre ses buts ». O n trouverait des formules ana-
logues dans les chartes d'autres organisations. 6 Ainsi lorsque
les textes déclarent, comme l'article 6 du Traité de la C.E.C.A.
ou l'article 210 de celui sur la Communauté européenne, que
l'organisation a la personnalité, cela ne signifie pas que lui est
attribuée une personnalité de droit international identique à
celle des Etats, mais qu'elle est titulaire de capacités déterminées
par la réalisation des objectifs des organisations envisagées. Ainsi
s'explique la relativité de la notion de personnalité, centrée sur
celle de capacité spécialisée. On voit des organisations qui
n'ayant aucune de ces capacités, comme l'O.T.A.N., n'ont pas
de personnalité, d'autres qui en ont une aux contours bien déter-
minés, d'autres qui ont une personnalité à représentativité vari-
able. Ce dernier point est très remarquable. L'article 14 de la
Convention instituant l'O.E.G.E. dispose: «Dès lors, qu'un
membre déclare n'être pas intéressé à une question, son obstacle
ne fait pas obstacle aux décisions qui sont obligatoires pour les
autres membres. » Le Conseil de l'Europe a adopté un système
analogue dans une résolution relative aux accords partiels. 6
Dans l'ordre des relations extérieures, la règle de la spécialité
interdit donc aux organisations de passer des accords qui abouti-
raient à modifier leurs compétences. Il en résulte que la spécialité
entraîne la nécessité d'une revision de la charte de base pour
conclure de telles conventions. Le problème de la constitutionalité
5. Organisation internationale du Commerce, art. 89 du Traité (non
ratifié) la prévoyant. Art. 111, al. 3 du statut de l'Office central des Trans-
ports intereuropéens, art. 15 de la Constitution de la F.A.O.
6. P. Reuter, Cours d'organisations européennes, 1959-60, p. 130 et siûv.
(79) LA REPRÉSENTATIVITÉ 535

des traités se pose à l'égard des Etats; il a donné lieu à d'impor-


tantes controverses au moment de la discussion en France du
projet de la G.E.D. Pour la doctrine moniste avec primauté du
droit international, un traité entraîne ipto facto, la réforme des
textes constitutionnels internes qui lui seraient contraires. Pour
ceux qui professent au contraire la primauté du droit interne,
il faudrait au préalable opérer une revision constitutionnelle
dans les formes régulièrement prévues avant de conclure le traité.
Cette dernière manière de voir, bien que fort criticable, est évi-
demment celle qui séduit les tenants de la souveraineté de l'Etat;
elle exerce un attrait semblable dans les organisations. O n peut
citer notamment l'article 228 du Traité sur la C.E.E. qui prévoit
qu'en présence d'un accord dont la consti tutîonnalité est dou-
teuse, il faudra recueillir avant sa conclusion, l'avis de la Cour
de Justice des Communautés sur sa compatibilité avec la charte
constitutive. En cas d'avis négatif, l'accord envisagé ne pourra
être mis en vigueur sans une modification préablable de cette
charte. De même l'article 10 du Traité instituant le Fonds moné-
taire international impose la nécessité d'un amendement si un
accord conclu avec une organisation modifie la convention de
base. Parfois, cependant, les statuts prévoient une réserve d'ex-
pansion de compétence, et admettent une forme souple de revi-
sion, comme l'article 4 de la Constitution de la F.A.O. selon
lequel la conférence peut, par un vote des 2/3, accepter des fonc-
tions nouvelles compatibles avec les buts de l'organisation. Les
chartes ne font pas toujours de telles prévisions. La vie juridique
des organisations n'est pas pour autant contrariée : le dynamisme
des rapports internationaux entraîne le dépassement du principe
de spécialité.

B. Le principe de l'effet utile vient corriger ce que la spécialité


pourrait avoir de fossilisateur. Dans un rapport à l'Institut de
droit international, Sir Hercht Lauterpacht examinant le pro-
blème de l'interprétation des traités, écrit que les traités doivent
être interprétés de façon à déployer leurs effets utiles et à remplir
leur objet. 7 L'avis de la C.I.J. sur les réparations a appliqué
7. H. Lauterpacht, L'interprétation des traités, Rapport pour l'Institut de
Droit international, Annuaires 1950 et 1952.
536 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (80)

cette conception de la spécialité tempérée par larègledel'effetutile.


« O n doit admettre que ses membres (de l'O.N.U.), en lui assig-
nant certaines fonctions avec les devoirs et les responsabilités qui
les accompagnent, l'ont revêtue de la compétence nécessaire pour
lui permettre de s'acquitter définitivement de ses fonctions . . .
Selon le droit international, l'organisation doit être considérée
comme possédant ces pouvoirs qui, s'ils, ne sont pas expressément
énoncés dans la Charte, sont par une conséquence nécessaire,
conférés à l'organisation en tant qu'essentiels à l'exercice des
fonctions de celle-ci . . . » De cette dialectique de la spécialité et
de réflectivité se dégage la notion de compétence fonctionnelle.
Celle-ci se fonde sur l'idée de pouvoirs implicites. Au plan des
rapports extérieurs, on en conclut que les organisations jouissant
d'un minimum de compétences essentielles qui, pour le domaine
plus précis de leurs relations avec d'autres organisations, suppose
un certain droit de représentation active et passive et celui de
conclure des accords. Nous avons vu l'étendue des pratiques qui
leur permettent d'exercer l'un et l'autre. Or, toutes n'ont pas
été autorisées expressément par les conventions constitutives. Lors
même que certaines l'ont été, d'autres se sont établies empiri-
quement, comme celles qui témoignent du développement des
accords en procédure sommaire et de l'essor du rôle des secré-
taires généraux. Le mouvement d'expansion a ainsi touché à la
fois le fonds des compétences et les organes qui les exercent.
O n estime ainsi que le pouvoir de traiter des organisations
n'a pas besoin d'être expressément autorisé par des dispositions
constitutionnelles, mais repose sur la notion de « pouvoirs im-
plicites » nécessaires à leur fonctionnement. Monsier Reuter écrit
ainsi « quand une organisation a un minimum d'autonomie et
unevocation assez stable et assez large pourprétendre à une action
propre, il est normal de considérer, sauf stipulation contraire
clairement exprimée par ses fondateurs, que ces derniers ont
voulu l'habiliter à prendre part à la vie internationale». 8
Certains auteurs l'ont nié et Mr. Wengler 9 de citer des organi-

8. Reuter, La Communauté européenne du Charbon et de VAcier, p. 118.


9. Communication au congrès d'études sur Ia C.E.C.A., Actes off., vol. III,
p. 73.
(81) LA REPRÉSENTATIVITÉ 537

sations comme « la croix rouge internationale et certains grands


cartels industriels nationaux qui agissent en tant que facteurs
sociologiques dans la vie internationale sans détenir pour autant
la capacité de conclure des traités de droit international public ».
Mais l'objection ne semble pas convaincante car les exemples
cités sont ceux d'organismes non gouvernementaux auxquels font
naturellement défaut les compétences de droit public. Pour con-
clure un traité il faut être un agent public. Le droit positif peut
d'ailleurs, à titre exceptionnel et sous certaines conditions consen-
tir certaines prérogatives de droit public à des agents privés.
Pour des organisations gouvernementales, c'est la règle.
U n fait est certain: les articles des diverses chartes constitutives
sur la capacité de traiter des organisations ne sont pas suffisantes
pour couvrir tous les accords mutuels instituant des activités
jointes, des prêts, etc. Si l'activité des organisations est ainsi
justifiée par la règle de l'effet utile dans le silence des textes, elle
doit l'être tout autant lorsqu'ils prévoient les rapports à nouer
avec d'autres: la liste des partenaires ainsi dressée ne saurait être
limitative; les articles 93 et 94 du Traité sur la C.E.C.A. impo-
sent à la Haute Autorité d'établir tout contact utile avec
l'O.E.C.E., les Nations Unies et le Conseil de l'Europe. Cepen-
dant, la notion de capacité fonctionnelle est un fondement
suffisant à la liaison éventuelle, par accord formel ou non, avec
d'autres organisations.
Il reste qu'une limite doit malgré tout être maintenue à celle de
la constitutionalité des accords conclus. Quel critère adopter?
Trois théories semblent se dégager de la doctrine. L'une impose
une limite fonctionnelle, ainsi la conclusion par l'O.N.U. d'un
accord qui lui ferait accepter des fonctions nouvelles nécessiterait
un amendement de la Charte : Conception excessivement restric-
tive, démentie d'ailleurs par la pratique. On sait par exemple,
que l'O.N.U. a hérité de la S.D.N. diverses fonctions que celle-ci
tenait de conventions particulières. Est-ce-à-dire, comme le pen-
sent certains que, dès l'instant que la finalité générale imposée
par la Charte de base est respectée, tous les accords peuvent être
conclus? L'admettre serait s'engager en une voie singulièrement
dynamique. Entre ces deux solutions extrêmes, il semble que la
538 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (82)
mesure de la constitutionnalité des accords (comme d'ailleurs
celle des décisions internes) appelle des affirmations plus nuancées.
1)11 faut tenir compte tout d'abord des considérations d'ordre
formel: certaines organisations ont une constitution rigide, d'au-
tres connaissent un système plus souple, l'organisation pouvant
revenir elle-même sur les dispositions du traité de base.
On peut à cet égard opposer les traités précis et les traités
cadres, 10 en prenant pour références le traité de la CE.G.A. et
ceux de Rome instituant l'Euratom et le Marché commun. Le
premier, portant sur des domaines limités, posent des règles assez
détaillées.. O n a parfois conclu que la Communauté n'exerce
qu'une autorité de nature réglementaire et non législative. Dans
son rapport au Congrès de Stresa, le professeur Paul de Visscher
a développé ce point de vue selon lequel les pouvoirs de la Com-
munauté sont d'attribution. Ainsi, elle ne pourrait conclure
d'accords internationaux autres que ceux d'un caractère pure-
ment administratif, sauf dans les cas expressément prévus par le
Traité. 1 1 Pareille position suscita des critiques et on lui a re-
proché instamment de ne pas se montrer « absolument au fait
de la vie interne de la Communauté». 1 3 Quoiqu'il en soit, les
Traités de Rome attribuent à la C.E.E. et à l'Euratom un véri-
table pouvoir législatif, compte tenu non seulement des pouvoirs
reconnus au Conseil des ministres, mais également de nombreuses
questions qu'ils laissent à la compétence des deux communautés.
Celles-ci reposent sur des Traités qui ont eux-mêmes prévus
qu'ils seraient complétés ou modifiés non par la voie convention-
nelle nécessitant un nouveau Traité, mais par la décision unanime
d'un organe, le Conseil.
L'article 203 du Traité sur l'Euratom dispose: « Si une action
de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser les objets
de la Communauté sans que le présent Traité ait prévu les
pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil statuant à l'una-
10. P. Reuter, Cours d'organisations européennes, 1958-59, p . 51-52.
11. Art. 52-2 p a r exemple, cf. le rapport d e M . d e Visscher, Actes Officiels
d u congrès d'études sur la C.E.C.A., vol. I I , p . 26.
12. De Soto, note sur le congrès de Stresa in Ann.fr. de Dr. int. 1957, p . 997.
Nous ne pouvons, d a n s le cadre imparti à cette étude, examiner tous les
aspects d e cette très importante question d e l'effet révisionniste susceptible
d e résulter du fonctionnement des organisations.
(83) LA REPRÉSENTATIVITÉ 539

nimité, sur proposition de la Commission, et après consultation


de l'Assemblée, prend les dispositions nécessaires». Ainsi se trouve
nettement prévu, dans un traité-cadre, une mise en œuvre du
principe de l'effet utile commandé par la nécessité du but statu-
taire à atteindre même en assumant des fonctions nouvelles.
Cependant, il n'en est ainsi qu'à raison du fait que les Etats
membres se déterminent à l'unanimité. Ce qui fait apparaître
une considération supplémentaire.
2) U n accord conclu par une organisation ne doit pas mettre
à la charge des Etats-membres des obligations que l'exercice
normal de ses compétences ne pourrait leur imposer. 13 Cette
seconde règle d'interprétation vient compléter la précédente.
Lorsque la conclusion des accords ne nécessite pas l'intervention
d'organes se déterminant à l'unanimité ou qu'elle s'opère par
l'entremise d'organes administratifs, l'application de ce principe
impose soit que les accords qui entraîneraient indirectement des
charges soient inopposables aux Etats membres de la minorité,
(c'est le système de la personnalité à contenu variable pour une
même organisation), soit l'inconstitutionnalité de ces accords.
Il est vrai qu'une véritable présomption de conformité résulte
du fait de l'acceptation tacite des Etats. Ainsi l'O.N.U. permet,
dans ses accords avec les institutions spécialisées aux fonction-
naires de celles-ci d'utiliser le laissez-passer des Nations Unies.
Les membres des Nations Unies qui n'ont pas adhéré à la conven-
tion sur les privilèges sont censé avoir tacitement accepté de
considérer cependant ces titres comme valables pour les agents
des institutions spécialisées.
Il y a lieu de se demander s'il n'existe pas deux sortes de
capacités de traiter pour les organisations. L'une, parallèle à la
compétence de celle-ci de prendre des mesures d'ordre intérieur,
mettrait en œuvre une activité administrative; l'autre aurait des
prolongements politiques et serait susceptible d'entraîner plus
ou moins directement pour les Etats membres des conséquences
sérieuses.
Il est incontestable qu'une organisation peut souscrire des obli-
gations même non explicitement prévues dans la charte, si elles
13. Sic Reuter, Lies organisations internationales, Cours 1954-55, p. 284.
540 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (84)

relèvent des compétences administratives internes et ne reten-


tissent pas sur les Etats membres pris individuellement. On cite
à cet égard, pour l'O.N.U. 1 4 les accords par lesquels cette organi-
sation a mis le Palais des Nations de Genève à la disposition de
certains Etats ou de certaines organisations pour leur permettre
d'y tenir des conférences ou l'accord sur l'échange d'informations
et de documents avec le Conseil de l'Europe.
La distinction envisagée entre les capacités n'est donc pas à
écarter mais il faut convenir qu'elle peut, dans certains cas li-
mites, se révéler d'un maniement malaisé. Certes dans des traités
conclus entre une organisation et des Etats, l'aspect politique
peut être facilement perceptible. Dans des accords avec une
autre organisation, il peut n'être pas toujours immédiatement
apparent. II n'est tout de même pas impossible de le déceler. Or
cette distinction entre les capacités est utilisable car de nom-
breuses organisations n'ont que des attributions administratives:
les institutions spécialisées sont du nombre, leur fonctionnement
n'a pas en principe un retentissement sérieux sur la situation
politique des Etats membres. D'autres, au contraire se sont vues
attribuées des compétences super-étatiques d'une telle envergure
qu'en dépit de leur spécialisation technique elles prennent des
décisions affectant la politique économique des membres: c'est
le cas des Communautés européennes.
Pour les premières, le problème de la conformité des accords
aux chartes de base ne revêtira bien souvent qu'un aspect essen-
tiellement formel. On a pu se demander si les accords de l'O.N.U.
avec la Banque et le Fonds d'une part et avec PA.I.E.A. d'autre
part étaient conformes à la Charte. On l'a contesté pour les
premiers qui font à la Banque des Règlements internationaux
et au Fonds monétaire international une situation plus indépen-
dante à l'égard des Nations Unies que celle reconnue aux insti-
tutions spécialisées et l'on a souligné que le second met l'Agence
internationale de l'Energie atomique dans une dépendance plus
grande.
La liberté d'allure de la Banque résulte notamment du fait,
que les Nations Unies s'engagent à ne lui adresser de recom-
14. Cf. l'ouvrage de Kasme précité, p. 70.
(85) LA REPRÉSENTATIVITÉ 541

mandations qu'après les avoir consultées et I'O.N.U. admet de


surcroît « qu'il serait de saine politique » qu'elle évite de faire des
recommandations au sujet des emprunts. Enfin, les autorités de
la Banque jouissent d'une autorité complète pour déterminer la
forme et le contenu du budget de l'institution.
L'ensemble de ces dispositions est contraire au moins partiel-
lement aux articles 17, 58, 60 et 62 de la Charte. Les discussions
ont été soumises à ce sujet ce qui prouve que pour être technique,
la matière n'en présentait pas moins un réel intérêt pour les
Etats membres. Les accords ont cependant été adoptés à une
forte majorité. Il n'empêche que, pour les Etats de la minorité, ils
conservent le droit d'invoquer la violation de la Charte par
l'organe qui a approuvé des accords et de s'appuyer sur l'article
103 de la Charte des Nations Unies pour justifier leur attitude.
L'accord avec l'A.I.E.A., semble méconnaître l'article 63 de
la Charte car il transmet à l'Assemblée générale, un certain
nombre de pouvoirs attribués au Conseil économique et social.
La non conformité de cet acte est d'ailleurs beaucoup plus
discutable encore que celle des accords avec la Banque des
Règlements internationaux et au Fonds monétaire international.
Il a d'ailleurs été adopté à l'unanimité.
Pour les organisations supranationales, le problème se com-
plique car on se trouve en présence d'un ordre juridique com-
munautaire qui prétend dominer les ordres juridiques des Etats
membres, si bien que ceux-ci ne conservent pas le droit d'appré-
cier différemment de l'organe compétent de la Communauté
la constitutionnalité des accords au regard du Traité de base. 15
On sait que la question s'est posée dans la C.E.C.A. à propos
de la discussion du plan Eden en mars 1952. Celui-ci avait une

15. Selon une doctrine, (Van der Goes van Naters, La révision des traités
supranationaux, in Nederlands Tijdschrift voor internationaal recht, 1959, p . 120)
les Etats membres auraient perdu leur droit de reviser le traité sur la C.E.C. A.
p a r un accord u n a n i m e qui ne respecterait pas la procédure d e l'art. 96.
La révision serait un acte c o m m u n a u t a i r e et ne relèverait plus de la compé-
tence interétatique des six gouvernements. C'est affirmer avec une netteté
rigoureuse la supériorité d u traité constitutif sur les ordres juridiques natio-
naux (contra Wengler, op. cit., p . 116). Cette conception est peut-être en
fait d'une rigidité qui risque d'être excessive tant aux yeux des Etats q u ' a u
regard d u dynamisme propre de l'organisation, lequel peut entraîner une
certaine évolution grâce à l'action des organes encore que ne soient pas
remplies les conditions de l'art. 96.
542 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (86)

signification essentiellement politique: il tendait à faire « coiffer »


les communautés nées ou à naître par le Conseil de l'Europe. Par
la proposition qu'il faisait d'envoyer des observateurs de ce der-
nier au droit de parole à l'Assemblée commune de la C.E.C.A.,
Ü voulait permettre à des représentants de pays non soumis aux
obligations du Marché commun du Charbon et de l'Acier de
critiquer une entreprise dont ils ne supporteraient pas les charges.
Devant l'ampleur de la réforme ainsi envisagée, le comité de
juristes à qui un avis avait été demandé sur la comptabilité du
projet avec le texte du Traité de Paris, conclut fort sagement à
la nécessité de réviser cette convention.
Dans des hypothèses moins nettes la conclusion d'accords im-
pliquant une interprétation extensive du Traité de base ne laissera
pas les Etats membres à l'écart: on sait que par application du
principe du parallélisme, le concours d'une autre institution,
notamment celle du Conseil spécial de ministres, est nécessaire
à la validité de l'accord dès l'instant que ce concours serait requis
pour la validité de la même décision dans l'ordre interne.
A la vérité ces problèmes font apparaître, derrière la person-
nalité morale de l'organisation, la permanence des Etats. C'est
ce phénomène qu'il faut examiner maintenant.
SECTION I I . L'AUTONOMIE DE L'ORGANISATION A L'ÉGARD DES ETATS

La notion de personnalité, dont nous avons dénoncé les équi-


voques, à tout de même un mérite: celui de faire apparaître
l'autonomie des intérêts de groupe pour la satisfaction desquels
des capacités sont attribuées à des agents juridiques.
Il n'est pas question ici de reprendre, même de loin, la théorie
générale des organisations internationales. Il suffit de rappeler
qu'une organisation n'est pas un cadre, ouvert aux discussions
des gouvernements et à la conclusion d'accords entre eux. Elle
a été dotée d'organes collectifs ou individuels, ces derniers
confinés en principe dans des tâches d'exécution qui peuvent
leur laisser d'assez larges prérogatives. Les organes collectifs eux-
mêmes ont une volonté propre et se différencient ainsi de la
simple conférence internationale. 16
16. Sur les différences entre la conférence et l'organe, cf. les pénétrantes
analyses de Ch. Chaumont, Les organisations internationales, Cours de l'In-
stitut d'Études politiques, Paris, 1954-55, pp. 178-199.
(87) LA REPRÉSENTATIVITÉ 543

La constitution d'une organisation entraîne toujours un double


effet: d'une part un certain partage de compétences entre les
membres et les organes, partage pouvant être très inégal au
profit des Etats, mais qui impose que pour certaines matières,
les Etats aient recours à l'organisation et d'autre part un effet
d'imputation des actes des représentants des gouvernements non
à leurs Etats respectifs, mais à l'organisation.
Ces traités, avec la permanence de l'institution, caractérisent
l'individualité des tâches collectives dont la poursuite est ainsi
organisée.
Transposée dans l'ordre des relations extérieures, cette analyse
révèle que c'est l'organisation et non les Etats-membres qu'il
faut considérer comme partie aux accords formels ou informels
établis par elle. C'est l'organisation en tant que telle qui reçoit
les obligations et les droits consécutifs à ces accords. 17
Cependant, on ne saurait oublier que les organisations inter-
nationales réalisent une association d'Etats. Quelle que puisse
être l'autonomie juridique de l'activité des agents, dans la mesure
où ils gèrent les intérêts collectifs, par rapport aux gouvernants,
il est incontestable que tout groupement se ressent de sa com-
position concrète. Les organisations ne rassemblent pas des Etats,
conçus abstraitement, mais des entités situées, au sens où l'on
parle d'hommes situés pour les opposer à l'Homme en soi. Elles
traduisent donc, à raison de la situation des Etats qui les com-
posent des préoccupations particulières qui retentissent tout natu-
rellement sur leur « politique étrangère ». Cela est particulière-
ment sensible dans les organisations régionales politiques ou
même techniques.
Ce phénomène est plus ou moins aisément perceptible selon
la nature et les objets des organisations; on peut donc dire que
leur personnalité est plus ou moins opaque, plus ou moins trans-
parente, selon le degré d'influence de cette sous-jacence des Etats.

17. Schneider, op. cit., p. 61. M. Kasme rapporte le fait suivant: «lors
des négociations de l'accord entre l'O.N.U. et l'I.M.CO., un article proposé
par cette dernière organisation, selon lequel l'I.M.C.O. s'engage à co-opérer
avec les membres des Nations Unies a du être modifié en vue de rendre cette
coopération possible avec l'O.N.U, elle même, considérée comme entité,
op. cit., p. 175.
544 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (88)

Celle-ci peut s'apprécier soit dans l'ordre intérieur de l'or-


ganisation agissant sur le plan international (dans quelle mesure
les Etats membres s'en remettent-ils à l'organisation pour leurs
relations extérieures?) soit à l'égard des Etats tiers ou des orga-
nisations composées d'Etats tiers (dans quelle mesure ceux-ci
apperçoivent-ils les Etats membres derrière les structures de
l'organisation avec laquelle ils contractent?).

§ 1. Transfert de compétences internationales à l'organisation par ses


membres
Le transfert du pouvoir de conclure des traités dans certains
domaines témoigne de l'autonomie de l'organisation vis-à-vis
des Etats membres. Il lui permet en effet, d'exercer des compé-
tences extérieures propres. O n pourrait s'y tromper en remar-
quant que la conclusion des accords impose souvent leur appro-
bation, soit par une assemblée plénière, soit même par un organe
se prononçant à l'unanimité, ce qui traduirait l'action déter-
minante des Etats. Cette explication est techniquement défectu-
euse; que les décisions des organisations internationales soient
la résultante de forces antagonistes qui s'affrontent à l'intérieur
de leurs organes collectifs, que les Etats éprouvent les plus grosses
difficultés à se hausser au niveau de l'intérêt général, c'est incon-
testable, 18 il n'empêche que la mesure prise à la majorité ou
même à l'unanimité est juridiquement l'expression non d'un
faisceau de volontés étatiques juxtaposées mais d'une volonté uni-
taire imputable à l'organe. 19 Dans le droit interne étatique, il en
est de même: la loi votée peut être le fruit d'un compromis entre
les partis, elle ne constitue pas juridiquement un contrat entre
eux, mais un acte du Parlement. De même dans l'Etat fédéral,
l'exercice de ses compétences par l'assemblée fédérale ne met
pas en cause l'unité de l'Etat et ne signifie pas que la fédération
s'efface devant ses membres.
L'agencement des procédures peut ménager au plan politique,
18. Nous avons essayé de le montrer dans une étude des aspects politiques
de ce problème; cf. L'organisation internationale et l'expression de la volonté
générale in R.G.D.I.P., 1957, pp. 527-579.
19. Cf. G. Scelle, Cours sur le Fédéralisme international, Les Cours de droit,
Paris, 1947-48, pp. 152-154.
(89) LA REPRÉSENTATIVITÉ 545

les influences des Etats, de même que la constitution, le régime


électoral ou les règlements des assemblées peuvent, dans l'ordre
interne, favoriser tel ou tel parti ou groupe de partis. Pour
autant, sur le plan institutionnel, la personnalité de l'Etat n'est
pas ébranlée.
Aussi faut-il distinguer avec soin les plans politiques et
juridiques. Des considérations politiques pourront conduire à
adopter certaines procédures, ou à reconnaître, dans la conclu-
sion des accords, un rôle déterminant à l'organe exprimant une
force politique donnée, il n'empêche que juridiquement, l'enga-
gement sera celui de l'organisation. C'est pourquoi on doit
rejeter les doctrines qui enseignent que l'engagement d'une or-
ganisation ne saurait être souscrit par un organe restreint com-
posé d'un petit nombre d'Etats, mais uniquement par une assem-
blée plénière. Le penser revient en effet à ignorer complètement
la technique juridique qui confie à des organes de structures
très diverses le soin de vouloir pour l'organisation. Les membres
d'un organe restreint représentent l'ensemble du groupement, le
fait que les individus qui les composent soient également des
délégués étatiques, peut entraîner parfois un dualisme psycholo-
gique malaisé à surmonter, il n'empêche qu'ils ont obligation
fonctionnelle d'agir pour le compte de tous. Cette ambiguïté se
trouve dépassée lorsque l'organe restreint est composé, comme
dans les Commissions des Communautés européennes, par des
personnes indépendantes des gouvernements. On ne saurait,
comme d'aucune l'avancent, douter qu'un tel organe « dont la
composition varie périodiquement et qui a le pouvoir de lier
l'association par des traités, ait reçu un mandat d'engager pour
une durée illimitée l'association d'Etats par des traités ». 20 L'organe
se survit en effet aux variations survenues dans sa composition,
sa permanence transcende les mouvements de son personnel.
Cependant, les habitudes de penser selon une méthode contrac-
tualiste sont encore si solides que non seulement la doctrine,
mais aussi la pratique manifestent de nombreux signes de ce
souci de contester autant que faire se peut le transfert de com-
pétences, et notamment de celle de traiter, aux organisations.
20. Wengler, op. àt., p. 106.
546 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT (90)

Le mouvement se traduit également dans les textes, si bien que,


pour mener une recherche objective, on doit en relever les traces
aussi bien dans les organisations de coopération que dans les
structures d'intégration, et Ton est ainsi conduit à dégager un
fait à première vue paradoxal: alors qu'il semblerait que dans
les relations extérieures, la transparence des organisations inter-
étatiques doive être plus grande que dans les organisations superé-
tatiques, pourvues de compétences décisoires, c'est exactement
le phénomène inverse qui se produit.
A. Les organisations de coopération, qu'il s'agisse de l'O.N.U.,
des institutions spécialisées, ou du Conseil de l'Europe, lient par
leurs accords, à la condition de les conclure régulièrement, les
Etats membres. Ceux-ci ne pourraient prétendre que de tels
accords, passés conformément aux conditions de la charte consti-
tutive, soient à leur égard des « res inter alios acta ». Ils font donc
confiance aux organes qui, en dégageant l'intérêt objectif de
l'institution, sont censés agir pour la réalisation d'objectifs com-
muns aux membres, par delà leurs divisions résiduelles. Certes,
la persistance des conceptions qui refusent de voir dans l'organi-
sation autre chose qu'une simple juxtaposition d'Etats souverains,
seuls détenteurs de la personnalité internationale, se fait sentir
ça et là. C'est ainsi que lors de la première session du Conseil
économique et social des Nations Unies se manifestèrent certains
scrupules sinon même, une certaine opposition à l'égard de
l'influence centralisatrice que cet organisme pourrait exercer sur
les institutions spécialisées. Ceux qui s'en faisaient l'écho tenaient
notamment à remarquer que les institutions avaient des organes
de direction plus «représentatifs» que le Conseil; on posait la
question suivante : un organisme composé de 18 nations pouvait-il
donner des instructions à un organisme composé de cinquante et
une nations? 21 On ne pouvait méconnaître plus nettement la
signification juridique de l'organe. Ces considérations ne triom-
phèrent pas.
Cependant, si les Etats membres font ainsi confiance aux
organes pour déterminer le comportement extérieur de l'organi-
sation, ils ne s'en remettent à eux que pour certaines matières.
21. Répertoire de la pratique, vol. III, art. 58j § 54.
(91) LA REPRÉSENTATIVITÉ 547

Or, celles-ci, dans les systèmes de coopération, c'est-à-dire, dans


ceux qui ne reconnaissent pas de compétences décisoires aux
organes, sont elles-mêmes, d'un volume assez mince. Il s'agit
essentiellement de matières administratives: pour les accords
avec les Etats seront ainsi conclus des accords de siège, ou ceux
relatifs aux privilèges et immunités des organisations . . ., pour
les relations avec les organisations, seront élaborés des arrange-
ments ayant pour objet de réaliser ou de perfectionner des con-
tacts et une coopération. Dans ces conditions, le fait que les
Etats, en dépit du transfert du « treaty making power » à l'orga-
nisation, conservent leur propre compétence de traiter, n'a pas
de conséquence grave, car ils laissent les organes sociétaires,
maîtres de l'établissement de ces rapports et des moyens les
meilleurs pour y parvenir. Cet abandon est encore souligné, on
l'a vu, par le développement que connaît le rôle du secrétaire
général de certaines organisations et spécialement de l'O.N.U.
La situation n'est pas aussi simple dans les organisations de
subordination.
B. Les Communautés européennes et spécialement la C.E.C.A.
sont dotées de compétences superétatiques. Il semblerait logique
que cette possibilité de prendre des décisions, s'imposant aux
Etats membres, débouche sur une réelle liberté des organes dans
la conduite des relations extérieures et que la personnalité de
chaque organisation présente, pour les matières où le transfert
de compétence a été consenti, une opacité très accusée. Or il n'en
est rien: c'est au contraire dans ces Communautés que la sous-
jacence de l'Etat apparaît le plus nettement. L'explication est
fort simple: les organisations de coopération comme les institu-
tions spécialisées n'ont une compétence de traiter que sur des
questions qui n'affectent pas, en général, la politique des Etats,
alors qu'au contraire les Communautés, à raison même des
pouvoirs qui leur sont reconnus dans des domaines économiques,
mordent profondément sur le réel, traitent de problèmes lourds.
Dans ces conditions, dès qu'il est question d'autre chose que de
simples arrangements d'ordre administratif ou opérationnel, les
Etats membres, au moment même où ils reconnaissent aux Com-
munautés ces compétences, s'ingénient à conserver les leurs. Il
548 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (92)

en résulte un système ambigu, travaillé par une tension dialec-


tique entre les forces composantes et l'unité composée de la Com-
munauté. Cette tension se présente de deux façons : l'établissement
entre la Communauté et les Etats membres de compétences
concurrentes, une représentativité réduite de la Communauté
sur le plan international.
1) Dans les Communautés, une des questions les plus délicates
qui se pose est de savoir s'il existe des matières pour lesquelles le
droit de traiter est propre à l'organisation et non aux Etats.
D'une manière générale, le partage des matières entre la Com-
munauté et les Etats membres est très malaisément perceptible:
pour la C E . C A . , elle est loin d'avoir reçu une compétence ex-
clusive en matière de charbon et d'acier: elle a seulement pour
tâche de protéger le fonctionnement harmonieux du marché
commun (cf. notamment les Articles 72, 73, 74 et 75 du Traité).
Cependant aussi incertaine que soit parfois la ligne de démar-
cation entre les compétences des Etats et de la Communauté,
elle existe, et les gouvernements tiennent à ce qu'elle soit respec-
tée, ce qui précisément soulève des difficultés. Pour la Commu-
nauté économique, le traité impose aux Etats de supprimer les
entraves à la libre circulation des marchandises, mais il ne par-
vient pas à établir une répartition équilibrée de compétences
entre la Communauté et les Etats membres. Dans un domaine
économique aussi vaste, qui est susceptible de mettre en cause
l'ensemble de la politique des Etats, le Traité a très heureuse-
ment préféré laisser à la Communauté le soin de fixer par des
règlements à venir, au fur et à mesure des besoins et des possi-
bilités, la répartition des matières.
Du moins, la C.E.E. ayant donné moins de compétences à la
Commission que le Traité de Paris n'en avait reconnu à la Haute
Autorité, et ayant son centre de gravité dans le Conseil des
Ministies, elle ne doit pas en principe éprouver les difficultés que
la C E . C A . a connues. La Communauté économique en effet,
parallèlement à la fonction législative très vaste qu'elle peut
exercer, et qui fait défaut à la C E . C A . , se voit reconnaître par
l'article 228 du Traité de larges compétences en matière de
relations internationales. L'alinéa 2 de cette disposition précise
(93) LA REPRÉSENTATIVITÉ 549

que les accords conclus dans les conditions fixées par l'alinéa 1
« lient les institutions de la Communauté et les Etats membres».
On sait que la commission ne conclut définitivement que les
accords portant sur une matière qui rentre dans sa seule compé-
tence, ce qui ne peut être qu'extrêmement rare. La très grande
majorité des accords est négociée par elle sur instruction du
Conseil, celui-ci se réservant la conclusion dans le cas où la
matière rentre dans sa compétence, ce qui est le plus fréquent.
De même .pour les accords d'association conclus avec un Etat
tiers, une union d'Etats ou une organisation internationale, ils
sont entièrement élaborés et conclus par le Conseil à l'unanimité. 22
La décision est bien celle de l'organe et non des Etats, mais étant
unanime, elle se situe, pour ainsi dire, au cas limite de l'înstitu-
tionaîisme: celui où la volonté de l'organe repose sur la volonté
de tous. Toutes ces dispositions doivent être mises en liaison
avec celles prévoyant éventuellement, pour la conclusion des
accords, une modification préalable de la Charte constitutive.
Cet ensemble est assez cohérent.
Le traité de la C.E.C.A. pose des problèmes plus difficiles à
raison de la répartition de matières,plus ferme que dans laC.E.E.,
et du rôle considérable confié à la Haute Autorité dans le domaine
des relations extérieures. En principe, la C.E.C.A. a une com-
pétence internationale parallèle à ses compétences communau-
taires, mais affirmer cette norme ne suffit pas à résoudre un
problème aussi complexe. Il faut noter l'article 71 qui prévoit
que la compétence commerciale des Etats n'est pas affectée par
l'application du Traité, sauf dispositions contraires de celui-ci.
Or, comme, dit Paul Reuter: «les matières ne se laissent pas
découper au couteau »23 si bien que l'on ne peut faire un partage
très net entre les compétences transférées et celles conservées par
les Etats. Ainsi apparaît un système de compétences concurrentes :
des compétences sont exercées par la Communauté, mais dans
de nombreux cas, les Etats conservent leurs compétences, pour
les mêmes matières. Si bien que fréquemment, la conclusion d'un
accord international concernera à la fois des matières de la

22. Après consultation de l'Assemblée.


23. Cours sur Us organisations européennes, 1959-60, p. 140.
550 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (94)

compétence de la Communauté et des Etats membres. Le pro-


blème n'est soluble que selon des critères politiques: ou bien les
Etats accepteront la primauté des rouages communautaires dans
la conclusion des accords, ce qui aura pour l'effet de faire
progresser l'intégration, ou bien ils vont tenir la main à participer
eux-mêmes à l'opération et l'on donnera ainsi satisfaction aux
préoccupations étatiques. M. Reuter explique excellement: « La
conclusion d'accords internationaux va donc avoir une signifi-
cation politique très nette: elle dégage avec clarté une tendance
d'évolution. Ceci est également conforme aux enseignements du
fédéralisme; les affaires étrangères sont un facteur d'évolution
énergique pour toutes les structures fédérales. »
Dans la pratique, on a pu seulement vérifier que l'adage
« donner et retenir ne vaut », ne s'applique pas ici. En effet, les
Etats ont tenus à participer aux accords, formels ou non, aux
côtés de la Communauté, prouvant ainsi que celle-ci ne devait
avoir à leurs yeux qu'une représentativité limitée. Le régime
ainsi adopté trouve appui dans un texte. Le paragraphe 14
de la Convention relative aux dispositions transitoires a prévu,
pour les relations des Etats membres avec les tiers, un système
très révélateur des arrières pensées des Etats membres. 24 La pro-
cédure est la suivante: les Etats membres arrêtent en commun,
dans le cadre de leurs compétences respectives, et en vue d'une
négociation internationale, des instructions qu'elles assignent à
la Haute Autorité, considérée comme mandataire commun. Le
système trahit un relâchement certain du lien fédéral; d'une
part, la Haute Autorité apparaît moins comme organe de la
Communauté que comme mandataire des gouvernements mem-
bres, le Conseil de Ministres chargé de lui donner des instruc-
tions, étant lui-même ouvertement considéré par les gouverne-

24. § 14 de la Convention sur les dispositions transitoires. « Dès l'entrée en


fonction de la Haute Autorité, les Etats-membres engageront des négociations
avec le gouvernement des pays tiers, et en particulier avec le gouvernement
britannique, sur l'ensemble des relations économiques et commerciales con-
cernant le charbon et l'acier entre la Communauté et ces pays. Dans ces
négociations, la Haute Autorité, agissant sur instructions délibérées par le
Conseil à l'unanimité, sera mandataire commun des gouvernements des
Etats-membres. Des représentants des Etats-membres pourront assister aux-
dites négociations. »
(95) LA REPRÉSENTATIVITÉ 551

ments, moins comme organe que comme cadre à la réunion des


Etats. D'autre part le paragraphe 14prévoit que des représentants
des Etats membres pourront assister aux négociations.
C'est une procédure différente, mais inspirée de ce régime, qui
a été suivie pour l'établissement des rapports avec le G.A.T.T.
et avec l'O.E.C.E.
L'accord général sur les tarifs et le commerce (G.A.T.T.)
repose sur le principe de l'égalité de traitement entre ses membres
grâce à la clause de la nation la plus favorisée. Tous les Etats
membres de la C.E.C.A. étant membres du G.A.T.T., ils auraient
donc du, lors de l'entrée en vigueur du marché commun du
charbon et de l'acier qui entraînait la suppression des droits de
douanes et des restrictions quantitatives dans leurs échanges com-
merciaux réciproques, accorder les mêmes avantages aux autres
Etats signataires de l'accord général, lesquels sans subir les
charges de la Communauté en auraient tout de même tiré les
profits. Les Etats membres de la C.E.C.A. ont conduit en 1952,
les négociations avec les Parties contractantes du G.A.T.T. par
l'entremise d'un mandataire commun. La Haute Autorité a été
invitée à participer aux négociations. Le 10 novembre 1952, la
dérogation demandée par les membres de la C.E.C.A. a été
accordée, on le sait, par une décision, laquelle dispose notam-
ment que les Etats membres de la Communauté doivent être
considérés comme constituant le territoire d'une seule partie
contractante en ce qui concerne le marché commun du charbon
et de l'acier.
Le régime des relations établies entre la C.E.C.A. et le
G.A.T.T. repose sur une représentation concurrente de la Com-
munauté et des Etats membres au sein du G.A.T.T. La Haute
Autorité s'est engagée à se conformer aux obligations qui lui
inconberaient en vertu de l'Accord général, du fait que les six
pays sont considérés comme formant le territoire d'une seule
partie contractante. Les Etats membres se sont, eux, engagés à
inviter régulièrement la Haute Autorité à participer à toutes les
discussions portant sur une question entrant dans le domaine de
la Haute Autorité.
L'application de ce système dérogatoire amena la constitution
552 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAM. INT. (96)

dans le cadre du G.A.T.T., d'un groupe de travail, composé de


représentants des pays tiers, des représentants des Etats membres
de la Communauté et d'observateurs de la Haute Autorité. Par
la force des choses, le rôle de celle-ci s'est affirmé au cours de
discussions parfois difficiles. La Haute Autorité, notamment en
1956, a ainsi participé aux négociations menées sur l'abaissement
des tarifs douaniers, entre les Etats membres du G.A.T.T., dans
la mesure où ces négociations concernaient les aciers spéciaux.
Ce faisant, elle a agi comme mandataire commun des Etats
membres, conformément au paragraphe 14 des dispositions
transitoires. 26
Les rapports avec l'O.E.C.E. reposent également sur un
système dans lequel la Communauté est représentée en même
temps que les Etats membres.
II s'agissait là d'obtenir une dérogation à la clause de non
discrimination régissant la libération des échanges dans le cadre
de l'O.E.C.E. Des difficultés apparues du fait des incertitudes
qui pèsent sur la répartition des compétences entre la Commu-
nauté et les Etats membres, furent résolues par la participation
de la Haute Autorité à de nombreuses sessions du Conseil, cepen-
dant que les Etats membres demeuraient représentés individuel-
lement. Toutefois, la Haute Autorité, est représentée à diverses
commissions techniques. Là encore, la pression des faits a été telle
que, sans que la Communauté devînt, en tant que telle, membre
de l'O.E.C.E., sans que les six aient cessé d'appartenir indivi-
duellement à cette organisation, la Haute Autorité y a pris une
place de choix. D'une part, en 1953, le Conseil de l'O.E.C.E.
l'a invité à se faire représenter à titre de membre, et non plus
seulement d'observateur, à la Commission européenne de l'Ener-
gie, d'autre part, les Etats membres de la C E . C A . ont décidé
que « dans toutes les questions concernant le charbon et l'acier,
la Haute Autorité est seule compétente, elle a donc pour tâche
de représenter l'opinion commune devant les commissions » de
l'O.E.C.E.
Aussi importantes que fussent les questions soulevées par les
rapports entre le G.A.T.T. ou l'O.E.C.E., elles n'étaient pas
25. Daig, op. cit., p. 156.
(97) LA REPRÉSENTATIVITÉ 553

aussi irritantes que celles posées par l'accord qui devait établir
l'association avec la Grande Bretagne. Il n'entre pas dans notre
sujet de l'examiner de près. Signalons cependant qu'il met au
premier plan les problèmes de partage de compétence que nous
avons évoqués. Lorsque M. Monnet, en 1954, a négocié au nom
de la Haute Autorité le traité d'association, les gouvernements
membres lui ont fait barrage en arguant que, d'après le traité
de base, les relations avec les tiers sont du ressort des Etats et
non de la Communauté, si bien que l'accord fût conclu d'un
côté par le Royaume Uni, de l'autre par les six Etats membres
et par la Haute Autorité. Deux observations doivent être faites
à ce sujet: d'une part les Etats sont parvenus à faire de la Haute
Autorité, dans un accord impliquant de graves conséquences,
un simple négociateur commun soumis à leurs instructions et
qui a pu sembler dans ce cas là ne pas agir comme institution de
la Communauté. 2 6 Cette dernière appréciation est peut-être ex-
cessive mais elle n'aurait pas été possible sans cette désagrégation
d'un système qui perd ainsi inévitablement de sa teneur fédérale.
D'autre part, l'accord d'association présente cette singularité
d'être entré en vigueur à l'égard de la Grande Bretagne et des
Etats membres après leur ratification et pour la Haute Autorité
dès sa signature. 27
Il ne faudrait pas croire que des difficultés de cette sorte ne
soient concevables qu'à propos d'accords avec des Etats tiers et
ne puissent être éprouvées au même degré pour des accords avec
d'autres organisations. Si ces derniers ne se bornent pas à prévoir
de simples contacts de coopération, mais tendent à fixer la
situation des six au sein d'un organisme plus vaste ayant lui-
même des compétences qui entament profondément le réel, les
considérations politiques reprendront inévitablement le dessus
et viendront en compliquer la conclusion. C'est ce qui ne man-
quera pas de se produire avec la réforme de l'O.E.C.E,, comme
26. Wengler, op. dt., p. 94.
27. Art. 102 du Traité sur l'Euratom: «les accords ou conventions avec
un Etat tiers, une organisation internationale . . ., auxquels sont parties
outre la Communauté, un ou plusieurs Etats-membres, ne peuvent entrer en
vigueur qu'après notification à la Commission par tous les Etats-membres
intéressés que ces accords ou conventions sont devenus applicables conformé-
ment aux dispositions de leurs droits internes respectifs. »
554 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (98)

cela est également apparu lors des discussions sur la zone de libre
échange. 28 Parmi toutes les questions qui compliquaient cette
affaire, celles tenant aux institutions sont apparues des plus
difficiles. Les six demeuraient organisés et conservaient leurs
institutions tandis que la zone devait avoir les siennes propres.
Dès lors, se posait le problème de savoir comment les six seraient
représentés au sein des dix-sept? Il a été dit à l'Assemblée parle-
mentaire européenne, comme à la sixième réunion jointe de cet
organisme avec l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe, 2 9
qu'il fallait partir du principe de la permanence, de l'intangibi-
lité des Communautés et que la meilleure formule était de traiter
la Communauté des six comme une personnalité autonome.
L'Assemblée parlementaire, dans une résolution adoptée à l'una-
nimité le 27 juin 1958, a posé la règle que la solution devait
revêtir la forme d'un accord conclu avec les autres pays de
l'O.E.C.E. par la Communauté économique intervenant comme
telle, c'est-à-dire, comme une entité. Les conversations sur la
zone de libre échange furent rompues fin 1958. Il ne nous
appartient pas d'en examiner ici les raisons. Qu'il nous suffise
de noter, à la lumière des cas examinés, que la Communauté
laisse tranparaître nettement les Etats membres. Dans la mesure
où une organisation tend à intégrer des matières du domaine
domestique, l'Etat réapparaît ou plutôt refuse de s'effacer. Il
en résulte que la personnalité internationale d'une telle organi-
sation tire sa valeur non seulement du Traité de base, mais
encore du soutien que doit lui apporter l'adhésion permanente
de ses membres. Elle vit certes sa propre vie, mais grâce à un
courant qui lui vient des Etats membres, c'est-à-dire de l'exté-
rieur, ceux-ci n'étant que très faiblement intégrés. Dans ces
conditions il est normal, que les Etats tiers, également, lorsqu'ils
envisagent une organisation, attachent une grande importance
à l'opacité ou à la transparence de celle-ci, à l'autonomie plus
ou moins grande de ses organes, spécialement s'ils font eux-
mêmes partie d'une autre organisation, appelée à nouer des
relations avec elle.

28. Cf. Europeus, La crise de la zone de libre échange, Paris, Pion, 1959.
29. 6 ô m e réunion jointe, cf. rapport Furier, p. 34.
(99) LA REPRÉSENTATIVITÉ 555

§ 2. L'opacité appréciée de V extérieur: la reconnaissance entre organisations


Quelle que soit la justesse au point de vue juridique de la
théorie de l'organe, les Etats ou les organisations tiers ne man-
quent pas d'attacher la plus grande importance à la qualité des
membres des organisations avec lesquelles ils envisagent d'entrer
en relation. L'antinomie entre le concept de personnalité de
l'organisation et sa composition effective se résout d'une part
dans le caractère objectif de cette personnalité et d'autre part
dans la reconnaissance ou le refus de reconnaissance de l'or-
ganisation.
A. La notion de personnalité objective a été dégagée pour
l'O.N.U. par la Cour internationale de Justice dans son avis
sur les réparations: « La Cour est d'avis que 50 Etats représentent
une très large majorité des membres de la Communauté inter-
nationale avaient le pouvoir, conformément au droit inter-
national de créer une entité possédant une personnalité inter-
nationale objective — et non pas simplement une personnalité
reconnue par eux seuls. »30
Si l'opinion de la Cour est juste, sa motivation ne laisse de
soulever des objections. Le critère numérique qu'elle soutient
n'est pas absolument convaincant. La Communauté à six ou le
Benelux n'ont-ils pas une personnalité objective en raison de
leur nombre plus restreint de membres? Les notions juridiques
doivent se fonder sur des données qualitatives et non numériques.
A partir de quels chiffres une personnalité objective sera-t-elle
octroyée? O n risquerait d'aboutir rapidement aux mêmes im-
passes que celles où se sont bloquées les mesures de la mer
territoriale.
Par ailleurs, la généralité — nous ne disons pas le caractère
total—jdesobjectifsderO.N.U.aégalementdéterminél'avis de la
Cour. Mais là encore, ce trait n'est pas d'une portée décisive. Des
institutions spécialisées quasi universelles par le nombre de leurs
membres, mais poursuivant une tâche particulière, doivent-elles
se voir refuser la personnalité objective? Doit-on jumeler le
nombre des membres et l'ouverture du but, pour en exclure les

30. Recueil, p. 185.


556 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (100)
Communautés européennes, spécialisées et peu nombreuses?
Ce genre de raisonnement pêche par ambiguïté. II faut, pour
échapper à celle-ci, remarquer que tout acte juridique a, en
lui-même, une valeur objective. Mais cela ne veut pas dire qu'il
soit opposable à tous. A vrai dire toute organisation inter-
nationale a une personnalité objective mais celle-ci doit être
reconnue par les organisations des Etats-tiers.
Certains traités ont une portée objective, notamment les
traités constitutifs. Mais les tiers ne sont pas obligés d'établir des
relations avec les entités ainsi créées. Le problème de la recon-
naissance se posera donc toujours, de la même façon que lors
de l'apparition d'un gouvernement ou d'un Etat nouveau.
O n s'y trompe parfois parce que l'on commet une confusion
sur la véritable nature de la reconnaissance. O n croit qu'elle est
constitutive ou attributive. En déclarant que l'O.N.U. avait une
personnalité objective, la Cour a entendu dire que son importance
lui conférait une existence juridique propre qui n'avait point à
être reconnue, c'est-à-dire que les tiers n'avaient pas à lui attri-
buer. Or, en réalité ils ne font jamais cette attribution, la véritable
fonction de la reconnaissance est d'être déclarative, donc de se
borner à constater l'existence d'un fait, à admettre que ses
conséquences en soient opposables à celui qui la reconnaît et qui,
par là, décide d'avoir avec l'entité créée des relations pleines et
entières, sur la base du droit international. Si bien qu'en présence
d'un fait objectif comme l'édification d'une organisation, il reste
tout de même aux tiers à en admettre l'opposabilité à leur égard,
à la reconnaître non pour lui conférer l'existence juridique, mais
pour nouer des rapports avec elle. Dès lors, en pratique cette
personnalité objective ne développera dans leur plénitude ses effets
juridiques qu'après que les tiers auront reconnu l'organisation.
II reste bien entendu que le nombre des membres et la géné-
ralité des buts de celle-ci seront des éléments de faits susceptibles
d'avoir une influence déterminante sur l'attitude des tiers. Or,
la reconnaissance ne devant pas être nécessairement expresse, on
pourra admettre qu'en présence d'une organisation des dimen-
sions de l'O.N.U., les tiers soient réputés l'avoir tacitement re-
connue, tandis qu'à l'égard des institutions plus particularisées
(101) LA REPRÉSENTATIVITÉ 557

à la fois par leurs finalités et les Etats qui les composent, la


reconnaissance doive être de moins en moins supposée et de plus
en plus démontrée, cette démonstration en matière de rapports
interorganisationnels, étant souvent fort simple et pouvant résul-
ter de simples échanges d'informations. Mais on conçoit que la
reconnaissance sera accordée plus ou moins facilement, selon le
caractère purement technique ou le degré de politisation de
Torganisatìon. C'est ici que, dans les éléments de faits comme
dans la décision de reconnaître, va apparaître souvent au pre-
mier plan, la prise en considération de l'opacité ou de la trans-
parence de l'organisation qui doit en être l'objet.
B. La reconnaissance entre organisations ne soulève pas tou-
jours de problèmes de la même importance. Le même phénomène
qui rend plus visible et plus sensible la sous-jacence des Etats
dans les organisations intégrées se retrouve ici. Il s'en suit que la
reconnaissance entre organisations techniques de coopération
est de réalisation très simple et très courante, alors que celle des
Communautés présente des obstacles tenant au fait qu'elles ont
l'allure d'une sorte d'indivision entre quelques Etats de la même
famille dont les affinités politiques et la gravité de leurs desseins
soulignent la présence au sein de l'organisation.
a) Tous les « interagencies agreements » reposent sur une re-
connaissance mutuelle dès leur article 1 e r des institutions et de
leurs buts. Cependant, la reconnaissance n'est pas nécessaire-
ment faite par accords, elle peut s'exprimer par un acte unilatéral.
Ainsi le Conseil d'Administration de l'Union internationale des
télécommunications a reconnu l'O.A.C.I. comme une agence
spécialisée dans le service aéronautique et qualifiée pour remplir
les fonctions définies dans les règlements de Radio. 3 1 D'autres
fois, la reconnaissance se confond avec les mesures adoptées par
une organisation en vue de faciliter la création d'une nouvelle,
comme ce fût le cas pour l ' O . A . C I . , dans la part qu'elle prit
à la fondation de la Commission européenne de l'Aviation
civile. Aussi techniques que soient les activités de telles organi-
sations, il se peut cependant que la reconnaissance ne soit pas
facile. L'invitation adressée à une autre organisation d'avoir à
31. I.T.U., Adm. Council, 4th session, n° 111.
558 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (102)
envoyer un observateur a, en principe, valeur de reconnaissance,
lorsqu'aucun accord préalable ne l'avait prévu. Une telle invi-
tation, faite au Conseil de l'Europe, par le Congrès postal uni-
versel, se heurta à l'oppostion des pays de l'Est et ne fut finale-
ment acquise que par 20 voix contre 11, et 48 abstentions. O n
conçoit que de telles difficultés soient plus courantes encore avec
les organisations fortement « situées », tant à raison de leur loca-
lisation politico-géographique, du nombre et de la qualité de
leurs membres, que de l'ambition de leurs desseins: tel est le cas
des organisations régionales d'assistance militaire.
b) C'est à propos des organisations européennes, des liaisons
réalisées ou projetées entre elles ou avec des systèmes plus vastes,
que l'on a pu se rendre compte, en dépit de certaines formules
d'intégration, à quel point les Etats demeurent la réalité politique
principale.
1) Les divers projets de rationalisation des organisations
européennes ont toujours eu pour but avoué, au-delà de la
coordination des institutions, de réaliser une unité d'action plus
étroite, entre les Etats-membres. C'est le cas des propositions
d'intégration du Conseil de l'Europe et de l'O.E.C.E. On sait
les arrières-pensées politiques qui inspiraient le plan Eden. De
même, le refus de confondre organisation européenne et organi-
sation atlantique, tant de fois exprimé dans des congrès ou des
Assemblées européennes, trahit les préoccupations politiques des
Etats de l'Europe à l'égard d'un système excédant les limites de
celle-ci.
2) U n point est certain: les tiers ne peuvent estimer à leur
fantaisie les capacités qu'ils entendent reconnaître à une organi-
sation. Le caractère objectif de celle-ci signifie précisément
qu'elle peut opposer aux Etats ou aux organisations qui ac-
ceptent de nouer des rapports avec elle les compétences interna-
tionales qui lui ont été confiées par son statut. Cependant, les
Etats membres peuvent, dans l'établissement de relations avec
un système plus étendu, consentir à réduire la portée de la repré-
sentativité de l'organisation en décidant d'apparaître à ses côtés.
O n l'a vu à propos des rapports établis entre la C.E.C.A. d'une
part et le G.A.T.T. et l'O.E.C.E. de l'autre: ce sont, si l'on
(103) LA REPRÉSENTATIVITÉ 559

ose ainsi s'exprimer des rapports en transparence ou en concur-


rence, la Haute Autorité et les six siégeant dans les organismes
de ces deux ensembles dont les propres membres, spécialement
dans le G.A.T.T., sont très apparents. Les Parties contractantes
de celui-ci ont reconnu la Haute Autorité comme mandataire
des six et ont ainsi admis que ceux-ci, dans leur participation au
G.A.T.T., soient assistés par elle, mais pour autant la Commu-
nauté n'a pas été admise en tant que telle comme membre de
l'Accord général. Comme l'écrit M. Wengler « dans la mesure
où des traités antérieurs des Pays membres comportent des obli-
gations concernant des matières dont la gestion relève aujourd'hui
des institutions de la Communauté dans le cadre de la C.E.C.A.,
les Pays membres demeurent responsables du chef de ces traités
vis-à-vis des Pays tiers».32 Sans doute, la Communauté a été
considérée « en quelque sorte » ainsi que le dit le Rapport général
sur l'activité de la C.E.C.A.,33 comme si elle était une Partie
contractante unique, mais seuls les Etats membres sont restés
signataires du G.A.T.T. Les tiers ont admis que la Communauté
existait comme une entité, mais non qu'elle représentait les six.
Ce sont eux d'ailleurs qui sont obligés à l'égard des autres parties
contractantes au G.A.T.T. de présenter chaque année un rapport
sur l'évolution dans la Communauté et la prise en considération
de celle-ci comme entité se borne surtout à la faculté pour ses
membres de se comporter vis-à-vis des autres signataires du
G.A.T.T. comme si leurs territoires en Europe formaient le
territoire d'une seule partie contractante.
Les discussions sur la zone de libre échange ont soulevé non
seulement des problèmes de connexion entre institutions, mais
aussi ceux des affrontements des Etats. Les rapports ainsi domi-
nés par la double appartenance de certaines Etats à deux systè-
mes économiques mettent au premier plan des problèmes parti-
culièrement ardus de coordination interétatique autant qu'inter-
organisationnelle. Si bien qu'il s'agit finalement de savoir si
l'organisation la plus vaste pourra éviter l'éclatement. Le traité
de Rome sur la C.E.E. avait pris des précautions pour rassurer
32. Wengler, op. cit., p. 123.
33. Rapport général pour la période du 10/8/52 au 12/3/53, p. 23.
560 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (104)

les tiers: non seulement dans son préambule, mais dans plusieurs
de ses articles et particulièrement dans la déclaration signée le
25 mars 1957 et annexée à l'acte final, les six avaient affirmé
leur volonté de faire une politique libérale de coopération avec
les Etats tiers et notamment avec les Etats européens réunis dans
les organisations, antérieurement édifiées. Les choses ne se sont
pas pour autant réglées, et à l'heure actuelle, on s'efforce d'éviter
que ne s'accuse entre les six et les autres Etats membres de
r O . E . G . E . et du G.A.T.T. une 'antinomie pouvant entraîner
une véritable guerre douanière et la fin de l'Accord général. 31
Il est remarquable de noter que des difficultés aussi sérieuses
opposent des organisations ou des Etats qui présentent pourtant,
sur le plan politique, certaines affinités. O n conçoit que, sans
mordre aussi profondément sur le réel, des organisations puissent
cependant refuser de se reconnaître à raison d'idéologies dont se
réclament les Etats membres de l'une et de l'autre.
3) L'ignorance réciproque entre organisations peut être totale.
Il existe entre les pays de l'Est, depuis 1959, un organisme, le
Conseil d'Assistance économique mutuelle appelé aussi dans la
terminologie anglo-saxonne C.O.M.E.C.O.N., lequel évoque à
certains égards l'O.E.C.E. Mais il n'a pas davantage de liaisons
avec cette dernière que PO.T.A.N. n'en a avec l'organisation
du Pacte de Varsovie.
Le problème des rapports entre organisations à couleurs poli-
tiques différentes, sinon opposées, se pose en revanche lorsqu'il
apparaît à l'intérieur d'une organisation universelle. Ainsi a-t-il
été posé à la Commission économique pour l'Europe par la
C E . G . A . L'article 93 du Traité de Paris faisant à la Haute
Autorité l'obligation d'assurer « toutes liaisons » avec les Nations
Unies, il pouvait sembler que ces contacts devaient le plus
opportunément s'instituer au niveau de la Commission économi-
que pour l'Europe. Mais celle-ci, organe du Conseil économique
et social comprend des Etats de l'Est qui ne reconnaissent pas
la G.E.C.A. Dans ces conditions, il a été impossible à la Com-

34. XXX, L'examen par le G.A.T.T. du Traité de Rome instituant la


Communauté économique européenne, in Annuaire français de Droit international,
1958,621-644.
(105) LA REPRÉSENTATIVITÉ 561
mission d'accueillir officiellement la Haute Autorité. Des fonc-
tionnaires de l'exécutif de la Communauté sont bien invités aux
séances des groupes de travail du charbon, de la sidérurgie et
des transports, mais ils le sont non pas à titre de représentants
de la Haute Autorité, mais en qualité d'experts privés.
Ces habiletés prouvent que quelle que soit la réserve que
puisse inspirer à d'autres Etats une organisation et la politique
qu'elle exprime, il n'est pas toujours possible de faire abstraction
de son existence: le caractère objectif de la personnalité oblige
parfois à tenir compte d'elle, même sans la reconnaître « de jure ».
La multiplication des organisations suscite d'ailleurs souvent
des appréhensions chez celles qui redoutent que les nouvelles
venues n'empiètent sur leurs compétences. Alors encore la solu-
tion n'est pas de les ignorer. Mieux vaut aménager entre elles
une coopération et une harmonisation féconde. Mais cette tâche
est-elle laissée entièrement aux organisations intéressées elles-
mêmes, ou existe-t-il au moins entre certaines, un principe de
subordination?
CHAPITRE II

N O R M E S DE C O O R D I N A T I O N DES O R G A N I S A T I O N S
INTERNATIONALES

N dit couramment que le droit international est un droit

O de coordination. O n entend par là souligner l'absence


d'un pouvoir supérieur à celui des Etats, le caractère
volontaire de leur soumission à la règle de droit et l'aménagement
réciproque de leurs compétences respectives. Ce n'est qu'en créant
une organisation internationale que les Etats passent d'une socié-
té relationnelle, fondée sur une coopération latérale, dans une
société institutionnelle dans laquelle la hiérarchie des normes
juridiques se trouve doublée d'une hiérarchie organique et que
tend ainsi à s'édifier au droit de subordination. A vrai dire, la
société institutionnelle n'a encore qu'une portée réduite d'absorp-
tion des Etats et lors même que ceux-ci en relèvent, ils continuent
à participer toujours du droit relationnel pour la plus grosse
part de leur comportement juridique.
Les organisations internationales peuvent se concevoir selon
une articulation centralisée: une organisation de sommet, de
compétence générale et de vocation universelle couvrant les or-
ganisations spécialisées et les organisations régionales. C'était le
système vers lequel s'était orienté le Pacte de la S.D.N. pour les
unions administratives. L'article 24 du Pacte avait décidé que
« tous les bureaux internationaux antérieurement établis par les
traités collectifs, seront, sous réserve de l'assentiment des parties,
placés sous l'autorité de la société ». Pour les institutions nou-
velles l'application de ce régime devenait automatique. Quant
aux organisations régionales, le problème avait à peine été aperçu :
l'art. 22 les déclarait (sous une forme d'ailleurs équivoque) com-
patibles avec le Pacte, aucune hiérarchisation, aucune coordi-
nation n'étant prévue entre l'action de la Société et celle des
organismes régionaux.
(107) NORMES DE COORDINATION 563

La Charte des Nations Unies a adopté sur ce sujet des dis-


positions plus cohérentes, dans un sens inverse à celui du Pacte :
décentralisation à l'égard des institutions spécialisées, subordi-
nation des instances régionales en matière de sécurité. Les pre-
mières sont reliées à PO.N.U. par des accords selon une liaison
latérale, les secondes doivent respecter la conformité nécessaire
de leurs objectifs et de leurs moyens avec les buts et les principes
des Nations Unies.
Pour autant, l'articulation entre les organisations est loin de
s'établir sur des rapports aussi simples. Il faut en effet, compter
avec les points de vue les plus divers auxquels ont peut envisager
ces relations. O n peut mettre en exergue l'aspect fonctionnel et
alors se pose un problème de coordination: entre des institutions
qui poursuivent des tâches particularisées, il existe souvent des
zones marginales d'activité où elles risquent de se chevaucher.
Comment faire cette coordination : selon une technique de coopé-
ration volontaire entre elles ou selon des procédés autoritaires à
elles imposés par l'organisation « de couverture »? O n peut aussi
considérer les rapports entre organisations sur le plan territorial ou
numérique, car le nombre des Etats membres dessine l'assise
territoriale du système et applique alors, un régime de subordi-
nation hiérarchique des ententes régionales aux Nations Unies.
Mais le problème se complique du fait que les deux points de
vue, fonctionnel et territorial, s'entremêlent. Les rapports ne
peuvent pas être isolés entre organisations à activités générales
(type O.N.U., Organisation des Etats américains) et spéciales
(type O.M.S. ou C.E.C.A.) d'une part, et entre organisations
universelles (O.N.U.) et régionales (Conseil de l'Europe) d'autre
part. Les organisations peuvent également être spécialisées et
universelles (O.M.S., 0 , I . T . ) générales et régionales (O.E.A.)
spécialisées et régionales (Organisation sanitaire panaméricaine).
Selon quel principe: coopérateur ou subordinateur, articuler leurs
relations? Les réponses peuventêtre très diverses. On peut décider
qu'un système à la fois général et universel (O.N.U.) doit toujours
l'emporter sur un système spécial et local, ce qui aboutirait à
une centralisation très poussée: imagine-t-on les Nations Unies
supervisant la Communauté économique européenne? Et quel
564 R, J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT (108)
degré de dépendance établir entre les deux? Entre une organi-
sation générale et universelle et une organisation spécialisée et
universelle (O.N.U.-O.M.S.) sont aussi bien concevables des
rapports d'autorité que des rapports de coopération sur un pied
d'égalité.
Il faut donc consulter les textes: chaque fois que le problème
se pose, sonder les chartes et rechercher s'il existe des accords.
Mais il faut aussi compter avec l'interférence d'autres points de
vue: certaines organisations sont politiques, d'autres techniques.
Parmi les premières elles-mêmes, certaines comme l'Organisation
des Etats américains, ont des compétences dans des domaines
très vastes, d'autres, comme le Conseil de l'Europe, se voient en
principe privées de la connaissance des questions militaires, d'au-
tres enfin, comme l'O.T.A.N., en dépit de certains objectifs
économiques et culturels, sont spécialisées dans l'organisation de
la sécurité.
O n mesure la complexité du problème et la difficulté à mettre
de l'ordre dans cet entrelac de rapports possibles. D'autant que si
l'on veut en avoir une idée exacte, on ne saurait s'en tenir au seul
examen des textes: la vie apportant un certain nombre d'altéra-
tions aux principes et aux procédures envisagées par eux à priori.
Or la vie internationale toute entière a été dominée pendant
des siècles par la règle de la souveraineté de l'Etat et la structure
horizontale de coordination qu'elle a nécessairement entraînée.
Lorsque les Etats se sont groupés en organisations, celles-ci se
sont avérées si nombreuses, ont exprimé des préoccupations si
diverses dans les ordres politique, économique, social, que les
organisations sont apparues elles-mêmes comme situées les plans
géographiques et idéologiques cependant que les systèmes uni-
versels à activité générale ou spéciales étaient travaillés par des
affrontements internes. Il s'en est ainsi suivi un affaiblissement
certain des normes subordinatrices qui avaient pu être prévues et
un développement du droit relationnel entre les organisations. Sur
le plan politico-militaire des organismes de sécurité, les prévisions
autoritaires de la Charte ont été infirmées par la pratique. Sur
le plan administratif, se sont multipliées les techniques de
coopération.
(109) NORMES DE COORDINATION 565

Devant cet éparpillement d'organismes, répandus sur toute la


terre et dans tous les domaines, la coordination s'est révélée
indispensable. 1 Nous en connaissons les procédés : agents ou mis-
sion de liaison, jonction ou communauté d'organes. Mais ces
techniques, nous les avons étudiées sur un plan objectif, en elles-
mêmes, car de ce point de vue, elles sont neutres et peuvent
servir soit à la coordination volontaire par coopération, soit à
la coordination imposée, par subordination. C'est le moment,
maintenant, de dégager les normes qui les commandent, en
théorie comme dans la réalité positive.
Or, si le phénomène relationnel entre unités indépendantes
semble régir les rapports interorganisationnels, il n'empêche que
celles-ci interviennent sur la base de traités entre lesquels s'établit
une certaine hiérarchie. C'est pourquoi la création d'une organi-
sation quoique le plus souvent volontaire, entraîne la référence
à la charte d'une autre antérieure ou supérieure. Mais cette
supériorité ne quitte que rarement le plan normatif pour s'étendre
au plan fonctionnel: l'organisation dont la charte de base est
reconnue comme le principe dominant dans un domaine déter-
miné, ne puise pas nécessairement dans cette primauté normative
un droit d'intervention dans le fonctionnement des organes de
celtes qui lui font hommage. Hiérarchie normative, indépendance
fonctionnelle, telles semblent être les deux normes essentielles.

SECTION I. — HIÉRARCHIE NORMATIVE

Elle est remarquable car à l'origine des organisations, il y a


le plus souvent l'initiative et toujours l'action inconditionnée des
Etats et non pas de l'O.N.U. considérée comme organisation de
couverture. En dépit de cette singularité originelle, on rencontre
cette référence à des normes de sommet.

§ 1) ¿ a singularité originelle des organisations


Elle résulte du fait qu'elles sont créées par des Etats et que
l'établissement des rapports entre eux relève du droit volontaire.
A. Les organisations puisent leur autorité directement chez
les Etats membres et sont directement responsables devant eux.
1. Cf. A. Lovcday, Reflections on international administration, Oxford
1956, spécialement le chapitre X : Problems of administrative dispersion.
566 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (110)
Il n'en est autrement que pour les organes subsidiaires dont la
création est décidée par les organisations elles-mêmes.
O n pourrait s'y tromper parce que, parfois, l'initiative d'édifier
une nouvelle institution semble venir de celles-ci. Mais, comme
le dit l'article 59 de la Charte des Nations Unies, l'O.N.U.
« provoque, lorsqu'il y a lieu des négociations entre les Etats
intéressés en vue de la création de toutes nouvelles institutions
spécialisées ». La décision finale appartient donc bien aux gouver-
nements.
On a vu ainsi des institutions spécialisées à vocation universelle
participer à la création d'institutions régionales de même objectif.
Le Conseil de l'Europe et T O . A . C I . ont joué un rôle non
négligeable dans la naissance de la Commission européenne de
l'Aviation civile: le Comité des ministres s'est adressé dans ce
but à l'O.A.C.I., laquelle a convoqué une conférence groupant
ses membres européens. Cet appel aux Etats est à noter, car
d'après la Convention de Chicago, l'O.A.C.I. aurait pu créer
une commission régionale en Europe, une organisation ayant
toujours la faculté, dans une formule de simple déconcentration
d'installer dans une région une prolongation, une antenne de
ses propres organes. De même l'U.N.E.S.C.O. devait prendre
les initiatives qui sont à l'origine de l'Organisation européenne
pour la Recherche nucléaire, mais après des travaux prélimi-
naires effectués, dans son cadre, par un groupe d'experts, des
propositions furent soumises et acceptées par une conférence
intergouvernementale, laquelle est à l'origine d'autres instances
interétatiques qui devaient aboutir à la signature de la Conven-
tion du 1 e r juillet 1953.
La participation d'une organisation à la création d'une autre,
même si celle-ci reste le fait des Etats, n'est pas sans intérêt: elle
a le mérite de les faire profiter de ses compétences techniques.
Elle peut aussi favoriser une certaine coordination de ses activités
avec celle des autres. Or le plus souvent, les créations nouvelles
se produisent en ordre dispersé, les fondateurs déterminent uni-
latéralement les compétences et les domaines d'activités de l'or-
ganisme nouveau, d'où la multiplication d'institutions qui seront,
chacune, jalouses, de leur prérogatives et le risque de l'apparition
(Ill) NORMES DE COORDINATION 567

entre elles d'un climat de susceptibilité, voire d'hostilité. A


l'Assemblée constitutive du Conseil de l'Europe, des craintes ont
été exprimées lors de l'adoption des traités de Rome de 1957 sur
les Communautés européennes. Au sein de la C.E.C.A., elle-
même, l'Assemblée commune a redouté que ces traités n'entraî-
nent la création d'une nouvelle assemblée européenne et les
interventions de son bureau ont pu éviter la formation, déjà
décidée par les ministres, d'une quatrième chambre.
C'est pourquoi entre ces organismes qui tiennent à sauvegarder
sinon leur « souveraineté » du moins leur originalité, les relations
relèvent d'un droit volontaire.
B. A l'origine des rapports entre elles, se trouve la volonté des
organisations d'en établir. Elle se réalise soit par les accords, soit
par engagements unilatéral.
1) Les accords expriment naturellement le droit volontaire.
Cependant, certains d'entre eux ne sont pas laissés à l'entière
disposition des organisations. Des textes viennent leur en imposer
la conclusion. Peut-on encore parler d'un libre engagement?
Les articles 57 et 63 de la Charte ont prévu que les institutions
spécialisées sont reliées à l'O.N.U. par des accords. Mais si,
comme l'a estimé la Commission préparatoire des Nations
Unies, 2 pèse ainsi une obligation sur l'O.N.U. de réaliser le
rattachement, si sa compétence est à cet égard liée, il n'en est
pas de même pour les institutions spécialisées. Celles-ci sont
autonomes et nullement tenues par les termes de la Charte; leurs
membres ne sont d'ailleurs pas nécessairement les mêmes. L'or-
ganisation qui se lie à l'O.N.U. dispose d'une compétence discré-
tionnaire dans la négociation, elle n'aliène à aucun moment sa
liberté vis-à-vis de son interlocuteur. Tout au plus, les Etats
membres des Nations Unies qui créent une institution spécialisée,
sont, eux, obligés de s'applique à la faire rattacher à l'O.N.U.,
selon l'article 63 de la Charte, mais l'institution elle-même est
libre.
2) Les organisations prévoient parfois elles-mêmes de nouer
des liaisons avec d'autres qui les ont précédées. Ainsi le Traité
sur la C.E.C.A., article 93, celui de la C.E.E., article 229,
2. PC/20, p. 40.
568 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (112)
décident l'établissement de toutes liaisons utiles aux Nations
Unies, disposition que reprend l'article 199 du traité sur l'Euratom
lequel étend, comme son homologue du traité sur la C.E.E.,
également cette liaison aux Institutions spécialisées et au
G.A.T.T. Les traités de Rome prévoient également une coopé-
ration avec le Conseil de l'Europe et une «étroite collaboration
avec r O . E . C . E . ». Ce sont là les marques d'une incontestable
autodétermination. Mais il faut voir que si ces textes font ces
prévisions, c'est non seulement à raison de l'autorité de ces or-
ganisations, mais encore parce qu'ils reconnaissent parfois une
certaine supériorité normative aux chartes ou traités de base des
organisations qui les ont précédés.

§ 2. Référence à des normes de sommet

L'une est de style: celle à la Charte des Nations Unies; les


autres dépendent de la sphère d'activité des organisations.
A. La déclaration de conformité des organisations à la Charte
des Nations Unies se retrouve aussi bien dans les organisations
politiques que techniques.
a) les systèmes régionaux, à compétences générales comme
l'O.E.A., ou plus spécialement axés sur la sécurité collective,
comme l'O.T.A.N., l'O.T.A.S.E., le Pacte de Varsovie, font tous
hommage à la Charte. Cet appel a une double portée: il s'agit
d'abord de masquer la division politico-idéologique du monde
que trahissent ces ententes régionales, grâce à une référence
commune à l'éthique suprême énoncée dans la Charte. Mais on
entend égalemant fonder la légitimité et la légalité des organi-
sations ainsi conçues.
b) dans les textes créant des organismes techniques, l'allusion
à la Charte s'explique par les vastes desseins que ce texte attribue
à l'O.N.U. dans les domaines culturel, économique et social.
Ainsi la Constitution de l'O.M.S. se déclare, dès son préambule,
en conformité avec la Charte. Les accords conclus avec les
Nations Unies par les institutions spécialisées se fondent sur
l'article 57 de la Charte. Enfin les accords conclus entre les
institutions spécialisées débutent par l'affirmation du désir de
collaborer « afin de faciliter l'accomplissement effectif des buts
(113) FORMES DE COORDINATION 569

définis par leur constitution respective, dans le cadre général


établi par la Charte des Nations Unies » (accord entre l'O.M.S.
et l'O.I.T.). La même formule se retrouve dans l'accord conclu
entre l'O.M.S. et I'A.I.E.A., encore que celle-ci ne soit pas
considérée comme une institution spécialisée.
La Charte apparaît ainsi comme l'expression d'une supra-légalité
universelle. Mais sa primauté se conjugue avec celle d'autres
textes à application localisée ou spécialisée.
B. On a vu comment les Communautés européennes se sont
situées à l'intérieur de traités économiques plus vastes auxquels les
six étaient parties. Deux solutions s'offraient à ces derniers: ou
faire sécession du G.A.T.T. ou de PO.E.C.E., ou y demeurer,
mais en s'alignant sur les normes édictées par l'Accord général
ou par la Convention de Paris du 16 avril 1948. Étant donné
qu'en elles-mêmes, certaines règles sur lesquelles reposent les
Communautés sont incompatibles avec celles du G.A.T.T. ou de
r O . E . C . E . , il leur faut, pour honorer les normes de base de ces
systèmes plus vastes, demander une dérogation en leur faveur.
Pour la C.E.C.A., la hiérarchie des ordres et des normes
juridiques a été très nettement observée: ce ne sont pas des
accords bilatéraux entre elles et chacune des organisations inté-
ressées qui ont fixé l'adaptation de l'une aux autres. Les déro-
gations ou autorisations ont été accordées par décisions unilaté-
rales des parties contractantes du G.A.T.T. ou du Conseil des
ministres de l'O.E.C.E.
L'avènement de la Communauté économique européenne a
soulevé des difficultés qui ne sont pas encore résolues dans ses
rapports avec les deux mêmes systèmes. Le Marché commun
suppose que les avantages qu'il confère à ses membres dans les
échanges, ne soient pas étendus aux pays tiers, qu'ils fassent ou
non parties de l'Accord général ou de l'O.E.C.E.
Mais alors, s'instaure ce qui, au regard de ces tiers, est une
discrimination qui doit être autorisée sous peine de demeurer en
infraction à l'égard des textes de base du G.A.T.T. et de
l'O.E.C.E. A vrai dire, le problème, dans ces matières économiques,
ne revêt pas une signification uniquement juridique, il est essen-
tiellement politique mais sa solution n'en est pas poins suspendue
570 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAK INT. (114)

à une option entre sécession ou alignement, ce qui est le propre


des rapports hiérarchisés. La Communauté des six proteste en
tout cas de son désir de respecter les principes de libéralisme
économique sur lequel se fondent le G.A.T.T. et l'O.E.G.E.
Révélatrices sont à cet égard les expressions utilisées devant la
Réunion jointe des Assemblées européennes le 16 janvier 1959
par M. Hallstein, président de la Commission de la C.E.E. :
après avoir rappelé que l'Accord général et le Code des libérations
de r O . E . C . E . prévoient qu'il peut se créer des unions douanières
et des zones de libre échange, il déclare: « . . . ce que nous faisons
est licite . . . notre projet de tarif extérieur commun est en tous
points conforme3 aux conditions que le G.A.T.T. nous prescrit
d'observer pour les unions douanières . . . ».* Par ailleurs, la
double appartenance d'Etats à plusieurs systèmes n'est possible
que dans la mesure où le plus vaste ne poursuit que des unifica-
tions assez superficielles: c'est un fait que plus on monte dans
les ordres composés, plus on passe de règles concrètes à des plans
de plus en plus abstraits en raison de l'effort de généralisation
qu'ils supposent.
Ainsi s'établissent des articulations entre d'une part, des orga-
nisations à domaine large et, le plus souvent, à pouvoirs restreints
et d'autre part, des organisations à domaine plus restreint, maïs
à pouvoir plus étendus. La supériorité des premières ne se situe
donc que sur le plan normatif: elle n'est pas, sur le plan construc-
tif, assortie de sanctions en cas de non observation de la hiérarchie
des normes. Cependant, l'adhésion par l'acte constitutif d'une
organisation à la charte d'une autre n'est pas sans conséquence:
elle fournit une règle d'interprétation: les dispositions de l'acte
constitutif doivent être interprétées de manière à les rendre
compatibles avec le texte considéré comme supérieur. Il doit en
être de même des décisions et diverses dispositions prévues par
les organisations. C'est sous le couvert de cette présomption de
compatibilité qu'elles connaissent en pratique une véritable indé-
pendance fonctionnelle.

3. Compte-rendu de la 6 è m e session jointe, p. 52.


4. Ibid., pp. 54- et 55.
(115) NORMES DE COORDINATION 571

SECTION I I . L'INDÉPENDANCE FONCTIONNELLE

Elle est la règle. Il n'y semblerait pas toujours: il existe en


effet dans certaines organisations spécialisées des échelons régio-
naux très étroitement subordonnés à l'organisme central. Mais
ce n'est là qu'une exception apparente car cette subordination
résulte d'un aménagement structurel d'une organisation qui sus-
cite divers rouages locaux dans son propre sein. II n'empêche
que cette solution de centralisation doit être examinée, ne serait-
ce que parce qu'elle permet de mieux comprendre les différences
entre ce régime et ceux qui s'appliquent aux organisations qui
ne sont pas absorbées dans un système unique. Il est remarquable
que cette subordination hiérarchique qui avait été instaurée pour
le rattachement des bureaux administratifs à la S.D.N. ait été
écartée pour les institutions spécialisées. Cependant, si celles-ci
ont été établies sur le principe d'autonomie, elles ont avec les
Nations Unies des attaches particulières qui, certes, ne permet-
tent pas à r O . N . U . d'exercer sur leur fonctionnement un pouvoir
hiérarchique, mais qui l'autorise à excercer sur elles une influence
non négligeable par la persuasion. L'activité des institutions
spécialisées se trouve ainsi non subordonnée, mais simplement
contrôlée. Enfin, entre ces institutions elles-mêmes ou entre les
autres organisations s'établit un régime purement volontariste de
consultations réciproques.
Activités subordonnées, activités contrôlées, activités concertées :
telles sont les trois démarches possibles entre organisations. En-
core faut-il savoir que cette progression va de l'exceptionnel au
plus fréquent.

§ 1 ) Activités subordonnées

Leur importance réelle est assez modeste. Elle suppose l'in-


stauration d'un véritable pouvoir hiérarchique au profit de
l'autorité européenne, c'est-à-dire, la possibilité pour elle de
modifier ou d'annuler les décisions de l'autorité subordonnée sur
la base de la simple opportunité. Ce qui signifie que le supérieur
hiérarchique peut imposer aux échelons subalternes sa propre
conception du bien commun, du pratique ou de l'habile. Une
572 R. J. DUPÜY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (116)

telle subordination peut commander les rapports d'organismes


pousuivant des tâches de même nature, l'un étant universel ou
de vaste composition régionale, l'autre étant plus localisé ou
plus spécialisé. Elle a été tentée sur le plan politique, elle trouve
plus aisément sa place à l'intérieur des institutions techniques.
A. Entre organisations politiques, il peut, a priori, être sédui-
sant d'édifier une vaste société pyramidale couverte, à son som-
met, par une organisation dont la charte affirmerait l'éthique
commune et dont les organes superviseraient les autorités locales,
régionales ou étatiques, de manière à maintenir le monde dans
l'unité idéologique et la paix. Cette vision d'un monde très
hiérarchisé, qui participe plus ou moins d'une nostalgie de la
civitas Christiana du Moyen-Age, est, dans une certaine mesure,
celle de la Charte des Nations Unies, mais, étant en contradiction
avec l'état réel d'un monde conditionné par la multiplicité des
pôles politiques, elle a connu un cuisant échec.
L'idéologie de la Charte n'est nulle part ouvertement contestée
mais elle s'exprime en termes suffisamment vagues et abstraits
pour pouvoir recouvrir d'un voile d'unanimité les familles politi-
ques les plus opposées. C'est pourquoi la coordination prévue
par la Charte sur le plan de la sécurité collective, selon une tech-
nique autoritaire a été mise en défaut. Nous n'avons pas à insister
ici sur un échec dont les traits sont bien connus. On sait comment
l'O.N.U., qui se voulait une entité hiérarchiquement supérieure
aux organisations régionales, en matière de sécurité, a reçu du
chapitre V I I I de la Charte un véritable pouvoir hiérarchique, en
matière de police internationale: le Conseil de Sécurité se voit
reconnaître par l'article 53 le monopole de l'initiative du recours
à la force et peut toujours revenir sur une action entreprise en
vertu d'accords régionaux. 8 Mais cette supériorité hiérarchique de
l'O.N.U. pour le déclanchement et l'exercice de la coercition a
été ruinée par le jeu de l'article 51 sur la légitime défense. Alors

5. Ce pouvoir ne concerne pas les mesures n'impliquant pas l'emploi


de la force: le 10 Août 1960, le Conseil de Sécurité s'est contenté de prendre
acte de celles adoptées par l'Organisation des Etats américains à rencontre de
la République dominicaine, contrairement à l'opinion de l'U.R.S.S. selon
laquelle l'autorisation du Conseil serait nécessaire pour l'application de
toute sanction décidée par une organisation régionale.
(117) NORMES DE COORDINATION 573

que celle-ci ne se conçoit que dans un système cohérent et


centralisé pour ne pas être trop aisément extensible, elle a, en
raison de la paralysie du Conseil de Sécurité, submergé la matière
de la sécurité et favorisé la constitution d'organisations régionales
politico-militaires qui s'affrontent librement sans aucune inter-
vention de la centralisation prévue par la Charte. Hiérarchie
normative, anarchie fonctionnelle, voici ce qu'est, en réalité, le
régime de la sécurité collective, ou pour être plus exacte, des
sécurités collectives. Un véritable droit à la guerre se trouve
ouvert aux organisations régionales sur la base de la légitime
défense.
Cet échec était prévisible, compte tenu des divisions politiques
qui déchirent la planète. Il semble en revanche, que sur le plan
technique, une centralisations soit plus aisée.
B. Les organisations techniques établissent souvent des rouages
locaux pour faciliter l'exécution, au niveau régional, des pro-
grammes d'activités décidés par les instances centrales. Elles
recourent souvent aussi à une sorte de déconcentration par
service par la création d'organes subsidiaires.
a) Les bureaux ou conférences régionales: il s'agit des rapports
entre l'organisme spécial universel et l'échelon local. Il faut dire
l'échelon car, en dépit de l'importance de son rôle, celui-ci fait
partie d'une seule et même organisation. On se trouve en présence
des aménagements des rapports entre organismes d'une même
institution. Si l'on prend par exemple l'Organisation mondiale
de la Santé, on s'aperçoit qu'elle a six bureaux régionaux. Mais
ceux-ci ne forment pas une fédération: comme le dit l'article 46 de
la Constitution « chacune des organisations régionales sera partie
intégrante de l'organisation, en conformité avec la présente
constitution ».
Les comités et les bureaux régionaux sont des organismes
chargés de l'exécution dans les limites de la région des décisions
de l'Assemblée mondiale de la Santé; ils ont un pouvoir simple-
ment consultatif, c'est dire que leurs initiatives doivent être
approuvées par cette Assemblée, celle-ci pouvant les modifier
ou les refuser. Cette supériorité hiérarchique est soulignée par le
fait que l'instance régionale n'a aucune autorité budgétaire et
574 R J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN INT (118)

relève, sur le plan financier, de l'échelon central. Le directeur


régional est proposé par le Comité régional, mais il est nommé
par le Conseil de l'O.M.S. : c'est un agent et non un gouvernant.
L'Organisation sanitaire panaméricaine jouit d'un régime un peu
plus libéral car elle existait avant l'O.M.S. et a dû être intégrée
à celle-ci par la conclusion d'un accord. Cette liberté d'allure
plus grande se heurte à la volonté du sommet. 6 De toutes façons,
le Bureau sanitaire panaméricain ne bénéficie pas de l'autonomie
budgétaire.
C'est un système très centralisé qu'a établi l'O.I.T. à l'égard
de ses conférences régionales. Celles-ci, prévues lors de la revision
de la Constitution, opérée à Montréal en 1946, sont créées à
l'initiative du Conseil d'administration de l'O.I.T. lequel est
maître de leur composition et de l'établissement de leur ordre
du jour. Les conférences régionales n'ont qu'une activité consul-
tative. 7
Cette déconcentration territoriale peut se doubler de l'aména-
gement d'organes subsidiaires.
b) Ceux-ci réalisent une déconcentration par service. Leur
nombre et leur diversité rend malaisée une présentation synthéti-
que du phénomène, certains de ces organes demeurant de simples
annexes de l'organisation, d'autres atteignant à l'autonomie
comme l'U.N.I.C.E.F. ou l'U.N.W.R.A. 8 Doté nécessairement
d'un minimum d'individualité, l'organe subsidiaire balance ainsi
entre la dépendance et la quasi autonomie. Son rattachement à
l'organisation qui, en le créant, a défini ses fonctions, résulte aussi
de la délégation provisoire et précaire de compétences qui lui a
été consentie comme du droit de révision permanent que conserve
l'organe principal. Dans une affaire Meroni, la Cour de Justice

6. C'est ainsi, par exemple que les fonctionnaires du Bureau sanitaire


panaméricain persistent à vouloir relever du Tribunal administratif des
Nations Unies et non de celui de l'O.I.T. comme les autres agents de l'O.M.S.
On trouvera le texte de l'accord dans les Documents fondamentaux de
l'O.M.S., 9 èn, e éd., Genève, 1958, pp. 40-42.
7. Dr. Sulkowski, Les conférences régionales de l'O.I.T, R.G.D.I.P., 1953,
pp. 613-630.
8. P. Reuter, Les organes subsidiaires des organisations internationales, in Hom-
mage d'une génération de juristes au Président Basdevant, Paris 1960, pp.
415-440.
(119) NORMES DE COORDINATION 575

de la C E . C . A . 9 a estimé, dans l'espèce qui lui était soumise, que


la délégation ne pouvait porter que « sur des pouvoirs d'exécution,
exactement définis et entièrement contrôlés, dans l'usage qui en
est fait » ce qui est bien l'affirmation d'un pouvoir hiérarchique.
Cependant l'organe subsidiaire ne se trouve pas toujours dans
une dépendance aussi étroite: il peut se voir attribuer des capa-
cités juridiques aboutissant à une véritable personnalité inter-
nationale, comme c'est le cas pour la Banque européenne
d'investissement (art. 129 du Traité sur la C.E.E. et 16 du
Protocole sur les statuts de la B.E.I.). Ils ressembleraient alors,
comme l'U.N.I.CE.F., à des institutions spécialisées, n'était leur
origine. Alors que celles-ci reposent sur des conventions inter-
étatiques autonomes, les organes subsidiaires, même les plus
indépendants, sont issus d'un acte imputable à un organe princi-
pal. C'est ce qui explique que les institutions spécialisées aient
été placées, dès le départ, vis-à-vis des Nations Unies dans une
position latérale et non subordonnée, leur activité devant être
contrôlée par l'O.N.U. sans reconnaissance pour autant à celle-ci
d'un pouvoir hiérarchique.

§ 2) Activités contrôlées

Entre l'organisation générale et universelle et les organisations


spéciales universelles, la subordination hiérarchique est conce-
vable. Tentée à l'époque de la S.D.N., elle a été écartée par la
Charte des Nations Unies. Le désir de l'organisation générale de
superviser les institutions spécialisées est naturel. Il s'est égale-
ment manifesté à l'échelon régional: l'Organisation des Etats
américains est entourée d'organisations satellites, spécialisées
dans certaines tâches culturelles, économiques ou sociales. Nom-
breuses ont été les tentatives du Conseil de l'Europe pour
« coiffer » les communautés. Son échec provient surtout, semble-t-
il, du fait que ces dernières sont composées d'un nombre plus
restreint d'Etats et que la force qu'elles tirent de leur cohésion
est rétive à toute intégration dans un ensemble plus vaste, plus
hétérogène et plus faible. En revanche, entre les Nations Unies
et les institutions spécialisées, l'équilibre est plus aisément atteint.
9. J.O. de la C.E.C.A., 1957, 574.
576 R. J . DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (120)

Certes, ces derniers n'ont pas nécessairement la même compo-


sition que l'O.N.U. Mais cette différence, encore sensible les
premières années, a en fait, perdu de son intérêt avec l'augmen-
tation du nombre des membres des Nations Unies et des insti-
tutions spécialisées.
Il n'empêche, que juridiquement autonomes, celles-ci ne sont
rattachées à l'O.N.U. que par les procédés souples qu'offrent les
accords conclus avec le Conseil économique et social, accords-
standards dont la conclusion constitue le critère véritable permet-
tant de les distinguer des autres organisations. Depuis 1946, 11
accords ont ainsi été conclus avec l'O.I.T., PU.N.E.S.C.O., la
F.A.O., r O . A . C . I . l'O.M.S., l ' O . M . M , l'U.P.U., la B.I.R.D.,
l'U.I.T., l'O.I.C. En dépit de certaines divergences de détail, ils se
ramènent tous à un type comportant le même genre de dispo-
sitions. Ce régime conventionnel, conjugué avec les dispositions
prises par l'Assemblée générale et le Conseil économique et
social donne un système qui rompt avec le contrôle hiérarchique
et évoque la reconnaissance d'une tutelle des Nations Unies in-
staurée par liaison latérale appliquée par la persuasion plus que
la subordination.
A. La liaison latérale résulte non seulement des accords
conclus entre le Conseil économique et social et les institutions,
mais aussi de la méthodologie de la coordination, fondée sur le
dialogue qui a été adopté.
L a Charte des Nations-Unies est fort brève sur les accords
avec les institutions, de façon, précisément, à laisser aux intéressés
la plus grande liberté. Si la plupart présentent une grande ana-
logie, c'est à raison de l'identité tant des structures des organi-
sations que des problèmes que posent la coordination. C'est
pourquoi tous prévoient l'appel aux mêmes techniques que nous
connaissons bien: représentation réciproque, information mutu-
elle, inscription de questions à l'ordre du jour, etc. . . Contraire-
ment à l'opinion de certains auteurs 1 0 ces accords font naître
de véritables droits et obligations. Certes ce ne sont pas des
traités politiques, mais ce sont des accords administratifs de

10. C. Parry, The Treaty-making power of the United Nations, B. T.B.I.L.,


1949 p. 121.
(121) NORMES DE COORDINATION 577

nature internationale aussi bien par la qualité des parties que


par leur contenu.
Mais de surcroît, il existe au-delà de ce fondement convention-
nel un système de coordination administrative qui procède égale-
ment de la liaison horizontale.
L'aspect institutionnel de la coordination semblerait déboucher
sur des techniques verticales impliquant l'appel à l'autorité
d'organes aussi prestigieux que l'Assemblée générale et le Conseil
économique et social. Mais ce dernier organe a recours, à des
organismes qui font apparaître cette technique du dialogue si
remarquable ici. En effet, si le Conseil dispose du concours
d'organes subsidiaires composés par lui, comme le Comité de
coordination du Conseil (C.C.C.), le Comité de l'assistance
technique ou les Commissions économiques régionales, il a aussi
créé un organe mixte, le Comité administratif de coordination,
que nous avons déjà rencontré, et celui-ci sur son invitation a insti-
tué le Bureau de l'Assistance technique, également ouvert aux re-
présentants des institutions spécialisées. Ainsila coordination met
en cause un double cadre: un cadre interne aux Nations Unies:
l'Assemblée générale demande au Conseil économique et social
de s'occuper de tel ou tel problème et approuve les « critères de
priorité » retenus par le Conseil pour l'ordre de priorité des pro-
grammes des institutions spécialisées. Cependant ceux-ci ont été
établis non pas unilatéralement, mais de concert dans le C.A.C.
qui est le« tampon »entre les institutions spécialisées et l'O.N.U. 1 1
Pour éviter un chevauchement d'activités et les « duplications »
onéreuses, on a ainsi recouru à la planification non imposée mais
«accordée». 12 Les réunions du C.A.C, sont aussi l'occasion pour les
institutions spécialisées d'émettre des opinions, voire d'exercer un
certain droit de remontrance à l'égard du Conseil économique et
social lorsque celui-ci leur paraît tendre à manifester une trop gran-
de autorité, notamment en matière administrative et financière.

11. Il faut mentionner le rôle du Secrétaire général des N.U. dans la


coordination, cf. Répertoire de la pratique, art. 58, §§ 22, 23, 24.
12. Il semble d'ailleurs que tout efïbrt de coordination suppose le concours
des Etats membres des organisations intéressées: chaque gouvernement
devrait d'abord coordonner sa politique dans les diverses institutions auxquel-
les il participe.
578 R. J, DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (122)
Dans ce domaine, en effet, la multiplicité des institutions
entraîne des dépenses considérables et le besoin de faire des écono-
mies donne à la coordination une importance plus grande encore
que l'harmonisation des programmes et nécessiterait semble-t-il
le recours à des techniques centralisées. La Charte avait, dans
les articles 17, al. 3, 57, 58, 63 et 64, posé certaines règles, mais,
même dans ce domaine, les Nations Unies ne peuvent user que
d'un pouvoir d'influence. L'Assemblée générale examine et ap-
prouve les budgets des institutions spécialisées. Mais alors qu'on
avait songé à réaliser un budget commun qui aurait été géré par
l'O.N.U,, cette idée n'a pu triompher; elle était trop en rupture
avec la conception qui prévalait: les Nations Unies devaient
connaître des activités des institutions spécialisées, certes, et même
les contrôler en les appréciant et en faisant connaître leurs
approbations et critiques, en proposant des modifications ; elles
devaient non disposer d'un pouvoir de décision, mais user de
persuasion.
B. Le contrôle et la pression persuasive sont exercés par l'As-
semblée générale et le Conseil économique et social, selon un
système qui n'est pas sans évoquer la tutelle administrative qui
s'exerce, notamment en France, à l'égard des autorités décen-
tralisées. L a tutelle est différente du pouvoir hiérarchique, car
l'organe décentralisé n'est pas un agent mais un véritable gouver-
n a n t ; il est en effet, maître de l'appréciation de l'opportunité.
Il est doté d'un pouvoir discrétionnaire quant au point de savoir
s'il faut prendre ou non une décision et quant au contenu de
celle-ci. Il n'y a au-dessus de lui aucun agent hiérarchique qui
puisse lui ordonner de prendre cette décision ou encore de tracer
les limites de ce qu'il doit inclure dans sa décision, laquelle est
donc autonome pour les matières qui sont attribuées à sa com-
pétence. Il reste que l'organe décentralisé demeure soumis à la
légalité et qu'il relève à cet égard d'un contrôle de la part de
l'autorité de tutelle. Dans l'ordre international, la décentrali-
sation est si développée que la légalité fixée par la Charte est
d'un volume assez modeste. Elle a été précisée et développée par
les accords.
Il ressort de cette réglementation que les Nations Unies doivent
(123) NORMES DE COORDINATION 579

avoir une connaissance très profonde de l'activité des institutions


spécialisées. C'est pourquoi celles-ci doivent faire des rapports
réguliers au Conseil économique et social. L'article 64 de la
charte prévoit que ce dernier peut prendre toutes mesures utiles
pour recevoir ces rapports que les accords prévoient également,
si bien que les institutions ont l'obligation de les fournir. Certes,
il s'agit d'une obligation conventionnelle mais elle est indiscu-
table et de grande portée, comme celle qui oblige de communi-
quer au Conseil économique et social les accords ou même les
projets d'accords des institutions et qui permet un contrôle réel
sur l'orientation de ces organismes. Si l'on ajoute que les insti-
tutions spécialisées sont tenues d'assister les autres organes des
Nations Unies, notamment le Conseil de Tutelle et le Conseil de
Sécurité, 13 on a l'impression d'un regroupement certain des
institutions spécialisées sous l'égide de l'O.N.U. Mais celle-ci,
si développé que soit son contrôle, ne peut imposer ses vues: les
institutions spécialisées sont autour et non au-dessous des Nations
Unies. Comme l'écrit justement le professeur Charles Chaumont:
« ces institutions restent en quelque sorte tiraillées entre l'emprise
des gouvernants étatiques et l'autorité des organes internatio-
naux »,14 Celle-ci ne s'exprime que par la persuasion; les recom-
mandations de l'Assemblée générale ou du Conseil économique
et social n'ont que la valeur d'une proposition encore que le
régime juridique adopté par les accords donne à celle-ci une
force particulièrement pressante. Ainsi, l'accord passé avec
l'O.A.C.I. prévoit que cette institution s'engage à soumettre à
ses organes compétents pour leur donner effet, les recomman-
dations qui lui auront été adressées par les Nations Unies en
application des articles 13, par. 1 (6), 55, 58, 62 et 63 de la
Charte. De surcroit l'O.A.C.I. devra procéder à des échanges
de vues avec les Nations Unies, à leur demande, au sujet de ces
recommandations et fera rapport en temps opportun à l'O.N.U.
sur les mesures prises par elle en vue de donner effet à ces
recommandations ou sur tous autres résultats dont aurait été

13. On sait l'importance de la contribution de l'O.M.S. et de l'O.I.R.


dans l'assistance aux populations civiles lors du conflit coréen.
14. Chaumont, article précité p. 140.
580 R. J. DUPUY — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (124)

suivie leur prise en considération. Comme on l'a remarqué 1 8 ce


régime n'est pas sans évoquer celui des recommandations de
PO.I.T. : les institutions ont l'obligation d'étudier sérieusement
les possibilités d'appliquer la recommandation. Elles ne sont pas
tenues de l'exécuter, mais doivent faire rapport sur les mesures
prises par elles, ce qui revient au devoir pour elles, de motiver leur
décision de ne point se conformer à cette recommandation. Il
manque aux Nations Unies le droit de modifier les décisions des
institutions spécialisées pour que celles-ci se trouvent dans une
dépendance hiérarchique, mais elles sont sous un contrôle qui
ne laisse d'être contraignant. 1 6
Celui-ci a pu paraître excessif à d'autres institutions qui l'ont
refusé. La Banque internationale pour la reconstruction et le
développement et le Fonds monétaire international que leurs
accords avec les Nations Unies ont qualifié d'indépendantes. Il
a été convenu notamment, que l'O.N.U. devrait éviter de faire
à la Banque des recommandations au sujet des emprunts (art. 14,
al. 3), que celle-ci jouit d'une autonomie complète pour déter-
miner la forme et le contenu de son budget. Gomme si ces privi-
lèges ne suffisaient pas, le représentant de la Banque a précisé
que les Nations Unies ne pourraient faire aucune recommandation
au sujet de la Banque. La constitutionnalité de tels accords a
été très contestée, mais en fait, ils ont été appliqués: le Conseil
évite de faire des recommandations et a des expressions plus
vagues, comme «exprime l'espoir» ou «attire l'attention»; et
lorsque l'O.N.U. a adressé aux institutions spécialisées un ques-
tionnaire relatif aux modalités de préparation du budget, la
Banque et le Fonds ont répondu que « comme il avait été précisé

15. Virally, art. précité, Ann.fr. de Dr. int. 1956, p. 94.


16. Certains accords, sur certains points particuliers, peuvent m ê m e
établir au profit des Nations Unies un véritable pouvoir hiérarchique.
Ainsi deux accords conclus p a r l'O.N.U., l'un avec l ' U N E S C O , l'autre avec
I ' O . A . C I . , subordonnent l'admission par ces deux organisations d'Etats
non membres de Nations Unies à l'agrément de celles-ci. (Cf. E/1317,
p p . 26-27.) Le Conseil économique et social, pour l ' U N E S C O , PAss. gén.,
pour r O . A . C . I . , peuvent r e c o m m a n d e r le rejet de la d e m a n d e d'admission.
O r il ne s'agit plus ici d ' u n e véritable recommandation puisque l'institution
cocon tractante est « tenue de déférer à cette recommandation » (art. 2 de l'ac-
cord avec l ' U N E S C O ) , cf. l'application de ce régime, Doc. E/1317, p p . 46-47.
(125) NORMES DE COORDINATION 581

au cours des négociations de leurs accords et dans le texte même


desdits accords, cette question ne les concernait pas». 17
O n est plus très loin à ce stade de l'indépendance fonctionnelle,
du troisième style des rapports entre les organisations totalement
autonomes les unes vis-à-vis des autres: celui des activités simple-
ment concertées.

C. A c t i v i t é s c o n c e r t é e s

Ce système est le seul possible soit lorsque les organisations en


relations n'ont pas les mêmes fonctions, mais que cependant
leurs activités risquent de se chevaucher dans certaines zones
connexes (O.M.S., F.A.O., C.E.C.A., O.I.T., etc. . .), soit
lorsqu'elles exercent les mêmes fonctions mais dans des régions
différentes et en groupant une majorité d'Etats qui ne se trouvent
pas dans les deux organisations à la fois (O.E.A., O.T.A.N.,
entre lesquelles le président Prado du Pérou a proposé en Ì958,
d'établir une liaison étroite) ; enfin elle est concevable lorsqu'une
institution universelle mais spécialisée (O.A.C.I.) est en balance
avec une organisation localisée mais à compétence quasi générale
(Conseil de l'Europe, par exemple).
Entre ces diverses organisations s'établissent des rapports par
accords formels ou non, sur une base absolument egalitaire et
volontaire tant pour protéger les compétences de chacune que
pour promouvoir une certaine coopération.
a) Les organisations sont jalouses de leurs compétences et
voient sans plaisir se constituer des institutions susceptibles d'em-
piéter sur leur domaine. L'avènement de l'Agence internationale
de l'Energie atomique a causé quelque inquiétude à l'O.M.S.
étant données les conséquences que l'utilisation, même pacifique,
de cette énergie peut entraîner pour l'état sanitaire des popula-
tions. L'accord qui est intervenu entre elles a été longuement
négocié et plusieurs difficultés ont dû être surmontées. L'exclusi-
visme des organisations ne le cède qu'à celui des Etats, mais les
techniciens qui sont les « managers » de ces organismes spécialisés
veillent scrupuleusement à l'intégrité de leurs compétences maté-

17. E/1317, p. 78. Sur l'accord avec l'A.I.E.A., cf. article de G. Fischer,
in Ann.fr. de Dr. int., 1957, pp. 375-382.
582 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (126)

rielles et territoriales. Entre ces organisations s'instituent des


systèmes de coopération dont nous connaissons les techniques,
organiques et formelles. Elles reposent sur l'obligation de se
consulter pour éviter non seulement les doubles emplois dans les
études ou les publications, mais aussi la concurrence dans le
recrutement de leur personnel. C'est cette consultation qui sera
le mode de règlement normal des conflits. On remarquera que
ce problème ne nous aura pas beaucoup retenus. Mais c'est qu'il
est résolu par cette conciliation continue que doivent permettre
les comités mixtes et les arrangements exécutifs ou accords subsi-
diaires dont la conclusion doit être facilitée par ces contacts.
Parfois, comme c'est le cas entre organisations économiques, le
recours à ces consultations s'impose avec force pour permettre
une harmonisation non seulement des organisations, mais aussi
des politiques des Etats-membres.
Les organisations ne sauraient se contenter de prévoir le
respect mutuel de leurs compétences; elles doivent s'efforcer,
passant à un plan positif, de coopérer entre elles.
b) La coopération s'instaure sur un plan latéral. On pourrait
en douter parce que certaines organisations doivent adresser
des rapports à d'autres ou parce qu'existe parfois entre les actes
constitutifs des systèmes intéressés une hiérarchie normative.
1) Pour les rapports envoyés à d'autres institutions, ils sont le
signe non de la moindre subordination, mais de la coopération
nécessaire.
Les uns sont voulus par l'organisation qui les fait pour donner
une certaine publicité à son activité, les autres sont des sortes
d'hommages que s'adressent des institutions, souvent dépourvues
de pouvoirs considérables. C'est ainsi que l'Assemblée commune
de la C.E.C.A. communiquait un rapport annuel d'activité à
l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe. La Haute
Autorité est même tenue, selon un protocole annexé au Traité
du 18 avril 1951, de faire savoir les suites données aux recom-
mandations reçues du Comité des ministres du Conseil de
l'Europe. Cependant, en dépit des tentatives de ce dernier, on
ne saurait voir la reconnaissance d'un véritable pouvoir de tutelle
ou même d'un contrôle politique au profit de ce dernier. Les
(127) NORMES DE COORDINATION 583

deux organisations sont trop différentes pour qu'il en soit autre-


ment : le nombre de membres, les pouvoirs réels de chacune
s'opposent à une dépendance réelle de la C E . C . A . , organisation
serrée, par rapport au Conseil de l'Europe, organisation lâche, du
moins dans sa conception actuelle. Le seul contrôle politique
institué est celui qui peut fonctionner à l'intérieur même des
communautés, devant l'Assemblée parlementaire européenne.
Enfin, certains rapports, comme ceux que les Communautés
fournissent au ou obtiennent du G.A.T.T. et de l'O.E.G.E.
n'entraînent aucune subordination fonctionnelle, en dépit de la
hiérarchie normative régnant entre les textes de base des organi-
sations.
2) Des controverses se sont développées sur la portée des
obligations de la G.E.C. A. et des Six à l'égard des parties contrac-
tantes du G.A.T.T. U n litige est apparu sur les mesures prises
par la Communauté pour le fonctionnement du Marché commun
du charbon et de l'acier: les Six reconnaissaient qu'un rapport
devait être fait sur ces mesures, mais déniaient aux parties
contractantes du G.A.T.T. tout droit à émettre un jugement de
valeur à ce sujet. 18 Ce qui se passe dans la Communauté, territoire
unique, pour ce marché, est d'ordre interne. On aperçoit très
nettement l'affrontement d'une organisation à membres peu
nombreux, mais dotée de compétences très vastes et d'un système
à membres très nombreux mais dont les compétences sont si
relâchées que l'on se demande si ce système constitue vraiment
une organisation. Une solution politique a été trouvée: les repré-
sentants de la Communauté ont accepté de fournir plus de
renseignements mais n'ont pas cédé sur le principe.
Les rapports entre organisations internationales, encore que
la hiérarchie des normes soit observable et honorée sur le plan

18. De Soto, Les relations internationales de la Communauté du Charbon


et de l'Acier, R.C.A.D.I., 1956, II, p. 90.
On remarquera également, qu'en ce qui concerne le Marché commun, les
Six ont, dès le début, soutenu que le régime établi par le Traité de Rome leur
permettait de ne pas avoir à demander une « dérogation » au sens de l'art. 25
de l'Accord général, laquelle établit normalement des obligations permettant
au G.A.T.T. d'exercer un certain contrôle sur l'application ultérieure de la
dérogation accordée. Cf. article XXX, précité, in Ann.fr. de Dr. int., 1958,
pp. 623-624.
584 R. J. DUPUr — RELATIONS ENTRE ORGAN. INT. (128)
normatif, n'en restent pas moins marqués d'une incontestable
indépendance fonctionnelle qui ne fait que souligner l'importance
de la coordination volontaire de leurs activités.
Ainsi se dégage un droit des rapports entre les organisations
qui présente une originalité certaine en raison surtout de la
nécessité de toujours tenir compte, dans leur examen, de l'inter-
férence des facteurs structurels, fonctionnels et numérico-géogra-
phiques. Alors que pour les relations entre Etats, on se réfère à la
règle de leur égalité juridique, il n'est pas possible, entre les
organisations, de se contenter d'une telle affirmation : variant
dans leurs finalités statutaires, elles jouissent d'un minimum de
compétences internationales autour duquel peuvent apparaître
diverses variantes. Dans leurs rapports mutuels, ce minimum
s'ordonne autour d'une norme fondamentale qui leur impose de
coopérer et de coordonner leurs activités au bénéfice d'un intérêt
plus vaste que celui assigné à chacune d'elles: l'intérêt de la
communauté universelle des Nations.
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— Commission d u droit international: rapports de Brierly sur le droit
des traités: A/CN. 4/23 et A C / C N . 4 / 4 3 ; d e L a u t e r p a c h t : A / C N . 4/63
et A/CN. 4/87; de Fitzmaurice: A/CN. 4/101, A / C N . 4/107, A / C N .
4/115, A/CN. 4/120.
b) Pour les institutions spécialisées, cf. les documents officiels publiés p a r elles.
c) Pour le Conseil de l'Europe:
— Procédure d u Conseil d e l'Europe, Strasbourg, 1956.
— Sessions jointes de l'Assemblée consultative et d e l'Assemblée parle-
mentaire européenne; compte-rendus des débats.
— Recueil des textes fondamentaux.
—• Cf. tous les textes reproduits en annexe d a n s l'ouvrage d e P. Duelos
précité.
d) Pour les Communautés européennes:
— C.E.G.A. : Bulletin mensuel d'information.
R a p p o r t général sur l'activité de la C o m m u n a u t é , publié
depuis 1953.
— C.E.E. : R a p p o r t sur l'activité de la C o m m u n a u t é .
— Assemblée parlementaire européenne:
Débats, compte-rendu in extenso.
Documents de séance.
— J o u r n a l Officiel des Communautés européennes.
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 461-466

PREMIÈRE PARTIE:
Les techniques relationnelles
CHAPITRE I; L e s t e c h n i q u e s o r g a n i q u e s 467-488
Section I : Les agenta de liaison.
§ I : Les observateurs.
§ 2 : Les missions d e liaison.
Section I I : Les rapports structurels.
§ 1 : La jonction d'organes.
§ 2 : L'organe c o m m u n .

CHAPITRE IL — L e s t e c h n i q u e s f o r m e l l e s 489-527
Section I : Les accords formels.
§ 1 : L'élaboration des accords.
§ 2 : L'entrée en vigueur des accords.
Section I I : Les accords informels.

DEUXIÈME PARTIE
Les normes relationnelles
CHAPITRE I. — La r e p r é s e n t a t i v i t é d e s o r g a n i s a t i o n s 528-561
Section I : Personnalité à contenu variable.
Section I I : L'autonomie à l'égard des Etats.
§ 1 : Le transfert des compétences internationales à l'organi-
sation.
§ 2 : L a reconnaissance entre organisations.

CHAPITRE II, — N o r m e s d e c o o r d i n a t i o n e n t r e o r g a n i s a t i o n s 562-584


Section I : Hiérarchie normative.
§ 1 : Singularité originaire des organisations.
§ 2 : Référence à des normes de sommet.
Section I I : Indépendance fonctionnelle.
§ 1 : Activités subordonnées.
§ 2 : Activités contrôlées.
§ 3 : Activités concertées.

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