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CM1

– Histoire du monde arabe et du Moyen-Orient


2017-2018

CM1 - Le monde arabe au début du XIXe siècle




Objectif de ce premier cours : brosser un tableau du monde arabe à la veille des
bouleversements majeurs que constituent, au XIXe siècle, les réformes, les ingérences
européennes, la colonisation.
Ecueil à éviter = ne pas écrire l’histoire de la région uniquement en fonction de l’Europe, ni la
présenter comme une série de réactions ou de réponses à des interventions européennes.
Faire émerger les logiques propres aux sociétés et aux régimes politiques locaux.
e
Ce cours décrit donc, au début du XIX s., un monde arabe sous domination ottomane ; il
cherche à comprendre l’organisation de cet espace et les évolutions qu’il connaît alors.

Problématique ? Comment l’Empire ottoman maintient-il sa domination sur une région à
la fois immense et plurielle ?

I. Une domination ancienne qui s’appuie sur une culture commune (genèse,
contours géographiques)
II. Régences et provinces de l’Empire ottoman : une organisation administrative
décentralisée
III. Diversité des langues, des peuples et des croyances


I. Une domination ottomane ancienne qui s’appuie sur une culture commune
A. Genèse et contours de l’Empire ottoman
L’Empire ottoman est un vaste empire conquis puis dominé par les Turcs ottomans du XIVe
siècle à la fin de la Première Guerre mondiale.
Avec le déclin de l’empire mongol, les Turcs franchissent les Dardanelles et l’EO s’agrandit
ensuite dans les Balkans (victoire sur les Bulgares, les Serbes).
À partir de 1453 (et la chute de l’empire byzantin), sa capitale est Constantinople = Istanbul
= Byzance.
L’empire connaît son apogée au XVIe siècle sous le règne du sultan Suleyman le Magnifique
(1520-1566). C’est à cette époque qu’ont été conquises l’Algérie, la Tunisie et la Tripolitaine.
De même que la Syrie, l’Égypte (1516-1517) et l’Irak (1534).

Très vaste territoire l’Empire ottoman à la fin du XVIIe siècle, englobe le Maghreb, le
pourtour de la péninsule arabique et de la mer Noire, et même la partie balkanique de
l’Europe. L’empire est aux portes de Vienne en 1683.
L’EO se pose en défenseur de l’Islam sunnite, face à 2 menaces : à l’est, la Perse devenue
chiite ; à l’ouest, la Reconquista catholique (installation d’Espagnols et de Portugais au
Maghreb).

Remarque 1 : Les contours de ces constructions politiques ne correspondent pas aux
frontières des États actuels. Exemples : l’Iran n’existe pas encore et on parle de la Perse.
L’État libyen n’existe pas : la région est une province ottomane qu’on appelle la Tripolitaine.

Trans. : Certaines régions échappent au contrôle de l’EO, notamment la Perse, l’intérieur de

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la péninsule arabique et le Maroc.


B. Au centre, la Roumélie
C’est en Roumélie que se situe le centre de l’Empire ottoman et sa capitale est Istanbul
(= Constantinople).
L’empire est dirigé par un sultan, qui gouverne avec le grand vizirat (gouvernement
composé de ministres qui siègent à Istanbul) et contrôle l’armée, l’administration et les
gouvernements des provinces. On appelle souvent le gouvernement ottoman la « Porte » ou
la« Sublime Porte ».
Les agents du sultan sont les kuls : esclaves recrutés très jeunes, convertis à l’islam, formés
dans les « maisons » des gens du sultan. Ils forment l’ossature administrative et militaire de
l’empire. Mais les oulémas (= les « savants », de naissance libre) jouent aussi un rôle
important dans l’administration du royaume.
Les maîtres de cet empire ne sont donc pas des Arabes mais des Turcs ottomans
(descendants de tribus originaires d’Asie centrale). Mais il existe des Arabes qui travaillent
pour l’administration ottomane.

La langue du pouvoir est l’osmanli, mélange de turc, d’arabe et de persan qui s’écrit en
caractères arabes.

C. Un État souverain : le Maroc


Au XVIe siècle, la majorité du Maghreb passe sous l’autorité de l’Empire ottoman. La
conquête de cette région est liée aux activités de corsaires musulmans (pillage des navires
chrétiens).
Les frères Barberousse (Arûj et Khayr al-Dîn) prennent possession d’Alger dans les années
1510 et se déclarent sous la protection du sultan ottoman. Les Ottomans conquièrent
ensuite Tripoli et Tunis.
Le Maghreb est alors un terrain d’affrontements entre deux grandes puissances
méditerranéenne : l’Empire musulman ottoman et l’Empire catholique espagnol.

Au début du XIXe siècle, alors que les régions d’Alger, de Tunis et de la Tripolitaine sont des
provinces de l’EO, le Maroc reste un État souverain.
Il tourne le dos au reste du Maghreb et à l’Europe. Les sultans du Maroc ne recherchent pas
l’appui des Ottomans et ne passent jamais durablement sous leur autorité.
C’est une monarchie, gouvernée par une autorité centrale (le sultan et son makhzen),
fondée sur une généalogie qui la rattache au prophète (sharif). Le sultan exerce aussi une
autorité religieuse (Commandeur des croyants). Son pouvoir s’exerce surtout à l’intérieur
d’un triangle Fes/Rabat/Marrakech (pas de capitale fixe, le sultan circule).

Trans. Le Maroc fait figure d’exception, car au début du XIXe siècle, hormis le cœur de la
péninsule arabique, tout le reste du monde arabe se trouve sous domination ottomane.
Mais le monde arabe n’est pas le centre de l’empire…
Trans. La difficulté est de gouverner les régions les plus éloignées du centre. L’EO y parvient
grâce à une organisation relativement décentralisée et à un contrôle assez souple de ses
provinces.

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II. Régences et provinces de l’Empire ottoman : un fonctionnement relativement
décentralisé
A. La structure administrative au Proche-Orient
L’empire est découpé en circonscriptions administratives (eyalet, sandjak) dirigées par des
gouvernements provinciaux.
La Porte nomme des gouverneurs (wali) qui ont souvent le rang de pacha ou de vizir.
Envoyés d’Istanbul et toujours révocables, ils occupent leurs fonctions pendant quelques
années.
Chaque gouverneur a ses secrétaires, ses comptables, son conseil de hauts responsables. Il
commande les forces militaires locales. Réplique en miniature du gouvernement central.
La question financière est essentielle : le principal devoir des walis est la collecte des
impôts, tâche qu’ils délèguent à des fermiers fiscaux (multazim), souvent issus des grandes
familles de notables. À l’échelle locale, c’est le chef du village qui collecte l’impôt ou encore
le chef religieux (pour les minorités chrétiennes et juives).

Certaines régions sont bien contrôlées, par exemple le nord de la Syrie ou la Palestine.
Au contraire, dans d’autres territoires, l’autorité de la Porte a considérablement diminué.
C’est le cas en Égypte, à Tunis, à Tripoli, où le pouvoir est exercé par les forces militaires
régionales et les notables.
Dans le Hedjaz, forte autonomie des sharifs de La Mecque, une famille affirmant descendre
du Prophète.


B. L’Égypte et les régences d’Alger, Tunis et Tripoli
Dans cette province, les mamelouks jouent un rôle prépondérant = esclaves militaires
affranchis, venus des Balkans ou du Caucase, ils font carrière dans l’armée ou les institutions
locales.
Dans le contexte de chaos qui suit l’expédition de Bonaparte en Égypte (1798-1801),
Muhammad Ali, un militaire d’origine albanaise, écarte le représentant du sultan1.
Il dirige l’Égypte entre 1805 et 1848 et entreprend de nombreuses réformes, notamment
après 1820 l’« égyptianisation » de l'administration et de l'armée ; il développe l’agriculture
(irrigation, l’éducation pour former les ingénieurs et les médecins, et le commerce. Il occupe
un temps la Syrie (1832-1840). Il est finalement contraint d’abandonner ce territoire mais
obtient, en 1841, le titre de vice-roi (début d’une dynastie, titre héréditaire transmis ensuite
à ses descendants).

Depuis le XVIe siècle, les régions d’Alger, Tunis et Tripoli sont des provinces de l’Empire
ottoman.
La régence de Tripoli est dirigée par un pacha, nommé pour 3 ans et assisté d’un conseil de
gouvernement (divan). Le contrôle étroit d’Istanbul se relâche lorsque le pouvoir tombe aux
mains d’Ahmed Karamanli (en 1711) : il évince le pacha, se fait reconnaître par le sultan et


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Il soutient une révolte des oulémas qui lui demandent de devenir pacha, ce qui est accepté par Istanbul. Il
prend le contrôle du Delta, puis de la Haute Égypte (où les mamlouks sont réfugiés). En mars 1811, il fait
assassiner plusieurs centaines de mamelouks

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fonde une dynastie. Sous les Karamanli, début d’unité de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque
(avec une nette prépondérance de la Tripolitaine).
1835 : dans un contexte de révolte fiscale, et de compétition entre Français et Anglais (//
Égypte), des troupes ottomanes débarquent à Tripoli. Retour à une administration ottomane
plus directe jusqu’à la conquête italienne.

Le territoire de la Régence d’Alger est découpé en 4: le dar el-sultan qui comprend Alger et
ses environs immédiats et 3 provinces (beyliks), à l’ouest (Oran), au centre (beylik de Titteri
autour de Médéa) et à l’est (autour de Constantine). Nommés et révoqués par le dey, le rôle
des beys est essentiellement de collecter des impôts et de rendre la justice.
Les beyliks sont eux-mêmes divisés en watans (provinces), dirigées par caïds ou des pachas.
Ces derniers sont souvent des Turcs, mais ils choisissent les cheikhs en respectant le choix
des villageois.

Remarque 2 : le poids des tribus


En définitive, les Turcs occupent les villes mais de nombreuses portions du territoire sont
laissées aux tribus et aux confréries religieuses. Beaucoup de groupes locaux conservent une
grande autonomie.
Les tribus forment de vastes groupes (10 000 à 15 000 personnes) unis par la conviction de
descendre d’un même ancêtre commun. C’est d’abord vers les cheikhs et non pas vers
l’autorité centrale que se tournent les populations.
Certaines tribus sont soumises à l’autorité du dey ou du sultan. D’autres tribus sont
indépendantes et se révoltent parfois contre la pression fiscale2.

Une domination indirecte s’exerce sur une partie seulement du territoire. Par exemple,
l’autorité ottomane ne s’applique guère au-delà de Tripoli.
La régence de Tunis est sans doute la région qui (après le Maroc) s’individualise le mieux au
sein du Maghreb. Elle est gouvernée par le bey (initialement le collecteur des impôts). Les
beys appartiennent à la dynastie des Husseinites depuis 1705 (et jusqu’en 1957), dont le
fondateur est un Turc de Crète. La régence y est donc devenue héréditaire.
Cette région, plus urbaine, a développé une administration qui s’appuie sur la population
locale. Mais même si l’autonomie par rapport au sultan est grande, les liens de vassalité ne
sont jamais complètement rompus. Ils se manifestent sur les monnaies, frappées au nom du
sultan, ou lors de la khutba (le prêche) du vendredi.

Bilan
- L’organisation du pouvoir vise surtout à collecter l’impôt.
- Globalement, le contrôle ottoman est assez souple et fonctionne surtout sur les grandes
villes les plus accessibles depuis Istanbul.
- Réelle tendance à la décentralisation au XVIIIe siècle. L’Égypte et la Tunisie sont des
provinces dont l’autonomie s’accroît.
- Mais il existe une culture commune des élites locales, qu’elles soient Arabes, Turcs, etc.
(une personne née dans une province arabe peut faire carrière dans l’administration

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Au Maroc, les révoltes sont nombreuses pendant le règne de Moulay Slimane. En Algérie, les révoltes,
suscitées par la pression fiscale, sont aussi récurrentes. Cependant, elles n’ont jamais atteint l’ampleur de
celles dirigées contre la présence française.

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centrale). Les mariages entre les groupes existent (Au Maghreb, les descendants des
mariages entre janissaires turcs et femmes arabes s’appellent les koulouglis).

III. Diversité des langues, des peuples et des croyances
Au début du XIXe siècle, l’EO rassemble une population de 23 millions de personnes, dont la
moitié (12 millions d’habitants) vit dans les provinces arabes.
Position carrefour du MO, un empire sur 3 continents, qui a favorisé une grande diversité
des populations, des langues et des pratiques religieuses.

A. Des populations diverses, peu nombreuses et rurales


1) Des populations peu nombreuses
Les densités de population sont beaucoup plus faibles qu’en Europe.
Notamment en raison des ravages causés par les épidémies : peste, choléra. Les maladies
atteignent une population affaiblie par une alimentation insuffisante.
Au début du XIXe siècle, la population du Maghreb par exemple n’augmente guère
(maladies, faible fécondité, concentration dans les régions où il y a de l’eau), contrairement
à la plupart des pays européens qui connaissent une forte croissance démographique.

2) Des populations rurales
Les ruraux sont majoritaires dans l’EO, plus des ¾ de la population vit dans les campagnes,
d’une agriculture de subsistance.
Certains sont des paysans sédentaires (par exemple aux environs d’Alger, dans la Mitidja, en
Kabylie, dans le Sahel tunisien) qui vivent de la culture ou de l’élevage pratiqués dans des
conditions difficiles. Les techniques agricoles sont très rudimentaires : l’araire en bois avec
un soc en fer est moins efficace que la charrue employée alors en Europe. Les rendements
sont donc faibles, d’où les disettes.

On compte aussi d’importantes populations nomades qui font de l’élevage dans les
montagnes, les steppes ou les déserts.
Par ex, - les Turkmènes et les Kurdes en Anatolie,
- les bédouins dans les provinces arabes (les bédouins sont des Arabes nomades du
désert qui vivent du commerce caravanier).
- le Sahara est le domaine des nomades. Deux hiérarchies parallèles structurent cette
population : 1) les guerriers d’origine souvent arabe, qui se déplacent à cheval ou à
chameau. 2) les commerçants dont les ancêtres sont berbères.
Depuis le XVIIe siècle, le pouvoir ottoman tente de sédentariser une partie des tribus
nomades, pour mieux les contrôler et les assujettir à l’impôt.

3) Des populations diverses
Le MO compte majoritairement des Arabes, des Turcs et des Persans
mais aussi des minorités : par exemple, des Kurdes au nord de l’Irak et NE de la Syrie ; des
Arméniens en Anatolie, en Palestine et en Égypte, etc.

Au Maghreb, vivent des Arabes et des Berbères : à partir de l’islamisation de la région,
commencée au VIIe siècle sous l’effet de la conquête omeyyade, des tribus berbères se
rallient au nouveau pouvoir musulman et les conversions commencent. Tendance à
l’arabisation de populations initialement berbérophones (progressive et encore limitée au

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début du 19e s.). La langue arabe s’est imposée parce qu’elle est la langue du Coran, mais
aussi celle du droit, de l’autorité politique et de l’administration.
Les Berbères (= ceux qui parlent des langues berbères) se sont maintenus dans des zones
refuges ou éloignées de la conquête arabe. Ils sont 2% en Tunisie, 50 % en Algérie, 60% au
Maroc. En Algérie, ils sont en Kabylie et dans les Aurès ; au Maroc, les berbérophones sont
particulièrement nombreux dans le Rif et l’Atlas. En Tunisie, dans l’île de Djerba, dans le
Sahara et en Mauritanie dans la région de Zenaga.
Mélanges de populations : qui sont les Arabes du Maghreb, sinon des descendants des
Berbères qui se bricolent souvent une généalogie qui les rattachent aux grandes tribus de la
péninsule arabique des temps fondateurs ?

Toujours au Maghreb, les Turcs sont peu nombreux (moins de 10 000 en Algérie). Ils forment
un groupe à part, dominant politiquement et socialement.
Les Noirs sont une autre minorité musulmane qui se situe elle tout en bas de l’échelle
sociale. Ce sont des esclaves ou des affranchis. Au Maroc, ils peuvent faire carrière dans
l’armée du sultan. Leurs conditions de vie peuvent aussi être très dures : ils fournissent des
domestiques, des femmes pour le harem, des hommes de peine dans les oasis du Sud. Des
oulémas dénoncent l’esclavage de ces musulmans, mais ils ne sont gère écoutés.

Remarque 3 : L’Empire ottoman ne se définit pas comme un empire turc et il n’y a pas de
forte opposition entre conquérants (Turcs) et conquis (Arabes). Finalement, les clivages qui
marquent l’empire sont les distinctions musulmans/non-musulmans, hommes/femmes,
homme libre/esclave, ceux qui appartiennent à la « maison du sultan » / les sujets de
l’empire (le troupeau = les rayas).

B. Un empire musulman, de multiples minorités
1) Le sultan ottoman cumule les pouvoirs temporel (sultan) et spirituel (calife). Il endosse
le titre de calife et exerce son autorité religieuse sur les populations musulmanes de
l’empire.
Il a défendu l’islam contre les menaces perse et espagnole. Au XVIe siècle, les villes saintes
de la péninsule arabique sont passées sous contrôle ottoman (localiser le Hedjaz et La
Mecque (lieu de naissance du Prophète) et Médine (fuite le jour de l’Hégire en 622)).

Le sultan est le protecteur du pèlerinage annuel : C’est une entreprise colossale, avec
plusieurs caravanes qui convergent vers le Hedjaz. La caravane maghrébine passe par le
Caire ; la caravane de Damas (par Ma‘an ; 30 jours de voyage) regroupe les pèlerins venus du
pays de Rûm (Anatolie et Roumélie), la caravane d’Alep et la caravane persane (pèlerins
chiites venus de l’Est). Cf. texte 5 de la brochure.
Le pouvoir ottoman organise l’escorte militaire, le ravitaillement des caravanes et les dons
aux autorités religieuses des lieux saints. Il protège les pèlerins des attaques bédouines.

Pour le sultan, être le serviteur des lieux saints renforce sa légitimité.
L’islam est une force unificatrice de l’empire.

2) L’islam est cependant traversé par d’importantes divisions internes :
Les Ottomans se considèrent comme les gardiens de l’islam sunnite et refusent de
reconnaître les chiites comme une communauté religieuse distincte.

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Les chiites s’opposent aux sunnites sur la succession du prophète (partisans d’Ali, cousin et
gendre du prophète) et sur la possibilité d’interpréter la Loi. Ils sont minoritaires dans l’EO.
On trouve des communautés chiites au sud du Mont-Liban et au sud de l’Irak (villes saintes
de Nadjaf et Karbala, confluence du Tigre et de l’Euphrate et à Bassora).

Il y a d’autres minorités que les Ottomans ne considèrent pas vraiment comme des
musulmans et qui ont parfois été combattues : les zaydites, les alaouites, les druzes.
Les druzes (en Syrie, dans le Chouf, en Galilée) comme les Alaouites sont considérés comme
des hérétiques. Les druzes : groupe religieux dérivé du chiisme au XIe siècle, marqué par une
forte endogamie, croyance en la migration des âmes de druze à druze ; pas de mosquée.
Ils sont condamnés au plan religieux mais l’Empire ottoman peut faire appel à des notables
druzes ou alaouites pour collecter l’impôt (et sait parfaitement quelle religion ils professent),
des druzes dans la région du Chouf, au centre du Mont-Liban, des Alaouites dans le Jabal
alaouite (à la frontière Nord entre le Liban et la Syrie actuelle).

Les alaouites forment un groupe religieux très proche du chiisme et aussi important que le
chiisme au Xe siècle mais qui a perdu en importance avec institutionnalisation du chiisme
sous les Fatimides. Au début du XIXe siècle, les Alaouites ne prient pas dans des mosquées,
ne jeûnent pas pendant le mois de ramadan, ne font pas le pèlerinage, boivent de l’alcool.
Comme pour les Alaouites, la population est divisée entre « sages »/ initiés et les autres.
ó Les Ottomans font preuve de pragmatisme et ne cherchent pas à imposer une uniformité
religieuse.

Trans. : Autre menace pour le pouvoir ottoman, le wahhabisme qui s’oppose à l’islam
dominant dans l’EO, largement fondé sur le culte des saints et les confréries soufies.

3) Le wahhabisme, une hérésie qui a réussi 3?
C’est la nouveauté de la 2nde moitié du XVIIIe siècle : ce mouvement religieux est initié dans
la péninsule arabique par Muhammad Ibn Abd al-Wahhab.
Son message met l’accent sur l’unicité de Dieu et condamne tous les intermédiaires (donc
les rites soufis et les visites au tombeau des saints), mais aussi le café et le tabac.
Condamnation de ce qui est perçu comme des innovations par rapport aux usages des temps
du prophète. Il exige une application rigoureuse des textes et des principes et des peines
islamiques.

Dans les années 1740, l’autorité des Sa’ud est cantonnée à un petit campement du Nadj
(Dir‘yyah) ; ils n’ont ni revenus importants, ni ascendance tribale prestigieuse.
L’alliance avec Ibn Wahhab leur apporte une nouvelle légitimité et une certaine aisance.
Recrutement de partisans qui acceptent de se joindre au jihad et payer la zakat, à la fois par
conviction (promesse de félicité dans l’au-delà) et coercition (raids).
Les successeurs de Muhammad ibn Sa‘ud unifient l’Arabie centrale et imposent leur autorité
jusqu’au Golfe (Qatar en 1797, Bahreïn). Ils contestent l’autorité califale ottomane et
convoitent les villes saintes, qui sont prises en 1803-1804 (destruction des tombes du
prophète et des califes à Médine).

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Des spécialistes estiment que le wahhabisme s’est imposé comme une nouvelle religion (ils mettent en avant
les éléments de rupture avec l’islam), alors que les Sa’ud insistent sur la généalogie pour conforter la place du
wahhabisme dans l’islam sunnite.

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Cette expansion inquiète les Ottomans, qui condamnent les wahhabites comme de mauvais
musulmans. En 1811, le sultan envoie des troupes en péninsule arabique avec à leur tête
Muhammad Ali. Son fils, Ibrahim Pacha, reprend le Hedjaz et mène les opérations militaires
dans le Najd. Les Sa‘ud se rendent en 1818.

Trans. Pragmatisme envers les dissidents, mais utilisation aussi de la force contre ceux qui
contestent leur pouvoir et dans le cas des wahhabites, pour défendre ce que les Ottomans
perçoivent comme l’orthodoxie. Qu’en est-ils de ceux qui ne se définissent pas comme
musulmans ?

4) Les dhimmis : juifs et chrétiens de le monde musulman
Dans l’Empire ottoman, les communautés religieuses juives et chrétiennes, dont la présence
est antérieure à l’islamisation, sont reconnues et tolérées.
De nombreuses minorités chrétiennes sont présentes depuis des siècles au MO : certaines
sont catholiques (les maronites du Mont-Liban), d’autres beaucoup plus nombreuses ne
reconnaissent pas l’autorité du Pape (coptes en Égypte, Arméniens en Anatolie..). Certaines
sont surtout urbaines (les grecs « orthodoxes », en arabe, on dit « rûm »), d’autres vivent
aussi dans le monde rural (Arméniens, maronites, coptes). Beaucoup utilisent une autre
langue liturgique ( = pour les cérémonies) que l’arabe (le syriaque, l’arménien, le copte).
On est dans un monde polyglotte.
La Palestine est une terre centrale pour les juifs (« terre promise » par Dieu à Abraham)
comme pour les chrétiens, qui y célèbrent le lieu de naissance et de mort de Jésus (Bethléem
et Jérusalem).

Les juifs forment la principale minorité non musulmane au Maghreb : environ 30 000
personnes en Tunisie, 50 000 en Algérie, peut-être 100 000 au Maroc. Ils ne représentent
pas plus de 3% de la population et se concentrent souvent en ville (sauf au Maroc). Ils sont
présents bien avant la conquête de l’Algérie en 1830. Certains sont des Berbères judaïsés au
temps de l’Afrique romaine ; d’autres arrivent après la reconquête catholique et leur
expulsion d’Espagne (1492).
Les chrétiens sont, en revanche, quasiment absents du Maroc ; un peu plus nombreux en
Algérie ou en Tunisie où ils sont commerçants.

L’islam reconnaît les juifs et les chrétiens comme les « gens du livre » (Ancien Testament) et
les considère comme des dhimmis = « statut » ambigu de protégés en terre d’islam. Ils
peuvent exercer leur culte de façon privée et sont régis par leur propre législation en ce qui
concerne le statut personnel (mariage, divorce, héritage), mais ils doivent s’acquitter d’un
impôt spécial, la jizia et se plier à plusieurs interdits.
Les Juifs du Maghreb, par exemple, vivent dans des quartiers séparés (mellah, hara), ne
peuvent monter à cheval, ni porter les armes et ont un costume spécial. Ils doivent se
déchausser aux abords des mosquées. Toutes ces mesures discriminatoires sont exercées de
façon plus ou moins stricte selon les époques ; du coup, il est difficile de parler de statut car
ce n’est pas codifié.
Relations entre la majorité arabo-berbère et cette minorité juive faites de complémentarité,
de voisinage et de distinction. On se fréquente, mais on ne se mélange pas (pas de mariage
mixte, quartiers séparés). Ces juifs parlent l’arabe mais écrivent en caractères hébreux.

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Pluralisme religieux de l’Empire ottoman, même si les groupes communautaires ou
confessionnels sont relativement cloisonnés, ils gèrent leur vie sociale de manière assez
autonome.
Avant 1878, les non-musulmans représentent environ 1/3 de la population de l’EO (ordre
de grandeur). Les proportions sont importantes dans certaines villes et régions : au début du
XXe siècle, la moitié des habitants d’Istanbul ne sont pas musulmans et on compte encore
30% de chrétiens dans les provinces syriennes. Les chrétiens sont majoritaires dans les
Balkans.

Remarque 4 : ne pas confondre musulman et arabe. Aujourd’hui, environ 1 musulman sur 4
est arabe et le plus grand pays musulman est l’Indonésie.

Remarque 5 : On peut donc être arabe et chrétien/juifs : des minorités chrétiennes sont
présentes au Liban, en Syrie ou en Égypte et parlent l’arabe ; on trouve des communautés
juives importantes en Irak ou au Maghreb. On peut même être juif et turc ! C’est la création
de l’État d’Israël qui a précipité la fin de ces communautés juives.

Bilan : le cadre géographique du cours :
Monde arabe = Maghreb + Machrek + péninsule arabique
Moyen-Orient = Machrek (Levant) + péninsule arabique + Anatolie (actuelle Turquie) + Perse
(actuel Iran).
Dans le cours de cette année, on étudiera le Maghreb et le Moyen-Orient : au total, une
région de 8000 km d’Ouest en Est.

Conclusion
Au début du XIXe siècle, le monde arabe se trouve largement sous domination ottomane.
Mais alors que l’EO a conçu, au fil des siècles, une organisation administrative tenant
compte de la pluralité de ses composantes, les 1ères décennies du XIXe siècle sont marquées
par l’autonomisation de certaines provinces et l’émergence de mouvements centrifuges.
Pour affronter ces difficultés une partie de l’élite ottomane souhaite la refonte du système
administratif et militaire et une « modernisation » >> CM2 sur les réformes.

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