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Veinstein Gilles. Asker et re'aya : aperçu sur les ordres dans la société ottomane. In: Cahiers de la Méditerranée, hors série
n°3, 1978. Le concept de classe dans l'analyse des sociétés méditerranéennes XVIe-XXe siècles. Actes des journées d'études
Bendor, 5, 6 et 7 mai 1977. pp. 15-19;
doi : https://doi.org/10.3406/camed.1978.1503
https://www.persee.fr/doc/camed_0395-9317_1978_hos_3_1_1503
part prise par les officiers des garnisons des forteresses ottarianes de
Crimée dans les importations et exportations de ce port pontique. Par
ailleurs, on a souvent signalé, bien qu'incomplètement élucidé, le rôle
croissant des Janissaires, à partir du XVIe siècle, dans l'activité des
bazars urbains, notamment ceux d'Istanbul. En outre, les plus riches
parmi les casker, les pachas, les beg, les dignitaires du Palais, pouvaient
prendre part à des opérations commerciales de grande envergure, carava-
nières ou maritimes en investissant dans le cadre de contrats de type
mudaraba.
Inversement, les plus riches parmi les re caya,
principalement les banquiers (sarraf) et les grands marchands, ou, dans une ville
comme Bursa, par exemple, les fabricants de tissus de soie, n'étaient pas
exclus de tout rôle administratif, en tout cas sur le plan local : ils
faisaient tout naturellement partie, comme le confirme, au XVIIe siècle,
le voyageur Evliya Tchelebi, à côté des principaux ulémas et des
commandants des garnisons locales, des notables de la cité : les ayan. Or, dès
le début de l'empire, ces ayan jouent un rôle d'intermédiaires entre
l'administration et les populations, mais à partir du XVIe siècle, et de plus
en plus au fur et à mesure que s'affaiblit l'autorité centrale, l'Etat
se repose sur eux d'un nombre croissant de tâches : maintien de l'ordre
public, assiette et perception des impôts et même recrutement de soldats,
si bien qu'au XVIIIe siècle, l'importance des cadis ayant notablement
diminué, c'est aux mains de ces notables que l'administration provinciale
est entièrement passée : ils sont appelés ayan ve echraf quand il s'agit
de musulmans et, dans les Balkans, quand il s'agit de chrétiens : knez,
aga, kodja bachi, tchorbadji. Il existe &'\autre part pour les grands
marchands et banquiers, musulmans mais aussi chrétiens ou juifs, un autre
moyen de participer à l'administration et en particulier à la perception
des impôts : c'était la prise à ferme (iltizam) de sources de revenus de
l'Etat, taxes ou bien grandes exploitations (domaines fonciers, salines,
mines, pêcheries, etc..) pour lesquelles le système des concessions à
terme se généralise de plus en plus : revêtus du titre d' camil (plus
tard de multezim) , ces riches particuliers recueillent ainsi une partie
de la puissance publique.
Ces quelques remarques auront mis en lumière les atteintes
portées par la réalité à la rigoureuse division bipartite de la société.
Il faut se demander d'autre part dans quelle mesure ce clivage recoupe ou
au contraire transcende un autre clivage juridique, imposé cette fois par
la loi islamique (cheria) , celui qui oppose musulmans et mécréants.
L'empire ottoman est en effet un Etat plurireligieux dominé par un Sultan
musulman s 'attribuant le titre de calife et composé de Musulmans, mai s aussi
de Catholiques, Orthodoxes, Arméniens et Juifs ; dès lors surgit une
opposition entre les vrais croyants et les mécréants protégés (zimmi) ,
jouissant d'un statut particulier, marqué notamment par des impôts spécifiques,
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Gilles VEINSTEIN