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Cahiers de la Méditerranée : série

spéciale

Réflexions sur l'histoire des migrations en Europe continentale


(XVIe-XVIIIe s)
José-Gentil Da Silva

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Da Silva José-Gentil. Réflexions sur l'histoire des migrations en Europe continentale (XVIe-XVIIIe s). In: Cahiers de la
Méditerranée : série spéciale, n°2, 1, 1974. Les migrations dans les pays méditerranéens au XVIIIème et au début du XIXème.
Actes des journées d'études Bendor 6 et 7 avril 1973. pp. 174-193;

doi : https://doi.org/10.3406/camed.1974.1793

https://www.persee.fr/doc/camed_0337-0569_1974_hos_2_1_1793

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REFLEXIONS SUR L'HISTOIRE DES M

EN EUROPE CONTINENTALE (XVIe-X


t

Les migrations européennes reflèt


tion du travail et de la production. Grâce à vo
aux progrès exceptionnels de vos méthodes et de

ques,
sance notre
de l'histoire
réunion' de
a pu
la contribuer
force de travail.
à une meille

Ce§ réflexions d'un historien att


conditions économiques, ne sont nullement l'énon
"problématique". Elles sont personnelles et sug
l'exploitation de dossiers étrangers à la démog
nous gardons de sous-estimer l'importance des su
res que nous dirons de remplacement. Aménagées
lation d'expériences, elles respectent et conser
aspirations économiques et sociales, tant il est
renouvellement des systèmes d'équilibjre s'adress
tisfaction des buts traditionnels.
- 175 -

Aujourd'hui, les monnaies dites "nationales" sont sans


cesse comparées à la monnaie à grande puissance qui tra¬
duit la politique du pouvoir (évoquée à travers les espèces
d'or, les "eurodevises", le dollar). Aux XVIe et XVIIe
siècles, les systèmes locaux, les monnaies fiduciaires con¬
tenant peu ou pas du tout d'argent, les devises, sont cotés
dans les pièces riches, pratiquement indexées, en réalité
l'expression des décisions de la banque internationale ou
du Prince.

Cette variété des monnaies provoque des ava¬


tars de la valeur qui créent des superstructures porteuses
de mentalités qui deviennent des "traits nationaux", histo¬
riques. Les choix sont propices à l'usure, à la protection
essentiellement monétariste du patrimoine et à la spécula¬
tion. Il s'agit d'éviter l'érosion monétaire et d'en tirer
parti, pas en tout cas de participer à la production. On le
sait, la spéculation est aujourd'hui un des roles principaux
des monnaies "nationales". Elle s'exerce sur les inégalités
du pouvoir d'achat, selon les régions, leur économie, et le»
signes attribués à la valeur. Les économies, la production,
les hommes, leur horizon même et leur idéal, sont ballottés
au gré des artifices monétaires.

Au vrai , les aménagements techniques sont de


pure forme, en réponse à l'élargissement du marché du tra¬
vail et aux changements de la consommation. La circulation
et l'affrontement de monnaies différentes commandent les
hommes, en Europe occidentale, depuis le Moyen -Age.

Pour expliquer cette présence constante de


systèmes conjoncturels et conceptuels équivalents, il y a
sans doute à établir l'influence des marchands-banquiers
"italiens" et le statut de la Banque : tolérée, elle est
durement contrôlée par, le pouvoir. En dehors toutéfois de
l'action des "italiens" (ou les juifs, les protestants, ou
n'importe quelle minorité), la France, les royaumes d'Espa¬
gne, l'Europe centrale et orientale, ont vécu des expériences
monétaires comparables, toujours marquées par la dépréciation.

i
- 176 -

Peut être avec des excès ici et là : dus pour les


à l'impressionnante succession de souverainetés qu
leurs systèmes monétaires propres et confondent leu
dans la circulation locale, régionale et interrégi
lement à l'esprit particular is te favorisé par les
dans leurs vastes possessions et qui protège ces s
quoi qu'on en dise. Pour la "France" médiévale et
qu'elle domine graduellement, pour les "Allemands"
voisins, leurs victimes, la profusion des Hôtels d
a les mêmes conséquences .

Peut-être parviendrons-nous à énonc


monde qui se meurt, le monde des monnaies "nationa
sorte de loi de Gresham : la mauvaise monnaie chas
mes, ou, si vous préférez, mieux vaut l'espoir qu'u
tiens. Ce sera le sujet d'autres analyses et d'autr
sions. Je crains qu'il ne soit pas difficile cette
d'introduire les raisons qu'expliquent les variétés
naies parmi celles que vous trouvez pour les migra
contraire, on va probablement montrer qu'un milieu
par la monnaie-, le milieu urbain, attire les homme
d'argent, paysans quittant les campagnes où la circ
davantage calme.

Probablement moins calme qu'il ne se


mière vue, la circulation monétaire a pu avoir été
pour la production et le travail. D'jutne façon ou d
les ruraux ont pu avoir connu dans le passé, sinon
mêmes, le change obligé des pièces acquises contre
de leurs biens-fonds, et comme dit lev dicton : "Ecu
écu mangé". Salariés, ils subissent le change inég
pièces courantes, toujours dépréciées.
- 177 -

La chute du pouvoir d'achat des monnaies


courantes (salariales ou "nationales") fait qu'enfin, les
métamorphoses subies par la valeur, forcent les hommes à
migrer. Il y a des seuils à définir, historiquement,
c'est-à-dire avec une approximation particulière dans des
cadres ad hoc. Plus que des migrations on assiste, face à
la mauvaise monnaie, à de véritables déplacements de la
force de travail, ou des fortes densités de celle-ci.

Les spéculations accentuent les inégalités,


notamment en faisant jouer par les exportateurs la carte
de la dépréciation. En outre, la dépréciation de la monnaie
salariale attire des capitaux qui peuvent ainsi faire obte¬
nir des coûts de production avantageux.

Ceci ne montre pas clairement pourquoi les


villes exercent une force d'attraction qui peut sembler
constante. Non seulement elle ne l'est pas, mais toutes les
villes ne l'exercent pas également non plus. Ce sont en
vérité les aspirations ouvertes au capital et au travail qui
commandent leurs flux : création d'emplois, offre de force
de travail.

Pendant la première moitié du XVIe siècle,


certains centres urbains entrainent les paysans tout aussi
bien que les citadins d'autres villes qui ne réussissent pas
à retenir leurs habitants. En revanche, au XVIIe siècle, de
grands centres urbains stagnent ou s'effondrent, mais des
città in territorio ad economia agricola montent. Capital et
travail se retrouvent dans ces villes moins importantes,
éventuellement plus proches du monde rural alors que les
"industries" urbaines reculent faute d'immigrants.

Naturellement, ce schéma n'est pas générale¬


ment enregistré. Dan3 .d'autres pays, dans d'autres économies
- 178 -

Encore une fois, nous ne songeons


proposer une "problématique". Nous refusons tout
les cloisonnements habituels. Dans la pratique, c
nements sont dus à la position inconfortable de l
partagé entre le désir de répondre aux problèmes
contre (ou de demander des éléments de réponse au
listes) , et l'utilisation directe des enseignemen
font bénéficier ceux qui comme vous exploitent d
tations nouvelles, avec des techniques sans cesse

1 ~ LES VILLES ET L'IMMIGRATION

Historiquement, l'étude des migra


fait poser de multiples questions, sur la réalité
rôle des villes et; leur hiérarchie (d'après la f
d'attraction qu'elles exercent). Globalement, la
baine agit par exemple dans une première perspec
trative et fiscale : c'est bien â la ville que se
multiples liens entre le Prince ou l'Etat et les
y compris les populations rurales. C'est un peu c
l'échec démocratique et républicain que le monde
connu à la fin du Moyen-Age. Autant le rappeler.

A la ville, les représentants des


ont à communiquer l'état des populations à des en
harassés autant qu'importants (1).
- 179 -

Si l'afflux des populations inactives rend


difficile le comptage de la population et par exemple, l'é¬
valuation du nombre d'habitants par feu, le travail attire
d'autres isolés, les apprentis que les corporations accep¬
tent plus ou moins facilement et que les nobles et les ri¬
ches, les couvents et les rentiers (notamment les veuves)
exploitent plus ou moins légalement pour la production (2) .

A Valladolid, à Madrid, à Rome, villes aux


besoins "énormes", les industries restent médiocres (3). Le
comportement de l'aristocratie (4) l'explique, la diminution
des cultures fait préférer des profits dont l'économie ne
bénéficie guère, sur les échanges à longue distance, sinon
sur la spéculation. L'immigration ne peut que renforcer les
services et augmenter le nombre des mendiants, les cadres de
la bienfaisance éventuellement récupérée pour la production
à bon compte. C'est une cour puissante qui enrichit et fait
vivre en dehors de la production ces villes à l'architecture
majestueuse, exemplaire. Le départ de la cour signifie un
coup d'arrêt dont a souffert Valladolid (5).

D'autres villes ne connaissent ni croissance


galopante ni déclin subit (6) . Ce sont des villes que nous
pouvons appeler moyennes : leur population n'est pas très
importante, relativement au nombre total d'habitants du pays,
mais les services et les travaux de transformation prédomi¬
nent sur les cultures. Ces villes nous intéressent particuliè¬
rement en ceci qu'elles ne retiennent pas ni n'exploitent le
travail des paysans partis de leurs campagnes.

En plein XXe siècle, l'émigration portugaise


est certainement due en partie à l'inexistence de villes
ayant de 4 à 5.000 habitants et qui pourraient constituer
des pôles régionaux d'attraction (7). En revanche, c'est le
regain d'activité des villes moyennes anglaises qui traduit
- 180 -

Le flux de travailleurs à destination de

est nourri par le désir de changer de travail et certain


par la demande de salaires plus élevés, hors de la mena
la dépréciation. L'accroissement de la population de ci
des quartiers qui l'entourent en s 'étirant sans cesse,
la mortalité et les épidémies, s'explique par ces flux
Est-ce différent pour une ville comme Venise au XVIe si
Pas avant le milieu du siècle.

Pour la ville de Saint-Marc, la chute de


pulation et la perte de son importance relativement à l
lation totale de la République, s'expliquent par l'absen
l'affaiblissement de l'immigration. La "peste" et la co
sombre qu'elle fit dans les populations de Terre-ferme
fit pas pour que les ruraux cessent d'affluer à Venise
On a constaté que les conditions sanitaires ne peuvent
rendre inéluctable l'effondrement de sa population. Qui
est, le ravitaillement est toujours assuré (11) comme i
à Genes (12) et à Rome (13).

C'est la dégradation de la condition ouv


qui tarit l'immigration ; elle s'accompagne du choix no
du capital qui s'engage dans les exploitations rurales,
coles ou autres (parallèlement d 'ailleurs aux spéculatio
sur le change des monnaies des placer, "change horizont
Venise survit, sa production à la suite de sa force d'a
tion bénéficie d'un mieux enregistré occasionnellement
les immigrants (14).
- 181 -

En revanche, le Nord qui engage le capital


dans la production fait se poursuivre les migrations entre
villes ; les Provinces-Unies héritent de l'aspect de l'en¬
semble des Pays-Bas, au XVIe siècle "les plus populeux",
"terres de promission myeulx que nulle aultres seigneuries
qui fussent sur la terre ung paradis terrestre..." Ce para¬
dis terrestre est un monde dont plus des trois quarts de la
population vivent au début du XVIIIe siècle "dans toutes
les villes fortifiées" (16).

Parmi ces villes, les plus actives attirent


au XVIe siècle les populations environnantes, ensuite celles-
des régions de plus en plus éloignées. Il existe une hiérar¬
chie des centres d'attraction qui est le résultat de l'offre
d'emplois, c'est-à-dire de l'élargissement de la production.
Dans ces pays, les villes se disputent donc les hommes, de¬
mandent la force de travail. Ces pays exportent du travail
que doivent payer avec leurs matières premières ou leur ca¬
pital les hommes sans travail ou les détenteurs de capital
qui n'engagent pas leur bien dans la production. Celui-ci
semble être un des traits majeurs de l'histoire européenne,
qui condamne l'Europe du Sud, mais non seulement elle, ceci
n'ayant rien de géographique, bien entendu.

11 ~ LES CAMPAGNES ET L'EMIGRATION


- 182 -

Cet affrontement n'est pas nécessai


rect. Il arrive que les citadins s'intéressent à
rurale, agricole ou pas, êt entrent en concurrenc
propriétaires locaux, en s 'appropriant des terres
ils font cultiver par leur personnel propre. Des
de ce genre constatées en Castille au XVIe siècle
tribuer à déraciner les cultivateurs, sans employ
de travail rurale, d'où les migrations, le vagabo
banditisme dans telle région, à telle époque. Les
tions minières ou industrielles contrôlées par de
des étrangers, sont pour les villageois un motif
d'appauvrissement, on pourrait dire de nécessaire
sion de la force de travail. Les conditions moné
ditionnelles, vont parfois plus vite que tout dév
des rapports capitalistes de production, condamne
à l'exportation de matières premières et de capit

En revanche, l'emploi de la force


locale par les citadins va de la simple relation
entre producteur et revendeur (17) au verlagsystem
tallation de nouvelles industries et de fabriques
liers (18). Ceci peut signifier une reconversion
détourné de l'exploitation de la force de travail
dans des conditions historiques qui ont été mises
mais doivent être encore minutieusement analysées

Comment ces différentes situations


elles l'émigration, quelle émigration (de qui), d
étendue (à la fois du point de vue de son importa
son rayon d'action) ?

Sans tenir compte de situations ca


ques (bien qu'endémiques, comme celles que provoq
- 183 -

Avant de poursuivre, reconnaissons que l'iso¬


lement s'oppose et fait résister au déplacement des hommes
eux aussi. Mais uniquement dans les conditions qui précèdent
l'établissement de relations spéciales, de filières exclusi¬
ves de communication entre les émigrés et leur communauté.
Les exemples actuels ne manquent pas, au Portugal, en Grèce
ou ailleurs, où l'information des migrants et des candidats
à la migration sont étrangères aux mass media publics. Ces
informations dirigent les flux des migrants d'après une
appréciation détaillée du marché du travail, des possibili¬
tés de disposer et de transférer l'argent, etc...

Autrement, en plus de l'isolement matériel on


a affaire à des particularités que l'on peut dire culturelles,
à des visions du monde et de la vie, incompatibles et expri¬
mées sous le couvert des différences de religion ou de race,
qui restent à expliquer. Il se peut que cette explication
soit facile, comme lorsque l'intrusion des européens au Nou¬
veau Monde établit exclusivement des rapports de violence,
ou difficile dès que dans un milieu auparavant homogène, se
forment des minorités irréductibles, des noyaux d'hétérodo¬
xie (20), plus ou moins homogènes en eux mêmes (21).

Face à ces choix : l'isolement ou l'irruption


de la force de travail looale dans le courant, nous avons à
traiter très soigneusement l'information. Nous sommes devant
ce qu'il est convenu d'appeler une approche interdisciplinaire
et du coup, un exercice de traitement de l'information. L'his¬
torien doit non seulement décrire la protestation, la situer,
mais encore l'expliquer.

Il reste que ces irréductibles, ces minorités,


proviennent parfois de secteurs qui s'adonnent aux communi¬
cations, aux transports, au ravitaillement et aux échanges
(les juifs, tels peuples africains). L'histoire matérielle
est ainsi débordée par des aspects qu'elle ne peut pas né¬
gliger, mais dont on ne tient pas toujours compte face à des
situations plus tranchantes pour l'ensemble des populations
considérées. La protestation contre un ordre, contre les su-

i
- 184 -

per structures et les buts poursuivis, n'est pas moi


portée de notre étude.

Plus simplement, il est vrai, l'émig


est déclanchée ou pas, selon que la faim.de terre n
accompagnée ou au contraire provoque (ou renforce)
de la force de travail autrement que dans les cultu
tes il n'y a pas que des motivations matérielles en
paysan. En tout cas, il arrive que la force de trav
ses solutions, dans des conditions données. Cela ar
dis que les responsables et les détenteurs du capit
ou les hommes d'affaires occupés de la centralisati
tal poursuivent des discussions sur une argumentati
qui tient essentiellement compte des aspects politi
diats, des stratégies à choisir au cas où les rappo
production et les techniques ne changent pas, face
currence internationale. Ces discussions sont pério
balayées par les modifications que les rapports de
et les techniques .provoquent (22).

éela ne veut pas dire que l'émigrati


elle peut se manifester à nouveau, mais en obéissan
tres stimulants. Il y a loin du déguerpis semen t des
affamés ou ruinés, au départ des salariés qui exige
salaires plus élevés ou des conditions de travail e
duction en progrès. La situation des plus pauvres n
t-elle pas d'être portée plutôt par J,' élargissement
du travail que de peser sur celui-ci ? Il peut semb
effet que ce soit à travers la définition d'un stat
(inférieur) que s'établissent des volants de réserv
à maintenir les coûts de production et certaines fo
travail (inférieurs relativement aux conditions et
courants du travail). C'est l'usage des marginaux e
multiplication, le recours aux minorités mais surto
- 185 -

Nonobstant, l'émigration qui ne conduit pas


directement à l'effondrement de la force de travail et de
la population elle—même, est celle des travailleurs qui
exigent de meilleures conditions de travail et de paiement.

Il n'en reste pas moins aux populations des


formes d'auto-défense. Primarisme dés conditions agraires,
déficiences des exploitations, équilibre traditionnel des
cultures et de la consommât ioti, détournement des capitaux
mus par d'autres choix, créent des secteurs importants d' au¬
toconsommation. Voilà probablement le refuge qui permet aux

campagnes
rester le réservoir
les plus pauvres
constant
des
de pays
la force
les moins
de travail
développés,
et la de

source éventuelle de nouvelles migrations (23) .

III - LES MIGRATIONS, LÉS MONNAIES ET LE TREND

La force d'attraction des villes apparait


donc historiquement comme un élément de diagnostic de rap¬
ports de production qui prédominent sur les choix usuraires
éventuels, pratiquement inéluctables face à la dépréciation
de la monnaie courante, dans un système comportant des mon¬
naies différentes, ou des représentations différentes de la
valeur-capital et de la valeur travail.

L'émigration des ruraux semble un élément


positif de l'économie tant que, soit par la voie d'un statut
spécial, soit par l'établissement de secteurs parallèles
dans le marché du travail, elle ne mène pas au déclassement
des migrants .

Les migrations, comme choix ouvert à la force


de travail, orientent positivement les conceptions du salai¬
re, les perspectives salariales, aussi bien du point de vue
- 186 -

L'étude des migrations converge avec


forces d'attraction urbaines ou autres, et des comp
des hommes, ainsi que.de leur conception de la vie
L'étude des migrations est cependant tout d'abord u
important de la démographie et de l'histoire démog
les questions que les historiens peuvent poser, risq
d'être fortement malmenées par les découvertes des
tes .

Ces réflexions peuvent déjà sembler


des questions vastes ou vagues, trop précises ou pa
claires. Nous ne croyons pas quitter cette réunion
tres certitudes que les enseignements dus à votre t
nouveau d'une information importante et sans cesse
Nous tenons à nous attacher à la collaboration effi
est possible et souhaitable entre démographes, hist
aussi économistes, dans un premier temps tout au m
L'histoire a bien d'autres perspectives également e
qui exigent la collaboration avec des linguistes, d
cialistes de la théorie de la communication et enfin
théorie d'un système général des connaissances.

Ici et maintenant, dans le cadre de


continentale aux époques médiévales, moderne et con
raine, les déplacements de la force de travail comm
des explications tout de même intéressantes. Au-del
phénomènes démographiques ou des réalités monétaire
leurs grandes lignes durables, des vérifications po
qui seules soutiennent une hypothèse ou un modèle,
voudrions faire une rapide allusion à l'un des élém
tuels de l'histoire économique, le trend . Il peut s
que population et monnaies, ou plutôt force de trav
avatars de la valeur puissent se concilier pour l'ex
des tendances générales de l'économie qui ont parfo
mises en évidence par les historiens et les économ
- 187 -

des seuils franchis par le-pouvoir d'achat des monnaies


salariales, qu'accompagne le changement d'application du

capital,.
travail et entraînant des déplacements de la force de

A une phase d'exploitation de la force de


travail rurale, prédominante jusqu'au XlVe siècle, succe&è
poussée des villes, avec l'établissement de l'ordre écrit
des marchands, les relations bâties sur le respect des
différences mêmes des coutumes particulières, enfin, l'essor

du commerce
les "industries"
à longue
urbaines
distance.
s'effondrent
Dès le milieu
ou sont
du abandonnées
XVIe siècle,

à leur sort par le capital-argent.

Finies les migrations stimulées par les


"industries" des grandes villes ; les pauvres des campagnes
gagnent des villes remplies de pauvres. Ainsi, Naples ou
Madrid grandissent parce que la force de travail rurale a
déjà été exploitée de façon ruineuse (2A) .

Habitées de pauvres, ces grandes villes n'ex¬


ploitent pas leur force de travail. C'est que le capital
abandonne la production citadine ; soutenu par la Banque,
l'argent fructifie sans avoir à s'engager dans l'aventure
économique. Les échanges à longue distance conservent leur
importance, avec la confirmation d'une sorte de "spéciali¬
sation" régionale : aux exportations de produits d'extrac¬
tion, répondent les ventes de travail.
- 188 -

C'est pourquoi, tout en sachant comb


difficile de faire remonter les recherches démograp
début du XVIe siècle, nous insistons pour qu'on tir
la qualité unique des dépôts "italiens" . tLe milieu
cle et pour parler un langage scolaire, le départ d
Quint, correspondent à l'abandon de la production c

urbaine.
la force Le
de capital
travail cesse
citadine.
de s'engager dans l'explo

Avec des conséquences qui seront trè


dans l'Est européen, mais également senties en Ital
compris en Italie du Nord (25), le travail rural at
tage le capital-argent. Celui-ci demeure séduit par

tout par
cales et celle-ci
la spéculation
âssure sur
accessoirement
la dépréciation
la réduction
des mon

coûts de production des matières premières, but gén


XVIIe et XVIIIe en Europe continentale.
«
Ce sera par exemple la grande lutte
ducteurs de soies pour vendre aux prix les plus bas
l'appropriation de toutes les terres, avec exploita
meilleures, introduction de techniques nouvelles, l
cultures profitables (26) . Ce sera avec la chasse a
res bonnes pièces récupérées dans les marchés locau
en place de conditions de vie proches de 1 'autoconso
qui feront relancer les migrations, £onditi,on de cr
d'industries avec un engagement minimum de capitaux
duction enfin de techniques nouvelles et de renouve
l'économie par la monnaie dont la valeur n'est que
(27), celle des "nations".

Voilà que nous nous réunissons pour


les migrations à l'époque moderne et déjà il peut s
souhaitable de nous réunir à nouveau prochainement,
étudier la formation plus récente de la force de tr
dans les pays méditerranéens, aux XIXe et XXe siècle
l'époque des nouvelles grandes migrations.

Le comportement 9ocial et le role po


- 189 -

se passer en Europe continentale du XVIe au XVIIIe siècles,

par la suite des répressions du XVe et du début du XVIe) ,

l'économie doit encore à la force de travail des analyses

nouvelles
société. qui font inventer cette fois-ci une théorie de la

A l'époque dite moderne, à partir du milieu

du XVIe siècle, les migrations émoussent la force de tra¬

vail parce que le capital préfère l'usure ; au XIXe siècle,

elles découvrent le socialisme et le portent avec elles. Ce

qui ne veut pas dire que le capitalisme lui-même soit exempt

de l'usure puisque les monnaies locales continuent à nourrir

des spéculations très profitables.


- 190 -

NOTES

(1) - R. MOLS, Introduction à la démographie historique des


villes d'Europe du XlVe au XVIIle siècle, I, Louvain,
1954, pp. 14, 19 et s., 179 et s.

(2) - Au sujet des tentatives d'exploitation de la force de


travail immigrée et féminine et des réactions corpo¬
ratives dans différentes régions hispaniques, voy.
J.-G. DA SILVA, En Espagne : développement économique,
subsistance, déclin, Paris, 1965, pp. 125 et s., 134
et s. Cf A. FANFANI, Storia del lavoro in Italia,
Milan, 1943, pp. 126-7, D. BELTRAMI, Storia delTa po-
polazione di Venezia, Padoue, 1954, pp. 201-2.

(3) - Cf. B. BENNASSAR, Valladolid au siècle d'or, Paris


1967, passim et notamment p. 214, C. VINAS Y MEY :
"Notas sobre la estructura social-demograf ica del
Madrid de los Aus trias", Revis ta de la Universidad de
Madrid, 1955, IV, n° 16, pp. 461-96, F. PEREZ DE CASTRO,
"El abasto de pan de la Corte madrilena en el ano 1630",
Revista de Biblioteca, Archivo y Miseo, 1946, I, pp.
117-50 ; J. DELUMEAU : Vie économique de Rome dans la
seconde moitié du XVIe siècle, Paris, 1957, pp. 219 et
381.

(4) - J. DELUMEAU, Vie économique, p. 465.

(5) - B. BENNASSAR, Valladolid, pp. 1 22 et s . , 1 27 et s . ; cf.


Eduardo IBARRA RODRIGUEZ, Aportaciones al estudio de la
problacion de Madrid en el siglo XVII, Madrid 1930,
passim.

(6) - Cf. au sujet de Palencia, par exemple, G. H. MARTINEZ DE


AZCOITIA, La poblacion paient ina en los siglos XVI y
- 191 -

XVII, Palencia, 1958, p. 107. A Leon, d'après


chiffres à notre disposition, la population a
passe de 28 % au total en 1555, à 67 % en 159
constate des progrès suivis du "tertiaire" qu
parvient pas à l'importance du "seondaire", p
fort également en 1551 et en 1561 ; le "prima
à peine présent jusqu'en 1561, atteint 2,7 %
fin du siècle. Voy. Valentina FERNANDEZ VARGA
la poblacion de Leon en el siglo XVI, Madrid,
pp. 139 et s .

( 7) - D'après les recherches présentées à la 5ème co


rence internationale d'histoire économique, L
grad, 1970, voy. J.-G. DA SILVA "Le Portugal
l'expansion et l'émigration", Moscou, ed. "Na
1970.

( 8) - Cf. entre autres, Alan EVERITT, Change in the


vinces : the seventeenth Century, Leicester U
sity press, 1969, passim.

( 9) - Voy. Notamment E.A. WRIGLEY, "A simple model o


London's importance in changing English societ
1650-1750", Past & Present, l'§67 , n° 37, pp.

(10) - Voy.
Italie
J.-G.
du Nord
DA SILVA,
au XVIIe
"La siècle'
dépréciation
: le cas
monétair
de Ve

Studi veneziani, 1972, XVI (à paraître).

(11) - Voy. Maurice AYMARD, Venise, Raguse et le com


du blé pendant la seconde moitié du XVIe siècl
Par is, 1966, pp. 112-3.

(12) - Cf. Edoardo GRENDI, "Genova alla metà del Cinq


to : Una politica del grano ?", Quaderni stor
1970, 13, pp. 106-60.

(13) - J. DEMÎMEAU, Vie économique, pp. 521 et s. : "


cadence de la campagne romaine" les revenus et
- 192 -

(14) - Cf. Brian PULLAN, "Wage earners and the Venetian econo¬
my, 1550-1630", dans Crisis and change in thé Venetian
economy in the 16 th âîid 17 th Centuries, Londres, 1968,
pp . 1 46-174. "

(15) - Cf. par exemple, Wilfrid BRULEZ, ,"Anvers de 1585 à 1650",


Studia historica Gandensia, 1967, n° 60, pp. 75-99, et
du même, "The balance of trade of the Netherlands",
Studia historica Gandensia, 1970, 141, pp. 20-48. Les
recherches de M. CLOULAS sur l'exportation de laines
castillanes vers la Normandie montrent, entre autres,
que des banquiers anversois continuent au XVIIe à dis¬
poser des fonds des exportateurs et des importateurs et
à effectuer les règlements. A ce sujet, voy. J.-G. DA
SILVA, Banque et crédit en Italie au XVIIe siècle,
I, Paris, 1969, pp. 529 et s. et p. 594 Cf. W. MARKOV,
"La Compagnia Asiatica di Trieste, 1775-1785", Studi
storicl, 1961, II, n° 1, pp. 3-28.

(16) - D'après W. KERSSEBOOM, Essais d'arithmétique politique


contenant trois traités . . . (1742), Paris 1970,
pp. 26 et sq.

(17) - Cf. Alan ËVERITT, "Change in the provinces", cit. et


par exemple W.H.B. COURT, The rise of the Midland in¬
dustries , 1600-1838 (1938) Londres, 1965, pp. 18 et s.,
69 et s., et passim et, entre autres, J. de L. MANN,
The cloth industry in the West of England from 1640 to
1880, Oxford, 1971, p. 88 et s.

(18) - Cf. notamment, Walter ENDREI, l'évolution des techni¬


ques du filage et du tissage du moyen-age à la révo¬
lution industrielle, Paris 1968, pp. 126 et sq.

(19) - A propos de l'Espagne, cf. J.-G. DA SILVA, En Espagne,


pp. 104 et s.

(20) - Je songe naturellement aux travaux de notre collègue


Giovanni LEVI de l'Université de Turin.

(21) - Ce qui rend leur étude extrêmement complexe. A ce


sujet, I.S. REVAH a fait des recherches importantes
concernant les "Marranes".
- 193 -

(22) - C'est bien le cas anglais, cf. W.B. STEPHENS,


Seventeenth-Century Exeter. A study of industrial
arid commercial development, 1625-1638, Exeter,
1958, passim. Les changements introduits localeme
dans la production ont finalement raison des conc
rents étrangers .

(23) - Cf. J.-G. DA SILVA, ML' autoconsommation au Portu


XIVe-XXe siècles", Annales , E .S .C. , 1969, n° 2,
pp. 250-88.

(24) - Voy. entre autres, Giuseppe GALASSO, Economia e s


ciété nella Calabria del cinquecento, Naples, 196
pp. 338 et s.

(25) - Quelques notes dans J.-G. DA SILVA, "Richesse et


richissement dans une économie pré-capitaliste",
Annales E.S.C. , 1962, n° 5, pp. 967-87 et, du mêm
*'La dépréciation monétaire en Italie du Nord", ci

(26) - ment
polemiche
borghesi
M.
Cf. CLOULAS
letano,
par
les Milan,
exemple,
ed
acheteurs
sulla
que
opérai
nous
1963,
seta
Aurelio
nel
castillans
avons
pp.
(1780-1805)",
tramonto
LEPRE,
99
déjà
et de
s.del
citées
"Prowedimenti
laines
Les
dans
feudalesimo
montrent
recherches
Contadini
parvienne
e
con

à acheter un produit de moins en moins cher, en


étendant leurs prospections jusqufà des régions a
ravant en dehors des courants d'échanges, face à
demande réticente. Cf. encore G. GALASSO, Econom
società cit., pp. 45 et s.

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