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Questions de géographie de la population | Pierre George
Conclusion
La répartition respective de la population et des
moyens de production — un défi à la raison — le
problème majeur de la fin du xxe siècle.
p. 271-280
Texte intégral
1 À l’échelle locale ou régionale, la répartition de la
population s’harmonise dans ses grandes lignes avec
celle des ressources. Au contraire, à l’échelle planétaire,
cette accommodation ne se fait pas : la discordance est
sans cesse plus grande entre localisation des ressources
élaborées et localisation des grandes masses humaines.
L’essor urbain
3 Dès l’éveil des grandes aventures maritimes et
commerciales, mais surtout depuis la révolution
industrielle, des centres ou des grappes de villes ont
proliféré, souvent à un rythme très rapide. Certes, il a
été montré qu’une part notable des travailleurs
industriels ou liés professionnellement à l’existence
d’une économie industrielle, gravitent quotidiennement
autour de leur lieu de travail, mais ce mouvement
dépasse rarement un rayon de 60 km,
exceptionnellement celui des 100 km. La population
rurale a été aspirée par la demande de main-d’œuvre
des régions industrielles. Elle s’est déplacée. Un nouvel
équilibre s’est esquissé entre géographie de la
population et géographie de la production. De nouvelles
concentrations humaines sont nées : les 15 millions
d’habitants des villes grandes et petites de la province
de Rhénanie-Westphalie, les quelque 5 millions de
citadins qui travaillent dans le bassin houiller et autour
du bassin houiller depuis Liège jusqu’au Pas-de-Calais,
les 30 millions d’Anglais qui vivent dans les
conurbations et autour des conurbations des grandes
régions industrielles, depuis les Lowlands d’Écosse
jusqu’aux Midlands d’Angleterre, la population des
grandes agglomérations capitales : les 10 millions du
grand Londres, les 7 millions du grand Paris, les
8 millions du grand Moscou, les 10 millions de la
conurbation Tokyo-Yokohama, les 14 millions de celle de
New York. Tous ces hommes sont liés par une activité
dont dépendent leurs moyens d’existence à la résidence
dans ces fourmilières humaines, qui deviennent vite
inhumaines… Tous les hommes apparaissent ainsi rivés
à un lieu où ils peuvent, sous les formes les plus
diverses, acquérir ce qui comble leurs besoins,
immodestes ou singulièrement réduits. Cependant,
quand on passe de l’échelle des nombres relativement
petits et du cadre régional à celle des grands nombres et
au cadre continental ou zonal, la disharmonie entre
répartition de la population et répartition des
ressources apparaît frappante et comme choquante,
irrationnelle — et relativement récente. L’essor des
techniques et des formes d’organisation économique et
sociale du xixe siècle européen a provoqué une coupure
radicale entre les économies restées au stade du
développement préindustriel, souvent arrêtées dans
leur propre évolution par les phénomènes de
colonisation, et les économies qui ont réalisé la
révolution industrielle et centralisé les richesses du
monde pendant plus d’un siècle.