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Norois

Le Montmorillonnais, zone rurale type : en déclin ou vers un nouvel


équilibre
Yves Jean

Résumé
RÉSUMÉ
Le Montmorillonnais, au sud-est de la Vienne, appartient à cette « France du vide » (1) qui continue à se dépeupler. Zone rurale
« défavorisée » (1977), fragile (1980), en « déclin », cette micro-région suscite de nombreuses interrogations :
—la crise agricole remet-elle en cause la base de la société locale ? L'espace sera-t-il de nouveau partiellement en friche dans
vingt ans ?
—la baisse de la population, la « désertification » condamne-t-elle la zone à dépérir du fait de la baisse de la capacité
d'innovations ?
—le dualisme entre le milieu urbain et le milieu rural se renforce-t-il ? Va-t-on vers un espace à plusieurs vitesses ? Les zones
rurales vont-elles connaître un sous- développement accentué ?
Dans une société française fortement perturbée par les mutations internes et par les bouleversements internationaux, les zones
rurales semblent être à un tournant de leur évolution.
L'objet de cet article sera de mieux saisir la diversité des situations existantes et de réfléchir sur l'avenir en privilégiant certains
phénomènes qui pourraient entraîner un nouvel équilibre à long terme dans une société rurale type : le Montmorillonnais.

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Jean Yves. Le Montmorillonnais, zone rurale type : en déclin ou vers un nouvel équilibre. In: Norois, n°152, Octobre-Décembre
1991. pp. 413-425;

doi : https://doi.org/10.3406/noroi.1991.6392

https://www.persee.fr/doc/noroi_0029-182x_1991_num_152_1_6392

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Norois, 1991, Poitiers, /. 38, n° 152, p. 413-425

LE MONTMORILLONNAIS, ZONE RURALE TYPE :


EN DECLIN OU VERS UN NOUVEL EQUILIBRE ?

par Yves JEAN

A.R.E.E.A.R.
Direction Régionale de l'Agriculture et de la Forêt
47, rue de la Cathédrale 86020 Poitiers cedex

RÉSUMÉ

Le Montmorillonnais, au sud-est de la Vienne, appartient à cette « France du


vide » (1) qui continue à se dépeupler. Zone rurale « défavorisée » (1977), fragile
(1980), en « déclin », cette micro-région suscite de nombreuses interrogations :
— la crise agricole remet-elle en cause la base de la société locale ? L'espace
sera-t-il de nouveau partiellement en friche dans vingt ans ?
— la baisse de la population, la « désertification » condamne-t-elle la zone à
dépérir du fait de la baisse de la capacité d'innovations ?
— le dualisme entre le milieu urbain et le milieu rural se renforce-t-il ? Va-t-on
vers un espace à plusieurs vitesses ? Les zones rurales vont-elles connaître un sous-
développement accentué ?
Dans une société française fortement perturbée par les mutations internes et par
les bouleversements internationaux, les zones rurales semblent être à un tournant
de leur évolution.
L'objet de cet article sera de mieux saisir la diversité des situations existantes et
de réfléchir sur l'avenir en privilégiant certains phénomènes qui pourraient entraîner
un nouvel équilibre à long terme dans une société rurale type : le Montmorillonnais.

INTRODUCTION

Les règlements communautaires ovins, la nouvelle donne européenne et mondiale


depuis 1983-1984, la dégradation des cours depuis dix ans, deux sécheresses
consécutives, l'éclatement de la crise agricole au cours de l'année 1990, la baisse de la
population et son vieillissement... autant de phénomènes qui nous conduisent à
nous interroger sur l'avenir de l'agriculture et de la société montmorillonnaises
(2).
Depuis l'automne 1989, les manifestations se succèdent, camions transportant
des agneaux d'origine étrangère interceptés, TGV bloqués, destructions de voies
ferrées, manifestations — ce qui reflète l'intensité de la crise agricole dans des
zones rurales où l'élevage ovin ou bovin domine.

(1) «La France du Vide». R. Beteille, 1980.


(2) Cet article de quelques pages ne nous permettra pas d'aborder tous les points concernant
la société locale (services, action des collectivités locales, secteur industriel...).
Mots clés : Poitou-Charentes (Vienne). Espace rural.
Key words : Poitou-Charentes (Vienne). Rural space.
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La manifestation du 27 août à Poitiers, réunissant pour la première fois les


agriculteurs, les élus — toutes tendances confondues — les commerçants et les
artisans montre que l'ensemble de la population rurale s'interroge sur l'avenir.
« L'avenir » de micro-régions telles que le Montmorillonnais est trop souvent
abordé de façon négative : par exemple, du point de vue démographique, la
population diminue et continuera à diminuer du fait de la structure par âges, du
peu d'emplois. Ce phénomène est trop souvent présenté comme un fait récent ; or
l'exode débute à partir de 1880 et déjà en 1910 il est question de désertification.
Cette baisse de la population est perçue comme une catastrophe alors que la
question consiste peut-être à savoir quel sera le niveau de vie de ceux qui vivront
dans le Montmorillonnais dans dix ou vingt ans. Comment réfléchir à l'avenir à
moyen ou long terme sans raisonner à partir du vécu des vingt ou trente dernières
années ? Comment penser les investissements, les actions pour une population qui
sera moins nombreuse ?
Il a souvent été question du retard du Montmorillonnais (3) : ainsi nous
écrivions « l'étude de la région de Montmorillon, ou pays des « brandes », depuis
le xvie siècle, montre à plusieurs reprises que les phénomènes généraux qui traversent
l'agriculture s'y déroulent avec un retard de quelques décennies... Après 1830, vont
se surajouter d'autres phénomènes explicatifs du retard de cette micro-région »
(4). En fait, cette approche en terme de retard conduit, d'une part, à porter un
jugement de valeur sur cette micro-région qui serait arriérée, incapable de réagir et
qui serait moins moderne que le reste de la société française; d'autre part, cela
condamne l'action dans le sens où les innovations ne sont pas abordées de façon
positive. Le « retard » induit une image négative de la micro-région, ce qui nuit à
une analyse fine de la réalité dans sa diversité. Cette représentation négative a pu
être nourrie par les élus locaux qui souvent demandent des aides à l'Etat ou à
Bruxelles alors que, dans le même temps, des acteurs — agriculteurs, chefs
d'entreprises, associations — développent des actions, de nouveaux réseaux de relations
favorisant l'émergence d'une identité de « pays », facteur de dynamisme.

I — LE CONTEXTE

— Internationalisation croissante
L'agriculture locale, comme les différentes agricultures en Fance, est de plus en
plus en concurrence avec les agricultures des pays développés ou sous-développés.
Ainsi, en production ovine, la C.E.E. est le principal producteur et importateur
mondial (5). Le commerce mondial est dominé par la Nouvelle Zélande et
l'Australie, et la CEE importe un tiers des flux mondiaux. Depuis 1980, date du
premier règlement communautaire, les échanges au sein de la CEE se sont fortement
développés notamment entre le Royaume-Uni (exportateur) et la France
(importateur).
Au cours de la dernière décennie, des évolutions très différentes ont eu lieu en
France et au Royaume-Uni : ainsi les effectifs ovins ont diminué de 24 % en
France de 1981 à 1988 et progressé de 31 % au Royaume-Uni; la consommation a

(3) Y. Jean. — G. Tourraine : Le pays Montmorillonnais - Deux siècles d'histoire d'une


société rurale. 1989.
(4) Y. Jean : Intensification - Extensification ou diversité des systèmes de production ovine
dans le Montmorillonnais - Economie Rurale n° 175 - Sept-Oct. 1986.
(5) Rapport du Comité Economique et Social : Avenir des filières animales du Poitou-
Charentes - Oct. 1990.
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progressé de 17 % en France alors qu'elle a régressé de 11 % au Royaume-Uni; les


prix du marché ont baissé de 8 % en France et augmenté de 27 % au Royaume-
Uni. Les importations du Royaume-Uni en provenance de Nouvelle-Zélande pour
les trois quarts à un prix avantageux, représentent le quart de la production
communautaire.
Cette concurrence internationale plus vive depuis dix ans est accentuée par la
persistance du problème monétaire de la parité livre /franc et par les perturbations
liées à l'ouverture des frontières avec les Pays de l'Est. Dans le même temps, cette
internationalisation des échanges conduit à s'interroger sur la compétitivité de
systèmes agraires différents, imposés différemment...
Ainsi, au Royaume-Uni, 26 % des exploitations ont plus de 400 brebis-mères et
représentent 72 % du troupeau contre seulement 3 % des exploitations en France
avec 35 % du cheptel (6).
Autre exemple : « en France, le nombre moyen d'Unités Travailleur Annuel est
de 1,66 alors qu'au Royaume Uni il est de 2,50 (soit 1,5 fois plus). L'unité de
main-d'œuvre dispose alors, en moyenne, de 29 ha en France et de 70 ha au
Royaume-Uni ».
De même « dans l'ensemble des exploitations anglaises, environ 40 % des U.T.A.
sont salariées ; mais en France, cette fraction est négligeable (6 %) et le caractère
familial des exploitations est très marqué » (6).
Ces quelques exemples qui mériteraient d'être complétés par les différences de
cotisations sociales, de prix du fermage, de coût du foncier et du capital
d'exploitation... sont atténués ou amplifiés par des systèmes de compensation de revenu
différents et ceci jusqu'en 1993 : prime compensatrice en France et prime variable
à l'abattage au Royaume-Uni.
Cette internationalisation des marchés s'accompagne d'une volonté marquée des
pays développés de réduire leur soutien financier à l'agriculture. Ainsi, la CEE ne
raisonne plus en terme d 'autosuffisance alimentaire, mais en terme de contraintes
budgétaires.
Ceci permet d'expliquer, pour une production déficitaire, la décision
communautaire d'instaurer, depuis 1988, des quantités maximales garanties pour la
production ovine avec une baisse du prix de base de 1 % pour chaque dépassement de
1 % de la QMG.
Internationalisation des marchés, contraintes importantes concernant la production
ovine, baisse des prix, telles sont les nouvelles données de la décennie 1990.

— Quelle(s) population(s) ?
Le dernier recensement général de la population (1990) vient de mettre en
évidence la poursuite du mouvement de dévitalisation de régions entières : les
deux tiers de l'espace rural continuent à dépérir le long d'une diagonale tracée de
la Meuse aux Pyrénées, dessinant une « France du vide » dans laquelle on trouve
le Pleumartinois, le Montmorillonnais, le Confolentais, la Brenne... Ainsi, en
seulement sept années, dans le Montmorillonnais :
— Moussac perd 85 habitants sur 582 (- 14,6 %),
— Quéaux perd 107 habitant sur 710 (- 15 %),
— Le Vigeant perd 169 habitants sur 997 (- 17 %),
— Haims perd 57 habitants sur 283 (- 20 %).

(6) CHAALALI - La production de viande ovine en France - Thèse - Mars 1990.


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Un canton comme celui de llsle- Jourdain voit une diminution de sa population


dans toutes ses communes : en sept ans, le canton a perdu 700 habitants soit
l'équivalent d'une commune rurale assez importante. Il y a eu, entre 1982 et 1990,
une accélération de la baisse de la population. Cela peut conduire à penser que la
contraine démographique, — poursuite du dépeuplement, vieillissement de la
population, accroissement de l'isolement, disparition des services publics et privés
(écoles, commerces...) — rend les conditions de vie et de relations sociales plus
difficiles.
Or, il nous semble nécessaire de relativiser cette approche en prenant en compte
au moins deux aspects supplémentaires.
Tout d'abord, ce phénomène de diminution de la population n'est pas nouveau.
L'exode agricole et/ ou rural débute en 1881 et « vide de sa vitalité le Montmoril-
lonnais » (7). Ainsi, entre 1881 et 1911, la commune d'Adriers connaît un solde
migratoire négatif de 1046 personnes. La population passe de 1972 habitants en
1881 à 1506, en trente ans, l'excédent naturel (+ 580), ne compense pas les départs
(8).
Un exode ancien et des différences de densité de populations entre Poitiers et le
Montmorillonnais qui datent de plusieurs siècles. « En 1830, la Vienne restait un
pays rural où la densité kilométrique moyenne était faible puisqu'elle variait de 25
dans l'arrondissement de Montmorillon à 43 dans celui de Poitiers » (9).
Ainsi, la dimension « temps » permet de relativiser les discours pessimistes et la
notion de désertification. Cela fait quatre-vingts ans que ce terme est utilisé pour
caractériser le Montmorillonnais ! Concept qui commence également à être relativisé
par les populations locales, au fur et à mesure que les informations circulent sur
d'autres sociétés rurales telles que les réalités des agricultures africaines ou des
pays de l'Est...
Le deuxième élément de réflexion concerne les indicateurs démographiques : ils
ne reflètent que partiellement la réalité. Quelques exemples pour illustrer cette
idée:
— toutes les communes qui perdent 15 à 20 % de leur population ne connaissent
pas la même situation. Les communes situées le long des vallées de la Vienne ou
de la Gartempe, possèdent de 20 à 30 % de résidences secondaires. A Quéaux,
entre 1988 et 1990, le nombre de familles payant la taxe d'habitation a augmenté.
Ces résidences secondaires font partie de la réalité locale et nous conduisent à
plusieurs idées :
— les personnes qui les habitent plus ou moins longtemps au cours de l'année
ont choisi ce lieu. Elles viennent y passer tout ou partie de leur temps libre et elles
sont très attachées à cet espace et son environnement ;
— cela induit une part non négligeable des chiffres d'affaires réalisés par les
artisans du fait de l'importance des rénovations ;
— souvent, nous rencontrons des personnes qui connaissent une autre réalité —
urbaine — qui ont d'autres réseaux de relations et qui peuvent participer de façon
dynamique à la vie locale, à la vie associative.
A. Berger et J. Rouzier rappelaient à juste titre qu'« à toutes les époques,
l'homme a cherché à se replonger, même momentanément dans le cadre naturel.

(7) Y. Jean, G. Tourraine, op. cité 1989.


(8) Cf., J. Pitié - Exode rural et migrations intérieures en France p. 364 - Norois 1971.
(9) Cf. J. Pitié - op. cit., p. 277.
LE MONTMORILLONNAIS, ZONE RURALE TYPE 4 17

Les différentes formes de baraquettes, mazets ou cabanons du XIXe siècle, utilisés


dans le midi méditerranéen pour les populations urbaines souvent les plus pauvres,
comme les riches résidences campagnardes des bourgeois commerçants ou industriels,
matérialisent encore cette aspiration ».
Cette analyse nous semble vérifiée lorsque nous observons aujourd'hui la société
montmorillonnaise. Ici, une maison secondaire est possédée par un chauffeur
d'autobus de Poitiers, là une autre par un médecin, un peu plus loin un chauffeur
de taxi d'un ministère à Paris, là un architecte célèbre, un peu plus loin, un
chirurgien parisien, là un concierge parisien, là un retraité de Tours... Cette réalité
nous permet de préciser le contenu du concept d'espace rural : il s'agit d'un espace
spécifique par rapport à l'urbain ou au péri-urbain, qui a donc des atouts et des
contraintes particuliers mais il appartient à l'ensemble de la société. Un espace
spécifique, cela implique que les besoins de la micro-région sont particuliers et que
les normes qui s'appliquent à l'espace urbain peuvent ou doivent être différentes
pour les zones rurales.
Il est bien évident que la vie d'une commune ne peut pas reposer sur ce seul
apport des résidences secondaires mais il nous semble indispensable d'appréhender
ce phénomène comme un atout pour le développement local.
Les données quantitatives du R.G.P. ne peuvent pas refléter — et ce n'est pas
leur objet — l'absence ou le dynamisme de la vie sociale. Or il semble que la
« contrainte » démographique conduise des individus à développer une vie sociale
plus riche pour « mieux vivre au pays ».
Depuis 1984-1985, il y a un développement d'associations et d'activités culturelles
nouvelles [MJC et réseau des MJC de Lathus, Sillars, Lussac-les-Châteaux, l'Isle-
Jourdain], écomusée, théâtre de verdure, maison de la nature, maison des loisirs,
maison pour tous. Ces associations développent des activités sportives, culturelles,
des animations, avec en permanence le souci que ces activités aient des répercussions
économiques (maison de pays, renouveau des foires...).
Ainsi l'écomusée du Montmorillonnais, créé à partir de 1987, a pour objet de
valoriser un patrimoine insuffisamment exploité et de participer au développement
économique local. La valorisation du patrimoine suscite l'intérêt des acteurs locaux
puisque 37 communes sur 40 adhèrent à l'écomusée ainsi que 20 associations et
organismes culturels. En 1990, la fréquentation des activités de l'écomusée a été de
4000 personnes en juillet-août, grâce à la mise en place d'expositions et de circuits
de visites, de 1700 unités dans le cadre de classes du patrimoine.
Autre exemple, le centre de plein-air de la M.J.C. de Lathus qui propose des
produits touristiques — canoé-kayak, escalade, voile, equitation... — et qui s'est
doté d'une structure d'hébergement de 80 lits, développant une activité touristique
certaine.
De même, la mise en valeur du patrimoine à Saint-Savin avec le Centre
International d'Art Rural ou à l'Isle-Jourdain avec le Théâtre de Verdure, traduisent la
vigueur des initiatives locales.

II. — LA NECESSAIRE APPROCHE DES DIVERSITES

L'approche globale est insuffisante pour saisir la diversité de la société locale,


ses problèmes et ses perspectives. Nous prendrons pour illustrer cette idée l'exemple
de l'agriculture.
En 1986, analysant la structure par âge des exploitants agricoles et de la S AU
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qu'ils détenaient, nous écrivions :


« L'évolution démographique de la population agricole est aussi préoccupante :
dans la zone, une commune sur deux sera amputée de la moitié de ses exploitations
entre 1980 et 1990 (Vandermeersch, 1982). Le phénomène amorcé en 1983 devrait
s'accélérer après 1985 avec le départ à la retraite des classes d'âge d'exploitants nés
à partir de 1919 (classes nombreuses).
Le faible potentiel de remplacement de cette population active agricole va libérer
25 000 ha de SAU qui seront disponibles pour les agrandissements ou qui risqueront
de retourner à l'abandon » (1 1).
Cette approche restait schématique et est remise en cause par deux résultats :
— d'une part, les chiffres du dernier Recensement Général de l'Agriculture
montrent qu'il y a eu, entre 1979 et 1988, plus de disparitions d'exploitations qu'au
cours de la décennie précédente, mais ce qui est surprenant, il y eut également plus
d'installations (1005 installations entre 1979 et 1988 contre 621 entre 1970 et 1979,
soit une augmentation de 61 %).
Il faut cependant relativiser ce nombre de 1005 installations. En effet, depuis
1986, il y a des « installations » de femmes d'agriculteurs qui prennent leur retraite.
Le chef d'exploitation part à la retraite à 60 ans, sa femme qui a 55-56 ans
« s'installe ».
Malgré ce phénomène, on peut estimer que 700 jeunes se sont installés en neuf
ans soit 77 installations par an. 600 installations entre 1970 et 1979, 700 entre 1979
et 1988, cela fait environ 1800 installations en vingt-cinq ans.

Tableau 1. — Superficie totale, nombre d'exploitations, disparitions et installations


dans le Montmorillonnais d'après le RGA

Année du recensement 1970 1979 1988

Nombre d'exploitations 3540 2922 2433


Nombre de disparitions 1239 1494
Nombre d'installations 621 1005
Solde négatif -618 -489
SAU moyenne (ha) 37,2 45,5 53,3
Variation (%) +22 + 17
SAU totale (1000 ha) 131,7 133,0 129,8

Ainsi, entre 1970 et 1979, lorsque dix exploitations disparaissaient, cinq


s'installaient; entre 1979 et 1988, il y a 67 installations pour 100 départs; ce phénomène
entraîne un rajeunissement des chefs d'exploitations, 7 % avaient moins de 35 ans
en 1970 contre 16 % en 1988. Aucune analyse conduite au cours des années 1980
ne prévoyait cette situation !
L'étude réalisée par le Ministère de l'Agriculture concernant « l'espace agricole
et son devenir dans le Montmorillonnais », réalisée à partir d'enquêtes communales
précises révèle que :
— le territoire est couvert régulièrement d'exploitations généralement de grande

(11) Y. Jean - Economie Rurale n° 175 - 1986.


LE MONTMORILLONNAIS, ZONE RURALE TYPE 4 19

taille et bien structurées ;


— les indices « porteurs d'avenir » comme la dynamique des exploitations, l'âge
ou la succession des agriculteurs ainsi que la viabilité des unités de production
montrent que, si de nombreuses exploitations sont appelées à disparaître, plus de
la moitié du Montmorillonnais présente potentiellement des perspectives stables et
que moins d'un dixième du terrain de cette région paraît exposé aux risques de
déprise agricole ;
— le territoire est encore très peu marqué par cette déprise. Au contraire, les
efforts de correction des handicaps naturels se traduisent par une progression
deux fois plus rapide des surfaces drainées que des terres délaissées.
L'enquête communale fait apparaître le Montmorillonnais comme une région
hétérogène dont on a trop souvent généralisé les aspects négatifs. Certes, des
contraintes agronomiques très fortes rendent quelques secteurs à peu près inaptes
à une exploitation agricole rentable, mais, à l'inverse certaines zones paraissent
capables d'assurer une production agricole compétitive, moyennant sans doute
quelques aménagements des systèmes de production. Entre ces extrêmes, on trouve
toute une gamme de situations diverses qui demandent des adaptations pour
valoriser les potentialités locales de production » (12).
Du point de vue économique, derrière la dégradation globale, depuis dix ans,
du revenu agricole des éleveurs ovins, se profile une diversité importante de situations
économiques, c'est-à-dire, de capacités à investir, à pérenniser l'exploitation.
Déjà, à partir des résultats du R.G.A. de 1979, nous avions repéré une importante
diversité des situations agricoles.
« En 1980, la répartition des exploitations agricoles selon leur dimension
économique (MBS) fait apparaître que dans le Montmorillonnais :
— 30 % des exploitations sont à considérer comme marginales du point de vue
de la production agricole : parmi ce nombre, 95 % sont des exploitations à temps
partiel ;
— 8,5 % des exploitations ont une petite taille économique (la moitié sont des
unités à temps complet), ainsi, près de 40 % des unités de production ne peuvent
se développer et sous-rémunèrent leur force de travail ;
— à l'autre extrémité, 22 % des exploitants possèdent ou louent des unités de
production de grande taille, utilisent une main-d'œuvre salariée permanente et se
développent.
Contrairement à l'image couramment répandue, l'agriculture de la micro-région
ne relève pas que de grandes exploitations. Si celles-ci jouent un rôle économique
et social important, il y a aussi 40 % des exploitations avec de petites structures
procurant de très faibles revenus, ainsi qu'une paysannerie moyenne qui représente
près de 40 % des agriculteurs.
A partir des résultats du R.G.A. de 1979, en croisant plusieurs critères, cinq
types de systèmes d'élevage pouvaient être repérés.
— Elevage ovin de type salarial avec deux variantes, l'une valorisant de grandes
structures foncières, l'autre intensive : 28 % des exploitations sont concernées.
— Elevage mixte ovin-bovin : 20 % des unités le pratiquent.
— Elevage ovin spécialisé de type familial : soit 30 % des exploitations.

(12) M. Vandermeersch. « L'espace agricole et son devenir dans le Montmorillonnais »


DRAF Poitou-Charentes Novembre 1989.
420 YVES JEAN

— Elevage ovin associé aux céréales : 3 à 5 % des unités.


— Elevage ovin de double actif ou de retraité : soit 17 à 19 % (13)
Les résultats du dernier Recensement Général de l'Agriculture (1988) confirment
que le Montmorillonnais reste le noyau le plus dense de la production ovine en
France et confirment également la présence de :
— 34 % de petites unités de production, essentiellement de double activité, qui
occupent seulement 4 % de la S.A.U. mais représentent 827 exploitations,
— 30 % d'exploitations dont la SAU est comprise enter 20 et 60 ha, elles
représentent 23 % de la SAU soit 730 unités,
— 14 % de « grandes » exploitations de plus de 100 ha, soit 340 unités, qui
occupent 42 % de la surface totale.

Tableau 2. — Répartition des exploitations suivant leur superficie et leur part dans la
SA U totale du Montmorillonnais.

Année du recensement 1970 1979 1988

% eff. %SAU % eff. %SAU % eff. % SAU

,
moins de 20 ha 48 8 40 5 34 4
de 20 à 40 ha 18 14 16 10 14 8
de 40 à 60 ha 14 19 16 17 16 15
de 60 à 80 ha 8 15 11 16 14 18
de 80 à 100 ha 5 11 6 13 8 13
de 100 à 120 ha 2 7 4 10 5 10
120 ha et plus 5 26 7 29 9 32

Nombre d'exploitations 3540 2922 2433

La diversité des structures foncières induit des avantages et des contraintes très
différents selon qu'un exploitant met en valeur, 40, 80 ou 200 ha. L'analyse
typologique ci-dessus vient d'être complétée récemment par un travail de l'INRA, qui
décrit sept types d'exploitations (14) :
— herbagers autonomes,
— herbagers moins autonomes,
— intensifs modérés,
— intensifs réussis,
— intensifs extrêmes,
— grands troupeaux avec salariés,
— grande surface et cultures
reflétant la diversité des systèmes de production, leur logique de fonctionnement,
leurs résistances à la crise.
Ces travaux, conduits en relation avec le Centre de Gestion et la Chambre
d'Agriculture permettent de retenir plusieurs points forts :

(13) Y. Jean - Article Economie Rurale n° 175 - 1986.


(14) L'élevage ovin montmorillonnais partagé entre l'intensification et une voie plus extensive :
INRA - M. Benoit, F. Lorignel, G. Lienard - Novembre 1990.
LE MONTMORILLONNAIS, ZONE RURALE TYPE 421

— pour l'année 1989, les revenus disponibles par travailleur varient de 12200 F
pour les intensifs extrêmes à 1 14000 F pour les herbagers autonomes,
— les « grandes exploitations » ovins avec salariés dégagent un revenu du
travail de 50000 F soit moins que la somme versée au salarié,
— les systèmes qui dégagent les meilleurs revenus par travailleur, avec des
structures semblables mais des qualités de sols différentes, sont les herbagers
autonomes et les intensifs réussis, reflets de deux logiques de fonctionnement.
Ce résultat relance le débat que nous soulevions dès 1985 entre extensification et
intensification, en soulignant la présence de deux logiques principales qui expliquent
le choix des agriculteurs. L'option de premier type — encore dominante — est « le
premier argent gagné est celui non dépensé » (Neuvy 1980) ; cette option consiste à
être le plus indépendant possible de l'extérieur — bonne culture de l'herbe, peu
d'endettement... La seconde option est « plus on dépense, plus on gagne » (15).
Cette logique est fortement remise en cause par la dégradation des prix et leurs
importantes fluctuations; l'inversion depuis 1985 du rapport entre le taux d'intérêt
des prêts et l'inflation ; la concurrence internationale et la diminution des marges.

III. - INTERROGATIONS SUR L'AVENIR

La crise agricole, la baisse de la population, l'isolement de la société locale, les


surcoûts pour les entreprises locales... toutes les contraintes économiques entraînent
souvent des réactions fort différentes. Pour certains, la société locale est en crise
depuis dix ans et l'avenir est très sombre, d'où la nécessaire intervention croissance
de l'Etat ou de la C.E.E. pour aider la micro-région : le raisonnement se fait à
partir des seules contraintes. Pour d'autres, le discours est volontariste et on
«rêve» d'une société locale dynamique qui se structurerait autour de projets
importants, plaqués sur le milieu local — tels qu'un circuit automobile de formule III
ou une centrale nucléaire. Cette approche consiste à traiter le milieu local comme
n'importe quel milieu, sans prendre en compte sa spécificité. Rares sont les analyses
qui retiennent les atouts et les contraintes de la micro-région.
Pour illustrer cette idée, nous observerons quelques phénomènes qui risquent de
modifier la réalité locale au cours des années à venir.
Premier exemple, nous assistons depuis le milieu des années 80 à un processus
de diversification de l'activité agricole qui reflète la volonté d'agriculteurs de s'adapter
aux évolutions du marché pour pérenniser leur exploitation. Ce phénomène recouvre
deux réalités : d'une part, des agriculteurs spécialisés en élevage ovin qui ont
diversifié la conduite de leur troupeau (agneaux d'hiver...) ou qui ont associé la
production ovine à celle des bovins ou à des cultures de vente ; d'autre part, des
agriculteurs qui ont développé d'autres productions spécialisées - chèvres, cerfs...
Rares sont les communes qui n'ont pas vu se développer depuis 1984-1985, un
élevage de cerfs (Luchapt-Adriers), un élevage de pigeons (Sillars), un apiculteur
(Sillars), une activité piscicole (Asnières) une ferme auberge, avec élevage caprin et
visite de la chèvrerie (Journet), des élevages de volailles, de lapins, de canards
gras...
Deuxième exemple : l'espace est disponible et riche. La qualité des paysages
peut être un atout dans une Europe de plus en plus urbanisée. Le souci de
développer une agriculture moins consommatrice d'intrants, qui produit et qui
entretient l'espace peut constituer une opportunité pour certains agriculteurs. Reste

(15) Y. Jean, Economie rurale n° 175 - 1986.


422 YVES JEAN

posée la question de leur statut, de leur rémunération. La faible concurrence


concernant le foncier et le bâti se traduit par l'apparition, depuis 1987-1988, d'une
migration européenne qui peut participer à un renouveau de la société locale. Le
premier élevage de cerfs de la Vienne a été implanté par un Anglais dont l'épouse
donne des cours de langues au collège et dans des clubs d'initiation. Ce phénomène
est plus important dans le Civraisien où, « depuis 1987, le nombre d'achats de
résidences secondaires se multiplie par trois chaque année. Pour les installations
en résidences principales, ce mouvement se singularise par sa nature. En effet, sur
les trente installations anglaises depuis 1986, vingt sont le fait d'actifs ou de
personnes en âge de l'être. Si la migration belge concernait surtout des inactifs
âgés, les Anglais s'installent souvent avec familles et enfants (douze des trente
installations comptent plus de deux personnes au foyer). Contrairement à ce que
l'on observe dans des régions voisines comme le Montmorillonnais ou le Confo-
lentais, il ne s'agit ici que très rarement d'installations d'agriculteurs... ». La majorité
des chefs de famille a entre 40 et 50 ans : dans la moitié des cas, il s'agit de familles
de deux personnes : logiquement, plus l'âge du chef de famille est élevé, moins le
nombre de personnes au foyer est grand.
« Les Anglais achètent souvent des maisons « utilisables » en hameau, mais
d'autres recherchent plus précisément une maison en zone éparse, que ce soit pour
y vivre de façon permanente ou pour y séjourner quelques semaines dans l'année.
Cet élément revêt une importance particulière, à l'heure où les abandons de
bâtiments de ferme sont de plus en plus nombreux.
Toutefois, il ne faut pas oublier que les étrangers préfèrent nettement les maisons
« utilisables », c'est-à-dire immédiatement habitables, et ne nécessitant que des
travaux modérés » (16).
Ces différentes indications reflètent la nécessité de conserver et de valoriser le
patrimoine bâti et paysager pour faciliter le développement d'une migration anglaise.
Troisième exemple : la C.E.E. devient un partenaire de plus en plus important
pour la société locale.
D'une part, grâce aux versements des primes : en 1989, les aides perçues par les
agriculteurs, selon le système de production, varient de 58000 F à 102000 F par
exploitation.
Ainsi, les aides représentent de 48 à 402 % du revenu par travailleur : ces
nombres montrent l'importante différence des situations économiques des
agriculteurs face à une réduction de 30 % des aides de la C.E.E. . Les « intensifs extrêmes»
ont perçu 61000 F d'aides en 1989 pour un revenu par travailleur de 12230 F, ce
système est donc très sensible aux diminutions des soutiens de Bruxelles. A l'opposé,
les « herbagers autonomes » sont ceux pour qui le pourcentage des aides par
rapport au revenu est le plus faible.
Quel va être l'effet des décisions de la CEE, d'accorder 3000 F/ ha/ an pour une
terre qui sera en jachère avec un coût d'acquisition du foncier à 8000 F ? Est-ce
que ce gel d'une partie de la SAU d'une exploitation ne peut pas servir de surface
tampon et être intégré à un nouveau système de production ? Depuis octobre
1990, il y a une accélération des demandes de gel des terres. Cette mesure peut
constituer une source de revenu non négligeable. Une fois les frais de M. S. A., de
foncier non bâti... déduits, il reste 2300 francs par hectare gelé. Si l'on compare ce
chiffre aux résultats dégagés dans le Montmorillonnais en 1989, on obtient :

(16) C. Martin, M. Vandermeersch « Anglais cherchent maisons » Dec. 1990.


LE MONTMORILLONNAIS, ZONE RURALE TYPE 423

Elevage de Elevage de Elevage de


30 à 80 ha 80 à 150 ha + de 150 ha

Queue Médian Tête Queue Médian Tête Queue Médian Tête

Rev. agr./ha -52F 993 1657 131 1641 1776 -357 468 1286
Jachère/ ha/ an
npnHnnt
LICilWUllL JS Cilla
ans ————— - —————————————— 9100 1.F
Zt*J\J\J ——————.

Comparaison du revenu agricole à l'hectare en 1989 (17) avec la rémunération de la


jachère.

A titre individuel, divers scénarios peuvent être liés à cette mesure. Elle peut
permettre à un agriculteur :
— d'acquérir du foncier et de financer son achat par la subvention européenne.
Un agriculteur cultivant 80 ha peut acheter 20 ha d'un voisin âgé qui part à la
retraite. Il maintient sa production ovine et bovine, intensifie pendant cinq ans et
dispose ensuite d'une superficie plus grande ;
— de geler une partie de ses terres et d'obtenir une trésorerie intéressante. Un
agriculteur qui travaille 150 hectares en gèle 30, ce qui lui rapporte 69000 F par an
pendant cinq ans ; pour les exploitations de grande superficie avec des céréales,
cela représente l'équivalent de 70 % du revenu de l'exploitation en 1989 (cf tableau
n°3).
— d'attendre l'âge de la retraite pour ceux qui ont 56 ou 57 ans...
Par contre, à l'échelle de la micro-région, le cumul de décisions individuelles
peut entraîner de nouvelles interrogations :
— est-ce que le mouvement sera réversible et dans quel état seront les terres au
bout de cinq ans ?
— cela ne risque-t-il pas de remettre en cause une partie de la filière ovine et, de
ses outils de transformation parfois fragiles comme l'abattoir de Montmorillon ?
— n'y a-t-il pas un risque de résignation et d'impossibilité de dynamiser les
exploitations agricoles à moyen terme ?
La troisième intervention de la C.E.E. concerne la réforme des fonds socio-
structurels européens (FEOGA 5 B). Les 160 millions de francs qui pourront être
utilisés dans le Montmorillonnais, devraient accélérer certains phénomènes tels
que :
— « une meilleure organisation des filières ovine et bovine,
— susciter le développement de nouvelles productions et activités grâce à la
mise en place d'un fonds d'aide à la diversification,
— mettre en valeur le capital forestier,
— contribuer au développement des secteurs secondaire et tertiaire,
— mieux valoriser le potentiel touristique,
— protéger et mettre en valeur l'environnement » (18).
(17) Centre de Gestion de la Vienne : Résultats 1989.
(18) Programme de Développement Rural de l'Arc Est - Août 1990 - Préfecture de Région
Poitou-Charentes .
424 YVES JEAN

Sur ce dernier point, la C.E.E. facilite la prise de conscience dans le Montmoril-


lonnais de l'importance de l'environnement.

CONCLUSION

A partir de 1979-1980, le Montmorillonnais subit une crise agricole et une crise


dans l'industrie du meuble qui accentuent les problèmes démographiques. Les
contraintes sont très nombreuses, la concurrence internationale plus vive ; le
Montmorillonnais n'enregistre pas, à partir de 1975, un renouveau démographique
contrairement à d'autres zones rurales...
L'internationalisation des relations économiques nécessite une plus grande
valorisation des potentialités locales tant en ce qui concerne l'agriculture que l'ensemble
des activités.
Les questions posées concernant l'avenir de l'espace rural sont autant des
problèmes agricoles que des problèmes d'aménagement global. Défendre la ruralité,
c'est prendre en compte tous les groupes sociaux en gérant les nécessaires
complémentarités et également les contradictions. Afin de dégager une finalité plus précise
de l'occupation de l'espace, il apparaît souhaitable de mieux connaître la réalité.
Un aménagement du territoire rural actif, impliquant des choix, passe par la prise
en compte de la diversité micro-régionale.
Ainsi, l'utilisation des terres agricoles suppose de réaliser des choix : choix dans
l'organisation des systèmes de production, selon leur degré d'extensification,
d'intensification ; choix dans l'organisation du territoire : de nouvelles relations
agriculture, forêt, tourisme se nouent; réflexions concernant le statut des agriculteurs...
Il faut envisager des centres à fonction polyvalente, suffisamment forts pour que
ceux qui envisagent de vivre ou de créer des emplois en milieu rural y trouvent un
environnement technique et humain acceptable.
La formation et la solidarité sont indispensables. La formation des agents
économiques et primordiale (dans tous les secteurs). Seule, la formation peut engendrer
la capacité à l'innovation donc à la compétitivité des entreprises (agricoles,
artisanales, industrielles). Le milieu rural restera en marge du développement si ses
habitants restent marginaux dans leur niveau de formation. La formation des élus
locaux ne doit pas être en reste.
La solidarité interprofessionnelle, intercommunale, le partenariat des agents
économiques et des collectivités locales basé sur le volontariat sont les maîtres
mots d'une organisation de l'espace rural, qu'il s'agisse de la gestion des biens
d'équipements, des ressources naturelles (problème de l'eau) des personnes enfin.
Cette approche de l'avenir de l'espace rural ne concerne pas uniquement l'aspect
technique et économique, il est nécessaire de maintenir vivace l'identité culturelle
des zones rurales.
Revitaliser certaines zones rurales ou au moins enrayer leur déclin en évitant
l'apparition de situations irréversibles suppose une action globale intéressant donc
à la fois :
— les données structurelles qui constituent le cadre dans lequel s'inscrit le
développement local ;
— les données économiques qui comprennent l'ensemble des activités fournissant
des emplois et des services et procurant des revenus.
Pour l'ensemble de ces questions, l'échelon micro-régional semble être particu-
LE MONTMORILLONNAIS, ZONE RURALE TYPE 425

lièrement intéressant mais, pour faire des choix, les responsables locaux ont besoin
de mieux connaître la diversité de la réalité (19).
Il nous semble que depuis 1985, on assiste à une multiplication des initiatives
locales dans tous les domaines — agricole, industriel, culturel, associatif — qui
développent l'identité du Pays Montmorillonnais et reflètent la volonté de vivre au
pays.
En 1930, le baron M. Reille-Soult initie l'élevage ovin de plein air; il faut
attendre 1955-1960 pour que cette pratique se généralise. Depuis 1980, le
Montmorillonnais est à un tournant de son développement, il faudra le temps de l'action
des hommes pour qu'un nouvel équilibre se crée.
Nous terminerons cet article concernant nos quelques réflexions sur la société
locale montmorillonnaise en faisant nôtre ces deux idées de M. Jolivet :
1 - « on assiste à une véritable recomposition, à un réaménagement total des
rapports villes-campagnes : la coupure n'est plus entre un rural agricole, ou
assimilable à l'agriculture, et un urbain non agricole : le non agricole a pénétré en
force le rural ; et — c'est sans doute là le fait nouveau — il n'y a plus à proprement
parler coupure.
2 - ceci ne se traduit pas par la dissolution pure et simple du « rural » ; ceci se
traduit au contraire par le « retour du rural », considéré comme tissu microspatialisé
de rapports sociaux composites (ce que signifient les notions de « local » ou de
« pays » ; et ce qui fait parler de « relocalisation » des rapports sociaux) ; « rural »
n'est plus, ne peut plus être, plus ou moins synonyme d'agricole : c'est au contraire
pris dans son sens fort, avec son caractère global renvoyant à un espace social
propre et sans référence à une activité humaine spécifique, que le terme doit être
aujourd'hui employé et qu'il a un sens autant pour l'action que pour l'analyse ».
(20)

(19) Y. Jean - Développement rural, agriculture : la micro-région pôle de connaissance -


Novembre 1990.
(20) M. Jolivet - Evolution de la société rurale - Conséquences pour l'aménagement du
territoire - B.T.I. - 1987 pp. 325-332.

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