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Résumé
RÉSUMÉ
Le Montmorillonnais, au sud-est de la Vienne, appartient à cette « France du vide » (1) qui continue à se dépeupler. Zone rurale
« défavorisée » (1977), fragile (1980), en « déclin », cette micro-région suscite de nombreuses interrogations :
—la crise agricole remet-elle en cause la base de la société locale ? L'espace sera-t-il de nouveau partiellement en friche dans
vingt ans ?
—la baisse de la population, la « désertification » condamne-t-elle la zone à dépérir du fait de la baisse de la capacité
d'innovations ?
—le dualisme entre le milieu urbain et le milieu rural se renforce-t-il ? Va-t-on vers un espace à plusieurs vitesses ? Les zones
rurales vont-elles connaître un sous- développement accentué ?
Dans une société française fortement perturbée par les mutations internes et par les bouleversements internationaux, les zones
rurales semblent être à un tournant de leur évolution.
L'objet de cet article sera de mieux saisir la diversité des situations existantes et de réfléchir sur l'avenir en privilégiant certains
phénomènes qui pourraient entraîner un nouvel équilibre à long terme dans une société rurale type : le Montmorillonnais.
Jean Yves. Le Montmorillonnais, zone rurale type : en déclin ou vers un nouvel équilibre. In: Norois, n°152, Octobre-Décembre
1991. pp. 413-425;
doi : https://doi.org/10.3406/noroi.1991.6392
https://www.persee.fr/doc/noroi_0029-182x_1991_num_152_1_6392
A.R.E.E.A.R.
Direction Régionale de l'Agriculture et de la Forêt
47, rue de la Cathédrale 86020 Poitiers cedex
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
I — LE CONTEXTE
— Internationalisation croissante
L'agriculture locale, comme les différentes agricultures en Fance, est de plus en
plus en concurrence avec les agricultures des pays développés ou sous-développés.
Ainsi, en production ovine, la C.E.E. est le principal producteur et importateur
mondial (5). Le commerce mondial est dominé par la Nouvelle Zélande et
l'Australie, et la CEE importe un tiers des flux mondiaux. Depuis 1980, date du
premier règlement communautaire, les échanges au sein de la CEE se sont fortement
développés notamment entre le Royaume-Uni (exportateur) et la France
(importateur).
Au cours de la dernière décennie, des évolutions très différentes ont eu lieu en
France et au Royaume-Uni : ainsi les effectifs ovins ont diminué de 24 % en
France de 1981 à 1988 et progressé de 31 % au Royaume-Uni; la consommation a
— Quelle(s) population(s) ?
Le dernier recensement général de la population (1990) vient de mettre en
évidence la poursuite du mouvement de dévitalisation de régions entières : les
deux tiers de l'espace rural continuent à dépérir le long d'une diagonale tracée de
la Meuse aux Pyrénées, dessinant une « France du vide » dans laquelle on trouve
le Pleumartinois, le Montmorillonnais, le Confolentais, la Brenne... Ainsi, en
seulement sept années, dans le Montmorillonnais :
— Moussac perd 85 habitants sur 582 (- 14,6 %),
— Quéaux perd 107 habitant sur 710 (- 15 %),
— Le Vigeant perd 169 habitants sur 997 (- 17 %),
— Haims perd 57 habitants sur 283 (- 20 %).
Tableau 2. — Répartition des exploitations suivant leur superficie et leur part dans la
SA U totale du Montmorillonnais.
,
moins de 20 ha 48 8 40 5 34 4
de 20 à 40 ha 18 14 16 10 14 8
de 40 à 60 ha 14 19 16 17 16 15
de 60 à 80 ha 8 15 11 16 14 18
de 80 à 100 ha 5 11 6 13 8 13
de 100 à 120 ha 2 7 4 10 5 10
120 ha et plus 5 26 7 29 9 32
La diversité des structures foncières induit des avantages et des contraintes très
différents selon qu'un exploitant met en valeur, 40, 80 ou 200 ha. L'analyse
typologique ci-dessus vient d'être complétée récemment par un travail de l'INRA, qui
décrit sept types d'exploitations (14) :
— herbagers autonomes,
— herbagers moins autonomes,
— intensifs modérés,
— intensifs réussis,
— intensifs extrêmes,
— grands troupeaux avec salariés,
— grande surface et cultures
reflétant la diversité des systèmes de production, leur logique de fonctionnement,
leurs résistances à la crise.
Ces travaux, conduits en relation avec le Centre de Gestion et la Chambre
d'Agriculture permettent de retenir plusieurs points forts :
— pour l'année 1989, les revenus disponibles par travailleur varient de 12200 F
pour les intensifs extrêmes à 1 14000 F pour les herbagers autonomes,
— les « grandes exploitations » ovins avec salariés dégagent un revenu du
travail de 50000 F soit moins que la somme versée au salarié,
— les systèmes qui dégagent les meilleurs revenus par travailleur, avec des
structures semblables mais des qualités de sols différentes, sont les herbagers
autonomes et les intensifs réussis, reflets de deux logiques de fonctionnement.
Ce résultat relance le débat que nous soulevions dès 1985 entre extensification et
intensification, en soulignant la présence de deux logiques principales qui expliquent
le choix des agriculteurs. L'option de premier type — encore dominante — est « le
premier argent gagné est celui non dépensé » (Neuvy 1980) ; cette option consiste à
être le plus indépendant possible de l'extérieur — bonne culture de l'herbe, peu
d'endettement... La seconde option est « plus on dépense, plus on gagne » (15).
Cette logique est fortement remise en cause par la dégradation des prix et leurs
importantes fluctuations; l'inversion depuis 1985 du rapport entre le taux d'intérêt
des prêts et l'inflation ; la concurrence internationale et la diminution des marges.
Rev. agr./ha -52F 993 1657 131 1641 1776 -357 468 1286
Jachère/ ha/ an
npnHnnt
LICilWUllL JS Cilla
ans ————— - —————————————— 9100 1.F
Zt*J\J\J ——————.
A titre individuel, divers scénarios peuvent être liés à cette mesure. Elle peut
permettre à un agriculteur :
— d'acquérir du foncier et de financer son achat par la subvention européenne.
Un agriculteur cultivant 80 ha peut acheter 20 ha d'un voisin âgé qui part à la
retraite. Il maintient sa production ovine et bovine, intensifie pendant cinq ans et
dispose ensuite d'une superficie plus grande ;
— de geler une partie de ses terres et d'obtenir une trésorerie intéressante. Un
agriculteur qui travaille 150 hectares en gèle 30, ce qui lui rapporte 69000 F par an
pendant cinq ans ; pour les exploitations de grande superficie avec des céréales,
cela représente l'équivalent de 70 % du revenu de l'exploitation en 1989 (cf tableau
n°3).
— d'attendre l'âge de la retraite pour ceux qui ont 56 ou 57 ans...
Par contre, à l'échelle de la micro-région, le cumul de décisions individuelles
peut entraîner de nouvelles interrogations :
— est-ce que le mouvement sera réversible et dans quel état seront les terres au
bout de cinq ans ?
— cela ne risque-t-il pas de remettre en cause une partie de la filière ovine et, de
ses outils de transformation parfois fragiles comme l'abattoir de Montmorillon ?
— n'y a-t-il pas un risque de résignation et d'impossibilité de dynamiser les
exploitations agricoles à moyen terme ?
La troisième intervention de la C.E.E. concerne la réforme des fonds socio-
structurels européens (FEOGA 5 B). Les 160 millions de francs qui pourront être
utilisés dans le Montmorillonnais, devraient accélérer certains phénomènes tels
que :
— « une meilleure organisation des filières ovine et bovine,
— susciter le développement de nouvelles productions et activités grâce à la
mise en place d'un fonds d'aide à la diversification,
— mettre en valeur le capital forestier,
— contribuer au développement des secteurs secondaire et tertiaire,
— mieux valoriser le potentiel touristique,
— protéger et mettre en valeur l'environnement » (18).
(17) Centre de Gestion de la Vienne : Résultats 1989.
(18) Programme de Développement Rural de l'Arc Est - Août 1990 - Préfecture de Région
Poitou-Charentes .
424 YVES JEAN
CONCLUSION
lièrement intéressant mais, pour faire des choix, les responsables locaux ont besoin
de mieux connaître la diversité de la réalité (19).
Il nous semble que depuis 1985, on assiste à une multiplication des initiatives
locales dans tous les domaines — agricole, industriel, culturel, associatif — qui
développent l'identité du Pays Montmorillonnais et reflètent la volonté de vivre au
pays.
En 1930, le baron M. Reille-Soult initie l'élevage ovin de plein air; il faut
attendre 1955-1960 pour que cette pratique se généralise. Depuis 1980, le
Montmorillonnais est à un tournant de son développement, il faudra le temps de l'action
des hommes pour qu'un nouvel équilibre se crée.
Nous terminerons cet article concernant nos quelques réflexions sur la société
locale montmorillonnaise en faisant nôtre ces deux idées de M. Jolivet :
1 - « on assiste à une véritable recomposition, à un réaménagement total des
rapports villes-campagnes : la coupure n'est plus entre un rural agricole, ou
assimilable à l'agriculture, et un urbain non agricole : le non agricole a pénétré en
force le rural ; et — c'est sans doute là le fait nouveau — il n'y a plus à proprement
parler coupure.
2 - ceci ne se traduit pas par la dissolution pure et simple du « rural » ; ceci se
traduit au contraire par le « retour du rural », considéré comme tissu microspatialisé
de rapports sociaux composites (ce que signifient les notions de « local » ou de
« pays » ; et ce qui fait parler de « relocalisation » des rapports sociaux) ; « rural »
n'est plus, ne peut plus être, plus ou moins synonyme d'agricole : c'est au contraire
pris dans son sens fort, avec son caractère global renvoyant à un espace social
propre et sans référence à une activité humaine spécifique, que le terme doit être
aujourd'hui employé et qu'il a un sens autant pour l'action que pour l'analyse ».
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