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Chapitre 1 - UC1.

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Préambule

Pour réussir demain !


Les dynamiques qui ont transformé les campagnes au cours du 19ème siècle marquent le
début du 20ème.

• L’exode rural, amorcé dans les années 1850 au bénéfice de la Révolution industrielle se
poursuit ; la population rurale reste toutefois très majoritaire et l’agriculture occupe encore
plus de la moitié de la population active. Les structures sociales se transforment cependant :
l’exode touchant particulièrement les actifs ruraux non agricoles, la diversité
socioprofessionnelle se réduit sensiblement et les campagnes deviennent essentiellement
peuplées d’agriculteurs en ce début de siècle.
• Les fermes familiales de polyculture-poly élevage dominent très largement le paysage
agricole dans toutes les régions françaises ; partout se pratique une agriculture
d’autoconsommation et de vente des surplus dans les circuits locaux ou régionaux. Seules
certaines zones spécialisées dans la viticulture ou le maraîchage (en périphérie des bourgs)
font véritablement exception.
• Au début du siècle, on dénombre entre 2 et 3 millions d’exploitations dont 85% ont une
superficie de moins de 10 ha. Cette multitude de petites exploitations ne couvrent
cependant que 30% de la SAU totale, le reste étant occupé par des exploitations moyennes et
grandes employant une main d’œuvre permanente salariée, et, à la marge, par quelques
dizaines de grands domaines (qui emploient plus de 50 salariés permanents). En 1906, 47%
des terres sont en fermage et métayage.
• Le mouvement de modernisation de l’agriculture amorcé au 19ème siècle (amélioration des
assolements, cultures fourragères, mécanisation attelée, augmentation des rendements etc.)
progresse, bien qu’à un rythme plus lent. Le secteur agricole bénéficie des progrès
scientifiques et techniques réalisés dans d’autres domaines, tels que la révolution dans les
transports – qui entraîne le désenclavement progressif des campagnes et encourage le
développement des filières agricoles et d’approvisionnement en intrants (amendements
minéraux) – ou encore les progrès médicaux (dans le domaine de l’élevage).
• Ce début de 20ème siècle voit également la formation des premiers instituts agricoles, la
création des premières organisations syndicales agricoles, des premières unions de
coopératives et groupements mutualistes. Le monde agricole commence à se structurer ;
bien qu’étant resté, au démarrage, dominé par les grands propriétaires, ce mouvement de
structuration gagne plus largement le monde paysan, avec la naissance de fédérations se
réclamant du mouvement républicain .
• Malgré ces évolutions, l’autosuffisance alimentaire n’est pas atteinte au début du siècle,
l’agriculture française peine à faire face à la concurrence internationale et les importations
s’accroissent malgré les mesures protectionnistes adoptées dès la fin du 19ème. Selon les
observateurs de l’époque, l’agriculture française stagne et accuse un retard conséquent par
rapport aux autres pays européens. Plusieurs raisons sont invoquées pour expliquer ce
phénomène.
• Les commentateurs de l’époque l’attribuent volontiers à la masse considérable des très
petites exploitations, intensives en travail, qui investissent peu et parviennent tout juste à
faire vivre convenablement les familles sur leurs terres. Mais s’il est vrai que l’économie
agricole et rurale est alors faiblement monétisée, et que l’épargne l’emporte très largement
sur l’investissement, ces exploitations minifundiaires ne couvrent qu’un tiers des superficies
cultivées.
• C’est plus largement le manque généralisé d’investissements dans la production agricole
qui semble jouer un rôle prépondérant. Après l’importante crise des prix agricoles des années
1880 et l’effondrement des prix du foncier, une part grandissante de la bourgeoisie terrienne
s’est peu à peu désintéressée de l’agriculture. Quand ils ne vendent pas leur terre, ces
propriétaires se contentent souvent de prélever une rente foncière élevée qui est réinvestit
dans d’autres secteurs (la rente foncière est estimée à environ 15% du produit final de
l’agriculture de l’époque).
• Enfin, un autre facteur apparaît comme déterminant : quelques soient les catégories de
paysans, petits ou grands, on investit tout dans l’acquisition de foncier, alors érigé en
instrument suprême de sécurisation, d’assise sociale et de transmission patrimoniale.
L’époque est à « la liberté par la propriété ». Et les conditions du marché foncier sont de fait
propices à l’accès à la propriété, y compris pour des exploitants modestes.
• Plus globalement, et même si les trajectoires sont différenciées selon les régions,
cette période marque pour les historiens l’avènement de la « démocratie des
petits propriétaires », caractérisant à la fois la structuration, la mobilisation
politique de la paysannerie et l’importance de la propriété foncière. En contraste,
la condition des métayers et des fermiers stagne ; en l’absence de réforme
substantielle de leurs statuts, ils sont maintenus dans la précarité et, pour
beaucoup encore, dans la pauvreté. Il faudra attendre une trentaine d’années
avant que leur condition n’évolue. L’entre-deux guerres : vers l’affirmation de
l’exploitation familiale moyenne
• La Grande Guerre marque un temps d’arrêt à ces transformations sociales et
techniques. Après les ravages de la guerre, les campagnes sont affaiblies et
profondément bouleversées sur le plan démographique. Privées d’une part très
importante de leur main d’œuvre, elles peinent à nourrir le pays.
• Si l’entre-deux guerres ne connaît pas de rupture manifeste dans les systèmes de
production, c’est cependant une période riche en innovations, durant laquelle
sont posées les bases de la mutation plus radicale que connaîtra l’agriculture
après la Seconde guerre mondiale.
• Durant cette période en effet, la recherche et la formation s’intensifient, avec pour
objet la sélection génétique (variétés et races animales), la mise au point de nouvelles
machines attelées, l’usage des engrais et l’augmentation des rendements qui passent
pour le blé de 1,2 tonne/ha en 1900 à 2,4 tonnes/ha en 1950 etc.
• La petite mécanisation (non motorisée) est développée pour pallier au manque
grandissant de l’immigration, italienne notamment).
• La structuration du monde agricole se poursuit aussi autour des enjeux de
stabilisation des prix et de captation de la valeur ajoutée, avec la création d’offices
interprofessionnels par filière et la généralisation des coopératives de collecte et
de stockage, gages d’une plus grande maîtrise de l’aval par les agriculteurs face aux
négociants et aux industriels.
• Le mouvement de la JAC (Jeunesse Agricole Chrétienne) voit également le jour en
1929 ; formé initialement autour d’une mission traditionaliste de reconquête
chrétienne dans les campagnes, ce mouvement adopte progressivement une
nouvelle approche de son engagement, plus progressiste et éducative, et jouera un
rôle majeur dans l’évolution de l’agriculture dans les décennies qui suivront.
• A nouveau, malgré ces évolutions, l’agriculture subit les effets de la crise générale de
l’économie des années 30 et ne parvient pas à soustraire le pays de sa dépendance vis-à-
vis des importations (notamment en céréales). Pourtant, les évolutions structurelles sont
loin d’être négligeables sur l’ensemble de la période. La productivité agricole a progressé
de façon relativement importante : pour une production croissante, les surfaces cultivées
ont diminué sensiblement et on dénombre, rien qu’entre 1921 et 1936, 1,8 millions d’actifs
agricoles en moins (constitué notamment par les salariés permanents).
• De la fin du 19ème jusqu’aux années 1930, 30% des exploitations ont disparu ; ce sont les
petites fermes (<5ha) et les grands domaines qui sont largement touchés et on assiste
dans le même temps à la disparition de couches sociales entières en milieu rural. Les
exploitations de 10 à 50 ha en revanche sont celles qui ont le plus progressé, marquant
déjà l’émergence de l’exploitation familiale moyenne comme modèle incontournable dans
les campagnes françaises. Ces exploitations sont représentées par des organisations
paysannes de plus en plus puissantes et structurées.
• Le déclin du pouvoir des grands propriétaires bailleurs et le rapport de force politique en
faveur des paysans au niveau national – qui s’est établit dans les années 30 et renforcé
pendant la guerre – se traduit par une mesure absolument centrale pour le devenir de
l’agriculture : la loi sur le fermage et le métayage, définitivement établie en 1946, et qui
sécurise les droits des producteurs qui travaillent la terre sans en être propriétaires.

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