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Chapitre 3 

: Les facteurs historiques

Les plus importants foyers de population du globe ses sont constitués sur la longue durée.

1. Importance de l’ancienneté de l’occupation

Les trois plus grandes concentrations actuelles d’individus  (l’Asie orientale, le monde
indien, et l’Europe de l’Ouest) étaient les mêmes il y a 2000 ans : elles abritaient dès
cette époque la moitié de la population mondiale. « Où l’homme de trouvait en
1500, il se trouve encore » (Fernand Braudel).
 ancienneté et continuité du poids démographique de la Chine, de l’inde et de
l’Europe.
L’ancienneté = peuplement plus dense, utilisation plus intense de l’espace qui est
cause et conséquence du peuplement. Opposition entre les sociétés humaines
denses (solidement et anciennement enracinées qui s’adapte au milieu et ont
tendance à l’adapter à leurs besoins) // «nouveaux venus » (peu nombreux, gaspille
les ressources d’un pays qui s’ouvre largement à eux). L’antériorité du peuplement se
traduit par une densité plus forte et par un système agricole plus intensif.
Ex : en Ukraine, le Nord est plus dense que le Sud. Au Japon, Hokkaido, occupée par
les Japonais que dans la 2eme moitié du XIXe reste la moins peuplée des quatre îles
de l’archipel.
 Une sorte de loi géographique voudrait que plus l’occupation d’un territoire ait
été précoce, plus il a de chances d’être peuplé. Mais il n’y a pas toujours de
continuité : des ruptures se produisent, dues à des fluctuations politiques
(invasions, guerres…). Ex : le Yucatan avait connu une importante civilisation,
mais dans un milieu aujourd’hui infesté par la malaria, est devenu très
inhospitalier.
Globalement, la permanence frappante des mêmes aires de forte densité s’explique
par le fait qu’une population, une fois qu’elle a atteint une certaine masse critique,
tend à croître par effet d’inertie.

Le foyer originel est africain. L’humanité a ensuite connu un processus de diffusion :


Homo Habilis occupait les parties chaudes de l’Eurasie (- 2 000 000), Homo Erectus les
terres les plus froides (- 500 000), Homo Sapiens Neandertalis (- 100 000), Homo
Sapiens Sapiens apparu en Asie occidentale et qui se répand rapidement dans le
monde (- 40 000).
L’ancienneté du peuplement explique partiellement certaines différences comme
entre le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande (l’un des peuplements les plus tardifs
du globe).
Mais l’ancienneté absolue n’est pas un facteur décisif, car partout l’occupation est
restée très faible avant la découverte de l’agriculture.  L’agriculture et l’élevage
ont entrainé un saut bcp + significatif pour la formation des densités : certains
territoires occupés sur le tard à l’échelle de l’humanité (Europe du Nord- Ouest), sont
de nos jours bien plus peuplés que l’Afrique. + Les grandes migrations de l’époque
contemporaine : migrations intérieures liées aux révolutions industrielles, migration
internationales et intercontinentales.
Ex : l’Amérique du Nord a accueilli les plus grandes masses d’émigrants, ainsi c’est
formé le 4e grand foyer mondial. La presque totalité du peuplement est issue de
cette émigration massive (500 000 esclaves noirs s’ajoutant à l’immigration
européenne).
Certaines ruées minières ont fait franchir un pas décisif à l’immigration : la ruée vers
l’or californien, australien, sud-africain. La propagande a également contribué au
développement de mythes de jardins d’Eden ou de terres promises. L’Australie = the
lucky country, Nouvelle-Zélande = God’s own country, USA = the American way of life
qui attire… De telles migrations récentes ont joué un rôle bcp plus important que
l’ancienneté de l’installation.
La France est absente des grands mouvements d’émigration.
Les mouvements forcés de population ont, eux, donné lieu à de gigantesques
transferts. L’Histoire est évidemment riche d’invasions, de migrations de peuples
sous la poussée de conquérants, d’exodes, de refoulements, «grands
déménagements » et autres «déguerpissements » comme au Québec dont une
grande partie de la population fut chassée par les Britanniques. Le transfert le plus
systématique : la traite esclavagiste atlantique dans le cadre du commerce
triangulaire qui explique le sous-peuplement actuel de l’Afrique (12 millions
d’esclaves ont traversé l’Atlantique). Après la suppression de l’esclavage, on
recourut à des travailleurs sous contrat (coolies indiens).
Les façades maritimes atlantiques où les deux rivages se font face font de ce fait
figure d’ «espaces-synapses » : en anatomie, c’est une région de contact entre deux
neurones. Ex : le Nord-Est atlantique des USA en interface avec l’Europe, le Sud-Est
avec l’Europe et l’Afrique…
Christian Grataloup a proposé un modèle pour ces synapses. Tant que l’obstacle de
la distance reste insurmontable, le contact est impossible. Mais les progrès
techniques font ensuite que les océans peuvent se transformer en traits d’union, en
espaces de transit qui autorise commerce et peuplement. L’échange est toutefois
fréquemment inégal et débouche sur une organisation centre-périphérie où la
métropole qui a progressé dans la maîtrise de la distance s’efforce de dominer les
sociétés de l’autre rive en organisant leurs espaces à son profit. Cela fut le cas pour le
commerce triangulaire dans lequel l’Afrique a le plus perdu (en hommes, en
ressources et en capacité de développement).
 L’ancienneté du peuplement est sans doute une condition nécessaire mais non
suffisante à un peuplement de grande ampleur. Celle-ci dépend en effet d’un
facteur plus déterminant encore : le rythme de l’accroissement naturel.

2. Un facteur de premier ordre : la vitesse de l’accroissement naturel

La vitesse de la croissance naturelle est l’un des facteurs les plus décisifs de la densité
(le «plus important de tous pour comprendre la formation des densités.» D. Noin).
L’évolution des populations du monde indien et l’Europe sans l’ex-URSS, de l’an 500 à
1600. Leurs effectifs de départ sont les mêmes : 33 millions de côté indien, 30
millions côté européen. La population indienne croît de 0,4% par an et celle de
l’Europe de 0,27% c’est-à-dire un écart annuel de seulement 0,13%. Le résultat est
néanmoins que la population indienne fait plus que quadrupler alors que celle de
l’Europe n’arrive même pas à tripler. En 1600, il y a 145 millions d’Indiens pour 89
millions d’Européens : l’écart est de 56 millions d’habitants.
Les différences de rythme se sont fortement accrues depuis la révolution industrielle.
Entre 1800 et 1950, la population a été multipliée par 1,5 en France, par 4 en
Angleterre et en Allemagne, par 5 aux Pays-Bas. La France est donc 2 fois moins
densément peuplée que le Royaume-Uni.

On distingue globalement 3 grands cycles démographiques depuis un million


d’années.
1 : le paléolithique supérieur avec le progrès des techniques de tailles qui rend les
chasseurs plus efficaces car mieux armés.
2 : la révolution néolithique avec l’invention de l’agriculture (la riziculture) et de
l’élevage. La population de la terre aurait été multipliée par dix en cinq mille ans (de
5 à 50 millions vers 5 000 avant JC).
3 : plus près de nous, le nouveau seuil décisif se produit à partir de la fin du XVIIIe
siècle, la révolution industrielle, qui s’est diffusée à la planète en multipliant la
population par cinq.

C’est donc une évolution heurtée avec des systèmes de production. Chacun d’eux a
provoqué des hausses spectaculaires des densités. De même, avec la révolution
industrielle, la population anglaise avait évolué annuellement de -0,2 à +0,4% entre
1660 et 1730, puis d’1,8% dans les années 1810 ! La population d’Angleterres et du
Pays de Galles quadruple de 1801 à 1911 (de 9 à 36 millions). Malgré une hausse
formidable de la population à chacun de ces cycles, reste la grande stabilité
hiérarchique des grandes aires de peuplement du monde, car la croissance s’est
surtout réalisée par «accumulation sur place» (Vidal de la Blache).  Processus de
densification interne par remplissage sur longue durée.
Ex : Philippe Pelletier qui observe une «intensification localisée» au Japon.
3. La diffusion spatiale des innovations

Le terme d’innovation s’applique à tout phénomène nouveau apparaissant en un


point de l’espace : une maladie, l’adoption d’un nouvel équipement, un phénomène
social comme le divorce, une grève, etc… Ici, il s’agit surtout d’innovations techniques
comme l’apparition de l’agriculture ou de l’irrigation. Celles-ci peuvent provoquer
des bifurcations, c’est-à-dire des changements dans les systèmes géographiques en
cours. Le rythme inégal de la diffusion d’une innovation technique est finalement
plus important que son apparition pour expliquer les différences actuelles de
densités («effets de retard»). Des barrières ont pu freiner la diffusion de certaines de
ces innovations décisives. L’éloignement des foyers d’innovation, renforcé par les
masses océaniques, les reliefs et l’insularité ont été des freins.
Ex : La Grèce, au carrefour de plusieurs civilisations méditerranéennes a tiré bcp plus
facilement profit de la diffusion de l’agriculture, de l’élevage et de la métallurgie que
l’Australie ou la Nouvelle-Zélande. ATTENTION : l’isolement par l’insularité ou
l’étendue maritime n’est toutefois pas une loi géographique puisque les façades
littorales peuvent devenir des interfaces propices aux échanges.
Quels sont alors les facteurs favorisant une diffusion des innovations ? Les échanges
sont causes et conséquences du développement et de la croissance démographique
(l’axe eurasiatique fut ainsi un axe de forte interaction spatiale, c’est-à-dire
d’échanges entre lieux, fonctionnant comme un corridor).
La nouvelle croissance démographique permise par l’intensification agricole s’est
conjuguée aux progrès de la productivité agricole pour libérer une main-d’œuvre
croissante qui s’est trouvée disponible pour une proto-industrialisation. La pression
démographique fut donc un stimulant à la création de richesses agricoles.
L’industrialisation, source du 3e bond, prend naissance en Europe et se diffuse aux
neufs pays peuplés par les Européens. Avant la révolution industrielle, l’Europe était
moins densément peuplée que les foyers asiatiques : 146 millions d’Européens en
1800 contre 330 millions de Chinois et 180 millions d’Indiens.
Puis, la population de l’Europe a été multipliée par 3,5 de 1750 à 1950 (via la
croissance industrielle).
 Les causes historiques ont donc joué un rôle majeur pour les pleins. Mais
pourquoi les innovations sont intervenues dans tels espaces plutôt que dans tels
autres ?

4. Pourquoi des bifurcations là et pas ailleurs ?

«S’il existe un déterminisme physique de l’industrie, le cas du charbon l’illustre au


maximum.» Jean Chardonnet
La houille a été une condition souvent nécessaire, mais non suffisante du
développement industriel. La première révolution industrielle a profondément
marqué la carte des densités européennes, elle recoupe celle des bassins
charbonniers en Europe. Le charbon fut inégalement peuplant selon l’époque de sa
mise en valeur. L’effet d’entraînement de la houille sur le développement industriel a
été surtout fort au cours de la première révolution industrielle. La nature du charbon
a aussi joué un rôle : le charbon gras a été plus peuplant que le charbon demi-gras
par exemple.
L’exemple de la houille et de l’industrialisation confirme que la date d’introduction
d’une innovation compte plus que celle de son apparition en un point donné. Dans le
cas de Flandres, c’est la modernisation de l’agriculture qui libère du temps et permet
une croissance démographique et donc l’accroissement de la main-d’œuvre
disponible pour un développement proto-industriel. Mais l’élévation des densités a-t-
elle été seulement une conséquence de l’agriculture ?

5. Une combinaison de facteurs

La notion de potentiel fait bien de la relation milieu/sociétés un système. Dans l’Asie


des moussons comme en Europe, les densités sont ainsi plus élevées parce que «les
sociétés humaines ont établi des rapports d’une certaine efficacité au sein du
potentiel climatique». Mais le climat n’est qu’une composante du milieu, il n’est
qu’un des facteurs fonctionnant interactivement avec les autres pour fixer la
population.
La variété des facteurs physiques et humains n’empêche pas d’identifier un certain
nombre de constantes qu’on a déjà énoncées. Toutefois, on ne dispose pas d’une
théorie en géographie du peuplement : on ne dispose pas d’une théorie explicative
globale même si on est conscient que : le nombre d’hommes et les rythmes de
croissance démographique jouent un rôle important dans l’intensité et dans les
formes de la mise en valeur de l’espace géographique.
Il reste à étudier pourquoi une inégale croissance démographique des groupes ?

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