Les chroniques du jour nouveau

Préface

Journal de Bord du Capitaine

 Mission « E.V.O.L.V.E »

2022 : Les premières ressources qui nous semblaient essentielles, le pétrole, le plastique, les
médicaments, les pesticides, et de nombreux minéraux rares ne sont plus disponibles pour couvrir
l’ensemble des besoins de la population mondiale. La DGSE m’a approché pour demander mon aide
sur les moyens alternatifs de culture des sols et de création d’énergie viable.
M.Spriot

2024 : Seule une partie privilégiée de la population mondiale, en fait, ceux qui avaient assez d’argent
pour se mettre à l’abri des émeutes de la faim, consomment les rares ressources grâce à un système
d’import/export mondial servant à créer des profits pour les derniers des buisnessmans. Le manque
de moyens dédiés à la recherche sur l’agronomie me fait cruellement défaut, et mon projet de
culture hors sol solaire à grande échelle ne restera qu’un prototype sur papier.
Les financiers du monde entier se regroupent et discutent constamment d’un plan de sauvetage,
mais de ce que je vois, ils espèrent plus pouvoir sauver leurs profits que les populations de leurs
pays.
M.Spriot

2025 : Les premières concentrations d’humains se rassemblent autour des zones rurales épargnées
par la famine, mais le climat politique et social se détériore, la guerre civile fait rage, et les dirigeants
n’arrivent pas à créer suffisamment de richesses pour se permettre de continuer l’import-export,
trop couteux en énergie, et en terres rares. Même les alternatives pensées par les ingénieurs, tels
que le carburant solaire, les avancés dans le domaine du magnétisme et du trans-humanisme ne
permettent pas à une économie capitaliste de fonctionner.
Quelques survivants sortent des villes pour créer des zones rurales possiblement cultivables, ou, dit-
on, la nourriture est présente en abondance, les paysans sont devenus des enseignants. J’oriente
mes recherches de ce côté, en allant à Toulouse, devenue capitale de l’agriculture urbaine.
M.Spriot

2027 : 14 colonies viables ont étés fondées, mais seules 6 d’entre elles sont contrôlées par le
gouvernement, les mégalopoles ne sont que l’ombre de ce qu’elles étaient seulement 10 ans
auparavant. Les derniers businessmans ont abandonné leur idée de créer des richesses par les flux de
ressources, n’ayant ni les moyens matériaux, ni les moyens humains de faire fonctionner ce système.
Certains des anciens dirigeants veulent récupérer les ressources des 8 colonies indépendantes, dans
le but de recréer un système « plus juste, plus sécurisant, et plus agréable à vivre, grâce aux efforts
de chacun » . En réalité, ils ont besoin du savoir des agronomes pour nourrir leur population et
asseoir leur pouvoir.
La DGSE m’a chargé d’accomplir cette mission à Toulouse, ou j’étudie depuis deux ans avec des
agronomes et des agriculteurs géniaux. Je commence à douter du fait que E.V.O.L.V.E soit une
solution, en réalité, le savoir des agriculteur est bien supérieur à celui de notre cellule de crise.

M.Spriot

2040 : Des 8 colonies indépendantes, il n’en reste que 2 qui survivent, acculées et assiégées par des
humains affamés. Les 6 colonies qui dépendaient du système des anciens dirigeants n’arrivaient plus
à nourrir leur population, ce qui a poussé les gens à se révolter une nouvelle fois, mais contre ceux
qui n’avaient pas faim, et savaient cultiver. Les saccages de 6 colonies indépendantes ne leur ont
quasiment rien apporté, tant les combats furent violents. De nombreux agronomes furent capturés,
et très peu d’entre eux transmirent ce qu’ils savaient de l’agriculture. Marcus Spriot, également en
charge de notre mission, fut emmené et mis à mort sans forme de procès le 3 du Second de Récolte
2040, lors d’un rapt sur la ville de Toulouse.
J.Revon

2043 : Les colonies indépendantes ne sont plus, elles n’ont été prises sans saccages seulement parce
que leurs habitants semblaient avoir disparus. Après de nombreuses recherches, personnes ne
retrouva leur trace. Les conditions climatiques, déjà alarmantes, ne font que s’aggraver. Une partie
de l’ancienne capitale mondiale, New York, s’est effondrée. Venise est sous l’eau. Paris est en proie
aux flammes. A Pékin, une maladie encore inconnue a exterminé 90 à 95% de la population de la
mégalopole. Depuis 2040, nous pensons que nous sommes à l’Age de la Chute. Et nous n’avons
aucune certitude concernant l’avenir de l’humanité.
J.Revon

2049 : Un nouveau minéral sert à faire fonctionner l’industrie, il semble que les chercheurs sont
parvenus à extraire atome de l’Améthyste, permettant la fusion des atomes grâce à l’oxygène. Les
recherches sur le magnétisme permettaient encore de faire rouler les 2 trains de marchandises
mondiaux, mais grâce à cette nouvelle découverte, faire circuler les anciens réseaux ferroviaires et
aériens est une priorité. Tout le monde est nourri pour le travail qu’il entreprend, mais le manque de
moyens matériels nous contraint à penser l’avenir sur le long terme, dans l’incertitude d’une
catastrophe naturelle.

J.Revon

2053 : Les grands travaux ne s’arrêteront pas. Mais les morts et les dégâts matériels causés par le
séisme sont innombrables. Nous devons trouver le moyen de relier les colonies restantes sur notre
planète, pour apporter une alternative stable et un futur sain pour nos enfants. Quelque en soit le
prix.

J.Revon

2071 : 25ans après le début du Grand Réaménagement, le trafic aérien a repris, et les réacteurs de
L’Ancienne Pomme tournent à plein régime, inondant le monde d’un flot de voyageurs, grâce à
l’énergie Oméga.
Il semble que le cycle des saisons ait été modifié par les épisodes successifs de catastrophes, mais
néanmoins, il se stabilise depuis 5ans, selon un ordre de 3 mois de Floraison, 3 mois de Récolte, 2
mois de Pluie, 4 mois de Gel.
De récentes études montrent que les nouvelles technologies magnétiques ont une tendance à créer
un déséquilibre au niveau des cellules humaines. Cependant, aucune conséquence n’est à déplorer.
J.Revon
2078 : Voilà 35ans que Pékin a perdu sa population, au début de la Chute. Nous venons de constater
que les causes de cette épidémie sont dues à une fuite de sulfure de Cadmium, utilisé dans le
contrôle ondes électromagnétiques longues distances, notamment pour la recherche dans le
domaine de la communication militaire. Malheureusement, nous avons eu l’occasion de constater les
effets du CdS sur l’Océan non pas grâce à un rapport trouvé à Pékin, mais à cause d’une fuite d’un
hydro transporteur en plein Océan Atlantique.
Les récentes photos aériennes de la zone nous montrent une large tache ocre, qui n’a pas l’air de se
diluer rapidement, malgré son expansion rapide dans l’eau.
Les conséquences ne se sont pas fait attendre. Une ile relais située à 450km au Nord de la zone ou
l’accident a eu lieu fut décimée, 125 colons sont morts, 53 sont introuvables. Des chercheurs sont
allés sur zone, apparemment 3 jours après le dernier décès, ce qui suggère une évolution rapide de la
maladie. Sur les 7 chercheurs, 4 contractèrent le pathogène, malgré toutes les précautions
nécessaires, et tous les contaminés décédèrent, y compris mon grand-père, le professeur Jules
Revon. Un traitement est utilisé sur l’eau, et semble réduire le pathogène.

N. Revon

2079 : Les saisons ne sont plus stables à nouveau. Les orages s’intensifient, certains affirment voir les
éclairs déchirer le ciel, et laisser passer des rayons de soleil, en pleine saison de Pluie.
Les communautés restantes sont revenues en ville. Le Flotteur (San Fransisco), L’Ancienne (New
York), La Suspendue (Mexico), La Foret (Buenos Aires), La Citadelle (Le Caire), La Brulée (Paris), Le
Rempart (Lisbonne), le Cercle des Reclus (Oulan Bator), La Souterraine (New Delhi) et La Centrale,
capitale mondiale (Addis Abeba) sont les derniers endroits surs et en contact.
Sur les 5milliards d’êtres humains sur Terre, seuls 74 millions de personnes sont actuellement
recensées dans ces villes, considérées jusqu’alors comme des zones de perdition. 179 millions sont
déclarés survivants dans les zones de communautés qui comptaient pas moins de 975 462 villes pour
4 milliards d’habitants. Ils sont en cours de rapatriement, malgré des effectifs de sécurité insuffisants.

750 millions de personnes vivaient dans l’isolement et cultivaient dans de petites coopératives. La
maladie en a condamné la très grande majorité. La pluie est toxique, elle pose une neurotoxine dans
la terre qui agit comme un engrais et aide les plantes à grandir. Malheureusement, elle paralyse
également les jambes, les mains, les reins, le nerf optique, puis le diaphragme. Les producteurs ont
étés les premières victimes. Les consommateurs les seconds. Les Grandes Mégapoles étaient
protégées des retombées de la pluie grâce au dôme filtrant placés sur chacune d’elles. Elles avaient
été posées la juste avant la Chute, pour essayer de limiter les risques climatiques. Elles auront rempli
leur mission des décennies plus tard.

Notre équipe a été parmi les premières à arriver à La Centrale. Le dépolluant fut au point 5 mois
après notre arrivée. Et prit 5 mois de plus pour être épandu et actif mondialement.
Malheureusement, cette manœuvre est dorénavant nécessaire à chaque saison de Pluie, et nous
n’avons aucune certitude quant aux risques que présente une utilisation répétée de ce dépolluant
sur Terre.

N.Revon
2081 : Nos travaux sur l’agent CdSX, responsable de la contamination de l’Atlantique en 2078 et des
Pluies Pourpres en 2079, nous montre qu’il serait présent dans la pluie à cause de l’évaporation qui a
rendu le traitement de 2078 inefficace. Malgré nos dépollutions, nous sommes résolus à ne pas
répandre une substance expérimentale en contact répété avec un pathogène aussi violent. L’eau des
océans, des mers, des lacs et des étangs est teintée d’un voile ocre, semblable à une fine pellicule
d’huile. Les mégapoles ont réussi à accueillir 228 millions de personnes.

Et puis tout est allé trop vite. Toute l’équipe est partie au Flotteur étudier le pathogène. Toute
l’équipe sauf moi. Chargé de réceptionner les données reçues et d’analyser ces données. Je ne les ai
jamais reçues. Nous avons perdu le contact avec Le Flotteur, sans aucun message. 28millions de
personnes sont portées disparues, mais tout le monde sais qu’avec nos moyens actuels, envoyer une
équipe de secours est impossible.

Le Cercle des Reclus n’a pas donné signe de vie depuis leur arrêt volontaire des communications
pour conserver leurs ressources en eau et nourriture. Leurs frontières sont également gardées, pour
prévenir de la menace de l’agent pathogène. L’ambiance politique ne cesse de se dégrader. Notre
travail attire l’attention de la Gouvernance, certains nous tiennent responsables de ce qui arrive.
Notre mission était de garantir la survie de l’espèce humaine. Notre traitement s’est avéré
dévastateur, pour une raison que l’on n’arrive pas encore à bien déterminer. Les conséquences sont
dramatiques.

Les 6 premiers mois de Pluie transportaient l’élément pathogène en grande quantité, et de

nombreux points d’eaux furent contaminés. Nous ignorons si les animaux hors clôture ont réussi à
survivre. Nous savons qu’il n’y a plus d’insectes, et très peu d’oiseaux, la plupart portants des signes
de malformations. Mais nous n’avons aucune donnée sur les rares animaux sauvages restants. Nous
sommes quasiment certains que les grands mammifères marins n’ont pas pu survivre à cette
catastrophe.

Les cultures sont décimées, et le pathogène semble s’attaquer aux sols en profondeur à des endroits
localisés, ce qui nous contraint à renoncer à de nombreuses parcelles. L’agriculture urbaine a été la
seule alternative viable, bien que difficile, car le niveau de rendement est faible.
J’espère ne pas avoir à connaitre de nouvelles Emeutes de la Faim. J’espère que mes compagnons
vont bien, je refuse de croire en leurs morts.
W.Falchet

2083 : J’ai réussi à composer un antidote à l’agent CdSX, il sera épandu dans l’air lors de la prochaine
dépollution annuelle. J’ai déjà largement diffusé le traitement sur l’Homme à La Centrale. Nous avons
constaté le retour des végétaux, des prairies repoussent, mais les animaux sont extrêmement rares,
du moins, dans cette partie du monde.
La situation sociale est extrêmement tendue, je quitte La Centrale pour aller à La Forêt, zone
actuellement la plus peuplée (46millions de personnes), pour distribuer le traitement.

W.Falchet
2088 : Le traitement est efficace sur l’Homme, plus personne ne risque la contamination par l’air du
pathogène CdSX. Le système de filtrage de l’eau de pluie est opérationnel mondialement. Mais nous
constatons une augmentation de l’activité végétale de la planète. Les arbres poussent de 10m par an,
et leur croissance semble être exponentielle. Des buissons et autres fleurs totalement inconnus
poussent en plein milieu du Grand Désert. Je suis envoyé là-bas pour essayer de comprendre quelle
est la cause de cette suractivité végétale, mais je pense que les divers traitements administrés à
notre atmosphère ont agi sur notre écosystème. Je n’ai aucune idée des conséquences.

W.Falchet

2089 : Comme je m’y attendais en entamant mes recherches, l’agent CdSX est responsable de la
suractivité végétale mondiale. Il a réagit au contact de mon traitement, probablement lors de la
dépollution. Il n’est plus pathogène, mais agit comme un engrais très puissant sur l’écosystème.
Les limites de cet engrais restent à déterminer, mais il est certain qu’il agit partout. Des forets
d’algues fluorescentes ont émergés des océans et des mers, et il semble que le niveau de l’eau
s’abaisse. La Suspendue a dû revoir tout un pan de son architecture pour ne pas s’écrouler. La
Citadelle est dorénavant entourée de champs de buissons rougeâtres inconnus. La Brulée est sous la
végétation, mais les habitants s’organisent et tentent de cultiver de nouveaux fruits et légumes. Ils
considèrent cette expansion végétale comme un signe divin annonçant la fin de l’Age de Chute. Je
suis plus que sceptique à cet égard. L’Ancienne et La Forêt connaissent les mêmes évènements. La
Souterraine ne cesse de s’étendre pour récolter les minéraux nécessaires à la création d’énergie
Oméga, la demande est de plus en plus forte, il se pourrait que l’industrie mondiale reprenne d’ici
une dizaine d’année.

W.Falchet

2091 : Notre mission n’est pas accomplie, pourtant, la Gouvernance a décidé de clore la cellule
« E.V.O.L.V.E » car, selon elle, mon travail n’est plus d’aucune utilité, leurs priorités sont tournées
vers la remise en marche de l’industrie mondiale.
Nous sommes toujours sans nouvelles du Flotteur, et par conséquent, du reste de mon équipe.
Il y a actuellement 240 millions d’êtres humains recensés dans les mégalopoles. Certains groupes
d’Hommes semblent être restés à l’extérieur lors de la Pluie Pourpre, et nous pensions qu’ils étaient
tous morts. Mais, depuis peu, nous avons remarqué des campements rudimentaires mis en place par
ceux que nous appelons les Déformés. Nous n’avons toujours pas établi de contact.
Les végétaux n’ont pas cessé de grandir, certains arbres mesurent plus de 150m de haut. La Foret
Aquatique a recouvert près de 20% de la surface des océans, et plus de 50% des mers et des lacs.
Les animaux sont rares, mais des espèces de rongeurs, de batraciens, de reptiles et de félins ont
survécu, sans qu’on sache comment. Nous avons trouvé des empreintes de prédateurs, mais nous
n’avons aucune idée de ce que pourrait être cette espèce.
L’avenir s’annonce meilleur que les temps que nous avons traversés ses dernières années.
Je continuerai mon devoir de scientifique, la mort d'E.V.O.L.V.E ne signera pas l'arrêt de mort de
l'humanité.
Je voudrais mentionner le reste de l’équipe disparue, qui aura œuvré sans ménagement pour sauver
ce qui restait de l’humanité, au péril de leurs vies.
Le professeur Jack Hillaway, le professeur Stephan Workensen, la professeure Jonnie Damas, la
professeure Myriam Aubert, le professeur Nicholas Revon, et moi-même, le professeur Walter
Falchet. Je prie pour que nos années d’efforts ne soient pas vaines.
W.Falchet