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Jérôme Rousse-Lacordaire
Par CEAPT Symbole copyright, lundi 1 janvier 2007 à 18:38 - Entretiens - #20 - rss

"L’ésotérisme chrétien peut être conçu comme une dimension plus


intérieure du christianisme…"

jerome rousse-lacordaire
propos recueillis par Jean-Marie Beaume

Théologien et historien des religions, le frère Jérôme Rousse-Lacordaire, dominicain, est directeur de la
bibliothèque du Saulchoir, à Paris.
Spécialiste de l’histoire de l’ésotérisme depuis la Renaissance — en particulier de la franc-maçonnerie et
de l’école “traditionnelle” de l’ésotérisme, dont René Guénon est la figure emblématique —, il enseigne à
l’Institut de science et de théologie des religions (Institut catholique de Paris). Au moment où sont réédités
deux ouvrages majeurs relevant explicitement du courant ésotérique chrétien (Le Bestiaire du Christ, de
L. Charbonneau-Lassay et Introduction à l’ésotérisme chrétien, de l’abbé H. Stéphane) Jérôme Rousse-
Lacordaire analyse ici la notion d’“ésotérisme”, la nature de l’ésotérisme chrétien, ses fondements dans la
tradition apostolique et son développement historique à la Renaissance (en réaction notamment à
certaines dérives “naturalistes”) ; il note aussi ses liens avec la kabbale hébraïque “adaptée” à la
perspective chrétienne, de même que le rôle central joué par certaines organisations initiatiques. Enfin,
Jérôme Rousse-Lacordaire souligne l’importance des rappels opérés par René Guénon au XXe siècle, la
parfaite “orthodoxie” de sa métaphysique au regard de la doctrine catholique, notant au passage que la
lecture de Guénon n’a cessé, en Occident, de faire des catholiques…

- Existe-t-il un ésotérisme au sein du christianisme, à l’instar de l’islam et du judaïsme — et que pourriez-


vous en dire pour clarifier la notion ?

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Jérôme Rousse-Lacordaire : J’adopterais volontiers la définition large d’Antoine Faivre de l’ésotérisme


comme forme de pensée caractérisée par des composantes particulières(1) — et je dirais que pour que pour
que celle-ci constitue un ésotérisme légitimement chrétien, il faut qu’elle procède du christianisme, qu’elle se
développe à l’intérieur de celui-ci, et non pas qu’elle soit un élément extérieur, artificiellement introduit dans
le christianisme. Bref, il ne peut y avoir d’ésotérisme chrétien que si celui-ci se développe à partir de Celui
qui est la source même du christianisme : le Christ.

Autrement dit il ne peut pas y avoir de « christianisme ésotérique »

Jérôme Rousse-Lacordaire : Oui, je suis effectivement assez d’accord là-dessus avec René Guénon : le
«christianisme ésotérique» ne serait certainement pas un ésotérisme chrétien puisqu’il supposerait une sorte
d’autre christianisme que le christianisme «commun» — alors que l’ésotérisme chrétien peut être conçu
comme une dimension plus intérieure, si l’on peut dire, du christianisme.

rousse lacordaire
Le Christ Pantocrator. La main droite du Christ trace le signe de Shaddaï (le Tout Puissant) en formant la
lettre hébraïque "Schin"

Vous dites « forme de pensée » en vous référant à la définition d’Antoine Faivre. L’ésotérisme ne serait alors
qu’une forme de “raisonnement intellectuel” ? N’est-ce pas un peu réducteur ?

Jérôme Rousse-Lacordaire : Toute définition est réductrice. Je ne suis pas sûr que l’expression « forme de
pensée » soit, effectivement, tout à fait adéquate car elle renvoie à l’idée d’un “contenant” qu’on pourrait
remplir à peu près de n’importe quoi. En revanche, ce que montre Antoine Faivre, c’est que l’ésotérisme en
général n’est pas réductible à une doctrine particulière. Au sein des courants qu’on qualifie d’ésotériques on
trouve d’ailleurs des éléments doctrinaux assez différents. On entend souvent dire, par exemple, que
l’ésotérisme prône la réincarnation. Mais qui ? Pas René Guénon, en tout cas, qui a combattu cette thèse
vigoureusement. On voit donc que la réincarnation ne fait nullement partie de l’ésotérisme comme catégorie,
même si certains, comme les théosophistes, l’ont soutenu. Il peut donc y avoir des doctrines de type
ésotérique, mais l’ésotérisme comme tel n’est pas une doctrine et n’est pas réductible à un discours rationnel,
produit de la « pensée » ; il s’apparente beaucoup plus à une forme d’appréhension particulière de la réalité,
plus « intuitive », plus ou moins immédiate…

Dans quelle mesure l’ésotérisme peut-il être aussi considéré comme une « voie » de réalisation spirituelle ?

Jérôme Rousse-Lacordaire : Il y a effectivement deux dimensions dans l’ésotérisme. Il y a ce qui est le


«terme», si l’on peut dire, et il y a aussi l’ésotérisme comme «voie». F. Schuon parle de l’ésotérisme comme
« principe » et comme « voie »(2). L’ésotérisme inclut aussi ce « processus » ou ce parcours qu’on peut
parfois qualifier d’initiatique et qui procède de l’exotérisme pour conduire à une réalité plus élevée, ou plus
intérieure, qui permet — mais là on entre déjà dans un ésotérisme spécifique, qui est celui de Guénon — la
réalisation de la personne par l’identification progressive à ce vers quoi elle tend.

symbolique
Exaltation de la Sainte Croix. Russie, fin XVe siècle

Comment appréhender “l’exotérique” et “l’ésotérique” ? S’agit-il d’une question de degrés d’intériorisation


? L’ésotérisme constitue-t-il une catégorie propre ?

Jérôme Rousse-Lacordaire : C’est une question sur laquelle je ne suis pas très au clair. Ce n’est d’ailleurs
peut-être pas très clair non plus chez Guénon. On a l’impression qu’il présente parfois l’ésotérisme comme

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un approfondissement de l’exotérisme ; en 1925, dans L’homme et son devenir selon le Vêdânta, il écrit : «
L’exotérisme et l’ésotérisme, envisagés, non pas comme deux doctrines distinctes et plus ou moins opposées,
ce qui serait une conception tout à fait erronée, mais comme les deux faces d’une même doctrine, ont existé
dans certaines écoles de l’Antiquité grecque. » Mais d’autres fois, il semble indiquer que les choses ne se
situent ni sur le même plan ni dans le même domaine. En même temps, pour ce qui concerne l’Occident, il
explique très clairement qu’il ne peut pas y avoir d’accès à l’ésotérisme hors de la pratique exotérique, réelle
et convaincue, dont il précise bien qu’elle ne peut avoir lieu, pour le monde latin, qu’à l’intérieur de l’Église
catholique qui est pour lui l’une des dernières institutions « traditionnelles » en Occident — quels que soient
les doutes ou les interrogations qu’il ait pu parfois émettre. Il n’est pas sûr que toutes ces approches soient
contradictoires. Elles tiennent sans doute aussi, chez Guénon, à la distinction qu’il opère entre «salut» et
«délivrance»(3) — même si l’ésotérisme, chez Guénon, commence bien avant la « délivrance »…

Selon Guénon, le Christianisme a été initialement un ésotérisme, qui aurait subi ce qu’il appelle une
«exotérisation» providentielle. Dans quelle mesure cette «lecture» a-t-elle été — ou non — étayée ?

Jérôme Rousse-Lacordaire : Dans l’époque contemporaine au sens large du mot, on a totalement nié ce
type de conception : ésotérisme et christianisme étaient jugés fondamentalement incompatibles et l’on
assénait toute une série de sentences évangéliques — « ce que je vous dis à l’oreille, criez-le sur les toits »
etc.— pour, croyait-on, en apporter la preuve. Pourtant, un exégète luthérien comme Joachim Jeremias(4)
avait souligné qu’une phrase comme celle-ci supposait bien qu’à un moment on avait bel et bien dit quelque
chose à l’oreille, et rappelé que nombre d’éléments du Nouveau Testament indiquent une forme de doctrine
ou de pratiques plus ou moins « réservées ». Jérémias associe ces éléments à l’ésotérisme connu dans le
judaïsme. Puis, plusieurs travaux assez récents de chercheurs comme Guy Stroumsa(5). Professeur à
Jérusalem, celui-ci a publié un ouvrage sur la Sagesse cachée, les traditions ésotériques et les racines du
Christianisme ; une autre exégète de l’Ancien testament, Margaret Barker(6) rejoint, visiblement sans le
connaître, la même perspective historique que René Guénon. Dans la période précédente, il y avait eu aussi
Jean Daniélou(7). Il a été l’un des premiers à souligner qu’on trouve, au moins jusqu’à la fin du IVe siècle,
l’idée commune qu’il y avait eu un enseignement secret du Christ à ses apôtres et transmis par eux, sans qu’il
y ait nécessairement recouvrement entre la hiérarchie officielle ecclésiastique telle qu’elle commençait à
apparaître et ces lignées ésotériques.
Certains se sont bien sûr opposés à cette idée. Saint Augustin y est très hostile — mais le fait même qu’il la
critique témoigne qu’on en parlait déjà à son époque. D’autre part, si l’on examine les textes de plusieurs
Pères de l’Eglise, en particulier Clément d’Alexandrie et Origène, on s’aperçoit qu’ils affirment très
clairement qu’il y a bien eu un enseignement réservé du Christ, et qu’ils en précisent certains domaines. Eux-
mêmes dans leurs enseignements se situent dans cette lignée — c’est frappant chez Origène, notamment à
propos de la topographie céleste et spirituelle, des visions d’Ézéchiel, de la répartition du camp des hébreux
dans le désert, de leurs étendards etc. Il y a là, dit-il, des choses extrêmement importantes, allez regarder de
près ; moi je n’en dirai pas plus, mais trouvez donc un maître qui vous expliquera… Chez Clément, on peut
particulièrement penser à l’exégèse symbolique du Temple.
En fait, selon Origène et Clément, une bonne partie de ces enseignements transmis par le Christ à ses apôtres
et par les apôtres à d’autres disciples, serait la continuation d’un certain ésotérisme juif attesté à l’époque,
mais infléchi et transformé dans la mesure où il devient un approfondissement du mystère du Christ. Qui est
le Christ, quelle est sa mission ? Et comment le Chrétien peut-il remonter de son vivant jusqu’à ce Principe ?

signes et symboles
Première édition des Enneades de Plotin par Marsile Ficin, 1480

On voit bien qu’on est là dans une voie de réalisation spirituelle, pas dans une spéculation intellectuelle...

Jérôme Rousse-Lacordaire : Absolument ! Il semblerait même — mais là, d’évidence, on n’en a aucune
attestation historique et je ne sais pas comment il pourrait y en avoir — qu’il y ait également des rites

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associés à cet enseignement. C’est un point qui a été soulevé par la découverte qu’avait fait un chercheur
américain, Morton Smith, d’une lettre de Clément d’Alexandrie dans laquelle celui-ci cite des fragments de
l’évangile de Marc qui ne sont pas conservés dans l’évangile canonique, rapportant une sorte de rite, dont on
connaît mal la nature. La lettre de Clément, incomplète, s’achève malheureusement par : « La véritable
explication donc, et celle qui est conforme à la philosophie véritable …».
Tout ceci apporte évidemment de l’eau au moulin de Guénon et de sa conception d’un « ordre » ésotérique
propre, comportant à la fois un enseignement et des rites réservés — qui ne peut être ni une spéculation
intellectuelle, ni une simple «perspective» intériorisante : ce n’est pas simplement de l’ordre de ce qu’on
appellerait aujourd’hui la « spiritualité » ; ce serait plutôt l’indice d’une pratique spécifique, de rites peut-être
particuliers, de méthodes voire de « techniques » — même si le mot fait dresser les cheveux sur la tête de
beaucoup de catholiques. Ce qui est intéressant aussi, me semble-t-il, c’est que les chercheurs et les
universitaires, souvent éminents qui soutiennent cette idée-là — c’est le cas du professeur Stroumsa, qui a été
invité au Collège de France — sont des gens qui a priori ne sont pas eux-mêmes intéressés par cette
perspective : ils font simplement leur travail de chercheurs.
De l’hermétisme à la kabbale chrétienne, de la légende du Graal au rosicrucianisme en passant par l’art des
constructeurs, ou encore de l’Ordre du Temple à la maçonnerie traditionnelle et au compagnonnage,
l’ésotérisme chrétien semble s’être développé pendant longtemps au sein du christianisme — voire au sein
même de l’Église. Comment expliquer l’incompréhension croissante, puis le rejet dont il a fini par faire
l’objet, plus ou moins explicitement, de la part de l’Église ?

Jérôme Rousse-Lacordaire : Dans le christianisme latin, il y a eu et il y a encore des organisations qui se


sont réclamées de l’ésotérisme chrétien. C‘est le cas de certaines branches de la maçonnerie, telles que le Rite
Ecossais Rectifié (et peut être la maçonnerie dans son ensemble au début). C’est aussi le cas de certaines
formes du compagnonnage — pour le peu d’attestations qu’on en a. Il y a aussi les organisations évoquées
par Guénon, comme les Fidèles d’Amour au Moyen Age. On pourrait citer aussi la Fraternité des chevaliers
du divin Paraclet. Mais il faut bien voir que, dès lors qu’on a affaire à des organisations proprement
ésotériques, elles sont, quasiment par définition, «invisibles » — et il est presque impossible d’en parler de
l’extérieur.
A. Faivre réserve le terme d’ésotérisme, et je crois avec raison, à ce qui apparaît à la fin du XVe siècle, grosso
modo après la première traduction et publication latine des textes hermétiques par Marsile Ficin. Avant, dit-il,
ce qui s’apparente à cette « forme de pensée » n’avait pas d’existence institutionnellement autonome.
On trouve effectivement des éléments ésotériques au sein de la théologie, de la philosophie, des sciences de
la nature, et non pas en situation d’extériorité par rapport à ces autres champs du savoir comme on commence
à le voir à la Renaissance. Que se passe-t-il alors, qui éclaire cet éloignement ? On voit apparaître à la fois
une philosophie dominée par des aristotéliciens radicaux, partisans de la « philosophie naturelle » présentée
comme la philosophie par excellence et qui se cantonnait aux domaines proprement « physiques » — c’est-
à-dire excluant toute question d’ordre métaphysique — et une théologie dominée assez largement par une
scolastique à la fois vivace et assez décadente, qui ne procédait que sous la forme de l’argumentation
dialectique (question, réponse, controverse)…
On comprend qu’un Marsile Ficin, un Pic de La Mirandole, et d’autres, aient appelé à la redécouverte d’une
«vraie philosophie chrétienne» comme dira Érasme — d’une Philosophia perennis comme dira un évêque,
Agostino Steuco, d’une «théologie ancienne» comme diront Ficin et Pic. Bref, de quelque chose qui soit la
réconciliation de ce qu’ils appelaient la «sagesse» et la «piété» : une science plus globale, souvent marquée
par l’apport hermétique, platonicien ; un retour aux Pères de l’Église ; enfin un retour à la Bible.
Certains ont vu dans ce mouvement une pré-Réforme. Je ne suis pas sûr que ce soit tout à fait exact, mais
certaines préoccupations ont pu rejoindre les divers mouvements “évangéliques” d’alors : le désir d’un retour
aux sources, l’étude des langues bibliques, dont l’hébreu, l’adaptation de la kabbale juive au christianisme, un
souci de concorde etc. On voit donc bien, en tout cas, comment s’opère alors la formation d’un corpus qu’on
identifiera assez vite a posteriori avec l’ésotérisme : on assiste à ce moment-là à l’émancipation — souvent
en réaction contre des tendances dominantes plus «naturalistes » — d’une perspective ésotérique autonome,
alors qu’auparavant les choses sont beaucoup moins faciles à cerner. Nombre de textes « mystiques » ou

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considérés comme tels, étaient simultanément des textes initiatiques, traduisant l’expérience de traditions
proprement initiatiques… C’était du moins l’opinion de personnalités liées à la Fraternité du Paraclet.
Quant à l’attitude de l’Eglise, il faut bien souligner qu’il n’y a jamais eu, à ma connaissance, de
condamnation officielle explicite — ni même me semble-t-il implicite — de l’ésotérisme chrétien, même s’il
y a pu y avoir condamnation de « mouvements » comme le théosophisme ou le spiritisme. Mais jamais Rome
n’a condamné l’ésotérisme en tant que tel. Si l’on note, il est vrai, une certaine réprobation, celle-ci semble
n’avoir débuté réellement qu’au XXe siècle, donc assez tardivement.
J’en veux pour preuve ces courants que Jean-Pierre Laurant a étudiés dans l’ésotérisme chrétien en France au
XIXe siècle — des personnalités aussi officielles que Dom Pitra(8), cardinal, bénédictin érudit et dont les
centres d’intérêts s’apparentent de très près à ce qu’on pourrait appeler l’ésotérisme. On constate encore au
XXe siècle les prolongations de ce genre de perspectives dans une revue comme Regnabit qui n’est pas à
proprement parler une revue ésotérique, mais qui accueillait en son sein des auteurs — parmi lesquels René
Guénon(9) — dont les clefs d’analyse et les perspectives étaient tout à fait celles de l’ésotérisme.

symboles et symbolique
Maître Eckart (1280-1328)

Un autre exemple que je cite souvent, c’est celui du chevalier Drach, Rabbin, fils de Rabbin, marié à la fille
du Grand Rabbin de France et qui se convertit au catholicisme en 1823. Il publie alors plusieurs ouvrages
dans lesquels il se réfère à la kabbale dans une perspective d’apologétique chrétienne très marquée. Or, tous
ses travaux seront repris par un jésuite éminent, très en place à Rome, Giovanni Pernone, dans ses
monumentaux ouvrages de théologie. On pourrait aussi ranger dans cette catégorie Mgr Devoucoux(10).
Mais au XXe siècle, le changement est net. Peut-être est-il liée à la redécouverte par les historiens des
religions de la notion de gnosticisme. Xavier Accart montre aussi dans son livre Guénon ou le renversement
des clartés(11), le rôle qu’a pu jouer ce qu’il appelle « les appels de l’Orient » —, et, en retour, la grande
crainte qu’on voit chez beaucoup de littérateurs catholiques, que l’Orient et ses doctrines viennent « détruire
» l’Occident, considéré comme la «vraie civilisation». C’est cette double crainte du gnosticisme et de l’ «
orientalisme », qui ont amené, me semble-t-il, à considérer peu à peu — abusivement — que toute forme
d’ésotérisme serait fondamentalement une résurgence du gnosticisme le plus hérétique…

Faut-il établir à cet égard un distinguo entre l’approche de l’Église Romaine — sans doute plus attachée à
une dimension plus « rationnelle » de la foi — et l’Église d’Orient ? Peut-on considérer que certaines formes
d’enseignements ésotériques se sont conservées au sein de l’Église — dans certains milieux monastiques, par
exemple ? Enfin qu’en est-il des « méthodes » de réalisation spirituelle, procédant directement ou
indirectement de l’ésotérisme chrétien, qui se sont conservées ou qui ont survécu ?

Jérôme Rousse-Lacordaire : Concernant la survivance d’une transmission ésotérique à travers certains


ordres monastiques, il est évidemment très difficile de répondre. Le témoignage le plus connu, dans la
seconde partie du XX e siècle, est celui de Frère Élie, portier de la grande Trappe — qui signait ses articles
Élie Lemoine(12) dans les Études Traditionnelles.
Mais il semble bien que sa perspective spirituelle doive plus à la lecture de Guénon qu’au monastère
proprement dit. Par ailleurs, il est vrai qu’il existe, dans différents ordres, des influences particulières — on
pourrait citer Maître Eckhart chez les Dominicains ; on peut penser aussi aux Carmes, dont la référence au
prophète Élie et le « légendaire », au bon sens du mot, peuvent, sous certains aspects, sembler assez proches
d’un certain ésotérisme chrétien. Il y a aussi des spirituels ou des théologiens dont les écrits paraissent tout à
fait consonants avec certaines perspectives d’ésotérisme chrétien. Mais il est souvent difficile de dire ce qui
est de l’ésotérisme et ce qui n’en est pas — et surtout si tel ou tel propos ou écrit est en lien avec leur
appartenance à des ordres religieux ou non.

signes et symboles
Le Christ entouré des Quatre Vivants

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Quant à l’Église d’Orient, pour ce que j’en connais, il me semble que sa théologie est effectivement
davantage « symbolique », davantage liée aux Pères grecs et à certaines formes de platonisme, que celle de
l’Eglise romaine. Il est vrai qu’il y a eu — cela a alimenté beaucoup de débats autour de René Guénon — la
question de l’hésychasme (la prière du cœur) comme méthode spirituelle (ou plutôt faudrait-il dire “physio-
psycho-spirituelle” puisqu’elle implique des postures, des méthodes de respiration, etc.) Mais là encore,
certains ont nié qu’il s’agisse d’une véritable « technique de réalisation » initiatique. Si la question n’est pas
tranchée, il n’en reste pas moins que bien des éléments de l’Église d’Orient — on peut penser aussi au
Buisson ardent en Roumanie, avec André Scrima, qui avait manifesté un réel intérêt pour Guénon — laissent
apparaître une consonance plus forte entre certaines dimensions de l’ésotérisme chrétien.

Le grand renouveau de l’ésotérisme chrétien coïncide, au XXe siècle avec l’apport de René Guénon — on
peut penser, bien sûr, aux travaux de Louis Charbonneau-Lassay, aujourd’hui réédités(13), mais plus
largement au renouveau de l’ésotérisme en Occident, en lien avec l’œuvre de Guénon. Or Guénon, lui-même
n’était pas chrétien et ses références les plus importantes sont orientales — en particulier la métaphysique
hindoue et l’islam. Comme expliquer ce paradoxe ?

Jérôme Rousse-Lacordaire : C’est vrai… Xavier Accart parle des « appels de l’Orient », mais on pourrait
dire aussi qu’il s’agissait, du point de vue de Guénon, de « rappels » de l’Orient : “on va vous montrer en
Orient les trésors que vous avez chez vous et que vous les avez oubliés…” ! Le fait est que tous ceux qui ont
été influencés par la lecture de Guénon ne sont pas entrés en Islam.
Certains l’ont fait, c’est vrai ; d’autres ont cherché du côté de l’hindouisme ou du bouddhisme. Mais il me
semble que l’un des constats majeurs qui peut être fait, c’est que beaucoup ont été amenés ou ramenés au
christianisme et principalement au catholicisme, par la lecture de Guénon.
Cette œuvre, effectivement, suscite ce paradoxe étonnant : voici un auteur « musulman » — ou, plus
exactement, puisqu’il estimait lui-même ne s’être jamais « converti à quoi que ce soit », installé dans l’islam
— qui a « fait des catholiques » comme le dit assez exactement Yves Millet dans son article « Guénon a-t-il
fait des catholiques ? ». On peut s’en étonner, mais c’est un ainsi. Un Catholique qui lit rigoureusement
Guénon n’abdique, de fait, ni sa foi, ni les commandements de Dieu, ni ceux de l’Église.

À partir de quel “moment” peut-on dire qu’on passe de « l’exotérisme » à « l’ésotérisme » chrétien ? Quels
critères faut-il retenir ? Est-ce le dépassement intérieur d’une certaine forme de dualié ? Est-ce le
dépassement d’un certain anthropomorphisme ?...

Jérôme Rousse-Lacordaire : Il y a au moins deux registres dans votre question :


1. à quel moment se trouve-t-on devant un texte ou une pratique exotérique ;
2. à quel moment quelqu’un peut-il considérer qu’il a franchi la frontière entre exotérisme et ésotérisme ?
Sur le premier point je citerai encore Antoine Faivre, qui décrit cette forme de « pensée » comme la rencontre
de «composants». Quatre «obligatoires» : une théorie des correspondances entre les degrés du réel ; l’idée
que la nature vivante est animée par un réseau de sympathies; la conviction qu’il y a en l’homme une faculté
ou un “organe” qui lui permet de lire les réalités symboliques, et, par elles, de s’élever jusqu’au sommet ;
enfin ce qu’il appelle la « transmutation » : cette connaissance n’est pas extérieure, neutre, elle transforme
substantiellement celui qui connaît. A. Faivre ajoute encore deux éléments relatifs, car ils ne sont pas toujours
présents : d’une part l’idée d’une transmission (on n’invente rien de « personnel », on reçoit et on transmet le
« dépôt » de la connaissance traditionnelle) ; l’idée d’une concordance voire d’une « unité transcendante »,
entre les traditions. Lorsqu’on se trouve devant un texte qui présente ces quatre composantes, et
éventuellement les deux autres, on peut dire qu’on est en présence d’un texte ou d’une pratique ésotérique.
Mais lire un texte ésotérique n’est pas nécessairement entrer dans l’ésotérisme. Au sein du christianisme, à
quel moment peut s’effectuer le « passage » ? La réponse ne va pas de soi. Est-ce l’adhésion à ce « quelque
chose » au-delà du « Salut », que Guénon appelle la « délivrance » — c’est-à-dire la réunion au Principe ?

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Est-ce quand on porte une attention plus grande au symbolisme et qu’on le juge opératif — pas seulement
illustratif ou didactique ? Est-ce quand on opère cette transposition que Guénon juge possible entre
métaphysique et théologie?
Est-ce quand on découvre des « correspondances » entre des traditions spirituelles assez différentes ? Est-ce
quand on passe de « l’écorce » au « noyau » — mais quand peut-on prétendre avoir dépassé l’écorce ? Dans
son article Y. Millet estime qu’un Catholique ne pourrait prétendre entrer en ésotérisme au plein sens du mot
qu’à partir du moment où il aurait déjà accompli tous les devoirs de l’exotérisme, et notamment à partir du
moment où il aurait atteint le degré le plus extrême de la charité. Y en a-t-il beaucoup qui peuvent le
prétendre ?

Comment distinguer l’ésotérisme chrétien d’un certain magma occultiste ou théosophiste, d’inspiration très «
inférieure » ?

Jérôme Rousse-Lacordaire : C’est vrai que certaines classifications sont problématiques et qu’à l’intérieur
de cette “catégorie”, il importe de distinguer pour ne pas tout confondre ! L’occultisme, le spiritisme, le
théosophisme d’une Mme Blavatski, n’ont pas grand chose à voir, certes, avec la métaphysique guénonienne
! Quant à l’ésotérisme qui se dit chrétien, à partir du moment où il s’extériorise, il peut aussi être “évaluable”
du point de vue de sa compatibilité avec l’orthodoxie chrétienne.
L’oeuvre d’un Steiner, que certains n’hésitent pas à ranger dans l’ésotérisme chrétien, me semble fort loin de
l’orthodoxie chrétienne. Mais certains exposés de Guénon, par exemple lorsqu’il parle du Christ prêtre et roi
dans l’article trop oublié « Le Christ Prêtre et Roi », édité par Michel Vâlsan dans les Études Traditionnelles
en 1962 — et bien que Guénon n’écrive pas de manière confessionnelle —, constitue un discours on ne peut
plus orthodoxe, quoi qu’en pensent certains… Je dis « quoi qu’en pensent certains » car il semblerait que
certains guénoniens musulmans aient tendance à oublier ces textes de Guénon et que certains catholiques
“schuoniens”, quand ils évoquent les positions de Guénon sur le christianisme, aient tendance, eux aussi, à
oublier ces mêmes textes. Or ce sont des textes où Guénon affirme la divinité de Jésus-Christ, son caractère
unique, son caractère de modèle de toute manifestation et Révélation : tout y est, et nul ne peut croire que ce
soit pour “tromper son monde” que Guénon ait écrit cela — juste au moment où, en plus, il publiait Le Roi du
Monde !

Propos recueillis par


Jean-Marie Beaume

(1) A. Faivre, Accès à l’ésotérisme occidental, I et II, Éd. Gallimard, coll. Bibliothèque des sciences
humaines, 1996 ; L’ésotérisme, PUF, Coll. Que Sais-Je ?, 2002
(2) L’ésotérisme comme principe et comme voie, par Frithjof Schuon, Dervy, 1997
(3) « La religion considère l’être uniquement dans l’état individuel humain et ne vise aucunement à l’en faire
sortir, mais au contraire à lui assurer les conditions les plus favorables dans cet état même, tandis que
l’initiation a essentiellement pour but de dépasser les possibilités de cet état et de rendre effectivement
possible le passage aux états supérieurs, et même, finalement, de conduire l’être au-delà de tout état
conditionné quel qu’il soit. » Aperçus sur l’initiation (1947)
(4) Joachim Jeremias (1900-1979). Lire notamment : Jérusalem au temps de Jésus, éd. du Cerf, 1967 ; La
dernière Cène, éd. du Cerf, 1972
(5) Guy Stroumsa, Savoir et Salut, éd. du Cerf, 1992, Hidden Winston, Leyde, E.J. Brill, 2005
(6) Par exemple : Margaret Barker, The great high priest, Londres, New-York, T. & T., Clark International,
2003
(7) Cardinal Jean Daniélou : voir notamment Théologie du Judéo-christianisme (1958), Les symboles
chrétiens primitifs (1961), Aux sources de l’ésotérisme judéo-chrétien (1960), Les traditions secrètes des
apôtres (1963)
(8) Le Cardinal Jean-Baptiste Pitra (1812-1899) est notamment connu pour avoir publié La clef du
symbolisme, attribué Méliton de Sardes (9) René Guénon, Ecrits pour Regnabit, Archè, 1999

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(10) Mgr Devoucoux (1804-1870) consacra de nombreux travaux archéologiques et symboliques à l’histoire
ancienne de la ville d’Autun : Autun archéologique (1848) et Culte de Saint Lazare à Autun. Hébraïsant et
kabbaliste, il laissa de très nombreux manuscrits inédits. Lire : Histoire de l’antique cité d’Autun, par Edme
Thomas & Etudes d’archéologie traditionnelle par Mgr Devoucoux, Archè-Edidit, 1992
(11) Guénon ou le renversement des clartés. Influence d’un métaphysicien sur la vie littéraire et intellectuelle
française (1920-1970), par Xavier Accart, Paris et Milan, Edidit & Archè, 2005
(12) Les articles et études de Frère Élie sont publiés, sous le pseudonyme d’Élie Lemoine aux Éditions
Traditionnelles, sous le titre Theologia sine metaphysica nihil, 1991, 316 p. Cf. ci-dessous, un extrait d’une
étude d’Élie Lemoine.
(13) Louis Charbonneau-Lassay, Études de symbolique chrétienne, Gutember-Reprint, Paris, 2005 et Le
Bestiaire du Christ, Albin-Michel, 2006 (lire l’article de Jean Gouliard, pages “Livres” du présent numéro de
la Lettre électronique de Symbole.)

symboles et symboliques
Gravure de la fin du XVIe siècle ou du XVIIe siècle, d'après un cuivre gravé du monastère des Capucins
d'Alost (Belgique).
On y voit notamment l'éponge et la tige qui la porte, les verges et la couronne d'épines.

Le “rapatriement” de l’ésotérisme
selon le Père Jérôme Rousse-Lacordaire

Directeur de la première bibliothèque religieuse de Paris, Jérôme Rousse-Lacordaire (o.p.) collabore à La


Revue des sciences philosophiques et théologiques pour lequel il a crée « Le bulletin d’histoire des
ésotérismes ». N’étant pas théologien à se complaire dans une apologétique stérile qui anathémise un objet
avant même d’avoir tenté de le définir, il a trouvé dans ce champ en apparence incongru un domaine de
prédilection.
Sa réflexion sur « l’ésotérisme » prend pour base les travaux d’Antoine Faivre, directeur d’étude à l’École
pratique des hautes études (E.P.H.E) pour qui l’ésotérisme est une forme de pensée identifiable par la
présence de six caractères fondamentaux : les correspondances, la Nature vivante, l’expérience de la
transmutation, l’imagination et les médiations, la pratique de la concordance, et la transmission.
Stricto sensu, son apparition — sa constitution en tant que champ autonome — est à situer à la fin du moyen
âge lorsque fut progressivement perdue de vue l’articulation entre la métaphysique et la cosmologie. Cet «
expatriement » de l’ésotérisme hors de la théologie s’est renforcé suite au divorce d’une théologie mettant de
plus en plus l’accent sur la raison comme organe unique de l’interprétation des écritures d’avec la théologie
symbolique du moyen âge.
Troisième composante de la culture occidentale avec la foi et la raison, celle-ci a été négligée par les
théologiens — souvent plus attentifs, comme le remarque W. J. Hanegraaf, à réagir contre l’émergence et la
domination des nouvelles formes de rationalité. On constate aujourd’hui en général un déni de la légitimité de
cette troisième composante malgré des travaux historiques comme ceux de Frances Yates qui en a pourtant
montré la singulière importance dans la genèse des sciences contemporaines.

La «sagesse la plus profonde»

À l’heure actuelle, le discours sur l’ésotérisme est la plupart du temps aussi nébuleux que ce qu’il entend
dénoncer.
On réduit l’ésotérisme à la gnose, la gnose au gnosticisme et l’on assimile en fin de compte à une unique
doctrine, avatar de la mère des hérésies pour certains apologistes, dangereux retour du refoulé pour des

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intellectuels laïcs. Ainsi, Jean-Louis Schlegel croit percevoir dans l’ésotérisme ce « flot du religieux » venant
périodiquement faire pièce « aux Aufklärung de l’histoire ».
Le P. Rousse-Lacordaire explique cependant que l’ésotérisme n’est pas réductible à une doctrine. Il y a en fait
des « ésotérismes » dont le dénominateur commun est de ressortir à cette « forme de pensée ». Or, au regard
des six critères qui peuvent la définir, il n’apparaît pas qu’elle soit intrinsèquement contraire à l’orthodoxie
catholique.
Déjà Hans Urs von Balthasar allait dans ce sens dans sa préface des Méditations sur les 22 arcanes du Tarot.
Soulignant la qualité de l’ouvrage de Valentin Tomberg, il notait que sa tentative de ramener diverses
spéculations ésotériques « à la sagesse plus profonde, parce qu’universelle, du mystère catholique » avait de
nombreux précédents dans l’histoire de la pensée catholique. Il se référait notamment aux Pères de l’Église,
aux « meilleurs esprits de la Renaissance » et aux travaux de théosophes allemands tels Franz von Baader. Au
lieu de parler de dénaturation du catholicisme, il qualifiait ces tentatives de « rapatriement ».

Le P. Rousse-Lacordaire réfléchit actuellement sur les modalités d’un tel « rapatriement ». Il ne s’agit pas de
juger une forme de «pensée» irréductible à celle de la théologie contemporaine (notamment en raison de
l’organe de connaissance mobilisé : imagination active ou dans un cas, ratio discursive dans l’autre). Il s’agit
essentiellement pour le théologien de voir si l’expérience de laquelle rendent compte les discours, textes et
pratiques d’un ésotérisme appartiennent ou non à l’expérience chrétienne.
Car il ne faut pas oublier que la théologie n’est qu’un mode de restitution — réflexive en l’occurrence pour la
théologie contemporaine — de «l’expérience d’une réalité qui la dépasse et qui la fonde, et dont, par
l’apophase, elle dit l’excès ». Il s’agit donc pour le théologien d’interroger «un ésotérisme sur son rapport aux
sources de l’expérience chrétienne, en bref : le Christ, l’Écriture, l’Église ». Sont-elles les références
premières d’un courant ésotérique qui se dit chrétien ? Si la réponse est positive, il lui faut vérifier si ces
discours et ces pratiques sont compatibles avec l’orthodoxie et l’orthopraxie attestées par les Églises
chrétiennes. Ainsi, par exemple, un ésotérisme ne sera pas hétérodoxe parce qu’il renvoie à la théorie des
correspondances, mais s’il nie la divinité du Christ.

Ces réflexions théoriques encore en genèse, fruit d’un esprit cultivé, libre et solide, nous semblent tout
particulièrement dignes d’intérêt à l'heure où l'apologétique négative de certains convertis ne cesse d'ajouter
confusion à la confusion.

Jean Tilly

signes symboliques
Le Saint Esprit, Missel franciscain

L’Esprit Saint “lieu métaphysique” du passage entre l’exotérisme et


l’ésotérisme dans la tradition chrétienne
par Élie Lemoine

Ce texte majeur d’Élie Lemoine* éclaire remarquablement les termes dans lesquels se posent la question
de l’ésotérisme et celle de la gnose — à ne pas confondre avec le “gnosticisme” — dans la perspective
chrétienne. S’appuyant à la fois sur la « Parole révélée », la doctrine constante de l’Eglise, le thomisme et
la “métaphysique guénonienne”, Elie Lemoine montre ici que « l’Esprit Saint est bien Lui-même l’Identité
du Connaître et de l’Être » et à ce titre le « lieu métaphysique du passage entre l’exotérisme et l’ésotérisme
» puisqu’il est le fondement même de la “sainte Foi” (Fede Santa) : « non pas la foi qui recherche
l’intelligence » mais plutôt la foi-certitude, qui « appartient en propre à la connaissance intellectuelle pure
» et qui « procède de l’intelligence».

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Le christianisme n'est pas vu communément comme une voie de la connaissance, mais plutôt comme une
voie de l'amour, et aussi, accessoirement, comme une voie de l'action ou des œuvres, à la condition toutefois
que ces œuvres soient « informées » par l'amour de charité, seul capable de les rendre « salutaires » en les
qualifiant surnaturellement, car l'initiative du salut repose toujours en dernier ressort sur la «grâce» divine,
qui est gratuite. De plus, il existe incontestablement, chez nombre de théologiens — qui sont aussi des
moralistes —, une tendance très nette à se méfier de la connaissance, susceptible à leurs yeux de mener à l'«
orgueil intellectuel », comme si les œuvres n'étaient pas capables, elles aussi, de nourrir l'orgueil. Il en
résulte, chez certains du moins, la négation pure et simple, ou tout au moins une mésestime marquée pour
tout ce qui touche à l'intelligence, et, naturellement, ceux-là ne manquent pas d'interpréter dans le sens de leur
thèse la parole évangélique sur les petits et les simples à qui sont révélés les mystères demeurés cachés aux
sages et aux savants dont nous avons montré qu'elle n'avait pas ce sens.

la symbolique des signes et des symboles


L'âme de Lumière s'ouvrant à l'esprit d'Amour du Christ, vainqueur, par son Incarnation, de l'Enfer
Jacob Böhme, Theosophische Werke, Amsterdam, 1682

L’Esprit de Connaissance

Nous voudrions montrer maintenant que la tendance qui consiste à opposer arbitrairement l'amour à la
connaissance ne trouve aucune base dans la Parole révélée et ne repose en réalité que sur un simple préjugé.
Nous dirons tout de suite que la solution du problème des rapports entre connaissance et vérité, d'une part, et
amour ou charité, d'autre part, réside dans le mystère de l'Esprit Saint, le Divin Paraclet, qui est à la fois et
inséparablement l'Esprit d'Amour et l'Esprit de Vérité.
Que l'Esprit Saint soit l'Esprit de Vérité, et donc, par conséquent, l'Esprit de la Connaissance, cela ressort on
ne peut plus clairement de l'Evangile selon Saint Jean où le Seigneur Jésus lui-même l'appelle ainsi et
annonce à ses disciples qu'il leur fera connaître la vérité tout entière (Jn 16, 13). Mais ce n'est pas moins net
chez saint Paul. Comparant l'esprit de l'homme et l'Esprit de Dieu, il écrit aux Corinthiens :
« Qu'est-ce qui connaît les secrets d'un homme, sinon l'esprit de cet homme qui est en lui ? De même,
personne ne connaît les mystères de Dieu, sinon l'Esprit de Dieu, et c'est de cet Esprit que nous avons reçu
pour connaître les dons que Dieu nous a faits » (1. Co. 2, 11-13).
Il faut se rappeler que « connaître », dans le langage biblique, n'a pas le sens restreint que lui donne le
langage profane. C'est que les hommes ne connaissent pas d'autre connaissance que la connaissance
rationnelle, théorique et abstraite qui s'appuie sur les sens et ne supprime pas la dualité entre celui qui connaît
et ce qui est connu, mais les laisse extérieurs et comme étrangers l'un à l'autre. Il n'en est pas ainsi de la
Connaissance selon l'Esprit. La Connaissance selon l'Esprit est une connaissance qui transforme le
connaissant et l'assimile au connu en sorte qu'ils ne sont plus deux, mais un. Dès lors est effacée toute
distinction entre connaître et aimer(1) : « Amour et Vérité se rencontrent; Justice et Paix s'embrassent »
(Psaume 84). Amour et Vérité, en Dieu, sont son Essence même : l'Esprit d'Amour est l'Esprit de Vérité.
Connaissance et Amour qui, dans la créature, sont distincts, sont parfaitement un dans l'Esprit de qui
procèdent toute connaissance et tout amour.
C'est Lui qui répand dans nos cœurs l'amour et la vérité pour la vie éternelle, car : « La vie éternelle, c'est
qu'ils Te connaissent, Toi, le seul vrai Dieu, et Celui que Tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jn 17, 3).

Voit-on maintenant le rapport très étroit qui existe entre l'Esprit de Connaissance et de Vérité, d'une part, et la
pure intuition intellectuelle au sens guénonien, d'autre part, qui réalise l'identité du connaître et de l'être?
Le temps est venu, croyons-nous, où les plus « intelligents » parmi les théologiens devront s'ouvrir, pour en
faire bénéficier l'Église, aux perspectives qui leur sont ouvertes par l'œuvre métaphysique de René Guénon,
que, jusqu'ici, ils ont trop souvent regardée d'un œil sceptique ou soupçonneux.

L’Identité du Connaître et de l’Être

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Nous venons de faire allusion au rapport qui existe entre l'Esprit Saint et l'intuition intellectuelle et, à ce
propos, nous voudrions présenter quelques réflexions qui nous ont été suggérées par le texte suivant de René
Guénon : « Pour la connaissance de tout ce qui dépasse l'état humain, les facultés individuelles deviennent
impuissantes, et il faut d'autres moyens : c'est ici qu'intervient la “Révélation”, qui est une communication
directe des états supérieurs...
La possibilité de cette “Révélation” repose sur l'existence de facultés transcendantes par rapport à l'individu ;
quel que soit le nom qu'on leur donne, qu'on parle par exemple d'“intuition intellectuelle” ou d'“inspiration”,
c'est toujours la même chose au fond ; le premier de ces deux termes pourra faire penser en un sens aux états
“angéliques”, qui sont en effet identiques aux états supra-individuels de l'être, et le second évoquera surtout
cette action de l'Esprit-Saint à laquelle Dante fait allusion expressément »(2).
Les considérations qui suivent se proposent donc de montrer que l'Esprit-Saint est, dans la tradition
chrétienne, ce que nous appellerions volontiers le « lieu métaphysique» du passage entre l'exotérisme et
l'ésotérisme, ou encore en d'autres termes, selon un point de vue différent, qu'il est Lui-même l'Identité du
Connaître et de l'Être, double affirmation qui peut se réclamer de l'apôtre saint Jean, la première en son
Évangile : « Quand il viendra, lui, l'Esprit de Vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière »(3) (et voilà
pour l'accès à l'ésotérisme), l'autre dans sa première Épître : « car l'Esprit est la Vérité »(4) (et voilà pour
l'identité du connaître et de l'être). Théologiquement, en effet, l'Esprit Saint vérifie in divinis la définition
scolastique de la vérité comme adaequatio rei et intellectus, étant Lui-même « Identité personnelle »
(adaequatio) du Père (rei) et du Fils (intellectus) et c'est pourquoi il nous fait connaître l'Un et l'Autre comme
le chante l'hymne liturgique qui lui est consacré : per Te sciamus da Patrem, noscamus atque Filium.
Métaphysiquement, Il est, comme nous le disions, l'Identité du Connaître et de l'Être, la correspondance entre
le point de vue théologique et le point de vue métaphysique ressortant nettement de cette affirmation de saint
Thomas d'Aquin dans sa Somme Théologique : Ex necessitate sequitur quod ipsum ejus (Dei) Intelligere sit
ejus Essentia et ejus Esse, « il s'ensuit nécessairement qu'en Dieu son Intellect est son Essence et son Être
»(5).

Tout cela montre assez clairement quel rôle essentiel joue l'Esprit Saint, ou, comme il est encore appelé dans
l'Evangile selon saint Jean, le Paraclet, dans le processus de la réalisation métaphysique en climat chrétien, à
commencer par sa manifestation comme « influence spirituelle », car il importe de donner à cette expression
d'« influence spirituelle » toute la plénitude de son sens qui est proprement surnaturel, c'est-à-dire
inaccessible aux « profanes » : « Je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet pour être avec vous à
jamais, l'Esprit de Vérité que le monde ne peut recevoir parce qu'il ne le voit ni ne le connaît »(6). Cette
même « prière sacerdotale » fait encore allusion à la nécessité de la connaissance théorique préalable et au
passage de la connaissance théorique à la connaissance effective qui s'opère précisément par l'Esprit Saint : «
Le Paraclet, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce
que je vous ai dit »(7). Ce passage est le passage du mental au cœur, car « le cœur, pris symboliquement pour
représenter le centre de l'individualité humaine envisagée dans son intégralité, est toujours mis en
correspondance, par toutes les traditions, avec l'intellect pur »(8). Et, de même que la connaissance théorique
préalable est nécessaire avant que puisse être obtenue la connaissance effective, de même est nécessaire une
préparation du cœur, comme le marque Guénon à propos des “Fidèles d'Amour” : « Le cuore gentile des
“Fidèles d'Amour” est le cœur purifié, c'est-à-dire vide de tout ce qui concerne les objets extérieurs, et par là
même rendu apte à recevoir l'illumination intérieure » (9).

La Foi qui procède de l’intelligence

Puisque nous venons de faire allusion aux “Fidèles d'Amour”, il ne sera pas hors de propos de dire quelques
mots de l'association de la Fede Santa « dont Dante semble avoir été l'un des chefs, (qui) était un Tiers-Ordre
de filiation templière... et (dont les) dignitaires portaient le titre de Kadoch, mot hébreu qui signifie « saint »
ou « consacré » ...Il y a des raisons de penser que la Fede Santa, au temps de Dante, présentait certaines
analogies avec ce que fut plus tard la “Fraternité de la Rose-Croix”, si même celle-ci n'est pas plus ou moins

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directement dérivée de celle-là »(10). Guénon parle à cette occasion de « cette mystérieuse Fede Santa »,
c'est-à-dire de « la Foi (Emounah) »(11).
En quoi cette « Foi » est-elle mystérieuse ? Serait-elle donc étrangère à la foi au sens habituel et théologique
de ce mot ? Nous pensons que leur relation est la même que celle qui existe entre le côté extérieur et le côté
intérieur de la tradition chrétienne, et que leur trait commun est la certitude, comme le suggère d'ailleurs
l'emploi ici par Guénon de l'hébreu emounah. Autrement dit, cette « Foi » ne diffère de la foi commune que
par le fait qu'elle participe consciemment de la certitude qui appartient en propre à la connaissance
intellectuelle pure, c'est-à-dire qu'elle n'est pas à proprement parler « la foi qui recherche l'intelligence »
(fides quaerens intellectum) mais plutôt la foi (la certitude) qui procède de l'intelligence.
Et cela va nous fournir l'occasion d'une remarque d'ordre “pratique” qui n'est pas sans intérêt, loin de là, et
qui est celle-ci : la fermeté plus ou moins grande de la foi (en tant que vertu théologale) d'un chrétien est la
mesure de son aptitude à passer de la foi à l'intelligence, autrement dit de l'extérieur à l'intérieur ; elle peut
donc, à bon droit nous semble-t-il, être assimilée à une véritable qualification initiatique, insuffisante sans
doute à elle seule, mais bien réelle. Inversement, le doute, lorsqu'il s'est installé en permanence dans le
mental, est un signe très net de disqualification, et ce que nous disons du doute, nous pouvons le dire
également de l'hésitation conformément à la parole évangélique : « Si vous avez une foi qui n'hésite point... si
vous dites à cette montagne : soulève-toi et jette-toi dans la mer, cela se fera »(12), et aussi et a fortiori de
l'esprit de contestation : « Si je dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas? Qui est de Dieu entend les
paroles de Dieu ; si vous n'entendez pas, c'est que vous n'êtes pas de Dieu »(13). On voit combien cela est
aux antipodes de l'esprit moderne qui a la prétention de discuter de tout, même des choses les plus saintes.
Dans cette optique, on comprend mieux encore le sens profond de cette parole : « Le Fils de l'homme, quand
il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »(14). Que la certitude de la foi (emounah) exclue doute et
hésitation ressort de nombreux passages évangéliques et du Nouveau Testament, par exemple : « Si la sagesse
fait défaut à l'un de vous, qu'il la demande à Dieu... mais qu'il demande avec foi, sans hésitation, car celui qui
hésite ressemble au flot de la mer que le vent soulève et agite. Qu'il ne s'imagine pas, cet homme-là, recevoir
quoi que ce soit du Seigneur : homme à l'âme partagée, inconstant dans toutes ses voies »(15). Ici, foi et
hésitation sont clairement opposées l'une à l'autre : « avec foi, sans hésitation », et celui qui hésite est qualifié
d'« homme à l'âme partagée », c'est-à-dire n'ayant pas fait en lui l'unité. Un signe (précisément) de cette
défaillance de la foi est la demande de signes, révélatrice d'incrédulité : « génération mauvaise et adultère !
Elle réclame un signe »(16). Ici, le qualificatif d'« adultère » correspond à « homme à l'âme partagée ». Et
ailleurs, « Engeance incrédule et pervertie, jusques à quand serai-je avec vous ? Jusques à quand devrais-je
vous supporter ? »(17), ou, plus nettement encore : « Si vous ne voyez signes et prodiges, vous ne croirez
pas! »(18). D'une certaine façon, la « demande de signes » est un peu analogue de ce qu'est dans un autre
ordre la « recherche des pouvoirs », à savoir le signe d'une défaillance intellectuelle, ou encore, selon un
point de vue légèrement différent, d'un cœur non purifié, qui est le contraire du cuore gentile des Fidèles
d'Amour, ou adultère, un musulman dirait « associateur ».

La « lumière de l’esprit humain »

On voit, par les considérations qui précèdent que, lorsque René Guénon parle de la nécessité de l'exotérisme,
il ne s'agit pas d'une adhésion tout extérieure et qui n'engagerait pas vraiment l'individu, mais que cette
adhésion doit être aussi totale que possible et même qu'elle doit aller plus loin et être plus parfaite que celle
de ceux qui ne voient rien au-delà. Qui aspire à l'initiation doit suivre la voie exotérique jusqu'au bout: « Abû
Ishâq Ibrâhîm demandait un jour à Hussein ibn Mançûr al-Hallâj ce qu'il pensait de l'enseignement ésotérique
(madhab al bâtin). Al-Hallâj lui répondit : « …S'il s'agit de l'ésotérisme vrai, la voie exotérique (shariyah) est
son aspect extérieur et celui qui la suit découvre son aspect intérieur » (c'est nous qui soulignons)(19).
Revenons sur le rôle de l'Esprit Saint dans le passage de l'extérieur à l'intérieur de la Révélation chrétienne,
nous citerons encore l'allocution de Jean-Paul II du 17 mai 1989 au cours de laquelle le pape dit ceci: « Nous
devons prendre en considération le fait que Jésus appelle le Paraclet l'« Esprit de Vérité» (souligné dans le
texte). Et il ajoute, citant l'encyclique Dominum et vivificantem : « Le mysterium Christi dans son intégralité
exige la foi, parce que c'est la foi qui introduit véritablement dans la réalité du mystère révélé. Introduire dans

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la vérité tout entière, cela s'accomplit donc dans la foi et par la foi: c'est l'œuvre de l'Esprit de Vérité et c'est le
fruit de son action dans l'homme. En cela, l'Esprit Saint doit être le guide suprême de l'homme, la lumière de
l'esprit humain (souligné dans le texte)(20). E.L.

* Ce texte est extrait d’une longue étude parue dans le Cahier de l’Herne consacré à René Guénon sous le
titre “Sur la possibilité d’un ésotérisme dans le christianisme” et la signature de “Portarius” (l’auteur, Frère
Élie, était portier de la Grande Trappe de Soligny). Cette étude constitue le chapitre 3 du recueil d’articles
(Theologica sine metaphysica nihil, Éditions Traditionnelles, 316 p., 1991) rassemblant sous le pseudonyme
d’Elie Lemoine, les principaux articles de Frère Elie publiés notamment dans les Études Traditionnelles.
Nous remercions M. A. Braire, directeur des Editions Traditionnelles, d’avoir bien voulu nous autoriser à
reproduire cet extrait.

(1) Cf. Guillaume de Saint-Thierry, Exposé sur le Cantique des Cantiques, chap. I, strophe VII, 76 (499
B.C.), Cerf, 1962, p.189: “Sans aucun doute l’amour de Dieu s’identifie avec sa connaissance même: on ne
Le connaît qu’aimé; on ne L’aime que connu. Oui, à son égard, la connaissance mesure l’amour, l’amour
mesure la connaissance.”. Rappelons que Guillaume de Saint-Thierry fut le contemporain et l’ami ainsi que
le biographe de saint Bernard
(2) Autorité spirituelle et pouvoir temporel, Vega, 1964, p. 100
(3) Évangile selon sain Jean, ch.XVI, v. 13
(4) Première Épître de Saint Jean, ch. V, v. 6
(5) Somme théologique, Ia Pars, q. 14 art. 4.
(6) Évangile selon saint Jean, ch.XIV, v.16-17
(7) Id., v.26
(8) Aperçus sur l’Initiation, Éd. Traditionnelles, 1985, p. 213-214, note 4
(9) Aperçus sur l’ésotérisme chrétien, Éd. Traditionnelles, 1973, p. 44
(10) Id., p. 12
(11) Id., p. 14 (12) Évangile selon saint Matthieu, ch. XXI, v. 21
(13) Évangile selon saint Jean, ch. VIII, v. 46-47
(14) Évangile selon saint Luc, ch. XVIII, v. 8, Praestet fides supplementum sensuum defectui. La foi
théologique étant une projection directe de l’intuition intellectuelle, lorsque la pure intellectualité est oubliée,
la foi tend à disparaître et c’est ce que nous voyons autour de nous.
(15) Épître de saint Jacques
(16) Évangile selon saint Matthieu, ch. XII,v. 39
(17) Id. Ch. XVII, v. 17
(18) Évangile selon saint Jean, ch. IV, v. 48
(19) Aperçus sur l’ésotérisme islamique et le Taoïsme, 1973, p. 9
(20) Parakletos – L’esprit de Vérité, Osservatore Romano du 23 mai 1989

NDLR: Le titre et les inter-titres sont de la rédaction

Exotérisme et ésotérisme : la lettre et l’esprit

« L’exotérisme et l’ésotérisme, envisagés, non pas comme deux doctrines distinctes et plus ou moins
opposées, ce qui serait une conception tout à fait erronée, mais comme les deux faces d’une même doctrine,
ont existé dans certaines écoles de l’Antiquité grecque. On les retrouve aussi très nettement dans l’Islamisme,
mais il n’en est pas de même dans les doctrines plus orientales. Pour celles-ci, on ne pourrait parler que d’une
sorte “d’ésotérisme naturel”, qui existe inévitablement en toute doctrine, et surtout dans l’ordre

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métaphysique, où il importe de faire toujours la part de l’inexprimable, qui est même ce qu’il y a de plus
essentiel, puisque les mots et les symboles n’ont en somme pour raison d’être que d’aider à le concevoir, en
fournissant des “supports” pour un travail qui ne peut être que strictement personnel.
À ce point de vue, la distinction de l’exotérisme et de l’ésotérisme ne serait pas autre chose que celle de la
“lettre” et de “l’esprit” ; et l’on pourrait aussi l’appliquer à la pluralité de sens plus ou moins profonds que
présentent les textes traditionnels ou, si l’on préfère, les Écritures sacrées de tous les peuples.»

René Guénon
L’homme et son devenir selon le Vêdânta

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