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Au IIIe siècle, l’empereur romain Dioclétien décide de diviser l’Empire romain afin de
favoriser la défense de celui-ci : c’est alors la naissance de l’Empire romain d’Orient et Empire
romain d’Occident. A cette époque, les peuples barbares entourent l’Empire d’Occident, ce
qui mène à une multiplication des conflits : un affaiblissement de l’économie ainsi que
l’anarchie se mettent progressivement en place au sein de celui-ci. Les crises et la décadence
au sein de l’Empire représentent alors une opportunité pour les barbares d’arriver sur le
territoire. Ainsi se rencontrent les différentes civilisations d’Europe et s’installent les
monarchies franques par le biais des mérovingiens.
Le terme « mérovingien » descend de Mérovée, second roi des francs saliens
succédant à Clodion le chevelu, qui furent les créateurs de la dynastie mérovingienne. A son
sein sont progressivement arrivés les populations germaniques et gallo-romaines jusqu’à son
déclin avec l’arrivée des carolingiens. Ainsi l’arrivée des mérovingiens représente la mise en
place d’une nouvelle scène politique en Occident.
Au fil de l’expansion de la dynastie mérovingienne, celle-ci se retrouve confrontée à
différents modes de vies desquelles elle va donc se rapprocher pour renforcer son influence
et sa puissance. C’est pour cette raison que l’héritage de cette dynastie ne pouvait être
unique : l’installation au sein de l’Empire romain ainsi que la volonté d’alliance avec l’Eglise
vont jouer un rôle important dans les caractéristiques de celle-ci. Nous pouvons alors nous
demander, quels sont les apports du triple héritage de la monarchie mérovingienne ?
Pour répondre à cette question, il convient d’examiner dans un premier temps les
apports de la culture germanique dans les fondements de la monarchie (I), pour finalement
étudier les apports de l’héritage romano-chrétien dans son évolution (II). Cette approche nous
permettra de comprendre comment les conceptions du droit chez les mérovingiens ont évolué
et pourquoi ces évolutions représentent un caractère fondamental de cette époque, qui ont
mené à un héritage institutionnel important dans le monde du droit.
I. Les apports de l’héritage germanique.
D’abord, dans le droit des francs, le droit est coutumier, il est concret est n’est pas
constitué par des juristes professionnels. Son caractère coutumier implique que les règles
juridiques ne sont pas écrites ou codifiées : il n’y a donc pas de conduite que les personnes
puissent appliquer en société (ou transgresser), de ce fait la justice n’est pas préalablement
désignée, elle est rendue après les actes commis, au moment même du jugement. Le droit se
transmet donc d’une génération à la suivante seulement de manière orale. La vengeance, d’un
groupe vis-à-vis d’un autre, est un droit qu’on appelle la « Faida ». La vengeance s’exerce de
façon communautaire, par le biais de « vengeances organisées » qui donnent lieu à un
affrontement entre les deux parties (ou une ordalie), puis un représentant du roi exécute une
décision dans un tribunal. Ces vengeances peuvent finir par l’écrasement de l’un des groupes,
ou en un pacte passé pour définir une somme d’argent à reverser à l’autre. Durant le règne
de Clovis en Gaule (481-511), le principe de personnalité du droit ressort dans la société :
juridiquement, une personne sera traitée différemment selon son origine, bien qu’ils se
trouvent sur le même territoire. Ainsi, les francs continueront d’exercer le droit coutumier
germanique, mais les gallo-romains, fortement influencés par l’Empire romain, vont recourir
au droit romain : c’est suite à l’utilisation de ce principe, et au mariage entre la population
gallo-romaine et la population franque, que les deux conceptions du droit vont commencer à
se rencontrer. Bien que cela ne fut pas fait auparavant dans la tradition mérovingienne, Clovis
va créer un nouveau principe qui marquera les effets de la romanité sur ce royaume : c’est la
mise en place de la loi salique, qui sera une loi écrite, qui vient mettre en œuvre la justice chez
les francs.
On constate donc un type de droit oral, communautaire et coutumier, bien que les
traditions franques commencent rapidement à se rapprocher des lois romaines. Nous
pouvons alors étudier ici les apports de l’influence romano-chrétienne sur la monarchie
franque.
Pour étudier cette partie, il convient d’examiner d’abord l’héritage issu des romains,
puis dans un second temps l’héritage religieux.
A) L’héritage romain
De prime abord, les francs sont soumis à la culture romaine par des questions de
territoire : en effet, les barbares sont descendus de l’Europe du Nord-Est vers l’Empire romain,
dans lequel ils ont été accueillis avec l’attribution du statut de fédérés et l’intégration à
l’armée. Clovis durant son règne prend le titre de « consul », qui lui vaut une légitimité
romaine. Mais si celui-ci souhaite l’affirmer, c’est en fait une volonté de perpétuer une forme
romaine du droit dans la monarchie, qui va être rendue possible avec la conciliation par la
chancellerie des règles orales passées par le roi avec des textes écrits. Clovis fut un élément
important de cette intégration avec les romains, bien que son père Childéric, roi des francs
saliens, eut déjà collaboré avec des généraux romains face aux Burgondes et aux Wisigoths.
Le royaume franc commence alors à s’inspirer des lois et règles écrites des romains pour faire
régner l’ordre. De plus, Le territoire est divisé similairement aux découpages des cités
romaines. Et dans les différentes parties du territoire, on trouve des comtes qui représentent
le roi, tirés de l’aristocratie gallo-romaine, pour éviter de trop grandes ruptures avec la
population. On retrouve alors une société franque régie par les traditions germaniques qui
commence à se mêler aux romains et à adopter leurs modes de légifération : le roi commence
de ce fait à employer des termes romains pour expliquer ces principes (par exemple,
l’imperium ou l’auctoritas) afin de légitimer le pouvoir du roi au-delà de ses victoires
militaires ; on souhaite dire le droit et rendre la justice dans un intérêt général. Pour les rois
mérovingiens, l’utilisation du droit romain est aussi un moyen de justifier leurs missions, telles
que le pouvoir exclusif du prince ou les fondements populaires de la loi. Cette rencontre des
cultures leur permet finalement de leur garantir une confiance de la part du peuple.
B) L’héritage religieux.
Le christianisme est lui-même avant tout un héritage romain : les hommes d’église sont de
culture romaine et vont essayer d’exercer une influence sur le roi. Bien qu’il ne craigne perdre
le soutien d’une partie de sa population en se convertissant de la religion païenne à la religion
chrétienne, Clovis se voit dans l’obligation de se convertir après avoir prié Dieu de gagner la
bataille de Tolbiac en 487. Le rapprochement vers le christianisme est un moyen d’affirmer à
nouveau une légitimité, cette fois religieuse. Mais cette alliance est à double intérêt : car elle
émane également de la volonté de l’Eglise à mettre fin à l’hérésie arienne des Wisigoths grâce
à l’aide du roi franc. C’est ainsi que Clovis devient bras armé de l’Eglise, sans même être
chrétien, et celle-ci demande alors aux peuples d’obéir à Clovis. En 496, étant officiellement
un agent de l’Eglise, il se fait baptiser. En plus de son acte de se légitimer auprès du plus de
monde possible en adhérant au christianisme, une grande partie de son armée, qui n’était pas
chrétienne, s’empressa de suivre son exemple en se convertissant durant la même période
que son propre baptême. Il tira de sa conversion de grands avantages, tels que la possibilité
d’exercer des négociations avec des chefs de territoires étrangers, plutôt que de conquérir par
sa puissance militaire.
Ainsi Clovis est devenu un symbole des coutumes franques tout en s’alliant aux
influences romaines et chrétiennes, qui renforcèrent la puissance de son royaume mais
également sa crédibilité au sein de la plus grande partie de la population que possible.