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LA PEUR ET L'ANGOISSE

Jacques Natanson

L’Esprit du temps | « Imaginaire & Inconscient »

2008/2 n° 22 | pages 161 à 173


ISSN 1628-9676
ISBN 9782847951356
DOI 10.3917/imin.022.0161
Article disponible en ligne à l'adresse :
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La peur et l’angoisse

Jacques Natanson

La peur et l’angoisse sont des sentiments relativement voisins, il convient


de les distinguer. Kierkegaard ici manifeste à la fois la capacité de la psycho-
logie à contribuer à l’analyse de l’angoisse dans son lien avec la liberté et
le péché, et en même temps le fait que la liberté est par essence inexplicable,
puisqu’expliquer quelque chose c’est en montrer la nécessité. L’angoisse est
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donc pour lui à la fois une catégorie de l’existence, qu’il appelle le « vertige
de la liberté », mais en même temps elle est le vécu de l’individu, qui sera
en fin de compte « l’unique devant Dieu ».
La peur est une émotion ressentie généralement en présence ou dans la
perspective d’un danger, c’est-à-dire d’une situation comportant la possi-
bilité d’un inconvénient ou d’un mal qui nous affecterait.
L’angoisse serait une inquiétude, à certains égards semblable à la peur,
mais dans laquelle le danger qui caractérise celle-ci reste indéterminé.

En remontant vers les sources

Aux sources de notre culture, la mythologie grecque et la Bible, nous


retrouvons à propos de l’angoisse ce caractère de menace indéterminée qu’on
vient de discerner, non sans rapport avec le problème des origines.
Dans la tragédie grecque, l’angoisse résulte de la confrontation à un destin
inéluctable. Dans l’Œdipe à Colonne, Œdipe, réfugié à Athènes avec sa fille
Antigone après s’être aveuglé, dit à Créon qui l’a chassé de Thèbes mais
voudrait le récupérer : « J’ai été la victime involontaire de ces malheurs. Ainsi
l’ont voulu les dieux, irrités sans doute depuis longtemps contre notre race ».

Imaginaire & Inconscient, 2008/22, 161-173.


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Pourquoi cette irritation ? c’est ce qu’Œdipe ignore. Peut-être ne sait-il pas


de quoi Laïos s’est rendu coupable quand il était jeune à la cour du roi
Labdacos. En tout cas il ne se sait pas coupable : « Si un oracle a prédit à
mon père qu’il périrait de la main de son fils, apprends-moi comment tu
pourrais justement m’en faire un reproche, à moi qui n’étais encore ni
engendré par mon père ni conçu par ma mère, à moi qui n’étais pas encore
né ? Si par une fatalité évidente, j’en suis venu aux mains avec mon père et
l’ai tué, sans savoir ce que je lui faisais et qui je frappais, comment me
blâmerais-tu raisonnablement d’un acte resté involontaire ? » L’angoisse naît
ici de la fatalité du destin – mais à propos d’événements qui touchent à la
naissance et à la culpabilité.
Il en est souvent de même dans la Bible, à cette différence près que le
protagoniste s’en prend personnellement à Dieu, conçu comme l’auteur du
châtiment. C’est le cas de Job qui comme Œdipe clame son innocence mais
sans en être absolument sûr. Lui aussi évoque sa naissance :
« Périsse le jour où j’allais être enfanté (3,3)... Pourquoi ne suis-je pas
mort dès le sein, à peine sorti du ventre j’aurais expiré (3,11)... Pourquoi
ce don de la vie à l’homme dont la route se dérobe ? (3,23)... Quand cesseras-
tu de m’épier, me laisseras-tu avaler ma salive ? Ai-je péché ? Qu’est-ce que
cela te fait ? Pourquoi m’avoir choisi pour cible ? (7,19-20) »
Le psalmiste, lui, reconnaît plus explicitement son péché, et en reste
accablé, même s’il accède au repentir. Le psaume 38 pourrait avoir été
prononcé par Job :
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« Ta main s’est abattue sur moi.
Rien d’intact dans ma chair, et cela par ta colère,
Rien de sain dans mes os, et cela par mon péché...
Mes plaies infectées suppurent...
Sombre je me traîne tous les jours,
Car mes reins sont envahis par la fièvre »

La forme la plus saisissante peut-être dans la Bible se trouve dans le


Deuxième Testament : celle de Jésus à Gethsémani. Après le repas pascal,
il se retire dans le domaine qui porte ce nom. Il dit aux disciples : « Restez
ici tandis que je m’en irai prier là bas ». Et prenant avec lui Pierre et les deux
fils de Zébédée, il commença à ressentir tristesse et angoisse. Alors il leur
dit : « Mon âme est triste jusqu’à en mourir, demeurez ici et veillez avec
moi » (Matthieu, 26,36-39). Selon Luc, il leur dit : « Priez pour ne point entrer
en tentation ». Puis il s’éloigna d’eux à la distance d’un jet de pierre, et
fléchissant le genou il priait : « Père si tu le veux, éloigne de moi cette coupe.
Cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse mais la tienne ». En
proie à la détresse il priait de façon plus instante et la sueur devint comme
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de grosses gouttes de sang qui tombaient à terre » (Luc, 22, 40-44).


L’angoisse est ici liée à la tentation en général – plus précisément à la
tentation que, selon les évangélistes, Jésus lui-même éprouve de ne pas faire
face à la nécessité d’assumer sa mission et d’affronter la mort. Angoisse
d’autant plus fascinante qu’elle concerne un personnage considéré par les
premières communautés chrétiennes où furent rédigés ces textes comme le
seigneur et le sauveur.

Le fini et l’infini

L’angoisse par la suite dans la tradition chrétienne va se trouver surtout


liée au péché, plus particulièrement à travers la théorie du péché originel
que l’on attribue à saint Augustin. Comme chez les Grecs, il s’agit d’une
culpabilité d’autant plus pesante qu’elle ne découle pas d’une faute person-
nelle.
L’angoisse de Luther face au péché originel ne s’atténuera que par la
découverte de la foi au salut par la grâce divine. L’angoisse d’origine
religieuse prendra chez Pascal une forme nouvelle qui tient au progrès de
la science au XVIIe siècle avec le désenchantement du cosmos qui en résulte.
Pour Pascal à la misère de l’homme face à son péché s’ajoute la conscience
de sa petitesse dans un univers infini ; « Que l’homme, étant revenu à soi,
considère ce qu’il est au prix de ce qui est ; qu’il se regarde comme égaré
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dans ce canton détourné de la nature ; et que, de ce petit cachot où il se trouve
logé, j’entends l’univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les
villes et soi-même son juste prix. Qu’est-ce qu’un homme dans l’infini ?
Qu’est ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un
tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout. Que fera t-il donc sinon
d’apercevoir quelque apparence du milieu des choses dans un désespoir
éternel de connaître ni leur principe ni leur fin ? » (Pensées 348).

Kierkegaard : L’angoisse en héritage

On retrouvera cette idée du néant comme liée à l’angoisse chez Heidegger


autant que chez Sartre. Chez Kierkegaard qui est un des premiers philosophes
à avoir traité systématiquement de l’angoisse, la dimension religieuse chère
à Pascal reste la plus importante. Cet auteur, qui a vécu de 1813 à 1855,
n’a pendant presque un siècle pas eu de postérité philosophique. C’est
seulement au vingtième siècle dans les années trente que Heidegger lui fait
une place dans la philosophie, suivi bientôt par Sartre. Kierkegaard a élaboré
l’idée d’existence qui prendra une place importante dans un des courants de
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la philosophie moderne. Les Études kierkegaardiennes de Jean Wahl


paraissent chez Aubier en 1938. La question se pose de savoir pourquoi la
philosophie a tellement tardé à faire sa place à l’angoisse. Peut-être parce
que l’activité philosophique est en elle-même un mécanisme de défense pour
se protéger de l’angoisse.
Kierkegaard est indissolublement un penseur religieux très proche de
Luther, mais aussi un philosophe qui se réclame de Socrate et engagé dans
une discussion critique très ferme avec Hegel. Son livre sur notre sujet
s’appelle « Le concept de l’angoisse ». Il porte comme sous-titre : « Simple
éclaircissement psychologique préalable au problème du péché originel ».
Une des raisons pour laquelle son œuvre importante a été longtemps
ignorée tient au fait que le danois est une langue peu connue et peu traduite :
elle le sera en allemand au début du vingtième siècle, mais en français
seulement après la deuxième guerre mondiale.

De la peur à l’angoisse

Après avoir mené une vie de dandy, qu’il décrira sous la forme du stade
esthétique, Sören Kierkegaard se voit révélée à vingt-quatre ans la faute de
son père qui, berger dans la misère, avait maudit Dieu dans un mouvement
d’égarement et de révolte, mais aussi s’était remarié, presque aussitôt après
la mort de sa première femme, avec son ancienne servante dont il aura sept
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enfants. Ce père quitte la campagne pour créer à Copenhague une entreprise
florissante, et se consacrer à sa vie religieuse et à l’éducation de ses enfants.
Mais ce temps sera pour lui celui du remords : sa fortune lui apparaît comme
rançon de l’impiété et du péché, Dieu le punissant ainsi en chacun de ses
enfants. Le jeune Sören est, comme plus tard Strindberg, « le fils de la
servante ». Il est le fils électif de son père, le dernier à qui il incombe « de
prendre intégralement sur lui le lourd héritage paternel pour devenir ainsi,
dans son existence même, le signe et le témoin de fautes antérieures »(1).
Comme s’il devait réaliser la croyance de son père qui pour expier ses péchés
devrait redonner à Dieu ce fils fragile tel Abraham jadis. Il éduqua donc son
fils selon sa conception rigide du message chrétien. L’enfant n’eut pas de
jouets : son père lui faisait regarder des images parmi lesquelles le Christ
agonisant sur la croix ou Abraham levant son couteau sur Isaac. Il lui
proposait aussi de raconter des promenades fictives, développant ainsi chez
l’enfant une relation imaginaire au monde. Mais il le faisait aussi assister à
des soirées réunissant des personnalités, où se déployait de façon fascinante
son habileté dialectique.
Le jeune Kierkegaard s’inscrit à la faculté de théologie. Il lit également
les romantiques allemands et interroge les figures mythiques de Faust et
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de Don Juan. Le Don Juan de Mozart exerce sur lui une véritable fascination.
Il vit alors une crise religieuse où il frise la rupture avec le christianisme. La
mort de son père (1838) l’amène à surmonter cette crise. Il écrit dans son
journal : « J’appris de lui ce qu’est l’amour paternel et je reçus par là le
concept de l’amour du père divin, le seul inébranlable en cette vie, le vrai
point d’Archimède » (2). Il se fiance, à cette époque, avec Régine Olsen dont
il se séparera très vite, espérant toujours, tout en le craignant, que leur union
sera possible. « Tout se passe comme si Régine était la figure tragique de
la victime innocente offerte en sacrifice et qu’il l’avait tuée » (3). Ce sera pour
lui son « écharde dans la chair », prise de conscience de l’impossibilité pour
lui de rentrer dans les catégories humaines ordinaires et notamment le
mariage.
Dans des ouvrages, aux titres significatifs (La répétition, Le banquet, Ou
bien ou bien, L’alternative, Étapes sur le chemin de la vie, Coupable-non
coupable ?, Traité du désespoir), il développe, sous des pseudonymes, une
conception de l’homme caractérisée par trois stades : esthétique, éthique,
religieux. Il s’y oppose au rationalisme abstrait de Hegel contre lequel il
soutient l’unicité de l’existence individuelle. Dans une autre partie de son
œuvre plus nettement religieuse, il caractérise l’existence humaine comme
celle d’un être individuel unique en relation directe avec Dieu, auquel on
accède par la foi pure.
L’angoisse est une catégorie essentielle de la pensée de Kierkegaard. Mais
l’analyse qu’il en fait, dont l’intérêt psychologique est certain, se distingue
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difficilement de sa dimension religieuse. Le concept d’angoisse, publié en
1843, se présente comme une « simple méditation psychologique pour servir
d’introduction au problème dogmatique du péché ». L’angoisse pour
Kierkegaard apparaît à partir de l’innocence comme une détermination de
l’esprit rêveur. Dans l’état d’innocence « l’esprit est présent mais en tant
qu’immédiat comme à l’état de rêve »(4). Avant la position de l’esprit la vie
se déroule comme en un rêve éveillé qui rappelle la vie de l’enfance.
L’angoisse est différente de la crainte, qui renvoie à une chose précise, « alors
que l’angoisse est la réalité de la liberté parce qu’elle en est le possible »(5).
L’apparition même de l’angoisse est le centre de tout le problème. L’homme
est une synthèse d’âme et de corps. Mais cette synthèse est inimaginable si
les deux éléments ne s’unissent pas dans un tiers qui est l’esprit : « l’esprit
est une puissance, le rapport de l’homme à cette puissance est l’angoisse…
L’homme de ce fait ne peut sombrer dans la vie végétative, ni fuir l’angoisse
car il l’aime, ni l’aimer vraiment car il la fuit » (6).
Le récit biblique de la Genèse raconte la perte de l’innocence chez l’être
humain. L’interdit éveille le désir et produit donc au lieu d’ignorance un
savoir. « Cet interdit inquiète Adam parce qu’elle éveille en lui la possibilité
de la liberté. Ce qui s’offrait à l’innocence comme absence d’angoisse est
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maintenant entré en lui-même, et ici encore reste un néant : l’angoissante


possibilité de pouvoir ». Cette possibilité est liée à l’épouvante de la mort,
qui s’exprime dans le jugement : « tu mourras certainement ».

L’angoisse et le péché

L’angoisse est pour Kierkegaard la condition préalable du péché originel.


C’est alors que la sexualité a été posée comme liée au péché. Certes la diffé-
rence sexuelle existe avant la chute : « La peccabilité n’est pas la sensualité,
mais sans le péché point de sexualité et sans la sexualité point d’histoire »(7).
Car la synthèse entre l’âme et le corps qui définit l’homme est contradic-
toire, et le sexuel est le lieu de cette contradiction, qui engendre la liberté,
et donc l’angoisse. Mais l’angoisse ne vient pas plus de la liberté que de la
nécessité. La liberté n’est pas de pouvoir choisir entre le bien et le mal. Le
possible de la liberté est de pouvoir. L’angoisse est une liberté entravée. Tout
ceci, nous dit Kierkegaard, n’est pas une explication logique et scientifique
de l’entrée du péché dans le monde. Le péché est cette transcendance qui
entre dans l’individu parce qu’individu.
L’angoisse est donc pour lui à la fois une catégorie de l’existence, qu’il
appelle le « vertige de la liberté », mais en même temps elle est le vécu de
l’individu, qui sera en fin de compte « l’unique devant Dieu ».
Cette comparaison entre l’angoisse et le vertige prend la forme suivante :
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« Quand l’œil vient à plonger dans un abîme, on a le vertige, ce qui vient
autant de l’œil que de l’abîme, car on aurait pu ne pas regarder. De même
l’angoisse est le vertige de la liberté, qui naît parce que l’esprit veut poser
la synthèse et que la liberté, plongeant alors dans son propre possible, saisit
à cet instant la finitude et s’y accroche » (8). Kierkegaard précise encore que
le sexuel comme tel n’est pas le péché : « Le mouvement sexuel a une fin
qui est la propagation, tandis que l’état de repos est l’amour, érotisme pur. »
Contrairement aux Grecs, le christianisme a suspendu l’érotisme, à travers
la pudeur dans laquelle « l’esprit s’inquiète et s’effraie de revêtir la diffé-
rence sexuelle » (9). L’angoisse n’est pas seulement posée dans la pudeur, elle
est présente dans tout plaisir érotique. Celui-ci n’est nullement péché, « il
est bien inutile que le pasteur bénisse dix fois le même couple » l’angoisse
est toujours partie intégrante de l’érotisme même s’il s’exprime sans aucun
trouble d’origine libertine, « avec autant de pureté, de moralité et beauté que
possible » (10).
Kierkegaard retrouve ici une thèse classique : « Pour avoir mangé le fruit
de l’arbre de la science, la différence entre le bien et le mal est entrée dans
le monde, mais en outre la différence sexuelle comme appétit » (11). Mais il
y a cependant une issue pour Kierkegaard : « La victoire de l’amour dans
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l’homme où l’esprit a vaincu de telle sorte que le sexuel est oublié et


seulement souvenu dans l’oubli, est la réalisation de la synthèse. Cela fait,
la sensualité est sublimée et l’angoisse expulsée » (12).
Cette dernière citation nous montre comment la réflexion de Kierkegaard
oscillant entre l’analyse psychologique et l’exégèse biblique, rencontre
certaines déterminations de la naissance de l’angoisse qui annoncent non
seulement les philosophies ultérieures de l’existence mais aussi certaines
intuitions proches de la psychanalyse : rôle de l’interdit, tension entre
nécessité et liberté, oubli et refoulement, importance de la différenciation
sexuelle, culpabilité, lien avec la volonté de puissance et sublimation.

Heidegger : Entre la peur et l’angoisse

Ce rapprochement est beaucoup moins évident chez un philosophe


comme Heidegger, même si comme Kierkegaard il fait une place à l’exis-
tence. Alors que le problème de Kierkegaard est celui de l’existant unique
devant Dieu, Heidegger se concentre sur l’être en tant qu’être et son oubli.
L’oubli certes est un problème fondamental en psychanalyse. Mais le
problème de l’être chez Heidegger est plus fondamentalement ontologique.
La notion même d’existence, importante dans la première philosophie de
Heidegger, proposée dans L’être et le temps, va pratiquement disparaître
dans la théorie ultérieure, centrée sur la différence entre l’être et l’étant.
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Par contre l’existence selon Heidegger, en allemand le Dasein, mot à mot,
l’être-là, désigne ce qu’on traduira par « la réalité humaine ».
Élaborer l’analyse fondamentale de l’être-là constitue pour Heidegger un
préalable au travail sur l’être en tant qu’être. C’est ce préalable qui est exposé
dans l’ouvrage de 1927 L’être et le temps. L’être-là est constitué comme être-
au-monde dont les manifestations sont l’être-avec-autrui, le souci et
l’angoisse. Celle-ci est présentée au paragraphe 40 comme « mode fonda-
mental du sentiment de la situation et révélation privilégiée de l’être-là ».
Heidegger s’interroge sur le lien entre l’angoisse et la peur. À l’ordinaire
on ne distingue guère les deux phénomènes. Heidegger a précédemment
travaillé sur ces manifestations de l’être-au-monde que sont la déchéance
et la déréliction, caractéristiques de l’inauthenticité de l’existence humaine.
Cette inauthenticité vient de ce que l’être-là se perd dans l’être-en-commun,
le « on », expression d’un évitement, d’une a-version à l’égard de soi-même.
Tout évitement n’est pas une fuite : est fuite l’évitement de ce qui est
menaçant. Dans la peur, quelque chose de nuisible s’approche, mais suscep-
tible de se dissiper.
L’angoisse, au contraire, n’est pas sentiment d’un être menaçant du
monde, elle vient de l’être-au-monde lui -même. La source de l’angoisse
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n’est pas une nuisance particulière, mais quelque chose de totalement


indéterminé. Elle ne vient même pas de l’incapacité de décider ce qui est
menaçant, elle indique qu’aucun être-au-monde n’est important. Le monde
devient insignifiant. Que le menaçant ne soit nulle part, voilà ce qui carac-
térise l’angoisse : « L’angoisse ne sait pas ce dont elle s’angoisse » (13). Ce
nulle part implique la révélation du monde tel qu’il s’offre à un être essen-
tiellement spatial : « Ce qui menace est déjà là et nulle part, si proche
cependant qu’il coupe le souffle » (14). Ce qui angoisse, c’est le monde en tant
que tel. Ce qui nous serre la gorge, ce n’est ni ceci ni cela, ni la somme de
tout ce qui subsiste, mais la possibilité même de l’étant disponible, c’est-à-
dire le monde : « Et si donc ce qui angoisse l’angoisse apparaît être le rien,
c’est à dire le monde comme tel, cela signifie : ce qui angoisse, est l’être-
au@-monde lui-même » (15).
L’angoisse d’autre part manifeste en l’être-là son être libre, sa liberté
de se choisir et de se saisir soi-même. Par l’angoisse l’être-là se trouve
confronté à la possibilité de l’authenticité de son être. Nous retrouvons ici
le lien établi par Kierkegaard entre l’angoisse et la liberté. Ce lien se
retrouvera chez Sartre.
Enfin « l’angoisse rend étranger (unheimlich)(16) ». Cette étrangeté renvoie
d’abord à l’indétermination de la situation angoissante entre le rien et le nulle
part. Mais elle signifie en même temps que l’être-là n’est pas chez lui dans
le monde. Heidegger avait précédemment analysé l’être-au-monde comme
familiarité, assurance paisible de lui-même, intimité « naturelle » de la quoti-
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dienneté. Avec l’angoisse, au contraire, la familiarité s’effondre, le dasein
est rendu à soi-même dans un monde où il n’est pas chez soi. On retrouve
ici le terme Unheimlich utilisé par Freud dans l’article L’inquiétante
étrangeté. Comme Freud, Heidegger pointe le fait que Unheimlich signifie
à la fois l’étrange et l’angoissant.
L’étrangeté signifie un mode d’être-au-monde comme y étant tout en
n’étant pas chez soi. L’être-là ne fuit pas paradoxalement devant le monde,
mais vers lui. La menace peut coïncider de fait avec un sentiment de sécurité
quotidienne. Freud dirait ici que l’angoisse est en partie inconsciente. Mais
la prise de conscience de l’angoisse peut surgir des situations apparemment
les plus innocentes. En définitive, c’est l’étrangeté qui dans l’angoisse doit
être comprise comme le phénomène le plus originel.
Comparons ce que nous dit Freud à une définition spécifiquement philo-
sophique, telle qu’on la trouve par exemple dans le Vocabulaire de Lalande :
« ensemble de phénomènes affectifs dominés par une sensation interne
d’oppression et de resserrement (angustia), qui accompagne d’ordinaire la
crainte ou d’un malheur graves et imminents contre lesquels on se sent
impuissant à se défendre. Plus précise peut-être, la définition du vocabulaire
de L.M. Morfaux fait état d’un sentiment d’oppression ou « d’inquiétude
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relative à un avenir incertain »


Dans une note, Heidegger remarque que les phénomènes d’angoisse et
de peur, non distingués d’ailleurs, ont pénétré dans la champ de la théologie
chrétienne à l’occasion de problèmes comme la foi, le péché, l’amour, la
contrition. Il évoque Saint Augustin et Luther. « C’est S. Kierkegaard qui est
allé le plus loin dans l’analyse du phénomène de l’angoisse, et cela dans le
contexte théologique d’une exposition psychologique du problème du péché
originel ». Dans cet hommage à Kierkegaard, Heidegger n’est pas encore
complètement éloigné de ses propres études de théologie à l’université de
Fribourg. Par la suite il va se démarquer de cette référence en écrivant en
1935 dans son Introduction à la métaphysique : « Une philosophie chrétienne
est un cercle carré et une aberration ». Comme par hasard il a adhéré deux
ans plus tôt au parti national-socialiste et a été nommé, peu après l’avènement
de Hitler, recteur de l’université de Fribourg. Certes il démissionnera au bout
de dix ans mais il restera jusqu’à la fin membre du parti nazi.

Sartre : Au bord du précipice

Sartre se situe dans le prolongement de Kierkegaard et de Heidegger,


en élaborant une philosophie qui se veut expressément une philosophie de
l’existence. L’angoisse apparaît chez lui lorsqu’il développe sa conception
de l’homme en qui l’existence précède l’essence, c’est-à-dire qu’il est respon-
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sable et libre, qu’« il est d’abord un projet qui se vit subjectivement, qui se
jette vers un avenir »(17). Comme chez Kierkegaard qu’il cite explicitement,
l’angoisse est liée à la liberté. La liberté est un choix qui se veut valable pour
tous les hommes un peu comme chez Kant : « Quand nous disons que
l’homme se choisit, nous entendons que chacun de nous se choisit, mais par
là nous voulons dire qu’en choisissant il choisit tous les hommes »(18). Choisir
c’est affirmer la valeur de ce que nous choisissons.
C’est de là que naît l’angoisse : « L’homme qui s’engage et qui se rend
compte qu’il est non seulement ce qu’il choisit d’être, mais encore un légis-
lateur choisissant en même temps que soi l’humanité entière, ne saurait
échapper au sentiment de sa totale et profonde responsabilité »(19). C’est ce
sentiment que Sartre pointe comme constitutif de l’angoisse. Angoisse que
la plupart des gens se masquent par une sorte de mauvaise foi. C’est selon
Sartre ce que Kierkegaard appelait l’angoisse d’Abraham. Un ange a ordonné
à Abraham de sacrifier son fils. Est-ce bien un ange ? « Qui prouve que je
suis bien désigné pour imposer ma conception de l’homme et mon choix à
l’humanité ? »(20). Tout être humain appelé à prendre une décision ressent
cette angoisse. L’action suppose que l’on envisage une pluralité de possi-
bilités, mais si on en choisit une elle n’a de valeur que parce qu’elle est
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170 IMAGINAIRE & INCONSCIENT

choisie. On retrouve ici l’idée de Kierkegaard mettant l’angoisse en rapport


avec la multitude des possibilités.
L’angoisse est en fin de compte une caractéristique de la liberté humaine ;
elle est « l’absence totale de justification en même temps que la responsa-
bilité à l’égard de tous »(21). Car il n’existe pas de Dieu qui décide du bien
et du mal, ni de nature humaine par rapport à laquelle on pourrait déterminer
des critères de la valeur de nos actes. On voit à la fois la parenté et la diffé-
rence avec Kant. Comme chez Kant, l’être humain est libre, et sa volonté
énonce une loi universelle. Mais parce qu’il n’y a ni nature humaine ni Dieu
législateur, l’angoisse sartrienne se démarque de la sérénité kantienne du fait
que la liberté choisit sans aucune justification extérieure.
Dans L’être et le néant, Sartre avait proposé de l’angoisse une description
plus complète. Kierkegaard, remarque-t-il, caractérise déjà l’angoisse comme
angoisse devant la liberté, alors que Heidegger la présente comme saisie
du néant. Pour Sartre ce n’est pas contradictoire. Il reprend le thème du
vertige déjà évoqué par Kierkegaard : « Le vertige est angoisse dans la mesure
où je redoute non de tomber dans le précipice, mais de m’y jeter. »(22). La
peur est appréhension de quelque chose d’extérieur, l’angoisse appréhension
de soi.
Reprenant l’exemple du vertige, il écrit : « Je suis sur un sentier étroit qui
longe un précipice. Le précipice se donne à moi comme à éviter, il repré-
sente un danger de mort »(23). Il y a des éléments objectifs : je peux glisser
sur une pierre, la terre friable peut s’effondrer sous mes pas. Alors apparaît
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la peur. Je peux me représenter mes réactions adaptées : faire attention aux
pierres, m’écarter du bord du sentier.
Mais ces conduites ne sont pas nécessaires ce sont des possibles comme
sont possibles les conduites inverses. Pour éviter l’angoisse et le vertige, il
faudrait que ceux des possibles qui écartent le danger soient vécus comme
des déterminations causales d’ordre psychologique. « Mais précisément je
m’angoisse parce que mes conduites ne sont que possibles... Je considère
que ces motifs ne sont pas suffisamment efficaces. Au moment même où
je me saisis moi-même comme ayant horreur du précipice, j’ai conscience
de cette horreur comme non déterminante par rapport à ma conduite
possible »(24). L’angoisse vient dans une certaine mesure de ce que le rapport
entre le présent et le futur n’est pas rigoureux, « je ne suis pas celui que je
serai tout à l’heure » (25). C’est précisément la conscience d’être son propre
avenir sur le mode de ne pas l’être qui engendre l’angoisse : marchant sur
le sentier au bord du précipice, tout en me concentrant sur l’évitement de
la chute, je sais que la conduite du suicide est toujours possible.
Il est aussi une angoisse du passé, celle du joueur qui a décidé de ne plus
jouer, et qui, approchant du tapis vert, voit « fondre » toutes ses résolutions.
Il saisit dans l’angoisse l’inefficacité de toutes les résolutions passées. Si on
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JACQUES NATANSON • LA PEUR ET L’ANGOISSE 171

objecte que cela viendrait de l’ignorance du déterminisme psychologique


il faut dire que la conscience de la liberté et du danger qu’elle représente est
constitutive de l’angoisse : Je ne peux jamais être sûr de ce que je ferai tout
à l’heure. Dans l’angoisse, la liberté s’angoisse elle-même en tant qu’elle
n’est jamais sollicitée ni entravée par rien.
On peut se demander pourquoi la prise de conscience de l’angoisse est
relativement rare. Sans doute parce que dans beaucoup de situations qui
pourraient être génératrices d’angoisse mon existence n’est pas clairement
en jeu.
Par contre l’angoisse intervient dès que les valeurs sont en jeu et je
découvre que « ma liberté est l’unique fondement des valeurs et que rien,
absolument rien ne me justifie d’adopter telle ou telle valeur, telle ou telle
échelle de valeurs... et ma liberté s’angoisse d’être le fondement sans
fondement des valeurs »(26).

On le voit, l’angoisse apparaît dans la pensée philosophique dans des


doctrines qui ont en commun de s’intéresser à l’existence du sujet humain
plutôt qu’à sa nature, à mettre l’accent sur la liberté et l’authenticité, et à
prendre en compte la négativité. Les penseurs que nous avons présentés se
distinguent cependant de façon assez radicale. Kierkegaard, le chrétien
fidéiste et tourmenté, s’oppose à Sartre radicalement athée, mais attachant
comme Kierkegaard une grande importance à la dimension éthique.
Dimension que Heidegger ignore presque complètement, comme il ignore
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totalement la psychanalyse. Sartre par contre, après avoir cherché à opposer
à la psychanalyse freudienne sa propre psychanalyse dite existentielle, a fini
par s’appuyer assez largement, dans son ouvrage sur Flaubert L’idiot de la
famille, sur l’œuvre de Freud, à laquelle il a consacré le très riche scénario
qui devait servir au film de John Huston : Freud, passions secrètes.
L’angoisse joue un rôle important dans la théorie de Freud. La névrose
d’angoisse est une des formes principales de la maladie mentale. L’un des
derniers textes de Freud est intitulé : « Inhibition, symptôme et angoisse ».
L’angoisse est le titre du chapitre 25 de L’introduction à la psychanalyse,
et constitue la quatrième des Nouvelles conférences. Associée ainsi à la
nouvelle théorie des pulsions, elle est donc au centre de la deuxième topique.
Freud, dans l’Introduction, commence par faire rapidement le point sur
ce qu’il appelle l’angoisse réelle, par opposition à l’angoisse névrotique à
laquelle il va consacrer l’essentiel de son développement. L’angoisse réelle,
rationnelle et compréhensible, « est une réaction à la perception d’un danger
extérieur, c’est à dire d’une lésion attendue, prévue, associée au réflexe de
la fuite, et donc manifestation de l’instinct de conservation »(27). Elle se
produit face à des événements imprévisibles, encore qu’elle puisse résulter
aussi d’une perception assez fine du danger. En réalité l’attitude appropriée
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172 IMAGINAIRE & INCONSCIENT

consisterait à décider de la meilleure façon de faire face au danger. L’angoisse


n’est finalement pas utile, sinon comme signal favorisant le passage de la
préparation anxieuse de l’action. Freud semble distinguer à peine l’angoisse
de la peur, la première désignant l’état affectif, tandis que la seconde se réfère
à l’objet. Assez vite Freud passe au point de vue psychanalytique en ratta-
chant l’angoisse à la naissance. Le mot latin originaire angustia, étroitesse,
resserrement, renvoie assez naturellement au passage étroit que constitue
la naissance, lié à la séparation d’avec la mère.
Comparons ce que nous dit Freud à une définition spécifiquement plus
précise peut-être, la définition du vocabulaire de L.M. Morfaux, qui fait état
d’un sentiment d’oppression ou « d’inquiétude relative à un avenir incertain,
à l’imminence d’un danger indéterminé ». Ces définitions précisent la nuance
déjà relevée par Freud entre l’angoisse et la peur, distinction que nous avons
retrouvée chez les philosophes.

Jacques NATANSON
Membre associé du G.I.R.E.P
450, Allée du Clair Vallon
76230 Bois Guillaume
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Notes

1. Cauly O. (1996). Kierkegaard, Coll. Q. S, Paris, P.U.F., p.5.


2. Cité par Cauly, loc. cit., p. 12.
3. Ibid., p. 13.
4. Le concept d’angoisse, Gallimard, 1935, p. 61.
5. Ibid. p. 62
6. Ibid. p. 65
7. Ibid. p. 72
8. Ibid. p. 90
9. Ibid. p. 104.
10. Ibid. p. 105.
11. Ibid. p. 113.
12. Ibid. p. 118.
13. L’être et le temps, trad. R. Boehm et A. De Waelhens, Gallimard, 1964, p. 229.
14. Ibid.
15. Ibid. p. 229-230.
16. Ibid. p. 231.
17. L’existentialisme est un humanisme, Nagel, Paris, 1954, p. 23.
18. Ibid. p. 25.
19. Ibid. p. 28.
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JACQUES NATANSON • LA PEUR ET L’ANGOISSE 173

20. Ibid. p. 31
21. Ibid. p. 100.
22. L’être et le néant, Gallimard, 1943, p. 66.
23. Ibid. p. 67.
24. Ibid. p. 68.
25. Ibid. p. 69.
26. Ibid. p. 76.
27. Introduction à la psychanalyse, p. 421.

BIBLIOGRAPHIE

Kierkegaard S. (1935) Le concept d’angoisse. Gallimard.


Heidegger M. (1964) L’Être et le Temps. Gallimard.
Sartre J.-P. (1943) L’être et le néant. Gallimard.
Freud S. Inhibition, symptôme et angoisse. P.U.F.

Jacques Natanson – La peur et l’angoisse


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Résumé : La peur et l’angoisse sont deux émotions présentes
aux sources de notre culture. Elles ont été spécialement ana-
lysées par les philosophes existentialistes : Kierkegaard,
Heidegger et Sartre, et également par Freud.
Mots-clés : Existence – peur – angoisse – liberté – étrangeté
– religion.

Jacques Natanson – Fear and anxiety

Summary : Fear and anxiety are two emotions present since


the beginnings of our culture. They have been analysed espe-
cially by the existentialist philosophers : Kierkegaard,
Heidegger, Sartre as Freud as well.
Key-words : Existence – fear – anxiety – freedom – foreign –
religion.

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