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Michel Korinman
2013/3 N° 37 | pages 7 à 41
ISSN 1636-3671
ISBN 9782847952490
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-outre-terre2-2013-3-page-7.htm
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« Aristote prétend même que les malades en délire et les atrabilaires sont doués de
la faculté divine de prédire. Pour moi je penserais que ni les cardiaques, ni les phré-
nétiques ne jouissent de cette faculté, car la divination appartient à un esprit sain et
non à un corps malade » – habere aliquid in animis præsagiens atque divinum
Quant à l’avenir des États-Unis (au moins) deux thèses américaines s’affrontent.
Celle de l’historien Paul Kennedy, Dilworth Professor à Yale. Le second mandat
d’Obama sera « néo-isolationniste » comme le fut celui de Roosevelt de 1937 à
1941 ; il se concentrera sur les problèmes du pays, une « médecine nécessaire » dès
lors qu’il convient de « réparer » celui-ci. Les forces armées sont dans un piteux état ;
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s’est-il pas fait au demeurant élire sur la liquidation de Ben Laden ? Et de trancher :
« En 1979, on nous a prédit que l’URSS nous dépasserait. Si vous me demandez de
parier sur la puissance qui dominera toujours dans vingt ans, j’opte pour les États-
Unis ! ». Un monde apolaire et chaotique reste improbable. Même si de « terribles
revers stratégiques » montrent que l’hégémonie américaine a été exagérée3.
AMERICA, AMERICA
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3 Entretien avec Laure Mandeville, « Robert Kagan : “Nous aurons une nouvelle intervention militaire américaine d’ici
deux ou trois ans” », Le Figaro, 4 janvier 2013 et avec Olivier Guez, « Wir herrschen auch morgen noch », Frankfurter
Allgemeine Zeitung (FAZ), 6 novembre 2012.
De la superpuissance à l’hypernation 9
En réalité, ce que révèlent les sondages réalisés de 1987 à 2012 aux États-Unis
c’est que malgré la crise la population reste fidèle aux valeurs traditionnelles. Pour
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4 Cf. Paul Kennedy, Naissance et déclin des grandes puissances, Paris, Payot, 1989, traduction de Marie-Claude Co-
chet, Jean-Louis Lebrave , The Rise and Fall of the Great Powers, Londres, Unwin Hyman, 1988, pp. 489, 496, 571.
5 Cf. Hubert Védrine, « Le défi du déclin », Le Débat, n° 123, janvier-février 2003, cité par Francis Sitel, « Les États-Unis
et le monde : les énigmes de la puissance », La Brèche numérique, 18 avril 2005, <www.preavis.org/breche-numerique/
article194.html> [29 mai 2013].
6 « Védrine : Les États-Unis demeurent numéro un », le JDD, 3 novembre 2012, <www.lejdd.fr/International/Actualite/
Hubert-Vedrine-Qui-gouverne-le-monde-Personne-interview-573065> [29 mai 2013].
7 Cf. Andrew Kohut, Michael Dimock, Resilient American Values Optimism in an Era of Growing Inequality and Eco-
nomic Difficulty, Council on Foreign Relations, Renewing America, mai 2013.
8 « The Lost Decade of the Middle Class : Fewer, Poorer, Gloomier », Social and Demographic Trends, Pew Resarch
Center, 22 août 2012, <www.pewsocialtrends.org/files/2012/08/pew-social-trends-lost-decade-of-the-middle-class.pdf>.
9 Cf. Andrew Kohut et al., « Partisan Polarization Surges in Bush, Obama Years : Trends in American Values : 1987-
2012 », Center for the People and the Press, Pew Resarch Center, 4 juin 2012, <www.people-press.org/files.legacy-pdf/06-
04-12 %20Values %20Release.pdf>.
10 Michel Korinman
10 Cf. Paul Taylor et al., « Inside the Middle Class : Bad Times Hit the Good Life », Social and Demographic Trends, Pew
Research Center, 9 avril 2008, <www.pewsocialtrends.org/files/2010/10/MC-Middle-class-report1.pdf>.
11 Cf. « Poll : 80 percent of Americans think Washington is broken », McClatchy NewsPapers, 2 mars 2010, <www.
mcclatchydc.com/2010/03/02/89704/poll-80-percent-of-americans-think.html#.UaKBdHaFhVU> [28 mai 2013]. Et Klaus-
Dieter Frankenberger, « Feindbild Washington Viele Amerikaner haben von der nationalen Politik die Nase voll », FAZ, 22
avril 2010.
De la superpuissance à l’hypernation 11
12 Cf. Frank Newport, « Americans Prioritize Economy Over Reducing Wealth Gap », Gallup, 16 décembre 2011, <www.
gallup.com/poll/151568/Americans-Prioritize-Growing-Economy-Reducing-Wealth-Gap.aspx>.
13 « Tax System Seen as Unfair, in Need of Overhaul », Center for the People and the Press , Pew Research Center, 20
décembre 2011, <www.people-press.org/files/legacy-pdf/12-20-11 %20Taxes %20release.pdf>.
14 « Psychology of Bad Times Fueling Consumer Cutbacks », Center for the People and the Press , Pew Research Cen-
ter, 11 décembre 2008, <www.people-press.org/files/legacy-pdf/475.pdf>.
15 « Midterm Election Challenges for Both Parties », », Center for the People and the Press , Pew Research Center, 12
février 2010, <www.people-press.org/files/legacy-pdf/589.pdf>.
16 « Frustration with Congress Could Hurt Republican Incumbents », Center for the People and the Press , Pew Re-
search Center, 15 décembre 2011, <www.people-press.org/files/legacy-pdf/12-15--11 %20Congress %20and %20Econo-
my %20release.pdf>.
17 La question se posant désormais plus nettement, cf. Pierre-Yves Dugua, « Les États-Unis sont-ils sortis de la cri-
se ? », Le Figaro, 16 avril 2013.
18 Bhpbilliton resourcing the future, supplément à Oil & Gas Financial Journal, 9 mai 2011.
12 Michel Korinman
Même si elle compte rester première puissance sur la planète, l’Amérique ne peut
ni ne veut plus payer pour le monde. La gauche radicale nord-américaine et euro-
péenne, soit une galaxie où confluent tant les altermondialistes et les néomarxistes
que les parfois très conservateurs ex-opposants à Bush/Blair, a parfaitement enre-
gistré le changement (shift) de paradigme stratégique révélé par Barack Obama au
Pentagone dès le 5 janvier 2012 ?19. C’en est fini des guerres longues et financière-
ment épuisantes du chapitre 11-Septembre, de l’empire à crédit. Obama va aban-
donner à leur triste sort les Européens, s’en tenir à une présence militaire extrême-
ment concentrée des porte-avions dans le golfe Arabo-Persique, la liquidation de
Ben Laden permettant de parler aux Frères musulmans (et aux salafistes !) donc de
se désengager de la région, et de redéployer les forces américaines en Asie-Pacifique
pour y encercler et endiguer la Chine tout en préservant les intérêts vitaux de la
nation « états-unienne ». Et ce d’autant que jouent dans cette région deux facteurs
essentiels : la fin espérée de la dépendance du pétrole arabe et l’indifférence des
Hispaniques, le premier groupe ethnique minoritaire montant démographiquement
en puissance, à Israël20. En somme : la (re)conquête du leadership passe par une
« déglobalisation » de la stratégie américaine.
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19 Cf. Alfredo Jalife-Rahme, « Obama’s strategic pivot : Military deglobalization and containment of China », Voltairenet.
org, 17 janvier 2012, <voltairenet.org/article172396.html> [29 mail 2013] ; Sustaining U.S. Global Leadership : Priorities
for 21ST Century Defense, Department of Defense, janvier 2012, <www.defense.gov/news/defense_strategic_guidance.
pdf> [30 mai 2013] et Remarks by the President on the Defense Strategic Review, The Pentagon, 5 janvier 2012, <www.
whitehouse.gov/the-press-office/2012/01/05/remarks-president-defense-strategic-review> [30 mai 2013]. Sur les positions
antisionistes déclarées du journaliste, professeur à l’Universidad Nacional Autónoma de México (UNAM ) et chirurgien
mexicain d’origine libanaise Alfredo Jalife-Rahme, distingué en tant que « mejor analista de asuntos internacionales de
México » par la revue Líderes Mexicanos en 2003, « ¿Quién es Alfredo Jalife-Rahme Barrios ? Informe. 5 de diciembre
2012, SDPnoticias.com, <sdpnoticias.com/columnas/2013/02/04/quien-es-alfredo-jalife-rahme-barrios-informe-5-de-di-
ciembre-2012>.
20 « Il nuovo mandato », op. cit.
21 Cf. Laure Mandeville, « L’Amérique médite les leçons d’une coûteuse aventure », Le Figaro, 1er avril 2013 ; Georges
Malbrunot, « À quoi a servi la guerre d’Irak ? », loc. cit.
De la superpuissance à l’hypernation 13
marqué par ces trois plaies majeures que sont 1) les divisions ethniques ou confes-
sionnelles exacerbées : Kurdes qui revendiquent une bande de territoire englobant
Kirkouk, ont écrasé les troupes de Bagdad au mois de novembre dernier et signent
directement avec les compagnies pétrolières vs. le gouvernement ; Chiites au pouvoir
soutenus par Téhéran (gardiens de la révolution) vs. sunnites financés par Riyad et
Doha ; 2) l’ingouvernabilité dès lors que le Premier ministre lui-même est largement
perçu comme un chef de communauté, que le système parlementaire instauré en
2003 repose sur l’appartenance confessionnelle ou ethnique et que le pays dont la
reconstruction n’a toujours pas commencé s’embourbe dans d’interminables tracta-
tions entre factions sans qu’il se soit même doté d’une loi pétrolière ; 3) la persistance
de la mosaïque tribale qui empêche peut-être paradoxalement – ultime élément de
réalité politique – la catastrophe totale.
22 Le NIC est placé sous l’égide du Director of National Intelligence, un poste créé en 2004 afin de remédier aux insuf-
fisances de coordination et d’établissement des priorités au sein des agences de renseignement, cf. Richard A. Best Jr.,
The National Intelligence Council (NIC) : Issues and Options for Congress, 27 décembre 2011, Congressional Research
Service, CRS Report for Congress, <www.fas.org/sgp/crs/intel/R40505.pdf> [31 mai 2013]>.
23 <info.publicintelligence.net/GlobalTrends2030.pdf> [31 mai 2013], p. 101-104.
24 Ibid., p. 113-137.
14 Michel Korinman
Ce qui frappe dans cette formidable élaboration du NIC, c’est qu’il n’y a pas
« pour le moment » (for the moment) d’ordre mondial de substitution à celui qu’em-
mènent les États-Unis. Quel que soit le scénario, les pays « émergents », qui reven-
diquent désormais un rôle grandissant au sein des grandes institutions multilatérales
comme les Nations unies, le FMI et la Banque mondiale et ont beau nourrir des
ressentiments contre l’ordre existant, ils en ont bénéficié et sont plus intéressés à
la poursuite de leur développement et à la consolidation de leurs régimes qu’à une
éventuelle contestation du leadership américain ; d’autant qu’ils ne forment pas un
bloc unitaire ; et sans compter que les projets géopolitiques de la plupart d’entre
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Voilà probablement le cadre dans lequel s’est inscrite la réflexion du Président élu
puis réélu. La Fusion, c’était le rêve de l’Administration Obama début 2009 d’un cou-
ple américano-chinois traitant avec pragmatisme des grands dossiers du XXIe siècle,
mais qui s’est dissipé l’année suivante au point que le sigle même de G2 disparaissait
rapidement du vocabulaire américain26. Or, dans ces conditions c’est de fait à ses
intérêts vitaux que l’Amérique devait s’attacher. D’où le rééquilibrage de la présence
US en direction de l’Asie-Pacifique. Il n’y aura pas retour à l’isolationnisme des années
1930 mais Washington ne recourra plus au nation building post-invasion qui a été un
échec, l’ambition stratégique allant maintenant dans le sens d’une coopération sécuri-
taire avec les acteurs locaux27. Se produira un recadrage de l’Alliance atlantique dans le
25 Ibid., p. 108.
26 Cf. Laure Mandeville, « Obama et Hu Jintao à l’heure du réalisme », Le Figaro, 18 janvier 2011 ; Ennio Caretto, « Asse
Usa-Cina per il governo dell’economia Vertice senza precedenti a Washington Obama : “Così sarà il XXI secolo”, Corriere
della Sera, 28 juillet 2009 ; Nathalie Mattheiem, « Obama veut rapprocher la Chine et les États-Unis », 28 juillet 2009 ;
Pierre Rousselin, « L’émergence d’un G2 », loc. cit.
27 Cf. Renaud Girard, « Nouvelle stratégie américaine en Orient », Le Figaro, 28 mai 2013.
16 Michel Korinman
schéma élaboré par Ivo Daalder, ex-représentant permanent des États-Unis et à partir
de juillet président du Chicago Council on Global Affairs : l’OTAN 1.0 servait à se
défendre contre l’Union soviétique ; l’OTAN 2.0 à s’élargir en direction de l’Europe
de l’Est ; l’OTAN 3.0 à passer des alliances opérationnelles ; l’OTAN 4.0 pourrait être
une force de police de prévention des surprises militaires28.
28 Cf. Nikolaus Busse, « Nato 4.0 Die Allianz wird nach amerikanischer Ansicht in Zukunft seltener intervenieren », FAZ,
28 mai 2013.
29 Cf. Isabelle Lasserre, « Moscou enrôle Pékin contre le bouclier antimissile », Le Figaro, 17 juin 2011, <www.lefigaroint
ernational/2011/06/01003-20110616ARTFIG00724-moscou-enrole-pekin-contre-le-bouclier-antimissile.php> [31 mai 2013].
30 Cf. « Washington restructure son bouclier antimissile pour apaiser Moscou », RTBF-BE/AFP, 16 mars 2013, <www.
rtbf.be/info/monde/detail_washington-restructure-son-bouclier-antimissile-pour-apaiser-moscou?id=7949036> [31 mai
2013] ; Guido Olimpio, « Sospeso lo scudo antimissile Usa Le difese trasferite sul Pacifico Il Pentagono : non sarà comple-
tato il sistema previsto in Europa », Corriere della Sera, 17 mars 2013 ; F. William Engdahl, « China a Military Threat ? No
Wonder China is Nervous as Obama Pivots », Global Research, 21 novembre 2012, <www.globalresearch.ca/no-wonder-
china-is-nervous-as-obama-pivots/5312523> [29 mai 2013] : l’auteur devrait s’en trouver à moitié rassuré dès lors que sa
théorie de l’encerclement par le Ballistic Missile Defense (BMD) – de la Russie à partir de l’Europe et de la Chine depuis
l’Asie ne tient plus que dans le second cas avec la décision annoncée par l’ex-secrétaire à la Défense Leon Panetta en
septembre 2012 d’installer un nouveau radar d’alerte avancée dans le sud du Japon.
De la superpuissance à l’hypernation 17
– Ensuite les Israéliens. Paul Kennedy se charge sans aménité de leur rappeler ce
qu’ils savent déjà : « Obama n’est pas un ami particulièrement intime d’Israël et il
ne souhaite pas se battre pour l’État hébreu appréhendé comme un boulet traîné
par les États-Unis »31. Deux interprétations de la politique « moyen-orientale » de
Washington coexistent. 1) L’Administration Obama, au demeurant infiltrée par
des pro-islamistes identifiés, avait passé avec les Frères musulmans un compromis
géopolitique historique. La première apportait son soutien aux seconds, désormais
au pouvoir en Tunisie et en Égypte, pour qu’ils accomplissent une transition or-
donnée des pays concernés, mais à condition qu’ils se mobilisent contre les dérives
salafistes (cf. Mezri Haddad infra) ; 2) Obama et ses conseillers qui ne savaient
pas comment allait tourner le cours des événements, en particulier en Égypte,
s’étaient résolus à appuyer les Frères musulmans compte tenu des explications
programmatiques que ces derniers leur fournissaient et allaient accompagner leur
politique avec un mélange de satisfaction – efforts couronnés de succès dans la
trêve entre Israël et le Hamas à Gaza le 21 novembre 2012 – et d’embarras – le
décret constitutionnel (par la suite annulé) du 22, droits de l’homme – comme si
les deux « partenaires » étaient contraints au partenariat par le contexte (liens avec
l’armée égyptienne et sécurité d’Israël pour les États-Unis, soutien international,
économique et militaire pour l’Égypte)32 . Dans les deux cas de figure, l’exemple
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centre d’International Security Studies qu’il dirige à Yale reste prudente quant à une
éventuelle défense d’Israël en l’état actuel des forces armées américaines34.
Tout cela pour assister – ruse hégélienne de la logique historique – à la desti-
tution de Mohammed Morsi par l’armée le 3 juillet 2013 après une forte mobi-
lisation populaire et du même coup à l’établissement (provisoire ?) d’un pouvoir
autoritaire.
34 « Il nuovo mandato », op. cit. Et en sens contraire Vali R. Nasr, doyen du Paul H. Nitze School of Advanced Interna-
tional Studies, à Johns Hopkins University et auteur de The Dispensable Nation (New York, Random House, 2013), « Un
errore lasciare mano libera a Pechino in Medio Oriente », Corriere della Sera, 9 juin 2013 : si Washington laisse un vide,
celui-ci sera occupé par Pékin vers qui se tourneront pour ce qui est du modèle des pays comme l’Égypte ou la Turquie.
35 Doctorante à l’Université de Paris-Sorbonne, Paris IV, « Les ambiguïtés de l’Administration Obama devant la politique
de rapprochement de Ma Ying-jeou » (à paraître dans Outre-Terre).
36 Cf. Arnaud de La Grange, « La Chine pointe l’arme économique sur Taïpeh », Le Figaro, 13 janvier 2012, <www.
lefigaro.fr/international/2012/01/13/01003-20120113ARTFIG00680-la-chine-pointe-l-arme-economique-sur-taipeh.php> [2
juin 2013].
37 Titre (2009) du dissident et professeur de droit exilé en Australie depuis 2004 Yuan Hongbing, cf. Catherine Bouchet-
Orphelin, « L’intégration économique comme unification politique », Les Milieux des Empires, n° 29, décembre 2009.
De la superpuissance à l’hypernation 19
38 Cf. Michael J. Green, Andrew Shearer, « Defining U.S. Indian Ocean Strategy », The Washington Quarterly, vol. 35, 2,
printemps 2012, p. 180-181.
39 Cf. pour ces aspects, Shirley A. Kan, Taiwan : Major U.S. Arms Sales Since 1990, CRS Report for Congress Prepared
for Members and Committees of Congress, Congressional Research Service, 14 mars 2013, p. 50-52.
20 Michel Korinman
40 Cf. Margaux Cerutti, La relation triangulaire Chine/Taiwan/États-Unis de 2008 à 2012 Orientations et représentations
de la relation à travers les presses écrites chinoises et taiwanaises, mémoire de Master 1, Institut national des langues et
civilisations orientales (Inalco), juin 2012, p. 61-70.
41 Cf. Hillary Clinton, America’s Pacific Century – official speech, 10 novembre 2011, <www..state.gov/secretary/
rm/2011/11/176999.htm> cité par Margaux Cerutti.
42 Cf. Nancy Bernkopf Tucker, Bonnie Glaser, « Should the United States Abandon Taiwan ? », The Washington Quarterly,
34, 4, automne 2011.
43 « Pivot to the Pacific ? The Obama Administration’s “Rebalancing“ Toward Asia », Mark E. Manyin et al. (éd.), CRS
Report for Congress, Congressional Research Service 7-5700, www.crs.gov, R42448, 28 mars 2012, p. 9-10 au chapitre
« The Framing and Credibility of the “Pivot“ » : s’il y eut jamais sino-centrisme de la politique asiatique des États-Unis en
2009, la notion de pivot s’appliquerait plutôt à l’abandon de cette approche.
De la superpuissance à l’hypernation 21
introduits par eux à l’intérieur ! Sans compter que des pays comme le Japon et la
Corée du Sud pourraient s’inquiéter de l’émergence du « pivot » en pleine période
d’austérité fiscale et d’un alourdissement potentiel de leurs contributions respectives
du fait des États-Unis44. Certes : si l’approche américaine de la Chine se présente
comme two-track (binaire) – coopération plus robuste vs. confrontation par le « pi-
vot »/rebalancing -, c’est jusqu’ici sur le second versant qu’elle a enregistré le plus de
résultats puisque cela a amené les Chinois à rejoindre des négociations multilatérales
avec les nations d’Asie du Sud-Est sur le code de conduite en mer de Chine méridio-
nale. Mais attention aux réactions de l’Armée populaire de libération ! Elle nourrit
depuis longtemps des soupçons quant aux intentions des États-Unis dans la région
et pourrait se voir renforcée face au pouvoir civil. Et attention à une moindre vo-
lonté de compromis du géant économique sur les grandes décisions liées au système
mondial ! Et encore attention à une tentation du recul dans des pays tiers se sentant
poussés à ou obligés de « choisir » entre les deux partenaires cruciaux par un plus fort
engagement des USA dans la région45. Voilà les élus de la nation auxquels s’adresse le
chapitre conclusif « Implications for Congress » parfaitement orientés.
CHIMÉRIQUE... DU SUD
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44 Ibid., p. 7.
45 Ibid., p.8.
46 Cf. Maurin Picard, « Barack Obama et Xi Jinping créent un climat pour l’image », Le Figaro, 10 juin 2013.
47 Cf. M. Ga. (Massimo Gaggi), « Strette di mano e niente cravatta all’ombra della “cyberguerra” Nel giorno di Obama e
Xi, svelati piani USA di attacco informatico », Corriere della Sera, 9 juin 2013.
22 Michel Korinman
48 Cf. Sergio Romano, « Sindrome da Egemonia una nuova Cartagine ? »Corriere della Sera, 6 juin 2013.
49 Cf. Guido Santevecchi, « Il cinese Xi sbarca in America “Dialogo fra grandi potenze” Pechino cerca una relazione
politica oltre l’economia », Corriere della Sera, 8 juin 2013 ; Laure Mandeville, « Obama et Xi s’attaquent à la “méfiance
stratégique” Le président américain reçoit son nouvel homologue chinois en Californie », Le Figaro, 7 juin 2013.
50 Cf. « Intesa difficile, i due mai stati così lontani », entretien de Ian Bremmer avec Massimo Gaggi, Corriere della Sera,
8 juin 2013 : le premier se déclare cependant favorable à la rencontre californienne.
51 Cf. Oscar Ugarteche, Ariel Noyola Rodríguez, « El pivote del Dragón : Xi Jinping enamora a la Cuenca del Caribe »,
<www.obela.org/contenido/pivote-del-drag-n-xi-jinping-seduce-cuenca-del-caribe> [20 juin 2013].
52 Cf. Laure Mandeville, « Xi Jinping défie les États-Unis dans leur arrière-cour Attiré par les ressources énergétiques
de la région, le président chinois se rendra en Amérique centrale et au Mexique avant de gagner la Californie », Le Figaro,
1er juin 2013.
De la superpuissance à l’hypernation 23
Le Costa-Rica, les 3-4 juin, sera encore plus intéressant dès lors qu’il s’agit du pre-
mier pays d’Amérique centrale à avoir renoncé en 2007 aux relations diplomatiques
avec Taipei. Xi espère à coup sûr que San José facilitera l’abandon par la région de la
République de Chine. D’où la promesse de financement d’une raffinerie exploitée
conjointement dans la province de Limón via un prêt de 900 millions de dollars
consenti par la China Development Bank et l’approbation par l’Eximbank (Export-
Import Bank of China) d’un autre prêt à hauteur de 100 millions de dollars équiva-
lant à une ligne de crédit au Banco de Costa Rica (d’État) à fins de modernisation
écologique de 12 000 taxis et 4 000 autobus54.
Pour finir et last but not least le Mexique, 5 et 6 juin, est la destination majeure du
voyage de Xi en Amérique centrale. D’abord il s’agit de la plus grande économie de
la région, mais surtout c’est un partenaire majeur des États-Unis. Ce qui compte ici,
c’est l’ambition chinoise de faire du Mexique une plateforme de réexportation pour
pénétrer le marché américain. Et à cet égard les positions pourraient bien conver-
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53 « China apuntala sus negocios en el Caribe », El País Internacional, 1er juin 2013, <internacional.elpais.com/
internacional/2013/06/01/actualidad/1370120365_173609.html> [20 juin 2013]. Xi devait rencontrer le dimanche 2 juin à
Port of Spain des leaders du CARICOM (Caribbean Community, mixte entre communauté supranationale et marché
commun) : Antigua et Barbuda, Barbade, Dominique, Grenade, Guyana, Surinam, Jamaïque et Bahamas qui ont bénéficié
entre 2007 et 2010 de prêts en millions de dollars pour l’aménagement d’infrastructures et d’installations touristiques.
Hong-Kong ayant annoncé son intention de percer un canal inter-océanique alternatif au canal de Panama, une certaine
méfiance était également alors perceptible.
54 « Xi Jinping deja Costa Rica para continuar su gira americana en México », ElPaís.cr, 4 juin 2013, <elpais.cr/frontend/
noticia_detalle/1/82020> [20 juin 2013].
55 Cf. François Duhamel, Diana Bank (éd.), Características de la inversión extranjera directa china en América Latina
(UNAM).
24 Michel Korinman
56 Cf. Capucine Pêtre, « La Chine courtise le Mexique à la barbe de Washington Le président Xi Jinping est reçu à
Mexico comme un partenaire privilégié pour diminuer la dépendance à l’égard des États-Unis », Le Figaro, 5 juin 2013.
57 Luis Prados, « México busca dar un golpe de timón a las relaciones con China El Gobierno de Peña Nieto pretende
aprovechar la visita del presidente Xi Jinping para corregir el déficit comercial y atraer inversiones del gigante asiático », 3
juin 2013, <internacional.elpais.com/internacional/2013/06/03/actualidad/1370279526_327384.html> [20 juin 2013].
58 Cf. Luis Prados, « Xi Jinping : “Cuanto más se desarrolle América Latina, mejor para China », El Pais Internacional, 6
juin 2013, <internacional.elpais.com/internacional/2013/06/06/actualidad/1370477106_178427.html> [20 juin 2013].
59 « Nicaragua ofrece contrato de firma china para construir alternativas al Canal de Panamá », MIAMIDIARIO.com (avec
agences), 8 juin 2013, <www.miamidiario.com/economia/economia/america-latina/canal-de-panama/daniel-ortega/xi-
jinping/nicaragua-china/contrato-por-30000-milliones-de-dollares/gran-canal-acuatico-interoceanico-de-nicaragua/310015>
[20 juin 2013]. Au point que les deux diplomates colombiens Noemí Sanín et Miguel Ceballos, auteurs d’un livre à paraître
sur les projets de la Chine en Amérique latine, imputent à une conspiration le verdict de la Cour internationale de Justice
qui a tranché en faveur du Nicaragua le 19 novembre 2012 attribuant à Managua une zone maritime de 75 000 km2 ; la
Colombie conservant en revanche la souveraineté sur les îles de San Andrés, Providencia et Santa Catalina désormais en-
clavées dans les eaux territoriales nicaraguayennes ; un jugement dû à la présence passée sous silence d’un juge chinois,
madame Xue Hanqin ; tout cela s’ancre selon les deux commentateurs dans une alliance géopolitique « nica-china », le
Nicaragua devant servir au géant asiatique de « porte d’entrée dans l’hémisphère ». Même si subsiste entre les deux
« alliés » nicaraguayen et costaricain de la Chine la « dispute de l’île Calero » le long du fleuve San Juan.
De la superpuissance à l’hypernation 25
Signalons aux lecteurs italophones le texte passionnant de Dario Fabbri: « The Ro-
man factor : I cattolici alla conquista di Washington » paru dans Limes Rivista italia-
na di geopolitica63. Le poids politique et culturel des catholiques américains se révèle
bien supérieur à leur nombre demeuré stable à quelque 25 % depuis un peu plus de
50 ans. Sans doute l’assimilation des composantes irlandaise, allemande, italienne,
polonaise, mitteleuropéenne et hispanique (54 % contre 28 % de protestants – net-
tement plus religieux – au mois de janvier 2013) au sein d’un bloc n’est-elle pas ache-
vée mais elle a beaucoup progressé durant les dernières décennies. La majeure partie
60 « Xi Jinping défie les États-Unis », op. cit. qui cite Kevin P. Gallagher, Robert Porzecanski, The Dragon in the Room :
China and the Future of Latin American Industrialization, Stanford University Press, 2010. En n’oubliant pas que le rapport
Chine-Nicaragua fut recommandé par feu Chávez qui avait lui-même impulsé une importante coopération avec Pékin. La
Chine était en 2012 le deuxième partenaire commercial du Venezuela avec des échanges à hauteur de plus de 20 milliards
de dollars, les deux pays ayant passé des accords dans les domaines de l’énergie, de la construction, de l’industrie et de
la technologie ; Caracas vend actuellement à Pékin 640 000 barils de pétrole/jour dont 264 000 vont au paiement de la
dette compte tenu des crédits accordés ces dernières années par le géant asiatique pour plus de 30 milliards de dollars.
61 Cf. Simon Tisdall, « Barack Obama struggles to redefine the “war on terror” » The president’s heavily leaked speech
appears to mark a shift away from Bush-era tactics even as his rhetoric defends them », theguardian, <www.guardian.
co.uk/world/2013/may/23/barack-obama-redefine-war-terror> [24 mai 2013] ; Massimo Gaggi, « “Basta con la guerra illimi-
tata al terrorismo” La svolta di Obama : rischiamo di perdere i nostri valori. Freno all’uso dei droni », Corriere della Sera, 24
mai 2013.
62 « Obama renews his anti-terrorism strategy », The Washington Post, 23 mai 2013, <articles.washingtonpost.
com/2013-05-23/opinions/39476247_1_u-s-combat-role-attacks-congress> [24 mai 2013].
63 n° 3, 2013, L’Atlante di Papa Francesco.
26 Michel Korinman
des catholiques sont souvent des urbains, établis à proximité des centres du pouvoir
financier et institutionnel ; ils résident dans les États les plus avancés et les plus dyna-
miques : Pennsylvanie, Massachusetts, Californie, New York, Illinois, Floride. Sont
catholiques aux États-Unis le vice-président Jo Biden, le président républicain de la
Chambre des représentants John Boehner, le président pro tempore du Sénat Patrick
Leahy, le secrétaire d’État John Kerry (famille juive autrichienne convertie au début
du XXe siècle), 25 sénateurs et 134 représentants, le nouveau chef de cabinet Denis
McDonough, les quatre derniers directeurs de la CIA, les trois derniers chefs d’état-
major interarmées, six des neuf juges de la Cour suprême ; de même pour presque
tous les candidats potentiels à la présidence qu’ils soient républicains (y compris Jeb
Bush, ex-gouverneur de Floride, frère cadet de George W., converti en 1995 et qui
incarne la branche catholique romaine de la famille) ou démocrates, soit les adver-
saires les plus redoutables de Jo Biden – à moins que la méthodiste Hillary Clinton
n’entre en lice, seule à pouvoir redistribuer les cartes, dont le mari Bill a cependant
été formé chez les jésuites de Georgetown. Cette dernière institution figure sur la
liste des universités les plus prestigieuses de la Catholic Ivy League avec Notre Dame,
Boston College, Fordham, Villanova, Holy Cross, l’excellence de la formation liée
au catholicisme romain s’avérant. Si un épigone de Kennedy accède à la présidence
en 2016, le soft power des États-Unis ira s’amplifiant encore. Et ce a fortiori au cas
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64 L’auteur du projet aurait de fait été... Sikorski qui aspire au poste de secrétaire général de l’OTAN ou à celui de Haut
représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité et voulait se doter d’une stature d’acteur
international, cf. Konrad Schuller, «Ein bisschen Eigenlob darf sein Der Vorschlag zu Syriens Chemiewaffen soll von Polens
Aussenminister Sikorski gekommen sein », FAZ, 13 septembre 2013.
65 « Dominique de Villepin : “Acceptons une partition temporaire de la Syrie” », Le Figaro, 10 septembre 2013.
28 Michel Korinman
Source : <www.nationalpostnews.files.wordpress.com/2011/10/fo1029_usbases12001.gif>
De la superpuissance à l’hypernation 29
États-Unis
États-Unis
Source : <www.eia.gov/countries/analysisbriefs/Mexico/Mexico.pdf>
© L?Esprit du temps | Téléchargé le 19/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83)
Source : <www.eia.gov/countries/analysisbriefs/Mexico/Mexico.pdf>
De la superpuissance à l’hypernation 31
Trinité-et-Tobago
Mexique
Mexique
Mexique
Source : <www.eia.gov/countries/analysisbriefs/Mexico/Mexico.pdf>
De la superpuissance à l’hypernation 35
Mexique
Mexique
Mexique
Mexique
Mexique
Source : <www.eia.gov/countries/analysisbriefs/Mexico/Mexico.pdf>
40 Michel Korinman
Mexique
Mexique