Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5 - 14/10/2019 17:33 - © Editions Sciences Humaines
ISBN 9782361060152
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.infophilosophies-et-pensees-de-notre-temps---page-101.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5 - 14/10/2019 17:33 - © Editions Sciences Humaines
PENSER L’INDIVIDU
ET LA SOCIÉTÉ AUJOURD’HUI
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5 - 14/10/2019 17:33 - © Editions Sciences Humaines
– à propos de La Voie. Pour l’avenir de l’humanité
(par Jean-François Dortier)
– Penser la vie ordinaire (Rencontre avec Sandra Laugier)
LES LUTTES POUR LA RECONNAISSANCE
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5 - 14/10/2019 17:33 - © Editions Sciences Humaines
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5 - 14/10/2019 17:33 - © Editions Sciences Humaines
Rencontre avec Axel Honneth
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5 - 14/10/2019 17:33 - © Editions Sciences Humaines
Est-ce que tout conlit social doit être analysé comme une lutte
pour la reconnaissance ?
Ma position sur ce point a évolué au cours de mes recherches.
Au départ, mon projet était seulement de critiquer le modèle
classique qui analyse les conlits sociaux comme des conlits
d’intérêts. Selon ce modèle, vous présupposez des sujets ou des
groupes de sujets qui ont des intérêts déinis, lesquels ne sont
pas satisfaits dans les conditions données ; ces sujets luttent donc
pour les satisfaire. Or, pour moi, il apparaissait qu’une partie en
tout cas des conlits sociaux se comprenaient mieux en faisant
intervenir des attentes morales, c’est-à-dire en les expliquant
par des sentiments d’honneur bafoué, de mépris ou de déni de
reconnaissance. Mais ce contre-modèle ne visait pas à analyser
l’ensemble des conlits sociaux dont beaucoup restaient alors à
mes yeux des conlits d’intérêts. Mais, au fur et à mesure que
j’approfondissais la question, j’en suis venu à l’idée que tout
conlit est partiellement motivé par des convictions morales,
parce que certaines revendications légitimes, des demandes de
reconnaissance sont injustement rejetées. Mon idée désormais
est donc que tous les types de conlits sociaux, même ceux qui
visent la redistribution des biens et qui semblent être purement
intéressés, doivent être compris comme des conlits normatifs,
comme des luttes pour la reconnaissance.
104
Les luttes pour la reconnaissance
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5 - 14/10/2019 17:33 - © Editions Sciences Humaines
personne ou un groupe de personnes sans que ce soit vraiment
le cas. Une demande de reconnaissance est justiiée quand elle
se réfère à certains principes normatifs. Toutes les sociétés sont
basées sur de tels principes, acceptés, institués et donc pratiqués.
Ce sont eux qui permettent l’intégration d’une communauté
sociale. Ils déinissent certaines sphères où les gens attendent
d’être reconnus.
105
Penser l’individu et la société aujourd’hui
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5 - 14/10/2019 17:33 - © Editions Sciences Humaines
Les trois principes de la reconnaissance
L’image que chacun a de soi, de ses capacités et de ses qualités dépend
du regard d’autrui. Axel Honneth distingue trois principes de reconnais-
sance dans nos sociétés modernes, qui correspondent à trois sphères sociales
diférentes.
• Le principe de l’amour dans la sphère de l’intimité. L’amour (ou la sollici-
tude) désigne ici tous les rapports afectifs forts qui nourrissent les rapports
amicaux, amoureux, familiaux. C’est grâce à l’expérience de l’amour que
chacun peut accéder à la coniance en soi. A. Honneth s’appuie notamment
sur les théories psychologiques de l’attachement, qui montrent l’impor-
tance du rapport à la mère dans la construction de l’identité personnelle et
de l’autonomie.
• Le principe de la solidarité dans la sphère de la collectivité. Pour pouvoir
accéder au sentiment d’estime de soi, chacun, notamment dans le travail,
doit pouvoir se sentir considéré comme utile à la collectivité, en lui appor-
tant sa contribution.
• Le principe de l’égalité dans la sphère des relations juridiques. Chacun
doit pouvoir sentir avoir les mêmes droits que les autres individus pour
développer ainsi le sentiment de respect de soi.
Pour A. Honneth, ce sont ces trois principes de reconnaissance qui
déterminent les attentes légitimes de chacun.
Catherine Halpern
106
Les luttes pour la reconnaissance
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5 - 14/10/2019 17:33 - © Editions Sciences Humaines
conscient du fait que tous les sentiments ne sont pas morale-
ment justiiés. J’ai seulement commencé avec l’observation des
sentiments de reconnaissance insatisfaite. Mais dans un second
temps, au niveau de la théorie normative de la société, j’ai cher-
ché à expliquer jusqu’à quel degré ces sentiments peuvent être
justiiés. Ma théorie n’est donc pas entièrement basée sur la psy-
chologie morale.
107
Penser l’individu et la société aujourd’hui
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5 - 14/10/2019 17:33 - © Editions Sciences Humaines
idées et principes de reconnaissances prévalaient. Ceux que j’ai
dégagés valent pour des sociétés modernes, basées sur des prin-
cipes de reconnaissance qui ne sont pas seulement réciproques
mais symétriques et basés sur l’égalité. Dans les sociétés prémo-
dernes, prédominait également une autre idée de l’amour que
celle que nous avons aujourd’hui qui est un résultat historique
tardif où l’amour est devenu de plus en plus indépendant des
attentes sociales et économiques.
108
Les luttes pour la reconnaissance
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5 - 14/10/2019 17:33 - © Editions Sciences Humaines
que l’amour mutuel implique de partager les tâches domestiques.
C’est le résultat d’une compréhension plus exigeante de ce que
l’amour et le soin mutuel incluent. Au inal, en dépit d’interrup-
tions, d’obstacles, il y a donc, je pense, un certain progrès.
Nous sommes liés à ce concept de progrès pour d’autres rai-
sons aussi. Nous ne pouvons pas ne pas le présupposer quand
nous essayons de comprendre nos propres pratiques aujourd’hui.
Nous les comprenons comme le résultat d’un apprentissage du
passé. Nous vivons aujourd’hui dans un monde où les enfants ne
doivent pas travailler à l’âge de six ans, et nous sommes persuadés
que cela est juste : pour justiier cette conviction, nous posons
un progrès par rapport au passé. Nous ne pouvons donner sens
à nos pratiques que si nous présupposons que nous avons sur-
monté certaines formes de reconnaissances insatisfaisantes ou
restrictives.
109