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LES LUTTES POUR LA RECONNAISSANCE

Rencontre avec Axel Honneth, propos recueillis par Catherine Halpern


in Véronique Bedin, Philosophies et pensées de notre temps

Editions Sciences Humaines | « Petite bibliothèque »

2011 | pages 101 à 109


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ISBN 9782361060152
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https://www.cairn.infophilosophies-et-pensees-de-notre-temps---page-101.htm
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PENSER L’INDIVIDU
ET LA SOCIÉTÉ AUJOURD’HUI

– Les luttes pour la reconnaissance


(Rencontre avec Axel Honneth)
– à propos de La Société du mépris
(par Xavier de la Vega)
– Les dilemmes de la justice sociale
(Rencontre avec Nancy Fraser)
– L’émancipation est l’afaire de tous
(Rencontre avec Jacques Rancière)
– Le nouvel âge de l’individu
(Rencontre avec Marcel Gauchet)
– à propos de Le Désenchantement du monde
(par Vincent Troger)
– Connaissance de soi et éthique de l’action
(Rencontre avec Paul Ricœur)
– Vivre dans la modernité liquide
(Rencontre avec Zygmunt Bauman)
– à propos de S’acheter une vie (par Clément Lefranc)
– Deux conceptions de l’autonomie
(Rencontre avec Alain Ehrenberg)
– Changer la vie (Rencontre avec Edgar Morin)
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– à propos de La Voie. Pour l’avenir de l’humanité
(par Jean-François Dortier)
– Penser la vie ordinaire (Rencontre avec Sandra Laugier)
LES LUTTES POUR LA RECONNAISSANCE
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Rencontre avec Axel Honneth

Axel Honneth, sociologue et philosophe, successeur de Jürgen


Habermas et continuateur de l’école de Francfort, pratique une
pensée critique nourrie de sciences sociales et humaines mais fondée
sur une longue tradition de philosophie théorique et éthique. En
1992, sa Lutte pour la reconnaissance1 introduit dans le champ
de la philosophie sociale l’idée que l’existence des individus et des
collectivités ne consiste pas seulement dans des échanges de biens et
de services utiles à la conservation de soi, mais aussi des « attentes
de reconnaissance » de la part d’un autrui approbateur. Leur refus
engendre humiliations et conlits. À la lumière de ce concept déjà
présent dans l’œuvre de Georg Hegel, mais éclipsé par le matéria-
lisme historique, bon nombre des tensions qui traversent les sociétés
modernes se sont trouvées éclairées d’un nouveau jour  : les luttes
pour l’égalité des sexes, pour le respect de minorités sexuelles et des
minorités culturelles.

La reconnaissance peut-elle être déinie autrement que par


son manque ou son déni ?
J’ai commencé à appréhender la question de la reconnais-
sance par l’analyse des sentiments négatifs de mépris, d’humilia-
tion, d’atteinte à la dignité. J’étais alors convaincu qu’elle n’ap-
paraissait que par la négative. Mais j’ai peu à peu pris conscience
que l’on ne pouvait pas analyser ces sentiments et les luttes
qu’elles nourrissent sans faire référence, en tant qu’observateur,
aux principes positifs de reconnaissance mis en jeu. Il est sinon
impossible de comprendre ce pour quoi ces personnes luttent,
ce qu’elles recherchent. Si, en efet, la question de la recon-
naissance survient dans la société à travers les sentiments de
1- A. Honneth, La Lutte pour la reconnaissance, trad. fr. P. Rusch, éd. du Cerf, 2000.
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Penser l’individu et la société aujourd’hui

non-reconnaissance, nous ne pouvons pourtant les comprendre


sans nous référer aux principes positifs de reconnaissance sur les-
quels ils s’appuient.
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Est-ce que tout conlit social doit être analysé comme une lutte
pour la reconnaissance ?
Ma position sur ce point a évolué au cours de mes recherches.
Au départ, mon projet était seulement de critiquer le modèle
classique qui analyse les conlits sociaux comme des conlits
d’intérêts. Selon ce modèle, vous présupposez des sujets ou des
groupes de sujets qui ont des intérêts déinis, lesquels ne sont
pas satisfaits dans les conditions données ; ces sujets luttent donc
pour les satisfaire. Or, pour moi, il apparaissait qu’une partie en
tout cas des conlits sociaux se comprenaient mieux en faisant
intervenir des attentes morales, c’est-à-dire en les expliquant
par des sentiments d’honneur bafoué, de mépris ou de déni de
reconnaissance. Mais ce contre-modèle ne visait pas à analyser
l’ensemble des conlits sociaux dont beaucoup restaient alors à
mes yeux des conlits d’intérêts. Mais, au fur et à mesure que
j’approfondissais la question, j’en suis venu à l’idée que tout
conlit est partiellement motivé par des convictions morales,
parce que certaines revendications légitimes, des demandes de
reconnaissance sont injustement rejetées. Mon idée désormais
est donc que tous les types de conlits sociaux, même ceux qui
visent la redistribution des biens et qui semblent être purement
intéressés, doivent être compris comme des conlits normatifs,
comme des luttes pour la reconnaissance.

Ne peut-il y avoir des demandes de reconnaissance injus-


tiiées  ? Ne pensez-vous pas qu’il y a parfois des abus, des
manipulations ?
Oui, bien sûr, aussi bien du côté de ceux qui réclament de
la reconnaissance que de ceux qui la refusent. Aujourd’hui, on
utilise le terme de «  reconnaissance  » dans un sens très large.
C’est même devenu un mot à la mode. Nous sommes parfois
confrontés à des gens qui sont obsédés par l’idée qu’ils ne sont
pas reconnus. Il faut être prudent dans l’analyse et se demander

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Les luttes pour la reconnaissance

toujours jusqu’à quel point ces sentiments de mépris ou d’hu-


miliation ont un fondement. Inversement, certaines formes de
reconnaissance sont inauthentiques. Il y a parfois instrumentali-
sation. On peut vouloir donner le sentiment de reconnaître une
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personne ou un groupe de personnes sans que ce soit vraiment
le cas. Une demande de reconnaissance est justiiée quand elle
se réfère à certains principes normatifs. Toutes les sociétés sont
basées sur de tels principes, acceptés, institués et donc pratiqués.
Ce sont eux qui permettent l’intégration d’une communauté
sociale. Ils déinissent certaines sphères où les gens attendent
d’être reconnus.

Quelles sont ces sphères sociales où s’expriment ces demandes


de reconnaissance ?
Dans les sociétés modernes, nous pouvons distinguer trois
sphères de reconnaissance qui jouent un rôle important pour
comprendre nos pratiques et notre vie sociale. Le principe de
l’amour dans la sphère intime, celui de l’égalité dans la sphère du
droit, et celui de l’accomplissement individuel, de la reconnais-
sance de notre contribution au sein de la sphère de la produc-
tion (encadré ci-après). Ces principes forment pour ainsi dire la
grammaire de notre vie sociale.
Il y a vraiment déni de reconnaissance quand l’un au moins
de ces trois principes est violé. Il faut toujours se souvenir des
exigences internes de ces principes de reconnaissance. C’est
ma conviction que ces principes se réfèrent à quelque chose
d’institué dans la société, nous en sommes tous plus ou moins
conscients et, dans l’ensemble, nous les respectons, mais ils sont
toujours plus exigeants que les interprétations qui existent déjà
dans nos pratiques sociales. En ce sens, je dirais qu’il y a une
«  valeur ajoutée  » de ces principes de reconnaissance. Ce que
la théorie sociale peut faire, c’est rendre clair que ces principes
doivent permettre des formes plus exigeantes et plus adéquates
de la reconnaissance que ceux qui existent déjà dans la réalité
sociale. Par exemple, concernant le principe de contribution, la
théorie sociale peut aider à rendre clair que dans notre type de
société, c’est une exigence légitime d’être inclus d’une manière

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Penser l’individu et la société aujourd’hui

telle que vous ayez la possibilité d’y contribuer. Dans un certain


sens, le principe de contribution inclut donc le droit au travail.
Parce que sans travailler, vous ne pouvez pas être reconnu pour
votre contribution.
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Les trois principes de la reconnaissance
L’image que chacun a de soi, de ses capacités et de ses qualités dépend
du regard d’autrui. Axel Honneth distingue trois principes de reconnais-
sance dans nos sociétés modernes, qui correspondent à trois sphères sociales
diférentes.
• Le principe de l’amour dans la sphère de l’intimité. L’amour (ou la sollici-
tude) désigne ici tous les rapports afectifs forts qui nourrissent les rapports
amicaux, amoureux, familiaux. C’est grâce à l’expérience de l’amour que
chacun peut accéder à la coniance en soi. A. Honneth s’appuie notamment
sur les théories psychologiques de l’attachement, qui montrent l’impor-
tance du rapport à la mère dans la construction de l’identité personnelle et
de l’autonomie.
• Le principe de la solidarité dans la sphère de la collectivité. Pour pouvoir
accéder au sentiment d’estime de soi, chacun, notamment dans le travail,
doit pouvoir se sentir considéré comme utile à la collectivité, en lui appor-
tant sa contribution.
• Le principe de l’égalité dans la sphère des relations juridiques. Chacun
doit pouvoir sentir avoir les mêmes droits que les autres individus pour
développer ainsi le sentiment de respect de soi.
Pour A.  Honneth, ce sont ces trois principes de reconnaissance qui
déterminent les attentes légitimes de chacun.

Catherine Halpern

La philosophe Nancy Fraser vous reproche de trop psychologi-


ser les problèmes sociaux. Que lui répondez-vous ?
La théorie sociale que je propose a un fondement psycho-
logique et moral parce qu’elle a pour point de départ les senti-
ments de mépris, d’humiliation et de déni de reconnaissance.
Selon moi, nous sommes psychologiquement des personnes
extrêmement sensibles et vulnérables à la manière dont la société
nous traite. Sans cela, je crois qu’il n’y aurait pas beaucoup de

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Les luttes pour la reconnaissance

conlits. En ce sens, je pense qu’il y a un lien entre une théo-


rie normative de la société et la psychologie morale. Mais, je
n’essaie pas de justiier certaines revendications normatives sim-
plement en m’appuyant sur la psychologie. Parce que je suis très
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conscient du fait que tous les sentiments ne sont pas morale-
ment justiiés. J’ai seulement commencé avec l’observation des
sentiments de reconnaissance insatisfaite. Mais dans un second
temps, au niveau de la théorie normative de la société, j’ai cher-
ché à expliquer jusqu’à quel degré ces sentiments peuvent être
justiiés. Ma théorie n’est donc pas entièrement basée sur la psy-
chologie morale.

Les principes de la reconnaissance, même s’ils sont en un sens


déjà institués dans la société, exigent-ils toujours davantage ?
Oui, la théorie critique que je propose peut indiquer les
limites des pratiques sociales existantes et des formes institution-
nalisées. Ce que l’on déinit comme travail dans une situation
sociale particulière est très ouvert à l’interprétation. Dans ce
champ, beaucoup de conlits sont liés à la question : qu’est-ce
qui compte légitimement comme contribution ? Par exemple, le
travail domestique n’est souvent pas considéré comme un travail
au sens plein qui donnerait lieu à une véritable reconnaissance.
Le mouvement féministe a tenté de montrer que s’occuper des
enfants et des tâches ménagères doit compter comme une base
légitime pour une certaine forme de reconnaissance car c’est une
contribution de valeur à la société. Mais pendant longtemps,
l’interprétation traditionnelle du principe d’accomplissement
individuel était d’abord attachée au travail dans la sphère indus-
trielle, à l’extérieur de la sphère domestique.

Ces principes de reconnaissance s’inscrivent donc dans un


cadre anthropologique, mais également dans une histoire…
Il y a bien sûr une dimension anthropologique  : en tant
qu’être humain, nous ne pouvons développer notre identité et
une relation positive à nous-mêmes sans reconnaissance. Et sans
cela, il ne peut y avoir intégration dans le système social. Cela
constitue le cadre anthropologique global et universel, mais ce

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Penser l’individu et la société aujourd’hui

cadre n’est pas un destin. Les principes de la reconnaissance sont


ouverts au changement historique et social. Dans les sociétés
prémodernes, les gens se reconnaissaient dans une communauté
donnée avec une conception de l’honneur vertical  ; d’autres
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idées et principes de reconnaissances prévalaient. Ceux que j’ai
dégagés valent pour des sociétés modernes, basées sur des prin-
cipes de reconnaissance qui ne sont pas seulement réciproques
mais symétriques et basés sur l’égalité. Dans les sociétés prémo-
dernes, prédominait également une autre idée de l’amour que
celle que nous avons aujourd’hui qui est un résultat historique
tardif où l’amour est devenu de plus en plus indépendant des
attentes sociales et économiques.

Selon vous, peut-on alors lire dans l’histoire des sociétés un


progrès dans le processus de la reconnaissance ?
C’est une question diicile. Oui, je crois que, depuis l’éta-
blissement de la société moderne et l’institutionnalisation de
certains principes normatifs de reconnaissance, nous pouvons
observer qu’il y a un progrès au sens où il y a des interprétations
et des applications toujours plus exigeantes.
L’exemple le plus clair est celui de la sphère du droit : nous
pouvons observer, depuis l’institutionnalisation du principe
d’égal respect, disons depuis la Révolution française, qu’il y a
eu des luttes continues de groupes sociaux pour déterminer les
implications de ce principe normatif. Qu’est-ce que veut dire
ce devoir « légal » de respecter chacun ? Au début, les femmes,
par exemple, ont été systématiquement exclues de cette égalité
juridique. Il y a donc eu des luttes répétées pour exiger le droit
d’être inclus dans ce principe. Ces luttes ont non seulement per-
mis l’inclusion d’autres groupes que les femmes, mais également
l’apparition de nouvelles formes de droits, des droits dont on
pense qu’ils sont également conditionnés par le principe de res-
pect légal. Ainsi, nous pensons que la reconnaissance de l’égalité
juridique conduit à airmer le droit de chacun, quelle que soit sa
condition, de participer au choix de ceux qui gouvernent. Mais
nous avons également des droits sociaux. Parce que dans le pro-
cessus historique, la lutte de certains groupes a pu convaincre

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Les luttes pour la reconnaissance

la société qu’il y a des conditions sociales pour pouvoir faire


usage de ces droits égaux. La sphère de l’intimité est également
concernée. Qu’est-ce que cela veut dire que l’amour mutuel  ?
Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où nous croyons
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que l’amour mutuel implique de partager les tâches domestiques.
C’est le résultat d’une compréhension plus exigeante de ce que
l’amour et le soin mutuel incluent. Au inal, en dépit d’interrup-
tions, d’obstacles, il y a donc, je pense, un certain progrès.
Nous sommes liés à ce concept de progrès pour d’autres rai-
sons aussi. Nous ne pouvons pas ne pas le présupposer quand
nous essayons de comprendre nos propres pratiques aujourd’hui.
Nous les comprenons comme le résultat d’un apprentissage du
passé. Nous vivons aujourd’hui dans un monde où les enfants ne
doivent pas travailler à l’âge de six ans, et nous sommes persuadés
que cela est juste : pour justiier cette conviction, nous posons
un progrès par rapport au passé. Nous ne pouvons donner sens
à nos pratiques que si nous présupposons que nous avons sur-
monté certaines formes de reconnaissances insatisfaisantes ou
restrictives.

Peut-on espérer une société où les conditions de la reconnais-


sance puissent être garanties, ou bien n’est-ce qu’un horizon
impossible à atteindre ?
Je considère que c’est une idée régulatrice dont nous ne pou-
vons pas nous passer. Mais je ne pense pas que dans l’histoire
il existera une société où l’on puisse dire que les luttes pour la
reconnaissance sont achevées. Cela a un lien avec la « valeur ajou-
tée » des principes que je mentionnais plus haut et qui exigent
toujours davantage. En un sens, il est impossible de les satisfaire
parce que l’on peut toujours arguer du non-respect de certains
aspects de notre personnalité.

Propos recueillis par Catherine Halpern

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