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2011 | pages 71 à 76
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ISBN 9782361060152
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.infophilosophies-et-pensees-de-notre-temps---page-71.htm
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PAR TOUTES LES CULTURES
Rencontre avec Monique Canto-sperber
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Penser le monde à l’heure de la globalisation
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années 1980, mais cet engouement ne signiie pas nécessairement
un véritable approfondissement de la rélexion morale.
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d’explicitation aussi bien dans la formulation que dans la jus-
tiication des règles et des principes que les êtres humains se
donnent pour agir. Le plus remarquable est qu’une telle exigence
n’est pas seulement réservée à une élite ou à quelques initiés mais
s’est étendue à l’ensemble de la société. Pareille exigence d’expli-
citation est à prendre au sens fort et ne désigne pas simplement
le fait de rendre publiques les raisons pour lesquelles on prend
telle ou telle décision, on autorise ou non telle ou telle technique
de reproduction comme le clonage. Elle correspond au besoin
de rendre accessibles, justiiables voire contestables les principes
sur lesquels ces décisions se fondent. C’est là que la philosophie
morale peut jouer son rôle le plus fécond. Elle peut faire en sorte
que les recommandations auxquelles la rélexion éthique aboutit
ne soient pas simplement une série de règles et de préceptes à
suivre – ce qui serait au sens strict une forme de moralisation
peu acceptable – mais qu’elles puissent être assorties de leurs
raisons, de leurs conditions, même de leurs contextes et faire
l’objet d’une véritable discussion. La philosophie morale per-
met d’encadrer la délibération morale parce qu’elle présente un
ensemble de textes de référence, de principes, de modes d’argu-
mentation. Les chartes d’éthique constituent une déontologie et
énoncent des règles. Mais le principal apport de la morale tient
à la présence des raisons et des justiications sur lesquelles ces
règles s’appuient.
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Penser le monde à l’heure de la globalisation
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des parents ? L’intervention de la médecine doit-elle se limiter à
mimer la nature en réalisant in vitro une fécondation analogue à
celle qui se produit lors d’un accouplement ? Ou bien la méde-
cine peut-elle aller jusqu’à créer un embryon sans fécondation,
un embryon obtenu par transfert nucléaire, ce que l’on appelle
aujourd’hui le clonage ?
Face à de telles questions, l’histoire de la philosophie morale
peut, en dépit des apparences, être encore très utile. Car si le clo-
nage est une technique nouvelle, les problèmes philosophiques
que celle-ci engage sont en revanche très anciens. Ils ont trait à
une longue tradition de rélexion sur l’autonomie des individus
(ici, l’enfant à naître), sur la liberté et les limites de l’ingérence
des hommes dans la vie ou dans l’identité d’autrui : autrement
dit, des parents peuvent-ils « programmer » leur enfant en choi-
sissant son identité génétique ? Dans la mesure où nos sociétés
libérales et démocratiques reposent sur un principe de non-ingé-
rence dans l’identité d’autrui, ce principe devrait exclure que
des géniteurs pussent jamais décider de l’identité génétique de
l’enfant à naître. D’où la condamnation morale très générale du
clonage.
Prenons un autre exemple contemporain : les questions d’en-
vironnement. Là encore, la tradition philosophique est extrême-
ment fructueuse pour penser le type particulier de responsabilité
engagé dans la dégradation de la planète pour chacun de nous.
Il est évident qu’une personne qui prend sa voiture pour aller
au marché ne peut pas être considérée comme directement res-
ponsable de la pollution mondiale. Mais, d’un autre côté, si per-
sonne n’utilisait d’énergie polluante, il n’y aurait pas de pollu-
tion mondiale. Il y a donc un paradoxe qui soulève une question
philosophique fort ancienne. Comment déinir la responsabilité
de chacun dans des phénomènes qui n’existent que par agré-
gation. Personne n’est responsable individuellement de ce qui
arrive, mais nous en sommes tous responsables collectivement.
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Des valeurs partagées par toutes les cultures
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morales peuvent valoir à l’intérieur d’une communauté natio-
nale, mais pas à l’échelle internationale où seuls règnent les rap-
ports de force. Dès que l’on approfondit la question, on voit
qu’une telle opposition entre la morale à l’échelle des nations
et l’anomie à l’échelle du monde est en grande partie ictive.
Les diférents pays du monde ont de plus en plus conscience
de la nécessité de mettre en œuvre des règles partagées et de
faire valoir des préoccupations morales communes pour la mise
en œuvre desquelles ils doivent brider leurs intérêts. Si chacun
essaie seulement de maximiser ses intérêts, le monde court à la
catastrophe collective. En matière environnementale, sanitaire,
et même commerciale, se fait jour la conscience qu’il faut une
concertation mondiale sans laquelle l’équilibre mondial ne
pourra pas subsister. Et c’est à ce moment-là que l’éthique inter-
vient. Car il faut bien savoir selon quelles règles générales s’édiie
cette gouvernance mondiale. La chose n’est pas simple. On sait
que les mêmes pays qui s’engagent dans diférents traités inter-
nationaux se montrent en revanche très réticents lorsqu’il s’agit
d’en appliquer les efets à eux-mêmes. Mais il n’empêche que la
conscience de la nécessité de la morale dans les relations interna-
tionales est de plus en plus grande.
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Il faut donc trouver une solution intermédiaire. En 2003, Shirin
Ebadi a reçu le prix Nobel de la paix pour sa défense des droits de
l’homme en Iran. Musulmane, vivant dans un pays de tradition
musulmane, elle n’en lutte pas moins pour la défense de droits
fondamentaux de la personne. Il y a donc un cœur de valeurs
qui, d’une certaine manière, sont partagées par toutes les cultures
même si ces valeurs s’expriment de manière diférente selon les
cultures. Je plaide donc pour l’idée d’un noyau dur de valeurs
universelles qui s’expriment diversement selon les cultures.