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« Gérard de Nerval » un précurseur du « stade du miroir »

(ou l'irraison de la psychose, au service de la raison du


gouvernement politique, « Le Roi de Bicêtre »)
Jean-Louis Bonnat
Dans Cliniques méditerranéennes 2001/2 (no 64), pages 273 à 284
Éditions Érès
ISSN 0762-7491
ISBN 2-86586-890-7
DOI 10.3917/cm.064.0273
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Cliniques méditerranéennes, 64

Jean-Louis Bonnat

« Gérard de Nerval »
un précurseur du « stade du miroir »
(ou l’irraison de la psychose, au service de
la raison du gouvernement politique,
« Le Roi de Bicêtre »)

Dans un texte des Illuminés 1, « sujet semi-politique du socialisme »,


comme il l’écrit à Émile de Girardin, Gérard de Nerval présente l’aventure
survenue à un jeune avocat, ancien étudiant en droit, Raoul Spifame.
C’est l’histoire, dirons-nous, dans notre jargon, d’un déclenchement de
psychose au cours de circonstances tout à fait particulières et bien repérées
par l’essayiste « clinicien » qu’est Nerval, en cette occasion.
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Or, contrairement à l’idée inquiétante que l’on se fait de la folie : de son
avènement, de ses répercussions, l’auteur des Illuminés nous fait un tableau
d’une folie… douce, apte à nous enseigner. En effet, rien de plus convaincant
que ce récit pour accepter l’idée, chère à Erasme, que la folie est sœur de la
raison, indissociable de l’humanité ; laquelle humanité ne peut se concevoir,
ainsi que le formulait J. Lacan, en 1946, sans elle.
Chemin faisant, Gérard de Nerval apporte à cette narration biogra-
phique la touche d’un commentaire digne d’un aliéniste du XIXe siècle. Avant
E.T. Hoffmann et ses « contes fantastiques », il nous livre, incidemment, peut-
être une des premières études sur la psychose et ses mécanismes de l’aliéna-
tion.

Jean-Louis Bonnat, professeur de psychopathologie, faculté des lettres et sciences humaines, chemin de la
Censive-du-Tertre, BP 81227, 44312 Nantes cedex 3.
1. Textes datés de 1852. Un ensemble de réflexion et de biographies des « pré-curseurs du
Socialisme », qui restera un ouvrage inachevé (Nerval, 1852).
NB : On suivra l’avancée de ce récit au fur et à mesure de l’énoncé des thèmes cliniques que nous
allons décliner, pour garder à notre texte la cohérence de la démonstration.
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Rien ne manque à son commentaire pour se définir comme « étude cli-


nique », si on la recentre un tant soit peu à cette fin : depuis l’adresse qu’il en
fait à l’intention des « Sciences des phénomènes de l’âme », jusque et y com-
pris par la référence à l’idée de l’identification, à son origine double de la
parole et du regard (dont il se sert pour expliquer l’aliénation, stricto sensu) ;
par, enfin, le rapport établi entre le délire et l’équilibre obtenu permettant
l’existence stabilisée, sous contrôle certes, mais pour et dans le respect de
l’originalité de cette folie douce. Au passage, quel n’est pas notre étonnement
de voir que l’expérience du miroir est constante et au centre même des jeux
d’identification aliénants, ainsi que du délire, de ses personnages dont elle
soutient le déploiement.
Ainsi, avant même qu’ait été repéré le « signe du miroir » comme signe
pathognomonique – pour la psychiatrie française 2 – de la psychose déclen-
chée, ou encore virtuelle, nous le rencontrons ici comme venant vérifier l’évi-
dence de la folie.
Nous pouvons, dès lors, situer ce texte, dont on a quelquefois douté de
son attribution possible à l’auteur des Filles du Feu, des Chimères et d’Aurélia,
comme étant un des textes précurseurs du « Stade du miroir » et de son rôle
« formateur de la fonction du « Je » (Lacan, 1949) 3 – ou, du moins, qui en
annonce déjà sa nécessité théorique.
C’est, à ce même titre, un texte qui préfigure la thèse freudienne de
l’identification comme « la forme la plus précoce et la plus originaire du lien
affectif », à l’autre du lien social, par l’emprunt d’« un seul trait » (einziger
Zug) à la « personne-objet » (Freud, 1921, p. 169). « L’identification… comme
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expression première d’un lien affectif à une autre personne » (Freud, 1921,
p. 167) trouve, donc, ici sa vérification ; ce que la folie permet de confirmer
touche à cette « vérité historique » recouverte et attestée par le délire que
l’aliénation est consubstantielle de l’être parlant et de son déploiement dans
les diverses occasions que résume ce qu’on nomme l’histoire du sujet. Enfin,
autre démonstration acquise par ce texte, la « métaphore délirante », dans
une réalisation soutenue par la présence d’un alter ego, complice du fou dans
sa folie, concourt à la stabilisation de sa psychose. Elle est bien cette tentative
d’« auto-guérison » dont Freud a, maintes fois, souligné le bénéfice. Le délire
vient faire pièce pour suppléer à la « forclusion », lacanienne, de cette « méta-

2. Cf. Abely, dès 1927. Et, après lui, Delmas, (1929). Mais on retrouve ce thème chez Maupassant,
chez Musset, chez Van Gogh, etc.
3. Cf. Zazzo. La formule « stade » du Miroir n’a rien à voir avec un moment biographique de la
vie du sujet mais est à concevoir, comme Lacan l’a précisé plus tard (en référence à Kirkegaard
et à ses « stades » de l’Éros), comme une phase de la structure.
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phore du Nom du père » jamais venue à cette place attendue du « redouble-


ment du ternaire symbolique » (Lacan, 1958) 4.
Ce que le récit de Nerval souligne dans son innocence théorique, mais
par la justesse de son repérage clinique, phénoménologique, est donc bien
que la rencontre, ou l’événement décisif pour le déclenchement de la psy-
chose, est cette rencontre d’un père réel ; réel comme l’est alors le symbolique
pour le sujet psychotique, soit, ici : celle d’un « père », en la personne d’un
être illustre, le premier personnage du royaume, le roi lui-même.
Nous suivrons le cours du récit de Gérard de Nerval en le distribuant
selon des thèmes que nous estimons les plus directement liés à l’argument de
Nerval sur cette folie et qui reprennent, dans notre jargon lacanien, le déclen-
chement, puis l’avancée et, enfin, la stabilisation d’une psychose avérée.

LA RENCONTRE D’« UN PÈRE », PERSONNAGE ILLUSTRE


ET RAISONS D’UN DÉCLENCHEMENT

Raoul Spifame, Seigneur des Granges est de famille modeste. Son père
était un « seigneur sans seigneurie », établi en Province. À sa mort il laisse peu de
fortune à ses fils. Raoul – notre héros – part à Paris « étudier les lois et se fit avo-
cat ». Ainsi, le présente Nerval.
Lors de « la rentrée des Chambres du Parlement », une année, le Roi,
Henri II, vint en personne présider cette cérémonie. Raoul Spifame « mêlé à
la tourbe des légistes inférieurs et portant pour toute décoration sa brassière
de docteur en droit », découvre en face de lui, le roi « dans sa robe d’azur
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semée de France ». Ce prince royal est d’une pâleur maladive. « Ses yeux,
fatigués, s’arrêtent alors longuement sur un seul assistant, placé à l’extrémité
de la salle et dont un rayon de soleil illuminait en plein la figure originale ».
C’est donc Spifame qui apparaît, ainsi, comme le portrait idéalisé, magnifié
du roi lui-même 5. « Peu à peu tous les regards se dirigèrent vers le point qui
semblait exciter l’attention du prince » ; le point où se tient Spifame : comme
image sublime admirée, redoublant celle du roi – en sa pâleur – plutôt
défaillante.
Qu’y découvre-t-on ? La similitude des portraits, la présence d’un
double, annonçant au roi, comme tel, le présage de sa mort prochaine, dit le

4. Ces différents aspects, moments et bénéfices de la folie, en évolution, représentent ce que


J. Lacan a appelé l’« échelle du délire » et dont Maleval (1996) a repris et développé l’idée – déjà
présente chez Régis en 1906.
5. À noter : en position d’« image idéale » [i(a)] dans la terminologie du Lacan des années
soixante. Cf. « Le Schéma “R” et la bande définissant, à partir du schéma “L”, le Moi : M.i.m.I »
(Lacan, 1932).
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texte. Dès lors, Raoul Spifame est lui-même un mort, un fantôme ; image
déréelle et symbole de la disparition d’un prince marqué de l’au-delà… pro-
mis à la tombe. « Voici, donc, liés le Moi primordial comme essentiellement
aliéné et le sacrifice primitif comme essentiellement suicidaire : c’est-à-dire la
structure fondamentale de la folie », comme l’évoquait Lacan, dans un texte
de 1946 (Lacan, 1946).
Depuis ce jour on prend Spifame pour support de taquineries et de
moqueries. On l’appelle « Sire ; Votre Majesté… », etc. Raoul s’y croit et com-
mence à faire acte de jugement et appréciations d’autorité : remontrances et
admonestations se succèdent. Notre héros est bientôt suspendu de ses fonc-
tions pour avoir osé critiquer un jugement du Président de la Cour. Lors de
ses plaidoiries il… débloque, sort du sujet de ses propres requêtes ; attaque
les lois du royaume, critique l’autorité royale, etc. On lui interdit l’exercice de
sa fonction. Et, plus tard, sa propre fille et ses frères demandent contre lui
l’« interdiction civile ». Il est appelé à comparaître devant un tribunal. Cette
fois, sa folie devient sévère. La persécution établie, reconnue par lui est à son
comble. Son propre procès avançant il s’entend interpellé et cité : « C’est le
roi ». « Place au roi ! ». « Voici le roi ! » … Sobriquets et moqueries entendues,
ou hallucinations, toujours est-il qu’il va haranguer ses juges, critiquer les
siens qui l’attaquent. Et prendre une posture … royale. Bref ! Il sort de cette
épreuve nouvelle – dit le texte – « écorné du cerveau ». Dès lors, il ne s’ex-
primera plus qu’en termes de sujet royal ; puis cherche dans l’assemblée la
personne de son ancienne identité : celle de Raoul Spifame, son propre
double, réel, détaché de cette autre double, image idéale, le roi Henri II, qu’il
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incarne désormais.
Cette bascule dans la folie irréversible trouve à s’inscrire dans la réfé-
rence au « Miroir » telle que Lacan l’a précisée, lors du « rapport de
D. Lagache », dont il a fait la critique (Lacan, 1960). Le point d’où l’autre
regarde le sujet devient, ainsi, le point d’appel, réel, et de sa jouissance et de
l’image de celle-ci… que le sujet vient ainsi soutenir. Cette localisation de la
jouissance en ce regard de l’autre, et par les insignes de sa gloire qu’il confère
au sujet, permet de nouer par un dé- et redoublement de l’image ce rapport
à l’Autre qui basculait dans l’angoisse et la confusion. Mais l’effet de cette
position, J. Lacan nous le confirme : « On peut dire qu’à s’effacer progressi-
vement jusqu’à une position à 90° de son départ, l’Autre comme miroir en A,
peut amener le sujet S1 à venir occuper, par une rotation presque double (nous
soulignons), la position S2 en I, d’où il n’accédait que virtuellement à l’illu-
sion du vase renversé… ». Or « dans ce parcours l’illusion doit défaillir avec
la quête qu’elle guide : où se constate que des effets de dépersonnalisation,
constatés dans l’analyse […] doivent être considérés moins comme signes de
limite, que comme signes de franchissement ».
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La folie est cette expérience du franchissement de l’écart entre l’image


virtuelle et l’image réelle sous le rapport ici, aux emblèmes de la puissance et
à ses insignes pris à la lettre (I (A)) – (cf. ci-après) – selon les indications du
schéma du miroir du « vase et bouquet renversés ».
Raoul Spifame est interné. On le recommande aux médecins. Et le roi,
qui a eu vent de cette nouvelle affaire, ordonne qu’on traite avec égard son
sosie dont il a gardé la mémoire.
Pendant plus d’un mois la fièvre du délire – ou plutôt des hallucinations
– le tient affaibli. La nuit, surtout : il se voit en royauté, se souvenant d’un cer-
tain Raoul Spifame ; lequel avocat est récompensé par des marques du pouvoir
qu’on lui remet : « insignes royales », « mortier du Président de la Cour », « sceaux
de l’État » ; du moins dans ses rêves.
Autour de ce premier épisode de la folie consommée, Gérard de Nerval
place, incidemment, un commentaire qui fait dresser l’oreille. Tout d’abord,
il se réfère à la connaissance de l’époque : celle du Mesmérisme… pour épin-
gler cette histoire comme relevant de ces « fascinations magnétiques dont la
science se rend mieux compte aujourd’hui ». Mais, cette première référence
ne suffit pas à Nerval ; et il prolonge cette référence d’une explication, qu’il
tire probablement de lui : de sa propre connaissance de l’âme humaine. Ainsi,
est-il amené à nous livrer l’hypothèse de ce qu’on peut bien appeler – avec
Freud – un mécanisme d’identification. Mais qu’il précise, concrètement,
comme relevant du regard et de la parole (celle des pensées). Dès lors, ne
sommes-nous pas en face d’une de ces théories que le sujet forge lui-même
de son propre fonctionnement psychique. On sait que Freud a reconnu ainsi
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chez « Hans » la théorie de la castration ; et dans le délire, la place de la vérité
historique pour le sujet psychotique (Schreber). C’est ici une « théorie » (en
acte, de discours écrit, narratif) que fait Nerval de l’image comme support
d’une transformation psychologique. « Théorie », qui, en tant que telle, nous
a paru digne de figurer comme précurseur du « Stade du Miroir » de
J. Lacan : « Spifame en plongeant son regard dans celui du prince, y puisa
tout à coup la conscience d’une seconde personnalité (nous soulignons). C’est
pourquoi, après s’être assimilé par le regard, il s’identifia au roi dans la pen-
sée et se figura, dès lors, être celui qui, […] était entré par la porte Saint-Denis,
parée de très belles et riches tapisseries avec un tel bruit et tonnerre d’artille-
rie que toutes maisons en tremblaient. »
Identification donc, aux insignes de la gloire !
Sa conclusion : « Voilà une folie, déclare Gérard de Nerval, dont les
ingrédients ne pouvaient être indifférents à cette “science des phénomènes
de l’âme…”, dont les philosophes cherchent la raison “… en raisonnant à
vide sur les causes que Dieu nous cache.” »
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UNE AUTRE ÉPREUVE, CELLE DU MIROIR RÉEL. UNE DIVISION S’ÉTABLIT ;


MISES EN SCÈNE DE DOUBLES

Depuis son internement, Raoul Spifame connaît la « dépression », la


mélancolie d’une folie douce. Mais, par un hasard qui fait bien les choses, son
image rencontrée dans un miroir lui renvoie la présence de ce double royal,
réel, qu’il s’est cru – avec certitude (Bonnat, 1998) – devoir être. « Il crut voir
le roi, tout à coup, venir à lui, et lui parler, compatissant à son sort. » Il s’in-
cline, donc, et « … vit distinctement l’image se relever aussi ; signe certain
(nous soulignons) que le roi l’avait salué ».
Ainsi, redevenu lui-même – si on peut dire ! – et accompagné de ce
double, redevenu l’autre, séparé de lui, et soutenu par ses faveurs ennoblis-
santes, Raoul Spifame, tantôt lui, le jour, tantôt l’autre royal la nuit, va deve-
nir « directeur du sceau royal ».
Il est à nouveau en proie à de fortes fièvres. On craint pour sa vie. Il est
transféré dans une autre cellule, en compagnie d’autres détenus dont l’un
d’eux qui va l’accompagner et contribuer à développer son délire.
Nerval note alors qu’un être humain peut n’être fou que par « un seul
endroit de son cerveau » (chose que Freud soulignera, conforme en cela à
l’observation de la tradition psychiatrique) ; restant, dit-il, « fort sensé quant
au reste de sa logique » (une notation probablement tirée, là aussi de sa
propre réflexion sur lui-même). En effet, Spifame, devant son miroir et dans
son sommeil, changeant de rôle et de personnalité, n’en reste pas moins
conscient de lui-même et de ses changements. Son humeur mélancolique
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incite ses gardiens à renforcer auprès de lui la compagnie d’un autre fou.
Celui-ci, se disait « poète royal ». On trouva plaisant, ou charitable, mais à
tous les coups … thérapeutique, de rapprocher ces deux êtres à la folie voi-
sine, sinon complémentaire, dans le fantasme.
Du coup la folie se stabilise ; l’humeur de Raoul s’en trouve ragaillardie.
Raoul Spifame adopte pleinement son rôle royal ; le joue – ça serait trop dire
– en tout état de cause et adopte son coreligionnaire en folie avec sérénité :
« Au bout de peu de jours les deux fous étaient devenus inséparables. »
Néanmoins, conscient de sa captivité Spifame en conçoit un tord causé,
qui le voit se transformer en persécuté. Un complot le vise. Il lui faut se
défendre. Sa folie devient active. Il lui faut éclairer les autres, ses « sujets »,
sur son sort. Il va recourir à l’écriture. Cet appel à l’écrit, si souvent constaté
par les cliniciens, trouve déjà, ici, sa justification (Maleval, 1994). Spifame,
pour avertir « son peuple de sa captivité », émet des billets, les lance par la
fenêtre de son logis. Ceux-ci se perdent ; ne sont pas suivis des effets atten-
dus… Alors, une idée s’empare du « poète royal », le compagnon de Raoul :
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« Fonder une imprimerie royale » pour soutenir les propos, édits et autres
paroles de son sujet princier.
Ainsi lancé, ce projet va soutenir et le délire et le maintien de l’activité
sociale – et politique – du couple délirant, ainsi que sa productivité esthé-
tique (Ey, 1973). Mais il y a un autre point qu’il nous faut retenir : celui de la
sollicitude des « soignants » de l’époque à l’endroit de cette production déli-
rante. Ces billets, et autres « ordonnances princières » de cette « imprimerie
royale », ont été dûment conservés (du dire de Nerval et de mémoire d’his-
toriens qu’il cite). Ainsi, l’internement de l’époque assura-t-il, déjà, cette
fonction que Lacan recommandera au psychanalyste, qui maintient sa pré-
sence auprès du sujet psychosé, de se faire « le secrétaire de l’aliéné » ; et,
ainsi, de devenir le dépositaire de ses efforts de prélever sur la jouissance une
part de réel supportable.

ÉVASION DE SPIFAME ET ULTIME RENCONTRE


AVEC LE MONDE DE SON DOUBLE ROYAL

Mais des billets et ordonnances ne suffisent pas à changer l’ordre du


monde : la captivité. Les deux compères décident de s’évader. Ils s’y prépa-
rent et réussissent leur évasion. Dès qu’ils se retrouvent dehors, loin de se
dissimuler, ils ressortent leurs écrits et haranguent les passants… non sans
succès. On est étonné d’apprendre, cette fois, que le motif des actions en bel-
ligérance de Raoul Spifame est soutenu par une rivalité avec la femme. Il
veut porter atteinte, cette fois, à celle qu’il jalouse : la duchesse de
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Valentinois, Diane de Poitiers qui se serait éloignée de son royal amant ; en
quelque sorte, infidèle. Il s’agit, cette fois, plus d’honneur que de liberté ou
de puissance. Quoiqu’il en soit les harangues des deux sujets, leur revendi-
cation pour des affaires de simple police intérieure dans la ville de Paris, ren-
contrent un franc succès 6.
On se passe les libelles et autres papiers imprimés. On exalte les deux
héros qui promettent un monde de réformes politiques.
À cette même heure la nouvelle épouse du Dauphin François, Marie
d’Écosse, faisait son entrée (une autre entrée, la seconde de cette histoire !)
dans la ville de Paris. Et le roi Henri II, le vrai, est aussi du cortège. Ses officiers
lui apportent la nouvelle qu’on acclame dans la cité un nouveau « roi ». Henri
II se porte à la rencontre de celui-ci prêt à l’affronter. Et il se trouve, une
seconde fois, face à son sosie. Mais, cette fois, la conséquence est toute autre :

6. Qu’on se souvienne de la thèse de Lacan et de ses commentaires sur l’œuvre du crime para-
noïaque, de ses idées délirantes et de leur audience auprès d’un large public (Lacan, 1932).
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280 CLINIQUES MÉDITERRANÉENNES 64

« L’impression que produisit sur le pauvre fou l’aspect de Henri lui-même lors-
qu’il fut amené devant lui, fut si forte qu’il retomba aussitôt dans une de ses
fièvres les plus furieuses, pendant laquelle il confondait comme autrefois et ne
pouvait s’y reconnaître quoiqu’il fit, ses deux existences de Henri et Spifame. »
La confusion, donc, des deux existences mêlées se réinstalle. La stabilité
acquise est interrompue par cette nouvelle rencontre avec le roi véritable. Le
déclenchement se répète. Les effets, passés, du délire et des connivences
acquises laissent place à nouveau à l’angoisse envahissante, propice à la solu-
tion possible d’un passage à l’acte.

ÉCRITURE ET NOUVELLE – ET DERNIÈRE – STABILISATION

Cette fois encore, la protection royale va jouer en faveur de Raoul


Spifame. On lui redonne la compagnie de son féal, dévoué, le « poète royal ».
On l’installe dans un des châteaux de plaisance de Henri II. Et le roi ordonne
qu’on garde et conserve tous les écrits de ces deux personnages. Ses réformes
préconisées – au dire de Nerval – seront, pour un certain nombre, réalisées
au cours des mois et années qui suivront ces épisodes.
Ainsi, Nerval voit en Raoul Spifame un des « illuminés » réformateurs
du gouvernement de la cité, dont l’irraison de sa folie comporte assez de
sagesse, dans sa logique, pour apporter à la raison la contribution de correc-
tifs précieux pour la vie communautaire.
La folie se voit attribuée, par Gérard de Nerval, de cette façon, l’estime
qu’il pense être la plus justifiée à ses yeux : celle de rester non seulement
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humaine mais – qui plus est – un guide en matière de gouvernance du
monde de ses semblables.
En somme, cette folie, fut-ce au prix de ses chimères, pas toutes
agréables, et même dérangeantes, pour lui, vient se ranger à côté des traités
et arguments touchant à la citoyenneté et à ses droits (Hobbes, 1651), dont la
politique a élaboré, depuis Montaigne, et Montesquieu, codes et règles de
justice et de droits en matière de jouissance. Pour une telle contribution ne
fallait-il pas payer le prix de l’errance, mentalement ? Cela, pour devenir un
peu plus humain… dans le monde in-humain ?
Gérard de Nerval, on le sait, à quelque temps de là, sombrera dans une
« chimère semblable ». La correspondance avec A. Dumas, et les échos que ce
dernier en répandra au sujet de Nerval, contribuant à éclairer cet intérêt pour
l’histoire de Spifame. Cet essai sur cette « folie du XVIe siècle » préfigure un
nouveau déclenchement de sa propre psychose 7.

7. Cf. Nerval (1853), et la note qui se rapporte à la Suzeraineté de A. Dumas (cf. Les Correspon-
dances).
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CONCLUSION : DU STYLE DE LA FOLIE

Nous arrêtons ici le commentaire qui nous fait attribuer à l’auteur des
Illuminés une science qui est, déjà, plus que celle des aliénistes de son temps,
à propos de la folie et de ses mécanismes d’aliénation.
Nerval en avait connu les effets, d’expérience (entre 1841 et 1842 et plus
récemment en 1851). Il saura en subir à nouveau l’emprise et sera interné chez
le docteur E. Blanche. Entre ces deux épisodes se situe, donc, cet essai sur les
Illuminés et toute cette littérature, qu’enfant, il a lue dans la bibliothèque de
son oncle, à Mortefontaine, dans le Vallois.
De cette « littérature indigeste », pour son entendement d’enfant, il a su
tirer le commentaire qu’il situe en hommage à « Éloge de la folie » d’Erasme.
Il y présente ces « précurseurs du socialisme » dans la double ironie 8, celle
de la métaphore délirante et celle de l’impertinence à l’égard du pouvoir
politique, laquelle se veut réformatrice de la société dans la gestion du droit
des citoyens et la gourvernance du réel et de ses jouissances.
C’est là une preuve de plus que l’artiste sait devancer, comme l’a évoqué
J. Lacan (dans son « hommage à Marguerite Duras ») le psychanalyste, voire
le clinicien aliéniste du XIXe siècle, déjà.
C’est, aussi bien, la démonstration de ce pouvoir qu’apporte le « créateur
littéraire », quand il sait répondre de cette position que V. Segalen, dans sa
thèse de médecine, de 1906, nommait être celle des « cliniciens es lettres ».
Clinicien ! C’est une tâche noble et combien difficile ! Et « clinicien es lettres »
– ce que Lacan souhaitait au clinicien : d’être lettré – requiert un supplément
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d’âme, qu’on attribuera ici au style et à sa rhétorique ; dont un Nerval est
l’illustration exemplaire.
Le style, ici, dans les Illuminés est non seulement la marque de la folie,
mais surtout son mode de défense avérée (cf. les « idées insupportables »,
dont Freud fait la raison du délire), mode le plus spécifique qui soit contre la
jouissance dont le réel surgit de la langue même qui le suscite.
Si parler est jouir (J. Lacan), parler, écrire, sont nos modes de défense,
contre la pulsion, les plus sûrs (mais pas certains !) : contre la jouissance qui
en est la traduction, ainsi que le précisait J.A. Miller ; soit, ce qui revient à
chacun : « tous égaux dans la condition humaine » de « l’existence du par-
lêtre » (Miller, 1999) : Modes et modalités du pathologique, alors, caractéri-
sent cette nécessité.

8. Cf. Miller (1992) où se démontre que l’ironie de la psychose vaut pour finalité et adresse de
s’intéresser au discours-maître de la « politique » au sens fort et génial du terme.
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282 CLINIQUES MÉDITERRANÉENNES 64

Ici, puisque nous invoquons le style de Nerval, sa rhétorique particulière


et si émouvante, ses idées bien à lui, rappelons, alors, le début d’Aurélia (cha-
pitres II et III) au cours duquel il décrit une suite d’« idées fixes », qui sont
comme les « phénomènes élémentaires » (cf. la clinique psychiatrique) qui
prennent la suite d’un nouveau déclenchement de sa psychose (le premier
date de 1841).
Ces idées sont celle de sa mort prochaine, à une heure annoncée ; celle
de la présence de la femme aimée et perdue dans une étoile, celle de cette
étoile qui doit le guider et le fait se mettre en route sans savoir où il va
(Nerval, 1854). Ainsi, de l’idée délirante (« idée fixe ») au délire, les points de
certitude se confirment et opèrent ce cadrage du réel que le récit d’Aurélia va
consolider jusqu’à l’illusion, certaine, de retrouvailles avec l’« Autre fémi-
nin » (« Elle m’a visité »).
Le témoignage de ce martyr de la jouissance, qu’est le psychotique, nous
touche tant par son récit, par son accent de simplicité que par la fragilité
enfantine dont est marqué ce récit ; révélation authentique de la présence du
sujet autant parlé, que parlant. Nous y reconnaissons : « Cet accent de sin-
gularité dont il nous faut savoir entendre la résonance dans un mot pour
détecter le délire, cette transfiguration du terme dans l’intention ineffable, ce
figement de l’idée dans le sémantème (qui précisément ici tend à se dégrader
en signe), ces hybrides du vocabulaire, ce cancer verbal en néologisme, cet
engluement de la syntaxe, cette duplicité de l’énonciation, mais aussi cette
cohérence qui équivaut à une logique, cette caractéristique qui, de l’unité
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d’un style aux stéréotypies, marque chaque forme de délire, c’est tout cela
par quoi l’aliéné, par la parole ou par la plume, se communique à nous. C’est
là où doivent se révéler à nous ces structures de sa connaissance, dont il est
singulier, mais non pas sans doute de pur accident, que ce soient justement
des mécanistes, un Clérambault, un Guiraud, qui les aient le mieux dessi-
nées » (Lacan, 1946).
Nerval nous touche par son accent de sincérité, autant que par la
connaissance qu’il transmet humblement, simplement sans faire de discours
savant ou, plus nettement dit, de discours universitaire… Il ne pérore pas sur
l’âme humaine. Il témoigne. Et il sait, cependant rendre compte de l’étrange-
ment humain, en étant ce simple témoin.
Cela devait être signalé. C’est la tâche que nous nous sommes assignée
dans la charge d’avoir à transmettre et communiquer les références de ce
texte et son intérêt un peu oublié, pour les chercheurs de la « clinique » et les
« sciences humaines » en général.
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« GÉRARD DE NERVAL » UN PRÉCURSEUR DU « STADE DU MIROIR » 283

BIBLIOGRAPHIE

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Psychose ordinaire, Paris, IRMA, Agalma, éditeur.
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NERVAL, G. de. 1966. « Aurélia » [1854], dans Œuvres, t. 1, Pléiade NRF, Gallimard.
NERVAL, G. de. 1966. « Correspondances » [1853], dans Œuvres, t. 1, Pléiade NRF,
Gallimard.
ZAZZO, R. 1962-1968. Conduites et conscience, Paris Neufchâtel.
ZAZZO, R. 1979. L’Attachement, Neufchâtel.

Résumé
On met en évidence, ici, à propos d’un texte des Illuminés, de G. de Nerval, comment
la rencontre avec un personnage illustre déstabilise un sujet ; l’entraîne dans une alié-
nation que l’auteur spécifie : par suite d’une identification « par le regard et par la
parole » (texte on ne peut plus de « clinique es lettres » !).
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C’est là les avatars racontés d’un étudiant rencontrant « un-père réel » (J. Lacan) lors
d’un moment de grande solennité. Or, ce qui est le génie de ce texte est de montrer
que, non seulement l’aliénation peut trouver à se stabiliser (dans une réalisation de
pseudo-lien social, imaginaire) mais, de plus, que la folie – selon l’idée d’Érasme –
peut encore servir et éclairer le gouvernement des citoyens. Folie, mais « folie raison-
nante » (et donc « partielle », comme on disait au XIXe) et surtout… folie salutaire à
l’humanisation de l’humanité elle-même (cf. J. Lacan).

Mots clés
Déclenchement, folie et « délire avec fièvre », suppléance imaginaire et stabilisation de et dans
la psychose, forclusion, identification, narcissisme, moi-idéal, idéal du Moi-Insignes, toute-
puissance de la mégalomanie.

« GERARD DE NERVAL » : A PRECURSOR OF THE « SPECULAR STAGER »

Summary
Here the author uses a text, The Illuminati, from by the 19th century Romantic poet
Gérard de Nerval, to highlight how meeting a famous person unsettles a subject, dra-
wing him or her into an alienation explained by the author as following from an iden-
tification « by looking and speaking » (a fine example of literary-clinical language !).
Here we see the avatars recounted by a student encountering a « real father »
(J. Lacan) at a moment of great solemnity. Now, the genius of this text is in the way it
shows not only that alienation can manage to stabilise itself (in a realisation of the
social and imaginary psuedo-link) but, further, that madness – according to
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Erasmus’s idea – can still serve to enlighten the government of citizens. Madness, but
« reasoning madness » (and thus « partial », as they used to say in the 19th century)
and, above all, madness that is salutary to the humanisation of humanity itself (see
J. Lacan).

Key words
Triggering. Madness and « feverous delirium », imaginary substitution and stabilisation of
and in psychosis, preclusion, identification, narcissism, ideal ego, ideal of the ego-insignia,
omnipotence of megalomania.

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