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Lacan et les états-limites

Jean-Pierre Lebrun
Dans Connexions 2012/1 (n° 97), pages 77 à 92
Éditions Érès
ISSN 0337-3126
ISBN 9782749232089
DOI 10.3917/cnx.097.0077
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Jean-Pierre Lebrun
Lacan et les états-limites 1

Annoncer un tel titre, c’est oser d’emblée le paradoxe, voire sou-


tenir la provocation puisqu’il est bien connu que Lacan ne cautionnait
nullement ce concept d’« état-limite ». Il s’y est opposé par exigence de
ne pas céder sur le fait d’avoir à répondre de la structure, névrotique,
psychotique ou perverse. Ou même simplement de ne pas céder sur le
fait d’avoir à choisir entre névrose ou psychose puisque la perversion est
aujourd’hui souvent laissée de côté comme on peut le lire, par exemple,
chez Jacques-Alain Miller 2.
Personnellement, je me suis très tôt trouvé d’emblée dans l’embarras
par rapport à cette question ; des raisons qui me sont propres ont fait
que j’ai été très sensible à la question du social, pas seulement dans une
histoire singulière, mais comme question pouvant intervenir dans le trajet
d’un chacun, bref pour le dire comme Lacan, j’étais très sensible à ce que
l’analyste puisse rejoindre à son horizon la subjectivité de son époque 3.
Et la phénoménologie clinique décrite sous le terme d’états-limites dans
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les années 1970 me semblait eu égard à cette question déjà très perti-
nente. Ce qui était décrit sous une telle appellation me semblait en effet
en lien avec le social ainsi d’ailleurs que le disaient les textes de Bergeret,
hypothèse que Marie-Jean Sauret a encore confirmé récemment 4.

1. Texte écrit à partir d’une intervention faite à Bordeaux en novembre 2010 à l’invitation
d’Isabelle Morin.
2. « Nous avions aussi la perversion, mais elle ne pesait pas de la même façon dans la balance,
essentiellement pour la raison que les vrais pervers ne s’analysent pas vraiment et que donc,
ceux que vous rencontrez en analyse, sont des sujets présentant des traits pervers. La perversion
est un terme contestable qui a été mis en déroute par le mouvement gay. Cette catégorie tend
à être abandonnée. », J.-A. Miller, « Effet retour sur la psychose ordinaire », Quarto n° 94-95,
janvier 2009, p. 41.
3. J. Lacan, Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 321.
4. « En effet, quoi que nous pensions de la catégorie d’états limites, celle-ci a été promue préci-
sément par des auteurs (Otto Kernberg) devant l’arrivée de nouveaux analysants qui mettaient la
cure en échec – ce que des sociologues ont aussitôt corrélé à l’organisation sociale néolibérale
Jean-Pierre Lebrun, psychiatre et psychanalyste, agrégé de l’enseignement supérieur de l’uni-
versité catholique de Louvain ; jp.lebrun@wol.be
CONNEXIONS 97/2012-1
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Je me suis donc retrouvé entre deux chaises, pris entre la pertinence


de cette phénoménologie qui me semblait très à propos et l’affirmation
péremptoire soutenue dans ma propre famille analytique (lacanienne
s’entend) qu’une telle appellation ne convenait pas, qu’il fallait en revan-
che se pencher sur la structure (ce qui me paraissait d’ailleurs tout à fait
pertinent). Je me suis donc retrouvé divisé, à essayer de voir comment
on pouvait répondre à cette question autrement qu’en la faisant taire sous
le dogme. J’étais plutôt déjà habitué à une telle position inconfortable :
quand j’avais écrit en 1993 mon premier ouvrage, intitulé De la maladie
médicale, des possibles contributions de la psychanalyse à la médecine,
plusieurs de mes collègues psychanalystes de l’époque ne s’intéressaient
pas du tout à la médecine ; c’était plutôt un endroit de perdition pour la
pureté analytique (c’est dans cet ouvrage que j’ai « profité » du schéma
de la sexuation de Lacan qui m’a permis par la suite d’écrire Un monde
sans limite, où j’abordais précisément pour la première fois la lecture
du social actuel). Je me suis donc d’abord retrouvé face à un désintérêt
analogue, voire à un discrédit, jusqu’au sein de ma propre association (à
l’époque l’Association freudienne internationale, aujourd’hui Associa-
tion lacanienne internationale) quand j’ai proposé de tenter d’entendre
ce qui cherchait à se dire derrière ce concept d’état-limite, quand j’ai
demandé qu’on s’intéresse à cette problématique.
J’ai été d’abord énergiquement pris à partie ; on a été jusqu’à me
dire que les « états-limites » avaient été construits pour faire objection à
l’enseignement de Lacan ! Mais il se fait que, comme à l’époque, j’exer-
çais la fonction de président de l’association, mon côté un peu obstiné
a fini par être payant et mes collègues ont accepté de se pencher un peu
plus sérieusement sur la question ; ceci a d’ailleurs donné lieu à un col-
loque organisé à Namur intitulé « États-limites ou états sans limite ? »
Les actes de ce colloque existent 5, et on peut y lire des positions très
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contrastées. Tout ceci pour dire que cette question a provoqué dans le
monde lacanien une réticence conséquente simplement sans doute parce
que cela venait ébranler une théorisation en place, et on aurait préféré
pouvoir clore le questionnement à ce sujet, ce qui n’est pas sans poser
une vraie question éthique au psychanalyste ! Freud ne nous enseigne-
t-il pas en effet qu’il faut prendre tout qui arrive comme une possible
contestation de l’ensemble de la théorie qu’on a ? (le danger alors, cer-
tes, c’est évidemment d’en arriver à dire n’importe quoi).
Il y a eu ensuite la parution, en 1997, d’Un monde sans limite et
le silence relatif de mon association concernant cet ouvrage. Quel-
ques années plus tard, en 2001, j’ai entendu Charles Melman parler de
(Christophe Lasch) tandis que, en France, des psychanalystes plus proches de l’IPA en faisaient
leurs choux gras (Bergeret, mais aussi Green). Les lacaniens se sont plutôt mobilisés contre
cette dernière néocatégorie clinique, en effet problématique du point de vue de la conception de
la structure et de la direction de la cure, plutôt que sur le réel dont cette apparition pouvait être
le signe », dans « Du sujet de nouveau en question. Réponses d’E. Porge et M.-J. Sauret aux
questions de N. Guérin », Psychanalyse n° 16, septembre 2009.
5. « États-limites ou états sans limite ? », Le bulletin freudien n° 29, 1997.
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nouvelle économie psychique et j’ai bondi dans le train en marche, me


disant qu’un lacanien incontestable – même s’il est souvent contesté –
comme lui pourrait m’aider dans ma tentative d’articuler « état-limite »
et structure, mais aussi psychique et social. J’ai donc été le rencontrer en
lui proposant de répondre à un certain nombre de questions et éventuel-
lement d’envisager un livre. Il a répondu tout de suite par l’affirmative et
les entretiens que nous avons eus à ce propos ont donné L’homme sans
gravité 6, qui a eu le succès éditorial que l’on sait.
J’ai eu personnellement, par rapport à la publication de cet ouvrage,
quelques difficultés : c’est souvent à moi plutôt qu’à Melman qu’ont été
adressées les critiques 7 qu’on lui a faites et certains ont même cru – ou
voulu croire – que je partageais l’entièreté des points de vue de Mel-
man, alors qu’à plusieurs reprises au cours des entretiens, je l’interroge
sur les surprises que ses propos provoquent chez moi, voire énonce les
désaccords que j’ai avec lui sur certains points ; je vais y revenir, mais
je veux dire d’emblée que je lui garde une profonde reconnaissance et
estime car c’est quelqu’un qui se laisse interpeller par la clinique et,
alors qu’il est aussi quelqu’un qui s’est fait gardien de l’orthodoxie
lacanienne, il a toujours laissé la conceptualisation être bouleversée par
l’expérience clinique. Il va toujours commencer par s’interroger devant
un fait clinique.
L’enjeu de ce parcours est donc pour moi le suivant : le social a-t-il
une influence sur la construction du sujet ? (Je parle ici du sujet au sens
général et pas spécifiquement du sujet de l’inconscient.) Ce que certains
ont appelé le « déclin du Nom-du-père » a-t-il des conséquences sur la
construction du sujet et ce déclin aurait-il engendré une forclusion qui
entraînerait les sujets vers la psychose ou aurions-nous plutôt désormais
affaire à une névrose différente, ou à une nouvelle perversion, voire à
ce qui serait alors une quatrième structure ? Quelle est la spécificité des
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sujets ainsi produits et quelle est l’articulation avec ce qui se passe dans
le champ social, si tant est qu’il y en ait une ? Voilà la question, qui me
place immédiatement en opposition avec ceux qui disent avoir déjà la
réponse, en soutenant qu’il n’y a pas de problèmes. L’exemple le plus
saisissant en étant donné par Jacques-Alain Miller lorsqu’il supprime,
dans le commentaire donné par Lacan de « L’homme aux loups », l’ex-
pression « cas borderline » ! Cela montre bien qu’il refuse de se poser
cette question (je signale que l’homme aux loups chez les postfreudiens
comme André Green devient en revanche le type même de la patholo-
gie d’aujourd’hui). C’est quand même un peu rapide de balayer ainsi la
question.

6. C. Melman, L’homme sans gravité, jouir à tout prix, entretiens avec J.-P. Lebrun, Paris,
Denoël, 2002, paru depuis en Folio essais, n° 453.
7. Cf. par exemple P.-H. Castel, « Y a-t-il une “nouvelle économie” du psychisme et de la
sexualité ? », Comprendre n° 6, 2005, p. 213-231. Mais aussi A. Ehrenberg, La société du
malaise, Paris, Odile Jacob, 2010, plus particulièrement les p. 221-256.
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Si je fais ici ce récit et parle ainsi de mon histoire personnelle, c’est


parce que je me heurte sans cesse à une sorte de clôture de la théorie
analytique pour ne pas donner prise à cette question sous le prétexte
– peut-être justifié d’ailleurs – que cela risquerait de faire déraper la
théorie analytique ou en tout cas de lui enlever sa spécificité et de la
faire devenir une théorie psychosociologique (comme me le reprochent
Franck Chaumon ou Erik Porge 8).
Mon propre questionnement s’est entre-temps aussi enrichi de la
rencontre avec le travail de Jacqueline Godfrind, membre de l’IPA, qui,
dans son premier livre, Les deux courants du transfert 9, montre que
tout le champ de la névrose ne touche que la question du courant habi-
tuel, névrotique du transfert. Mais qu’il existe une autre dimension du
transfert, ce qu’elle appelle le transfert de base, qu’elle cherche à iden-
tifier comme elle le peut et dont elle dit qu’il lui permet précisément de
travailler avec les « états-limites ».
Tout ceci m’a beaucoup intéressé. Je ne vais pas développer davan-
tage, mais je précise que, depuis 1993, le phénomène d’une modification
de la clinique ne cesse de s’amplifier. Les psys changent, le discours
change. Aujourd’hui, tous les jeunes psys ont aussi un engagement dans
une institution (crèche, hôpital, CMPP, etc.) et voient d’autres symptômes
cliniques, qui n’entrent plus dans les cases que nous connaissions. Est-ce
que le transfert se met encore en place de la même façon ? J’ai com-
mencé dans une ville de province belge (devenue depuis capitale de la
partie francophone du pays), à Namur, en 1975 et rien n’allait de soi, les
gens étaient très loin de toute préoccupation psychanalytique. J’ai donc
depuis longtemps été placé devant des gens qui n’étaient pas en phase
avec les références analytiques, chose qui, de par le contact quotidien
avec des institutions de plus en plus variées, est le lot d’un nombre de
plus en plus croissant d’analystes. À cet égard, je crois que la dimension
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du transfert – le Sujet supposé Savoir – va demander désormais un tra-
vail préliminaire important pour pouvoir s’aborder aujourd’hui chez bon
nombre de gens. À ce jour, l’analyste est beaucoup plus sollicité comme
Sujet supposé Pouvoir. Passer de là au Sujet supposé Savoir, c’est tout
un chemin, et comment intervenir pour que le sujet redonne de la place à
quelque chose qu’il a sans doute toujours à disposition, mais dont il n’est
pas impossible qu’il en ait, à son insu, désactivé les mécanismes ?
C’est une difficulté clinique actuelle, qui va de pair avec la question
de savoir si la psychanalyse doit s’en soucier ou non. Certains disent
que non, que ceci est du ressort de la psychothérapie. Je comprends
leur position, mais il faut alors qu’ils m’expliquent au nom de quoi la
psychanalyse se débarrasserait ainsi d’un problème lié au grand Autre, à

8. F. Chaumon, « Sujet de l’inconscient, subjectivité politique », Essaim n° 22, printemps 2009 ;


E. Porge, « Un sujet sans subjectivité », Essaim n° 22, printemps 2009. Voir aussi S. Aouillé,
P. Bruno, F. Chaumon, G. Lérès, M. Plon et E. Porge, Manifeste pour la psychanalyse, Paris,
Éditions La Fabrique, septembre 2010.
9. J. Godfrind, Les deux courants du transfert, Paris, PUF, 1993.
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la scène du langage, qu’on n’a pu forcément rencontrer qu’au travers de


petits autres, habituellement les parents. D’où peut-être le fait que mon
questionnement trouve beaucoup plus d’échos chez des psychanalystes
d’enfants que chez ceux qui s’occupent exclusivement d’adultes, sans
doute parce qu’ils ont l’habitude d’être pris en tenaille entre une néces-
sité de soutenir l’émergence du désir et une autre exigence, souvent
perçue comme contradictoire, celle de l’éducation. Ils se débarrassent de
ce fait moins vite de la question de la normalisation, de la normativité,
que le psychanalyste pour adultes qui estime, quant à lui, que tout ce
trajet a déjà eu lieu et qu’il s’agit de travailler avec le sujet ainsi déjà
constitué.
Pourquoi alors ai-je parlé de « perversion ordinaire 10 » ? Est-ce une
quatrième structure ou pas ? Cette question de l’influence du social sur
les processus de subjectivation a déjà été prise en compte par des analys-
tes à travers une série de concepts : états-limites ou borderlines, désor-
dres narcissiques, personnalités comme si, faux self de Winnicott, les
prégénitaux de Bouvet, l’hystérie grave, l’hystérie pseudo paranoïaque,
la psychose ordinaire. Quand j’ai choisi le terme de perversion ordi-
naire, c’est en réaction à celui de psychose ordinaire qui est le concept
utilisé par les collègues de l’École de la Cause. Selon moi, il y a en
effet un danger important, qui s’est vu confirmer par la suite – au début
d’ailleurs, ils parlaient de psychose non déclenchée, concept avec lequel
je pouvais davantage être d’accord –, c’est celui d’étendre ce concept
à tout ce qui n’est pas la névrose et donc d’en diluer l’intérêt. « Quand
c’est de la névrose, vous devez le savoir ! […] La névrose est une struc-
ture très précise. Si vous ne reconnaissez pas la structure très précise
de la névrose du patient, vous pouvez parier ou vous devez essayer de
parier que c’est une psychose dissimulée, une psychose voilée […] Vous
dites psychose ordinaire quand vous ne connaissez pas de signe évident
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de névrose 11. » Cela devient alors un nouveau fourre-tout, et je ne vois
pas en quoi l’appeler psychose ordinaire plutôt qu’état-limite change
quelque chose à l’affaire !
Faire cela, c’est renoncer à l’exigence de structure soutenue par
Lacan, et qui ne signifie nullement qu’il faille, cette structure, l’iden-
tifier dans un diagnostic préalable. Donc, ces cas qu’on ne sait pas
situer changent la donne, et nous invitent à une très grande prudence,
puisqu’on ne sait pas bien comment on va pouvoir travailler avec ce type
de patient. Deuxième raison pour laquelle je n’étais pas en accord avec
cette appellation de psychose ordinaire : cela généralise dans le social
l’étiquette de psychose dont on ne perçoit pas qu’il reste extrêmement
lourd à porter. Enfin, troisième raison pour laquelle je m’opposais et
m’oppose toujours à l’emploi de ce diagnostic : outre le fait que j’ai
constaté que tout le monde devenait psychotique ordinaire, cela élude,
précisément, la question de l’impact du social, puisque, comme nous le
10. J.-P. Lebrun, La perversion ordinaire, vivre ensemble sans autrui, Paris, Denoël, 2007.
11. J.-A. Miller, « Effet retour sur la psychose ordinaire », op. cit., p. 42.
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savons, le social influe certes sur le contenu de la psychose, mais ne la


détermine pas pour autant. Un tel diagnostic balayait dès lors la néces-
sité de prendre en compte l’impact du social sur la construction du sujet
contemporain 12.
Mais, pourquoi, en revanche, parler de « perversion » ? Il y a plu-
sieurs sortes de perversion : la structure du même nom d’abord, son trait
privilégié étant l’instrumentation de l’autre, ultime tentative pour ne pas
sombrer dans la psychose en tentant d’avoir la maîtrise sur l’Autre ; là
où le sujet dispose habituellement de la signification phallique pour se
protéger de l’assujettissement à l’Autre, le sujet pervers n’a à sa disposi-
tion que le fait de renverser le pouvoir que l’Autre a sur lui. C’est donc
alors une position défensive que Joyce Mac Dougall a très bien décrite
dans les cas qu’elle a ramenés dans ses livres 13. Mais ce n’est pas de
cette perversion-là dont il s’agit quand je parle de perversion ordinaire.
On pourrait dire que c’est la perversion au sens ordinaire du mot ;
autrement dit, pas du tout au sens de la structure perverse, mais au sens
que le dictionnaire donne au mot perversion : acte de pervertir, c’est-
à-dire de détourner quelque chose de son but, de sa fin ou de son sens.
C’est très intéressant de suivre cette lecture banale parce que, du coup,
nous pouvons discerner deux perversions : l’une, active (c’est vous qui
pervertissez) l’autre passive (vous pouvez être perverti, subir un perver-
tissement). On pourra, par exemple, poser la question : est ce que le néo-
libéralisme ne pervertit pas le fonctionnement psychique 14 ? Je pense
qu’on peut parler de perversion ordinaire au sens d’un pervertissement.
Il y a aussi une autre perversion bien connue, et ce n’est pas celle-là
non plus que je désigne par perversion ordinaire, c’est la perversion
polymorphe de l’enfant. Le propre de ce que j’appelle perversion ordi-
naire, ce serait alors plutôt la maintenance de la perversion polymorphe
de l’enfant qui, devant les conditions exigées par le renoncement aux
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pulsions, fait que le sujet récuse cette exigence. Il dit « Non ». Il a la
possibilité de réfuter cette exigence, et ce n’est donc pas identique à la

12. Pour être honnête, j’ajouterai que j’ai, depuis, entendu des nuances de la part de collègues
de l’École de la Cause concernant la radicalité de ce propos : ainsi Pierre Malengreau d’avan-
cer : « Cette expression, au dire même de son inventeur qui est Jacques-Alain Miller, n’a pas la
prétention d’offrir une classe clinique de plus. Elle désigne un principe méthodologique, voire
épistémique. Cette expression a d’abord pour visée de suspendre le diagnostic. Elle intéresse
notre savoir sur la clinique, mais il n’est pas sûr qu’elle existe objectivement. […] Parler de
psychose n’est pas anodin. Le terme est discutable. Il fait référence à tout ce qui dans notre cli-
nique se situe à l’envers de la référence au père, à l’envers d’une psychanalyse conçue comme
élaboration de savoir. L’expression psychose ordinaire invite le clinicien à chercher dans les
détails du cas ce qui fait sa particularité hors toute catégorie clinique. Elle accentue l’attention
du clinicien pour les solutions symptomatiques propre à chacun. » Intervention à la journée de
Brest du 10 octobre 2010, inédit.
13. J. Mac Dougall, Plaidoyer pour une certaine anormalité, Paris, Gallimard, 1978.
14. Je renvoie pour étayer le lien du néolibéralisme et de la nouvelle économie psychique
à la parution sur le site de l’ALI de mon article Au-delà de s’opposer, résister ! À propos du
néolibéralisme, texte réécrit d’une intervention faite au 3e Congrès européen, Travail social et
psychanalyse, travail social : actes de résistance ?, Montpellier, octobre 2010.
Lacan et les états-limites 83

perversion polymorphe de l’enfant qui, elle, se retrouve au cœur de la


vie de l’enfant jusqu’au moment de la subjectivation. A contrario, dans
la perversion ordinaire, l’enfant « profite » de la possibilité qui lui est
donnée de récuser ce qui devrait réorganiser sa perversion polymorphe
infantile, à savoir précisément la hiérarchisation phallique. Entendons-
nous bien : s’il la récuse, c’est qu’il la connaît, et donc, ceci exclut d’em-
blée la psychose ; c’est donc une position très particulière, puisque cela
va avoir des effets parfois analogues à ceux que produit la psychose, cela
va se présenter comme celui qui n’a pas à disposition la signification
phallique, puisque, du fait de sa récusation, il en aura comme désactivé
les tenants et aboutissants.
Évidemment, un sujet qui a mis en œuvre cette possibilité ne va pas
se trouver dans la même position à l’égard du Sujet supposé Savoir, il va
plutôt être dans la position de disqualifier le savoir supposé de l’autre.
Du coup, l’autre va sans cesse le déranger, l’intruser, l’embarrasser, et
le sujet va vivre l’autre comme celui qui veut l’assujettir, le manipuler,
le contraindre d’abdiquer de la position qu’il occupe.
Je reviens dès lors à ma question : y aurait-il là une quatrième
structure ? Quand j’ai parlé dans mon livre de perversion ordinaire, j’ai
parlé aussi de sujet des limbes, donc d’un sujet pas vraiment sujet ou de
mèreversion ; c’est l’occasion en effet de rappeler que, si l’enfant doit se
tourner vers le père, ce n’est pas parce que papa est mieux que maman,
mais simplement parce que c’est ce qu’implique le travail de symboli-
sation ou d’humanisation.
J’ai alors rédigé un article où j’ai parlé d’une économie de l’arrière-
pays 15 – partiellement repris dans la préface à l’édition de poche-érès
d’Un monde sans limite – d’abord pour m’opposer à l’idée qu’il pourrait
y avoir une maturation spontanée dans le passage de la perversion poly-
morphe infantile à la structure de la névrose. Je pense en effet que c’est
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l’introduction de la primauté donnée au symbolique qui organise cette
évolution ; c’est la réussite du nouage Réel-Imaginaire-Symbolique dont
il s’agit et il ne peut être question de laisser croire à une transformation
spontanée comme le laissait, par exemple, entendre la théorie des stades.
C’est pour éviter l’idée de maturation que j’ai utilisé le terme d’arrière-
pays en hommage évidemment au superbe livre 16 d’Yves Bonnefoy.
Il faut relire le texte de Freud « Sur la sexualité féminine » (1931)
pour saisir l’enjeu de ce débat. Jusque-là, Freud avait dit que la fille était
pour la mère comme le fils pour le père, et ce sont les femmes psychana-
lystes de son entourage qui l’ont poussé à revoir sa théorie à ce propos,
et à avancer que le fils et la fille sont tous les deux d’abord en lien à la
mère. Ce changement de perspective est très intéressant car Freud ajoute
que beaucoup de filles ont du mal à passer au lien au père et qu’elles

15. J.-P. Lebrun, « Une économie de l’arrière-pays », Che Vuoi ? n° 29, « L’erre de la jouis-
sance », 2008, p. 121-134.
16. Y. Bonnefoy, L’arrière-pays, Paris, Champ Flammarion, 1972.
84 Jean-Pierre Lebrun

restent plutôt attachées à leur mère 17. Il peut – je suppose – introduire


cette distinction entre les filles et les garçons, parce que le patriarcat
étant toujours encore à son époque prépondérant, ce dernier donnait une
solution d’identification facile pour le garçon tandis qu’il laissait la fille
d’emblée davantage en difficulté de trouver sa voie, puisqu’elle devait
changer et d’objet et d’interlocuteur ; ceci fit écrire à Freud la formule
restée célèbre : « La pénétration dans la période de pré-œdipe de la petite
fille nous surprend comme, dans un autre domaine, la découverte de la
civilisation minoé-mycénienne derrière celle des Grecs. Tout ce qui tou-
che au domaine de ce premier lien à la mère m’a paru si difficile à saisir
analytiquement, si blanchi par les ans, vague, à peine capable de revivre,
comme soumis à un refoulement particulièrement inexorable 18. »
L’impact du social s’étant aujourd’hui considérablement modifié, il
me semble que nous pouvons avoir davantage accès à cette économie de
l’arrière-pays, à ce premier lien à la mère et à la trace de ce premier lien
dans la constitution de l’appareil psychique. Et vu le déclin du patriarcat,
il n’est pas impossible qu’aujourd’hui, le garçon se trouve abandonné
– comme la fille à l’époque de Freud – à ce moment de premier lien à la
mère et que, de ce fait, le refoulement dont parle Freud a cédé la préva-
lence à la manifestation à ciel désormais ouvert de ce lien premier.
À nous d’entendre et de voir comment on peut dès lors intervenir :
c’est d’ailleurs ici que je me distancierais quelque peu de la position
de Melman : lorsqu’il parle d’une nouvelle économie psychique, il
faut comprendre que cette économie nouvelle dans sa manifestation
existait déjà auparavant mais qu’elle était habituellement coiffée par
une économie névrotique adressée au père, elle-même tributaire de
l’organisation du social. Ce n’est donc peut-être pas une vraie nouvelle
économie psychique à moins qu’on entende par là que c’est celle qu’on
va désormais rencontrer le plus souvent. Est-ce pour autant un nouveau
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sujet de l’inconscient ? Je n’en suis pas du tout certain. Mais ce type de
fonctionnement mérite au moins qu’on s’y arrête et qu’on s’y intéresse,
simplement parce que la crise du transfert que l’on constate actuellement
peut très bien relever de ce que ce n’est plus à l’instance paternelle que
l’on s’adresse mais bien plutôt à l’instance maternelle (si tant est que
ce soit une instance, puisque justement sa spécificité est d’être d’abord
dans le réel plutôt que dans le symbolique). Tout cela pose une série
de questions importantes que tous ceux qui parlaient des états-limites
essayaient peut-être déjà de prendre en compte.
Je voudrais poursuivre en reprenant l’un ou l’autre élément de l’en-
seignement de Lacan lui-même, dont il me semble, contrairement à ce
que disent certains (Lacan s’en tiendrait à cette prévalence du système
symbolique normalement mis en place dans la névrose et forclos dans la

17. « La phase de lien exclusif à la mère, qui peut être nommée préœdipienne, revendique
ainsi chez la femme une importance bien plus grande que celle qui lui revient chez l’homme »,
S. Freud, « Sur la sexualité féminine » (1931), dans La vie sexuelle, Paris, PUF, 1969, p. 144.
18. Ibid., p. 139.
Lacan et les états-limites 85

psychose), qu’il nous a déjà fait entendre à quel point toute cette évolu-
tion était plausible.
Je voudrais évoquer un premier texte qui date de 1958 lorsqu’il
déplie les trois temps de la métaphore paternelle : « Au premier temps,
il s’agit donc de ceci : le sujet s’identifie en miroir à ce qui est l’objet
du désir de la mère. C’est l’étape phallique primitive, celle où la méta-
phore paternelle agit en soi, pour autant que la primauté du phallus est
déjà instaurée dans le monde par l’existence du symbole, du discours et
de la loi. Mais l’enfant, lui, n’en attrape que le résultat. Pour plaire à la
mère, si vous me permettez d’aller vite et d’employer des mots imagés,
il faut et il suffit d’être le phallus 19. » Autrement dit, ça ne marche que
pour autant que c’est déjà inscrit dans le discours social. Ceci n’est pas
anodin car ceci veut dire qu’à l’époque où Lacan énonçait cela, il allait
de soi que tout cela était effectivement inscrit, avait cours ! Or, la thèse
que je soutiendrais volontiers, c’est que, précisément, cela n’est plus le
cas, car c’est bien cette primauté du phallus qui, aujourd’hui, est récu-
sée. On ne peut donc pas dire que, très tôt, Lacan n’ait pas été sensible
à l’incidence de ce qui dépasse la question de la subjectivité ou du sujet
à titre individuel.
Mais le texte sans doute le plus important sur cette question, c’est
la lettre de 1969 adressée à Jenny Aubry. Il s’y trouve une distinction
clinique qu’introduit Lacan, qui a été à tort identifiée comme ce qui dif-
férenciait la névrose de la psychose. Lacan écrit en effet que « le symp-
tôme, c’est là le fait fondamental de l’expérience analytique, se définit
comme représentant de la vérité. Le symptôme peut représenter la vérité
du couple familial. C’est là le cas le plus complexe, mais aussi le plus
ouvert à nos interventions. L’articulation se réduit de beaucoup quand le
symptôme qui vient à dominer ressortit à la subjectivité de la mère ».
Il y a donc une distinction à faire quand le symptôme de l’enfant arti-
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cule quelque chose du couple familial ou, au contraire, ne ressortit qu’à
la subjectivité maternelle. Nous retrouvons là – autrement, bien sûr – le
préœdipien freudien sous la plume de Lacan.
Ceci est particulièrement intéressant car il décrit ensuite ce que cela
signifie pour la mère. « Ici c’est directement comme corrélatif d’un
fantasme que l’enfant est intéressé. […] L’enfant réalise la présence de
ce que Jacques Lacan désigne comme l’objet a dans le fantasme 20. »
Il faut évoquer ici la mère qui vient aujourd’hui dans les consultations
psys de tous ordres et qui se présente comme si elle avait besoin de son
enfant pour être protégée de la perte (pas du manque, mais de la perte).
Entendons-nous bien : les femmes ont à leur disposition quelque chose
que les hommes n’ont pas 21, et c’est dans leur rapport à l’enfant qu’elles

19. J. Lacan, Le Séminaire, Livre V, Les formations de l’inconscient (1957-1958), Paris, Le


Seuil, 1998, p. 192.
20. J. Lacan, « Note sur l’enfant » (1969), dans Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 373.
21. Lacan, d’ailleurs, ajoute toujours dans la même lettre : « L’enfant, dans le rapport duel à la
mère lui donne, immédiatement accessible, ce qui manque au sujet masculin. »
86 Jean-Pierre Lebrun

le réalisent, j’y reviendrai plus loin. Ce qui m’intéresse ici, c’est qu’à
ce moment-là déjà, en 1969, Lacan, en l’occurrence visionnaire, semble
nous indiquer une piste dans laquelle il n’explique pas du tout ce que
cela implique pour l’enfant d’être pris dans un tel scénario, mais il pré-
cise ce qu’il en est pour la mère qui lui fait occuper cette place. Or, je
soutiendrais volontiers que ce n’est pas la même chose pour un enfant
d’être l’objet a de la mère ou d’être son phallus. Cela ne va pas avoir les
mêmes incidences.
J’avancerais volontiers que nous avons aujourd’hui affaire, y com-
pris dans la clinique des adultes, à des gens qui, enfants, ont été non pas
le phallus mais l’objet a maternel, c’est-à-dire qu’ils ont servi à mettre la
mère à l’abri de la perte et non pas à combler son manque, ce qui n’est
pas la même chose cliniquement. Lacan n’avait pas pensé, même s’il
pensait déjà très loin, aux conséquences pour la génération d’après de
ce qu’il était en train de mettre en évidence.
De plus, lorsqu’on se réfère à la métaphore paternelle, il faut dire
qu’elle a été conçue dans l’enseignement de Lacan à un moment anté-
rieur à la distinction objet a/phallus. Qu’est-ce qu’une métaphore pater-
nelle qu’on repenserait en tenant compte de cette distinction ? Cette
idée qu’un enfant ne renvoie pas d’office au symptôme de la vérité d’un
couple parental mais est peut-être en train de ne renvoyer qu’à celle de
la mère – donc, sans être mis en position de phallus – qui implicitement
renvoie d’emblée à l’existence de la dimension symbolique, me paraît
capitale 22.
Voilà pourquoi j’ai été ravi de lire sous la plume d’Isabelle Morin
son idée qu’il y avait deux voies à l’humanisation : « La première dirait
qu’au commencement était la Chose, puis vinrent les mots. La seconde
considérerait que tout a commencé avec les mots qui font exister la
Chose. […] Qui est premier : le réel ou le symbolique 23 ? » Ce fut une
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bouffée d’oxygène pour moi ! Quelqu’un qui reconnaissait qu’il y avait
ces deux voies, quel bonheur en Lacanie 24 !
Deuxième incidence que je retiens dans l’œuvre de Lacan : le Nommé
à qu’il distingue du Nom-du-Père dans la séance de son séminaire, le

22. Je renvoie à ce propos au livre de Malvine Zalcberg, Qu’est ce qu’une fille attend de sa
mère ?, Paris, Odile Jacob, 2010, p. 160 : « La femme a un recours de plus que l’homme pour
chercher une compensation à sa perte de jouissance : faire de ses enfants objets a, des objets
causes de son désir. L’enfant permet à la mère en tant que femme d’avoir accès en son fantasme
à l’objet cause de son désir […] L’enfant devient un “bouchon” pour la mère, un bouchon qui
comble son manque. » J’aurais personnellement préféré lire : l’enfant devient un bouchon pour
la mère, non pas un bouchon qui comble son manque, mais un bouchon qui lui permet d’em-
pêche son manque d’émerger. Voir aussi J.-P. Lebrun, note de lecture à propos de cet ouvrage
sur le site de l’ALI.
23. I. Morin, « Les mots et la chose », Psychanalyse n° 8, 2006, p. 5.
24. Ce qui permet de réinterroger toute la question du corps. Je renvoie, à ce sujet, à J.-P. Lebrun,
« La contrainte par corps », dans M. Bergès-Bounes et J.-M. Forget (sous la direction de), Le
corps, porte-parole de l’enfant et de l’adolescent, Toulouse, érès, 2011.
Lacan et les états-limites 87

19 mars 1974 25 : « Il y a quelque chose dont je voudrais désigner l’inci-


dence. Parce que c’est le biais d’un moment qui est celui que nous vivons
dans l’histoire. Il y a une histoire, quoique ce ne soit pas forcément
celle que l’on croit ; ce que nous vivons est très précisément ceci : que,
curieusement, la perte, la perte de ce qui se supporterait de la dimension
de l’amour, si c’est bien celle non pas que je dis, je ne peux la dire, je
ne peux pas la dire, à ce Nom du père se substitue une fonction qui n’est
autre que celle du nommer-à. Être nommé-à quelque chose, voilà ce qui
point dans un ordre qui se trouve effectivement se substituer au Nom-du-
père. À ceci près qu’ici, la mère suffit généralement à elle toute seule à
en désigner le projet, à en faire la trace, à en indiquer le chemin. […] Être
nommé à quelque chose, voilà ce qui, pour nous, à ce point de l’histoire
où nous sommes, se trouve préféré – je veux dire effectivement préféré,
passé avant –, ce qu’il en est du Nom-du-père […] Il est tout à fait étrange
que là, le social prenne une prévalence de nœud, et qui littéralement fait
la trame de tant d’existences, c’est qu’il détient ce pouvoir du nommer-à
au point qu’après tout, s’en restitue un ordre, un ordre qui est de fer. […]
est-ce que ce “nommer à” n’est pas, est-ce que ce nommer-à n’est pas le
signe d’une dégénérescence catastrophique 26 ? »
Il y aurait donc, premièrement, substitution du Nommé à au Nom-
du-Père, deuxièmement, ça se noue du coup avec le social, ça fait l’im-
passe sur le Nom-du-Père pour se nouer avec le social, et je n’entendrai
pas cela comme produisant d’emblée de la psychose mais comme un
nouage particulier qui laisse le Nom-du-Père, non pas forclos, mais
qui le laisse fonctionner sans qu’il n’ait vraiment de prise, puisque le
nommé à vient s’y substituer. Ceci a été très bien décrit par Christian
Demoulin, dans un séminaire que nous faisions ensemble, à propos de
Romain Gary 27 ; l’œuvre dit bien que voila quelqu’un qui a été nommé
à… devenir écrivain, diplomate, académicien, par sa mère. Il a réalisé
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tout ce à quoi il avait été nommé, mais ceci ne lui a pas permis d’autre
issue que le suicide.
Ce que donne le Nom-du-Père, c’est la possibilité de s’arrimer dans
un trou. Ce que donne le Nommé à, c’est la possibilité de s’arrimer dans
un plein, dans un programme prescrit par l’Autre. C’est très différent
parce que, forcément, c’est le trou qui est la vérité du plein ; donc, tôt
ou tard, si s’arrimer dans un plein demandera de devoir supporter de se
confronter à un trou, si cela donne momentanément une consistance,
cela ne permet pas de faire face au réel, de tenir vraiment.
Dans une intervention faite à Bruxelles, Isabelle Morin évoquait les
destins actuels de la névrose infantile et parlait précisément de « ces cas
25. Pour un dépliement plus exhaustif de cette appellation, cf. J.-P. Lebrun, « Nommer à équi-
vaut-il à une virtualisation du Nom-du-Père ? », dans A. Michels (sous la direction de), Actualité
de l’hystérie, Toulouse, érès, 2001.
26. J. Lacan, Le Séminaire, Livre XXI, Les non-dupes errent (1973-1974), séance du 19 mars
1974, inédit.
27. Repris dans son ouvrage posthume : C. Demoulin, Se passer du père ?, Toulouse, érès,
2009, p. 168-177.
88 Jean-Pierre Lebrun

que nous rencontrons, dont nous pensons qu’il ne s’agit pas de psychose,
parce que le Nom du père semble inscrit dans l’inconscient, la significa-
tion phallique est en place et pourtant quelque chose ne tient pas, comme
si la sortie de l’Œdipe n’avait pas permis que la métaphore paternelle
fonctionne même si elle est présente 28 ». Ce quelque chose qui ne tient
pas peut très bien venir de ce que c’est soutenu par un nommé à et pas
par un Nom-du-Père ; ce qui ne veut pas dire pour autant que ce dernier
n’est pas inscrit chez le sujet, mais que ce n’est pas sur lui que celui-ci
prend appui. S’il ne prend pas appui sur le trou, il est condamné à devoir
faire face, tôt ou tard, au fait que rien ne tient vraiment. La fonction
paternelle est présente mais elle n’est pas opérante.
Troisième incidence que j’épingle dans l’enseignement de Lacan :
ce qu’il avance dans son Séminaire sur Joyce de 1976, à savoir la for-
clusion de fait du père réel : « Est-ce que nous ne pouvons pas concevoir
le cas de Joyce comme ceci ? C’est à savoir que son désir d’être un
artiste qui occuperait tout le monde, le plus de monde possible en tout
cas, est-ce que ce n’est pas exactement le compensatoire de ce fait que
disons, que son père n’a jamais été pour lui un père. Que non seulement
il ne lui a rien appris, mais qu’il a négligé à peu près toute chose, sauf
à s’en reposer sur les bons pères jésuites, l’Église diplomatique. […]
Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose comme une, je dirais, compensa-
tion de cette démission paternelle ? De cette Verwerfung de fait, dans le
fait que Joyce se soit senti impérieusement appelé, c’est le mot, c’est le
mot qui résulte d’un tas de choses dans son propre texte, dans ce qu’il a
écrit ; et que ce soit là le ressort propre par quoi chez lui le nom propre,
c’est quelque chose qui est étrange. […] Le nom qui lui est propre, c’est
cela qu’il valorise au dépens du père. C’est à ce nom qu’il a voulu que
soit rendu l’hommage que lui-même a refusé à quiconque 29. »
Forclusion de fait donc. Entendons-nous bien, ce n’est pas pour
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autant une forclusion du Nom-du-Père, c’est une forclusion de fait d’une
intervention du père réel ! Cette expression vient donc aussi, je crois, à
l’appui de ce que j’avance, c’est-à-dire que c’est, du coup, dans le rap-
port à la seule subjectivité maternelle.
Je reviens dès lors à ma question : est-ce une quatrième structure ?
Ou ne serait-ce pas plutôt toujours une névrose mais qui, effectivement,
n’est plus patrocentrée ? Je continuerais donc à parler de perversion
ordinaire, au sens que j’ai défini plus haut de détournement de son but,
celui-ci n’étant pas comme tel le père mais le lien social, le langage 30.
Ici, l’enfant est utilisé non pour aller dans le social mais pour servir de
protection de la perte à la mère ; c’est une force dont il faut désormais
tenir compte. Ce serait donc non plus une version vers le père, une

28. I. Morin, « Destins actuels de la névrose infantile », Le bulletin freudien n° 56, 2010.
29. J. Lacan, Le Séminaire, Livre XXIII, Le sinthome (1975-1976), séance du 10 février 1976,
version de l’ALI, mais également Paris, Le Seuil, 2005.
30. Je renvoie ici à ma lecture du propos d’Eschyle dans l’Orestie, J.-P. Lebrun, « L’homo-
parentalité, un pléonasme ? », La Revue lacanienne n° 3, 2009, p. 124-131.
Lacan et les états-limites 89

pèreversion comme disait Lacan, mais une mère-version, qui concerne-


rait aujourd’hui autant le garçon que, hier, la fille, les repères de l’iden-
tité masculine n’étant plus repérables de la même façon.
Je donne un exemple clinique de cette position : un enfant de dix
ans dort régulièrement avec sa mère parce que son père, militaire, est
souvent envoyé en mission en Afghanistan. Un jour, quand il rentre au
domicile de manière imprévue, il découvre son fils et sa femme endormis
dans le lit conjugal ; le fils se réveille et dit à sa mère : « Mais qu’est-ce
qu’il fout là, celui-là ? » C’est une version particulière de l’Œdipe,
quand même ! Ce n’est pas la modalité classique. Œdipe couche avec sa
mère et tue son père, mais par erreur ! Quant à Hamlet, le spectre lui dit
dès le début de la pièce : « Et surtout, ne touche pas à ta mère ! » Dans
notre cas, quelle va être l’issue ? Si le sujet enfant doit se désassujettir
de l’Autre maternel, il n’a qu’une solution, c’est le matricide. Ce n’est
donc pas Œdipe qui devient là le sujet modèle, c’est Oreste. Oreste a été
obligé de tuer sa mère par ordre d’Apollon pour venger son père. Parce
que sa mère avait trahi son père. Ceci vient apporter une nuance clinique
fondamentale : comment aider un sujet à accomplir un matricide sym-
bolique ? Dans la culture d’aujourd’hui, le matricide n’est pas du tout
valorisé, pourtant, tout à coup, la question du matricide surgit (voir par
exemple le film récent de Xavier Dolan, J’ai tué ma mère) et on peut se
demander pourquoi cette question surgit maintenant. Certains s’en tirent
par l’écriture, qui peut réaliser un tel matricide.
Beaucoup de questions nouvelles surgissent autrement ; ce n’est pas
la même chose de trouver dans le transfert le tiers qui vienne soutenir
le trajet du sujet ou d’y trouver d’abord cet Autre dont je ne suis pas
désassujetti sans penser pouvoir m’appuyer sur un quelconque tiers. Ce
que je constate cliniquement, c’est que très souvent aujourd’hui, je suis
confronté à un enfant qui est accroché à sa mère d’une façon telle qu’il
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faut bien constater cette forclusion de fait du père réel. Le père est bien
souvent là dans la tête de l’enfant, mais n’opère pas et cela met l’enfant
dans une position délicate car il sait très bien – sans le savoir – que s’il a
récusé cette référence au père, c’est parce qu’il a eu une tâche bien plus
importante, celle de protéger la mère de la perte.
Ce n’est plus l’enfant phallus de la mère, c’est en fait bien plus
contraignant car l’enfant phallus a déjà inscrit en lui de se référer au
tiers, alors qu’ici il est spontanément mis à la place du bouchon qui per-
met à la perte d’être repoussée. C’est grâce à lui que la perte va pouvoir
ne pas émerger et donc il suffit qu’il reste blotti dans cette position.
Comment, en ce cas de figure, redonner l’avantage – comme on dit au
tennis – au désir ?
Et comment intervenir à partir de cette position transférentielle où
l’analyste sera d’abord l’empêcheur de tourner en rond ? Qui impliquera
d’emblée sa récusation ? C’est pour le sujet une invitation à perdre ce
qu’il n’a pas envie de perdre, d’autant plus qu’il n’a rien dû faire pour
l’obtenir, contrairement à ce qu’exige la position phallique. On retrouve
90 Jean-Pierre Lebrun

alors la question d’une impropriété corporelle, comme si le corps de


l’enfant pouvait être le symptôme du corps de la mère. Cela veut aussi
dire que le travail devient essentiellement un travail de séparation.
Nous pouvons évoquer ici le film des frères Dardenne, La promesse,
où toute la question va être de savoir comment Igor, cet adolescent
scotché à son père maffieux, va pouvoir s’en décoller alors que ce père
se présente comme une mère, comme une mère avec un enfant objet 31.
C’est très lourd pour un enfant d’avoir à faire ce travail-là. Si c’est à
cela que correspond ce que les collègues de l’IPA appellent « états-limi-
tes », je pencherais volontiers pour avancer qu’aujourd’hui, nous devons
constater une généralisation de « l’état-limite ». C’est eu égard à la
structure, une névrose mèreversement orientée qui ouvre à de nouvelles
difficultés jusques et y compris à une crise du transfert, alors que nous
ne devons pas oublier que nous en sommes à la troisième génération,
c’est-à-dire à la génération où le sujet ne sait plus que la génération qui
l’a précédé, a évacué cette question.
Tout le discours ambiant social sous la houlette du néolibéralisme,
va dans le sens de permettre l’évitement de la castration et sa réponse
est d’offrir un supplément de présence là où c’est la confrontation à l’ab-
sence qui permettrait au sujet d’entrer dans l’ordre du désir.
Résumons donc la configuration du sujet postmoderne : la préva-
lence du langage n’est plus ce qu’elle était, le rapport que nous avons
à la parole n’a plus le même poids 32 ; il ne s’agit pas de dire que la
prévalence du langage a disparu mais que la façon dont elle peut jouer
pour chacun est plus lâche ; on est dans une généralisation du pastout
phallique, la confusion étant de mise, voire même cultivée, avec ce qui
est de l’ordre du toutpas phallique. La fin du théologico-politique et
l’absence de lisibilité de ce qui s’y substitue aujourd’hui entraîne l’affai-
blissement, voire la disparition de la légitimité de l’autorité ; de ce fait,
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le pacte institué par la parole ne constitue plus ce à quoi nous pouvons
implicitement nous référer ; je dirais volontiers que le pacte d’huma-
nité commune s’est estompé. S’en suit que quiconque doit soutenir une
intervention en position de père réel vivant est en difficulté ; il n’a plus
le soutien du discours social et n’a pas forcément fait le travail qui lui
permet de se soutenir à partir de sa propre position subjective à l’égard
de celui qui fait partie de la génération qui le suit. Son intervention
paternelle concrète n’a donc plus le même poids, ceci pouvant très bien
aboutir à ce que Lacan nomme une forclusion de fait.
Du coup, la névrose orientée seulement selon le versant maternel
– qui, rappelons-le, ne fait pas centre – est favorisée, et donc est valori-
sée non pas une nouvelle économie psychique au sens d’un changement
radical mais une névrose qui se présente très différemment. Si c’est cela

31. Je renvoie à ce propos à J.-P. Lebrun, « Le travail social des frères Dardenne », Cliniques
méditerranéennes n° 82, 2010, p. 183-197.
32. Cf. R. Gori, La dignité de penser, Paris, Les liens qui libèrent, 2011. Voir en particulier le
chapitre 1.
Lacan et les états-limites 91

que Melman appelle nouvelle économie psychique, je partage volontiers


son point de vue, à la condition que soit clairement identifié que cette
névrose existait déjà hier mais qu’elle était habituellement coiffée par
le passage à l’économie orientée par l’instance paternelle, par tout un
social qui venait soutenir la mise en place de la symbolisation via la
place – abusive parfois – donnée au père et au patriarcat.
Nous ne sommes donc pas dans un matriarcat comme tel : les mères
ne sont pas que mère, elles sont toujours déjà femme et c’est bien par là
que quelque chose peut aussi se transmettre. C’est même sans doute leur
grande responsabilité aujourd’hui !
On me rétorquera : mais l’enfant collé à la mère, cela a lieu tout le
temps en Afrique, c’est banal. Oui, mais la différence est extrêmement
nette : en Afrique 33, il est prévu par le programme du social qu’à tel
âge, qui peut être tardif, la séparation avec la mère doit avoir lieu. C’est
inscrit dans une temporalité et cela va d’ailleurs être sanctionné par des
rites d’initiation, qui font trace sur le corps. Chez nous, ce travail n’est
plus prévu, tout se passe comme si la séparation pouvait être évitée. En
contrepartie, on exige que l’enfant soit autonome d’emblée, on voudrait
d’ailleurs qu’il soit grand aussitôt né, sans doute pour ne plus avoir à se
confronter à l’inéluctable violence qu’imposera le travail pour l’aider à
grandir.
C’est aussi la raison pour laquelle ce cas de figure se présente de
plus en plus souvent en dehors de la cure et cela pose la question de la
pertinence de la distinction clinique cure/hors cure, car comment l’ana-
lyste peut-il intervenir quand, par exemple, il a affaire à une consultation
dont il se pourrait bien que ce soit jamais la seule ?
Cela pose tout un ensemble de questions sur ce que j’appelle la
clinique du quotidien, du tout-venant, dont il n’est pas impossible qu’il
puisse quand même profiter de la rencontre avec quelqu’un orienté par
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l’analyse. Nous avons des traces de cela dans notre histoire à chacun,
de gens qu’on a rencontrés, sans que cette rencontre soit spécifiquement
avec un analyste, qui nous ont aidés à prendre appui sur leur parole pour
nous désassujettir de l’Autre.
Donc, il s’agit bien de reprivilégier la rencontre (les frères Dardenne
montrent bien que c’est le choc de la rencontre et non plus la référence
à un idéal qui permet de se désassujettir de l’Autre). Ce n’est peut-être
pas la question de la fin de la cure, mais plutôt celle de permettre aux
sujets d’aujourd’hui d’encore y entrer.

Bibliographie

AOUILLÉ, S. ; BRUNO, P. ; CHAUMON, F. ; LÉRÈS, G. ; PLON, M. ; PORGE, E. 2010.


Manifeste pour la psychanalyse, Paris, Éditions La Fabrique.
BONNEFOY, Y. 1972. L’arrière-pays, Paris, Champ Flammarion.

33. J. Rabain, L’enfant du lignage, Paris, Payot, 1994.


92 Jean-Pierre Lebrun

CASTEL, P.-H. 2005. « Y a-t-il une “nouvelle économie” du psychisme et de la


sexualité ? », Comprendre n° 6.
CHAUMON, F. 2009. « Sujet de l’inconscient, subjectivité politique », Essaim
n° 22.
DEMOULIN, C. 2009. Se passer du père ?, Toulouse, érès.
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