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Laurent Dupont
Dans La Cause du Désir 2018/3 (N° 100), pages 80 à 83
Éditions L'École de la Cause freudienne
ISSN 2258-8051
ISBN 9782374710167
DOI 10.3917/lcdd.100.0080
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U ne analyse est faite de paroles. l’invitation à l’association libre n’est pas un vouloir
dire quelque chose, encore moins un devoir dire quelque chose, mais énoncer tout
ce qui vous passe par la tête. le pari est que de cette parole pourra émerger un dire
qui fera événement, soit produire un avant et un après. c’est donc sous transfert,
toujours, que peut surgir le dire qui fera événement dans l’analyse.
une analyse débute presque toujours sur un défaut de signification, la jouissance
incluse dans le symptôme étant opaque au sens 1, quelque chose fait énigme ou trou,
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De l’énigme à l’indicible
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Laurent Dupont, d’un dire qui fait événement à l’événement de dire
avant d’en arriver là, il y a d’un côté l’événement de dire et, d’un autre, le dire qui
fait événement. c’est-à-dire qu’il y a une trajectoire qui va du symptôme avec sa part
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3. lacan J., « préface à l’édition anglaise du Séminaire Xi », Autres écrits, op. cit., p. 571.
4. cf. miller J.-a., « l’inconscient et le corps parlant », La Cause du désir, no 88, février 2015, p. 105.
5. miller J.-a., « l’orientation lacanienne. choses de finesses en psychanalyse », enseignement prononcé
dans le cadre de l’université paris viii, cours du 19 novembre 2008, inédit.
dans l’analyse prend valeur d’événement de dire dans l’instant de ce dire lui-même,
contraction du temps logique qui résulte d’un au-delà du sens où l’instant de voir se
fait effet.
le souvenir, la parole entendue, venant de l’autre et qui nous revient sur le divan,
ou que l’on énonce comme jamais on ne l’avait énoncée avant, pourrait laisser à
croire que c’est là la résolution d’une analyse. or, cette parole n’est énoncée et
repérée comme telle, que parce que le sujet est en analyse, pris dans le dispositif,
que parce qu’il y a transfert et ce transfert repose sur ce désir de l’analyste de laisser
la production toute entière à l’analysant : « “l’analyste ne pense pas.” dans son acte
il s’efface, il efface sa pensée, il retient sa volonté de penser, et reste sa présence, il
doit être là 6 ». d’une certaine façon, ces paroles prononcées par l’autre, les parents
par exemple, n’existent pas, elles sont, elles ont été, mais elles n’existent pas, elles
ne sont que les pelures discrètes ou bruyantes de l’enveloppe qui recouvre la jouis-
sance opaque du symptôme. c’est la trace, la morsure, l’éprouvé qui témoigne de
l’au-delà de ce dire qui a fait événement et se repère dans ce qui, de ces noms, se
répète, itère. ce double mouvement implique de ne pas trop croire à l’histoire que l’on
se raconte, c’est « un discours où les semblants coincent un réel, un réel auquel
croire sans y adhérer 7 ». les noms deviennent des points de repère qui permettent
de lire la logique du témoignage pour qu’ils nous mènent au-delà, là où ayant perdu
leur éclat, plus de balises, plus de sens, au seuil de l’inexistence de l’autre, on
entr’aperçoit la solitude radicale de celui qui témoigne. là encore, ne pas trop se
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6. miller J.-a., « l’orientation lacanienne. l’Être et l’un », enseignement prononcé dans le cadre de
l’université paris viii, cours du 30 mars 2011, inédit.
7. miller J.-a., « l’inconscient et le corps parlant », op. cit., p. 113.
8. miller J.-a., « présentation du thème des Journées de l’ecF 2009. comment on devient psychanalyste
à l’orée du XXie siècle », La Lettre mensuelle, no 279, juin 2009, p. 3.
9. cf. miller J.-a., « l’inconscient et le corps parlant », op. cit., p. 112.
10. Ibid., p. 111.
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Laurent Dupont, d’un dire qui fait événement à l’événement de dire
d’art, son savoir dire, son savoir le bien dire 11 » et il ajoute : « un dire, c’est un mode
de la parole qui se distingue de faire événement. 12 »
nous avons vu qu’il y a des dires qui ont fait événement en ce sens qu’ils ont
mordu profondément notre corps, y laissant une trace indélébile – pourquoi celui-là
plutôt qu’un autre ? nous pourrions considérer que tous ces dires, ces phrases, le
fantasme lui-même, ne sont que réticules à partir du point premier, un de la
rencontre première d’un corps jouissant avec le signifiant. ceci introduit un double
registre de la jouissance, la jouissance une, et la jouissance comme trace itérative
de cette rencontre à jamais pour tous singulière. ce point ne peut être dit, il se vise,
se cerne. comment témoigner de ce qui ne peut être dit ? les témoignages sont des
fictions, les noms des semblants. et pourtant, il y a des effets. des effets dans le
corps de celui qui parle, des effets dans le corps de ceux qui écoutent. pas tous les
témoignages font les mêmes effets à tout le monde, pas tous les analystes de l’école
de la cause freudienne témoignent des mêmes effets.
ces effets en-corps tentent de dire, non pas le réel impossible, mais la singula-
rité de chacun qui s’appuie, non pas sur la raison de la démonstration, mais sur la
réson toujours déjà-là que la rencontre avec un analyste a permis d’entendre.
ainsi, l’événement de dire s’entend tout au long de l’analyse, de ce transfert qui
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