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Laurent Carrive
Dans Essaim 2012/1 (n° 28), pages 113 à 121
Éditions Érès
ISSN 1287-258X
ISBN 9782749232096
DOI 10.3917/ess.028.0113
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Laurent Carrive
communs aux deux champs et donc radicaux. Cela explique en partie que
la théorie du signifiant soit devenue minimaliste, que le mathème ait fini
par exclure la déductivité et que la notion même de mathématicité se soit
dépouillée avec les années, jusqu’à une stricte littéralité.
Parmi les notions charnières qui organisent ces différentes questions,
nous en avons choisi une, centrale : l’impossible. La fonction de l’impossible
se révèle aussi propre à ordonner le champ psychanalytique qu’à articuler
les ressorts cachés du progrès mathématique, jouant entre les deux le rôle
d’un pivot essentiel. D’un côté les différentes conceptions de l’impossible en
psychanalyse comprenant les limites du sujet face au langage, l’impossible
inscription du rapport sexuel et le réel comme impossible. De l’autre l’aporie
constitutive des mathématiques. L’impossible est incarné dans leur histoire
par de grands moments de doute, heurts contre un réel énigmatique.
Métalangage ?
Discours mathématique
Lacan disait qu’un certain réel est atteint quand surgit un dire qui
va pouvoir ex-sister au dit 11. Le réel comme impossible apparaît dès le
séminaire Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. La logique est
science du réel. Le réel désigne l’impossible. Puis à la première page de
« L’étourdit » : « C’est de la logique que [le discours psychanalytique], […]
touche au réel à le rencontrer comme impossible, en quoi c’est ce discours
qui la porte, à sa puissance dernière : science ai-je dit, du réel 12. »
Dans le séminaire Problèmes cruciaux pour la psychanalyse, Lacan isole
ce qu’il dit être la vraie question, qui incite par son insistance « à nous y
mettre plus que jamais, à la logique » : la question du rapport profond
qu’il pourrait y avoir entre l’usage psychanalytique de la logique et « la
question que posent les logiciens, à savoir, sur quoi, en fait, a-t-elle prise,
la logique 13 ».
On peut être frappé, dit Lacan, dans la manière de faire du psycha-
nalyste, d’une certaine absence de logique. Ou du moins y voit-on un
« désordre à la logique », et en particulier un certain « renversement » :
« […] il est fréquent de voir poussée en avant l’objection, qu’on tirera
en psychanalyse la même conclusion de faits qu’on dira improprement
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9. Ibid., p. 9.
10. Ibid.
11. J. Lacan, Encore, op. cit., p. 25.
12. J. Lacan, « L’étourdit », op. cit., p. 5-6.
13. J. Lacan, Problèmes cruciaux pour la psychanalyse, séance du 24 février 1965, version ALI.
14. Ibid.
« Hors champ(s) »
15. J. Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1973, p. 152.
16. Ibid., p. 152.
17. Ibid.
18. H. Scholz, « Warum haben die Griechen die Irrationalzalhlen nicht aufgebaut ? » dans H. Scholz
et H. Hasse, Die Grundlagen-Krisis der griechischen Mathematik, Kant-studien, vol. XXXIII, Issue 1-2,
1928, p. 35-72.
19. J.-T. Desanti, La philosophie silencieuse, Paris, Le Seuil, 1975, p. 156.
20. M. Fichant, « L’idée d’une histoire des sciences », dans M. Fichant et M. Pêcheux, Sur l’histoire des
sciences, Paris, François Maspero, 1969, p. 49-144.
21. Ibid., p. 128.
C’est par son dire que Lacan fait « ex-ister 34 » la formalisation comme
« idéal métalangage 35 », se défendant de l’exposer tel un discours sur l’être.
Or l’impossible comme réel ne s’inscrit que d’une impasse de la formalisa-
tion : « […] la formalisation mathématique en tant qu’elle est l’élaboration
la plus poussée qu’il […] ait été donné de produire de la signifiance 36 ».
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38. G. Cantor, Fondements d’une théorie générale des ensembles, paru en 1883 dans Mathematische
Annalen, XXI, p. 545-586, trad. J.-C. Milner, Cahiers pour l’analyse 10, p. 35-52, Paris, Société du
Graphe/Le Seuil, 1969, p. 48.
39. Ibid., p. 48.