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L’amnésie dissociative : limites méthodologiques, limites

conceptuelles, et explications alternatives


Olivier Dodier
Dans L’Année psychologique 2021/3 (Vol. 121), pages 275 à 309
Éditions Presses Universitaires de France
ISSN 0003-5033
ISBN 9782130827672
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 25/06/2023 sur www.cairn.info via Université de Reims Champagne-Ardenne (IP: 194.57.104.102)

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DOI 10.3917/anpsy1.213.0275

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L’amnésie dissociative : limites


méthodologiques, limites conceptuelles,
et explications alternatives
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Olivier Dodier *1
1
Faculté de Psychologie, Université de Nantes, Nantes, France

RÉSUMÉ
Les années 1990 ont été le théâtre d’une vive opposition entre les partisans
de l’idée de refoulement traumatique et les sceptiques, expliquant qu’un
tel concept n’était pas soutenu par des preuves scientifiques. Aujourd’hui
plus volontiers nommé amnésie dissociative et inclus dans la 5e édition
du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, ce concept
est toujours largement utilisé par les psychologues, alors même que ses
preuves d’existence sont toujours peu convaincantes. Dans cet article,
nous proposons un regard critique du concept, passons en revue les
preuves avancées par ses défenseurs et développons leurs limites métho-
dologiques et conceptuelles. Nous proposons aussi des mécanismes alter-
natifs pour expliquer le phénomène des souvenirs retrouvés : faux
souvenirs, réinterprétation d’événements traumatiques, stratégies d’évite-
ment, etc. Enfin, nous terminons par un appel à la prudence à destination
de la communauté scientifique et clinique.
Mots-clés : amnésie dissociative ; refoulement ; souvenirs retrouvés ;
thérapie ; faux souvenirs.

Dissociative Amnesia: Methodological Limits, Conceptual Limits,


and Alternative Explanation

ABSTRACT
The 1990s witnessed a strong opposition between researchers and psychologists who suppor-
ted the idea of repressed memories and their sceptical counterparts, explaining that such a
concept was not supported by scientific evidence. The former supported the idea that trau-
matic memories could be pushed beyond the boundaries of consciousness. The latter argued
that ordinary mechanisms of memory functioning (e.g., false memories, ordinary forgetting)

* Faculté de Psychologie, Chemin de la Censive du Tertre BP82127, 44312, Nantes Cedex 3. Email :
ododier.univ@gmail.com

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were more likely to explain why some people could suddenly remember traumatic events for
which they had no memory until then (i.e., recovered memories). Today more commonly
referred to as dissociative amnesia and included in the 5th edition of the Diagnostic and
Statistical Manual of mental disorders, the belief in repression is still widely used and dissemi-
nated by psychologists, even though evidence of its existence is still unconvincing. In this
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article, we propose a critical analysis of the concept of dissociative amnesia. To do this, we
review the evidence adduced by its advocates and develop their methodological and conceptual
limitations. We also propose alternative mechanisms to explain the phenomenon of recovered
memories: false memories, reappraisal of traumatic events, avoidance strategies, non-disclosure
of abuse, etc. Finally, with regard to therapeutic but also judicial issues (i.e., judicial expertise),
we conclude with a call for caution addressed to the scientific and clinical community.
Keywords: dissociative amnesia; repression; recovered memories; therapy; false memory.

Parmi les controverses qui animent avec vigueur l’activité scientifique en


psychologie, une des plus connue est celle entourant l’amnésie dissociative
(anciennement appelée refoulement inconscient ou parfois nommée
amnésie traumatique ; voir Otgaar et al., 2019, pour une démonstration du
glissement d’appellation de refoulement jusqu’à amnésie dissociative ; voir
infra). Dans les années 1990, plusieurs affaires de (faux) souvenirs retrouvés
lors de psychothérapies ont mené à des condamnations à tort d’individus
accusés de violences sexuelles sur leurs enfants (voir Loftus, 1993, ainsi que
Loftus, 2019). Ces événements étaient entourés de confrontations entre
deux camps : d’un côté, (i) les opposants à l’idée d’une exactitude de souve-
nirs retrouvés en thérapie, s’appuyant sur les travaux sur les aspects recons-
tructif et fragile de la mémoire, considérant généralement de tels souvenirs
comme faux ; de l’autre (ii) les partisans de l’idée d’une exactitude de tels
souvenirs et défenseurs des pratiques thérapeutiques dédiées à la récupéra-
tion de souvenirs prétendument refoulés.
Les thérapies dites de « mémoires retrouvées » s’appuient sur le méca-
nisme de refoulement traumatique inconscient. Lorsqu’un événement est trop
choquant au point de générer chez un individu un traumatisme, le souvenir
de cet événement serait alors poussé hors des frontières de la conscience, le
rendant alors inaccessible. Freud (1893-1895/1953) était l’un des premiers à
décrire ce mécanisme. Aujourd’hui encore, de nombreux cliniciens adoptent
une telle vision et considèrent ce mécanisme comme faisant partie des diffé-
rents mécanismes pathologiques de la mémoire (e.g., Dalenberg et al., 2012 ;
Brand, Schielke, & Brams, 2017a, b ; Brand et al., 2018). En pratique, cette
notion semble largement partagée dans la société, puisqu’on observe une réelle
adhésion de part des psychologues cliniciens (Dodier, Melinder, Otgaar,
Payoux, & Magnussen, 2019 ; Dodier & Payoux, 2017 ; Otgaar et al., 2019 ;
Patihis, Ho, Tingen, Lilienfeld, & Loftus, 2014), des enquêteurs de police (e.g.,

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Dodier, Tomas, Payoux, Elissalde, 2019), ou encore plus généralement, du


grand public (e.g., Dodier & Payoux, 2017 ; Melinder & Magnussen, 2015 ;
Otgaar et al., 2019 ; Otgaar, Wang, Howe et al., 2020 ; Otgaar, Wang, Dodier
et al., 2020 ; Patihis, Ho, et al., 2014 ; Yapko, 1994).
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Malgré des critiques qui se sont multipliées quant à l’existence même
de l’amnésie dissociative (voir, récemment, Dodier, 2019 ; Dodier & Tomas,
2019 ; Engelhard, McNally, & van Schie, 2019 ; Merckelbach & Patihis,
2018 ; Otgaar et al., 2019 ; Patihis, Otgaar, & Merckelbach, 2019), cette
notion figure dans la 5e édition du Manuel Diagnostique et Statistique des
troubles mentaux (DSM ; American Psychiatric Association, 2013). Elle y
est définie comme une incapacité à se remémorer des informations auto-
biographiques normalement stockées, qu’un oubli ordinaire, une prise de
substance(s) ou des trouble(s) neurologique(s) ne sauraient expliquer, ceci
résultant généralement d’un stress intense ou d’un traumatisme.
Cet article a pour objectif premier de présenter de façon critique ce méca-
nisme. Une revue des preuves avancées par les partisans de l’amnésie dissocia-
tive sera effectuée, avant de développer leurs limites méthodologiques et
conceptuelles. Sera ensuite proposée une revue des pratiques liées à la récupé-
ration de souvenirs ayant prétendument fait l’objet d’une amnésie dissocia-
tive. Pour cela, nous décrirons brièvement les travaux sur les faux souvenirs
et les distorsions mémorielles. Nous préciserons toutefois qu’en alternative de
l’amnésie dissociative, d’autres processus et phénomènes peuvent expliquer
l’absence de souvenirs traumatiques. Nous conclurons enfin par un appel à
la prudence à destination des communautés scientifique et clinique en ce qui
concerne la considération de l’amnésie dissociative comme un phénomène
psychologique valide sur le plan scientifique. Le second objectif est d’apporter
une contribution francophone à la controverse liée au phénomène d’amnésie
dissociative, celle-ci faisant l’objet (quasi) exclusivement de publications en
langue anglaise (e.g., Brand et al., 2018 ; Dalenberg et al., 2012 ; Otgaar et al.,
2019 ; Lynn et al., 2014 ; Merckelbach & Patihis, 2018). Le fait que l’essentiel
de la littérature scientifique sur la question de la mémoire, en général, soit
publié en anglais a déjà été identifié comme un possible frein à la mise à jour
des connaissances de la part des professionnels français de la santé mentale
(voir Dodier & Payoux, 2017).
Avant d’aller plus loin, il est nécessaire de noter que cet article n’a
pas pour fil conducteur d’affirmer que l’amnésie dissociative n’existe pas.
L’objectif est plutôt de mettre l’accent à la fois sur une absence de preuves
d’un lien entre trauma et oubli mais aussi sur des preuves empiriques
alternatives plus parcimonieuses, créant ainsi un obstacle à l’affirmation
selon laquelle l’amnésie dissociative existe.

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LES PREUVES SCIENTIFIQUES DE L’AMNÉSIE


DISSOCIATIVE
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Plusieurs études prospectives ont fait état au sein de populations (cli-
niques et non cliniques) de périodes sans souvenirs entre l’événement
traumatique et l’entretien avec l’équipe de recherche (e.g., Briere & Conte,
1993 ; Elliott, 1997 ; Elliott & Briere, 1995 ; Goodman et al., 2003 ;
Herman & Schatzow, 1987 ; Williams, 1994, 1995). Par exemple, Briere
et Conte ont demandé à des victimes de violences sexuelles si « durant la
période de temps située entre la première expérience sexuelle forcée et le
jour de [leurs] dix-huit ans, [ils ou elles avaient] connu une période de
temps où [ils ou elles] ne [pouvaient] pas [se] souvenir de cette expérience
sexuelle forcée ? » (notre traduction). Grâce à cette question, ils ont pu
mettre en avant qu’environ 60 % des victimes avaient connu une période
sans pouvoir se remémorer les faits subis. Il semble alors raisonnable de
considérer qu’après un événement traumatique il est possible de vivre une
période sans souvenirs des faits, avant qu’ils ne soient récupérés, passé un
– parfois long – délai. D’après certains auteurs, ces pourcentages substan-
tiels d’individus subissant cette absence de souvenirs seraient dus à une
amnésie résultante elle-même d’un état dissociatif généré par l’événement
traumatique (Dalenberg et al., 2012). Une telle interprétation s’inscrit alors
dans le modèle « trauma-dissociation » qui suggère un lien causal entre le
traumatisme et le développement de troubles dissociatifs, telle que
l’amnésie dissociative (voir Dalenberg et al., 2012 ; mais voir aussi, pour
une critique, Lynn et al., 2014). Comme de telles études prospectives ne
pourraient suffire à prouver la réalité d’une amnésie causée par le trauma-
tisme, plusieurs méthodes expérimentales ont été élaborées, dont les résul-
tats ont permis d’argumenter en faveur de l’amnésie dissociative.
Afin de tenter de répondre à la controverse autour de l’amnésie disso-
ciative (à l’époque encore nommée refoulement) et des souvenirs retrou-
vés, Anderson et Green (2001) ont élaboré le paradigme dit de « Think/
No-think » (T/NT) : les participants se voient présenter lors d’une tâche
d’apprentissage une liste de paires de mots non liés entre eux (e.g., corvée/
cafard). Passé un certain délai, ces mêmes participants se voient présenter
à nouveau cette liste, mais n’apparaît devant eux que le premier des deux
mots de la paire (e.g., corvée). Pour certaines paires, il est demandé aux
participants d’indiquer le mot manquant ; pour d’autres, il leur est
demandé de ne pas y penser. La phase de T/NT effectuée, une tâche
de rappel indicé est proposée aux participants, durant laquelle ils ont

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l’opportunité de rappeler les paires de mots. Les résultats observés lors de


l’étude princeps ont permis de conclure que les mots de la condition NT
étaient moins bien rappelés que les autres. D’après les auteurs, ces résul-
tats ont confirmé l’existence d’un mécanisme de contrôle inhibitoire per-
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mettant aux individus de supprimer des souvenirs non désirés. Les
résultats observés par Anderson et Green (2001), ainsi que d’autres résul-
tats issus de l’utilisation de ce paradigme (e.g., Anderson et al., 2004 ;
Benoit & Anderson, 2012 ; Bergström, de Fockert, & Richardson-Klavehn,
2009 ; Gagnepain, Henson, & Anderson, 2014) ont été utilisés par les
partisans de l’existence de l’amnésie dissociative pour argumenter en sa
faveur (e.g., Brand, Collins, & McEwen, 2018 ; Brewin, 2007 ; Dalenberg,
2006 ; Dalenberg et al., 2012).
Un autre paradigme expérimental ayant permis d’obtenir des résultats
cohérents avec le mécanisme d’amnésie dissociative est celui dit de l’oubli
motivé. Freud (1916/1949) fut un des premiers à décrire l’oubli motivé
en faisant part d’une anecdote selon laquelle il se sentait incapable de se
souvenir d’un mot, qu’il attribuait ensuite à une association douloureuse
qu’il avait avec celui-ci. Il concluait alors qu’une motivation à oublier
quelque chose de douloureux pouvait mener à son oubli. D’après certains
auteurs, l’amnésie dissociative serait une forme d’oubli motivé (Dalenberg
et al., 2012). Ce paradigme, élaboré par Woodward et Bjork (1971),
consiste à demander à des participants soit de rappeler (« to-be-remem-
bered ») soit de volontairement oublier (« to-be-forgotten ») des mots
présentés initialement lors d’une phase d’étude. Typiquement, les résultats
observés sont que les participants rappellent, lors d’une troisième phase,
davantage de mots suivis de l’instruction « to-be-remembered » que ceux
suivis de l’instruction « to-be-forgotten ». Au regard des liens entre ce
paradigme, ses instructions, ses résultats et les phénomènes d’amnésie
dissociative, certains auteurs ont cherché à répliquer les résultats mais
en incluant des variables directement liées aux notions de trauma, de
refoulement, ou de dissociation. C’est ainsi que, par exemple, il a été
observé que des participants ayant des styles de coping de refoulement
oubliaient davantage de mots suivis de l’instruction « to-be-forgotten »
que d’autres participants n’arborant pas ce style de coping (Myers,
Brewin, & Power, 1998). Il a aussi été trouvé que cette différence était
d’autant plus large que les mots étaient auto-évalués comme pertinents
pour les participants (i.e., évaluation négative du mot), permettant aux
auteurs de suggérer que l’oubli motivé pourrait principalement concerner
les souvenirs autobiographiques (Myers & Derakshan, 2004). De même,
certaines études ont mis en avant un plus grand oubli de mots liés par le
sens au trauma et suivi d’une consigne « to-be-forgotten » que ceux non

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suivis d’une telle consigne (DePrince & Freyd, 2001, 2004). À nouveau,
de tels résultats ont été mis en parallèle avec l’amnésie dissociative
(DePrince et al., 2012).
Enfin, un argument avancé est celui d’un lien corrélationnel positif
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entre un passé traumatique et la survenue de symptômes dissociatifs,
mesurés au moyen de la Dissociative Experience Scale (DES ; voir Dalen-
berg et al., 2012). En effet, cette mesure inclut des items relatifs à des
perturbations mnésiques consécutives à un trouble dissociatif.
Toutefois, comme nous allons le voir dans la section suivante, ces
données, a priori encourageantes pour la reconnaissance de l’amnésie dis-
sociative par l’ensemble de la communauté scientifique, font état de
limites tant méthodologiques que conceptuelles.

LES LIMITES MÉTHODOLOGIQUES ET


CONCEPTUELLES LIÉES À L’AMNÉSIE DISSOCIATIVE

Limites méthodologiques

Les études prospectives. Plusieurs limites s’opposent à la conclusion


selon laquelle les études prospectives permettent d’interpréter les propor-
tions de déclarations d’absences de souvenirs traumatiques durant de
longues périodes (parfois des décennies) comme étant de l’amnésie disso-
ciative. Premièrement, comme cela a été relevé à plusieurs reprises, bon
nombre d’études prospectives n’ont pas proposé d’éléments corroborant
les faits décrits par les participants (e.g., Lynn et al., 2014 ; Lynn, Lilien-
feld, Merckelbach, Giesbrecht, & van der Kloet, 2012). Bien évidemment,
il ne s’agit pas de soupçonner quelconque mensonge de la part des partici-
pants, mais plutôt de mettre en garde face à soit certains faux souvenirs
d’événements complets (i.e., voir plus bas), soit des distorsions impor-
tantes de souvenirs.
Une seconde limite à ces études est que l’amnésie dissociative ici est,
au mieux, une interprétation des auteurs. La question posée aux partici-
pants prenait généralement la forme suivante : « Durant la période de
temps située entre la première expérience sexuelle forcée et le jour de vos
dix-huit ans, avez-vous connu une période de temps où vous ne pouviez
pas vous souvenir de cette expérience sexuelle forcée ? » (exemple tiré de
Briere & Conte, 1993, p. 24). Une réponse positive à cette question ne

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pourrait pas permettre de conclure autre chose que ceci : une certaine
proportion de participants déclare avoir connu durant une période de
temps, entre le début des violences et un temps donné (e.g., le jour des
18 ans), une incapacité à se souvenir de ces violences. Il a aussi été avancé
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que de telles formulations de questions ne permettaient pas d’identifier
les multiples causes pouvant expliquer une absence de souvenirs (e.g., des
souvenirs continus mais réinterprétés avec le temps, oubli ordinaire ; voir
la discussion à ce sujet dans McNally, Clancy, & Barrett, 2004).
Plus problématique encore, la seule donnée française à notre connais-
sance à ce sujet, tirée de l’enquête « Impact des violences sexuelles de
l’enfance à l’âge adulte » (Salmona, Roland, Fall, Morand, &, Salmona,
2015), a été obtenue en demandant aux participants de cocher, parmi
une liste de symptômes, lesquels ils avaient eu depuis la commission des
violences sexuelles déclarées. Parmi ces symptômes se trouvait l’item
« amnésie(s) ». Une telle méthode d’investigation revient à demander aux
participants d’effectuer un auto-diagnostic. L’amnésie étant un trouble de
la mémoire, nous pouvons nous questionner quant aux connaissances, à
la capacité et aux compétences professionnelles de l’ensemble des partici-
pants à effectuer un tel auto-diagnostic. En soi, il peut exister des défini-
tions de l’amnésie à la fois profanes (i.e., non-spécialistes) et
professionnelles (i.e., spécialistes). La question qui se pose alors ici est
celle des croyances des non-spécialistes sur ce qu’est une amnésie. Dans
une étude publiée en 2011, Simons et Chabris ont par exemple montré
que si environ 80 % du grand public croyaient que l’amnésie renvoie à
une incapacité de se souvenir de son propre nom ou de son identité, 0 %
des spécialistes adhérait à cette définition. Ensuite, plusieurs auteurs ont
déjà mis en garde quant à l’authenticité d’amnésies auto-déclarées
(Giesbrecht, Lynn, Lilienfeld, & Merckelbach, 2010). Enfin, aucune dis-
tinction n’était possible entre (i) une amnésie (ou un oubli) totale ou une
amnésie (ou un oubli) partielle, ou bien (ii) entre les différents types
d’amnésies (i.e., amnésie antérograde, rétrograde, amnésie causée par un
dommage organique, amnésie dissociative, etc.). En clair, si les méthodo-
logies d’enquêtes et de questionnaires présentent de réels atouts pour
cerner les expériences et attitudes des individus, les données obtenues par
Salmona et al. (2015) – i.e., 34 % des participants ont rapporté une ou
des amnésie(e)s – semblent partielles, et ne permettent pas d’établir,
comme l’ont fait les auteures, de conclusions concernant une prévalence
d’amnésies dissociatives consécutives à des violences sexuelles.
La dernière limite concernant cette méthode d’investigation est la
grande variabilité des résultats. En effet, certaines études prospectives ont

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mis en avant que, majoritairement, les individus avec un passé trauma-


tique causé par des violences physiques ou sexuelles se souviennent parti-
culièrement bien des faits (e.g., 81 % de violences rapportées, Goodman
et al., 2003). D’autres ont montré que 38 % de participantes ne se rappe-
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laient pas les violences 17 ans après les avoir dénoncées à la police (Wil-
liams, 1995), ou bien que presque 60 % des participants rapportaient une
absence de souvenirs de violences sexuelles durant une période significa-
tive de temps (Briere et Conte, 1993). De telles différences étant probable-
ment dues aux méthodologies utilisées (i.e., les trois études citées en
exemple ont utilisé trois méthodologies différentes pour arriver à leurs
résultats), il semble, toujours aujourd’hui, compliqué de tirer des conclu-
sions claires issues des études prospectives, tant sur les mécanismes sous-
jacents que sur l’ampleur du phénomène.

Le paradigme Think/No-think. Pour plusieurs raisons, il est difficile


de faire une analogie entre les résultats obtenus au moyen du paradigme
T/NT (i.e., suppression de souvenirs non désirés) et le mécanisme
d’amnésie dissociative. Pour commencer, l’amnésie dissociative ne
découle pas d’une instruction d’un tiers. Ce serait le choc traumatique qui
causerait un état dissociatif, et ne permettrait pas l’encodage du souvenir
traumatique de la même manière que des souvenirs ordinaires (bien que
stockés de façon complète ; Brewin, 2007). Dans le paradigme T/NT, c’est
uniquement parce qu’un expérimentateur demande aux participants de
ne pas penser au deuxième mot de certaines paires que nous voyons
apparaître un effet inhibiteur nuisant au rappel (Anderson & Green,
2001).
La deuxième limite est que les résultats obtenus, notamment par
Anderson & Green (2001) semblent quelque peu insuffisants pour argu-
menter en faveur de l’existence de phénomènes d’amnésies de parcelles
d’événements, voire d’événements entiers. Bien que présentant des effets
significatifs, l’étude princeps décrite plus haut montre que dans la condi-
tion NT, les taux de rappels corrects des mots étaient tous égaux ou
supérieurs à 72 %, même après 16 répétitions de consigne NT. Ceci
suggère, malgré la suppression de souvenirs, la conservation de bonnes
capacités de rappel.
La troisième limite est que les résultats obtenus en utilisant ce para-
digme sont loin d’être consensuels. Si plusieurs auteurs sont parvenus à
obtenir des résultats similaires, à savoir un moindre rappel des mots dans
la condition NT, d’autres auteurs n’ont pas observés de tel effet, voire ont
échoué à répliquer les résultats originaux, comme par exemple Bulevich,
Roediger, Balota, et Butler (2004), au moyen de trois expériences. Plus

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L’amnésie dissociative 283

récemment, Wessel, Albers, Zandstra, et Heininga (2020) ont conduit une


analyse « multiverse » (i.e., une analyse qui examine toutes les analyses
possibles et plausibles qui existent pour tester une hypothèse en particu-
lier) sur plusieurs expériences de souvenirs supprimés, et ont échoué à
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mettre en avant une cohérence dans les effets observés. Par exemple, si
des effets ont parfois été trouvés lorsque l’indice présenté lors de la tâche
de rappel était un des mots de la paire étudiée, ce n’était pas le cas lorsque
l’indice de récupération était un mot nouveau (e.g., nom de la catégorie
à laquelle appartient le mot à rappeler, e.g., « jouet » lorsque le mot à
rappeler est « poupée » ; valeurs p allant de .054 à > .999 selon les
échantillons).
Bien sûr, le propos n’est pas ici de rejeter la capacité des individus à
inhiber des souvenirs via des processus actifs d’oubli (voir, pour une
récente revue de littérature, Anderson & Hulbert, 2020), mais plutôt de
souligner les preuves limitées que de tels travaux apportent à l’affirmation
de l’existence de l’amnésie dissociative.
Un des postulats liés à l’amnésie dissociative est que les souvenirs
« refoulés » (ou dissociés) continueraient d’exercer une influence sur les
pensées subséquentes au déclenchement de l’amnésie, ce qui aurait une
incidence sur la santé mentale des individus (Freud, 1915 ; voir Wang,
Luppi, Fawcett, & Anderson, 2019). Or, des données récentes ont montré
que des souvenirs supprimés au moyen du paradigme T/NT n’exerçaient
pas de telle influence, menant les auteurs à considérer avec prudence
l’idée selon laquelle des cognitions supprimées joueraient un rôle dans la
santé mentale des individus (Wang et al., 2019).
Enfin, il semblerait que ce paradigme permette davantage d’éclairer
sur le fonctionnement de la mémoire d’individus sains, puisque des
preuves de souvenirs supprimés ont été observées de façon plutôt systé-
matique au sein de populations non cliniques, ce qui n’était pas le cas au
sein de populations cliniques (i.e., troubles anxieux, troubles de
l’humeur ; Stramaccia, Meyer, Rischer, Fawcett, Benoit, sous presse).

L’oubli motivé. La première limite est similaire à celle soulevée concer-


nant l’analogie entre les résultats obtenus au moyen du paradigme T/NT et
l’amnésie dissociative : d’un point de vue expérimental, l’oubli motivé est
systématiquement le résultat d’une instruction de la part de l’expérimenta-
teur. Non seulement l’oubli provient, de façon certes indirecte, d’une source
externe, mais en plus, la motivation à oublier tel ou tel mot est le choix soit
de l’expérimentateur (i.e., décision a priori de la part de l’expérimentateur
des mots rentrant dans une ou l’autre condition), soit du hasard (i.e., déci-
sion a priori et aléatoire des mots rentrant dans une ou l’autre condition).

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284 Olivier Dodier

Plusieurs auteurs ont utilisé ce paradigme avec du matériel relatif au


trauma (vs. neutre et/ou positif et non relatif au trauma ; e.g., Elzinga, de
Beurs, Sergeant, van Dyck, & Phaf, 2000 ; McNally, Metzger, Lasko,
Clancy, & Pitman 1998 ; McNally, Clancy, & Schacter, 2001) et/ou avec
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des participants traumatisés ou dissociés (e.g., Baumann et al., 2013 ;
Elzinga et al., 2000 ; Patihis & Place, 2018 ; Zoellner, Sacks, and Foa,
2003), avec un historique de violences sexuelles (e.g., Cloitre, Cancienne,
Brodsky, Dulit, & Perry, 1996 ; McNally et al., 1998), ou encore ayant
retrouvé des souvenirs après une période sans souvenirs ou déclarant
avoir refoulé des souvenirs traumatiques (McNally et al., 2001). L’hypo-
thèse testée était que ces populations devaient montrer une plus grande
tendance que des groupes contrôles à oublier du matériel traumatique
dans les conditions « to-be-forgotten ». Pourtant, McNally et al. (1998)
ont trouvé que des personnes diagnostiquées d’un trouble de stress post-
traumatique n’ont pas montré de diminution significative du rappel des
mots associés au trauma et qui faisaient l’objet d’une consigne « to-be-
forgotten ». De façon similaire, McNally et al., (2001) n’ont trouvé aucune
différence dans l’oubli de mots relatifs au trauma entre les participants
déclarant avoir retrouvé des souvenirs d’abus, les participants déclarant
avoir refoulé des souvenirs traumatiques, et ceux avec des souvenirs conti-
nus. Cloitre et al. (1996) ont, eux, montré que le fait d’avoir subi des
violences durant l’enfance était associé à de meilleurs rappels dans la
condition « to-be-remembered », mais pas à plus d’oublis dans la condi-
tion « to-be-forgotten ». Enfin, dernier exemple et le plus récent en date,
Patihis et Place (2018) ont échoué à apporter des preuves solides d’un
lien entre dissociation/traumatisme et oubli motivé. Réunies, ces données
semblent plutôt supporter une idée inverse à celle avancée par les défen-
seurs du mécanisme de l’amnésie dissociative : les individus ayant vécu
des expériences traumatiques seraient tout aussi capables, voire mieux
dans certains cas, de rappeler du matériel traumatique. Avec des popula-
tions non cliniques, Barnier et al. (2007) n’ont, pour leur part, pas mis
en avant de différence d’oubli entre des mots à valence positive, neutre
ou négative, sachant que, dans l’ensemble, la fréquence d’oubli était plus
élevée pour les mots non émotionnels que pour les mots émotionnels.
Au regard, en tout cas, des disparités de résultats obtenus au moyen
de ce paradigme, il semble important de proposer des analyses plus glo-
bales (e.g., méta-analyses, analyses de type « space-study ») qui permet-
traient (i) d’y voir plus clair sur le sens des résultats, (ii) d’identifier et
prendre en compte d’éventuelles différences et/ou limites méthodolo-
giques, et (iii) d’identifier d’éventuels biais de publication (i.e., tendance
à ne publier que les manuscrits présentant des résultats significatifs).

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L’amnésie dissociative 285

Les liens entre passé traumatique et survenue de symptômes dissocia-


tifs. Là encore, les résultats obtenus ne permettent pas d’apporter de preuves
de l’existence d’une amnésie dissociative consécutive à l’expérience d’un évé-
nement traumatique. Comme formulé à plusieurs reprises (e.g., Otgaar et al.,
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2019 ; Lynn et al., 2014 ; Patihis & Lynn, 2017), la DES ne propose pas de
mesure de perturbations mnésiques correspondant aux définitions passées du
refoulement (voir plus bas), ou à la définition actuelle de l’amnésie dissociative
par le DSM-5. En effet, l’échelle fait plutôt référence à des perturbations mné-
siques, mais en aucun cas à un oubli de l’événement traumatique. Parmi les
items de la deuxième version de la DES, où l’on demande aux participants et/
ou patients pour chaque proportion d’indiquer à quel pourcentage de leur
temps cela leur arrive, il y a par exemple : « Certaines personnes font l’expé-
rience de conduire ou de monter dans une voiture, un bus ou un métro, et
soudainement réalisent qu’ils ne se souviennent pas de ce qui s’est passé
durant le trajet » (notre traduction). Autre exemple, « Certaines personnes
font l’expérience de se retrouver habillées de vêtements qu’elles ne se sou-
viennent pas avoir enfilés » (notre traduction). Ainsi, au-delà du fait que des
fortes corrélations entre les scores obtenus avec la DES et le fait d’avoir un
passé traumatique ne sont pas toujours retrouvées dans la littérature (Patihis &
Lynn, 2017), il a été montré que ces scores, à l’inverse, corrèlent positivement
et de façon significative avec des mesures de contrôle attentionnel diminué
(voir Codon & Lynn, 2014 ; Merckelbach, Muris, & Rassin, 1999). En d’autres
mots, la DES ne permet pas d’obtenir de bons indices d’amnésie dissociative,
mais plutôt de capacités cognitives réduites.

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286 Olivier Dodier

Tableau I. Résumé des arguments empiriques en faveur de l’amnésie dissociative


et limites méthodologiques identifiées dans la littérature.
Table I. Summary of empirical evidence of dissociative amnesia and methodologi-
cal limitations identified in the literature.

Preuves en faveur de l’amnésie dissociative Critiques


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Études Observation chez des personnes de périodes sans Absence de corroboration des faits.
pros- souvenirs des faits traumatiques vécus.
pectives
Prévalence allant d’environ 16 % (Melchert & L’amnésie dissociative est une interprétation
Parker, 1997) des personnes déclarant avoir vécu mais n’est pas observée.
un événement traumatique jusqu’à 59 %
(Briere & Conte, 1993).
Interprétation de ces périodes comme le résultat Grande variabilité des résultats dans les études
de mécanismes dissociatif entraînant une incapa- de prévalence.
cité de se souvenir.
Paradigme Démonstration expérimentale de capacités de Mécanisme conscient et induit par un tiers.
T/NT suppression de souvenirs non-désirés.
Résultats répliqués par certaines études. L’ampleur de la suppression des souvenirs
semble minime au regard de ce que serait
l’amnésie dissociative (i.e., incapacité de souve-
nirs de parties d’événements ou d’événements
entiers).
Absence de réplication par d’autres études.
Observé principalement chez des individus
sains, effets moins importants dans des popula-
tions cliniques.
Paradigme Démonstration expérimentale d’oubli volontaire Mécanisme conscient et induit par un tiers.
de l’oubli de souvenirs non-désirés.
motivé
Répliqué avec du matériel relatif au trauma et/ou Absence de différence dans certaines études
souvenirs autobiographiques. entre populations cliniques/trauma (e.g.,
trouble de stress post-traumatique) et popula-
tions contrôles.
Absence de différence dans certaines études
concernant l’oubli de mots relatifs au trauma
vs. mots non relatifs et/ou neutres, avec des
populations cliniques.
Dissociative Corrélation positive entre passé traumatique et Les perturbations mnésiques mesurées dans la
Experience survenue de symptômes dissociatifs (e.g., pertur- DES ne renvoient pas à l’amnésie dissociative.
Scale bations mnésiques).
Corrélations positives entre le score obtenu à la
DES et des mesures de contrôle attentionnel.

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L’amnésie dissociative 287

Limites conceptuelles

L’amnésie dissociative comme nouvelle appellation du refoulement.


Comme précisé dès l’introduction, il semble que, conceptuellement,
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l’amnésie dissociative soit une nouvelle appellation du refoulement
inconscient. En effet, dès 1994, Holmes insistait sur l’idée qu’en l’absence
de preuves à la fois expérimentales et cliniques de validité du refoulement,
ses partisans ont commencé à mettre l’emphase sur des aspects dissociatifs
de la mémoire, et ainsi commencé à parler d’amnésie dissociative. Toute-
fois, une analyse « idée-par-idée » conduite par Otgaar et collègues (2019)
a démontré que la définition donnée par le DSM (5e édition ; American
Psychiatric Association, 2013) à l’amnésie dissociative est très similaire à
la définition donnée au refoulement par de nombreux auteurs dans les
années 1990 (e.g., Loftus, 1993). La question de pourquoi la notion de
« refoulement » n’était pas inscrite et décrite dans les précédentes versions
du DSM, alors que la 5e édition du manuel propose une description de
l’amnésie dissociative se pose. Plusieurs raisons ont été avancées dans la
littérature (Otgaar et al., 2019) : (i) l’équipe chargée de la mise à jour du
manuel était très majoritairement composée de psychiatres, et n’a inclus
aucun spécialiste du fonctionnement de la mémoire (Yan, 2007) ; (ii)
l’équipe ne comprenait aucun chercheur et/ou spécialiste ayant exprimé
des doutes concernant la validité de certains troubles dissociatifs (voir
Otgaar et al., 2019) ; (iii) la littérature clinique inclut une très grande
quantité d’études de cas décrivant des individus déclarant une amnésie
dissociative, pouvant laisser envisager qu’il s’agit d’un phénomène dont
la reconnaissance est consensuelle au sein de la communauté scientifique
(voir, par exemple, Brand et al., 2009 ; Sharma, Guirguis, Nelson, &
McMahon, 2015 ; Stanioiu, Markowitsch, & Kordon, 2018).
Ce changement d’appellation du phénomène est d’ailleurs observable :
il a été montré qu’entre 2010 et 2019, 71 articles publiés dans une revue
scientifique focalisée sur les troubles dissociatifs portaient directement sur
la question de l’amnésie dissociative, alors qu’entre 1990 et 1999, aucun
article ne portait dessus (Otgaar et al., 2019). Un tel changement de nom
a alors été interprété comme (i) une tentative de donner une caution plus
scientifique au refoulement, et (ii) une des raisons pour lesquelles les
« memory wars » (i.e., le nom donné à la controverse tant scientifique
que clinique autour des souvenirs refoulés et retrouvés ; Crews, 1996)
seraient toujours en vigueur en cette fin de deuxième décennie du
XXIe siècle (voir Dodier, 2019 ; Patihis, Ho et al., 2014).

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288 Olivier Dodier

Le trouble de stress post-traumatique. Les recherches menées sur le


trouble de stress post-traumatique, plutôt que de mettre en avant quel-
conque incapacité à se remémorer les faits, révèle que les individus
atteints font plutôt l’expérience de flashbacks, de symptômes de revivis-
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cences, et de souvenirs intrusifs (voir McNally, 2003). C’est ainsi que
plusieurs auteurs ont expliqué que les pertes complètes de souvenirs d’un
événement traumatique seraient particulièrement rares parmi les victimes
de traumatismes (e.g., victimes survivantes de l’Holocauste, Wagenaar &
Groeneweg, 1990 ; survivants de camps de concentration, Merckelbach,
Dekkers, Wessel, & Roefs, 2003 ; victimes de violences sexuelles,
Goodman et al., 2003). En fait, il semblerait, dans le cas de violences
sexuelles, que la précision des souvenirs soit corrélée positivement avec la
sévérité des violences (Alexander et al., 2005). Une récente étude longitu-
dinale examinant la qualité et l’exactitude de souvenirs de contacts géni-
taux subis environ 20 ans plus tôt a montré que le niveau d’intensité de
trouble de stress post-traumatique n’était en rien associé à une plus faible
exactitude des récits, qui étaient, de manière générale, particulièrement
exacts (Goldfarb, Goodman, Larson, Eisen, & Qin, 2019). En d’autres
mots, à l’inverse d’une amnésie dissociative qui établit un lien entre trau-
matisme et oubli, il semble que les personnes ayant un vécu traumatique,
ou atteintes du trouble de stress post-traumatique ne se souviennent géné-
ralement que trop bien de ce qu’elles ont vécu (McNally, 2003).

Une limite épistémologique. Le DSM (5e édition ; American Psychia-


tric Association) décrit l’amnésie dissociative comme impliquant une
période durant laquelle un individu subit une incapacité à se souvenir
d’un événement autobiographique généralement traumatique. Cette
notion est cohérente avec le refoulement, dont la description incluait la
notion de souvenirs inaccessibles (Loftus, 1993). Apparaît alors ici une
limite épistémologique majeure dans la mesure où, alors, un tel phéno-
mène ne serait pas falsifiable. Comme le soulignent très justement Otgaar
et collègues (2019), la seule preuve observable qu’un souvenir a été stocké
est l’expression de celui-ci lors d’un rappel. Pourtant, l’idée même de
rappel d’un souvenir est incompatible avec l’idée d’incapacité de se rappe-
ler. Ainsi, le concept même d’amnésie dissociative, telle que définie par
ses partisans, souffre d’erreurs logiques portant atteinte à sa validité épis-
témologique.
D’après certains auteurs exprimant une adhésion à la notion d’amnésie
dissociative, les individus finissent par retrouver de tels souvenirs dissociés
lorsqu’un indice de récupération en permet la résurgence (e.g., Brand et
al., 2017a, b). Une telle conception semble alors incompatible avec une

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L’amnésie dissociative 289

idée « d’incapacité » à se rappeler (i.e., amnésie dissociative) ou « d’inac-


cessibilité » (i.e., refoulement). Au contraire, il s’agirait là d’un fonction-
nement plutôt ordinaire d’oubli et de récupération mnésique.
Cette revue des limites ne permet pas, comme nous l’avons précisé en
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introduction, d’affirmer que l’amnésie dissociative n’existe pas. Cepen-
dant, rien dans les études citées en support de ce mécanisme ne prouve,
en fait, son existence. Pourtant, comme nous allons le voir dans une
prochaine section, plusieurs pratiques thérapeutiques semblent associées
à la récupération de tels souvenirs.

Les thérapies de « mémoires retrouvées »


et les faux souvenirs

Malgré le fait que l’amnésie dissociative ne soit pas un phénomène


faisant l’objet de suffisamment de preuves de son existence et que les
publications exprimant du scepticisme soient majoritaires au XXIe siècle
(Dodier, 2019), certaines techniques thérapeutiques sont, au moins par-
tiellement, focalisées sur la récupération et la gestion de souvenirs trauma-
tiques. Comme cela a été précisé récemment dans la littérature, il semble
rare que des thérapeutes affichent clairement leur intention d’aider des
patients en souffrance à retrouver des souvenirs enfouis dans leur incons-
cient (Patihis & Pendergrast, 2019). Si certaines méthodes thérapeutiques
ont pour objectif explicite d’agir sur les souvenirs traumatiques (e.g., eye
movement desensitization and reprocessing, appelé couramment EMDR,
Shapiro, 2018), d’autres dont l’objectif principal n’est pas de se focaliser
sur de tels souvenirs (e.g., les thérapies psychodynamiques d’inspiration
psychanalytique modernes, Shedler, 2010 ; les thérapies cognitives et com-
portementales ; Beck, 2016) peuvent parfois mettre l’accent sur des trau-
matismes passés (e.g., Cohen, Mannarinon, Kliethermes, & Murray,
2012). De plus, ces dernières ont déjà été décrites comme étant parfois
associées à des méthodes infondées scientifiquement (Hipol & Deacon,
2013). La question qui se pose alors est celle du risque associé à de telles
focalisations sur les souvenirs de traumatismes passés.
Depuis plus de 40 ans, de nombreux travaux sur la facilité avec laquelle
des souvenirs épisodiques ou autobiographiques peuvent être biaisés ont
permis de comprendre à quel point des techniques thérapeutiques (e.g.,
hypnose, imagerie guidée) associées à des suggestions explicites peuvent
avoir pour conséquence le développement de faux souvenirs. Les premiers
travaux de Loftus et Palmer (1974) ont d’ailleurs mis en avant le fait que

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290 Olivier Dodier

changer subtilement un mot dans une question (e.g., « à quelle vitesse


roulaient les voitures quand elles se sont rentrées dedans ? » vs. « à quelle
vitesse roulaient les voitures lorsqu’elles sont entrées en collision ? »)
pouvait modifier les souvenirs d’un événement. Dans leur étude, après
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avoir montré aux participants une vidéo d’accident de la route et leur
avoir posé les questions suscitées, les chercheurs demandaient aux partici-
pants s’ils se souvenaient, ou non, avoir vu des bris de glace à la suite de
l’accident, alors qu’il n’y en avait pas. Leurs résultats ont montré que plus
le verbe induisait un choc violent (i.e., « entrer en collision » est perçu
comme plus violent que « rentrer dedans »), plus les participants se souve-
naient à tort avoir vu des bris de glace. Même si le paradigme expérimen-
tal a évolué depuis sa création, les 40 ans de recherche ayant suivi l’étude
de Loftus et Palmer ont permis d’arriver à la conclusion que l’effet de
désinformation (i.e., l’intégration en mémoire d’un événement d’un ou
de plusieurs éléments encodés après l’expérience dudit événement) est un
des effets les plus robustes en psychologie (Loftus, 2005 ; Payoux &
Verrier, 2017).
Amener des individus à se rappeler des bris de glace quand il n’y en
avait pas dans l’événement original est une chose. C’est une tout autre
chose d’induire des faux souvenirs autobiographiques d’événements
entiers chez des individus. Pourtant, un grand nombre d’études ont mis
en place des paradigmes expérimentaux visant à créer chez des partici-
pants de tels faux souvenirs. La première étude du genre fut conduite par
Loftus et Pickrell (1995). La méthode était la suivante : les expérimenta-
teurs ont soumis à des participants un livret contenant quatre récits épiso-
diques décrivant un événement de leur enfance. Parmi eux, trois récits
avaient été récupérés auprès des proches du ou de la participant(e) et
étaient authentiques, et un récit était totalement faux et inventé (i.e.,
un récit décrivant l’égarement du ou de la participant(e) dans un centre
commercial), mais basé sur des éléments crédibles pour le ou la partici-
pant(e). Les participants étaient invités à indiquer dans le livret ce dont
ils se souvenaient de chacun des événements décrits, avec la possibilité
d’indiquer qu’ils ne se souvenaient de rien. Les participants étaient ensuite
entendus deux fois (à une à deux semaines d’intervalle) par l’équipe de
recherche, et étaient invités à rappeler tout ce dont ils se souvenaient des
événements, sur la base de leurs souvenirs des événements, et non des
descriptions du livret. Les résultats ont montré que 25 % des participants
se souvenaient partiellement ou totalement avoir vécu l’événement
inventé. De tels résultats ont été répliqués à plusieurs reprises, y compris
pour des souvenirs d’événements criminels et émotionnels (Shaw &
Porter, 2015 ; mais voir aussi, pour une critique Wade, Garry, & Pezdeck,

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L’amnésie dissociative 291

2018 ; et pour une réponse, Shaw, 2018). De manière plus générale, les
revues systématiques et méta-analyses sur l’induction de faux souvenirs
d’événements entiers ont montré des proportions de faux souvenirs allant
de 15 % des participants (Brewin & Andrews, 2017 ; mais voir aussi, pour
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des critiques, Otgaar, Merckelbach, Jelicic, & Smeets, 2017 ; Nash, Wade,
Garry, Loftus, & Ost, 2017) à 30 % (Scoboria et al., 2017).
La question des faux souvenirs reste néanmoins compliquée à appré-
hender d’un point de vue appliqué. En effet, plusieurs méthodes existent
pour étudier le développement des faux souvenirs (e.g., la tâche Deese/
Roediger-McDermott, le paradigme de désinformation, le paradigme
d’induction de faux souvenirs riches, inflation de l’imagination). Or, il a
été montré que le développement de faux souvenirs à la suite d’une tâche
précise ne permet pas de prédire le développement de faux souvenirs dans
d’autres tâches (Patihis, Frenda, & Loftus, 2018). De même, il semble que
les caractéristiques individuelles ne permettent pas de prédire l’apparition
de faux souvenirs, et ce indépendamment des tâches utilisées (Nichols &
Loftus, 2019). En d’autres termes et pour résumer : les faux souvenirs
concerneraient tout le monde, et on ne peut prédire dans quel contexte
ceux-ci ont le plus de chance d’apparaître. La question qui se pose main-
tenant est la suivante : quelles méthodes thérapeutiques sont plus asso-
ciées à des faux souvenirs ?
Au-delà de l’induction d’informations post-événement, plusieurs tech-
niques parfois utilisées lors de thérapies ont été identifiées comme poten-
tiellement dangereuses pour les patients, en ce qu’elles peuvent contribuer
à la création de souvenirs erronés (voir Lilienfeld, 2007 ; Lynn, Lock,
Loftus, Krackow, & Lilienfeld, 2003). Plusieurs recherches expérimentales
ont mis en avant des liens entre ces techniques et la création de faux
souvenirs, comme par exemple l’imagerie guidée (i.e., il est demandé aux
individus d’imaginer un événement suggéré par un tiers ; Garry,
Manning, Loftus, & Sherman, 1996), l’hypnose (Laurence & Perry, 1983 ;
Patihis & Younès Burton, 2015), ou encore l’interprétation des rêves (i.e.,
après que les participants ont raconté leurs rêves et que l’expérimentateur
les a systématiquement interprétés comme évocateurs de harcèlement
subis avant l’âge de trois ans, il a été observé une hausse dans les croyances
que ces événements sont réellement survenus ; Mazzoni, Loftus, Seitz, &
Lynn, 1999). Des travaux plus récents ont montré que les mouvements
oculaires latéraux – une technique centrale à l’EMDR – étaient associés à
une hausse des faux souvenirs dans un paradigme de désinformation
(Houben, Otgaar, Roelofs, Smeeths, & Merckelbach, 2019 ; Houben,
Otgaar, Roelofs, & Merckelbach, 2018, mais voir aussi, pour une critique,
van Schie & Leer, 2019). De même, une méta-analyse a révélé un lien

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positif entre trouble de stress post-traumatique, passé traumatique,


dépression et le développement de faux souvenirs spontanés pour de
matériel émotionnel (Otgaar, Murris, Howe, & Merckelbach, 2017).
La psychothérapie est un contexte particulier qui semble propice à de
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tels phénomènes mnésiques (Otgaar et al., 2019 ; Patihis & Pendegrast,
2019). Comme nous l’avons vu, il est relativement aisé d’amener des indi-
vidus à se souvenir (ou du moins, à croire en la survenue) d’éléments ou
d’événements qu’ils n’ont pourtant pas vécus. Patihis et Pendergrast
(2019) ont mesuré la prévalence de souvenirs retrouvés durant des psy-
chothérapies aux États-Unis entre 1970 et 2017 et ont conclu que cela
pourrait concerner 4 à 5 % des Américains de plus de 20 ans ; ce qui
représentait 11 % des répondants à leur enquête ayant aussi déclaré avoir
suivi une thérapie. Si ces données semblent marginales, il convient de
les mettre en perspective avec le nombre d’individus que cela pourrait
concerner, à savoir entre 9 et 12 millions. En France, il a été estimé que
cela pourrait concerner aussi des centaines de milliers de personnes, dans
la mesure où 6 % d’individus ayant déclaré avoir suivi une thérapie entre
1995 et 2018 ont aussi déclaré avoir retrouvé des souvenirs dans ce
contexte (2.5 % des 1312 répondants âgés de plus de 18 ans au total ;
Dodier, Patihis, & Payoux, 2019). Dodier, Patihis, et Payoux (2019) ont
par ailleurs mis en avant un lien très fort entre le fait, pour des patients
de croire en l’efficacité des méthodes thérapeutiques pour retrouver des
souvenirs refoulés (ou dissociés) et le fait de retrouver des souvenirs
d’abus passés dans le cadre d’une thérapie. De manière intéressante, tant
aux États-Unis qu’en France, de tels souvenirs retrouvés étaient associés
à des méthodes thérapeutiques dont l’objectif n’est, a priori, pas de se
focaliser sur des traumas passés (e.g., thérapies cognitives et comporte-
mentales). Associé au fait que les psychologues cliniciens se montrent
majoritairement favorables à l’idée que l’amnésie dissociative est un phé-
nomène valide (e.g., Dodier & Payoux, 2017 ; Melinder & Magnussen,
2015 ; Otgaar et al., 2019), ceci suggère alors, comme cela a été montré
par le passé, que le développement de faux souvenirs induits en thérapies
dépendrait davantage des croyances des thérapeutes et des patients, ainsi
que des suggestions explicites d’abus passés, que des pratiques thérapeu-
tiques en elles-mêmes (e.g., voir la discussion à ce sujet dans Robin, 2013,
p. 118-119).
En clair, les faux souvenirs représentent une alternative crédible et
largement éprouvée scientifiquement à l’amnésie dissociative. Toutefois,
puisqu’il semble que les interventions suggestives d’un tiers augmentent
la probabilité d’apparition de faux souvenirs, il convient de s’intéresser

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au contexte de récupération afin d’estimer (théoriquement) si cette hypo-


thèse est pertinente dans le cas de souvenirs retrouvés. Par exemple, un
souvenir retrouvé spontanément en présence d’un indice de récupération
(e.g., retourner sur les lieux où se sont déroulés les faits) devrait plus
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probablement refléter un événement personnellement vécu par un indi-
vidu. Nous allons voir, dans une section suivante, que d’autres méca-
nismes relatifs au fonctionnement ordinaire de la mémoire ou à des
stratégies d’évitement peuvent expliquer certains souvenirs retrouvés.
Nous aborderons aussi la question sensible des symptômes simulés ou
feints.

Des explications alternatives à l’amnésie dissociative

Dans cette section, nous allons développer plusieurs mécanismes alter-


natifs à l’amnésie dissociative, afin d’expliquer comment des individus
peuvent vivre un oubli des faits – ou parfois avoir l’impression de les
avoir oubliés – durant de longues périodes de temps. Nous passerons
aussi en revue la question des symptômes feints, qui peuvent s’avérer être
une hypothèse crédible et alternative à l’amnésie dissociative dans certains
cas. L’objectif ici n’est pas d’affirmer que ces mécanismes sont systémati-
quement à l’œuvre, mais plutôt de proposer aux lecteurs des explications
davantage parcimonieuses. En d’autres termes, nous allons montrer que
ce qui est considéré comme la manifestation d’une amnésie dissociative
– un phénomène aux bases scientifiques incertaines – peut s’expliquer
plus économiquement par des théories scientifiques validées.

L’événement n’est pas vécu comme un traumatisme au moment de


sa survenue

En 1994, Williams a conduit une étude prospective visant à mesurer


la proportion de femmes qui rappelleraient librement des faits de vio-
lences subies durant l’enfance rapportées 17 ans plus tôt à la police. Le
résultat principal était que 38 % des femmes entendues ne rappelaient
pas les violences. Plus intéressant, l’auteure a montré une association
entre l’âge et le rappel : les femmes qui étaient les plus jeunes lors des
violences étaient celles qui rappelaient le moins les faits. Ceci a alors mené
à considérer que l’amnésie dissociative était d’autant plus probable que
les violences avaient été subies jeune. Toutefois, il semble que, dans ce

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cas, une variable n’a pas été prise en compte dans l’interprétation d’un
tel résultat. En effet, le très jeune âge de certaines victimes pourrait avoir
eu pour conséquence que l’événement n’a pas été vécu, au moment de sa
survenue, comme traumatique par l’enfant (Clancy & McNally, 2005/
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2006). Malgré le fait que les violences sont de façon évidente condam-
nables sur les plans moral, sanitaire et légal, les enfants pourraient être
parfois trop jeunes pour percevoir la nature sexuelle des actes commis
par un adulte à leur encontre (Loftus, Joslyn, & Polage, 1998 ; McNally &
Geraerts, 2009). En effet, les jeunes enfants ne connaissent généralement
que très peu de choses, voire rien, à propos de la sexualité (Brilleslijper-
Kater & Baartman, 2000). Il a été montré que dans de tels cas, l’événement
a été vécu comme « bizarre, confus et très inconfortable » (McNally &
Geraerts, 2009 ; notre traduction), mais non de façon traumatique. Des
mécanismes alors ordinaires de la mémoire (i.e., difficulté d’accéder à
la trace mnésique de l’événement) pourraient expliquer certains cas de
souvenirs retrouvés. Ce n’est que plus tard, parfois des décennies, qu’un
indice de récupération pourrait permettre l’accès aux souvenirs des vio-
lences. Ceux-ci seront alors réinterprétés comme des violences subies
(McNally, 2005 ; Schooler, 2001), et générant, à ce moment un trauma-
tisme psychologique (McNally & Geraerts, 2009).

L’effet du stress sur la mémoire

Si l’argument de l’âge et du passage du temps est une alternative cré-


dible à l’amnésie dissociative lorsque les violences ont été commises
lorsque l’enfant était (très) jeune, elle l’est moins lorsqu’il s’agit d’adoles-
cents ou d’adultes. En effet, les adolescents ont des connaissances plus
développées sur la sexualité que de plus jeunes enfants (Drennan, Hyde, &
Howlett, 2009), ainsi que de plus grandes capacités à décrire des violences
sexuelles (Milam & Nugent, 2017). Certains partisans de l’amnésie disso-
ciative ont avancé l’idée que la caractéristique des amnésies dissociatives
débutant à des âges avancés était qu’elles étaient généralement partielles
(voir Dodier & Tomas, 2019). Toutefois, d’autres mécanismes liés à
l’influence du stress sur la mémoire et largement plus soutenus par des
données empiriques peuvent expliquer de tels biais dans les souvenirs de
victimes de violences. Le modèle défendu par Deffenbacher (1994 ; voir
aussi Deffenbacher, Bornstein, Penrod, & McGorty, 2004) permet d’envi-
sager le fonctionnement des souvenirs chargés en stress. L’expérience d’un
événement particulièrement stressant enclencherait un mode d’activation
du contrôle attentionnel. Une augmentation de ce mode d’activation à

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l’encodage serait plutôt bénéfique pour les souvenirs – ce qui a été


d’ailleurs soutenu par la méta-analyse la plus récente à ce sujet (Shields,
Sazma, McCullough, and Yonelinas, 2017) – parce qu’elle amènerait les
individus à porter une plus grande attention sur les détails permettant
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une bonne compréhension de l’événement. Toutefois, une hausse subsé-
quente du niveau de stress amènerait les individus à passer d’un mode
d’activation du contrôle attentionnel à un mode d’excitation, qui, lui,
serait néfaste à la qualité des souvenirs. En effet, l’attention serait alors
déportée vers les éléments permettant une bonne compréhension de la
source de la menace pour l’intégrité (physique ou psychologique) des
individus, et vers des éléments permettant d’élaborer des stratégies de
gestion du stress (e.g., fuite). C’est par exemple un des mécanismes qui
expliqueraient l’effet d’arme : la présence d’une arme (i.e., source de
menace pour l’intégrité physique d’une victime ou d’un témoin) lors de
la commission d’un crime ou d’un délit aurait pour conséquences de
moins bonnes capacités pour les individus à décrire physiquement
l’auteur des faits (voir Fawcett, Peace, & Greve, 2016 ; Fawcett, Russel,
Peace, & Christie, 2013). Dans ce cas, il ne s’agirait pas d’amnésie, ou
même d’oubli, mais d’un encodage partiel de l’événement.

Ne pas penser à l’événement traumatique ou ne pas en parler


ne signifie pas l’avoir oublié

McNally (2007) a pointé une erreur logique dans l’interprétation des


résultats des études prospectives. Certaines études ont montré que les
participants ayant déclaré avoir connu des périodes sans souvenirs ont
aussi déclaré avoir tenté, en vain, de se souvenir des abus. Or, le principe
d’amnésie dissociative, ou de refoulement inconscient, est justement que
les individus sont incapables de se souvenir des souvenirs traumatiques
parce qu’ils n’ont tout simplement pas conscience de leur existence.
Comment alors les participants auraient-ils pu tenter de se souvenir sans
avoir conscience de l’existence de ces souvenirs, donc des violences ? Pour
cette raison, McNally (2007) a émis l’hypothèse que dans de telles études,
les participants ont en fait interprété les questions comme « avez-vous
connu une période où vous n’avez pas pensé aux violences que vous avez
subies ? » (p. 1085). Or, ne pas penser à un événement renverrait plutôt
à des stratégies d’évitement plutôt qu’à des phénomènes d’oubli ou
d’amnésie (Otgaar et al., 2019).
De la même manière, ne pas parler de violences subies n’est pas révéla-
teur d’états amnésiques dus au traumatisme. Dans l’étude de Williams

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(1994), parmi les 38 % de femmes n’ayant pas mentionné les violences


dans leur rappel libre, il est tout à fait envisageable que certaines aient
choisi de ne pas en parler, malgré des souvenirs potentiellement précis.
Une étude a par exemple montré que si la probabilité pour des victimes
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de révéler des violences sexuelles subies lors d’un entretien de police aug-
mente jusqu’à l’âge de 11 ans, cette probabilité chute sans discontinuer
jusqu’à 16 ans (i.e., âge le plus élevé pris en compte dans l’étude ; Leach,
Powell, Sharman, & Anglim, 2017). Plusieurs explications ont été avan-
cées à cette évolution : (i) en grandissant, les adolescents ressentiraient
plus de honte à aborder de tels faits (London, Bruck, Ceci, & Shuman,
2007) ; (ii) les adolescents ressentiraient plus de peurs d’éventuelles repré-
sailles de la part de l’agresseur (Goodman-Brown, Edelstein, Goodman,
Jones, & Gordon, 2003) ; et (iii) ils ne percevraient pas certaines violences
comme des violences sexuelles (e.g., dans le cadre de relations amou-
reuses ; Bunting, 2008).

L’amnésie feinte

L’amnésie dissociative est un phénomène qui n’est pas invoqué uni-


quement pour les victimes de faits traumatiques. Les auteurs des faits
peuvent aussi, parfois, déclarer subir une amnésie qui serait le résultat
d’un mécanisme inconscient, visant à les protéger de l’atrocité des actes
qu’ils ont pu commettre (Porter, Birt, Yuille, & Herve, 2001). La question
de la simulation de troubles mnésiques dans les cas de crimes ou délits
violents fait l’objet d’un nombre important de recherches sur le plan
international (voir la revue de littérature à ce sujet par van Oorsouw &
Merckelbach, 2010). Si l’on peut envisager ce genre de tromperies comme
une simple tentative de nier les faits, il s’avère que les raisons sont en fait
plus compliquées. S’il paraît difficile d’envisager cette hypothèse lorsqu’il
s’agit de victimes, nous allons voir que la littérature conduite sur les
auteurs de faits criminels ou délictueux est informative quant à la com-
plexité des motivations pouvant mener à feindre une amnésie de faits de
nature à causer un traumatisme.
Une des premières particularités des auteurs de faits délictueux ou
criminels observées dans la littérature est que la déclaration d’amnésie
semble concerner principalement les auteurs de faits violents (Taylor &
Kopelman, 1984). Ensuite, un consensus s’est formé autour du fait que
la simulation d’amnésie pour diminuer l’ampleur d’une sentence était peu
plausible : des études ont montré que ceux qui déclarent une amnésie se

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dénoncent souvent eux-mêmes de leur crime (Kopelman, 1995), s’enga-


gent dans des comportements pouvant les incriminer ou bien l’avouent
sans difficulté particulière (Porter et al., 2001). Ces conclusions ont amené
les chercheurs à considérer que feindre une amnésie était surtout une
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manière de gérer l’incapacité des auteurs de certains crimes violents à
expliquer leurs actes, et de manière générale, d’en discuter avec des enquê-
teurs (donc aussi avec des enquêteurs de personnalités, psychologues et
psychiatres ; Cima, Merckelbach, Hollnack, & Knauer, 2003). De manière
plus globale, déclarer une amnésie n’est pas une garantie qu’un individu
souffre réellement d’une amnésie dissociative, et la difficulté pour des
professionnels de la santé mentale est de pouvoir distinguer réelles diffi-
cultés de remémoration et amnésies simulées.

Autres explications

Pour terminer avec cette section, et pour des raisons de concision et


de clarté du document, nous allons proposer d’autres explications alterna-
tives de façon plus succincte. Les auteurs sceptiques recommandent
d’envisager la possible survenue d’amnésies organiques, qui pourraient
être confondues avec une amnésie dissociative. Par exemple, McNally
(2007) a présenté un cas analysé et interprété par Brown, Scheflin, &
Hammond (1998) où 2 enfants sur 38 témoins d’un éclair sur un terrain
de football ayant fait un mort n’avaient aucun souvenir des faits. McNally
(2007) a alors précisé que Brown et al. (1998) avaient omis de préciser
que ces deux enfants avaient aussi été frappés par la foudre, et avaient
failli en mourir. Or, les autres enfants non frappés par la foudre se souve-
naient tous de l’événement. Ceci a amené l’auteur à conclure que
« l’amnésie chez les deux enfants frappés par la foudre résultait d’un
aspect physique, et non psychique, du traumatisme » (McNally, 2007,
p. 1084).
Une autre alternative est la question de l’amnésie infantile. Celle-ci
renvoie à une incapacité à récupérer des souvenirs épisodiques d’événe-
ments s’étant déroulés dans la (très) petite enfance. Les raisons d’une telle
incapacité tiennent dans le fait que la capacité de conserver dans le temps
des souvenirs autobiographiques et épisodiques est corrélée aux capacités
de langage et de perception de soi, celles-ci étant en développement et
extrêmement rudimentaires chez les très jeunes enfants (voir Josselyn &
Frankland, 2012). Aujourd’hui, les auteurs s’accordent à estimer l’âge
limite de notre enfance auquel nous pouvons remonter au moyen de
souvenirs épisodiques à l’âge de trois ans en moyenne, avec des variabilités

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allant de deux à huit ans (Bauer & Larkina, 2014). De plus, il semble que
les souvenirs de la petite enfance sont souvent très imprécis, puisque dans
un corpus de « premiers souvenirs », ceux-ci décrivaient davantage des
fragments de souvenirs sans détails (e.g. absence de temporalité, de souve-
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nirs d’apparences vestimentaires, de pensées précises, de conversations ;
Conway, 2013). Ainsi, une incapacité de se souvenir d’événements s’étant
produits durant la petite enfance s’expliquerait plus probablement par
une amnésie infantile que par une amnésie dissociative.
Une confusion entre l’amnésie dissociative et l’amnésie psychogène est
parfois faite, y compris par les chercheurs (Harrison et al., 2017 ; Brand
et al., 2018). Pourtant l’amnésie psychogène renvoie à un autre phéno-
mène. Celle-ci renvoie à une perte rétrograde, soudaine et massive de
souvenirs autobiographiques, qui ne pourraient être attribués à un
dommage cérébral (Kihlstrom & Schacter, 2000). De plus, elle ne
concerne pas un événement traumatique précis, mais plutôt des pans
entiers de la vie des individus, pouvant parfois aller jusqu’à une incapacité
de se souvenir de sa propre identité. Trois sous-types d’amnésie psycho-
gène ont été identifiés dans la littérature (McKay, & Kopelman, 2009) :
(i) la fugue psychogène, où des personnes perdent le souvenir de leur
identité et l’ensemble de leurs souvenirs autobiographiques, et entraînant
généralement des périodes d’errance pouvant durer des heures ou des
jours ; (ii) amnésie rétrograde psychogène focale, où les individus perdent,
de façon persistante, l’ensemble de leurs souvenirs rétrogrades, mais
conservent leurs capacités de mémoire antérograde ; (iii) le trouble disso-
ciatif de l’identité, où, d’après certains auteurs (e.g., Dalenberg et al.,
2012), le passage d’une identité à une autre entraîne une perte des souve-
nirs autobiographiques des événements vécus sous la première identité
(pour des critiques, voir Lynn et al., 2014 ; Merckelbach & Patihis, 2018).
Enfin, comme le souligne McNally (2007), le terme « psychogène » ne
signifie pas que sa cause est psychologique, mais plutôt que sa cause n’a
pas pu être identifiée comme étant organique.

Des enjeux déontologiques et cliniques

Nous l’avons largement énoncé dans le présent article : il n’existe pas


de consensus autour de la question de l’existence même de l’amnésie
dissociative. Plus important encore, les preuves en faveur de son existence
semblent, au mieux, limitées, au pire, inexistantes. Dans tous les cas, le
débat autour des souvenirs retrouvés, bien qu’annoncé comme terminé à
la fin des années 1990 par plusieurs chercheurs (e.g., McHugh, 2003 ;

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L’amnésie dissociative 299

Paris, 2012), semble toujours en vigueur. Bien que nous ayons largement
discuté des enjeux scientifiques, il reste deux enjeux qu’il convient
d’explorer : les enjeux déontologiques et cliniques.
Plusieurs articles du code français de déontologie des psychologues
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mettent l’emphase sur l’importance pour les psychologues de s’appuyer
dans leurs pratiques sur des données acquises de la science et mises à jour
(articles 21, 34, et 38). L’American Psychological Association met, elle
aussi, l’accent sur l’importance d’un tel recours dans la pratique quoti-
dienne des psychologues. Ce code énonce notamment que les psycho-
logues doivent promouvoir la confiance en la science (i.e., Préambule,
principe C), principe partagé par une grande quantité de codes de déonto-
logie à l’international (Leach & Harbin, 1997). Au regard de la contro-
verse scientifique qui existe autour de l’amnésie dissociative, et du fait
que la position majoritaire semble être le scepticisme (Dodier, 2019),
effectuer un diagnostic d’amnésie dissociative semble contrevenir aux
règles déontologiques encadrant la profession. L’argument de sa présence
dans le DSM (5e édition, American Psychiatric Association) ne saurait
alors être qu’un argument d’autorité, au regard de la faiblesse de la preuve
scientifique que représente son inclusion dans le manuel (voir supra).
D’un point de vue clinique, son diagnostic présente plusieurs limites,
et ce quel que soit le contexte de diagnostic. Nous l’avons discuté, dans
le cas où un patient n’aurait pas retrouvé de souvenirs de violences subies
durant l’enfance, un clinicien faisant l’hypothèse d’une amnésie dissocia-
tive pour expliquer un état psychologique chez un de ses patients peut
présenter le risque d’induire des faux souvenirs. Quelles sont maintenant
les limites associées à un tel diagnostic lorsqu’un patient a, par exemple
spontanément, retrouvé de tels souvenirs et en fait part à son thérapeute ?
La première est qu’un psychologue ne pourrait s’appuyer, en fait, sur
aucune base théorique solide pour conclure à un lien causal entre le trau-
matisme généré par les faits et l’oubli. Toutefois, nous savons qu’une
quantité substantielle de psychologues cliniciens croient en la théorie des
souvenirs refoulés (et donc, par extension, à l’amnésie dissociative). Une
récente analyse a montré que sur 4 745 psychologues ou psychiatres inter-
rogés, 58 % d’entre eux exprimaient un accord avec l’hypothèse selon
laquelle des souvenirs traumatiques pouvaient être inaccessibles à la récu-
pération en raison, justement, de leur caractère traumatique (Otgaar et
al., 2019). En France, 43 % de psychologues et psychiatres estimaient que
les souvenirs retrouvés dans le cadre de psychothérapies étaient pour la
plupart ou tous vrais ; cette proportion montant à 52 % chez les psycho-
logues et psychiatres intervenant aussi dans le cadre d’expertises judi-
ciaires (Dodier & Payoux, 2017). La popularité d’une croyance en

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l’existence d’un phénomène suffit-elle pour effectuer un diagnostic ? La


réponse est non. Est-il possible d’inférer un lien causal entre trauma et
oubli uniquement sur le fait que les souvenirs sont de nature traumatique,
car relatant de violences subies dans le passé ? La réponse est non. Sur
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quels éléments objectifs peuvent s’appuyer les psychologues pour déduire
ce lien causal, en l’absence de preuves scientifiques convaincantes ? Il
n’existe, à notre connaissance, aucun outil de mesure standardisé, fiable
et valide permettant d’estimer la probabilité d’occurrence d’une amnésie
dissociative. Son élaboration serait, dans tous les cas, confrontée à de
nombreux obstacles en l’absence de consensus scientifique sur son exis-
tence, et donc, par extension, sur sa description clinique.
Dans le cas où des personnes viendraient consulter un ou une psycho-
logue à la suite du recouvrement soudain de souvenirs traumatiques, il
semble important de ne pas proposer immédiatement l’hypothèse d’une
amnésie dissociative, au regard (i) de l’absence de preuves scientifiques
suffisantes, et (ii) des risques d’un tel diagnostic. En effet, un patient
pourrait chercher à retrouver des souvenirs supplémentaires, augmentant
la probabilité de développement de faux souvenirs. Il conviendrait plutôt
de s’intéresser en premier lieu au contexte d’une telle récupération (e.g.,
suggestions par un tiers, dans le cadre d’une autre thérapie, après la
confrontation à un indice contextuel, après des lectures). En second lieu,
la mise en place d’une thérapeutique adaptée devrait se focaliser sur le
traumatisme lié à la récupération d’un tel souvenir, indépendamment du
fait qu’il soit vrai ou faux, et non sur un éventuel état dissociatif dont
le trauma en tant que cause est remis en question par la communauté
scientifique.

CONCLUSION

Nous avons proposé une lecture critique du concept d’amnésie disso-


ciative. Nous avons vu notamment que l’abandon de la terminologie
« refoulement inconscient » a laissé la place à celle d’amnésie dissociative,
et que la controverse autour n’est terminée ni dans la littérature scienti-
fique (Dodier, 2019 ; Otgaar et al., 2019), ni sur le terrain clinique (e.g.,
Dodier, Patihis, & Payoux, 2019 ; Dodier & Payoux, 2017 ; Patihis, Ho,
et al., 2014 ; Patihis & Pendergrast, 2019). Pourtant, la description des
preuves utilisées en support de l’amnésie dissociative sont faibles et ques-
tionnent directement l’existence même de ce phénomène. Il est évident

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L’amnésie dissociative 301

que des recherches supplémentaires sont nécessaires. Par exemple, en


l’absence à la fois de preuves scientifiques convaincantes, d’outils de
mesure valides et fiables, et d’élément objectifs permettant d’inférer un
lien causal entre trauma et oubli, il serait pertinent d’explorer les éléments
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utilisés par les psychologues pour effectuer de tels diagnostics. De même,
il serait intéressant d’estimer la prévalence des contextes de recouvrement
de souvenirs de violences passées par des individus, qu’ils n’avaient pas
jusqu’ici. En effet, à notre connaissance, il n’existe pas de données permet-
tant par exemple, d’estimer l’importance du contexte thérapeutique dans
la récupération de souvenirs traumatiques. Ces nouvelles données per-
mettraient d’envisager la mise en place de guides pratiques supplémen-
taires à ceux existants (e.g., Hammond et al., 1995) pour aider les
professionnels de la santé mentale à agir avec et sur des souvenirs trauma-
tiques. Concernant les croyances largement partagées par le grand public
concernant l’existence de mécanismes d’amnésie dissociative, il serait per-
tinent de s’interroger sur leurs sources. Comme souligné par Otgaar,
Wang, Howe et collègues (2020), les médias et fictions (e.g., Séries TV,
films) pourraient jouer un rôle dans la dissémination de telles croyances
tant les références au refoulement inconscient des souvenirs traumatiques
semblent y abonder (Dieguez & Annoni, 2013).
Nous appelons la communauté clinique à la prudence en ce qui
concerne l’utilisation de l’amnésie dissociative dans des cadres thérapeu-
tiques, mais aussi des cadres judiciaires. Plusieurs recherches ont montré
que les professionnels de la justice avaient des connaissances plus que
limitées sur la façon dont fonctionne la mémoire (e.g., Dodier, Tomas,
Payoux, & Elissalde, 2019 ; Wise, Safer, & Maro, 2011). Il revient alors
aux psychologues et psychiatres experts de les informer sur les fonction-
nements de la mémoire dans des contextes judiciaires. Toutefois, à la vue
des connaissances, elles aussi, limitées des psychologues et psychiatres
experts judiciaires français (Dodier, 2018 ; Dodier, Melinder, Otgaar et
al., 2019 ; Dodier & Payoux, 2017), nous pouvons questionner la capacité
des experts à fournir aux magistrats, enquêteurs et avocats des explica-
tions fiables et basées sur les preuves. Il nous semble alors plus qu’impor-
tant de proposer dès les études de psychologie (et en médecine) des outils
de lecture critique des phénomènes mnésiques, certes parfois populaires,
mais pourtant largement controversés. L’éducation aux potentiels risques
associés à de telles croyances sur la façon dont la mémoire fonctionne
relève d’enjeux à la fois, donc, judiciaires, scientifiques et cliniques.

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