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REMÉDIATION COGNITIVE
Monique Plaza
in Philippe Mazet et al., Troubles intellectuels et cognitifs de l'enfant et de
l'adolescent
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Remédiation cognitive
Mo niqu e Pl aza
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Le mot remédiation, qui est un anglicisme, ne fait pas partie de notre
dictionnaire. Il signifie ce qui porte remède à et corrige un trouble par
nature surmontable, remédiable. La remédiation cognitive est issue de deux
courants qui se sont nourris, parfois partiellement recouverts. Elle s’est,
d’une part, constituée dans le domaine neuropsychologique de la réhabili-
tation cognitive pour aider des personnes dont les fonctions cognitives se
sont altérées au décours d’accidents cérébraux (d’origine traumatique ou
vasculaire). Elle a également éclos dans le domaine pédagogique pour aider
des enfants dont les stratégies d’apprentissage sont gravement compromises.
Elle est donc pratiquée avec des adultes et des enfants dans différents
cadres conceptuels, disciplinaires et institutionnels. L’entrée « Remédia-
tion cognitive » dans la banque de données Psychinfo permet de collecter
près de 150 références, dont la part la plus importante (46 p. 100) est
consacrée à la schizophrénie, le reste des publications concernant à parts
égales les troubles psychotiques, attentionnels, anorexiques, bipolaires, des
conduites, les difficultés de langage écrit et de calcul, les déficits intel-
lectuels, les addictions, les séquelles de traumatismes crâniens, certaines
maladies neurologiques (sclérose en plaques, sclérose multiple), le vieil-
lissement pathologique.
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aisément être conçus comme complémentaires. Dans la pratique psycho-
pathologique, après tout, il est admis depuis longtemps qu’un sujet puisse
bénéficier à la fois d’une psychothérapie, de rééducations et de traitements
médicamenteux. Cette complémentarité des approches est aisée lorsque nul
praticien ne s’arroge le privilège, par un effet de croyance et de dogme, de
connaître la cause des troubles et d’être seul à même d’y remédier [10].
Quoi qu’il en soit de leur caractère spécifique, certains troubles peuvent
avoir des effets en chaîne, ou rebonds, sur d’autres domaines. De proche
en proche, un trouble de l’attention ou du langage écrit peut entraîner des
difficultés scolaires, d’adaptation sociale, des perturbations de l’estime de
soi – une véritable superstructure de souffrance qui doit être identifiée et
traitée. La réponse thérapeutique ne peut donc être unique [9]. Quoi qu’il
en soit de la dimension psycho-affective de certaines difficultés de lecture ou
de mathématiques, le fonctionnement de ces apprentissages est compromis,
requérant une prise en charge souvent appelée, de façon réductrice, « symp-
tomatique », « instrumentale » ou « rééducative ». Enfin, dans certaines
pathologies (troubles envahissants du développement ou schizophrénie), les
déficits cognitifs sont associés à des troubles de la cognition sociale dont
l’une des sources est un traitement atypique de l’information perceptive.
Travailler avec les patients sur les mécanismes de base, ou leur permettre
d’en compenser les déficits, permet une fluidification de leur rapport à
autrui. Ainsi un enfant présentant un trouble du traitement visuospatial
et de l’identification visuelle des émotions d’autrui (comme le syndrome
des dysfonctionnements non verbaux de Rourke [12], pourra bénéficier
d’un détour par la verbalisation de ce qu’il ne parvient pas à percevoir.
La remédiation cognitive ne se substitue pas aux traitements médica-
menteux ou aux psychothérapies car ces trois formes de thérapeutique
interviennent à des niveaux différents. Les médicaments psychotropes
422 Aspects de la prise en charge
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Les logiciels de remédiation cognitive permettent de travailler notam-
ment l’attention, la mémoire, la perception, le langage, la résolution de
problèmes.
Pour l’attention, on propose par exemple un stimulus cible (lettre ou
graphique) affiché dans l’un des coins de l’écran. Il s’agit de repérer
rapidement, dans une série de cercles au centre de l’écran, disposé hori-
zontalement, verticalement ou diagonalement, la lettre ou le graphique
cible. Une petite tortue traverse les cercles, à une certaine vitesse. Il faut
l’arrêter au moment où elle passe dans le cercle qui contient la lettre ou
le graphique cible. On peut modifier le niveau de difficulté en faisant
varier le type de stimulus, le site de présentation du stimulus cible, la
vitesse de déplacement de la tortue sur les cercles au centre de l’écran et
le degré de précision requis pour la réponse.
Pour la mémoire, on propose par exemple une grille comportant 10 cases,
numérotées de 0 à 9. Chacune des cases contient un mot et parmi elles, il
y a 5 paires de mots identiques. Il s’agit de former rapidement les paires
de mots en utilisant le moins possible d’essais.
Le premier levier de la prise en charge – l’entraînement direct des fonc-
tions déficitaires – consiste à proposer des exercices répétés, permettant de
restaurer la fonction fragile. Le second levier – l’étayage sur les fonctions
cognitives préservées – consiste par exemple, pour un sujet qui a de bonnes
capacités d’imagerie mentale, à apprendre comment les utiliser afin de
mémoriser des informations qu’il ne parvient pas à stocker.
Le préalable indispensable à la remédiation cognitive – comme à toute
rééducation – est l’établissement du profil cognitif du patient : la défini-
tion (et la transmission) de ses déficits ou points faibles, de ses zones de
compétence ou points forts. C’est en effet à partir de cet état des lieux,
accepté par le sujet et discuté avec lui, qu’un protocole adapté pourra lui
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lement expérimenté avec des enfants atteints de trouble déficit de l’attention
avec ou sans hyperactivité. Il s’appuie sur le logiciel informatique RehaCom,
initialement développé pour des patients cérébrolésés. RehaCom permet
d’entraîner l’alerte et la vigilance, l’attention sélective, l’attention soutenue,
l’attention partagée, la mémoire de travail, la coordination visuomotrice,
la vitesse et l’exactitude du traitement automatique de l’information, les
capacités visuoconstructives, l’élaboration de stratégies et la résolution de
problèmes. Les enfants et adolescents suivent le programme pendant un an.
Le thérapeute doit être présent au début et à la fin de chaque séance, pour
déterminer avec le patient les objectifs du jour et le niveau de performance,
puis il peut s’effacer au cours de l’entraînement qui sollicite la concentration
et l’autonomie. La thérapie par remédiation cognitive (TRC) ne se limite
pas à la stimulation de fonctions déficitaires. La motivation de l’enfant, sa
relation avec le thérapeute, l’engagement des parents, la rencontre avec des
enfants souffrant du même trouble, sont autant de facteurs de succès ou
d’échec de cette prise en charge, dont les effets thérapeutiques concernent
également l’estime de soi et l’investissement des apprentissages [2, 3].
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ceux des autres et veille à la régulation des échanges. Le post-test permet
d’évaluer les changements, qui sont transmis aux apprenants.
Dans une optique également piagétienne, Claire Meljac a développé
une remédiation des troubles du calcul et des difficultés à apprendre. Les
cinq principes généraux en sont : présupposer la compétence, réinjecter le
plaisir (il est nécessaire de réussir pour comprendre), valoriser la vicariance
en multipliant les voies d’accès à un résultat, répondre aux démarches
actuelles en les utilisant, alterner les centrations sur les concepts et sur
les procédures [8].
Un autre pédagogue ayant travaillé avec Piaget, Reuven Feuerstein, a
développé son activité en s’occupant d’abord d’enfants juifs rescapés de la
Shoah. Ces enfants obtenaient aux tests des résultats dénotant un retard
intellectuel de 3 à 6 ans. Feuerstein a souligné que, si les évaluations
psychométriques pouvaient évaluer certaines connaissances des enfants, elles
ne permettaient pas de rendre compte de leurs capacités d’apprentissage. Il
importait, en changeant radicalement le regard que l’on portait sur eux, de
débloquer leurs processus intellectuels et émotionnels afin de remobiliser
la dynamique cognitive. La pédagogie de Feuerstein est la méthode de
médiation, interaction relationnelle organisée autour de l’acte d’apprendre,
qui est définie par douze critères. Elle prend en compte un sujet appre-
nant, un objet, une tâche, un médiateur, une situation d’apprentissage. La
médiation est l’aide qu’un tiers apporte à une personne pour lui apprendre à
apprendre, après avoir établi son potentiel d’apprentissage, appelé le LPAD
(learning potential assessment device ou système d’évaluation du potentiel
d’apprentissage). Apprendre est toujours possible puisque, selon Feuerstein,
le développement est par nature réversible, modifiable, quels que soient
l’âge ou le handicap de la personne. Cette philosophie résolument antidé-
terminisme fit dire à Feuerstein : « Les chromosomes ne doivent pas avoir
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l’entoure, la réalité qui est, ou celle qu’il invente. Les évocations, construc-
tions mentales des objets de perception, ne sont pas en lien direct avec
les organes des sens. L’objet perçu étant extérieur au sujet, les évocations
sont très personnelles, intérieures. Elles peuvent être fixes ou mobiles,
abstraites ou concrètes. Le champ mental peut être plus ou moins étendu
et tenir compte simultanément d’une quantité variable d’évocations. A. de
la Garanderie a étudié cinq gestes mentaux (l’attention, la mémorisation,
la compréhension, la réflexion, l’imagination) qui s’articulent entre eux
en des stratégies différentes selon les sujets. Chacun met en place très tôt
des habitudes mentales, méthodes personnelles de traitement de l’infor-
mation. Ce sont des évocations spontanées, des gestes mentaux privilégiés,
des enchaînements familiers. Mais il est possible, à tout âge, d’acquérir de
nouvelles habitudes mentales. Le dialogue pédagogique est l’instrument initial
d’analyse utilisé par le pédagogue pour aider le sujet à prendre conscience
de ses procédures mentales. Il permet de mettre au point des procédures
efficaces adaptées à la typologie de l’apprenant et d’en vérifier la pertinence
par des applications. Le projet est la disposition intérieure par laquelle une
personne met en œuvre une préparation selon les actes mentaux qu’elle
doit effectuer, car toute connaissance est connaissance intentionnelle.
Conclusion
La remédiation cognitive privilégie une approche comportementale,
elle est focalisée sur la fonction altérée et elle s’appuie sur des protocoles
expérimentaux très formatés. La remédiation pédagogique est axée sur
les stratégies d’apprentissage, elle agit sur le registre métacognitif, et elle
s’appuie sur des protocoles volontiers écologiques.
426 Aspects de la prise en charge
Bibliographie
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