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191)
Chapitre 4
Les troubles dyspraxiques
(C. Weismann-Arcache)
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Sommaire
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1. Introduction............................................................................................. 189
2. La dyspraxie, un signifiant actuel............................................................. 190
3. Perspective psychopathologique dynamique............................................ 196
4. Tableau clinique........................................................................................ 201
5. Étude de cas............................................................................................. 208
6. Perspectives............................................................................................ 225
7. Protocoles................................................................................................ 227
8. Références bibliographiques.................................................................... 239
1. Introduction
En clinique infantile, les signifiants apparaissent, disparaissent et réap-
paraissent en fonction des contextes sociaux, historiques, scientifiques. Il
en va ainsi de la dyspraxie, encore inconnue du grand public il y a quelques
années, qui mobilise les associations de parents et investit les sites Internet
et l’école, à la faveur de la loi de 2005 sur le handicap. Le signifiant dyspraxie
reste à interroger en tant que nouveau symptôme, signifiant actuel et
tableau clinique1. L’émergence de symptomatologies infantiles désignées
dans le champ du corps et du mouvement s’inscrit dans cette perspective
contemporaine qui investit narcissiquement le corps et la performance
esthétique ou sportive. Les signifiants « dyspraxie » ou « hyperactivité » font
un retour et questionnent les familles et les professionnels dans ce contexte
« hypermoderne » que Kaës (2012) fait débuter à la fin des années quatre-
vingt. Dans cette perspective, les sujets troublés sont devenus des sujets
handicapés, et parfois des sujets exceptionnels dans certains domaines. Il
est vrai que l’enfant dyspraxique est un Janus aux deux visages, qui appa-
raît à la fois « handicapé » et très compétent : il déconcerte l’entourage
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par ses difficultés d’adaptation pratique et motrice au quotidien et par sa
lenteur, mais il surprend aussi par son aisance verbale, sa grande culture,
et parfois même il peut exceller dans un sport, ou encore détenir un haut
potentiel intellectuel. Les psychologues cliniciens sont confrontés à ces
diagnostics médiatisés dont ils sont parfois bien embarrassés, d’autant plus
que le concept de comorbidité vient démultiplier ces entités, et associe
volontiers dyspraxie et haut potentiel, ou encore ce diagnostic paradoxal
et peu cohérent constitué par les « multidys ».
1. Nous nous sommes inspirée de notre article : Weismann-Arcache C. (2010), « La dyspraxie, un objet
neuroscientifique pour la psychanalyse », Neuropsychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, 58, 391-397.
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ou superflue ? Nous illustrerons notre propos par une étude de cas, Hugo,
16 ans, diagnostiqué dyspraxique et typiquement orienté par la MDPH2 vers
un parcours scolaire pour handicapés moteurs. Ce faisant, nous tenterons
de sortir du triptyque handicap-déficit-prothèse (qui concrètement aboutit
à l’usage ergothérapeutique de l’ordinateur pour l’enfant dyspraxique, sans
autre forme de procès, et d’interrogation sur cette instrumentalisation du
mouvement, de sa représentation, et de son sens dans la trace écrite), pour
revenir aux théories du développement et à une métapsychologie concernant
le processus d’investissement et de désinvestissement du système perception-
représentation mis à l’épreuve dans la dyspraxie.
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Les troubles dyspraxiques ■ Chapitre 4
et rééduqués comme tels, avec les succès ou les échecs liés aux aléas de la
relation transféro-contre-transférentielle toujours active, de notre point de
vue, dans la relation d’aide. Aujourd’hui, ces troubles deviennent « spéci-
fiques » et glissent vers le champ du handicap « cognitif », comme le précise
la loi du 11 février 2005. Ces troubles sont dits développementaux, c’est-
à‑dire indépendants de l’environnement, et de toute pathologie psychique ou
déficience. Ainsi, Vaivre-Douret (2007) les définit par la négative, évoquant
« un dysfonctionnement neuropsychologique non verbal » correspondant
aux « troubles spécifiques des acquisitions scolaires » selon la CIM-10
(Classification internationale des maladies), ces derniers étant définis
comme « un ensemble hétérogène de troubles causés par une dysfonction,
détectée ou non3, du système nerveux central (…) ».
D’une manière générale il est admis que l’enfant dyspraxique conçoit bien
les gestes mais n’arrive pas à les organiser ni à les réaliser de façon harmo-
nieuse : Mazeau utilise le terme de trouble de la programmation gestuelle
(Mazeau, 1995). Nous soulignerons également la difficulté à se représenter
les enchaînements temporels et spatiaux qui engagent la représentation des
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différentes parties de son corps en mouvement dans l’espace. Programmer
ou se représenter, voilà qui engage des conceptions différentes du sujet. C’est
sans doute dans ce glissement terminologique que se situent les enjeux épis-
témologiques, théoriques et surtout thérapeutiques. Ce flou terminologique
s’exprime dans des distinctions de plus en plus incertaines entre troubles
instrumentaux, troubles neurodéveloppementaux, troubles spécifiques et
troubles des apprentissages, véritable labyrinthe au niveau des concepts et
au niveau du parcours d’un sujet.
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Approche clinique des troubles instrumentaux
Le TAC
« Le TAC ou dyspraxie perturbe l’action motrice d’un geste intentionnel, sans atteinte
lésionnelle neurologique avérée4, et ne peut être expliqué par un retard mental, un
déficit sensoriel ni par un trouble du développement psychoaffectif » (2011, p. 444).
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comportant des analyses statistiques en cluster et des inférences cliniques,
les auteurs répartissent le TAC en 3 sous-catégories : la dyspraxie idéomo-
trice pure, la dyspraxie visuospatiale/constructive pure, et la dyspraxie mixte
qui associe les deux précédentes.
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distingués en termes de retard de développement précoce, ou de déficit plus
restreint dans la CFTMEA-R20125, qui propose l’arbre suivant au sein de
l’axe I (catégories cliniques de base) :
– 6. Troubles du développement et des fonctions instrumentales.
– 6.2 Troubles psychomoteurs.
– 6.20 Retard psychomoteur (troubles spécifiques du développement moteur).
On y trouve « les troubles d’observation précoce, dans les premières
années, s’exprimant par un retard des grandes acquisitions psychomo-
trices » (par exemple tenue assise, préhension, marche ; p. 54).
– 6.28 Autres troubles psychomoteurs. Sont classés dans cette rubrique « la
maladresse associée à des troubles de la latéralisation ou à la débilité
motrice de Dupré (maladresse, syncinésies, paratonie ou difficulté de
décontraction musculaire active), ou à des troubles dyspraxiques, une
inhibition psychomotrice, des perturbations toniques, d’autres troubles
plus restreints de l’organisation spatio-temporelle et perceptivo-motrice ».
5. Misès R. (2012), Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent R-2012,
5e édition, Presses de l’EHESP.
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On perçoit bien la difficulté à prévenir un trouble dont l’expression est
relativement tardive puisqu’il atteint l’apprentissage de nouvelles fonctions.
D’autre part, on peut penser que les bonnes capacités verbales et de raison-
nement abstrait, l’accès à la lecture des sujets dyspraxiques, s’ils masquent
le trouble, sont aussi des compétences réelles développées par ces enfants.
La question de l’hétérogénéité du développement se pose alors : doit-on
considérer que ces compétences surdéveloppées ne sont que des suppléances
destinées à masquer le trouble, ce qui suppose un modèle du développement
psychique fondé sur l’harmonie des lignes de développement ? Anna Freud
(1965) a développé au contraire une conception du développement comme
nécessairement dysharmonique, ce qui vient démultiplier les variantes de
la normale (Weismann-Arcache, 2012).
6. http://www.psynem.org/Rubriques/Psychologie_developpementale/Dossiers/Dyspraxie/
Dysfonctionnement_neuropsychologique_non_verbal.
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Les troubles dyspraxiques ■ Chapitre 4
exercées, non reconnues socialement (par la famille ; ou/et par l’école ; ou/
et par les pairs) » (Vaivre-Douret, 2003). La famille, l’entourage, la crèche
ou l’école valoriseraient ainsi certaines compétences plus estimées, plus
en adéquation avec les idéaux de l’environnement. Cette perspective est
intéressante et favorise de nouvelles recherches sur les voies complexes du
développement, mais n’y a-t‑il pas un risque de susciter le fantasme d’un
état d’harmonie et de perfection qui pourrait favoriser les processus d’idéa-
lisation, susciter un activisme thérapeutique ?
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dence sur le fonctionnement global. Ils restituent toute son importance à la
vision développementale proposée par Ajuriaguerra dès les années soixante,
réfutent la conception organiciste figée de la dyspraxie, et proposent un
classement intégratif qui met l’accent sur le trouble prédominant :
– Les formes spécifiques qui regroupent les formes sévères de dyspraxies
pures ou spécifiques, isolées ou appartenant à des tableaux polymorphes.
– Les formes intriquées à des tableaux cliniques complexes comme les
troubles envahissants du développement, l’autisme d’Asperger, les TED-
NOS ou troubles envahissants du développement non spécifiés, ainsi que
les dysharmonies et les MDD ou Multiplex Developmental Disorders, les
« multidys » associant dysphasie, dyslexie, troubles du raisonnement et
dyscalculie.
– Le troisième groupe est celui des pathologies associées sous le signe
de la comorbidité. Les auteurs considèrent que certains troubles sont
secondaires, comme l’inhibition, le trouble anxieux, l’échec scolaire, l’op-
position, voire encore le THDA ou la dyscalculie.
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une étude comparative de sujets dyspraxiques et THDA (trouble hyperac-
tivité déficit de l’attention), à partir du dessin de famille et du Rorschach.
Notre étude (Weismann-Arcache, 2006) montrait une problématique
corporelle présente dans la dyspraxie et dans l’hyperactivité et offrant des
traductions différentes : d’un agir désordonné et incessant pour l’un, à un
agir échappant au contrôle de la représentation pour l’autre. Le facteur
commun demeure une motricité insuffisamment libidinalisée suite à une
défaillance des autoérotismes. Nous allons maintenant développer ce point
de vue dynamique et holistique.
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Jumel (2008) retourne aux sources et propose une revue des premières
définitions de la dyspraxie : il cite Wallon et Denjean (1958) pour définir
les praxies comme « l’ensemble des gestes et attitudes exigés par l’acte que
le sujet se propose d’effectuer » ; dans cette perspective le trouble praxique
concernerait « la préfiguration de l’acte dans son déroulement temporel et
spatial ». Jumel convoque naturellement Piaget, pour lequel les praxies sont
des enchaînements complexes de séquences gestuelles conçues selon une
intention ou un résultat. Ce qui pourrait apparaître contradictoire selon
Jumel – la praxie est un acte selon Piaget ou la représentation d’un acte
selon Wallon – perd de sa linéarité si l’on considère l’approche dévelop-
pementale, instrumentale et psychodynamique de Ajuriaguerra ou encore
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celle de Bergès (Stambak, L’Hériteau, Auzias, Bergès, Ajuriaguerra, 1964 ;
Bergès, 2005) qui lui succède. Les fonctions psychomotrices reflètent-elles
point par point les structures neurophysiologiques qui les sous-tendent ? On
retrouverait dans cette causalité symétrique le fantasme du Minimal Brain
Damage ou de l’étiologie organique (Bergès 2004).
Les dyspraxies de l’enfant ont été décrites dès les années soixante par
des praticiens chercheurs de l’hôpital Henri-Rousselle à Paris (Stambak,
L’Hériteau, Auzias, Bergès, Ajuriaguerra, 1964), avec pour référence « les
dyspraxies constructives » de l’adulte ou difficultés à utiliser des données
et des relations spatiales pour reproduire ou construire des modèles. Ce
trouble étant plus fréquent chez les prématurés, on a recherché des atteintes
neurologiques. Dès les premières études, Bergès a une position nuancée : il
précise que, quand les troubles moteurs et psychomoteurs sont très cari-
caturaux, l’examen neurologique met pratiquement toujours en évidence
des « séquelles discrètes mais indiscutables d’atteinte neurologique » (1985,
2004). Pour d’autres sujets dyspraxiques, l’examen neurologique ne révèle
rien, et les difficultés apparaissent alors uniquement psychomotrices. F. Joly
(2009, 2010) rappelle que Ajuriaguerra (1959, 2008) est à l’origine de la
notion de trouble psychomoteur, prototype du trouble instrumental : à la
différence du développement moteur, le développement psychomoteur
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le perfectionnement de l’image » (2005, p. 4). Il ne s’agit pas d’un simple
feed-back neurophysiologique car « jamais la fonction dans son retour ne
se retrouve face au même fonctionnement » (p. 8), ce que Bergès attribue
à la production inépuisable de « signifiants ». Il veut dire par là que pour
qu’il y ait fonctionnement praxique, il faut qu’il y ait symbolisation. Bergès
introduit ici, bien que ce ne soit pas son propos, la question de la tempo-
ralité et du développement : selon Héraclite, on ne se baigne jamais deux
fois dans le même fleuve : le fleuve ne change pas de nom, son tracé sur une
carte reste le même, « mais les eaux ont coulé, les berges ont subi l’effet de
l’érosion, de nouvelles couches de terre s’y sont déposées » (Eiguer, 1999,
p. 48). Aujourd’hui, les notions de plasticité psychique et de modifiabilité
cérébrale permettent de ne plus accorder de primat à un déficit ou à une
déviance de la structure/programme en hiérarchisant les niveaux, et de
réhabiliter le développement et les déterminants pulsionnels, défensifs et
relationnels qui l’orientent et le modifient sans fin.
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dyspraxique : le flou caractérise la représentation des limites et des rapports
concernant les différentes parties du corps. Les troubles psychomoteurs
sont alors constants et sans étiologie neurologique dans la plupart des cas.
Il précise que l’association des troubles psychomoteurs et des perturbations
du schéma corporel pourrait suggérer de graves troubles de la personna-
lité dans la mesure où la gestualité inscrit le corps dans le processus de
symbolisation. Il nuance cependant son propos en précisant que cette symp-
tomatologie fréquente chez les prématurés ne saurait être systématisée du
côté de la psychose. Il laisse cette question ouverte et conclut son article en
se référant à l’image du corps en tant que réceptacle de l’expérience et de
l’histoire du sujet.
Il est vrai que la clinique de ces sujets n’est pas sans évoquer une altéra-
tion des premiers médiateurs de la relation décrits par Winnicott, handling,
holding, et object-presenting participant à la constitution d’une enveloppe
corporelle : le sujet dyspraxique souffre d’une imprécision du geste qui n’at-
teint pas sa cible, il se cogne fréquemment, ne semblant pas disposer de
ce radar invisible que constitue l’enveloppe corporelle, il n’évalue pas les
distances à partir de sa propre place dans l’univers. La construction psychique
de la réalité dépend ainsi de ce passage de la présentation de l’objet à sa
représentation et c’est l’investissement pulsionnel qui va en frayer la voie.
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3.3 De la dysharmonie cognitive à la dysharmonie évolutive
Gibello (1984, 2006) a décrit « les dysharmonies cognitives patholo-
giques » comprenant la dysgnosie, la dyschronie et la dyspraxie. Il s’agit de
décalages dans le développement cognitif qui affectent respectivement la
signification des objets courants et des règles (dysgnosie), la construction
des repères temporels (dyschronie), et enfin les praxies et la représentation
de l’espace (dyspraxie). Hétérogénéité ou dysharmonie du fonctionnement
mental supposent un anachronisme dans le développement psychique,
dont la cohérence serait mise à mal. L’anachronisme entretient en effet des
relations étroites avec la pathologie, et Freud avait relevé le rôle des déca-
lages temporels dans la souffrance psychologique, par exemple un décalage
entre le développement du moi et le développement pulsionnel peut susciter
des troubles obsessionnels liés dans cette configuration à l’avance du moi.
L’anachronisme constitue ainsi le point d’ancrage de toute la psychopatho-
logie, et ce point de vue suppose la notion d’équilibre. La métapsychologie
freudienne, qui se fonde sur un modèle psychopathologique en termes
d’anachronismes dans le développement, est également questionnée : quels
décalages ou mises en tensions l’organisation psychique peut-elle supporter
pour contraindre le développement sans dommages psychopathologiques ?
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Les troubles dyspraxiques ■ Chapitre 4
Chez l’enfant, les déséquilibres peuvent porter sur des décalages entre les
différentes lignées maturatives (motricité, langage, intelligence), se situer au
sein de la personnalité (entre le développement libidinal et l’organisation
du moi), ou encore être internes à une même voie de développement (par
exemple, une hétérogénéité cognitive avec coexistence de stades préopé-
ratoires et opératoires). On se situe alors, selon Ajuriaguerra (1981), « aux
frontières de la nosographie », titre du chapitre de la 1re édition du Manuel
de psychopathologie de l’enfant dans lequel il décrivait ces déséquilibres,
généralement associés à la notion d’immaturité, dernier avatar selon lui, du
« Minimal Brain Dysfonction ». Ce propos d’avant-garde prend aujourd’hui
tout son sens. Dans cette perspective, nous avons précédemment remis
en question la notion d’immaturité affective couramment appliquée aux
enfants à haut potentiel intellectuel, qui montrent au contraire une avance
du développement psychosexuel (2009).
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Les aptitudes verbales, réflexives, et les capacités d’abstraction des enfants
dyspraxiques s’inscrivent dans une démarche cognitive complexe en réseaux,
qui leur permet souvent d’atteindre un niveau d’études supérieures et une
insertion professionnelle de qualité. Cette complexité est actuellement
mieux prise en compte dès l’école maternelle où le redoublement est devenu
une mesure obsolète pour les petits enfants dyspraxiques, compte tenu de
leurs capacités d’apprentissage en termes de lecture, de compréhension
et d’expression verbale. Ces « nouvelles » expressions cliniques ont pour
effet paradoxal de justifier et de relancer – si besoin était – les démarches
pédagogiques individualisées associées à une diversité des médiations et des
supports d’apprentissage.
4. Tableau clinique
4.1 Les motifs de consultation
Gibello considère depuis longtemps (1984) la dyspraxie comme une forme
clinique des « dysharmonies cognitives » qui renvoient à un développement
disparate des modes de raisonnement, certaines procédures archaïques
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tient beaucoup moins de place que celle de son camarade Jean, qui cepen-
dant a dépensé au total beaucoup moins que lui. Pierre confond le cardinal
d’un ensemble avec l’étendue de cet ensemble » (2006, p. 350).
Il cite encore ce garçon de 14 ans qui sait qu’il mesure 1,55 m et estime
que la pièce dans laquelle il se trouve mesure 40 mètres de haut ; interrogé
sur la disproportion de ces deux mesures, il corrigera en disant que la pièce
mesure 70 m ! Gibello insiste sur la nécessité d’échanger avec ces enfants qui
fonctionnent sur un mode intuitif illogique quand il s’agit d’espace.
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globale du fonctionnement psychique.
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4.3 Aspects figuratifs et concrets perturbés
Les épreuves d’inspiration piagétienne demeurent un outil pertinent
pour évaluer les troubles dyspraxiques, dans une visée diagnostique et/ou
de recherche, ce qui était aussi la démarche de Bergès. Dans la mesure où
ces tâches font appel à des activités cognitives proposées à l’école, telles que
les activités de sériation, de classification, d’utilisation du nombre, l’investi-
gation clinique de ces opérations cognitives peut servir de repérage lors de
la première consultation. Les échecs sont caricaturaux dans les tâches qui
mettent en jeu les notions spatiales, la notion d’origine (sérier des baguettes
sur une base commune imaginaire) et la représentation imagée, avec des
échecs massifs aux épreuves de « conservation ».
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en raisonnement pourront réaliser une reproduction de meilleure qualité
à la restitution de mémoire. Ce processus est également observé dans des
tâches scolaires comme les opérations numériques, soustractions, additions
et multiplications « à retenue », que l’enfant préfère effectuer mentalement
pour ne pas être induit en erreur par le facteur visuospatial s’il pose l’opé-
ration sur une feuille.
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le point de départ du dessin ou d’articuler les différentes parties du corps.
L’image du corps se projette ainsi dans l’espace graphique, ce qui donne une
sorte d’enveloppe corporelle vide.
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4.7 Psychopathologie
C’est ainsi que les anciens (Bergès et Balbo, 1994 ; Bergès, 2004 ; Gibello,
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1984, 2006 ; Ispanovic-Radojkovic, Meljac, Bergès, 1982) considèrent la
dyspraxie comme un trouble de la fonction opérative qui permet de se
représenter les transformations qui peuvent être appliquées aux objets :
l’objet, qui change de place ou se transforme, perd son identité pour le sujet
dyspraxique. Gibello (2006) se réfère à une perspective kleinienne pour
inscrire cette discontinuité de la représentation au niveau du maintien du
clivage de l’objet. Le retour de l’objet total à sa discontinuité permet d’éviter
l’angoisse dépressive, et Gibello considère cette limitation cognitive comme
une défense maniaque (1984). Précisons que pour Bergès et Balbo (1994),
c’est également la fonction figurative (les traces sensorielles sous forme
d’images visuelles, acoustiques) qui est défaillante, du côté de ce que Freud
décrivait comme étant les représentations de choses, par oppositions aux
représentations de mots. Jugement d’attribution et jugement d’existence
tricotent les mailles croisées de la réalité, interne et externe, en tentant
d’en démêler les fils. Chouvier et Roussillon (2004) proposent in fine de
considérer la réalité à la fois comme une donne immuable et comme un
objet trouvé-créé, construite sur les vestiges de l’absence et survivante de la
destructivité. Nous avions envisagé certains hauts potentiels comme la mise
en surrégime du jugement d’existence, à partir d’un surinvestissement des
mots, des représentations verbales qui auraient une valeur antitraumatique
par rapport à l’angoisse de perte (Weismann-Arcache, 2007b).
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déni ou l’omnipotence. S’il est exact que les dysharmonies cognitives sont
fréquentes dans les organisations limites de l’enfant, l’inverse ne se vérifie pas
systématiquement. Marcelli insiste sur les aspects relationnels et symbolisés
de ce symptôme qui peut être gradué sur une échelle qui irait de la simple
maladresse à une émotivité envahissante et à une faible distinction entre
soi et l’environnement.
5. Étude de cas
Hugo est âgé de 16 ans 3 mois au moment du bilan psychologique. Il
est scolarisé en 3e dans un Établissement régional d’enseignement adapté
pour élèves handicapés moteurs et valides, rattaché à un Centre de soins et
de rééducation (CSR). Nous le rencontrons dans le cadre d’une recherche
universitaire sur les troubles dysharmoniques, avec son consentement
éclairé et celui de ses parents. Une dyspraxie visuospatiale a été diagnosti-
quée par un neuropédiatre et un neuropsychologue. Hugo a présenté une
grave phobie scolaire en 6e, ce qui a enclenché les consultations et l’orien-
tation. Il se plaint également de troubles du sommeil. Il a une sœur âgée de
12 ans diagnostiquée autiste d’Asperger.
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Les troubles dyspraxiques ■ Chapitre 4
Hugo est un adolescent à l’allure guindée, qui ne croise pas le regard, qui
s’exprime volontiers mais de manière désaffectivée. Il évoque d’emblée ses
difficultés scolaires en lien avec la dyspraxie : ainsi, il est gêné en mathéma-
tiques et en géographie, mais il apprécie l’histoire et le français. Il se décrit
comme timide et évoque son manque de souplesse physique et la nécessité
de séances de rééducation psychomotrice et de kinésithérapie. Enfin, les rela-
tions avec ses parents sont évoquées de manière très contrastée, avec un père
exigeant qui l’oblige à faire du vélo et une mère proche et compréhensive.
On notera que tous ces thèmes sont systématiquement reliés à la ques-
tion du handicap, le sien et celui de sa sœur. C’est un adolescent solitaire,
qui nous répond que c’est difficile d’inviter « des fauteuils roulants » quand
nous l’interrogeons sur ses relations amicales. Il n’aime pas « les groupes »
et s’entend mieux avec ses professeurs qu’avec ses pairs. Il lit beaucoup ou
joue à des jeux vidéo, et communique peu avec sa sœur.
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Hugo bénéficie de multiples prises en charge : orthophonie, psychomotricité,
ergothérapie. Il a également participé à un groupe socialisation dans le cadre
d’une thérapie comportementale.
Hugo investit bien les différentes épreuves du bilan mais il est facile-
ment déconcerté par les modifications de présentation du matériel et de
consignes. L’évitement du regard est très manifeste, et l’étayage relationnel
est peu utilisé.
209
Approche clinique des troubles instrumentaux
5.1 Le WISC-IV
Aspects quantitatifs
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points forts sur le plan statistique, et le subtest Code (2) apparaît comme
un point faible, ce qui corrobore les écarts interindices. En revanche, si l’on
calcule séparément les moyennes à chaque indice, ce qui est recommandé
compte tenu de la disparité, seul le subtest Similitudes apparaît alors comme
un point faible de l’Indice de Compréhension Verbale, les autres indices
étant homogènes.
210
Les troubles dyspraxiques ■ Chapitre 4
affective, quand ils sont « chutés ». Une analyse qualitative est nécessaire
pour évaluer les enjeux affectifs, défensifs et relationnels impliqués dans
chaque indice et à travers les réactions de Hugo à ces différentes épreuves.
Analyse qualitative
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les soubassements identitaires et identificatoires ne sont pas en jeu, Hugo
se montre très performant : il obtient le score de 17 au subtest Vocabulaire
avec des définitions bien organisées et en appui sur un vocabulaire de haut
niveau. On notera cependant l’échec surprenant à l’item « transparent »,
pour lequel Hugo donne cette définition : Au sens propre ? Qui reflète
notre visage. À nouveau, c’est l’enjeu identitaire qui semble désorganiser la
pensée, avec une réponse qui fait appel à l’investissement narcissique. Cette
hypothèse sera à confirmer avec les épreuves projectives. Enfin le subtest
Compréhension obtient le résultat le plus élevé, Hugo se montrant à l’aise
avec une connaissance des conventions collectives solidement arrimée à des
formations réactionnelles destinées à le protéger de tout envahissement
affectif et de toute poussée pulsionnelle qui seraient pourtant attendus
à l’adolescence.
211
Approche clinique des troubles instrumentaux
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on ne sait si elle est esquivée ou distordue.
212
Les troubles dyspraxiques ■ Chapitre 4
La copie est lente (6’ 35”, percentile 10) et elle est réalisée par juxta-
position des éléments. Hugo part de la croix de gauche et poursuit par le
demi-rectangle de gauche qu’il remplit, toujours par contiguïté : ainsi, les
diagonales du petit rectangle intérieur sont en fait des demi-diagonales.
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L’axe vertical médian est ensuite tracé en deux fois, et se poursuit jusqu’à
la croix inférieure, ce qui induit une confusion intérieur/extérieur, avec une
double scission (sorte de couloir médian) entre les parties droite et gauche de
la figure. La partie droite est ensuite recopiée selon les mêmes procédures,
privilégiant la juxtaposition à défaut de schème conducteur.
213
Approche clinique des troubles instrumentaux
5.3 Le Rorschach
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Clinique de la passation
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Les troubles dyspraxiques ■ Chapitre 4
Processus de pensée
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Les rares réponses globales interviennent aux planches noires et dans
une approche passive, voire conforme, associée à un contenu déshumanisé
ou non sexué quand il s’agit de représentations humaines, plus accessibles
pour les représentations animales banales : Un robot futuriste (planche I),
deux personnes qui font un combat d’art martial (planche II), un papillon
(banalité, planche V). Cette dernière réponse fait d’ailleurs immédiate-
ment l’objet d’un déni perceptif : pas tout l’ensemble, là des ailes et là
des antennes. La comparaison avec les stratégies utilisées à la figure de
Rey s’impose : Hugo évite l’exploration des découpes et reste à la surface,
privilégiant éventuellement les éléments extérieurs (à la figure de Rey, et
Dd de bordures au Rorschach) au détriment de l’intériorité.
7. Azoulay C., Emmanuelli M., Corroyer D. (2012), « Schéma d’interprétation des données projectives
du Rorschach et du T.A.T. », Nouveau manuel de cotations des formes au Rorschach, Paris, Dunod.
215
Approche clinique des troubles instrumentaux
Au niveau des contenus, bien que le H % soit dans les normes, la prédomi-
nance des détails humains est un élément préoccupant, avec une centration
exclusive sur les « bras humains », ou sur « des mains humaines » (planches I,
II, V, VI, VII). Ces persévérations correspondent, certes, à une surdétermi-
nation du signifiant « mains » ou « bras » qui sont les parties du corps les plus
sollicitées dans les praxies et dans la relation, à commencer par la relation
à soi vécue dans l’autoérotisme. Le pléonasme « des mains humaines » vien-
drait dire le trouble identitaire masqué par la dyspraxie symbolisée par ce
signifiant « main ». Dans ce sens, on relèvera aussi « le visage humain » de la
planche VII, expression surdéterminée d’une quête identitaire.
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fragile, tout comme l’adaptation à la réalité
Toutes les planches sont traitées avec les mêmes procédures qui
privilégient toujours une approche parcellaire, posant la question d’un
mécanisme d’isolation, d’une non-intégration précoce de la structure
du corps, ou d’une désintégration plus tardive renvoyant dans les deux
derniers cas à des troubles identitaires. Cependant, les trois réponses
globales du protocole sont en bonne forme et permettent à Hugo d’assurer
une représentation de soi stable mais dévitalisée (planche I, « un robot
futuriste ») ou asexuée (planche II, « deux personnes qui font un combat
d’art martial »), ou encore annulée dans un second temps (planche V, « pas
tout l’ensemble [un papillon] là des ailes et là des antennes »).
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Les troubles dyspraxiques ■ Chapitre 4
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avec des réponses inadéquates sur le plan formel, malgré une certaine
sensibilité au contenu latent (planche à symbolisme phallique) percep-
tible dans les contenus : « un long cou », « des coqs », « des groins ». La
planche VI autorise une seule réponse D en bonne forme, « un papillon ».
217
Approche clinique des troubles instrumentaux
qu’elle est moins uniforme, plus colorée ». La couleur est perçue à cette
planche comme un élément de délimitation facilitateur sur le plan de la
reconnaissance perceptive, contrairement à la planche VII, choisie comme
la moins aimée car « trop grise à mon goût, trop uniforme ».
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De notre point de vue, cet investissement intellectuel en secteur, mais
fragile, associé à une désinsertion de la réalité constituerait une défense
quasi autistique mise en place très tôt. La sécheresse de ce protocole et l’ab-
sence d’imagos parentales destructrices ne vont pas dans le sens d’angoisses
psychotiques désintégratives, mais plutôt « en termes de non-intégration,
en contraste avec la désintégration plus explosive et destructrice de la
schizophrénie » (Haag, 1985). Cette proposition va être mise à l’épreuve
du TAT.
5.4 Le TAT
Clinique de la passation
218
Les troubles dyspraxiques ■ Chapitre 4
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Les procédés du discours et l’organisation défensive
219
Approche clinique des troubles instrumentaux
Problématiques
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trice (maternelle, planche 5) suscitant dans les deux cas de l’agressivité,
et la disparition irréversible de l’objet œdipien comme de celle du rival.
La recherche identificatoire s’appuie tantôt sur la réparation comme à la
planche 8 BM où un garçon sauve son père, et tantôt sur la toute-puissance
comme à la planche 4 où un nourrisson autosoignant s’éloigne pour protéger
le couple parental. La projection est alors préférée à la réalité et permet la
réalisation des désirs parricides qui laissent paradoxalement intacte une
figure paternelle idéalisée :
220
Les troubles dyspraxiques ■ Chapitre 4
toute-puissance. Les récits aux planches plus archaïques du TAT (11 et 19)
permettent de mieux comprendre le recours à la toute-puissance et montrent
que la destructivité primaire n’a pu être contenue par le système de pare-
excitation maternel, et que le gel de la relation est intervenu précocement :
« C’est un tableau exposé par un nouveau peintre dans un musée célèbre de
Londres, qui est inconnu et exposé dans un musée et ça plaît au grand public… »
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important dans des récits permettant l’évocation d’objets absents au TAT,
avec l’introduction de personnages en appui sur ses propres représentations
mentales.
221
Approche clinique des troubles instrumentaux
Le TAT vient nuancer ces traces autistiques et révèle davantage leur rôle
défensif contre la perte de l’objet. Hugo n’ayant pu acquérir ni autonomie ni
plaisir de fonctionnement auprès d’une mère qui redoutait le plaisir autoéro-
tique de son enfant, a développé un travail du négatif qui lui permet au pire
de démanteler l’objet pour en conserver des éléments partiels, au mieux de
le cliver pour en maîtriser les qualités. L’appui sur les positions phalliques
est insuffisamment assuré et Hugo semble identifié aux aspects les plus
rigides et les plus sévères de ce père à la fois exigeant et fragile. N’ayant
pu explorer ni le monde, ni son propre corps, il ne peut utiliser ses mains
que de manière gauche et rater à la fois l’objet et la satisfaction du désir.
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L’identité est construite sur ce retrait qui isole des sollicitations objectales
mais ne protège pas des sollicitations pulsionnelles pubertaires. C’est ainsi
que l’on peut comprendre la phobie scolaire apparue à l’entrée au collège.
222
Les troubles dyspraxiques ■ Chapitre 4
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Misés (1981) a proposé le concept de dysharmonie évolutive afin de
mettre au jour les articulations entre l’investissement épistémophilique
et les aménagements pulsionnels, défensifs et relationnels de ces sujets. Il
indique que les troubles instrumentaux sont particulièrement décalés et
hétérogènes : dysphasie, dyspraxie et dysgnosie rendent compte des modes
d’investissement, de désinvestissement ou de surinvestissement des fonctions
instrumentales, et pèsent elles-mêmes sur les relations d’objet, les réponses
de l’entourage et l’évolution de la personnalité (Weismann-Arcache 2012).
Il souligne la nécessité d’une approche pluridisciplinaire en lien avec l’inter-
réaction de facteurs organiques, relationnels et sociaux qui participe à la
construction de tout enfant. Il va examiner les différentes configurations
et articulations entre ces déterminants multiples, sans les renier : il s’agit de
maintenir un écart organoclinique qui permette une mise en perspective du
dysfonctionnement cérébral et des troubles relationnels et de la personnalité.
Cet axe synchronique est complété par un axe diachronique qui envisage
l’évolutivité des troubles. Nous signalons que, dans la perspective dévelop-
pementale psychanalytique, A. Freud (1965) avait évoqué avant l’heure les
organisations dysharmoniques de type dyspraxique, et leur compréhension
s’en trouve très enrichie : elle évoquait le cas d’enfants présentant une intel-
ligence verbale très développée, au détriment de l’autonomie corporelle, du
223
Approche clinique des troubles instrumentaux
À cet égard, la prise en charge dont bénéficie Hugo suit en partie les
recommandations de Bergès qui ne néglige pas non plus les rééduca-
tions ophtalmologiques et orthoptistes (1985) pour traiter les surcharges
phobiques, les aberrations perceptives et les troubles de l’équilibre postural.
En revanche Bergès constate l’échec total des rééducations en psychomo-
tricité portant sur « le corps en mouvement, sur l’espace agi comme sur
l’espace topographique » (1985, p. 379).
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rapport aux investissements libidinaux autoérotiques et relationnels, une
psychothérapie familiale devrait pouvoir être proposée. Contrairement à la
notion de handicap, le concept de dysharmonie évolutive souligne l’articula-
tion entre diagnostic et pronostic, dont on ne peut faire l’économie lorsqu’il
s’agit d’un enfant : l’aspect paradoxal de la dimension évolutive signifiant
également certaines possibilités de reprise dans un contexte thérapeutique
et éducatif favorable. Nous soulignerons, avec la plupart des auteurs cités,
la pertinence des psychothérapies fondées sur le langage pour ces enfants
dyspraxiques en quête de « mots phares » et de sens. Oublier que le préfixe
« dys » renvoie à la dysharmonie, c’est occulter les possibilités verbales
et d’abstraction extrêmement développées de ces sujets, qui leur permet
des mises en relation à partir du moment où ils sont accompagnés dans
le développement des fonctions sémiotiques, relationnelles et transféren-
tielles du langage. Dans ces conditions, la dyspraxie apparaît bien comme
l’arbre qui cache la forêt, comme l’expression symptomatique d’un trouble
de la relation, mais induit un rapport singulier au réel, et la nécessité d’une
transmodalité, que nous proposons d’approfondir pour conclure.
224
Les troubles dyspraxiques ■ Chapitre 4
6. Perspectives
6.1 Le statut de la réalité, ou comment enfiler ses chaussettes
Dans son article de 1925 intitulé « L’inconscient », Freud (1925c) a montré
comment le mot assimilé à la chose devenait chez les schizophrènes une source
d’angoisse directe, non symbolisée. Il donne l’exemple d’un jeune homme qui
a le plus grand mal à enfiler ses chaussettes car l’écartement des mailles de la
chaussette le renvoie au trou qui est clairement identifié par lui comme étant
le symbole du sexe féminin. Freud émet alors l’hypothèse selon laquelle les
schizophrènes traitent les choses concrètes comme si elles étaient abstraites.
Il constate d’ailleurs – à regret – que ce mode de pensée qui privilégie la
représentation de mot sur la représentation de chose, l’abstrait sur le concret,
ressemble beaucoup au langage philosophique, pour lequel nous soulignons
que les sujets dyspraxiques peuvent manifester une grande appétence.
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représentations de mots. Le penseur ou le philosophe distrait qui sort de
chez lui en pantoufles – sans chaussettes – pourrait bien être la carica-
ture du dyspraxique. Est-il pour autant psychotique ? On serait tenté de
le penser compte tenu du rapport particulier à la réalité de certains sujets
dyspraxiques : Hugo illustre bien le vécu de l’enfant dyspraxique, entre
perception, illusion et hallucination (Korff-Sausse 2007). Korff-Sausse
s’interroge également sur la vision du monde de l’enfant dyspraxique et
sur la traversée de moments psychotiques ne signant pas forcément une
organisation psychotique (2007).
225
Approche clinique des troubles instrumentaux
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permet au bébé de « toucher avec les yeux » et de « voir avec les mains ». Le
sujet dyspraxique se trouve confronté à la nécessité de modifier ses percep-
tions en les transférant d’un registre sensoriel à un autre : du spatiovisuel
au verbal ou du concret à l’abstrait. Ce transfert d’une modalité sensorielle
à une autre est actuellement redécouvert sous le terme de « transmodalité »
ou « amodalité ». Il s’agit, en réalité, d’un problème philosophique ancien,
connu au xviie siècle sous le nom de « problème de Molyneux » : ce savant
demanda au philosophe Locke de l’aider à établir si un aveugle de nais-
sance recouvrant la vue à l’âge adulte pourrait reconnaître et distinguer
visuellement deux formes, un cube et une sphère qu’il aurait manipulés au
temps de sa cécité. Ce débat mobilisa d’autres penseurs célèbres et les philo-
sophes de la perception, Hume, Condillac, Diderot, Voltaire : des données
spatiales peuvent-elles être saisies selon d’autres modalités sensorielles, et
quels sont la nature de nos perceptions et leur lien avec le sens que nous
leur donnons ? Plus tard, Rimbaud illustrera ce transfert sensoriel dans son
poème « Voyelles » (1871), associant à chaque voyelle une couleur et une
tonalité affective.
226
Les troubles dyspraxiques ■ Chapitre 4
7. Protocoles
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Tableau 4.1 – Roschach
Rorschach
Planche I
1 – V 14” ça me ferait penser (Robot ?) Oui, à cause de ça, ____ (H)/archit.
à une espèce de robot futuriste au départ une espèce de portail
2 – Ou une espèce de portail (D central), des espèces d’ailes. D F – Archit.
(ça m’inspire pas grand-chose). Dd9 inférieur à gauche.
3 – Des petites formes là, des Dd F – H
bonshommes Dd11 (« jupe » femme)
4 – V Et là un ours, surtout la DF–A
tête. EL (L animal ?) Au départ
5 – Et là un petit peu des mains. un loup (dans Dd supérieur) Dd F + Hd
2’ 16”
Planche II
6 – 8” Ça pourrait faire penser À cause des 2 mains qui se GK+H
à deux personnes qui font un frappent. (Homme ou femme ?)
combat d’art martial. Peu importe.
7 – Ou alors ça pourrait faire D F + A à Ban
penser à des animaux comme…
8 – Là ça me ferait penser à
des petits taureaux, là on dirait D rouge sup. À cause DF–A
des cornes. des cornes.
9 – Et la forme ronde ça me
ferait penser à un oursin. 3’ D rouge inf. À cause de l’espèce DF–A
de bout rouge et des piquants.
227
Approche clinique des troubles instrumentaux
Rorschach
Planche III
10 – 15” Là ça ferait penser Dd10. Dd F + Vêt.
à une chaussure à talon aiguille, Enquête limites (personnes ?) → Di
à une chaussure à talon, toute J’avais songé à des canards mais
simple. non, on peut imaginer deux
têtes. Di (le corps ?). Là j’aurais
vu le cou, le corps, et j’aurais
pas vu les pieds (Ban).
11 – < Là ça m’évoque deux
hippocampes.
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fait penser à des coqs.
15 – Et là ce petit bout ça me Dd8 bout de la botte. Le groin. Dd F – Ad
fait penser à des cochons, des
groins. Dd33 (bas du D central
16 – V Et là ça me fait penser « queue »). À cause de ça. Dd F – A
à un insecte. Dd21 (dans « épaule » habituelle)
17 – Et là à une espèce de Dd F – A
chauve-souris. C’est tout. 2’23’’
Planche V
Il faut que je trouve à chaque
fois quelque chose ou c’est
pas… ?
18 – 20” Là ça me fait penser G F + A Ban
à un papillon,
19 – pas tout l’ensemble, là des Di Di F + A
ailes et là des antennes.
20 – Là ça me fait penser un Dd1 (latéral sup.) D F – Hd
petit peu à un bras humain…
et c’est tout. 1’47’’
Planche VI
21 – V 1/V 16” Là encore D3 supérieur. À cause de ça, DF+A
un papillon les ailes.
22 – Là comme un espèce Dd7 (sup.) Dd F – Objet
de bout de bâton.
23 – Là un bras humain avec Dd9 (saillie latérale). Dd F – Hd
le poing fermé au bout. (G ?) Non.
C’est tout. 1’ 14’’
228
Les troubles dyspraxiques ■ Chapitre 4
Rorschach
Planche VII
24 – 12” Là ça me fait penser D1 (tiers supérieur) parce que là D kp + Hd
à un visage humain qui fait face on aurait dit un œil qui regarde
à quelque chose. quelque chose fixement.
D6 (partie médiane du tiers
25 – Là ça m’évoque une porte inférieur) D F – Archit.
de saloon comme dans Et, je crois, un pistolet.
les western.
1’ 30”
Planche VIII
26 – 11” Là ça m’évoque une À cause de la forme, on dirait D F + A Ban
panthère. la tête de la panthère, ses pattes
et son corps.
27 – < Des mains humaines. Dd28 (extrémité latérale D gris) Dd F + Hd
28 – Là, un pistolet. C’est tout. Dd25 (partie rose dans le bleu) Dd F – Objet
1’22
Planche IX
29 – 20” VL Là ça me fait penser Dd30 (partie inf. de l’axe Dd F + Objet
à une poignée d’épée. médian).
30 – < Là, à des canons. Dd7 (extrémité tache orange). Dd F – Objet
31 – V Là ça me fait penser Dd 24 (extrémité D vert). Dd F – Géo
à un bout d’Europe. C’est tout. Ça m’a fait penser à la Norvège
1’ 30”
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Planche X
32 – 15” Là ça me fait penser D7 brun latéral DF+A
à un crabe.
33 – < Là, à une partie d’Europe. D9 rose. On dirait un peu D F – Géo
la Finlande, la Norvège
34 – V Là des hippocampes. et la Suède.
D10 Vert DF+A
35 – _ Là des sauterelles.
Dd43 (D vert sup.) Dd F – A
– Choix + planche X, parce qu’elle est moins uniforme, plus colorée, plus vive.
– Choix – planche VII, parce qu’elle est trop grise à mon goût, trop uniforme.
– Planche « père » IV, parce que mon père il est obligé de beaucoup travailler, alors empêtré
dans son travail, à cause de la forme là (D « queue »), qui semble accrochée à cette forme-là.
– Planche « mère » VIII, à cause des formes de panthère, parce qu’elle se bat pour nous (les
enfants).
229
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Figure 4.1 WISC-IV
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Les troubles dyspraxiques ■ Chapitre 4
TAT
I. – C’est quoi là ? (Hugo répète la consigne)… 20’’ – C’est un garçon, il a du mal à l’école et
il a une passion en particulier, c’est la musique, et il espère aller au conservatoire de Paris
mais il rate son auditoire parce qu’il y a un accord très compliqué. Et un jour après un échec
cuisant il casse son instrument. Et il va chercher le vieil instrument de son père, et là il a le
déclic et il arrive à faire l’accord compliqué. Et quelques mois plus tard il retourne à l’auditoire,
il y arrive et entre là où il espérait aller. 1’ 12”
Hugo évoque le fait qu’il n’aime pas les sports collectifs.
III BM – 23” – Donc c’est une fille qui vit, euh qui… (Hugo demande quand le mariage forcé
a été aboli) qui est désespérée parce que ses parents veulent la marier à un riche bourgeois,
et elle, elle est éprise d’un jeune homme extrêmement pauvre et elle décide de faire la grève
de la faim… Seulement un beau jour, au riche bourgeois il y a ses terres qui lui sont reprises,
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parce qu’il a parié ses terres justement au jeune homme, et il devient extrêmement pauvre.
Et la jeune fille obéit à ses parents. Et il y a un somptueux mariage et ils furent heureux et
eurent beaucoup d’enfants. (3’ 10”)
IV – Ça peut être une histoire courte ? 28” – Donc c’est un couple de fiancés dont le mari part
à la Seconde Guerre mondiale, un couple de fiancés. Et le mari, quand la guerre se termine
par capitulation des Allemands, il revient très affecté par les horreurs qu’il a vues. Et c’est
difficile parce qu’il a besoin d’être seul un moment, et ils ont une petite fille en bas âge. Elle
dit « sans moi vous pourrez jamais améliorer la situation » et elle part dans un pensionnat et
elle revient quelques années après, le couple s’est ressoudé. 2’ 42”
V – 22” – C’est une très riche bourgeoise anglaise qui décide de léguer toute sa fortune à son
mari alcoolique, en dépit de ses enfants. Y a les enfants qui ont commencé à la menacer, mais
elle leur dit fermement de se taire alors ils s’exécutent et ils vont fermement chacun dans
leur coin. Elle va se coucher et le lendemain on la retrouve morte. Alors il y a une enquête et
on arrête un des fils. Les inspecteurs découvrent que c’est un policier qui l’a tuée parce que
c’était un fils méconnu qui voulait profiter de la fortune de sa mère. 2’ 10”
VI BM – J’ai peur de devenir lassant. C’est une dame dont le mari est parti à la guerre qui
attend impatiemment son retour. Et un jour alors que la guerre est finie et qu’elle l’attend, y a
plusieurs hommes en noir qui viennent : « Madame, nous étions avec votre mari, il est mort
au siège de Budapest, un Allemand lui a tiré une balle dans la tête. » Alors la dame touche la
pension et reste endeuillée jusqu’à la fin de ses jours. 2’
VII BM – 18” – C’est deux vieilles connaissances qui se rencontrent dans un bar londonien
euh… et qui se racontent les derniers événements en date qui se passent dans le monde…
Et à la fin de leur discussion ils quittent le bar après avoir réglé la note et ils promettent de
se revoir et de s’écrire. (1’ 12”)
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Les troubles dyspraxiques ■ Chapitre 4
VIII BM – Je vais devoir aller au bout de toutes ces fiches ? Je suis obligé de prendre tous les
éléments ?
20” – C’est un homme qui pendant la guerre est blessé par un éclat d’obus comme tant
d’autres et il a besoin d’être opéré d’urgence. Et il y a un garçon qui arrive dans le sable
en criant « Ne faites pas ça, mon père a une grave maladie au ventre, il faut consulter tel
chirurgien » ! Et le père peut être sauvé grâce à l’intervention de ce chirurgien. (1’ 30”)
X – 23” – C’est un couple qui danse pendant un bal organisé par un de leurs amis, et qui
discute du bon vieux temps. (51”)
XI – Ça se regarde comment ?
23” – C’est une voie de train qui a été bombardée par des chasseurs allemands, par des avions
de chasseurs. (50”)
XII BG – 21” – Ce sont deux pêcheurs qui prennent leur barque et qui vont pêcher à leur coin
habituel des truites pour nourrir leurs familles, comme la nourriture est encore difficile
d’accès. (64’’)
XIII B – 14” C’est un gamin qui habite un des quartiers pauvres de Lyon qui regarde un défilé
de gueules cassées qui reviennent du champ de bataille… (fin ?)… à la fin y a une alarme qui
sonne, des avions allemands arrivent et il court se réfugier dans un abri antiaérien. (1’ 20”)
XIX – 112” – C’est un tableau exposé par un nouveau peintre dans un musée célèbre de
Londres, qui est inconnu et exposé dans un musée et ça plaît au grand public… (qui représente
quoi ?) Les rêves. (21”)
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XVI – Hugo tourne la planche.
25” – C’est un jeune homme qui est poursuivi par des chiens un peu particuliers (Hugo
sourit), déjà ils parcourent deux mètres en un seul pas, et ensuite ils crachent du feu par leur
gueule, le jeune homme plonge dans une rivière et les chiens le suivent pas parce qu’ils ont
horreur de l’eau. Une pierre apparaît et le jeune homme décide de la prendre. C’est inspiré
d’un roman, Eragon.
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